[Enregistrement électronique]
Le jeudi 7 décembre 1995
[Traduction]
Le président: Aujourd'hui, nous commençons notre étude du projet de loi C-106, Loi concernant la Commission du droit du Canada.
Nous accueillons des haut fonctionnaires du ministère de la Justice: Richard Mosley, David Paget et Deborah McCorkell-Hoy.
Vous avez la parole. Je suis certain que vous savez comment nous procédons.
M. Richard Mosley (sous-ministre adjoint, secteur de la Politique pénale, ministère de la Justice): Merci, monsieur le président.
Monsieur le président et messieurs et mesdames les membres du comité, mes collègues et moi comparaissent devant vous aujourd'hui au nom du ministère de la Justice pour vous communiquer de l'information sur la proposition du gouvernement visant à créer une nouvelle Commission canadienne de réforme du droit, ainsi qu'il l'avait annoncé en janvier 1994 dans son discours du Trône.
L'abolition de l'ancienne Commission de réforme du droit en 1992 a suscité des critiques dans le milieu juridique quant à la nécessité pour le gouvernement, le Parlement et la magistrature de recevoir des avis indépendants en matière de réforme du droit. Les consultations approfondies tenues par le ministère de la Justice ont révélé un solide appui en faveur d'une nouvelle commission chargée de fournir des avis indépendants.
[Français]
Il s'agit d'une commission multidisciplinaire investie d'un mandat global et mettant l'accent sur la rationalisation du système de justice. Afin de distinguer la nouvelle commission de l'ancienne, on adopterait le nom de Commission canadienne du droit. Le préambule de la loi établirait un cadre d'orientation et exposerait la philosophie qui régirait les travaux de la commission. Il énoncerait les principes qui sont ressortis des consultations et annoncerait une nouvelle approche de la réforme du droit, à savoir une approche fondée sur la transparence, la globalité et la réceptivité, la pluridisciplinarité, l'innovation et l'efficacité par rapport aux coûts.
[Traduction]
La commission se verrait confier un mandat différent de celui de l'ancienne commission en ce qu'elle prêterait davantage attention au processus de la réforme et aux intéressés participants à ce processus. Au terme de l'article 3 du projet de loi, elle remplirait le mandat suivant: «Tout en respectant les principes et les institutions des régimes de common law et de droit civil, étudier et examiner systématiquement le droit du Canada, d'une part, et fournir au gouvernement des avis indépendants sur les améliorations, la modernisation et la réforme».
En effet, la commission examinera les mesures à prendre pour rendre le système juridique plus efficient, économique et accessible. La nouvelle loi vise aussi à promouvoir activement l'établissement de partenariats, par exemple avec le milieu universitaire, en vue d'assurer la coopération et l'efficience des efforts de réforme du droit.
Un important aspect de la proposition réside dans l'équilibre particulier qui s'établirait entre l'indépendance de la commission et l'obligation pour celle-ci de rendre compte de ses activités. La commission serait un organisme indépendant qui rendrait compte au Parlement par l'entremise du ministre de la Justice et qui établirait son propre programme. Pour assurer un équilibre, la loi prévoirait que la commission consulte le ministre avant d'arrêter son programme.
La loi conférerait au ministre de la Justice le pouvoir de renvoyer toute question à la commission, à condition qu'il consulte la commission au préalable. Par l'entremise du ministre de la Justice, la commission déposerait ses rapports d'étude, ses programmes et ses rapports annuels devant le Parlement. De même, le ministre serait tenu de donner suite à tout rapport qu'il recevrait de la commission.
[Français]
La commission recevrait des avis indépendants sur les améliorations et la modernisation de la réforme et l'élaboration de nouvelles approches du droit canadien en vue de répondre à l'évolution des besoins de la société et de ses membres. La commission rendrait le système de justice plus efficient, plus économique et plus accessible.
La structure organisationnelle, avec le nouveau conseil consultatif et les nouveaux groupes d'experts formés de bénévoles, ferait en sorte que la commission soit universelle et sensible aux besoins de tous les Canadiens et Canadiennes. La commission établirait des partenariats et engagerait de vifs débats, en particulier avec les intervenants dans un dossier donné.
La nomination de cinq commissaires est jugée suffisante pour garantir une représentation diversifiée, mais pas trop élevée pour que le processus décisionnel se trouve amoindri sur le plan de l'efficacité.
Nommés par le gouverneur en conseil sur recommandation du ministre de la Justice, les commissaires agiraient à titre amovible pendant un maximum de cinq ans. Le gouverneur en conseil désignerait le président et les commissaires à temps plein, tandis que les commissaires choisiraient eux-même des vice-présidents dans le groupe.
Les compétences de chaque commissaire seraient différentes mais représenteraient en gros la diversité socioéconomique et culturelle de la société canadienne. Étant donné la composition et l'orientation multidisciplinaire de la commission, les compétences des commissaires seraient considérablement différentes de celles des membres de l'ancienne commission. Par exemple, aucun commissaire ne serait tenu d'être juge. Les processus de sélection devraient donc nécessairement déborder le milieu juridique.
[Traduction]
Reflet du souhait de la nouvelle institution d'exercer ses activités de manière ouverte et universelle, un conseil consultatif serait établi par le législateur. Composé d'au plus 25 bénévoles nommés par les commissaires, ce conseil représenterait diverses vues et donnerait des conseils quant à l'orientation de la commission, notamment pour ce qui concerne les questions stratégiques, les rapports annuels, l'établissement du programme et l'appréciation du rendement. Le ministère de la Justice, par l'entremise du sous-ministre, aurait d'office un siège à ce comité.
La loi renfermerait aussi une disposition habilitant la commission à créer des groupes présidés par un commissaire et composés d'experts et de représentants des collectivités touchées. Ces groupes d'experts formuleraient des avis sur des questions particulières de réforme du droit et serviraient de comité de direction de projets. Nommés par les commissaires, leurs membres agiraient à titre bénévole.
Le comité consultatif et les groupes d'experts formeraient une structure bien différente de celle de l'ancienne commission. Ils donneraient un caractère officiel aux consultations et aux alliances. Les commissaires seraient secondés par un petit secrétariat permanent d'environ 8 personnes, engagées en application de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique et relevant d'un directeur administratif. Le directeur administratif agirait comme porte-parole et surveillerait les activités courantes, notamment la gestion de tous les accords contractuels et de toutes les alliances au regard de la prestation de services et des recherches en matière de réforme du droit.
Avec un budget limité de 3 millions de dollars, au lieu des 5 millions de dollars environ accordés à l'ancienne commission, on envisage un certain nombre de nouvelles méthodes administratives afin de simplifier les opérations, de réduire les coûts et d'accroître l'efficacité, notamment: le bénévolat des membres du conseil consultatif et des groupes d'experts; la simplification du secrétariat et le recours aux services de chercheurs contractuels de l'extérieur; l'utilisation des technologies modernes de l'information afin de mener des recherches, de partager l'information, de tenir les réunions de la commission et de débattre des questions, ce qui réduirait les frais de déplacement et d'hébergement qui épuisaient une grande part des ressources de l'ancienne commission; et le partage des services avec d'autres organisations dans la mesure où cette solution serait efficace par rapport au coût et ne compromettrait pas l'indépendance réelle ou apparente de la commission.
[Français]
De plus, la commission serait classée comme établissement public pour lui permettre de sous-traiter des travaux, de recevoir des fonds de sources extérieures, par exemple des secteurs privé et bénévole, de générer des revenus par la vente d'un rapport annuel et d'autres publications, et de conserver ces fonds dans son budget jusqu'à la fin de chaque exercice financier.
[Traduction]
En conclusion, la commission prévue par la loi soumise à l'étude du comité se distingue nettement de l'ancienne commission parce qu'elle représente: une orientation élargie en matière de réforme du droit, de manière à favoriser l'universalité, la pluridisciplinarité et l'ouverture à tous les secteurs de la société canadienne; un pas vers l'efficience du système de justice et vers son efficacité par rapport au coût; un budget moins élevé et une structure plus simple grâce à la nomination de commissaires à temps partiel, à la création d'un secrétariat restreint et au recours à des chercheurs externes, ce qui permettrait de tirer le meilleur parti possible des ententes conjointes, de la collaboration des partenariats, en particulier avec le milieu universitaire; une façon plus universelle de fonctionner, le conseil consultatif et les groupes d'experts traduisant l'approche consultative globale de la commission sur les plans de la stratégie et du fonctionnement; et l'utilisation d'approches novatrices y compris les nouvelles technologies de l'information, en vue de favoriser le fonctionnement plus efficace de la commission par rapport au coût.
Monsieur le président, cela met fin aux remarques liminaires que je souhaitais faire au nom du ministère de la Justice. Mes collègues et moi seront heureux de répondre à toutes questions que vous ou les membres du comité pourraient avoir sur le projet de loi.
Le président: Merci.
[Français]
Madame Venne, vous avez dix minutes.
Mme Venne (Saint-Hubert): Dans son mémoire, le Barreau du Québec mentionne l'absence de garantie de représentativité du Québec au sein de l'éventuelle commission, contrairement à ce qui existait dans l'ancienne Loi sur la Commission de réforme du droit qui assurait au Québec deux commissaires sur cinq.
Dans l'article 7 du projet de loi, on ne retrouve que le passage suivant:
- (3) Les commissaires devraient représenter les intérêts socioéconomiques et culturels
divers du Canada et provenir de disciplines variées.
[Traduction]
M. Mosley: Je commencerai en soulignant simplement que la loi créant l'ancienne commission exigeait la nomination d'au moins deux commissaires du Québec, dont un juge.
Dans ce projet de loi-ci, on a préféré inclure un énoncé plus englobant sur la nécessité de refléter la diversité du Canada dans tous ses aspects, y compris le caractère unique du régime de droit civil et l'existence de provinces de common law. Pour ces raisons, il n'a pas été jugé utile d'inclure une exigence particulière pour le régime de droit civil. On a estimé que la commission dans son ensemble devrait respecter l'existence du droit civil au Canada. Cela dit, je cède la parole à mes collègues qui voudront peut-être ajouter quelque chose.
Votre comité voudra peut-être se pencher sur la question que vient de soulever la députée pendant l'examen article par article du projet de loi. Le comité voudra peut-être alors étudier certaines suggestions qui permettraient d'améliorer cette disposition à cet égard.
Le président: Deborah.
Mme Deborah McCorkell-Hoy (directrice, division de la réforme du droit, ministère de la Justice): J'ajouterai seulement que, dans la loi créant l'ancienne commission de réforme du droit du Canada, on traitait de la représentation bi-juridique dans l'un des paragraphes de la disposition sur le mandat de la commission. Ce n'était qu'une des nombreuses considérations, activités ou fonctions de la commission de la réforme du droit.
Dans ce projet de loi-ci, nous sommes partis du même concept de la reconnaissance des systèmes de droit civil et common law et leur avons donné une certaine importance dans l'énoncé d'ensemble du mandat afin qu'ils priment. Par conséquent, c'est une considération extrêmement importante dans la nomination de tout commissaire.
C'est tout ce que je voulais ajouter.
[Français]
Mme Venne: Ça ne répond pas vraiment à ma question puisqu'il y avait antérieurement, comme je l'ai mentionné, deux personnes pour représenter le Québec. Ce n'est plus prévu. Que l'on nomme des juges ou d'autres personnes, cela ne nous dérange pas, mais nous estimons qu'il faut tenir compte de la différence du Québec et de son droit civil, ce que vous ne faites pas dans ce projet de loi.
Il va certainement falloir le mentionner au ministre de la Justice, puisqu'on veut reconnaître cette société distincte que nous sommes et le droit civil que nous avons chez nous.
J'ai une autre question. L'ancienne Commission de réforme du droit nous coûtait très cher. Pour la dernière année de son existence, la Commission avait un budget de cinq millions de dollars. En plus des commissaires et des employés, la Commission avait embauché un certain nombre d'experts à forfait. Plus de 82 p. 100 des dépenses de la Commission ont été consacrées aux traitements et aux services de professionnels spéciaux. Elle comptait surtout des chercheurs, des universitaires, des avocats engagés à titre d'experts-conseils pour de courtes périodes.
Dans ce milieu, on met surtout l'accent sur la recherche et non pas sur une gestion efficace. C'est ce que l'on avait malheureusement constaté à l'époque. Il avait été dit à l'époque également que des programmes de recherche déconnectés de la réalité avaient été établis à des coûts astronomiques. Ce furent donc les deux principales raisons, à l'époque, qui provoquèrent l'abolition de l'ancienne commission.
J'aimerais savoir comment vous pouvez garantir au comité que la même histoire ne se reproduira pas.
[Traduction]
M. Mosley: Pour commencer, je dirai qu'au cours des dernières années d'existence de l'ancienne commission, j'ai beaucoup collaboré avec les employés de la commission. Il est vrai que certains estimaient qu'en ayant un grand nombre d'experts internes, la commission s'isolait du reste du milieu juridique et n'en connaissait pas les préoccupations.
La commission a tenté d'apaiser ces inquiétudes en se déplaçant beaucoup pour mener de vastes consultations. Elle a tenu des assemblées municipales dans de nombreuses localités du Canada. Néanmoins, pour plusieurs, elle représentait une tour d'ivoire.
Selon l'approche qu'on propose ici, on chercherait des experts dans différents milieux. La commission ferait appel à des experts du milieu universitaire ou autre, à des praticiens du droit - pas nécessairement des avocats, mais aussi des gens qui connaissent l'application quotidienne de la loi et qui, par leur place au sein de la collectivité, sont en mesure de bien connaître les difficultés de l'application de la loi.
Nous croyons que ce mode de fonctionnement sera beaucoup plus rentable. En effet, il ne sera plus nécessaire pour la commission d'avoir comme employés toute une écurie de spécialistes. La commission pourra choisir les experts les plus compétents, les plus reconnus du Canada et mettre leurs connaissances à contribution pour un projet particulier tout en comptant sur les bénévoles qui seront disposés à consacrer gratuitement leur temps et leur énergie à l'amélioration du droit canadien.
[Français]
M. David Paget (avocat général principal, Direction générale des politiques et de la planification ministérielle, ministère de la Justice): Il faut peut-être souligner un autre facteur, à savoir qu'il y aura un conseil consultatif qui sera, en principe, représentatif du Canada. Il aura sûrement le mandat, comme à l'article 19 par exemple, de conseiller la commission sur son programme de travaux à long terme.
En principe, cela empêcherait la commission d'être déconnectée de la réalité, comme vous le disiez.
[Traduction]
Le président: Madame Ablonczy.
Mme Ablonczy (Calgary-Nord): Vous savez sans doute, si vous avez entendu les remarques que j'ai faites à la Chambre lors de la deuxième lecture du projet de loi, que je suis très préoccupée par l'indépendance de la commission. À la lumière de cette préoccupation, ne pourriez-vous pas nous suggérer des mesures qui rehausseraient l'autonomie de la commission? Vous savez comme moi que la commission sera étroitement liée au ministre de la Justice, qu'elle sera même dépendante du ministre. Ne pourrions-nous pas la rendre plus autonome?
Mme McCorkell-Hoy: Pour assurer l'indépendance de la commission, il a été prévu, dans le projet de loi, qu'elle serait un établissement public plutôt qu'une commission qui relèverait directement du ministre. La commission fera rapport au Parlement par l'entremise du ministre. Par conséquent, votre comité pourrait soulever des questions sur ces rapports.
Mme Ablonczy: Je suis désolée, mais je ne vous suis pas. Si la commission ne peut s'exprimer que par l'entremise du ministre, comment peut-elle être indépendante?
Mme McCorkell-Hoy: Elle ne s'exprime pas par l'intermédiaire du Ministre. La voix ministérielle est la voix par laquelle les rapports et les recommandations de la commission seront présentés. Le ministre ne filtre pas ces rapports et ces recommandations, ne fait pas obstacle aux rapports ou aux recommandations que la commission voudrait présenter au Parlement.
Mme Ablonczy: Connaissant le ministre, je suis certaine qu'il tentera de bien traduire les propos de la commission, mais il n'en reste pas moins que cela dépendra entièrement de son bon vouloir, n'est-ce pas?
Mme McCorkell-Hoy: Non. Le ministre est tenu de déposer au Parlement tous les rapports et toutes les recommandations qui lui sont transmis par la commission.
Mme Ablonczy: Est-ce prévu par le projet de loi?
Mme McCorkell-Hoy: Oui.
Mme Ablonczy: À quel article, l'article 5?
Mme McCorkell-Hoy: Non, c'est vers la fin.
M. Mosley: C'est à l'article 24:
- Le ministre de la Justice fait déposer les rapports de la Commission devant chaque Chambre du
Parlement dans les 15 premiers jours de séance de celle-ci suivant leur réception.
Mme McCorkell-Hoy: J'aimerais ajouter une chose au sujet de l'indépendance et de l'importance des établissements publics. La commission étant un établissement public, elle pourrait recevoir et dépenser des fonds pendant une année financière, ce qui lui donnerait une autonomie financière supérieure à celle de l'ancienne commission.
En outre, elle pourrait signer des contrats en son propre nom, mener des consultations et établir des partenariats de sa propre initiative à titre d'établissement public. La commission est donc une entité juridique propre, ce qui contribue à son indépendance.
Mme Ablonczy: Les commissaires sont nommés par le ministre et occupent leurs postes à titre amovible. Le ministre dépose à la Chambre les rapports de la commission, mais, essentiellement, il y a un processus de consultation. Le ministre joue un rôle important dans l'élaboration du programme de la commission.
Même s'il dépose les rapports de la commission, cela ne signifie pas pour autant que la commission est autonome. Cela signifie tout simplement que les rapports seront déposés au Parlement. Encore une fois, n'y a-t-il pas de mécanisme permettant d'assurer une plus grande responsabilité et une plus grande contribution de la commission?
Mme McCorkell-Hoy: Certainement. On a créé le conseil consultatif précisément pour qu'il puisse, à titre d'organisme représentatif du pays, surveiller les activités de la commission, contribuer à l'élaboration de son programme et des réponses de la commission et en évaluer le rendement.
Ce conseil n'est peut-être pas un organisme de surveillance comme tel, mais il supervise les activités de la commission et, ce faisant, s'assure de son bon fonctionnement.
Mme Ablonczy: Mais ce sont les commissaires qui nomment les membres de ce conseil.
Mme McCorkell-Hoy: C'est exact.
Mme Ablonczy: Les membres du conseil consultatif étant nommés par la commission même, ils ne jouissent pas d'une grande autonomie.
M. Mosley: J'aimerais ajouter une chose à ce qu'a dit Mme McCorkell-Hoy.
Il est important de noter que le ministre, bien sûr, est responsable devant la Chambre des communes des nominations à la commission. Les députés peuvent poser des questions au sujet des commissaires, de leurs antécédents, de leurs compétences, etc.. Ce processus sera public.
Le fait que la commission même...
Mme Ablonczy: Où ce processus est-il décrit?
M. Mosley: Il fait partie intégrante des règles et procédures de la Chambre des communes. Lorsqu'on annoncera la nomination d'un commissaire, vous pourrez, si vous le souhaitez, soulever des questions à ce sujet sur toute tribune publique, y compris à la Chambre des communes.
Puisque les membres du conseil consultatif seront nommés par la commission, ce conseil sera d'autant plus indépendant de la relation qui existera entre la commission et le ministre.
La commission et le ministre se doivent d'entretenir des relations pour assurer la pertinence des travaux de la commission.
La pertinence des travaux de l'ancienne commission n'étaient pas toujours évidente. Dans ce projet de loi, la relation réciproque qui existe entre le ministre et la commission est claire: Le ministre propose des sujets d'étude à la commission, et la commission, au besoin, consulte les ministres avant d'entamer des travaux sur d'autres sujets.
Mme Ablonczy: J'ai deux suggestions à vous faire et j'aimerais savoir ce que vous en pensez. Premièrement, notre comité, par exemple, ne pourrait-il pas jouer un rôle accru dans la constitution de la commission? Deuxièmement, ne pourrait-on pas nommer les commissaires pour une durée déterminée plutôt qu'à titre amovible afin d'assurer une plus grande indépendance?
Mme McCorkell-Hoy: J'aimerais répondre à votre deuxième question sur la nomination à titre amovible.
La nomination des commissaires à titre amovible est conforme à la nomination des membres des autres commissions de réforme du droit du pays. C'est aussi le statut des dirigeants d'autres genres d'organismes gouvernementaux. C'est pratique courante pour les établissements publics. Par conséquent, ce n'est pas...
Mme Ablonczy: Je comprends cela, mais en l'occurrence, une autre norme ne serait-elle pas indiquée puisque l'indépendance est primordiale?
M. Mosley: Monsieur le président, on nous demande de commenter des politiques; c'est probablement au-delà de ce sur quoi nous pouvons nous prononcer devant votre comité. Nous sommes ici pour vous aider à comprendre le projet de loi dont vous êtes saisis, mais c'est le gouvernement qui a décidé de la façon dont les commissaires seraient nommés et nous ne pouvons nous prononcer sur les mérites de ce mode de nomination.
Mme Ablonczy: Mon autre question portait sur le rôle que notre comité pourrait jouer dans la constitution de la commission.
M. Mosley: Je crois que c'est aussi une question de politique. Les comités de la Chambre des communes n'ont pas l'habitude de participer au choix et à la nomination de commissaires ou de membres de comités ou d'organismes de ce genre. Normalement, cela revient à l'appareil gouvernemental, puisque c'est une prérogative de l'exécutif. Votre comité voudra peut-être se pencher sur cette question, mais je ne crois pas que nous puissions vous aider à ce sujet.
Mme Ablonczy: Merci, monsieur le président.
M. Gallaway (Sarnia-Lambton): Si je ne m'abuse, l'ancienne commission de réforme du droit a été dissoute, et est disparue en 1992. Quelles ont été les conséquences de cette disparition pour le ministère de la Justice et la réforme du droit au pays?
M. Mosley: Cela a certainement diminué la qualité du travail que nous faisons au ministère de la Justice, bien que nous ayons pu continuer à mettre à profit la quantité considérable de rapports qu'a laissés la commission. On dit souvent que la commission a été un échec et que très peu de ses rapports ont mené au dépôt de projets de loi. C'est malheureux, et pas entièrement juste, parce que souvent, plusieurs années après le dépôt d'un rapport, nous avons tiré profit de la recherche effectuée pour la commission. Bon nombre des rapports contenaient la meilleure description de l'état du droit au Canada, et souvent aussi à l'étranger, parce que nombre de ces rapports étaient considérés très précieux à l'étranger. Nous avons donc glané de nombreuses idées dans les travaux de la commission. La plupart des lois dans le domaine que je connais le mieux, le droit pénal, ont découlées de recommandations qu'avait formulées la commission antérieurement.
Cela a donc été une perte pour l'élaboration du droit au Canada. Depuis 1992, nous ne pouvons plus compter sur ce travail.
Mme McCorkell-Hoy: Je voudrais faire une remarque. Pendant nos consultations à l'échelle du pays, tous ceux qui s'intéressent à la réforme du droit nous ont dit qu'il était malheureux qu'il n'y ait aucun organisme indépendant en mesure de prodiguer des conseils à ce sujet, non pas seulement au ministère de la Justice, mais aussi aux parlementaires et à la magistrature. Nous avons consulté des juges de tous les pays et il est clairement ressorti qu'ils comptaient beaucoup sur ce genre de conseils indépendants. Comme vous le savez, les juges hésitent à consulter les documents produits par le gouvernement à ce chapitre.
M. Gallaway: Dans un autre ordre d'idée, qu'est-ce qu'un «établissement public»?
Mme McCorkell-Hoy: Un établissement public, comme l'a fait remarquer un des avocats de notre ministère, n'est ni chair ni poisson. C'est à la fois un organisme public et une société, en ce sens qu'il compte des caractéristiques des deux. C'est une société par sa situation juridique. Les établissements publics peuvent donc ester en justice et faire l'objet de poursuites, recevoir de l'argent, engendrer des revenus et les dépenser. En revanche, c'est aussi un organisme ministériel aux termes de la Loi sur la gestion des finances publiques, qui doit par conséquent rendre des comptes au gouvernement en matières financières.
Ces activités s'apparentent à celles d'un organisme gouvernemental: l'établissement public prodigue des conseils au gouvernement, effectue des recherches et remplit d'autres fonctions de nature gouvernementale.
M. Gallaway: Je présume que c'est pourquoi la loi prévoit l'emplacement du siège social.
Mme McCorkell-Hoy: C'est exact.
M. Gallaway: On dit aussi dans le projet de loi que l'établissement peut recevoir des fonds. Dans votre exposé, vous dites que ces fonds peuvent provenir d'organismes à but non lucratif, et peut-être d'autres sources. Qui voudra donner de l'argent à un organisme du gouvernement?
Mme McCorkell-Hoy: Il est intéressant que vous me posiez cette question, parce que, hier, justement j'ai reçu un appel de Canada Trust, qui s'intéresse beaucoup à ce concept. Bien sûr, c'est une idée qui comporte bien des dimensions.
Au Canada, il n'est pas courant pour les commissions ou les institutions de recevoir de grosses sommes d'argent. C'est plus courant aux États-Unis.
On n'a jamais cru que ce serait-là la principale source de revenu de la commission. Voilà pourquoi on lui permet aussi de vendre ses publications, d'organiser des conférences et des symposiums dans le cadre de ses travaux de réforme du droit. La loi a été libellée de façon à lui donner ce pouvoir, bien qu'elle puisse aussi obtenir des sommes d'argent d'autres sources.
M. Gallaway: Dans la même veine, combien d'argent prévoyez-vous faire grâce à la vente de publications, par exemple?
Mme McCorkell-Hoy: Dans le cas de la vente de publications, on prévoit recouvrer les coûts qu'engendreront la publication des documents de travail.
M. Gallaway: On veut essentiellement que la commission fasse ses frais.
Mme McCorkell-Hoy: C'est ce qu'on espère.
M. Gallaway: Est-ce la même chose pour les conférences?
Mme McCorkell-Hoy: Je n'ai moi-même pas organisé bien des conférences, mais bien des gens m'ont dit qu'on peut faire des profits en organisant des conférences. Ce n'est toutefois pas dans ce but qu'on le ferait. Ce serait plutôt pour communiquer des informations et susciter un débat critique. Mais ce serait un atout non négligeable pour la commission de pouvoir renflouer ses coffres grâce à ces conférences.
M. Galloway: Les fonds excédentaires seraient conservés jusqu'à la fin de l'année, n'est-ce pas?
Mme McCorkell-Hoy: C'est exact; ils seraient ensuite versés au compte du gouvernement. Mais ils pourraient aussi être dépensés avant la fin de l'année. Ces fonds assureraient le financement d'autres initiatives que la commission voudrait entreprendre et qui ne figureraient pas à son programme.
M. Galloway: Par conséquent, si Canada Trust fait un don de 250 000$ à cette personne morale qui n'existe pas encore, vous pourriez dépenser cet argent au cours de l'année.
Mme McCorkell-Hoy: Il faudrait prévoir des mécanismes pour s'assurer qu'il n'y a aucun lien entre les institutions faisant des dons et les résultats des travaux de la commission. Mais, en effet, la commission pourrait dépenser ces sommes pendant l'année.
La commission peut aussi faire l'acquisition et la cession de biens au nom de Sa Majesté. C'est un autre détail qui peut être intéressant.
M. Galloway: J'aimerais revenir à la question de l'indépendance qui a été soulevée par ma collègue d'en face. Je crois savoir que le ministre peut demander à la commission qu'elle mène certains genre d'études. Que se passerait-il si le ministre demandait un très grand nombre d'études pendant une seule année? En quoi cela influerait-il sur le pouvoir décisionnel de la commission? La commission aurait-elle le droit de refuser de mener une ou plusieurs de ces études?
Mme McCorkell-Hoy: Nous n'envisageons pas, et je crois pouvoir en dire autant du ministre, que le ministre exerce ce pouvoir sans discernement. En fait, on est à établir au sein du ministère des mécanismes de consultation des autres ministres quant aux sujets d'étude particuliers sur lesquels les ministres demanderaient des recherches à la commission au nom du gouvernement fédéral.
Cela étant dit, la commission pourra discuter avec le ministre et le ministère de la nature de l'étude, du délai et des ressources dont elle aura besoin pour effectuer cette étude. Et si elle doit laisser de côté son programme d'étude déjà établi, elle pourra négocier pour déterminer de quelle manière et dans quel délai elle pourra légitimement le faire. Nous n'envisageons certainement pas que le ministre puisse commander une demi-douzaine d'études et dire à la commission: vous ne réaliserez pas le programme que vous avez prévu pour cette année; voici les études que je veux, et je les veux d'ici le 31 mars.
M. Mosley: J'attire votre attention sur l'alinéa 5(1)b), à la page 3 du projet de loi, qui précise que la commission doit: «préparer les rapports que le ministre, après avoir consulté la Commission et pris en compte la charge de travail et les ressources de celle-ci, peut demander».
Je suppose qu'en théorie un ministre déraisonnable pourrait imposer une charge de travail trop lourde à la commission, mais je pense que nous devons partir du principe que les ministres agiront de façon raisonnable et responsable dans de telles circonstances, d'autant plus que la loi elle-même indique au ministre qu'il doit prendre en compte la charge de travail et les ressources de la commission.
Le président: Madame Venne.
[Français]
Mme Venne: Je n'ai peut-être pas assez bien suivi, mais je voudrais savoir, au sujet de l'établissement public dont parlait M. Gallaway, si cela existe à d'autres endroits que dans cette commission.
[Traduction]
Mme McCorkell-Hoy: Je vais vous donner quelques exemples qui me viennent à l'esprit. Il y a la Commission canadienne des affaires polaires, le Conseil national de recherches, le Conseil de recherches médicales du Canada, et le Conseil de recherche en génie, dont je ne suis pas sûr du nom. Alors vous voyez que le genre de fonction confiée à plusieurs de ces organismes tombe sous la rubrique de la recherche et de la prestation de conseils au gouvernement.
[Français]
Mme Venne: La Division de la réforme du droit s'est chargée, au mois de mai 1994 si je ne me trompe, de distribuer à environ 900 groupes ou personnes un questionnaire portant sur la création d'une nouvelle commission. Je voudrais savoir si cette division de réforme du droit a bien reçu 126 réponses sur les 900 questionnaires distribués. Si l'on parle ici d'une vaste consultation, je pense, pour ma part, que ce n'en est pas une, parce qu'une proportion de 126 sur 900, ce n'est pas énorme.
J'aimerais aussi savoir quelles sont les personnes et quels sont les organismes qui ont répondu. Si vous ne pouvez le faire immédiatement, pourriez-vous envoyer ces renseignements au comité? Je ne vous demande pas seulement une énumération des noms, car ce n'est pas la nomenclature qui est intéressante, mais plutôt de me dire quelles sortes de groupes ou de personnes vous ont répondu.
[Traduction]
Mme McCorkell-Hoy: J'ai ces renseignements avec moi, car nous nous en sommes servis lorsque nous avons préparé le résumé des résultats de la consultation menée par la Division de la réforme du droit. À ce moment-là, nous avons indiqué les caractéristiques des personnes qui ont répondu à ce document de consultation nationale. Mais, avant de vous en parler, je vous signale qu'en plus de ce document de consultation nationale, il y a eu en même temps une consultation parallèle auprès du corps judiciaire.
Lorsque nous parlons des 126 réponses, cela ne comprend pas les lettres personnelles, et cela ne comprend pas non plus les réponses des membres du corps judiciaire qui ont participé à la consultation parallèle. Cela ne comprend pas non plus les trois séances que nous avons organisées dans trois régions du pays ni le colloque spécial qui s'est tenu à Ottawa, où se sont réunis des experts en réforme du droit pour discuter de thèmes précis. Ces 126 réponses sont uniquement celles des personnes qui ont répondu aux questionnaire qui accompagnait le document de consultation nationale. La ventilation par région est la suivante: 7 en Colombie-Britannique, 33 dans les Prairies, 15 en Ontario, 26 au Québec, 11 dans les provinces de l'Atlantique, et 3 dans les territoires.
[Français]
Mme Venne: Ce n'est pas le nombre de répondants qui m'intéresse, mais leur type ou catégorie.
[Traduction]
Mme McCorkell-Hoy: Ah bon, très bien. Les caractéristiques générales... Nous avons placé les répondants dans certaines catégories selon le type des autres commissions de réforme du droit. Il n'y a eu que deux réponses. Bien sûr, il n'y a que quatre autres organismes. Nous avons reçu deux réponses d'autres organismes de réforme du droit, 14 d'universitaires spécialistes en droit; 12 d'universitaires non spécialistes en droit; 34 d'organismes gouvernementaux dans le domaine de la justice; 11 d'autres organismes gouvernementaux; deux de cabinets de droit privés; et 13 d'autres secteurs privés.
[Français]
Mme Venne: Pour nous permettre d'analyser ce que vous me dites, vous serait-il possible de faire parvenir ces chiffres au comité, qui les distribuerait ensuite à ses membres? Nous pourrions ainsi mieux examiner le genre de groupes qui vous ont répondu, parce que ce que vous me dites là est évidemment difficile à analyser, juste à vous écouter.
Monsieur le président, est-ce une chose qu'il serait possible d'avoir?
[Traduction]
Mme McCorkell-Hoy: J'en ai remis un exemplaire à l'attachée de recherche, qui devait l'annexer, je crois, à la note d'information qu'elle a envoyée aux membres du comité.
Le président: Le greffier anglophone l'a.
[Français]
Mme Mary Hurley (attachée de recherche auprès du comité): Madame Venne, c'est sur les notes qui vous avaient été envoyées. On a mis le résumé des résultats à la page 6. C'est à la note 3.
Mme Venne: Je vous remercie. C'est tout.
[Traduction]
Le président: Monsieur Knutson.
M. Knutson (Elgin - Norfolk): J'aimerais parler de la partie du projet de loi qui énonce la mission de la commission. Je constate que cette disposition dit: «d'instituer des mesures qui rendent le système juridique plus efficace, plus économique et plus accessible». À l'alinéa précédent, l'alinéa 3a), il est question d'élaborer de nouveaux concepts juridiques. Je me demande si cela n'aurait pas été une bonne idée de mentionner aussi qu'il faut rendre les droits plus justes, au ministère de la Justice, et non pas dans une quelconque faculté de droit.
Mme McCorkell-Hoy: Je vous signale que nous avons changé un mot. Dans la version anglaise de l'ancienne loi, nous parlions des lois du Canada. Dans ce projet de loi, nous parlons du «droit» du Canada afin d'élargir le concept et de faire en sorte que l'on prenne en considération le contexte dans lequel les lois sont élaborées, ce qui permettra de tenir compte de divers aspects.
M. Knutson: Donc, en ce qui concerne ma question principale, pensez-vous que dans cette liste de fonctions il serait provocateur, par les temps qui courent, d'employer les mots «juste» ou «justice»?
M. Mosley: C'est certainement des mots qui ne nous font pas peur. Nous les utilisons souvent. Mais on me rappelle justement qu'au début de cette disposition on mentionne l'amélioration du droit, particulièrement dans le contexte de l'évolution des besoins de la société canadienne et des individus qui la composent; il me semble que l'on peut en déduire que l'un des objectifs est également de rendre le droit plus juste. Mais si le comité est d'avis que cette déclaration peut être améliorée, le ministère ne jugerait pas que le fait de rendre ce concept plus explicite nuirait à la qualité de cette affirmation.
M. Knutson: Je proposerai peut-être un amendement lorsque nous ferons l'étude article par article cet après-midi. Je plaisante.
Pour ma part, j'estime que le mot «justice» est déjà assez ambigu, mais «l'évolution des besoins» l'est encore plus. Je vais voir si je peux recommander un endroit où on pourrait l'insérer.
Le président: Monsieur Ramsay, vous avez cinq minutes.
M. Ramsay (Crowfoot): Je tiens à remercier le sous-ministre adjoint et ses collègues pour leur présence et pour le mémoire qu'ils nous ont présenté.
À la page 3 de votre mémoire, vous dites, à la dernière phrase du dernier paragraphe: «La Commission rendrait le système de justice plus efficient, plus économique et plus accessible.» Cela me semble formidable, mais j'aimerais que vous m'expliquiez comment elle fera cela. Comment rendra-t-elle le système de justice plus efficient, plus économique et plus accessible? Est-ce que l'ancienne commission a réussi à le faire? Dans l'affirmative, j'aimerais bien savoir où, et dans le cas contraire, j'aimerais que vous me disiez comment la nouvelle commission accomplira ce que l'ancienne n'a pas su faire.
M. Paget: Je pense pouvoir dire que ces fonctions ne faisaient pas partie du mandat de l'ancienne commission. Elles ne faisaient pas explicitement partie de son mandat. En fait, nous pensons que l'un des aspects novateurs du mandat de cette commission, c'est qu'on lui demande précisément de concentrer son attention sur des mesures visant à rendre le système juridique plus efficace, plus économique et plus accessible.
Je pense qu'il serait difficile pour nous d'essayer de vous dire aujourd'hui dans l'abstrait quelles mesures la commission prendra pour faire cela, mais nous reconnaissons certainement qu'il y a des choses qui peuvent être faites pour rendre le système juridique du Canada plus efficace. Le fait même que le mandat confié à la commission dans la loi l'oblige à chercher des moyens de le faire sera, d'après nous, très utile.
M. Ramsay: C'est peut-être une question de sémantique, mais vous ne le dites pas dans le projet de loi. Vous dites que la commission rendra le système juridique premièrement, deuxièmement, troisièmement. C'est ce que vous dites. Vous ne dites pas qu'elle fera des recommandations au ministère de la Justice, ou au ministre de la Justice, afin de rendre le système juridique plus efficace, économique et accessible. C'est le ministre de la Justice qui propose des modifications dans un texte de loi.
Donc, est-ce que cela ne devrait pas amener les membres du comité à conclure que la commission a en fait... Je ne sais pas comment elle réussira à faire cela. J'aimerais bien avoir des exemples précis. Vous ne dites pas: «Voici quel est l'objectif de la commission»; vous nous dites: «Voici ce qu'elle va accomplir.»
M. Paget: En réponse à votre question, monsieur, je vous renvoie à l'article 3 du projet de loi, que nous avons paraphrasé de façon générale dans notre mémoire. L'article 3 énonce, bien sûr, la mission de la nouvelle commission, qui est d'étudier le droit du Canada en vue de fournir des conseils indépendants sur l'amélioration qui répondent à l'évolution des besoins de la société canadienne, notamment en vue, comme le précise la disposition 3b): «d'instituer des mesures qui rendent le système juridique plus efficace, plus économique et plus accessible». Alors, on lui confie la tâche d'élaborer, pour le gouvernement et le Parlement, des propositions visant à rendre le système juridique plus efficace.
M. Ramsay: Oui, elle a le pouvoir de faire des recommandations, mais elle n'a pas le pouvoir d'agir.
M. Mosley: Je pense pouvoir dire que ce que nous affirmons au comité est peut-être fondé sur l'hypothèse que la commission aura cet effet. Il est évident, comme le précise le projet de loi, que c'est l'objectif de la commission. Le premier paragraphe de l'article 3 dit: «en vue de fournir des conseils indépendants sur l'amélioration, la modernisation et la réforme», notamment «en vue d'instituer des mesures qui rendent le système juridique plus efficace, plus économique et plus accessible».
Alors, vous nous excuserez si nous avons pris certaines libertés dans notre exposé; à partir du fait que la commission aura comme objectif de faire des recommandations nous avons peut-être conclu un peu rapidement qu'elle aurait cet effet. Mais vous avez parfaitement raison, monsieur Ramsay: en dernière analyse, la preuve de son efficacité sera l'adoption par le Parlement d'un projet de loi découlant d'une recommandation de la commission.
M. Ramsay: Je comprends cela, et peut-être que la personne qui a préparé le mémoire que vous nous avez présenté...
Mme McCorkell-Hoy: Je voudrais simplement ajouter une chose que j'estime assez importante. Notre ministre a promis que les travaux et le rendement de la commission feraient l'objet d'une évaluation indépendante après ses cinq premières années d'existence. En fait, cette évaluation visera certainement à déterminer si les travaux et les activités de la commission auront eu un effet quantifiable.
M. Ramsay: Combien de temps me reste-t-il, monsieur le président?
Le président: Votre temps est écoulé.
M. Ramsay: Mon temps est écoulé? Vous me dites toujours ça.
Le président: Avez-vous une autre question que vous aimeriez poser?
M. Ramsay: Oui.
Le président: En avez-vous beaucoup?
M. Ramsay: Juste une.
Le président: Je pourrais donner la parole à M. Regan et revenir à vous pour les cinq dernières minutes.
M. Ramsay: C'est très bien.
Le président: Monsieur Regan.
M. Regan (Halifax-Ouest): Vous serez heureux de savoir, monsieur Ramsay, que ma question est très brève.
M. Ramsay: Si c'est la même que la mienne, nous finirons plus tôt.
M. Regan: Exact.
Je constate que l'article 21 du projet de loi précise que la commission est mandataire de Sa Majesté. Je crois savoir que la Commission de réforme du droit n'était pas un organisme. Est-ce parce qu'elle est dotée de la personnalité morale? Est-ce un raisonnement semblable? Qu'est-ce que cela veut dire?
Mme McCorkell-Hoy: Oui, elle est mandataire de Sa Majesté, ce qui veut dire qu'elle peut contracter et qu'en vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques elle peut également être tenue responsable.
Je pense que l'ancienne commission n'était pas mentionnée en annexe de la Loi sur la gestion des finances publiques et je pense que dans les années 90 le ministère de la Justice a déterminé que cela voulait dire que la commission pouvait ne pas respecter les règlements et les exigences du gouvernement en matière de contrats. Dans le cas de la nouvelle commission, il y aura un contrôle beaucoup plus étroit de ces contrats.
M. Regan: Monsieur le président, je vous remercie. Je n'ai plus de questions.
Le président: Monsieur Ramsay.
M. Ramsay: Vous n'avez pas posé ma question. Si vous me le permettez, je vais prendre mes cinq minutes, puis je vais rentrer chez moi.
L'ancienne Commission de réforme du droit a été abolie. Je serais très curieux de savoir pourquoi elle a été abolie et pourquoi quelqu'un, évidemment au gouvernement, estimait qu'elle ne remplissait pas son mandat ou qu'elle coûtait trop cher, ou autre chose.
Encore une fois, c'est peut-être juste une question de formulation de la part de l'auteur de votre mémoire, mais vous dites à la première page:
- L'abolition de l'ancienne Commission de réforme du droit a suscité des critiques dans le
milieu juridique quant à la nécessité pour le gouvernement, le Parlement et la magistrature de
recevoir des avis indépendants en matière de réforme du droit. Les consultations approfondies
tenues par le ministère de la Justice ont révélé un solide appui en faveur d'une nouvelle
commission chargée de fournir des avis indépendants.
Mme McCorkell-Hoy: Oui. Je vais faire un retour en arrière, si vous me le permettez, et je vais vous expliquer le processus, puisqu'il y en a eu un seul dont la première étape alimentait les suivantes, plutôt que deux processus parallèles.
Tout d'abord, nous avons tenu des consultations régionales auprès de groupes que nous avions choisis dans différentes disciplines. Il y en a eu une dans la région de l'Atlantique et une autre dans les Prairies auxquelles ont participé des membres de la profession juridique et des groupes non juridiques, des universitaires, des groupes de femmes et des représentants des gouvernements.
À partir de ces renseignements, nous avons organisé une réunion interne à Ottawa à laquelle ont participé tous ceux que nous avons pu trouver dans les environs qui étaient disponibles et qui avaient de l'expérience soit auprès de l'ancienne Commission de réforme du droit du Canada ou auprès d'autres commissions de réforme du droit. Il s'agissait d'un groupe thématique composé d'experts qui avaient examiné les résultats de nos consultations régionales.
Le résultat de leur travail nous a aidés à préparer le document de consultation national de sorte que nous avons mis à profit une diversité d'expériences dans tout le pays. Nous avons envoyé un questionnaire avec ce document afin de nous assurer que les réponses ne proviendraient pas uniquement de la profession juridique. Le ministère est très efficace et sait très bien comment consulter les groupes d'intérêt qui existent déjà mais nous voulions élargir la consultation et c'est pourquoi nous avons utilisé un questionnaire.
Nous avons dit 800, mais le document de consultation a également été envoyé à tous les députés et à tous les sénateurs. Alors, ensuite, il y a même des personnes qui ne sont pas sur la liste qui l'ont reçue. En fait, 126 réponses à un questionnaire à retourner par la poste donne un très bon échantillonnage. En outre, étant donné la diversité des groupes qui ont répondu, les résultats donnent une assez bonne idée de la situation.
Il y avait en outre... Il n'y avait pas de contradictions entre ce que nous avons entendu dans les groupes thématiques dans les Prairies et ceux de la région de l'Atlantique. Leur réaction a été assez semblable.
En outre, nous avons demandé à l'Institut canadien d'administration de la justice de mener une consultation indépendante auprès du corps judiciaire et les réponses de leurs membres étaient très semblables. C'était une étape de suivi.
La dernière étape du processus de consultation a eu lieu après que nous ayons reçu les résultats de la consultation nationale et de la consultation du corps judiciaire. Nous avons alors organisé une réunion à Toronto à laquelle ont participé des universitaires des milieux juridiques du Québec, de l'Ontario et de la Colombie-Britannique. Ils ont examiné les résultats et ont fait leurs observations. Ainsi, ce que nous apprenions était constamment réexaminé et servait à préparer l'étape suivante.
M. Ramsay: Est-ce que ces premières audiences dans l'Ouest canadien que vous avez mentionnées ont-elles été organisées par le ministère de la Justice?
Mme McCorkell-Hoy: Oui.
M. Ramsay: À la suite de quoi?
Mme McCorkell-Hoy: À la suite de nos premières consultations. Lorsque la commission a été abolie, on nous a demandé de nous charger de la création d'un programme de réforme du droit au niveau fédéral. Lorsque nous avons commencé, nous avons décidé que puisque nous n'avions pas les moyens d'aller dans toutes les régions chaque année, nous allions choisir des régions. La première année nous avons choisi l'Atlantique et les Prairies. C'est ainsi que nous avons engagé le processus.
M. Ramsay: Vous avez fait cela parce que le tollé de protestations provoquées par l'abolition de l'ancienne commission de réforme du droit ne diminuait pas.
Mme McCorkell-Hoy: C'est très vrai. Lorsque nous sommes allés dans les régions, je me souviens très bien du mémoire présenté par l'Association du Barreau canadien. Il était tout à fait typique. Ils nous disaient qu'ils étaient prêts à nous dire ce qu'ils pensaient de ce que nous voulions faire au ministère, mais qu'ils tenaient d'abord et avant tout à nous faire savoir que ce qu'ils souhaitaient vraiment c'était que la commission soit rétablie. Cela étant dit, ils laissent de côté cette question et ils sont prêts à discuter avec nous des moyens de rendre la réforme du droit plus efficace. Mais pendant toute cette période, on nous disait que l'option préférée c'était une commission indépendante.
M. Mosley: Je pourrais peut-être ajouter quelque chose. L'ancien gouvernement a obtenu une réaction à l'abolition de l'ancienne commission et a décidé d'affecter une partie des économies découlant de cette décision au ministère pour ses activités de réforme du droit. C'est dans le cadre de consultations sur la meilleure façon d'utiliser cet argent que nous avons entendu ces réactions selon lesquelles le meilleur processus possible au sein du ministère ne serait pas aussi bon qu'une commission indépendante chargée de fournir des conseils au gouvernement et au Parlement.
M. Ramsay: J'espère que vous ne vous cachez pas derrière le prétexte que c'est une question de politique. Si la question n'est pas correcte, alors vous pouvez invoquer cette raison.
Pour la première fois depuis que je suis membre du comité, nous avons interrogé des personnes nommées par le gouvernement à la Commission de libération conditionnelle. Cela m'a rassuré au sujet de l'expérience et des qualifications des trois personnes nommées à la commission. Je me disais qu'au moins deux de ces trois personnes feraient un excellent travail.
J'avais demandé à ces personnes si elles hésiteraient à comparaître devant le comité avant leur nomination définitive. Elles m'ont répondu qu'elles n'auraient aucune réticence du tout à ce sujet. Est-ce que cette façon de procéder vous paraît utile?
Le ministre de la Justice va nommer des personnes à la Commission de la réforme du droit. Pensez-vous qu'il serait utile de faire venir ces personnes devant le comité pour rassurer les membres au sujet de leurs compétences et leurs qualifications? Le comité pourrait leur poser des questions concernant leur façon de voir le mandat de la commission, ce qu'ils envisagent comme sujet de travail et ce qu'ils estiment être les questions prioritaires pour la commission.
Il ne s'agit certainement pas de faire révoquer les nominations mais cela nous permettrait de mieux comprendre les enjeux. Je crois que nos questions permettraient d'éclaircir bien des choses. Je crois que ce processus serait d'autant plus crédible si nous décidions de faire cet examen avant l'entrée en vigueur de la nomination, même si on ne la met pas en doute.
M. Mosley: Monsieur le président, j'estime qu'il est certainement utile d'avoir un dialogue entre le comité et les membres de la commission, comme c'est déjà le cas pour d'autres organismes qui s'intéressent à des domaines relevant du comité. Je pense par exemple au Conseil national sur la prévention du crime et l'ancien conseil consultatif sur les armes à feu qui, sous l'ancien gouvernement, se réunissait avec le comité permanent pour parler des questions d'intérêt mutuel. Je crois que ce genre de dialogue est très utile, indépendamment d'un rôle éventuel du comité par rapport à la nomination des membres de la commission. À ce propos, je suis obligé de demander l'indulgence du comité, je ne suis pas en mesure de répondre à une question qui relève bien d'une question de la politique du gouvernement.
M. Ramsay: Il ne faudrait pas donner des veto aux témoins, monsieur le président, mais j'accepte la réponse.
Le président: J'aurais bien aimé qu'on ne mette pas les statistiques des Prairies toutes ensemble. C'est sûrement parce qu'on a tant de mal à orthographier Saskatchewan.
Je vous remercie d'être venus aujourd'hui.
Je peux vous assurer que nous n'allons pas commencer l'étude article par article cet après-midi.
M. MacLellan (Cape Breton - The Sydneys): Je voudrais savoir quel est le programme du comité pour le reste de l'année?
Le président: Je crois savoir que mardi nous allons entendre trois témoins sur ce même projet de loi. Mercredi nous allons commencer l'étude article par article et le comité directeur se réunira pour parler de la Loi sur les jeunes contrevenants pour la période après l'ajournement de Noël.
M. MacLellan: Le comité directeur se réunit-il jeudi matin ou mercredi après-midi?
Le président: J'espérais que ce serait possible avant jeudi matin, ou bien mercredi après-midi ou mardi.
M. MacLellan: Très bien.
Mme Ablonczy: Monsieur le président, avons-nous la liste des témoins prévus pour ce projet de loi?
Le président: Au sujet du projet de loi C-106?
Mme Ablonczy: Oui.
Le président: Oui. Je suis sûr que le greffier peut vous donner la liste des témoins.
Mme Ablonczy: J'aimerais la voir. J'ai quelques noms à proposer.
Le président: Très bien.
Mme Hurley: Le vérificateur général, le Barreau du Québec et l'Association du Barreau canadien comparaissent.
Mme Ablonczy: D'accord.
Le président: Je vous remercie.
La séance est levée.