Que, compte tenu des propos du premier ministre le mercredi 20 février 2019 selon lesquels le Comité permanent de la justice et des droits de la personne est la tribune appropriée pour que les Canadiens obtiennent des réponses concernant l’affaire SNC-Lavalin, et que compte tenu de sa participation directe alléguée dans une démarche soutenue visant à influencer la poursuite criminelle contre SNC-Lavalin, la Chambre ordonne au premier ministre de comparaître, de témoigner et de répondre à des questions sous serment devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne lors d’une réunion télévisée de deux heures avant le vendredi 15 mars 2019.
— Monsieur le Président, je partagerai mon temps de parole avec la députée de .
[Français]
L’affaire SNC-Lavalin a attiré l’attention des Canadiens d’un océan à l’autre, et la raison est très simple: elle touche l’essence même de ce qui fait du Canada un pays juste et démocratique. Comme je l’ai déjà dit à la Chambre, nous sommes un pays fondé sur la primauté du droit. Personne, peu importe son statut, sa richesse ou ses relations politiques, ne devrait avoir droit à des considérations particulières.
[Traduction]
De toute évidence, les événements des deux dernières semaines offrent un parfait exemple de corruption au sein d'une entreprise et d'un gouvernement puisque, quand une immense entreprise aux poches bien remplies et jouissant de nombreux liens avec le gouvernement a tenté d'exercer son influence en coulisses pour éviter une condamnation au criminel, les membres du Cabinet du sur lesquels elle a fait pression étaient tout à fait prêts à l'aider.
Nous savons maintenant avec exactitude ce qui s'est produit. Le témoignage présenté par le greffier du Conseil privé, Michael Wernick, devant le comité de la justice la semaine dernière a jeté un éclairage nouveau sur toute cette affaire. Nous savons que SNC-Lavalin a réussi, grâce à un lobbying efficace, à faire ajouter au Code criminel une disposition spéciale qui lui permettrait d'éviter d'être condamnée au criminel pour corruption.
[Français]
Nous savons que la directrice des poursuites pénales a décidé, de manière indépendante, de ne pas utiliser cette disposition. Nous savons que l’ancienne procureure générale a dit à ses supérieurs au sein du bureau du Conseil privé et du Cabinet du premier ministre qu’elle n’exercerait pas son autorité pour annuler cette décision.
[Traduction]
Grâce au témoignage de M. Wernick, nous savons maintenant ce qui s'est passé ensuite: le lui-même a tenté de façon non sollicitée, coordonnée et soutenue d'influencer l'ancienne pour qu'elle change d'idée et qu'elle annule la décision de la procureure fédérale indépendante afin de sortir SNC-Lavalin du pétrin.
Il l'a fait de manière non sollicitée. La n'avait pas demandé conseil au au sujet de cette question. Sa décision était déjà prise.
Il s'agissait d'un effort coordonné. Le a fait intervenir son plus proche conseiller politique et le plus haut fonctionnaire au pays pour qu'ils fassent pression sur l'ancienne procureure générale, en lui faisant bien comprendre quelles seraient les « conséquences » si elle refusait d'obtempérer.
Il s'agissait aussi d'un effort soutenu: il y a eu de nombreuses tentatives pour faire changer d'idée la dans les semaines et les mois qui ont suivi la prise de sa décision initiale.
Tous ces faits pointent vers une même réalité: le est intervenu de façon inappropriée, voire illégale, dans une poursuite criminelle.
Jusqu'à maintenant, le n'a toujours pas donné d'explication claire aux Canadiens quant à ses agissements. Depuis que l'affaire a éclaté dans les pages du Globe and Mail, il y a presque trois semaines, sa version des faits a changé à plusieurs reprises. Il a entaché la réputation de l'ancienne . Il a pointé tout le monde du doigt, des membres de son propre personnel jusqu'à Scott Brison. Il a même tenté de rejeter le blâme sur Stephen Harper.
Même après le témoignage de M. Wernick, qui a révélé à quel point le était impliqué dans cette affaire, ce dernier a continué à donner des réponses aussi vagues et incompréhensibles qu'avant. Cependant, il ne peut plus nier avoir été au coeur d'une tentative sans précédent d'entraver le cours de la justice.
[Français]
Cela nous amène à ma motion aujourd'hui. Le temps est venu que le fasse preuve de clarté. Il doit rendre compte de ses gestes. Il doit répondre de ce qu'il a fait, et il doit le faire au Comité permanent de la justice et des droits de la personne.
Le Comité de la justice a été saisi par l'affaire de SNC-Lavalin. Au début, les libéraux du Comité ont rejeté notre motion. Il y a deux semaines, les députés de l'opposition ont proposé une liste exhaustive de neuf témoins clés à interroger, dont plusieurs hauts fonctionnaires du Cabinet du et de l'ancienne procureure générale. Les libéraux du Comité, sous les ordres stricts du gouvernement, ont dit non à chacun d'entre eux. La dissimulation était en marche.
[Traduction]
Toutefois, comme la pression populaire continue de monter, les libéraux commencent à reculer lentement. L'ancienne a été appelée à témoigner, ce qu'elle fera apparemment demain matin. Par ailleurs, comme je l'ai dit plus tôt, le témoignage de M. Wernick, entendu la semaine dernière, a montré jusqu'où cette affaire va dans les hautes sphères.
Depuis sa volte-face à l'égard des travaux du comité de la justice, le gouvernement ne cesse d'en vanter les mérites. Appréhendant peut-être l'imminence d'une enquête criminelle, le gouvernement a soudainement un regain de confiance dans la capacité du comité de la justice de fournir aux Canadiens des réponses sur cette affaire.
[Français]
Vendredi dernier, la a déclaré ceci la Chambre: « Nous faisons confiance au travail des députés du comité de la justice. Je pense qu’ils doivent faire leur travail. »
[Traduction]
C'est ce qu'a affirmé la .
Mercredi dernier, le a pour sa part dit à la Chambre: « [...] je fais entièrement confiance aux membres du comité de la justice, qui mèneront une enquête minutieuse. » Nous le prenons au mot. Néanmoins, j'ai déposé la motion d'aujourd'hui parce que le , et seulement lui, peut répondre à ces questions. Il est impliqué dans cette affaire, et le temps est venu pour lui de rendre des comptes à cet égard.
Lorsqu'il a demandé aux Canadiens de lui accorder leur vote, le a promis de gouverner de façon différente. C'est écrit noir sur blanc dans la plateforme de la campagne électorale libérale de 2015. Les députés libéraux ne veulent peut-être pas l'entendre maintenant, mais je leur rappelle que le programme de campagne disait: « Comme le dit l'adage, le meilleur désinfectant, ce sont les rayons du soleil. Les libéraux jetteront une lumière nouvelle sur le gouvernement tout en assurant qu'il s'emploie à servir celles et ceux qu'il représente: les Canadiennes et les Canadiens. »
Après les élections, le premier ministre a également déclaré: « L’ouverture et la transparence seront omniprésentes dans tout ce que nous ferons, et nous travaillerons à restaurer la confiance des Canadiens à l’endroit de leur gouvernement et de notre démocratie. »
Les Canadiens ont peut-être cru le premier ministre sur parole, mais celui-ci se moque d'eux, comme le montrent ses agissements des dernières semaines.
De ce côté-ci de la Chambre, nous savons tous à quel point cette affaire a terni la réputation des libéraux. Les Canadiens se sentent trahis. Ils se demandent comment un arrivé au pouvoir en promettant d'être différent il y a trois ans seulement a pu reprendre si vite les bonnes vieilles habitudes libérales, et faire preuve du secret et de l'hypocrisie qu'on leur connaît bien.
[Français]
Cependant, cette motion offre au la possibilité de récupérer une partie de la confiance qu'il a perdue.
Je lui demande d'appuyer cette motion et de demander à l'ensemble de son caucus libéral de l'appuyer également.
Les Canadiens méritent des réponses, et lui seul peut les donner.
[Traduction]
J'invite tous les députés libéraux à faire la chose qui s'impose. Nous savons que des agents politiques de votre propre parti exercent d'énormes pressions sur vous pour essayer de se protéger eux-mêmes — peut-être même contre d'éventuelles accusations au criminel —, mais vous avez l'occasion, la responsabilité de faire ce qui s'impose dans cette situation, de défendre l'indépendance de notre système de justice afin de prouver qu'au Canada, on n'obtient pas un traitement de faveur parce qu'on est riche et puissant. Les règles sont les mêmes pour tous les Canadiens.
Les députés du Parti libéral ont cette possibilité aujourd'hui. Je les invite à faire ce qui s'impose.
:
Monsieur le Président, d'entrée de jeu, je tiens à affirmer sans équivoque que le public a intérêt à voir le mettre cartes sur table et témoigner devant le comité de la justice. Il est d'intérêt public qu'il acquiesce à ce que propose la motion à l'étude. Il est d'intérêt public que les députés d'en face votent pour cette motion.
Il en va de l'intérêt public. Pourquoi?
Je siège au comité de la justice, ce dont je suis très fière. Nous avons entendu quelques témoins jusqu'à présent. Le a comparu devant le comité et, durant cette réunion, il s'est dit dans l'impossibilité de répondre à toute question parce qu'il est tenu au secret professionnel. Il a soutenu que l'affaire relève du secret du Cabinet.
Il a aussi amené beaucoup de députés à se demander si la ministre avait fait l'objet de pressions, indues ou pas. Pour ma part, ce qui m'intéresse tout particulièrement, ce n'est pas ce que le témoin, l'actuel , a dit devant le comité, mais plutôt ce qu'il a affirmé par la suite, c'est-à-dire que lorsque l'ancienne procureure générale est venue discuter de sa version des faits avec le Cabinet, il s'est retiré de cette réunion parce qu'il ne voulait pas entendre ce qu'elle avait à dire.
Si l'actuel procureur général ne voulait pas entendre ce que sa prédécesseure avait à dire, le public a tout intérêt à savoir exactement quel genre de pression subissait l'ancienne procureure générale. Quelle autre raison amènerait l'actuel procureur général à craindre d'être en position de conflit ou peut-être dans l'obligation positive d'intervenir au nom du bureau du procureur général?
Le comité a entendu un autre témoin important, le greffier du Conseil privé. Son témoignage nous a permis de recueillir davantage de faits — plus, même, que ce à quoi nous nous attendions, en un sens. Selon lui, personne n'est lié par le secret professionnel dans toute cette affaire. Il ne s'est pas contenté de parler de ce qui a possiblement été dit: il nous a confirmé bon nombre de choses qui se seraient passées au Cabinet. Son témoignage fut très utile.
Il nous a aussi confirmé qu'une série de rencontres avaient eu lieu. C'est intéressant, parce que les détails qu'il nous a donnés nous ont permis d'avoir un meilleur portrait d'ensemble de la situation. Je doute cependant qu'il ait révélé tout ce qu'il y avait à révéler. La seule personne qui a toute l'information en sa possession est le seul témoin dont le nom ne figure pas sur la liste dressée par le comité de la justice, et c'est le .
Qu'a dit le jusqu'ici? Pour le moment, ce qu'il a dit, le premier ministre l'a dit à la presse, et comme l'a fait remarquer le chef de l'opposition, sa version des faits n'a pas cessé de changer. Ce qui est bien, c'est que nous avions un peu plus d'information chaque fois qu'il donnait une conférence de presse. Parfois le secret professionnel s'appliquait, parfois non. À la fin, il se contentait de réponses laconiques chaque fois que les journalistes voulaient en savoir plus pour comprendre de quoi il retourne exactement et avoir tous les faits et leur contexte en leur possession avant de peut-être conclure s'il y avait eu ingérence ou non. Pour justifier son mutisme, il invoquait parfois le secret professionnel, parfois le caractère confidentiel des discussions du Cabinet.
Pour être tout à fait honnête, j'ignore s'il croyait sincèrement que ces deux principes s'appliquaient lorsqu'il les a invoqués, parce que la presse a publié de nombreux avis juridiques depuis le début de l'affaire. Chose certaine, les avocats et les médias sociaux du pays s'en donnent à coeur joie, et de nombreux juristes y sont allés de leur avis quant à savoir si le secret professionnel s'applique à l'affaire en cours ou même s'il est possible d'invoquer un autre principe, celui du secret des délibérations du Cabinet, ce qu'il importe de déterminer.
Aujourd'hui, le comité entendra d'autres témoins. En première partie, il examinera la documentation sur ce que constitue le principe de Shawcross. Puis, au cours de la deuxième heure, il discutera de l'utilité de l'accord de suspension des poursuites, ce qui sera très intéressant pour les avocats qui souhaitent débattre de ces questions. Toutefois, en réalité, cela n'éclaire pas vraiment la situation dans laquelle nous nous trouvons. Ainsi, il faut utiliser les faits pour déterminer si oui ou non le principe de Shawcross a été respecté.
Je vais faire une prédiction assez audacieuse: je prédis que parmi les témoins qui comparaîtront aujourd'hui, l'un d'eux dira que nous n'en savons tout simplement pas suffisamment pour déterminer clairement si oui ou non le principe de Shawcross a été enfreint. Car nous n'avons pas tous les faits.
Examinons les rencontres.
Le 4 septembre, la directrice des poursuites pénales a envoyé une lettre de refus à SNC-Lavalin. Le greffier du Conseil privé nous a indiqué que, le 17 septembre, le , l'ancienne procureure générale et lui se sont rencontrés pour discuter du dossier de SNC-Lavalin, et, supposément, l'ancienne procureure générale aurait indiqué qu'elle ne changerait pas d'avis et ne cèderait pas aux pressions.
Comment le savons-nous? Nous le savons parce que le greffier du Conseil privé nous en a parlé au comité de la justice. Le a aussi donné des bribes d'information lors de conférences de presse. Nous n'avons pas encore entendu la version des faits de l'ancienne procureure générale. Toutefois, le témoignage du premier ministre est crucial dans ce dossier. Trois personnes ont participé à cette rencontre. Pour découvrir ce qui s'est passé, nous devons entendre toutes ces personnes.
Faisons un bond à la rencontre du 5 décembre entre Gerald Butts, l'ancien secrétaire principal du , et l'ancienneprocureure générale . Étant donné que j'ai déjà eu l'honneur d'être ministre du Cabinet, je sais que le premier ministre reçoit un compte rendu pour toute rencontre de ce genre. Nous devons savoir ce que contient le compte rendu reçu par le premier ministre, et ce dernier est le seul à pouvoir nous le dire.
Le 6 décembre, le a envoyé une lettre à SNC-Lavalin et à l'ancienne procureure générale. Il y explique que la décision revient entièrement à la procureure générale et que SNC-Lavalin devrait s'adresser à elle. Nous devons savoir quelles ont été les réflexions et les conversations qui ont mené à la signature de la lettre par le premier ministre lui-même.
Une autre rencontre a eu lieu le 17 décembre entre des personnes du bureau du et le personnel de l'ancienne procureure générale. Les deux parties étaient sûrement tenues d'envoyer un compte rendu, que ce soit au premier ministre ou à la ministre. Nous devons savoir ce qui s'est passé à cette rencontre.
Enfin, le 18 décembre, le greffier du Conseil privé a eu une conversation téléphonique avec l'ancienne procureure générale. Il ne fait aucun doute qu'il a ensuite soumis un compte rendu au , ce qui semble avoir déclenché le remaniement effectué à peine 20 jours plus tard.
Il y a une autre raison pour laquelle il en va de l'intérêt public.
Les actionnaires de SNC-Lavalin ont récemment communiqué avec un cabinet d'avocats de Windsor, en Ontario. Ils s'inquiètent du fait que, le 4 septembre dernier, la directrice des poursuites pénales a informé SNC-Lavalin que cette dernière n'obtiendrait pas d'entente de suspension des poursuites. Toutefois, l'entreprise n'a divulgué cette information que le 10 octobre. Entretemps, entre le 4 septembre et le 10 octobre, les actionnaires de SNC-Lavalin n'ont pas été informés du fait qu'elle n'avait pas obtenu d'entente de suspension des poursuites. Voici la partie qui nous importe.
Qui a assuré à SNC-Lavalin qu'elle n'aurait pas à divulguer un fait important à ses actionnaires, car le gouvernement allait s'occuper du dossier? Était-ce un membre du Cabinet du , un ministre ou même le premier ministre lui-même? Il y a aura une enquête. Ce n'est pas une question politique. Je respecte le commissariat à l'éthique et le comité de la justice, mais la situation dépasse de loin leur mandat. Nous nous demandons désormais si l'entreprise a divulgué en temps opportun l'information sur une question qui pourrait entraîner une perte de 15 % de ses revenus. C'est un fait important que les actionnaires doivent connaître.
Du 4 septembre au 10 octobre, SNC-Lavalin n'a divulgué aucun fait important par écrit à ce sujet. Nous ne lâcherons pas prise jusqu'à ce que le comparaisse devant le comité de la justice et qu'il nous dise la vérité. Les Canadiens méritent de connaître la vérité, de même que les actionnaires et les Communes en tant qu'institution.
:
Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole aujourd'hui au sujet de certains des points soulevés par la députée d'en face. Je tiens à commencer mon intervention en faisant deux observations, simplement pour souligner les contributions importantes à l'État et au gouvernement du Canada de deux Canadiens bien distincts.
Premièrement, la députée de a été ministre de la Justice et procureure générale, en plus de ministre des Anciens Combattants, et a fait des choses formidables, voire incroyables. Je répète que je suis très préoccupé par les commentaires concernant la députée de Vancouver Granville et les attaques contre elle et contre sa réputation.
Deuxièmement, je tiens à souligner les réalisations de l'ancien secrétaire principal du , son sens profond du service public et son dévouement à son travail au nom de tous les Canadiens.
Nous savons que deux enquêtes sont en cours au sujet des allégations mentionnées dans la motion. Premièrement, le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes a commencé à entendre des témoins sur la question le jeudi 21 février, en réponse à une motion de la Chambre. Deuxièmement, le commissaire à l'éthique mène une enquête en ce moment même. Cette enquête a également été entamée à la demande des députés de l'opposition.
Tout porte à croire que ces deux enquêtes, l'une menée par des représentants élus, l'autre par une personne non partisane, seront suffisantes pour examiner les questions que se posent les Canadiens et les députés en face.
Cela dit, il serait bon de parler tout d'abord des règles, des responsabilités et des pouvoirs du comité de la justice dans cette affaire, des témoins que le comité a déjà entendus et de ceux qui restent à comparaître.
[Français]
Comme d'autres grandes assemblées délibérantes, la Chambre des communes tire parti de la souplesse que permettent les comités pour remplir des fonctions auxquelles de petits groupes conviennent mieux. Ces fonctions comprennent notamment l'audition de témoins et l'examen détaillé des mesures législatives, du budget des dépenses et des questions de nature technique. Les travaux des comités permettent aux parlementaires d'obtenir des renseignements détaillés sur des questions qui préoccupent les électeurs, et, comme nous le savons, ils provoquent souvent d'importants débats publics.
En outre, étant donné que les comités communiquent directement avec la population, ils constituent un lien immédiat et visible entre les représentants élus et les Canadiennes et les Canadiens. Les comités sont une émanation de la Chambre des communes, qui les crée par voie d'ordres permanents ou spéciaux, et leurs pouvoirs sont limités à l'autorité qui leur a été déléguée. Pour ce qui est des comités de la Chambre des communes, au début de chaque session, et au besoin durant la session, le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre établit la liste des membres des différents comités permanents. Cette liste est en vigueur une fois approuvée par la Chambre. Comme le stipule le Règlement de la Chambre des communes, la plupart des comités permanents comptent 10 membres, dont la répartition des sièges entre les partis reflète celle de la Chambre.
Les comités peuvent recueillir l'information nécessaire à une étude de diverses façons, comme en entendant des témoignages lors des réunions, en recevant des mémoires et des opinions écrites, en demandant la production de documents, en organisant une table ronde ou en effectuant des visites des sites. Les moyens les plus fréquemment utilisés par les comités pour se renseigner sur un sujet particulier sont l'audition des témoins et les mémoires. À l'exception de quelques comités permanents et des comités mixtes permanents, le Règlement prévoit un mandat général pour l'ensemble des comités permanents. Ceux-ci sont autorisés à mener des études et à présenter des rapports à la Chambre sur toute question liée au mandat, à l'organisation, à l'administration et au fonctionnement des ministères qui leur sont confiés par la Chambre.
Plus particulièrement, ils peuvent étudier, en vue d'en faire rapport: les textes législatifs liés aux ministères qui leur sont confiés; les objectifs des programmes et les politiques desdits ministères et l'efficacité de leur mise en oeuvre; les plans de dépenses à court, moyen ou à long terme des ministères et l'efficacité de leur mise en oeuvre; et l'analyse de la réussite des ministères en fonction de leurs objectifs.
En sus de ce mandat général, la Chambre renvoie régulièrement à ses comités permanents d’autres questions à examiner. Par exemple, les projets de loi, les budgets des dépenses, les nominations par décret, les documents déposés à la Chambre en vertu d’une loi et les questions particulières que la Chambre souhaite faire étudier.
Pour chacun de ces éléments, la Chambre détermine quel comité permanent est le plus approprié en fonction de son mandat.
Le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes est autorisé à examiner les politiques, les programmes et les plans de dépenses du ministère de la Justice et à présenter des rapports à cet égard.
Comme on le sait, le ministère a pour mandat d’appuyer la double fonction du ministre de la Justice et procureur général du Canada, premier conseiller juridique de la Couronne. Le Comité est aussi autorisé à examiner les politiques, les programmes et les lois des organes suivants: la Commission canadienne des droits de la personne, le Commissariat à la magistrature fédérale Canada, la Cour suprême du Canada, le Service administratif des tribunaux judiciaires, le Service canadien d’appui aux tribunaux administratifs, le Service des poursuites pénales du Canada.
Le Comité peut entre autres être appelé à examiner les modifications proposées à la législation fédérale en ce qui touche certains aspects du droit criminel, du droit de la famille, du droit de la personne et de l’administration de la justice, en particulier des lois suivantes: le Code criminel, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, la Loi sur le divorce, la Loi sur le mariage civil, la Loi canadienne sur les droits de la personne, la Loi sur les juges, la Loi sur le Service administratif des tribunaux judiciaires et la Loi sur la Cour suprême.
Le Comité permanent de la justice et des droits de la personne peut aussi mener des études sur les sujets relatifs à son mandat, sujets qu’il choisit lui-même ou qui lui sont renvoyés par la Chambre des communes. Par exemple, il a récemment mené une étude sur la santé mentale des jurés. Auparavant, il a mené une étude sur la traite des personnes au Canada.
Dans le cadre d’une étude, le Comité tient des réunions publiques, examine les témoignages et passe en revue les présentations écrites et autres documents faisant autorité. Dans le cadre de leur étude sur la traite des personnes, les membres du Comité ont également parcouru le Canada pour tenir des séances privées avec des témoins qui étaient mal à l'aise de témoigner devant un forum public. Cela leur a permis d’entendre des témoins qu’ils n’auraient peut-être pas pu entendre autrement, mais dont les témoignages étaient cruciaux.
À la fin d’une étude, le Comité présente habituellement un rapport contenant ses conclusions et ses recommandations et peut demander au gouvernement d’y répondre dans les 120 jours.
[Traduction]
Comme nous le savons, le Comité s'est réuni le jeudi 21 février et a entendu le , la sous-ministre et sous-procureure générale du Canada, Mme Nathalie Drouin, ainsi que le greffier du Conseil privé, M. Michael Wernick. Ces témoins ont tous fourni au Comité et au public canadien des renseignements utiles pour comprendre le scénario qui fait l'objet de la motion et dont nous débattons aujourd'hui, en plus des rôles et des responsabilités du procureur général du Canada.
Ainsi, lorsqu'on a demandé au s'il convenait pour le et ses collaborateurs de débattre de la question avec lui, il a répondu que « ce type de conversation était approprié », opinion qui a été confirmée un peu plus tard dans la journée par M. Wernick, greffier du Conseil privé.
Lorsqu'on a demandé au procureur général du Canada si les conversations qu'il avait eues avec ses collègues du Cabinet en sa qualité de étaient appropriées, il a répondu: « Absolument ».
Comme l'a indiqué le , celui-ci prend conseil auprès du concernant le secret professionnel. Ce dernier a assuré les Canadiens qu'il est conscient du caractère urgent du dossier et qu'il cherche la meilleure approche à suivre pour être à la fois transparent auprès des Canadiens et juste envers l'ancienne procureure générale sans toutefois compromettre le secret professionnel ou le secret relatif au litige.
Le secret professionnel est un élément extrêmement important du système juridique canadien et il ne doit être levé que dans des circonstances appropriées.
C'est une mesure de protection qui permet aux avocats du pays — qui sont nombreux à obtenir un siège à la Chambre des communes — d'accepter des affaires dans des domaines du droit très difficiles et de conseiller leurs clients de manière franche et détaillée. Cela comprend le actuel, l'avocat du gouvernement. Le procureur général doit avoir la possibilité de conseiller le et il ne pourrait le faire de manière franche et détaillée si le secret professionnel était levé.
Comme l'a déclaré l'ancienne procureure générale, la députée de , la question du secret professionnel est complexe. C'est pour cette raison que le actuel étudie minutieusement le dossier afin de déterminer la meilleure façon de procéder pour assurer la transparence devant la population canadienne et être équitable envers l'ancienne procureure générale sans porter atteinte au secret professionnel ni au privilège relatif au litige, un point qu'il importe de souligner puisque les tribunaux canadiens sont saisis de deux affaires impliquant SNC-Lavalin.
La sous-ministre de la Justice et sous-procureure générale du Canada, Mme Nathalie Drouin, a expliqué dans son témoignage devant le comité la semaine dernière que le directeur des poursuites pénales appuie le procureur général, qu'il est également sous-procureur général du Canada et qu'il est chargé d'engager et de mener des poursuites fédérales criminelles au nom de la Couronne.
Lors de son témoignage crucial devant le Comité la semaine dernière, le greffier du Conseil privé, M. Michael Wernick, que j'ai déjà mentionné, a indiqué que le 12 février, la directrice des poursuites pénales a fait la déclaration suivante, que l'on peut trouver sur son site Web: « J'ai entièrement confiance que nos procureurs, dans cette affaire et dans toutes les autres, exercent leur pouvoir discrétionnaire en toute indépendance et à l'abri de toute considération politique ou partisane. »
Le témoignage de M. Michael Wernick était particulièrement utile, compte tenu de ses décennies de service comme haut fonctionnaire, tant sous des gouvernements conservateurs que libéraux. Comme l'a déclaré le , grâce à cela, « il comprend bien ce sur quoi s’appuient nos institutions et comment s’assurer que nous fassions la bonne chose en tant que gouvernement », et « nous devons porter soigneusement attention quand il s’exprime publiquement ».
Le témoignage de M. Wernick au Comité ne s'est pas arrêté là. Dans le cadre du débat d'aujourd'hui, je répéterai ce qu'il a dit. Je le cite: « Si vous résumez la situation pour les Canadiens en leur exposant les faits à notre disposition et les faits que j'ai appris grâce à ma participation à des réunions et à des conversations, il est clair qu'il s'agit ici d'activités légales. »
Je cite encore une fois M. Michael Wernick, le greffier du Conseil privé du Canada, le plus haut fonctionnaire du pays. Il a dit qu'il était « absolument convaincu » que les conversations qui ont eu lieu avec l'ancienne ministre de la Justice et procureure générale du Canada étaient « appropriées, légitimes et légales ».
Nous savons que les membres du comité de la justice ont annoncé après la réunion à huis clos du comité, le 19 février dernier, qu'ils allaient demander à l'ancienne ministre de la Justice et procureure générale du Canada, la députée de , et à des universitaires, de comparaître devant le comité et de témoigner. Ces audiences devraient avoir lieu cette semaine. Le comité pourrait alors décider d'entendre plus de témoins, comme il en a le droit.
Sous la direction du gouvernement libéral, les comités sont maîtres de leurs propres programmes. Les comités de la Chambre font un travail exemplaire. Tous les députés le reconnaissent, car ils participent tous aux travaux des comités, à l'exception des députés ministériels. Nous sommes sûrs que les réunions du comité continueront d'être menées de façon minutieuse et équitable et qu'elles fourniront aux Canadiens les réponses et les informations qu'ils demandent.
Je souhaite profiter du temps de parole qu'il me reste pour parler de l'enquête du commissaire à l'éthique. Je passe maintenant brièvement à l'étude qui va être réalisée par le commissaire à l'éthique.
Aux termes de la Loi sur les conflits d'intérêts, si un sénateur a des motifs raisonnables de croire qu'un titulaire de charge publique, dont le , a enfreint la loi, il peut demander par écrit au commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique d'examiner la question.
Dans le cadre de ce genre d'enquête, le commissaire a de nombreux pouvoirs. Premièrement, il a le pouvoir d’assigner devant lui des témoins et de leur enjoindre, d'une part, « de déposer oralement ou par écrit sous la foi du serment », et, d’autre part, « de produire les documents et autres pièces qu’il juge nécessaires ».
Aux fins de cette enquête, le commissaire a les mêmes pouvoirs qu'une cour d'archives en matière civile. La personne visée par la plainte a aussi la possibilité de présenter son point de vue.
[Français]
Le commissaire est tenu de fournir au premier ministre un rapport exposant les faits en question ainsi que son analyse et ses conclusions concernant la demande formulée par le parlementaire. Le rapport doit être fourni à la personne qui a présenté la demande, au titulaire de la charge publique qui fait l'objet de la demande et au public.
Le commissaire ne peut inclure dans le rapport aucune information qu'il est tenu de garder confidentielle, à moins que cette information ne soit essentielle pour fonder toute conclusion dans un rapport.
Comme je l'ai expliqué, ces deux processus sont déjà en cours. Les deux processus enquêteront sur les allégations soulevées par la motion dont nous sommes saisis aujourd'hui. Je suis tout à fait convaincu que ces deux processus seront menés de manière approfondie et équitable, et qu'ils fourniront aux Canadiens et aux Canadiennes les réponses et les informations qu'ils recherchent. Il y a tout lieu de croire que ces deux groupes sont en mesure d'examiner les questions qui leur sont posées.
:
Monsieur le Président, j'interviens pour appuyer la motion à l'étude aujourd'hui, qui vise à obliger le à comparaître devant le comité de la justice pour répondre à des questions liées à l'affaire SNC-Lavalin, qui, au cours des deux dernières semaines, a pris de l'ampleur et a connu des rebondissements très spectaculaires.
D'entrée de jeu, j'aimerais présenter les grandes lignes de mon discours. Tout d'abord, je vais retracer brièvement les événements à l'origine de la situation actuelle et parler du discours du gouvernement qui ne cesse de changer. Par la suite, j'aimerais parler du rôle du procureur général, qui agit en toute indépendance, et de la grande valeur qu'il revêt pour la démocratie canadienne. Je vais ensuite tenter de réfuter l'argument voulant que tout aille bien parce que le commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique va se pencher sur cette affaire. Enfin, je souhaite parler des accords de suspension des poursuites, qu'on appelle aussi accords de réparation, qui ont été insérés dans le Code criminel tout récemment, qui ne sont entrés en vigueur qu'en septembre dernier et qui se situent au coeur même de cette affaire.
Cela dit, j'aimerais donc maintenant retracer les événements qui nous ont conduits où nous en sommes aujourd'hui.
Selon un article du Globe and Mail, on aurait exercé des pressions sur l'ancienne procureure générale relativement à une poursuite criminelle. À cela, ce que le a répondu sans tarder — et il a dit beaucoup de choses —, c'est qu'il n'a pas dicté à l'ancienne procureure générale de faire quoi que ce soit en particulier.
Cette formulation est importante, étant donné que, selon moi, le gouvernement et l'opposition conviennent qu'il est inacceptable de dicter quoi faire au procureur général, qui est censé être indépendant, dans une affaire criminelle. En fait, c'est inconstitutionnel et cela viole l'une des principales conventions constitutionnelles de notre démocratie, à savoir le droit à une audience devant un décideur indépendant et apolitique lorsqu'on fait l'objet d'accusations criminelles.
Le a d'abord déclaré ne pas avoir dicté à l'ancienne procureure générale de faire quoi que ce soit. Toutefois, ce n'a jamais été de cela qu’il a été question dans cette affaire. Ce qui a été affirmé, c'est que des pressions ont été exercées sur l'ancienne procureure générale pour l'amener à faire certaines choses, et je vais y revenir plus tard.
Puis, la semaine dernière, le greffier est évidemment intervenu pour dire qu'il n'y avait eu qu'un débat animé, que les activités de revendications étaient licites et qu'on n'avait exercé aucune pression. Je vais expliquer pourquoi cela est important dans un instant.
Il existe une convention, une décision, appelée le principe de Shawcross, qui a été établie en 1951 par un procureur général au sein du gouvernement du Parti travailliste au Royaume-Uni. Elle parle de la limite qu'on ne peut pas franchir. Elle fait maintenant partie du droit canadien et on l'appelle le principe de Shawcross. Selon ce principe, il est tout à fait approprié, voire très souhaitable, qu'un procureur général discute de certaines questions avec ses collègues du Cabinet; toutefois, c’est à lui seul que revient la décision finale. Il faut donc déterminer s'il y a eu ou non des pressions qui ont franchi cette limite, ce qui, bien sûr, se rapporte à ce qui s'est passé.
Le 4 septembre, une personne indépendante appelée la directrice des poursuites pénales a fait savoir à une entreprise appelée SNC-Lavalin qu'il n'y aurait pas d'accord de suspension des poursuites. En effet, la directrice des poursuites pénales allait aller de l'avant avec sa décision d'intenter des poursuites criminelles dans cette affaire. Par la suite, il semble que l'ancienne procureure générale — qui a le pouvoir conféré par la loi d'annuler la décision et de donner des directives à cette personne — ait décidé de ne pas intervenir. Je ne pense même pas que la loi s'applique ici. Je vais m'expliquer dans un instant. Toutefois, même si la loi s'appliquait dans le cas qui nous occupe, je ne pense pas qu'il y ait lieu d'avoir un accord de suspension des poursuites. C'était à elle, et à elle seule, de prendre cette décision.
La question a été soulevée durant une réunion tenue le 17 septembre, à laquelle assistait le , comme le confirme un témoignage. Le chef de cabinet du , le puissant Gerry Butts, a aussi confirmé qu'une réunion a eu lieu le 5 décembre au Château Laurier, durant laquelle la question a été discutée encore une fois.
Il ne faut pas oublier que la directrice des poursuites pénales, qui est indépendante, avait déjà pris sa décision et que celle-ci ne devait pas changer, aux dires de la procureure générale.
Le 18 décembre, Katie Telford et Gerry Butts, du Cabinet du premier ministre, se sont réunis avec la chef de cabinet de l'ancienne procureure générale pour discuter de la question.
M. Wernick, le greffier du Conseil privé et le fonctionnaire le plus puissant du pays, a déclaré au comité qu'il avait eu besoin, le 19 décembre, de communiquer avec elle par téléphone pour lui fournir des éléments de contexte. Il y a ensuite eu la période de Noël, en décembre, puis un remaniement ministériel. Comme on le sait, M. Brison a décidé de quitter son poste. Quelques personnes seulement ont été touchées par le remaniement, dont l'ancienne procureure générale qui, comme on le sait, a été écartée de son poste et a démissionné du Cabinet peu de temps après.
La question consiste à savoir si l'ancienne procureure générale a fait l'objet de pressions indues. Dans l'affirmative, certains soutiennent qu'il y aurait eu entrave à la justice. Lorsqu'une personne objective peut penser raisonnablement qu'il y a eu ingérence dans l'administration de la justice, il s'agit d'entrave. C'est là une accusation criminelle grave et nous devons aller au fond des choses.
La question devient donc de savoir si des pressions inappropriées ont été exercées, si la ligne à ne pas franchir dont j'ai parlé tout à l'heure a été franchie. Regardons les choses d'un peu plus près. D'abord, une personne raisonnable pourrait penser que l'ancienne procureure générale, elle, a eu l'impression que ce genre de pressions avait été exercé. Imaginons combien de fois la question a été soulevée après que la décision finale ait été prise. Imaginons combien de personnes différentes, et au niveau le plus élevé de la bureaucratie et au niveau le plus élevé du Cabinet du ont essayé de lui parler de ce dossier. Je l'imagine disant « y a-t-il quelque chose qui n'est pas clair dans le mot “non”? » Je n'étais pas là.
Le greffier du Conseil privé estimait être en mesure de nous dire qu'il n'y avait pas eu de pressions inappropriées. Malgré tout le respect que j'ai pour ce fonctionnaire de grande expérience, qui a une longue carrière au service du Canada, je me demande comment il peut bien le savoir. A-t-il assisté à toutes ces rencontres? Il y a eu 50 rencontres avec des gens de SNC-Lavalin. À lui seul, le Cabinet du a tenu 18 rencontres. Il n'était pas là et il n'a pas assisté non plus aux rencontres qui ont eu lieu avec l'ancienne procureure générale à l'abri des oreilles indiscrètes, au Château Laurier ou on ne sait où ailleurs. Avec tout le respect que je lui dois, il ne le sait pas. Ensuite, il ne peut se mettre à la place de l'ancienne procureure générale pour savoir comment elle s'est sentie et quelles conclusions elle a tirées de cette conduite.
Penchons-nous sur la norme objective pour voir si cette limite a été franchie. Il y a eu bien des personnes, de nombreuses conversations et beaucoup d'efforts incessants pour obtenir un changement de position. Quelles sont les conséquences de ne pas céder à ces pressions? Elle est partie. Le gouvernement n'aime pas entendre le mot « congédiée », alors je dirai qu'elle a été démise de son rôle. Je suppose que d'aucuns en concluront que ces pressions indues ont eu des conséquences. C'est ce que je pense, mais j'aimerais que l'ancienne procureure générale en parle.
Venons-en au comité de la justice. Le secrétaire parlementaire a fait grand cas du fait que ce comité, maître indépendant de ses propres procédures, ira au fond de cette question. Je m'excuse, mais nous avons essayé de le faire. Nous avons essayé de convoquer d'autres personnes devant le comité, autres que l'ancienne procureure générale, et nous nous sommes fait balayer du revers de la main. Nous nous sommes fait dire que nous pourrions peut-être convoquer d'autres personnes — les seules personnes qui peuvent présenter l'autre version de l'histoire. On pourrait penser que c'est ce que le comité voudrait, s'il croyait qu'il ne s'est rien passé, mais il ne semble pas vouloir entendre d'autres témoins.
Une autre théorie est aussi possible. Peut-être que la goutte d'eau qui a fait déborder le vase pour l'ancienne procureure générale est que le fossé entre le discours tenu par le gouvernement sur la réforme du droit autochtone et la réalité n'a cessé de se creuser. Ce n'est un secret pour personne que l'ancienne procureure générale a travaillé très fort là-dessus. Elle a fait un certain nombre de discours qui semblaient suggérer qu'elle était mécontente de cela. Honnêtement, peut-être que ce sont les pressions maladroites auxquelles elle a été assujettie et le fait qu'elle ait été démise de ses fonctions qui ont fait déborder le vase. Qui sait?
Le secrétaire parlementaire nous a dit ce matin, comme le nous l'a dit à maintes reprises et le greffier du Conseil privé l'a dit au comité, qu'il ne faut pas s'en faire. Le commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique va faire enquête et ils affirment que cela devrait suffire. Avec tout le respect que je leur dois, je dois dire que cela ne suffira pas, car il est pratiquement certain que la conclusion sera que rien de répréhensible n’a eu lieu dans les circonstances, non pas en raison des faits, mais en raison du libellé de l'article 9 de la Loi sur les conflits d'intérêts qu'a invoqué le commissaire pour faire enquête.
M. Dion, l'enquêteur, a affirmé qu'il a « des raisons de croire que l'article 9 [de la Loi] a peut-être été transgressé ». L'article 9 interdit à un titulaire de charge publique de chercher à influer sur la décision d'une autre personne dans le but de favoriser de façon irrégulière les intérêts personnels de quelqu'un, et c'est ce sur quoi son enquête portera. Il y a cependant un hic: dans tous les cas semblables qui ont fait l'objet d'une décision de la part de l'ancienne commissaire Mary Dawson et d'autres personnes avant elles, il a été tranché que rien dans la Loi ne laisse entendre que les intérêts politiques doivent être inclus dans le concept d'intérêts personnels. Si de l'argent est en cause, d'accord; si autre chose est en cause, c'est exclu. Par conséquent, il est très peu probable que cette enquête permette aux Canadiens de ne serait-ce que de s'approcher de la vérité. Il faut pourtant faire toute la lumière sur cette affaire. En toute honnêteté, il n'est pas question du et des intérêts défendus. Il s'agit de savoir s'il y a eu ingérence dans le rôle indépendant de l'ancienne procureure générale.
Qu'en est-il des accords de suspension des poursuites, la mesure qui était en jeu dans cette affaire? Je dois dire qu'on entend beaucoup de critiques selon lesquelles de tels accords ne s'appliqueraient même pas dans les circonstances. J'ai déjà dit qu'ils n'ont pas encore été utilisés parce qu'ils sont tout nouveaux. Ils ont été insérés dans un projet de loi omnibus d'exécution du budget, une pratique digne du gouvernement Harper. On a enfoui quelques articles à la fin d'un immense projet de loi.
Je siégeais déjà au comité de la justice. Nous avons passé 30 minutes ou un après-midi à étudier l'article en question, et je peux assurer aux députés que le nom de SNC-Lavalin n'a pas été prononcé une seule fois. Nous n'avions aucune idée que c'était là l'enjeu. On a qualifié ces accords de changements nécessaires pour contrer les crimes en col blanc.
Les accords de suspension des poursuites ont un rôle à jouer dans notre système, mais il se peut qu'ils ne s'appliquent pas dans la situation actuelle, puisque certaines conditions énoncées dans le Code criminel doivent d'abord être satisfaites. Par exemple, une entreprise doit divulguer volontairement ses actes répréhensibles, admettre sa responsabilité, faire des réparations et ainsi de suite. Il n'y avait peut-être absolument aucun moyen de résoudre la quadrature du cercle. Il n'y avait peut-être simplement aucun moyen d'appliquer ces accords.
Quelle réaction attendons-nous de la part d'un procureur général? « J'aimerais pouvoir vous aider, mais la loi ne le permet pas. » Ce qui est drôle, c'est que, selon la loi canadienne sur les pratiques de corruption à l'étranger, de tels accords ne s'appliquent pas si les avocats de la défense affirment qu'ils nuiront à l'intérêt économique national. Les innombrables lobbyistes de SNC-Lavalin, qui ont rencontré des représentants du gouvernement à 50 reprises, avaient pour but d'essayer de nous éclairer sur l'intérêt économique national. Il existe donc de multiples raisons pour lesquelles les gens se demandent si le gouvernement a demandé à l'ancienne procureure générale de faire quelque chose de tout simplement impossible, voire même d'illégal.
Que tentaient-ils de faire si c'était le cas? Essayaient-ils d'accomplir quelque chose d'illégal ou essayaient-ils de changer la loi afin que nous puissions corriger la situation? Aujourd'hui, le Globe and Mail a publié un article qui pourrait contenir la réponse à cette question. Quiconque est reconnu coupable de fraude ou de corruption à l'étranger ne peut pas faire affaire avec le gouvernement du Canada pendant 10 ans. Il n'y a toutefois pas lieu de s'inquiéter, car il semble que de l'aide soit en route. Nous changerons la loi et nous accorderons possiblement à certains fonctionnaires le pouvoir discrétionnaire de réduire en quelque sorte la pénalité de 10 ans à peut-être 6 mois, une tape sur les doigts ou quelque chose du genre. Si nous sommes incapables de parvenir à nos fins d'une façon donnée et de convaincre un procureur général d'apporter des changements en exerçant des pressions sur lui, nous trouverons un autre moyen d'y parvenir.
C'est grave. Transparency International a signalé, dans son rapport de 2018, que le Canada est à la traîne par rapport aux autres pays de l'OCDE à cet égard. Nous n'en faisons pas assez. Nous avons « régressé », pour reprendre le terme employé dans le rapport. C'est donc grave. Devant l'OCDE et ailleurs, le et le Canada ont que nous appuyions les efforts pour contrer les crimes économiques internationaux, la corruption à l'étranger et d'autres crimes du même genre et que nous soutenions complètement leurs efforts. Eh bien, ce n'est peut-être qu'une autre promesse non tenue et peut-être que c'est ce à quoi pensait l'ancienne procureure générale lorsqu'elle a démissionné.
Les libéraux avaient promis de modestes déficits lors de leur campagne, mais ils n'ont pas tenu cette promesse. Dans ma région, ils avaient promis de refaire le processus qui a donné cet épouvantable projet qui va nuire gravement aux épaulards résidents du Sud et au mode de vie autochtone sur la côte. Ils avaient promis de le « reprendre du début ». Il était venu dans ma circonscription et c'est ce qu'il avait dit. J'y étais. Toutefois, il ne l'a pas fait.
Les libéraux ont promis de changer le système électoral. Mes collègues s'en souviendront sans doute. On nous a promis des centaines de fois que les élections de 2015 seraient les dernières à être tenues selon le système uninominal majoritaire à un tour. Évidemment, les libéraux ont aussi changé d'avis à ce sujet.
Cependant, avec un peu de recul, je pense que la promesse à laquelle les Canadiens tenaient le plus, la promesse la plus importante de toutes dans une démocratie, et celle à laquelle je m'intéressais le plus, c'est l'engagement du gouvernement à l'égard de la transparence et de la reddition de comptes. J'appuyais cette mesure sans réserve. Il y a plusieurs années, j'ai consacré beaucoup d'efforts à la question de la liberté d'information. J'ai cru cette promesse des libéraux et je voulais croire le gouvernement.
Dans leur campagne électorale de 2015, les libéraux ont dit qu'il était « temps de sortir le gouvernement de l'ombre ».
Le premier ministre a également dit que « l'ouverture et la transparence [seraient] omniprésentes dans tout ce [qu'ils feraient]. »
J'aimerais que l'on fasse preuve d'un peu d'ouverture et de transparence au comité de la justice. J'aimerais que les principaux intéressés dans cette affaire aient l'occasion de s'exprimer, soit le personnel du Cabinet du et l'ancienne procureure générale.
Je peux dire aux députés que je ne suis pas très optimiste, car M. Wernick, qui est dans la fonction publique depuis 37 ans, a conclu, en réponse à une question que j'ai posée, que le secret professionnel ne s'applique pas dans ce cas-ci. Il n'est pas question d'un secret relatif au litige. Le secret professionnel de l'avocat est une garantie pour le client que son avocat ne révélera jamais ce qui lui a été confié. De nombreux avocats affirment que cela ne s'applique pas dans cette situation parce qu'il ne s'agit pas de confidences entre un avocat et son client, mais plutôt de savoir si l'ancienne procureure générale a subi de l'intimidation dans l'exercice de ses pouvoirs. Voilà ce dont il est question.
En ce qui a trait au secret relatif aux litiges, il y a deux poursuites dans ce dossier. La première est une affaire de fraude et de corruption à Montréal, si je ne m'abuse, qui n'a absolument rien à voir avec ce qui est en cause ici, puisqu'elle ne porte pas sur le secret entourant les litiges et le secteur public et le procureur général. La deuxième est ce que la plupart des avocats pratiquant le droit administratif appelleraient un geste désespéré. Croyons-le ou non, SNC-Lavalin réclame un examen judiciaire du pouvoir discrétionnaire de la directrice indépendante des poursuites pénales, soutenant qu'elle aurait fait une erreur dans l'exercice de ce pouvoir à titre de procureure. C'est un geste on ne peut plus désespéré. Ce sont là les deux poursuites derrière lesquelles le gouvernement se cache en invoquant le secret relatif aux litiges et au secteur public.
Examinons la question. Premièrement, M. Wernick dit que ce secret ne s'applique pas dans les circonstances. Je suis d'accord avec lui. Deuxièmement, nous n'avons aucun avis à l'intention du gouvernement concernant les circonstances. Là n'est pas le problème. Troisièmement, le gouvernement invoque le secret relatif aux litiges pour deux poursuites qui n'ont littéralement rien à voir avec la question qui nous préoccupe. Je suis très fier du président du comité de la justice, qui a conclu que toute tentative d'invoquer la règle relative aux affaires en instance à cet égard serait probablement injustifiée. Je ne vois aucun problème avec cela.
Je sais que nous pouvons nous perdre dans les détails, tandis que les Canadiens se demandent pourquoi nous faisons un si grand cas de cette affaire. Après tout, le Canada est aux prises avec plusieurs crises: crise climatique, crise du logement, crise des opioïdes. C'est parce que notre démocratie est en jeu. En effet, la façon dont nous réagirons à cette affaire déterminera si nous vivons ou non dans une république de bananes. Est-ce que notre pays respecte la primauté du droit et l'indépendance du bureau du procureur général? Sommes-nous prêts à prendre le risque de ne pas mener une enquête approfondie pour déterminer s'il y a eu une ingérence indue par les plus hautes instances dans le travail de l'ancienne procureure générale du Canada? Je ne dis pas que c'est ce qui s'est produit. J'ignore ce qui s'est passé parce que je n'étais pas là. Toutefois, les libéraux se sont servis de leur majorité au comité de la justice pour nous empêcher d'obtenir ces réponses et pour se cacher derrière le secret professionnel. L'actuel n'a pas pu nous donner de réponses ni nous expliquer pourquoi la situation est si compliquée. Il n'a pas pu non plus nous dire qui pourrait lever le secret professionnel. Il suffit de lire le compte rendu.
Les Canadiens méritent des réponses. Nous devons découvrir le fin mot de l'histoire. C'est important pour notre démocratie, pour la Chambre des communes et pour le Canada.
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Monsieur le Président, je partagerai mon temps de parole avec la députée de .
J'appuie fermement la motion de l'opposition des conservateurs visant à demander au de témoigner sous serment devant le comité de la justice concernant son ingérence dans la poursuite criminelle intentée contre SNC-Lavalin.
Chaque jour qui passe, il devient de plus en plus manifeste que le est mêlé jusqu'au cou à cette affaire sordide. Chaque jour qui passe, il semble avoir une nouvelle version des événements.
Lorsque le Globe and Mail a publié son article, le pensait pouvoir s'en laver les mains en niant tout. Quand il s'est rendu compte qu'il ne s'en sortirait pas, il a soigneusement concocté une réponse juridique selon laquelle la décision venait exclusivement de l'ancienne procureure générale. Il a ensuite déclaré que le fait que l'ancienne procureure générale faisait toujours partie du Cabinet parlait de lui-même. Eh bien, l'ancienne procureure générale a démissionné du Cabinet immédiatement après cette affirmation. Pour l'explication, on repassera.
Le a alors déclaré que l'ancienne procureure générale n'avait subi aucune pression. Cependant, jeudi dernier, le greffier du Conseil privé, Michael Wernick, a admis, lors de son témoignage devant le comité, qu'il y avait en fait eu des pressions. M. Wernick a cependant affirmé qu'il n'y a pas matière à s'inquiéter parce qu'il ne s'agissait pas de pressions inappropriées, comme si on pouvait parler de pressions appropriées et inappropriées. En réalité, il est absolument inapproprié d'exercer quelque forme de pressions que ce soit sur l'ancienne procureure générale.
À cet égard, je vous renvoie au regretté juge Rosenberg et à l'opinion qu'il a émise sur l'indépendance du bureau du procureur général. Dans son résumé du principe de Shawcross, le juge Rosenberg a déclaré « la responsabilité d'une décision incombe uniquement au procureur général, et celui-ci ne doit pas être sujet à des pressions de la part du gouvernement à cet égard. » Il ne doit y avoir aucune pression, un point c'est tout.
Nous avons également appris, à la lumière du témoignage de M. Wernick, que le n'a pas donné la vraie version des événements. Autrement dit, ses explications ne sont tout simplement pas véridiques. Le premier ministre a déclaré que la décision avait été prise uniquement par la procureure générale et que cette dernière n'avait subi aucune pression.
En fait, il ressort que l'ancienne procureure générale avait pris une décision qu'elle a clairement communiquée au le 17 septembre. Elle avait décidé de ne pas annuler la décision de la directrice des poursuites pénales de ne pas conclure d'accord de suspension des poursuites avec SNC-Lavalin.
Une fois que la décision a été communiquée au , on se serait attendu à ce qu'il en soit resté là et qu'il accepte la décision par respect pour l'ancienne procureure générale, par respect pour l'indépendance du bureau du procureur général et le caractère sacré de cette indépendance. Toutefois, ce n'est pas ce qui s'est passé.
Voici ce qui est arrivé: lorsque l'ancienne procureure générale a communiqué sa décision au , le 17 septembre dernier, ce dernier a orchestré, par l'entremise de ses représentants, une campagne pour la faire changer d'idée. Je crois qu'il est important de passer quelques dates importantes en revue dans ce dossier.
On sait que le 5 décembre dernier, l'ancienne procureure générale a rencontré Gerald Butts, le principal secrétaire et conseiller politique du premier ministre. De quoi ont-ils discuté? De SNC-Lavalin. La décision avait été prise le 17 septembre. Près de trois mois plus tard, M. Butts en reparle à l'ancienne procureure générale, qui ne semble pas vouloir obtempérer. Lui et Katie Telford, chef de cabinet du premier ministre, insistent pour parler de nouveau de l'affaire SNC-Lavalin avec elle ainsi que d'un accord de suspension des poursuites.
Ensuite, pour qu'il soit bien clair que la décision de ne pas intervenir de l'ancienne procureure générale n'est pas satisfaisante, M. Wernick, le greffier du Conseil privé, rencontre le premier ministre le 19 décembre. Après cet entretien, il juge bon d'appeler l'ancienne procureure générale pour, comme il le dira, « faire le point sur l'affaire SNC-Lavalin ». Il déclarera également ceci: « Je lui ai dit que bon nombre de ses collègues et le premier ministre étaient très inquiets des propos qu'ils entendaient et lisaient. »
Il a dit « très inquiets ». Je pensais qu'une décision avait déjà été prise. Le a déclaré que la décision appartenait uniquement à l'ancienne procureure générale et qu'elle n'avait fait l'objet d'aucune pression. Pourtant, on a appris que, à la suite de cette décision, des rencontres ont été organisées entre le premier ministre, sa chef de cabinet, son secrétaire principal et le greffier du Conseil privé. Le premier ministre peut bien dire sans sourciller que la décision appartenait uniquement à l'ancienne procureure générale et qu'elle n'a fait l'objet d'aucune pression, mais compte tenu de la chronologie des événements, le fait qu'il ait l'audace de dire cela constitue une véritable insulte pour les Canadiens.
Or, du point de vue de l'intérêt public, la situation est encore pire. Tout de suite après que le greffier du Conseil privé lui a fait part de l'inquiétude du , l'ancienne procureure générale est partie en vacances. C'était dans le temps des Fêtes. Je pense qu'elle est allée à Bali. Alors qu'elle se trouvait encore dans ce pays, elle a reçu un appel du premier ministre qui lui demandait de rentrer à Ottawa. À son retour, elle a appris qu'elle allait être congédiée de son poste de procureure générale. C'est ce qui s'est passé. Dès qu'il en a eu l'occasion, le l'a congédiée.
Le premier ministre a déclaré que la décision appartenait uniquement à l'ancienne procureure générale. Nous constatons que le premier ministre était disposé à n'accepter qu'une seule décision, à savoir infirmer la décision de la directrice des poursuites pénales. La seule décision que le premier ministre était prêt à accepter, c'était de s'ingérer dans une poursuite criminelle indépendante et, jusqu'à ce qu'on prenne cette décision, il ne se souciait ni des mesures qu'il prenait ni de celles qu'il demandait à ses représentants de prendre pour compromettre l'indépendance du bureau de la procureure générale, ce qui constitue un problème extrêmement grave. C'est hautement problématique.
Bien franchement, il est temps que le dise la vérité. Il est temps que le premier ministre fasse preuve de transparence. Il est temps que le premier ministre fournisse aux Canadiens les réponses qu'ils méritent. C'est précisément l'objet de notre motion. Si le premier ministre n'a rien à cacher, il devrait donc se présenter devant un comité, prêter serment — et courir le risque, en passant, de se parjurer — et laisser passer la lumière du soleil.
C'est ce dont nous avons besoin: de lumière. Nous savons que le affirme que la lumière du soleil est le meilleur désinfectant qui soit. Laissons-le répondre.
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Monsieur le Président, la Chambre est saisie d'une motion demandant au de révéler sous serment ce qu'il sait de l'affaire SNC-Lavalin et le rôle qu'il y a joué.
Pour les gens qui suivent le débat et qui ont peut-être entendu parler de cette affaire depuis deux semaines, je prends un instant pour en refaire l'historique.
SNC-Lavalin est une entreprise montréalaise. Selon ce qu'elle dit elle-même, elle offre « des services d'ingénierie, d'approvisionnement et de construction ». Elle compte énormément d'employés à Montréal et dans les environs. Elle a remporté de nombreux contrats publics fédéraux de plusieurs millions de dollars. Bref, on parle de beaucoup de votes et de profits considérables.
En 2015, la GRC a déposé des accusations contre la société SNC-Lavalin pour avoir offert des pots-de-vin d'une valeur de 47,7 millions de dollars à des agents gouvernementaux libyens. Si je ne m'abuse, les documents de cour faisaient mention du fils de Mouammar Kadhafi. La société aurait aussi escroqué les autorités publiques libyennes d'environ 129 millions de dollars.
Dernièrement, nous avons appris que la GRC avait découvert que SNC-Lavalin avait aussi versé des pots-de-vin ici, au Canada, dans le cadre d'un contrat de 127 millions de dollars concernant le pont Jacques-Cartier. Un fonctionnaire fédéral a d'ailleurs reconnu l'an dernier avoir accepté des paiements dépassant 2,3 millions de dollars de la part de SNC-Lavalin. Combien doit-on payer pour faire des affaires?
Toujours en 2015, la GRC a déclaré que « la corruption d'agents étrangers compromet la saine gouvernance et le développement économique durable », rien de moins.
Puis, plus tôt cette année, la société très riche et bien financée s'est lancée dans des efforts de lobbying à n'en plus finir. Ceux-ci étaient comparables à ceux qu'on peut observer aux États-Unis. La société a exercé le plus de pressions possible sur le gouvernement et sur tout le monde. Il y a eu une série de réunions avec le Cabinet du . Elle n'acceptait pas qu'on lui dise non parce qu'elle voulait se sortir de cette situation. Voilà ce qui la motivait.
Pourquoi? Parce qu'advenant un verdict de culpabilité, SNC-Lavalin n'aurait plus pu soumissionner pour des appels d'offres fédéraux. Il s'agit d'une grosse pénalité. L'enjeu est important.
Après le lobbying de l'entreprise, les libéraux ont glissé en douce dans le projet de loi d'exécution du budget une disposition relative à l'accord sur la suspension des poursuites. Dans le document d'une infinité de pages touchant à tous les sujets possibles, les libéraux ont faufilé une importante modification à la loi. En termes simples, un accord sur la suspension des poursuites permettrait à SNC-Lavalin d'éviter une condamnation ou une peine d'emprisonnement pour ses dirigeants. La société pourrait se contenter de payer une amende et continuerait d'être admissible à présenter des soumissions pour des appels d'offres fédéraux.
Tout cela se déroule derrière des portes closes, et l'accord est glissé en douce dans un projet de loi omnibus qui est adopté. Toutefois, il existe un organisme indépendant, le Service des poursuites pénales, et c'est lui qui décide de conclure ou non un accord de suspension des poursuites. La directrice des poursuites pénales a opté pour un procès plutôt que pour un accord.
L' est restée ferme et a indiqué qu'il allait y avoir un procès. Puis, selon le greffier du Conseil privé, qui a témoigné la semaine dernière — après que la version du dans ce dossier eut changé un million de fois —, lui et le premier ministre auraient expliqué à l'ancienne procureure générale les répercussions économiques si un procès avait lieu et débouchait sur une déclaration de culpabilité. Cela s'est produit après que l'ancienne procureure générale eut pris la décision d'aller de l'avant.
C'est le Cabinet du et le chef prétendument impartial de la fonction publique qu'on accuse d'entrave à la justice au plus haut niveau. Voilà pourquoi le doit témoigner devant les Canadiens.
Voici cinq raisons pour lesquelles c'est très important.
Premièrement, rappelons-nous que l' a résisté aux pressions. Or, quelles ont été les conséquences de ce refus d'obtempérer? Elle a été remerciée de ses services. Le l'a congédiée. Cette affaire peut constituer un cas d'entrave à la justice. Il ne s'agit pas uniquement d'une violation des règles d'éthique. Il ne s'agit pas simplement d'une situation qui mérite une réprimande, comme le séjour dans l'île de l'Aga Khan. Dans le cas qui nous intéresse ici, de graves infractions criminelles pourraient avoir été commises.
Deuxièmement, quel message cette affaire envoie-t-elle? Elle indique aux Canadiens qu'il y a, au Canada, deux poids deux mesures, autrement dit deux systèmes de justice: un pour les gens qui ont les moyens de payer des millions de dollars à des lobbyistes et exercer des pressions pour des circonscriptions montréalaises, et un autre, pour les communautés de minorités visibles et les femmes qui n'ont pas de tels moyens. Nous pouvons discuter ici de toutes sortes de façons d'aborder la question, mais c'est la réalité. Bien des gens au Canada n'ont pas de telles possibilités, et c'est un énorme problème.
Troisièmement, le se prétend un grand féministe et dit appuyer sans réserve la cause des femmes. Or, la semaine dernière, devant le comité de la justice, le greffier du Conseil privé, alors qu'il tentait d'expliquer si, selon lui, des « pressions inappropriées » pouvant être considérées comme une infraction criminelle avaient été exercées, a essentiellement déclaré que l' avait peut-être interprété les choses différemment. Où a-t-on entendu cet argument auparavant? Lorsqu'il a fait l'objet d'une allégation de tripotage, le premier ministre a tenu exactement les mêmes propos. Il a dit: « Elle a vécu les choses différemment. » Ce n'est pas la parole de l'un contre celle de l'autre. Comme le dit le magazine Maclean's, c'est uniquement la parole du premier ministre. Nous avons affaire à un faux féministe.
Le aime se parer de l'auréole glorieuse du féminisme pour s'attirer des votes, mais quand vient le temps de passer à l'action, quand des lobbyistes viennent cogner à sa porte, le ton change et on l'entend dire des « elle n'a pas vécu les choses de la même façon » et des « elle aurait dû agir autrement ». Quelle foutaise. C'est dégoûtant. Il doit venir témoigner devant le comité de la justice. Personne ne peut bomber le torse et se dire féministe, puis traiter une femme de cette manière. Ce n'est tout simplement pas possible.
Par ailleurs, le lui a imposé le silence. Il l'a muselée et a tenu la laisse serrée tout en essayant de tourner la situation à son avantage. C'est révoltant. C'est complètement inacceptable. Il doit répondre de ses actes.
Enfin, en tant que députée de Calgary, je rappelle que les accords de suspension des poursuites ne sont pas censés tenir compte d'arguments d'ordre économique. Pourtant, dans son témoignage devant le comité de la justice, le greffier du Conseil privé a révélé qu'il avait fait part à l' de l'argument économique et du fait que beaucoup d'emplois sont en jeu.
Dès le début de cette affaire, la société n'aurait peut-être pas dû soudoyer des hauts responsables libyens. Elle n'aurait peut-être pas dû offrir des pots-de-vin pour obtenir des contrats. Peut-être faudrait-il que ces gestes aient des conséquences. Où étaient donc les considérations économiques du gouvernement lorsqu'il a accablé les sociétés énergétiques albertaines de politiques punitives?
Les électeurs de ma circonscription regardent cela et demandent pourquoi Montréal obtient des accords de suspension des poursuites. Comme nous l'avons découvert aujourd'hui, le gouvernement songe à modifier les règles. Donc, même si la compagnie est reconnue coupable, elle pourra encore obtenir des contrats fédéraux. En quoi ces emplois sont-ils mieux que les emplois dans ma circonscription? Le rôle d'un premier ministre est d'unir notre pays. Tous les emplois sont importants. Le devrait défendre la justice.
C'est dégoûtant. C'est ce que chacun de nous ici devrait combattre, indépendamment de son allégeance politique. Les députés libéraux d'arrière-ban ne sont pas ici pour eux-mêmes. Ils sont ici pour défendre la justice et pour leur collectivité. Leur rôle est de demander des comptes au gouvernement, même si le gouvernement est du même parti qu'eux. C'est ainsi qu'ils montrent ce qu'ils ont dans le ventre. C'est dans ce genre de situation que nous défendons ce qui est juste ou rien du tout.
Le a eu tort. Il devrait comparaître devant le comité de la justice et répondre du fait qu'il a prêté des propos à une femme forte, qu'il a dit que certains d'emplois sont mieux que d'autres, qu'on lui reproche d'avoir entravé la justice.
S'il y a une chose à laquelle tout le monde tient au Canada, peu importe ses couleurs politiques, c'est l'indépendance du système judiciaire, une indépendance dont nous sommes fiers et qui nous permet de dire que nous ne faisons pas les choses comme dans d'autres pays. Le chef de notre pays doit respecter cet esprit dès aujourd'hui. Il doit comparaître devant le comité et rendre des comptes.
Les députés qui voteront contre la motion à l'étude lui donneront la permission de bafouer la démocratie. Les députés qui voteront contre la motion à l'étude devront répondre de leur geste devant leurs concitoyens, qui ne veulent pas que des affaires sordides comme celle-là divisent le pays.
Quand le chef de notre pays et du gouvernement, un faux féministe, défend les emplois d'une entreprise accusée d'avoir soudoyé des Libyens, il faut prendre les choses en main, et cela commence par le .