:
Monsieur le Président, c'est avec plaisir que je me prononce aujourd'hui en faveur du projet de loi .
[Traduction]
Pour commencer, j'aimerais reconnaître que nous sommes rassemblés sur les terres ancestrales non cédées du peuple algonquin.
Avant d'entrer dans les détails du projet de loi, j'aimerais remercier nos collègues, plus particulièrement les membres du comité du patrimoine, qui ont travaillé avec diligence pour que ce projet de loi franchisse l'étape de l'étude au comité, ainsi que certaines personnes qui ne siègent pas au comité, notamment nos collègues de , et pour leur dévouement et pour tous les efforts qu'ils déploient pour appuyer ce projet de loi.
Je suis aussi heureux de parler de ce qui rend le projet de loi nécessaire. Comme le savent les députés, le projet de loi est le fruit d'une collaboration entre trois organismes autochtones nationaux: l'ITK, l'APN et le Ralliement national des Métis. Il découle directement de plusieurs choses très importantes qui se sont produites au Canada et ailleurs.
D'abord et avant tout, il découle directement des appels à l'action 13, 14 et 15 formulés dans le rapport de la Commission de vérité et réconciliation. J'en dirai plus à ce sujet plus tard.
Il découle aussi directement de nos engagements dans le cadre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Comme les députés le savent, le projet de loi est maintenant à l'étude à l'autre Chambre. Il a été adopté par la nôtre et il remplit des engagements pris par le gouvernement et le .
Il y a bien des façons d'envisager les langues, mais quoi qu'on en dise, elles sont au coeur même de nos vies. Ce sont elles qui permettent aux gens de communiquer. Elles nous lient à la terre que nous habitons et elles définissent notre style de vie.
On compte actuellement 90 langues autochtones au Canada. L'UNESCO a désigné 2019 Année internationale des langues autochtones, mais nous ne devons pas perdre de vue que 75 % de ces 90 langues sont hélas sur le point de disparaître. C'est révoltant. Dans certains cas, il ne reste qu'une ou deux personnes encore capables de les parler. Je me suis rendu à London, en Ontario, dernièrement, pour rencontrer des aînés de la nation Oneida. Au total, 48 personnes parlent oneida, mais elles ont toutes plus de 65 ans. Très peu de jeunes peuvent encore le parler. Cette langue risque fort de s'éteindre d'ici une génération. La situation est urgente. Jusqu'ici, les gouvernements n'ont rien fait pour protéger les langues autochtones, alors je crois qu'il est plus que temps de légiférer une bonne fois pour toutes.
La situation n'a pas commencé à se détériorer il y a 152 ans, avec les efforts de colonisation du gouvernement, mais dès que les premiers colons sont arrivés en Amérique du Nord. Au fil des ans, les langues se sont érodées, en bonne partie selon moi à cause des programmes gouvernementaux. Évidemment, les pensionnats indiens arrivent tout en haut de la liste, et leurs effets se sont fait sentir sur plusieurs générations d'Autochtones, qui ont fini par perdre leur langue d'origine. Les pensionnats indiens ont directement contribué à ce phénomène, c'est un fait établi.
J'aimerais citer les propos du lors de l'assemblée extraordinaire des chefs de l'Assemblée des Premières Nations, le 6 décembre 2016. Voici ce qu'il a dit:
Nous savons tous trop bien comment les pensionnats et d’autres décisions des gouvernements ont été utilisés pour éliminer les langues et les cultures autochtones. Pour vraiment faire avancer le processus de réconciliation, nous devons renverser les dommages à long terme qu’ils ont causés.
J'aimerais partager avec les députés une expérience que j'ai vécue le mois dernier.
Je me suis rendu à Moosonee, où j'ai rencontré Tony, un survivant des pensionnats indiens. Il est dans la soixantaine et originaire de la région de Moosonee. Il avait environ cinq ans lorsqu'il fut emmené au pensionnat St. Anne avec ses frères et soeurs. Ils y sont demeurés environ 10 ans. Durant cette période, il a été totalement coupé du mode de vie auquel il était habitué. Il a essentiellement perdu sa langue et son lien spirituel avec son peuple. Il a été incapable de renouer des relations avec sa famille, car ses frères et soeurs ont été séparés dans d'autres dortoirs. À son retour, il a tout simplement été incapable de se rapprocher de sa famille. Il lui a été très difficile de s'établir. Il est maintenant un homme d'affaires très prospère et père de quatre enfants. Il a tenté de nous expliquer à quel point la langue est importante pour lui. Malheureusement, il ne parle pas la langue et ne peut pas la transmettre à ses descendants. Selon moi, c'est là le point critique auquel nous faisons face aujourd'hui.
J'ai aussi recueilli des commentaires de Mary Siemens, une aînée tlicho et linguiste. Elle explique ainsi le lien entre les langues autochtones et l'identité culturelle:
Notre culture dépend de notre langue, car elle contient des mots uniques qui décrivent notre mode de vie et des noms d'endroits pour tous les lieux où nos ancêtres ont voyagé. Nous avons des mots précis pour désigner des activités saisonnières, des rencontres sociales et des relations familiales.
Voilà une citation révélatrice qui décrit le lien direct qu'elle a avec sa langue et sa culture.
Je tiens à passer en revue certains des éléments principaux du projet de loi. D'abord et avant tout, il s'agirait d'un cadre, d'un document évolutif. Nous élaborons un cadre qui traiterait des langues autochtones de manière globale. Ce serait un cadre dynamique qui permettrait une approche fondée sur les distinctions pour protéger les langues autochtones. Il ne s'agirait pas d'une solution pensée à Ottawa aux défis auxquels sont confrontées les langues autochtones. Il s'agirait d'un cadre qui permettrait aux communautés autochtones de définir ce qui est important pour elles et la manière dont les langues doivent être protégées, en se basant sur la notion de l'autodétermination et de respect pour chacune des nations et chacun des groupes linguistiques. La Chambre, ainsi que d'autres compétences, devront revoir le projet de loi aux cinq ans. Il sera modifié au fur et à mesure que les langues et les situations évolueront afin que le soutien puisse se poursuivre alors que nous continuons, avec les Premières Nations, sur la voie de la réconciliation.
Pour replacer les choses dans leur contexte, il n'y a, par exemple, que 48 locuteurs de l'oneida, alors que ceux du cri sont beaucoup plus nombreux, ce qui fait que les besoins et les outils de protection sont différents. Ce qui peut être important pour un groupe ne l'est pas nécessairement pour d'autres. Je crois que le cadre que nous avons élaboré en tient compte. Il offre la marge de manoeuvre nécessaire en fonction de ces distinctions et permet à chaque collectivité de mettre au point le plan d'action qui lui convient.
Je veux dire quelques mots sur l'un des éléments majeurs de ce projet de loi, à savoir la création d'un bureau du commissaire aux langues autochtones, qui est très important.
Pour la première fois serait consacré dans la loi le poste de commissaire pour superviser les langues autochtones. Le commissaire serait appuyé par trois directeurs et, ensemble, ils collaboreraient avec les collectivités et les nations autochtones pour élaborer des programmes et des processus qui répondent à leurs besoins.
Le cadre relatif au poste de commissaire aux langues autochtones fournit un plan concret comme point de départ. En effet, il ne s'agirait pas d'un point final, mais d'un point de départ pour inverser la perte de ces langues.
À partir de là interviendrait l'appui du gouvernement fédéral, sous forme d'un investissement conséquent prévu dans le budget de 2019. L'initiative bénéficierait d'un investissement de 333 millions de dollars au cours des cinq prochaines années. On en débat d'ailleurs actuellement dans le cadre de l'étude de la loi d'exécution du budget. Comme vous le savez, ce serait un changement significatif par rapport aux 89 millions de dollars actuels accordés sur trois ans, soit une trentaine de millions de dollars par an pour l'Initiative des langues autochtones. Ce nouveau financement conséquent accélérerait la protection des langues autochtones.
Il est très important que nous protégions les langues autochtones. Je reviens à mon expérience personnelle, dont j'ai déjà parlé à la Chambre. Je sais que le a aussi souvent parlé des langues. Pour nous deux, la langue maternelle parlée à la maison n'est ni l'anglais ni le français. Nous sommes tous les deux arrivés au Canada à un âge relativement jeune. Ma famille parle tamoul. À la maison, c'est la langue première. Depuis 35 ans, un grave conflit perdure au Sri Lanka au sujet d'une langue et de la capacité de la population à la parler et à se faire servir dans cette langue. Plus de 100 000 personnes sont mortes pour cette raison.
La langue parlée à la maison a été déterminante dans ma vie. Elle a défini pratiquement tous les aspects de la personne que je suis, la façon dont je vis ma vie, et ce que je fais et ne fais pas. Si je n'avais pas ce lien avec la langue, je serais une autre personne aujourd'hui. J'ai deux filles âgées de 8 et 10 ans, et j'ai de la difficulté à leur transmettre la langue et à m'assurer qu'elles la parlent couramment et qu'elles aient l'occasion de découvrir et de comprendre la culture et le contexte comme j'en ai eu l'occasion. Malheureusement, je ne lis ni n'écris la langue, mais je suis tout de même capable de la comprendre et de vivre dans ce monde. C'est une difficulté avec laquelle je dois composer.
Par ailleurs, le tamoul bénéficie d'un excellent appui à l'échelle internationale et est intégré aux activités de nombreuses universités. C'est aussi la langue officielle de divers pays, dont Singapour et la Malaisie, ce qui la protège. La situation du tamoul est donc très différente de celle des langues autochtones, que nous n'avons pas su soutenir, revitaliser, protéger et faire croître. Il est crucial d'agir sans tarder. C'est notamment pour cette raison que nos collègues conservateurs et néo-démocrates ont collaboré de près avec nous afin que ce projet de loi franchisse l'étape de l'étude en comité et poursuive son cheminement à la Chambre.
On n'insistera jamais assez sur le fait que ce projet de loi doit être mis en oeuvre dans les plus brefs délais. Au cours des derniers mois, j'ai visité des communautés qui comptaient six locuteurs d'une langue et n'en comptent plus que cinq. Cette situation se répète dans différents coins du pays, comme les députés le savent probablement.
On ne peut pas attendre jusqu'à la prochaine législature pour agir. On ne peut pas laisser à la prochaine génération le soin de régler ce problème, parce qu'il n'y aura malheureusement personne, alors, qui pourra parler certaines de ces langues, les protéger et les préserver.
Il y a quelques mois, je suis allé au Musée royal de la Colombie-Britannique, à Victoria. J'y ai vu une exposition sur les langues autochtones qui mettait en évidence la situation actuelle. Nous en sommes au point où certaines langues n'existent plus que dans les musées. Leurs derniers locuteurs ont été enregistrés par des chercheurs et ces archives demeurent, mais il n'existe aucun plan pour relancer et revitaliser ces langues. C'est avant tout pour cette raison qu'il est urgent d'adopter le projet de loi à l'étude.
Enfin, pour ce qui est de la question plus générale de la réconciliation, le Canada a une grande part de responsabilité dans l'état actuel de ces langues. Ce ne sont pas les Autochtones qui sont en cause. Cette situation découle des politiques gouvernementales. Il faut changer ces politiques pour promouvoir ce processus de revitalisation, et cette importante responsabilité repose sur le gouvernement fédéral. C'est une raison de plus pour que nous appuyions le projet de loi et que nous en fassions avancer l'étude.
Il est crucial que nous nous engagions à appliquer la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. C'est un engagement que le gouvernement et le ont accepté et auquel nous sommes en voie de donner suite. L'adoption de ce projet de loi est une étape importante pour inscrire les principes de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones dans la loi.
La perte de ces langues est alarmante. Il est essentiel de prendre des mesures de revitalisation pour les faire revivre et les promouvoir. Il est aussi important de reconnaître que la langue a été, au fil des ans, un moyen de résistance. Même si ces langues se sont perdues, nous savons que certaines personnes ont parlé leur langue maternelle jusqu'à un âge avancé, même jusqu'à leur mort, et que c'était pour eux un important moyen de résistance.
Nous devons reconnaître tous les gardiens des langues, toutes ces personnes qui, au fil des ans, se sont démenées pour garder ces langues vivantes, les programmes de renaissance des langues, les aînés, de même que les communautés et les écoles où les langues sont enseignées. Nous devons les remercier du travail énorme qu'ils font pour appuyer ces langues et les préserver. C'est une conclusion appropriée, car c'est la force et l'engagement de ces personnes qui permettront aux langues autochtones de renaître, d'être revitalisées et employées dans la vie quotidienne. J'espère que, un jour, nous pourrons célébrer la survie de toutes ces langues autochtones.
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Madame la Présidente, c'est avec plaisir que je prends la parole sur le projet de loi , la Loi sur les langues autochtones, à l'étape de la troisième lecture.
Pour les gens qui nous regardent, il est important de souligner que nous venons de voter à l'étape du rapport et que la Chambre a voté à l'unanimité pour que ce projet de loi passe à l'étape suivante. Cela montre bien l'importance de cette mesure législative.
Comme nous savons qu'il est important de faire avancer ce projet de loi, l'expression « La quête de la perfection entrave souvent le progrès » me semble tout particulièrement à propos. Ce projet de loi est loin d'être parfait. Il reste de nombreux éléments qui seront étudiés plus en détail au Sénat. À mon avis, d'autres amendements seront proposés. Le projet de loi est considéré comme une étape fort importante, quelque chose que nous devrions tous appuyer, à tout le moins moins un pas dans la bonne direction. Nul doute qu'il s'agit d'une amélioration, mais cette mesure nous permet-elle d'atteindre l'objectif vers lequel il nous faut tendre? Pas du tout.
Je viens de m'entretenir avec un de mes collègues qui a assisté hier soir à un souper avec l'ambassadeur de la Nouvelle-Zélande. Une délégation de ce pays était au Canada. Je crois comprendre qu'il y a eu des tambours et un accueil en langue crie à ce souper. Ce que j'ai trouvé particulièrement intéressant est le fait que la délégation en entier, des députés de tous les partis, a parlé en maori pendant plus d'une minute. Tous les membres de cette délégation avaient une connaissance de la langue autochtone de leur pays.
J'ai trouvé cela très intéressant. Je sais que nous avons quelques personnes qui parlent une langue autochtone au Parlement, mais nous sommes bien loin de quelque chose qui ressemble à cela. Il va sans dire que le Canada est dans une situation bien différente puisque les langues et les dialectes parlés y sont très nombreux.
Ce projet de loi est important. De nombreux témoins ont souligné devant le comité du patrimoine que, pour eux, la protection et la revitalisation des langues autochtones sont essentielles. Dans leurs témoignages, ils ont présenté le résultat de recherches sur l'importance de la langue, des expériences vécues et des suggestions pour améliorer cette mesure législative. Je remercie tous les témoins d'avoir pris le temps de comparaître devant le comité pour donner leur point de vue sur ce projet de loi. Nous savons que certaines suggestions ont été prises en compte mais que, pour le moment, certaines autres seraient difficiles à mettre en oeuvre. Le changement doit être progressif, un peu comme s'il s'agissait d'un organisme en constante évolution. Quoi qu'il en soit, le projet de loi offre certainement un cadre de départ.
Je reviens un peu en arrière. Lors du débat à l'étape de la deuxième lecture, j'ai fait part d'une expérience personnelle. J'aimerais maintenant parler d'une réalité dont j'ai été témoin dans les années 1980. À l'époque, les aînés parlaient couramment leur langue, mais certaines politiques gouvernementales ont fait des ravages, et je ne parle pas seulement des pensionnats indiens et de la perte de la langue.
Je me souviens d'avoir rendu visite à une aînée qui parlait très bien sa langue. Pourtant, on m'avait dit que je ne devais pas aller la rencontrer parce qu'elle n'était plus considérée comme membre de la communauté du fait qu'elle avait épousé un Blanc, qui était maintenant décédé. J'ai trouvé la situation étrange parce que cette femme faisait bel et bien partie de la communauté: elle en parlait la langue et en représentait admirablement bien la culture. Toutefois, pour le gouvernement, elle avait perdu le statut d'Indienne inscrite parce qu'elle s'était mariée à un Blanc, depuis décédé. Cette aînée ne pouvait même pas redemander son statut d'Indienne.
C'était vraiment très étrange. C'est l'une des premières fois que j'ai vu l'impact des politiques gouvernementales. En tant qu'infirmière, je n'étais pas censée rendre visite à une aînée, parce qu'à l'époque, on me surnommait « l'infirmière des Indiens », et dans les communautés, je n'avais le droit de rendre visite qu'aux personnes qui étaient des Indiens inscrits. Nous avons tous ignoré ces règles, qui n'avaient véritablement aucun sens.
Tous les aînés, à l'époque, s'exprimaient aisément dans leur langue alors que, parmi les enfants revenus des pensionnats autochtones — qui étaient dans la cinquantaine ou la soixantaine à ce moment-là —, très peu avaient les connaissances linguistiques nécessaires pour entretenir une conversation avec leurs parents, et de nombreux aînés maîtrisaient très mal l'anglais. On ne peut qu'imaginer comment c'était difficile pour les communautés.
Si on revient un peu en arrière, la mise sur pied de la Commission de vérité et réconciliation était prévue dans la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens de 2007, laquelle reconnaît que le système des pensionnats a eu des effets majeurs, durables et désastreux sur la culture, le patrimoine et les langues autochtones. À l'époque, le très honorable Stephen Harper et le gouvernement conservateur précédent ont reconnu les torts causés et ont présenté aux anciens élèves, à leur famille et à leur communauté des excuses officielles à la Chambre des communes pour le rôle que le Canada a joué dans le fonctionnement de ces écoles.
Ce fut un moment de communion au Parlement. Comme nous formions le gouvernement, nous avons présenté les excuses. Cependant, je me souviens que les députés néo-démocrates ont joué un rôle déterminant dans ce dossier et je sais aussi que les libéraux ont salué cette journée.
Voici ce qu'a dit le premier ministre Harper à ce moment-là:
Le gouvernement du Canada a érigé un système d'éducation dans le cadre duquel de très jeunes enfants ont souvent été arrachés à leurs foyers et, dans bien des cas, emmenés loin de leurs communautés.
Bon nombre d'entre eux étaient nourris, vêtus et logés de façon inadéquate. Tous étaient privés des soins et du soutien de leurs parents, de leurs grands-parents et de leurs communautés.
Les langues et les pratiques culturelles des Premières Nations, des Inuits et des Métis étaient interdites dans ces écoles.
Certains de ces enfants ont connu un sort tragique en pension et d'autres ne sont jamais retournés chez eux.
Le gouvernement reconnaît aujourd'hui que les conséquences de la politique sur les pensionnats indiens ont été très néfastes et que cette politique a causé des dommages durables à la culture, au patrimoine et à la langue autochtones.
Comme nous le savons, la Commission a mené ses travaux à l'échelle du pays et a lancé des appels à l'action. Les appels à l'action 13, 14 et 15 portaient précisément sur la question des langues; c'est donc l'une des raisons pour lesquelles il y a consentement unanime à la Chambre pour adopter ce projet de loi.
Ce projet de loi est important. Nous l'avons dit, il n'est pas parfait. Je vais aborder les inquiétudes et les préoccupations qui continuent de me tracasser concernant les éléments techniques du projet de loi, plutôt que son esprit.
Ma principale préoccupation se rapporte à une situation que je n'avais jamais vue auparavant dans ma carrière de parlementaire. Les comités entendent des témoins, qui font des suggestions. Nous avons ensuite l'occasion de proposer des amendements au projet de loi afin de l'améliorer et d'en corriger les lacunes. Les amendements sont habituellement présentés suffisamment à l'avance pour permettre à tous les membres du comité de réfléchir aux incidences possibles de ces amendements et de déterminer s'ils les trouvent raisonnables et s'ils les appuieront.
Nous avons suivi ce processus. De nombreux amendements ont été proposés, y compris par des membres indépendants. Nous avons eu tout le loisir de réfléchir aux incidences de ces amendements dans le cadre du projet de loi dans son ensemble. Il y a ensuite eu l'étude article par article, où nous avons examiné les articles existants, ainsi que les amendements proposés.
Le gouvernement a présenté 23 amendements à l'étape de l'étude article par article. Au cours de ma carrière de parlementaire, j'ai déjà vu des indépendants ou les partis de l'opposition présenter des amendements à cette étape, mais je n'ai jamais vu un gouvernement présenter 23 amendements à un de ses projets de loi sans donner l'occasion de les étudier. En gros, nous avons été contraints de prendre une décision sur-le-champ quant aux conséquences de ces amendements.
C’est à mon avis un incroyable manque de rigueur, et c'est très inquiétant. Lorsque le Sénat sera saisi du projet de loi modifié, j’espère qu’il sera en mesure de détecter les anomalies qui pourraient en résulter.
L’autre chose que je trouve intéressante à propos de ce projet de loi, et que les Canadiens ignorent peut-être, c’est que le Parlement a été saisi de deux projets de loi qui sont, à certains égards, complémentaires: celui-ci et le projet de loi , la mesure sur les enfants autochtones. Comme l’a confirmé Mme Laurie Sargent, du ministère de la Justice, c’est la première fois que, au lieu de passer par les tribunaux, le Parlement reconnaît dans une loi les droits prévus à l’article 35.
Les conservateurs ont souvent dit que le rôle des parlementaires est de légiférer et celui des tribunaux, d’interpréter. D’une certaine façon, il est tout à fait approprié qu’en consultation et en collaboration avec les peuples autochtones de ce pays, nous essayions d’avancer en ce qui concerne les droits de l’article 35.
Mais il y a toujours la question de notre Constitution, et c’est un exercice auquel doivent absolument participer nos provinces et nos territoires. Il me paraît approprié que le gouvernement fédéral aborde la question de l’article 35 dans un projet de loi sur la langue, car cela n'imposera rien aux provinces. En revanche, dans le projet de loi , qui concerne la protection des jeunes autochtones, le gouvernement définit certains droits de l’article 35 et se propose d’imposer ces définitions aux provinces alors que, jusqu’à présent, il s’est bien gardé de leur en parler. Lorsqu’on envisage de définir certains droits consacrés dans la Constitution, il est imprudent de ne pas en parler avec les provinces, et cela s’applique tout particulièrement au prochain projet de loi dont nous allons discuter. Je regrette vivement que le gouvernement ait choisi de procéder de cette façon.
Depuis que j’ai été élue députée, les relations fédérales-provinciales n’ont, à mon avis, jamais été aussi houleuses. C’est comme si l’ensemble du système était grippé, et j’espère sincèrement que la situation pourra revenir à la normale. Le fait que le gouvernement propose un projet de loi dont il n’a même pas discuté avec les provinces constitue une difficulté que nous devrons régler.
En relisant mes notes, j’ai remarqué autre chose. C’est le 5 février que le projet de loi a été déposé. À cette occasion, j'avais félicité le , tant pour son discours que pour le projet de loi. Mais le 5 février, c’était aussi le jour où le Globe and Mail a publié un premier article sur le scandale SNC-Lavalin.
Je me souviens que l’article venait tout juste de sortir et j’ai bien sûr posé une question au ministre à ce sujet, mais nous n’avons jamais obtenu de réponses satisfaisantes pendant les deux mois qui ont suivi. Ce que nous avons constaté, en lisant cet article et pendant les deux mois qui ont suivi, c’est que le gouvernement n’hésite jamais à mettre en exergue son engagement vis-à-vis des relations avec les Autochtones et de la réconciliation, mais que, trop souvent, il ne fait pas ce qu'il dit.
Je sais que l’ancienne , qui siège maintenant en tant qu’indépendante, s’inquiète tout particulièrement de ce que le gouvernement est en train de faire par rapport aux engagements qu’il a pris dans le dossier autochtone.
Nous avons vu que les libéraux n’ont pas hésité à se débarrasser d’une femme qui était devenue la première procureure générale autochtone du Canada. Comment ont-ils pu faire cela à une personne qui avait une telle réputation? Ils ont mis deux mois à peine. Nous devrons leur demander des comptes à ce sujet.
Le projet de loi , qui portait sur l’égalité entre hommes et femmes, est un autre projet de loi connexe qui a été présenté à la Chambre. Lorsque des fonctionnaires du ministère ont comparu devant le comité, nous avons eu l’impression qu’ils apportaient une réponse raisonnable à une décision du tribunal. Pourtant, les témoins qui les ont suivis nous ont expliqué les graves lacunes du projet de loi, que les fonctionnaires du ministère n’avaient pas repérées. La ministre avait dit que tout allait bien et que le gouvernement s’occupait de la décision du tribunal, mais le projet de loi était si mal ficelé que les libéraux ont dû le retirer et tout recommencer à zéro. Ensuite, il a fallu adopter un projet de loi imparfait, et nous avons appris récemment qu’il y avait des questions qui n’avaient toujours pas été réglées en ce qui concerne l’égalité entre hommes et femmes.
Voilà pour l’essentiel ce qui me préoccupe au sujet des projets de loi que le gouvernement a présentés. Il y avait le projet de loi , qui contenait trop de lacunes et qui a dû être retiré. Il y a le projet de loi , qui a nécessité 22 amendements avant d'être présenté sans préavis. Pour ce qui est du projet de loi , il ne reste que six semaines avant la fin de la législature. Les libéraux ont pris des engagements importants qu’ils n’ont pas encore réussi à concrétiser; ils veulent donc précipiter les choses, surtout dans le cas du projet de loi C-92, qui concerne la protection de la jeunesse autochtone.
Lorsque j’ai commencé mon discours, j’ai parlé de certaines choses qui n’étaient pas parfaites, mais qui allaient dans la bonne direction. Cependant, en agissant avec précipitation, les libéraux risquent de se retrouver avec un projet de loi tellement lacunaire qu’ils seront contraints de faire marche arrière, comme ils ont dû le faire pour d’autres projets de loi. Nous devrons malheureusement attendre de voir s'ils auront le temps de le mener à bon terme.
En conclusion, j’aimerais dire combien le consentement unanime de cette Chambre me réjouit. Nous avons beaucoup travaillé sur ce dossier, mais ce n’est qu’une étape. L’instauration de nouvelles technologies me donne des raisons d’être optimiste. Un témoignage nous a appris que l’intelligence artificielle pouvait contribuer à préserver des langues.
Nous devons nous mettre au travail assidûment et sans tarder, alors nous sommes très heureux d’appuyer ce projet de loi pour passer à l’étape suivante.
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Monsieur le Président, je vais commencer par remercier ma collectivité du soutien qu’elle m’a donné, ainsi qu’à mes parents, mes frères et sœurs et mes cousins Dean, Debra, Desi et Dallas. J’aimerais particulièrement rendre hommage à feue ma cousine, Danielle Herman, également appelée Superstar.
Je prends la parole aujourd’hui de façon quelque peu inattendue et spontanée pour parler une fois de plus du projet de loi , une loi sur les langues des Premières Nations, des Métis et des Inuits. En tant que Dénée qui a grandi sur un territoire de piégeage, parlant la langue et s’instruisant de la terre, je sais à quel point cette loi est importante et combien il est important qu’elle soit bien formulée.
Je dois dire que ce n’est qu’il y a 15 heures environ que j’ai appris que ce projet de loi serait débattu ce matin. J’ai appris hier soir que nous en ferions la troisième lecture, beaucoup trop tard pour pouvoir disposer des 48 heures de préavis requises pour qu’un interprète déné puisse venir à la Chambre afin que je puisse parler ma langue.
Quand je parle avec des électeurs dans mon coin, je m’efforce, aussi souvent que possible, de parler notre langue, parce que c’est à la fois un geste de résistance et une façon de renforcer les liens communautaires. Quand nous parlons notre langue, nous partageons notre expérience, notre histoire et nos histoires. Quand nous parlons notre langue, que ce soit le déné, le cri ou le mitchif, nous nous rappelons mutuellement que nous avons survécu aux pensionnats indiens et que nous continuons à parler cette langue, même si le Canada ne voulait pas que nous le fassions.
Que je doive parler ici aujourd’hui une langue que j’ai apprise pour que ce soit plus pratique pour les autres, sans qu'on m'ait donné les moyens d'avoir un interprète pour qu’une grande proportion de mes concitoyens puisse suivre un débat sur un projet de loi qui touche directement l’avenir de leur propre langue, que je doive parler sans interprétation, est extrêmement décevant et, une fois de plus, la preuve qu'on attend des membres des Premières Nations qu'ils se plient aux conditions de leurs colonisateurs. Le gouvernement qualifie ce projet de loi d’acte de réconciliation, mais ce qui se passe dans les coulisses est bien loin de la réconciliation.
Tout au long des deux premières lectures de ce projet de loi et des nombreuses réunions du comité, mes collègues et moi n’avons cessé d’entendre les deux mêmes choses. Premièrement, que ce projet de loi n’était pas parfait. Le nous l’a dit, suivi des chefs des organisations autochtones. L’ITK, pour sa part, a dit à maintes reprises que le projet de loi ne répondait pas aux besoins spécifiques des Inuits. Les locuteurs et les professeurs de langues autochtones nous ont dit qu’ils ne comprenaient pas ce que ce projet de loi allait leur donner. Au lieu de proposer une réponse sérieuse aux objections tout à fait réelles des défenseurs des langues autochtones et du NPD, le gouvernement s’est contenté de répéter que, malgré ses imperfections, le projet de loi était une première étape importante d’un projet beaucoup plus vaste qui visait à protéger et à réhabiliter les langues autochtones.
Le gouvernement nous a dit qu’il devait donner suite aux appels à l’action 13, 14 et 15 de la Commission de vérité et réconciliation, et que, même s’il y avait encore beaucoup à faire, ce projet de loi était un pas dans la bonne direction.
Entendons-nous bien. On ne peut pas crier victoire en ne franchissant que les premières étapes qui conduiront à un projet de loi satisfaisant sur les langues autochtones, de même qu’on ne peut pas prétendre connaître une langue étrangère si on ne sait que compter jusqu’à 10 ou encore affirmer qu’on a terminé un marathon si on n’en a parcouru que le premier kilomètre. Moi qui suis autochtone, je n'ai cessé de me faire dire par le gouvernement qu’il voulait tourner la page, repartir à zéro, faire les choses différemment, se donner une nouvelle orientation, ou quelque autre nouvel euphémisme du genre. Je crois pouvoir parler au nom de la grande majorité des peuples autochtones qui ne sont pas prêts à tout recommencer encore une fois. Nous ne voulons plus qu’on nous promette de meilleurs lendemains si ces promesses ne sont pas suivies d’actions concrètes et de financements conséquents. Nous ne voulons pas qu’on nous promette un meilleur projet de loi demain, parce que nous n’avons aucune garantie de traiter avec un partenaire bien disposé à notre égard.
Lorsque le a comparu devant le comité pour présenter son projet de loi, il nous a dit qu’il était prêt à envisager des amendements. Un grand nombre d’aînés, d’organisations et de professeurs de langue qui ont été consultés nous ont dit que les recommandations qu’ils avaient faites n’avaient été prises en compte dans le projet de loi.
Un grand nombre de ces aînés, organisations et professeurs de langue ont comparu devant le comité pour apporter leur témoignage et donner des conseils et des recommandations. C’est en toute bonne foi et en sachant que c’était là la volonté de ceux qui savaient mieux que nous que le NPD, le Parti vert, les conservateurs et le député du ont proposé en comité un certain nombre d’amendements pour améliorer le projet de loi, mais ils ont été pratiquement tous rejetés.
J’aimerais prendre le temps d’expliquer à mes collègues pourquoi les amendements que nous avons proposés au nom de ces gens-là étaient si importants. À plusieurs reprises, le NPD et le député de ont essayé de faire reconnaître dans la loi les besoins linguistiques spécifiques des Inuits, conformément aux recommandations que l’ITK et son président, Natan Obed, ont faites au comité. L’une des choses qui nous ont le plus surpris, c’est d'apprendre qu’au Nunavut, il y a en fait plus de professeurs anglophones que d’élèves anglophones, et que les programmes d’enseignement de l’anglais et du français reçoivent plus d’argent que les programmes d’enseignement de l’inuit.
Les Inuits voulaient un projet de loi adapté à leurs besoins spécifiques, et l’ITK a proposé un certain nombre d’amendements raisonnables et bien réfléchis, mais le gouvernement les a tous rejetés.
Le député de a présenté, en pensant à sa communauté, un amendement qui aurait permis au gouvernement de conclure des ententes avec des gouvernements provinciaux et autochtones dans le but de mieux répondre aux besoins linguistiques des habitants de certaines régions bien précises. Son amendement, qui avait été mûrement réfléchi, aurait permis d’offrir des services fédéraux en langues autochtones, dans le cadre d’une entente de nation à nation sur la nature des besoins à satisfaire.
Dans un territoire où la grande majorité des gens parlent l’inuktitut, offrir des services gouvernementaux dans cette langue aurait été un symbole de décolonisation important. Or, les services sont offerts soit en français soit en anglais, si bien que trop de gens n’y ont pas accès. En rejetant cet amendement, le gouvernement refuse de satisfaire les besoins des Inuits.
Cet amendement s’inscrivait dans le dialogue que nous avons entamé au sujet du statut des langues autochtones au Canada. Les députés ne sont pas sans savoir que, pendant des décennies d’oppression exercée par le gouvernement fédéral, les pensionnats et les écoles, les locuteurs de langues autochtones se sont fait dire qu’eux aussi bien que leurs langues n’avaient pas leur place au Canada.
Nous assistons aujourd’hui à la renaissance de nos langues, à telle enseigne que nous nous sentons libres de les parler dans nos maisons et dans nos communautés. De plus en plus de jeunes se familiarisent avec les traditions et les langues de leurs aînés et de leurs parents et parlent ces langues à l’école et dans la communauté. Nos aînés n’hésitent pas à offrir leurs services pour enseigner leur langue; ils ne craignent plus des représailles si on les surprend à transmettre leurs connaissances. Des locuteurs de langues autochtones organisent des camps et des programmes d’été où ils enseignent leur langue. Soit dit en passant, ces locuteurs de langues autochtones se font dire par le gouvernement que c’est bien ce qu’ils font pour leur peuple.
Toutefois, les gouvernements, qu’ils soient provinciaux ou fédéral, n’accompagnent pas le travail des professeurs de langue en leur offrant des financements et des ressources pour développer l’apprentissage ou la préservation des langues, selon nos propres paramètres. En Saskatchewan, par exemple, la province vient d’annoncer que les élèves du secondaire pourront désormais suivre des cours en déné et en cri, ce qui est une excellente initiative. Malheureusement, les professeurs de langue sont bien placés pour savoir que l’enseignement d’une langue doit être financé tout au long du parcours scolaire, à commencer par la maternelle. L’enseignement d’une langue se fait à tous les âges, à tous les niveaux et durant toute la vie.
Ce que nous n’avons pas obtenu, c’est la reconnaissance du statut de nos langues. Sans ce statut, nous n’obtiendrons pas les financements nécessaires pour l’éducation. Nous n’obtiendrons pas les financements nécessaires pour la préservation de nos langues. Nous n’obtiendrons pas les financements nécessaires pour aller de l’avant.
Je sais que la question du statut a des répercussions concrètes qui préoccupent le gouvernement, mais je pense que celui-ci ne voulait pas vraiment s’attaquer à cette question, ce qui aurait pourtant été un symbole de réconciliation et de décolonisation manifeste. Finalement, il est plus facile de crier victoire pour des réformettes que d’avoir le courage d’entreprendre de vraies réformes.
Je rêve du jour où les Autochtones du Canada pourront avoir accès à des services gouvernementaux dans leur propre langue, mais ce jour n’est pas encore venu.
Une des autres grandes inquiétudes dont m’ont parlé mes concitoyens concerne le rôle du commissaire aux langues autochtones. Je comprends que la supervision du financement, du rétablissement et de la préservation des langues autochtones nécessitent une structure administrative, et le projet de loi la prévoit, mais les professeurs de langue et les organisations autochtones ne savent pas quels seront les pouvoirs du commissaire aux langues, en quoi ils influeront sur leurs activités quotidiennes ou comment les modèles de financement seront établis. Tout ce que nous savons pour l’instant, c’est que les professeurs de langue devraient sans doute passer par un autre palier de bureaucratie, un autre processus de demande pour obtenir des fonds.
Ce que nous savons aussi, c’est que les aînés et les professeurs de langue savent ce qui est mieux pour leurs propres communautés. La création d’un autre palier administratif par lequel les professeurs devront passer est préoccupante pour deux raisons. Premièrement, le gouvernement devrait par principe financer les programmes de langues directement, au lieu d’accepter les frais généraux élevés que représente un nouvel organisme public. Deuxièmement, les professeurs relèveront d’un commissaire aux langues qui sera peut-être habilité à dire si certains modes d’apprentissage et de préservation ne sont pas assez bons, sans connaître une langue ou un groupe culturel particulier et ses besoins.
Si nous faisons cas des commentaires des professeurs de langue qui oeuvrent sur le terrain, le projet de loi doit faire passer les personnes avant. Tel qu’il est écrit, je ne vois pas bien, ni les professeurs, ce que la loi sur les langues autochtones fera pour ces langues.
De plus, nous avons proposé au comité du patrimoine un amendement visant à garantir que le commissaire aux langues autochtones et les directeurs de son bureau seront membres des Premières Nations, métis ou inuits. Il est tellement important que le commissaire aux langues soit autochtone. Le vécu d’un Autochtone, le fait de savoir ce à quoi sont confrontées nos communautés, de connaître l’histoire de notre peuple, la résistance que nous avons opposée au gouvernement canadien et l’expérience quotidienne de la vie dans ce pays sont indispensables au commissaire aux langues autochtones.
Nous voulions inscrire dans le projet de loi cette expérience et cette connaissance personnelles minimales à ce poste, car nous savons combien elles seront importantes. On nous a répondu au comité que ce que nous demandions était inconstitutionnel, mais que le gouvernement ferait tout son possible pour qu’un Autochtone occupe le poste de commissaire. Ce que dit le gouvernement libéral, c’est qu’il veut protéger la Constitution, mais agir contre elle. Il veut respecter un document colonial, mais il utilise des mots pour dire qu’il est de notre côté malgré lui.
Ce qui me préoccupe le plus, et qui préoccupe beaucoup de mes concitoyens, c’est que le poste de commissaire aux langues autochtones puisse faire l’objet d’une nomination politique et revienne à quelqu’un qui est animé de bonnes intentions, mais qui ne comprend pas totalement nos expériences.
À presque chacune des rencontres entre le comité et les ministères du Patrimoine canadien, des Services aux Autochtones et des Relations Couronne-Autochtones, ces ministères sont représentés par des non-Autochtones. Les ministres et les professionnels de ces ministères sont éduqués et bien intentionnés, mais il y aura toujours une barrière qui les empêchera de comprendre totalement nos communautés et leurs besoins, car leur expérience de vie est profondément différente de la nôtre. Le gouvernement aurait pu profiter de la présentation du projet de loi pour éliminer cette barrière et pour veiller à ce que le commissaire aux langues autochtones soit un Autochtone, qui aurait mieux compris nos besoins particuliers. Toutefois, il n'a pas saisi cette occasion pour toutes sortes de raisons politiques et coloniales.
Enfin, il y a la question du financement. De nombreuses personnes ont dit publiquement que ce projet de loi constitue simplement une étape dans le plan du gouvernement libéral concernant les langues autochtones et que le financement viendra plus tard. Or, pour que l'entité devant être créée aux termes de ce projet de loi puisse remplir son mandat, elle doit obtenir un financement. Toutefois, il n'en est pas question dans le projet de loi.
On ne sait pas comment le gouvernement va financer les programmes d'enseignement. C'est pour cette raison que le projet de loi laisse les enseignants de langues autochtones perplexes. Le financement sera-t-il accordé en fonction de chacun des projets? À quelles modalités le financement sera-t-il assujetti et quels seront les critères de sa répartition? Les enseignants actuels obtiendront-ils un soutien ou devront-ils recommencer à zéro? La priorité sera-t-elle accordée aux méthodes d'enseignement novatrices, qui utilisent des applications et Internet, ou bien aux méthodes connues, qui s'adressent à de petits groupes en salle? Comment le modèle de financement tiendra-t-il compte des langues des signes? De quelle manière le financement englobera-t-il les enfants qui fréquentent des écoles publiques et privées au Canada?
Le commissaire aux langues travaillerait-il avec les provinces pour financer des initiatives éducatives de la maternelle à l'obtention du diplôme d'études secondaires? Comment cela fonctionnerait-il pour les collectivités qui ont plus d'un groupe linguistique, comme dans le Nord de la Saskatchewan, où le michif, le déné et quelques dialectes de cri sont tous parlés dans une collectivité? Les élèves seraient-ils obligés de choisir la langue à apprendre ou auraient-ils la possibilité d'apprendre toutes les langues à leur disposition?
Qu'en est-il des survivants des pensionnats indiens, des survivants de la rafle des années 1960 et des milliers de survivants et de leurs descendants qui ont perdu leur langue aux mains du gouvernement? Nous avons essayé d'inclure ces groupes particuliers en apportant des amendements au préambule du projet de loi, mais ceux-ci ont également été rejetés. Comment leur droit à leurs langues sera-t-il reconnu, soutenu et enseigné? Comment allons-nous donner aux survivants les moyens de récupérer ce qu'on leur a pris, à eux et à leur famille?
Si ce n'est pas clair à ce stade-ci, le projet de loi crée beaucoup plus de questions qu'il n'offre de réponses. Il serait bon de connaître au moins certaines de ces réponses avant que le projet de loi ne soit adopté à la Chambre afin que nous puissions laisser les peuples autochtones et les locuteurs de langues autochtones déterminer eux-mêmes si le projet de loi serait un succès. Du moins, c'est à cela qu'on s'attendrait.
De fortes pressions sont exercées pour que le projet de loi soit adopté. Il reste peu de temps au gouvernement pour achever son mandat avant les élections de l'automne. Je sais que les dirigeants autochtones font de leur mieux pour que le projet de loi obtienne le soutien qu’il mérite, parce qu’il représente, en fin de compte, un pas en avant. Cependant, les pressions sont mille fois plus élevées pour faire en sorte que le projet de loi, qui touche un si grand aspect de notre mode de vie, soit conçu correctement.
Le projet de loi est un pas dans la bonne direction, mais quelle est la destination que nous visons? Voulons-nous des demi-mesures qui amélioreraient légèrement l’enseignement des langues autochtones au Canada, ou souhaitons-nous modifier fondamentalement la société canadienne pour respecter pleinement les langues autochtones, reconnaître leur place dans notre culture et créer une génération de jeunes Autochtones qui parlent la langue que leurs ancêtres ont parlée pendant des générations?
Quand je pense au projet de loi que nous examinons, je ne pense pas à la façon dont il influera sur le résultat des prochaines élections. Je pense aux personnes comme Marsha Ireland, Kevin Lewis, Graham Andrews, Cheryl Herman, Vince Ahenakew, Cameron Adams, Julius Park et bien d’autres encore, qui ont travaillé si fort pour enseigner et préserver leur langue dans le Nord de la Saskatchewan.
Pour terminer, ce sont les personnes et les cultures dont nous devons tenir compte quand nous pensons au projet de loi. Quand je pense à l’avenir de toutes les langues autochtones dans tout le Canada, j’affirme que nous devons faire les choses correctement et non nous contenter de marquer des points sur le plan politique.
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Monsieur le Président,
miyotôtâkewin tatawaw. Cette expression crie veut dire « Invités, soyez les bienvenus. Il y a de la place ici. » Si mon arrière-grand-mère, Lucy Brown Eyes, une femme crie de sans pur, avait pu être élue à la Chambre des communes, elle aurait probablement offert la même salutation de la part des Autochtones visés par le Traité n
o 6.
Conformément à la tradition autochtone, j'aimerais souligner que nous sommes sur les terres ancestrales du peuple algonquin anishinabe. C'est pour moi un grand honneur de prendre la parole ici aujourd'hui à l'appui du projet de loi , Loi concernant les langues autochtones.
Avec le temps, nous, Canadiens, avons oublié l'accueil et le partenariat que les Autochtones ont offerts aux premiers colons européens. Une attitude de colonialisme et de supériorité a commencé à régner sur le territoire et, au fil du temps, des politiques malavisées et discriminatoires ont fait que les Autochtones sont devenus « les Autres ».
Le plan officiel du gouvernement était d'assimiler les Autochtones. Les réserves, les pensionnats, l'interdiction aux enfants et aux aînés de parler leur langue et la séparation des familles sont devenus la norme. Il s'en est suivi des cycles intergénérationnels de deuil, de traumatismes, de toxicomanie, de suicide, de femmes et de filles autochtones disparues ou assassinées et de marginalisation sociétale.
Dans les années 1990, le Canada a pris un moment de réflexion et a tenu la Commission royale sur les peuples autochtones. Pas plus tard qu'hier soir, je me suis entretenu avec un de mes mentors, Peter Meekison, qui a été commissaire au sein de la Commission. En dépit de nombreuses recommandations clairement formulées pour améliorer la vie des peuples autochtones, les gouvernements qui ont suivi ont été lents à agir.
Dans le cadre de la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens de 2007, la Commission de vérité et réconciliation a été créée afin d'entendre les survivants et de faire des recommandations au gouvernement et aux Canadiens. La Commission a tenu des rencontres jusqu'en 2015. Je me souviens des dernières réunions publiques, qui ont eu lieu à Edmonton. J'ai été ému à l'époque et je le suis encore aujourd'hui.
L'engagement ferme de l'actuel gouvernement envers la réconciliation s'inspire du travail de la Commission de vérité et réconciliation. Soulignons l'adhésion à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, la fin des avis d'ébullition de l'eau dans les réserves, l'autonomisation des familles autochtones pour qu'elles élèvent elles-mêmes leurs enfants, l'élimination de l'écart en matière de financement de l'éducation et la mise en application du principe de Jordan, qui témoignent tous de cet engagement.
Avec la Loi sur les langues autochtones dont nous débattons aujourd'hui, nous répondons, en consultation avec les peuples autochtones, aux appels à l'action numéros 13, 14 et 15 de la Commission de vérité et réconciliation.
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Monsieur le Président, je disais que lorsque les gens regardaient mon insigne et voyaient mon nom, ils croyaient que je parlais français. Ce n'était pas le cas. Je ne pouvais même pas faire cinq phrases l'une à la suite de l'autre.
Cette situation m'a vraiment frappé et m'a forcé à m'interroger sur mon identité et à m'employer, tout au long de ma vie, à reconnaître et à former cette identité. Cet été-là, j'ai décidé de redoubler d'efforts pour apprendre le français. J'ai ensuite décidé d'étudier au Campus Saint-Jean de l'Université de l'Alberta pour apprendre et, comme je l'ai dit plus tôt, pour aimer la langue française. Cette décision a changé ma vie.
Je pense aux nombreux jeunes Autochtones de ma circonscription, de ma province et de partout au Canada, qu'ils soient Cris, Dénés, Pieds-Noirs ou Mohawks, qui n'ont pas la possibilité d'apprendre leur langue comme ce fut mon cas. Or, ils sont souvent confrontés à la même recherche identitaire et au même besoin de renouer avec les traditions, les enseignements et la spiritualité que permet le fait de se plonger dans sa langue d'origine.
Le lien à l'histoire et la capacité de partager et de transmettre des enseignements dans la langue de ses ancêtres revêtent une importance fondamentale. En fait, alors qu'il s'agit d'un droit humain fondamental, les langues autochtones sont en train de disparaître au Canada. Les aînés meurent en emportant avec eux la connaissance de leur langue d'origine. Notre avenir dépend de la survie de notre langue, et il en est de même pour les Autochtones.
Si on en croit l'UNESCO, au moins les trois quarts des 90 langues autochtones parlées au Canada risquent de disparaître ou sont en position vulnérable. Nous ne pouvons peut-être pas changer le passé, mais nous pouvons — nous devons — unir nos efforts pour l'avenir. C'est maintenant qu'il faut agir, et la Loi sur les langues autochtones nous en donne justement le moyen.
[Français]
Notre gouvernement a ainsi rempli la promesse faite par le aux peuples autochtones, celle de déposer un projet de loi qui les aiderait à se réapproprier leurs langues et qui contribuerait à les revitaliser, à les renforcer et à les pérenniser.
[Traduction]
Le projet de loi permettra d'atteindre plusieurs objectifs: reconnaître les droits linguistiques des Autochtones; soutenir les peuples autochtones dans leurs efforts visant à se réapproprier les langues autochtones et à les revitaliser, à les maintenir et à les renforcer; soutenir et promouvoir les langues autochtones; fournir le financement à long terme nécessaire pour atteindre ces objectifs; et créer le Bureau du commissaire aux langues autochtones. Voilà pourquoi, à l'époque où j'étais secrétaire parlementaire de la ministre du Patrimoine canadien, je me suis autant investi dans ce dossier et j'ai offert ma pleine collaboration à mes collègues. Je tenais à ce que ce jour arrive enfin.
La mesure législative dont la Chambre est présentement saisie a été élaborée conjointement par le Canada et les organismes autochtones nationaux, avec la participation inestimable de spécialistes des questions autochtones, de gardiens du savoir et d'experts. Je tiens d'ailleurs à remercier et à saluer l'Assemblée des Premières Nations, l'Inuit Tapiriit Kanatami et le Ralliement national des Métis pour leur travail extraordinaire. Leurs explications sur le rôle essentiel que jouent les aînés dans l'acquisition et la préservation du langage ont été d'une grande valeur. Ils nous ont bien fait comprendre que la situation est urgente et qu'il faut agir, notamment afin que les aînés puissent participer à la revitalisation des langues autochtones, et nous sommes d'accord.
En 2005, le Groupe de travail sur les langues et les cultures autochtones disait qu'il fallait agir de toute urgence pour stopper la disparition des langues autochtones. Il va sans dire que les gouvernements et les communautés autochtones doivent aussi jouir du soutien nécessaire pour passer à l'action sans tarder.
Pour donner un ordre de grandeur, dans le contexte des Premières Nations, par exemple, un aîné sur trois indiquait avoir une langue maternelle autochtone en 2016. Chez les enfants des Premières Nations de 10 à 14 ans, cette proportion était d'environ 1 sur 10. Dans le cas de certaines langues, il ne reste que quelques locuteurs des générations des grands-parents et des arrière-grands-parents.
Au Canada, bien qu'aucune langue autochtone ne soit considérée à l'abri, il est important de souligner que la vitalité des langues chez les Premières Nations, les Inuits et les Métis varie beaucoup. Ainsi, chez les Inuits, le pourcentage d'aînés indiquant avoir l'inuktitut comme langue maternelle est plus élevé que celui des jeunes générations. Les Inuits comptent cependant un plus fort pourcentage de locuteurs de la langue maternelle, tous groupes d'âge confondus, que les Premières Nations et les Métis.
Moins de 2 % des Métis ont indiqué parler une langue autochtone. Comparativement aux plus jeunes, une plus grande proportion d'aînés métis ont dit avoir une langue autochtone comme langue maternelle et parler une langue autochtone.
Dans son rapport final, la Commission de vérité et réconciliation a indiqué que les communautés et les établissements d'enseignement devraient tirer parti des ressources précieuses offertes par les communautés autochtones pour faciliter l'enseignement et la transmission des langues autochtones.
Cela ne veut pas dire que ces langues disparaissent une fois qu'il n'y a plus de locuteurs. La documentation et les archives permettent de conserver et de faire renaître les langues. Encore une fois, les aînés seront notre plus grand atout pour constituer des ressources qui permettront de conserver leurs langues pour les prochaines générations.
Bert Crowfoot, de l'Aboriginal Multi-Media Society, a aussi reconnu l'importance de préserver la langue, il y a 36 ans, lorsqu'il a pris la décision de sauvegarder le contenu d'enregistrements audio et vidéo sur de vieilles cassettes à bobines, des vidéocassettes , du vieux ruban de film 16 mm en bobine et des disquettes souples qui contiennent des histoires, des entrevues et de la musique dans la langue crie. Aujourd'hui, il participe à la réalisation du projet « Digitizing the Ancestors », pour créer une archive numérique interrogeable. Il s'agira d'une ressource qui permettra aux générations futures d'apprendre le cri en écoutant la voix des anciens.
Les jeunes, aussi, travaillent fort pour se réapproprier et revitaliser leur langue et leur culture. Jeremy Dutcher, un artiste de formation classique de la Première Nation Tobique, au Nouveau-Brunswick, a récemment remporté le prix Polaris de la musique de 2018 et, en 2019, le prix Juno pour l'album autochtone de l'année. Son album, Wolastoqiyik Lintuwakonawa, comprend des chansons malécites traditionnelles, enregistrées il y a 100 ans, que Jeremy a obtenues du Musée canadien de l'histoire.
La Confédération des Centres éducatifs et culturels des Premières Nations a réitéré l'importance des aînés dans son rapport au sujet du projet de loi sur les langues autochtones, déclarant que les aînés guident ses travaux et soutiennent son rôle national et le milieu communautaire en tant que défenseurs et spécialistes des langues.
Je suis fier de donner deux exemples de mesures de revitalisation de la langue qui me tiennent à coeur.
Le Canadian Indigenous Languages and Literacy Development Institute de l'Université de l'Alberta vise à éviter l'extinction des langues par l'éducation et l'expression culturelles. Dans ce cadre, il est souvent question des traumatismes historiques, de la santé mentale et physique ainsi que du difficile parcours social et scolaire des jeunes Autochtones qui apprennent à connaître leur histoire et leur culture traditionnelle par un contact direct, parfois pour la première fois.
De plus, le Musée royal de l'Alberta, au centre-ville d'Edmonton, qui se consacre à la préservation de la riche histoire de l'Alberta, présente fièrement plusieurs de ses expositions dans plusieurs langues autochtones, dont le cri, le déné, le pied-noir, le nakota et le michif. Les six galeries de l'histoire humaine sont entremêlées d'autres histoires autochtones, ce qui permet à tous les Canadiens d'en apprendre davantage sur l'histoire et les traditions profondément enracinées de l'Alberta et de partout au Canada.
Aujourd'hui, en écoutant CBC, j'ai appris qu'un groupe de musique entreprenant du Cap-Breton interprétait une version micmaque de la chanson Blackbird, de Paul McCartney.
Ce projet de loi offrira la souplesse nécessaire pour favoriser l'essor des langues autochtones selon la vitalité de chacune. Dans certains cas, il pourra s'agir de favoriser la participation des aînés à la planification, aux activités et aux programmes concernant les langues autochtones. Dans d'autres cas, on donnera aux aînés, par un meilleur accès, la possibilité d'apprendre leur langue au sein de leur cohorte, ce qui est tout aussi important. Cette souplesse repose sur l'idée que la revitalisation linguistique doit comporter de multiples facettes, ce qui signifie qu'elle peut se faire selon plusieurs approches qui sont adaptées à diverses parties de la communauté et qui vont de l'apprentissage en bas âge à l'immersion linguistique pour les adultes.
En terminant, je dirai que les communautés autochtones perdent malheureusement de plus en plus d'aînés chaque année. Il est temps d'agir. J'envisage un avenir proche dans lequel les Autochtones et les non-Autochtones, jeunes et moins jeunes, auront l'occasion d'apprendre, d'explorer, de promouvoir et de protéger les langues des peuples ancestraux de ce pays. Notre engagement envers la réconciliation et nos valeurs fondamentales d'équité et d'inclusion n'exigent rien de moins de nous que l'adoption et la mise en application de la Loi sur les langues autochtones.
Je me souviens d'une conversation que j'ai eue avec mon arrière-grand-mère, Lucy Brown Eyes, lorsque j'avais environ 5 ans. Elle devait avoir 88 ans à l'époque. Elle m'a dit ceci: « Ces mains dépouillaient du gibier par le passé. Maintenant, ils font des tartes aux pommes. Un jour, la terre nous reviendra, et avec elle, toutes nos langues. »
Nous le devons aux peuples autochtones et à tous les Canadiens de bien faire les choses.
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Monsieur le Président, je suis heureux d’intervenir de nouveau au sujet du projet de loi , Loi sur les langues autochtones. Je partagerai mon temps de parole avec le député de
Il ne fait aucun doute que les langues autochtones au Canada sont diversifiées, uniques et intimement liées à notre mosaïque culturelle, ce qui fait de notre pays un endroit extraordinaire où vivre. Nous devrions tous viser la promotion des langues autochtones, ainsi que de l’histoire et de la culture autochtones en général, dans le contexte de notre identité nationale.
Comme je l’ai mentionné dans mon discours à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi, l’appui qui est donné à la promotion et à l’enseignement des langues autochtones a rapidement pris de l’ampleur dans la circonscription que je représente, Saskatoon—Grasswood, et en particulier dans la ville que j'habite, Saskatoon.
Pendant les neuf ans et demi que j’ai passés à titre de conseiller scolaire à Saskatoon, l’enseignement des langues autochtones aux nouvelles générations était une priorité qui a été prise très au sérieux par tous nos membres. J’ai été très fier de participer à l’expansion du programme de formation en langues autochtones du conseil scolaire de Saskatoon, qui a permis à un plus grand nombre de jeunes d’étudier les langues autochtones et de créer des liens avec les cultures riches et dynamiques associées à ces langues.
L’enseignement des langues autochtones enrichit nos systèmes d’éducation et donne aux élèves une expérience d’apprentissage précieuse et unique. Comme je l’ai déjà mentionné, l’enseignement des langues autochtones prend de l’ampleur dans Saskatoon—Grasswood, la circonscription que je représente, et dans la ville de Saskatoon. L’expansion de l’enseignement des langues autochtones enrichit certainement l’expérience d’apprentissage d'un nombre croissant de jeunes dans notre ville.
L’école communautaire Confederation Park offre des cours de langue crie à environ 280 élèves de la prématernelle jusqu’à la 8e année. Les membres de cette nation participent au processus d’apprentissage. Les élèves bénéficient du programme de langue et de culture cries Nehiyawiwin et peuvent s’immerger dans l’apprentissage de cette langue autochtone dans le cadre de leurs études.
De plus, l’école communautaire Westmount offre un programme culturel métis, qui comprend l’enseignement de la langue michif aux élèves de la prématernelle jusqu’à la 8e année.
L’école primaire Charles Red Hawk offre aussi des cours de langue crie, dans ce cas, de la prématernelle à la 4e année.
Le Mount Royal Collegiate, l’école Princess Alexandra et l’école King George font aussi partie des écoles qui offrent des cours de langue crie dans notre système scolaire.
Les écoles publiques de Saskatoon offre l’enseignement dans trois langues autochtones: le cri, le michif et le dakota. De plus, des cours de langue et de culture dakota se donnent à l’école Chief Whitecap et à l’école Charles Red Hawk.
L’école bilingue anglais-cri St. Frances offre un enseignement en cri à plus de 440 élèves de la prématernelle à la cinquième année, et à 150 élèves de la sixième à la huitième année. Cette école a connu une très forte croissance dans notre système scolaire depuis le lancement du programme d’enseignement de la langue crie, en 2009. À l’époque, seulement 133 élèves étaient inscrits au programme. On peut constater à quel point ce nombre a augmenté.
Le programme d’enseignement en langues autochtones a été incroyablement populaire. Dans nos écoles, des centaines d’élèves de plus reçoivent actuellement un enseignement dans l'une ou l’autre des langues autochtones.
À Saskatoon, de plus en plus de gens souhaitent se prévaloir des bienfaits de l’enseignement en langue autochtone; c’est d’ailleurs pour cela que l’école St. Frances accueille aujourd’hui les élèves dans deux bâtiments distincts: celui qui est situé sur l’avenue McPherson, pour les petits de la prématernelle à la cinquième année, et celui de Bateman Crescent, pour les jeunes de la sixième à la huitième année.
L’enseignement des langues autochtones est offert à de plus en plus d’élèves qui connaissent la valeur inhérente des langues autochtones, tant pour leur apprentissage que pour leur communauté.
L’école secondaire Oskayak, située dans une circonscription voisine, offre l’enseignement en langue crie à environ 70 élèves de la neuvième à la douzième année.
De plus, la division des écoles catholiques du Grand Saskatoon offre un enseignement de base en langue crie à quelque 348 élèves, de la prématernelle à la huitième année, au St. Mary's Wellness and Education Centre.
Il est important de répéter ces chiffres, car ils dénotent l’importance des langues autochtones dans notre système d’éducation actuel.
Les jeunes et leurs familles sont conscients que la promotion et la revitalisation des langues autochtones sont des outils incroyablement précieux qui constituent la pierre angulaire de la culture autochtone et un élément essentiel de la mosaïque multiculturelle du Canada.
Nous appuyons le projet de loi . Il propose une approche pragmatique, raisonnable et nécessaire pour le renforcement et la mise en valeur des langues autochtones dans l’ensemble du pays.
Le projet de loi donne suite à trois des 94 appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation. La promotion et la revitalisation des langues autochtones représentent un pas de plus sur la longue route sur laquelle nous devons tous nous engager pour favoriser la réconciliation, au sortir d’une longue période de noirceur.
C’est un précédent gouvernement conservateur qui a créé la Commission de vérité et réconciliation dans le cadre de la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens de 2007. Nous avons reconnu les ravages et les torts considérables subis par les peuples autochtones de ce pays. Nous avons reconnu le profond préjudice intergénérationnel infligé aux langues et aux cultures autochtones par le système des pensionnats. Malgré ce sombre passé, nous devons grandir ensemble dans un esprit de réconciliation. Les conservateurs savent que la préservation des langues et des cultures autochtones fait partie de la voie à suivre.
Dans un autre ordre d’idées, hier soir, j’ai eu le grand privilège de voir la projection du film The Grizzlies. On en parle au Canada depuis sa sortie il y a un mois.
Il y a quelques années, j’ai eu la chance de voyager dans le Nord, au Nunavut. Ce film donnera aux Canadiens qui n’ont pas cette chance un aperçu de la vie dans le Nord et des splendeurs du paysage nordique.
Le film présente les défis auxquels sont confrontés les jeunes qui vivent dans le Nord, tiraillés entre le mode de vie ancestral et la vie moderne tout en composant avec les conséquences du colonialisme et des pensionnats indiens. C’est un film inspirant sur une expérience difficile et parfois très tragique pour les communautés autochtones du Nord.
Grâce à ce film, on voit comment les expressions faciales, par exemple, et les gestes, les contes traditionnels, la musique, le chant et le tambour étaient tous essentiels à la langue et à la culture ancestrales. On apprend en voyant la langue et la culture à l’œuvre dans la vie quotidienne des personnages et on comprend pourquoi la langue et la culture sont des éléments si essentiels qui doivent être honorés et protégés.
J’espère que tous les députés adopteront The Grizzlies. Il a été tourné au Nunavut. On y parle des suicides au Nunavut, la région où le taux de suicide est le plus élevé au pays. Heureusement, le sport a rassemblé la communauté.
Plus que jamais, cependant, ce film dépeint un certain nombre de choses, comme le chant et l’art vocal. Il y a une scène où on voit un frère aîné chanter dans sa langue pour endormir son frère cadet. Tous les Canadiens doivent voir le film. Il porte non seulement sur le suicide, mais aussi sur la langue et la culture.
Beaucoup d’entre nous n’ont pas l’occasion d’aller au Nunavut. Tous les Canadiens devraient voir ce film. Il est très émouvant et je le recommande absolument.
Il traite de ce dont nous parlons aujourd’hui: la langue et la culture. Nous n’avons pas souvent l’occasion de parler du Nunavut à la Chambre, parce que beaucoup d’entre nous n’ont pas l’occasion d’y aller. The Grizzlies est un film émouvant. Beaucoup de membres de l'Inuit Tapiriit Kanatami étaient dans la salle de projection hier soir. Les spectateurs ont beaucoup pleuré, mais ils ont aussi pu voir une grande culture de notre pays s’exprimer dans sa langue et sa musique.
Je suis heureux d’appuyer le projet de loi .
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Monsieur le Président, au Canada, la phrase la plus dangereuse que l’on puisse entendre est: « Nous sommes le gouvernement et nous voulons aider. » C’est le sentiment dont je veux parler aujourd’hui. Je ne vois rien de mal à ce projet de loi et je suis heureux de l’appuyer.
Je veux parler de la prémisse sous-jacente selon laquelle le gouvernement est là pour aider. Je ne crois pas que nous devions confier trop de responsabilités au gouvernement fédéral. Au Canada, la situation du caribou des bois — qui figure sur la liste des espèces en péril — s'apparente à une crise. Les seuls endroits en Alberta où le caribou a disparu sont Jasper et Banff. Ce sont deux endroits en Alberta qui relèvent entièrement de la compétence du gouvernement fédéral. Si nous voulons faire disparaître une chose, confions-en la responsabilité au gouvernement fédéral.
Je m’inquiète quand le gouvernement fédéral nous dit de ne pas nous inquiéter, qu’il a la situation bien en main et qu’il va sauver les langues autochtones. C’est un pas dans la bonne direction, mais je ne suis pas nécessairement convaincu que c’est le gouvernement fédéral qui va sauver les langues autochtones. Si je dis cela, c’est que, depuis plusieurs années, le gouvernement a rendu de plus en plus difficile, surtout pour les Premières Nations du Nord de l’Alberta, de gagner sa vie, de bâtir une collectivité, de bâtir des familles qui peuvent survivre et de permettre aux personnes de vivre sur son territoire traditionnel. Nous assistons à un important exode vers les villes, essentiellement en raison des difficultés économiques que connaît le Nord de l’Alberta.
C’est dû en grande partie à l’annulation du projet pipelinier Northern Gateway. Le député d’ a dit que c’est parce que les conservateurs n’avaient pas fait ceci ou cela. Nous avons bien eu des contestations devant la Cour suprême. Chaque fois que la Cour suprême a dit que nous n’avions pas bien fait telle ou telle chose, nous sommes revenus pour essayer de corriger la situation. Toutefois, nous voulions construire des pipelines au pays, et nous en avons même construit quatre grands lorsque nous étions au pouvoir. Ces mesures ont fait la prospérité du Nord de l’Alberta.
Le chef Isaac Laboucan, de la Première Nation crie de Woodland, a déclaré à plusieurs reprises qu’il nous faut des pipelines au pays pour qu’il puisse maintenir sa communauté, sa culture, sa langue et son mode de vie. C’est lorsque les gens ont un emploi, et qu’ils ont de quoi payer leurs factures, que leur collectivité se bâtit et connaît la prospérité. Il m’a montré sur Google Maps où se trouvent ses terres ancestrales. La fondation de la maison de son grand-père est toujours en place aujourd’hui. On peut voir les fondations d’une petite grappe de maisons sur Google Maps, juste au nord de l’endroit où vit actuellement son peuple. Sa communauté est donc très liée à son histoire, et beaucoup de ses membres parlent cri, comme le chef Laboucan lui-même.
Parce qu’il est incapable de leur fournir de l’emploi, les gens de sa communauté s’en vont. C’est ainsi que la population diminue. Les gens s'en vont à Edmonton, à Calgary, en Saskatchewan ou en Colombie-Britannique chercher du travail.
Autrefois, l’industrie forestière était active dans sa communauté, et bon nombre de ses membres conduisaient des camions grumiers, utilisaient de l’équipement forestier ou construisaient des routes pour l’industrie forestière. Cela leur a permis de gagner leur vie là où ils vivent. Il y a aussi une compagnie de forage pétrolifère. Ils construisent des routes pour le secteur pétrolier. Ils gèrent des puits de pétrole et de gaz dans la région. Ils envisagent de se lancer dans l’industrie solaire et d’installer des panneaux solaires sur plusieurs acres.
Ils participent très activement à la vie économique, et c’est ce qui leur permet de continuer à prospérer. Cela leur permet de chasser. Lorsqu’ils ont de l’argent pour mettre de l’essence dans leurs motoneiges, ils peuvent faire du piégeage. Cela leur permet de fonder une famille, d’acheter une maison, de faire tout ce qu’il faut pour bâtir une communauté. Ici, nous aimons tout cloisonner et dire que nous allons maintenir la culture, puis la langue, puis la communauté, mais ce sont là des divisions artificielles. La réalité, c’est que, pour les gens qui vivent dans une communauté, la culture, la langue et la communauté sont indivisibles. Ce sont trois façons différentes de décrire la même chose, c’est-à-dire notre société ou notre culture.
Je félicite le gouvernement d’avoir créé un poste de commissaire aux langues autochtones. Le député d’ vient tout juste de venir nous dire qu’il avait les larmes aux yeux parce que nous faisions enfin quelque chose pour protéger les langues autochtones au pays. Toutefois, même s’il s’agit d’un bon premier pas et qu’il est remarquable, le gouvernement fédéral n’est pas soudainement devenu le sauveur des langues autochtones au pays. Il s’agit de la première étape d’un long processus.
Je trouve intéressant que le député soit en faveur de la protection des langues autochtones par l’entremise d’un commissaire aux langues autochtones, alors qu'il ferme allégrement des pipelines, empêchant les gens du Nord de l’Alberta de gagner leur vie et de préserver leur culture et leur mode de vie.
Les principes fondamentaux de la préservation d’une langue sont les mêmes, qu’il s’agisse de langues autochtones ou d’autres langues. Dans ma circonscription, environ 7 000 à 10 000 personnes parlent le cri, environ 10 000 parlent l’allemand et environ 6 000 à 7 000 parlent le français. Toutes ces communautés luttent pour conserver leur langue. Cela ne fait aucun doute.
Ce sont toutefois des communautés dynamiques, malgré ce que dit Mme Bombardier. Ce sont les collectivités de Falher, McLennan et St. Isidore. Ce sont des communautés francophones, et elles sont dynamiques. Leurs économies sont florissantes, et leur culture francophone n’est aucunement menacée. L’affichage dans ces communautés est encore en français. Leur mode de vie n'est pas menacé, parce que ces gens ont la capacité de créer une communauté, de faire vivre leur culture et de parler leur langue, puisqu'ils ont la base économique nécessaire.
C’est pourquoi je dis que ce ne sont pas seulement les langues autochtones qui sont en difficulté au Canada. Sans les fondements économiques, ce sont la culture, le mode de vie et les communautés qui sont menacés si les gens ne sont pas en mesure de les financer et de survivre dans le contexte économique de leur région.
J’ai dit la même chose à l’étape de la deuxième lecture, et j’ai trouvé intéressant qu’il n’y ait pas eu beaucoup de réflexion sur le fait que nous devons redresser l’économie pour nos peuples autochtones afin qu’ils puissent conserver leurs familles, leurs cultures, leurs langues et leurs communautés. Tout cela est extrêmement important.
Enfin, j’aimerais souligner qu’il est peut être un peu plus facile pour les communautés de ma région de préserver leur langue, parce qu’elles sont plus au Nord et plus éloignées et qu’elles ne sont pas à proximité des grands centres urbains. Ce que je veux dire par là, c’est que je ne comprends pas tout à fait la réalité d’une communauté autochtone totalement encerclée par un centre urbain. Je comprends et je reconnais que ce n’est pas de mon ressort. Cependant, pour préserver la communauté, la culture et la langue, je pense qu’il faut d’abord et avant tout remettre l’économie sur pied.
Pour redresser l’économie dans le Nord de l’Alberta, nous avons besoin de pipelines pour acheminer nos produits vers les marchés. Nous avons besoin de pipelines pour transporter notre pétrole autrement que par rail, contrairement à notre grain. Nous avons besoin de pipelines pour transporter le pétrole autrement que par rail, contrairement à notre bois d’œuvre. Nous avons besoin de pipelines. Nous avons besoin de pipelines. Nous avons besoin de pipelines.
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Monsieur le Président, c’est un honneur pour moi de prendre la parole aujourd’hui pour parler du projet de loi , Loi concernant les langues autochtones.
Plus de 70 langues autochtones sont parlées au Canada. Plus d’un quart de million de membres des Premières Nations, de Métis et d’Inuits sont en mesure de soutenir une conversation dans leur propre langue. Les langues les plus parlées sont le cri, pour près de 100 000 personnes, l’inuktitut pour environ 40 000 personnes, puis l’ojibwa pour près de 30 000 personnes, l’ojibwa-cri pour environ 16 000 personnes et le déné pour près de 13 000 personnes. Ces chiffres sont impressionnants, mais plusieurs langues se sont perdues ou risquent de l’être si l’on ne prend pas les mesures nécessaires pour en assurer la compréhension et conserver la culture qui y est associée.
Je suis heureux de souligner que dans ma circonscription, North Okanagan—Shuswap, on prend des mesures concrètes pour préserver les langues des nations Splatsin, Secwepemc et Okanagan. À titre d'exemple de rétablissement et de préservation de ces langues, je songe à l’école Shihiya, qui est située près de la frontière qui sépare les territoires shuswap et okanagan et qu'administre la bande Splatsin. On y accueille des élèves de la maternelle à la 6e année. On y suit le programme provincial, auquel on a intégré la langue et la culture splatsin.
Un autre exemple de ces efforts, avec lequel j'ai plus d'expérience parce que j'ai eu l'occasion visiter l'école en question, est la création de l'école Chief Atahm, une école d'immersion autochtone à l'extrémité ouest de la région du lac Shuswap. Cette école a été mise sur pied grâce à la vision des parents et des dirigeants des bandes indiennes d'Adams Lake, de Little Shuswap Lake et de Neskonlith, qui font toutes partie du territoire Shuswap.
J'ai eu le privilège de visiter l'école Chief Atahm. Cela m'a permis de constater certains des travaux qui ont été entrepris par les parents et les aînés de la région. Le travail accompli est inspirant et étonnant, et il est en grande partie fait sur une base volontaire. L'école dispose d'éducateurs hautement qualifiés qui travaillent en collaboration avec les parents, les anciens élèves, les aînés et les techniciens pour élaborer le curriculum. Tout le processus d'enseignement, page par page, image par image, illustration par illustration et histoire par histoire, est mis en place à partir de rien.
Les personnes concernées ont appris à le faire et elles le font extraordinairement bien. Il s'agit d'aînés qui viennent presque tous les jours offrir leurs services. Âgés de 90 ans et plus, ce sont les seules personnes encore capables de parler et de comprendre parfaitement la langue. Ils se servent d'ordinateurs en compagnie de techniciens et d'illustrateurs. Ils n'auraient jamais pu imaginer la technologie utilisée aujourd'hui pour conserver la langue qu'ils ont apprise et qui a été transmise de génération en génération sous forme d'histoires, de danses, de sons de tambours et d'autres moyens incroyables. Ils sont aujourd'hui capables de raconter ces histoires et de les transmettre de façon numérique — ce qu'ils n'auraient jamais pu imaginer auparavant — et sous forme de brochures illustrées. Ces documents sont vraiment incroyables.
L'école emmène par ailleurs les élèves sur les terres et les cours d'eau. Ces sorties constituent une très grande partie de l'apprentissage et de l'assimilation de la langue et de la culture. À l'occasion de ma visite, je leur ai demandé si ces langues étaient semblables aux langues romanes ou au français. Ils m'ont dit que non. Elles sont liées au vécu, à des lieux et à des régions géographiques. Elles sont aussi souvent liées aux périodes de l'année. Un mot ou un son dans une langue donnée ne signifiera pas exactement la même chose dans la langue d'une tribu voisine. Ils peuvent être semblables, mais légèrement différents.
Lorsque le Parc provincial Roderick Haig-Brown, qui borde le lac Shuswap, a été rebaptisé Parc provincial Tsútswecw, nous avons appris que dans une langue, « Shuswap » signifie « lieu où se trouvent de nombreux cours d'eau », mais que, dans une région voisine, il signifie « lieu où le poisson abonde ». L'enregistrement, la numérisation et la restauration de cette langue sous forme moderne nous font découvrir des différences très subtiles. C'est vraiment intéressant.
Lorsque l'école emmène les élèves sur les terres et les cours d'eau, elle leur enseigne en outre comment récolter les fruits de la terre. Ainsi, les élèves pêchent, récoltent des plantes et chassent des animaux sauvages. On apporte même un chevreuil à l'école, et les élèves apprennent comment en utiliser la viande et les autres bonnes parties. On a construit un fumoir. La langue prend un sens véritable pour les élèves lorsqu'elle est utilisée pour leur parler de la conservation de la nourriture et qu'ils comprennent que cela fait partie de la culture à préserver dont ils sont les héritiers.
L’école Chief Atahm regroupe des enseignants autochtones et non autochtones. On y fait appel à des gens des collectivités à l’extérieur des bandes proprement dites pour enseigner aux élèves. Comme je l’ai dit, j’ai eu la chance de pouvoir visiter l’école. J’y suis allé pour la première fois l’année dernière et j’y suis retourné en mars.
L’école se porte si bien et est si bien soutenue par la collectivité qu’elle fera l’objet d’une vaste expansion structurelle. Son espace intérieur et ses aires d’enseignement seront agrandis, afin, espérons-le, d’inclure des niveaux supérieurs et tous les groupes d’âge, jusqu’au niveau universitaire et au-delà. Tout l’enseignement se fera par immersion. Beaucoup d’entre nous ont entendu parler de l’immersion en français, mais dans ce cas, il s’agit d’une immersion autochtone dans la langue shuswap, ce qui constitue une réalisation remarquable. J’ai consulté les livres de l’école. Les élèves apprennent les sons, mais les mots sont écrits dans notre alphabet phonétique anglais. Certaines prononciations ont été un véritable défi pour moi. C’était intéressant d’apprendre comment placer sa langue et comment faire rouler les sons dans sa gorge. Tout cela fait partie des différences subtiles entre ces différentes langues.
Je m’attends à ce que le projet de loi améliore les choses sur le terrain pour les étudiants et les gens en général, afin que des langues comme la langue shuswap puissent être préservées dans tous les coins du pays. Nous risquons de perdre ces langues, et le défi de leur conservation sera encore plus grand à mesure que ceux qui les parlent vieillissent.