La Chambre reprend l’étude de la motion relative aux amendements apportés par le Sénat au projet de loi C‑29, Loi prévoyant la constitution d'un conseil national de réconciliation.
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Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui pour participer au débat sur le projet de loi , Loi prévoyant la constitution d'un conseil national de réconciliation. Si le projet de loi est adopté, il permettra la création d'un organisme non partisan et indépendant qui obligera le gouvernement en place à respecter ses engagements en matière de réconciliation. Cette mesure est nécessaire parce que la volonté du gouvernement de promouvoir la réconciliation s'affaiblit d'année en année. Examinons le bilan des libéraux.
L'an dernier, aucune des recommandations de la Commission de vérité et réconciliation n'a été mise en œuvre. Seulement 13 des 94 appels à l'action ont été mis en œuvre. Le gouvernement a promis de mettre fin aux avis de faire bouillir l'eau à long terme il y a plus de trois ans, mais cela ne semble pas prêt de se concrétiser. La situation semble encore pire cette année.
On peut se demander ce qu'il est advenu de la relation la plus importante pour le gouvernement. Nous n'avons qu'à penser à la dernière semaine. La n'a même pas été capable de se résoudre à prononcer le mot « autochtone » ou le mot « réconciliation » dans son discours de présentation du budget. Compte tenu du discours qu'elle a tenu dans la dernière année, pourquoi le ferait-elle?
Pendant des mois, les Autochtones ont entendu le gouvernement menacer d'éliminer et de réduire des services dont leurs communautés et leurs membres ont besoin. On a menacé de mettre fin à des programmes, à des services et à des subventions dont les gens ont besoin, et il en va de même pour les mesures permettant d'appliquer le principe de Jordan et de réparer des torts causés par les pensionnats autochtones. Il a fallu que le NPD fasse pression pour que bon nombre de ces compressions soient annulées.
La barre est placée bien bas par le gouvernement: il faut s'opposer à des compressions alors que le déficit en matière d'infrastructures se monte à 350 milliards de dollars. Au lieu de proposer un impôt sur la fortune ou un impôt sur les bénéfices exceptionnels pour des personnes comme Mirko Bibic, Galen Weston ou Arthur Irving, le gouvernement a sciemment choisi de dépenser moins de 1 % de ce qui est nécessaire pour mettre fin à la crise du logement qui sévit chez les Premières Nations.
Les grandes sociétés pétrolières, malgré toutes leurs fanfaronnades, n'ont pas à quémander de l'argent au gouvernement, pas plus que Galen Weston. Bell obtient tout l'argent qu'il lui faut pour accorder des primes généreuses et distribuer des dividendes substantiels à ses actionnaires tandis qu'elle licencie des milliers d'employés. Cependant, les Premières Nations sont traitées comme une considération secondaire dans ce budget. C'est confondant.
Le gouvernement a récemment cosigné un rapport qui montre sans équivoque à quel point les gouvernements fédéraux, qu'ils soient libéraux ou conservateurs, ont fondamentalement manqué à leurs devoirs envers les Premières Nations. Selon le rapport, si l'on doublait le nombre de logements dans les communautés des Premières Nations, il n'y en aurait toujours pas assez pour répondre à la demande de logements. Après avoir publié le rapport avec l'Assemblée des Premières Nations, les libéraux ont décidé de ne pas du tout en tenir compte.
Les libéraux savent qu'ils n'atteindront pas l'objectif de mettre fin d'ici 2030 à la crise du logement qui frappe les Premières Nations. Les fonctionnaires l'ont admis, mais les députés libéraux refusent de l'admettre, à l'instar des ministres responsables et du .
Des communautés comme celles qui sont ici, dans le Nord du Manitoba, doivent chaque jour composer avec cette réalité. Elles ne la connaissent que trop bien. C'est pourquoi la grande cheffe Cathy Merrick a déclaré, dans sa réponse au budget, qu'il neigera en enfer avant que l'on comble le déficit d'infrastructures des Premières Nations. C'est pourquoi Cindy Woodhouse Nepinak, la cheffe nationale de l'Assemblée des Premières Nations, réclame une rencontre des premiers ministres cette année afin de discuter d'une voie vers la réconciliation, car le gouvernement n'est tout simplement pas à la hauteur.
Soyons honnêtes et expliquons en quoi consiste ce déficit d'infrastructures de 350 milliards de dollars. Il y a la Première Nation de Shamattawa, où la crise du logement est si grave que la communauté a été aux prises avec des éclosions de tuberculose. En fait, ici, dans le Nord du Manitoba, ces dernières années, les cas de tuberculose ont été plus nombreux que dans certaines parties de l'Afrique subsaharienne. Il y a aussi la Nation crie de Tataskweyak, où le gouvernement a si lamentablement failli à la tâche au sujet de l'approvisionnement en eau potable qu'il a dû en découdre devant les tribunaux avec la Première Nation.
Il y a également la Nation crie de Pimicikamak, où 2 000 familles attendent un logement. Quant à la Nation crie de Nisichawayasihk, 700 familles y attendent un logement.
Il y a aussi Wasagamack, une des communautés les plus isolées au pays. Elle attend toujours que le gouvernement fédéral agisse et qu'il collabore avec la communauté et la province afin de construire un aéroport qui est absolument nécessaire.
Les communautés de l'Est du Manitoba, situées à l'est du lac Winnipeg, font les frais des changements climatiques. Elles n'ont pas d'autre choix que de dépendre des routes de glace. Or, celles-ci sont de moins en moins fiables parce que l'hiver raccourcit. Ces communautés ont fait savoir clairement au gouvernement fédéral qu'elles ont besoin de routes praticables en tout temps, mais celui-ci ne s'est nullement engagé à collaborer avec elles et à contribuer à l'aménagement de telles routes.
La région d'Island Lake a une population comparable à celle de la municipalité de Thompson, où j'habite. Des milliers de gens y habitent, mais ils n'ont toujours pas d'hôpital ni de route d'accès praticable en tout temps.
Au chapitre du logement, je qualifierais la situation de crise. Les besoins en infrastructures sont omniprésents dans les communautés des Premières Nations au Manitoba, comme à de nombreux autres endroits au pays d'ailleurs. Les communautés ont besoin de logements, de résidences pour les aînés, de garderies, de centres de santé, d'usines de traitement de l'eau, de même que d'infrastructures liées à la protection civile. Elles ont besoin qu'on améliore les routes existantes et qu'on en aménage de nouvelles pour survivre aux changements climatiques.
Voilà la réalité dans ma circonscription du Nord du Manitoba, située à l'est du lac Winnipeg, mais je sais qu'elle se répète ailleurs au pays. Les Autochtones sont près de trois fois plus susceptibles que les autres de vivre dans une habitation nécessitant des réparations majeures. Plus de la moitié des membres des Premières Nations n'ont pas un accès constant à des services Internet à haute vitesse, et environ 15 % n'y ont pas accès du tout.
Soyons honnêtes: cette situation maintient les communautés autochtones dans la pauvreté, et c'est le choix du gouvernement fédéral. Chaque fois que le gouvernement ferme les yeux sur une échappatoire fiscale, que nous achetons des réfrigérateurs pour Galen Weston ou que nous donnons des milliards de dollars aux grandes pétrolières, c'est de l'argent que nous ne dépensons pas pour les gens et les communautés qui en ont le plus besoin. La triste réalité, c'est que le gouvernement n'intervient que lorsque les tribunaux lui ordonnent de le faire. En fait, le budget de 2024 prévoit 57 milliards de dollars pour des règlements, comme s'il s'agissait d'un énorme succès pour le gouvernement, et non d'une situation où il s'est battu contre les Premières Nations, les Inuits et les Métis à chaque étape pour empêcher que justice leur soit rendue.
Pour être honnête, il est évident que le gouvernement prépare le terrain pour de futurs recours collectifs contre lui. On ne peut qu'imaginer ce qui s'en vient au chapitre du logement. Récemment, la vérificatrice générale a publié un rapport sur la crise du logement dans les réserves, qui a révélé que Services aux Autochtones Canada utilisait les mauvaises données de recensement, à savoir celles de 2001. Cette erreur a eu pour effet de priver les Premières Nations, en particulier au Manitoba, en Saskatchewan et en Alberta, des fonds destinés au logement qu'elles méritent. On parle ici d'une somme pouvant atteindre un quart de milliard de dollars.
La ou le se sont-ils empressés de réparer cette injustice et de verser cet argent aux communautés qui y avaient droit? Non. Lorsqu'on lui a posé des questions là-dessus, le premier ministre a plutôt refusé ne serait-ce que d'envisager la possibilité de le faire un jour. Voilà un autre exemple qui montre que le gouvernement a fondamentalement manqué à ses obligations envers les Premières Nations et qui se terminera probablement par un recours collectif, à juste titre d'ailleurs.
En revanche, le Parti conservateur a toujours sauté à pieds joints sur la possibilité d'offrir un allégement fiscal aux milliardaires. La dernière fois que le était au pouvoir, les conservateurs ont consenti 60 milliards de dollars en réductions d'impôt aux sociétés.
Il y a des années, lorsque l'ancien premier ministre a présenté des excuses publiques aux survivants des pensionnats autochtones, l'actuel chef conservateur, le , a dit qu'il n'était pas sûr que le Canada en avait « vraiment pour cette somme considérable d'argent ». Il s'agissait d'argent dépensé pour indemniser les survivants, et il était d'avis que « nous devons leur faire connaître la valeur du dur labeur, de l'indépendance et de l'autonomie. C'est la solution à long terme, plus d'argent ne réglera pas le problème. »
Je mets le au défi de rendre visite à des Premières Nations comme celles que je représente, où des enfants ont été agressés, où des enfants sont morts et où des familles sont encore aux prises avec le legs empoisonné et destructeur du système des pensionnats. Je mets le chef de l'opposition officielle au défi de regarder les gens en face et de leur dire que c'est le Canada qui est la victime et que c'est le Canada qui n'en pas eu assez pour son argent. Il devrait avoir honte.
Par contre, il n'est pas le seul à ne pas comprendre les conséquences néfastes des pensionnats autochtones. La réalité, c'est que cela fera bientôt trois ans que les Canadiens ont découvert ce que les Premières Nations du pays connaissaient déjà: l'existence de fosses communes près des pensionnats. Cependant, le gouvernement ne fournit toujours pas aux collectivités les ressources dont elles ont besoin pour ramener leurs enfants chez eux.
Des communautés comme Cross Lake, entre autres, voulaient collaborer avec la Commission internationale pour les personnes disparues. Le travail a déjà commencé, mais le gouvernement a mis fin au contrat avant que le projet puisse aller de l'avant, et maintenant, Cross Lake et d'autres communautés sont obligées de recommencer à zéro. Cela revient à différer la justice.
Même s'il dit vouloir soutenir les communautés, le n'a pratiquement rien fait pour aider les Premières Nations qui veulent travailler avec la Commission internationale pour les personnes disparues, qui est un chef de file mondial en matière de recherche de fosses communes. Il n'a pratiquement rien fait pour aider les Premières Nations qui veulent désespérément travailler pour découvrir la vérité et ramener leurs enfants chez eux.
Dans la Première Nation de Sagkeeng, un employé a récemment trouvé des os en creusant une tranchée pour une conduite d'eau destinée à l'annexe d'une église. L'endroit ne fait partie d'aucun cimetière connu. La communauté veut travailler avec la Commission internationale pour les personnes disparues. Elle a demandé de l'aide à Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada, mais sa demande est restée lettre morte.
Les habitants du Nord ne se laissent pas berner par le mot « réconciliation » que le gouvernement galvaude. Ils veulent que le gouvernement passe à l'action. Le NPD continuera de dénoncer le gouvernement quand il manque à ses obligations envers les Autochtones et qu'il tient de beaux discours, surtout en ce qui concerne la réconciliation, tout en refusant de passer de la parole aux actes. Nous sommes fiers d'appuyer le projet de loi , mais nous reconnaissons que le mécanisme de surveillance, ou plutôt l'absence de mécanisme, ne permettra pas aux Autochtones d'obtenir les changements dont ils ont besoin.
Ici, dans notre coin de pays, la position de la population est claire. Les dirigeants, les aînés, les jeunes et les militants autochtones disent clairement que, ce dont ils ont besoin, ce sont des mesures concrètes: la fin des conditions de vie dignes du tiers monde, de véritables changements à la hauteur de l'urgence climatique et un vrai financement pour améliorer la qualité de vie. Ils méritent que nous agissions et que justice leur soit rendue, et nous devrions le reconnaître et agir en conséquence, rien de moins.