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AAND Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON ABORIGINAL AFFAIRS AND NORTHERN DEVELOPMENT

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES AUTOCHTONES ET DU DÉVELOPPEMENT DU GRAND NORD

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 18 novembre 1997

• 1110

[Français]

Le président (M. Guy Saint-Julien (Abitibi, Lib.)): Nous sommes prêts à commencer. Je remercie tous ceux qui sont présents.

Aujourd'hui, nous procédons à l'étude du projet de loi C-6, Loi constituant certains offices en vue de la mise en place d'un système unifié de gestion des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie et modifiant certaines lois en conséquence.

Conformément au paragraphe 75(1) du Règlement, l'étude du préambule et de l'article 1 du projet de loi est reportée.

Nous passons à l'article 2.

Monsieur Patry, voudriez-vous faire votre intervention avant que je présente notre témoin?

M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

[Traduction]

Avant de commencer l'audition de nos premiers témoins sur le projet de loi C-6, je tiens à mentionner aux membres du comité que la Chambre des communes a l'intention de déposer deux amendements aux articles 152 et 159 au sujet des mesures transitoires se rapportant au projet de loi. J'ai ici ces deux projets d'amendement, dans les deux langues officielles, à l'intention des membres du comité.

[Français]

Le président: Merci, monsieur Patry. Avant de présenter les hauts fonctionnaires, je vais attendre que la distribution soit terminée.

Nous recevons aujourd'hui, du ministère des Affaires indiennes et du développement du Grand Nord, M. Will Dunlop, directeur, Direction de la politique des ressources, Affaires du Nord; M. Peter Haley, chef intérimaire, Stratégies des ressources; M. Jacques Denault, spécialiste de la politique; et Mme Suzanne Grenier, conseillère juridique.

Monsieur Dunlop, vous avez une présentation à faire? Merci beaucoup.

[Traduction]

Merci.

[Français]

M. Will Dunlop (directeur, Direction de la politique des ressources, Affaires du Nord, ministère des Affaires indiennes et du développement du Grand Nord): Merci, monsieur le président. Bonjour, messieurs et mesdames, membres du comité.

Ce projet de loi accuse plus de 10 ans de retard. En effet, le Canada était tenu d'adopter cette loi dans les deux ans suivant l'adoption de l'entente sur les revendications territoriales globales des Gwich'in qui est intervenue à la fin de 1992. L'entente sur les revendications globales des Dénés et des Métis du Sahtu, ratifiée par le Parlement en 1994, renferme la même obligation.

Comment expliquer un tel retard?

[Traduction]

Le projet de loi antérieur sur la vallée du Mackenzie, l'ancien projet de loi C-80, est mort au feuilleton au moment du déclenchement des élections. Ce projet de loi, tout comme le projet de loi C-6 que vous avez devant vous aujourd'hui, marque l'aboutissement d'un processus long et éprouvant marqué d'innovation et qui a pris de l'ampleur. Le ministère a reçu l'autorisation d'utiliser les ébauches du projet de loi lui-même comme outil de consultation et de participation.

Depuis 1993, il y a eu 35 versions de ce projet de loi qui ont servi dans des ateliers, des réunions publiques, des groupes de discussion et des séances de rédaction ou ont fait l'objet d'envois postaux. Mon personnel et moi avons rencontré des représentants de l'industrie, des groupes environnementaux et des Premières nations pour en discuter. Nous avons rencontré des gens de Calgary, Edmonton, Vancouver, Whitehorse, Fort Good Hope, Fort McPherson, Norman Wells, Fort Rae, Fort Providence, Yellowknife, Fort Simpson et Fort Smith.

L'élaboration du projet de loi a mis à contribution un groupe de travail quadripartite composé de représentants de notre ministère, du Conseil tribal des Gwich'in, du secrétariat du Sahtu et du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest. Par moment, nous nous sommes adjoints du personnel de la Première nation des Dogrib et d'autres ministères fédéraux et territoriaux.

• 1115

Permettez-moi également d'ajouter que nous avons bénéficié de la participation innovatrice et intensive des rédacteurs de textes législatifs du ministère de la Justice qui nous ont épaulés de façon imaginative et énergique.

[Français]

Tout ce travail a abouti au projet de loi C-6, que vous avez devant vous aujourd'hui. La Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie qui est proposée contribuera à créer un régime intégré de cogestion.

Voilà de bien beaux mots, mais que veulent-ils dire au juste? Le projet de loi traite toute la vallée du Mackenzie comme une seule unité écologique.

[Traduction]

Le projet de loi propose de mettre sur pied trois institutions de gouvernement populaire qui réglementeront l'utilisation des terres et des eaux, qui prépareront des plans régionaux d'aménagement du territoire et qui procéderont aux évaluations environnementales du projet de développement. Chacune de ces institutions—de ces offices en fait—aura un rôle à jouer dans la gestion des terres et des eaux.

L'office d'aménagement territorial préparera un plan d'aménagement pour chacune des régions des Gwich'in et du Sahtu. L'office des terres et des eaux mettra ces plans en oeuvre, délivrera des permis d'utilisation des terres et des eaux et se chargera des examens environnementaux préliminaires. L'Office d'examen des répercussions environnementales procédera aux évaluations environnementales et aux examens publics de plus grande envergure.

[Français]

Les offices seront composés de représentants de diverses provenances: des Gwich'in, du Sahtu et d'autres groupes des Premières Nations, et des gouvernements territorial et fédéral. Les offices seront composés à 50 p. 100 de représentants des Premières Nations et à 50 p. 100 de représentants des deux gouvernements.

Toutes les nominations ont été faites par le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien. Chaque office recevra son budget du ministre fédéral, auquel il soumettra son rapport annuel. Chaque office est assujetti aux vérifications du vérificateur général.

[Traduction]

Les plans d'aménagement du territoire exigent l'approbation finale du ministre. L'Office d'examen des répercussions environnementales fait ses recommandations au ministre fédéral. Les permis plus importants d'utilisation des eaux, ceux de catégorie A, exigent l'approbation du ministre tandis que l'office des terres et des eaux reçoit des directrices stratégiques générales du ministre. La Loi sur les eaux des T.N.-O. en vigueur est préservée tandis que le présent règlement sur l'utilisation des terres territoriales sert de modèle pour le règlement sur l'utilisation des terres de la vallée du Mackenzie. Les inspecteurs demeurent les mêmes.

En retour, ce régime de gestion des ressources présage une diminution du rôle de notre ministère. Ainsi, le rôle de l'Office des eaux actuel des T.N.-O. sera absorbé par le nouvel office sur les terres et les eaux, tandis que le rôle du ministère au chapitre de la délivrance de permis d'utilisation des terres cessera et que notre rôle au titre de la coordination et de la conduite d'évaluations environnementales sera assumé par l'Office d'examen des répercussions environnementales.

[Français]

Le projet de loi ne menace en rien les droits ancestraux issus du traité et ne menace pas non plus la Loi sur les Indiens.

[Traduction]

Il évite le double emploi. Il fournit la certitude dans le cadre d'un régime familier. Il prévoit le transfert de responsabilités vers le nord. Le projet de loi donne aux gens du Nord une vraie voix au chapitre dans la gestion des ressources naturelles. Enfin, le projet de loi concrétise l'engagement du Canada à l'égard de la mise en application des revendications territoriales.

[Français]

Nous remercions le comité de nous avoir donné l'occasion de l'aider dans ses délibérations.

Le président: Merci, monsieur Dunlop, pour votre présentation.

Nous allons passer à la période de questions. Monsieur Konrad, vous avez cinq minutes.

[Traduction]

M. Derrek Konrad (Prince Albert, Réf.): Merci. Notre parti dispose de cinq minutes, n'est-ce pas?

Le président: Oui.

M. Derrek Konrad: Nous ferons donc comme d'habitude et nous partagerons nos questions.

• 1120

Nous avons ici certaines questions s'adressant au ministère qui ont été rédigées à notre intention, et j'aimerais en poser quelques-unes.

Plusieurs groupes autochtones de la vallée du Mackenzie n'ont pas encore réglé leurs revendications territoriales et jugent prématuré l'établissement d'organismes de réglementation. J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Qui a été consulté lors de l'élaboration du projet de loi C-6? Étant donné que cette préoccupation reste bien réelle, pour quelle raison le gouvernement a-t-il quand même décidé de mettre en place ces institutions dont la compétence s'étend sur l'ensemble de la vallée du Mackenzie?

M. Will Dunlop: Il y a un certain nombre de groupes dans la vallée du Mackenzie qui sont actuellement en train de négocier des revendications territoriales et (ou) des accords d'autonomie de gouvernement. Il y a un certain nombre de groupes qui cherchent à entamer des négociations. Dans tous les cas, la position du ministère dans ces négociations est de prendre comme base le protocole d'accord signé en 1990 avec les Dénés et les Métis, que vous avez en grande partie devant vous aujourd'hui. Le chapitre ayant trait à la réglementation des eaux et des terres part du principe de la cogestion et il fait appel aux mêmes offices des terres et des eaux, d'examen des répercussions environnementales et d'aménagement territorial que vous voyez ici.

Qui avons-nous consulté? Nous avons consulté absolument tout le monde dans la vallée. Nous avons envoyé un certain nombre de brochures pour expliquer le projet de loi. Nous avons participé à un certain nombre de réunions dans les localités de la vallée. Pas plus tard que la semaine dernière, nous avons rencontré un certain nombre de chefs régionaux ainsi que les représentants de la Chambre des mines de Yellowknife.

Pourquoi mettons-nous le projet en oeuvre maintenant? Le mois prochain, nous aurons trois ans de retard. Il nous aura fallu cinq ans pour en arriver là. Nous n'avons absolument pas brusqué les choses. Nous avons pris beaucoup de temps pour élaborer ce projet de loi.

Nous signalons que nous voulons mettre en oeuvre un seul régime dans la vallée du Mackenzie pour protéger l'environnement, un seul régime pour procéder aux évaluations environnementales, et un seul régime pour concéder les permis d'utilisation des terres et des eaux.

M. Derrek Konrad: Donc, ce que nous avons devant nous, ce sera la forme que prendront toutes les négociations futures, quels que soient les sujets de préoccupation évoqués par d'autres groupes.

M. Will Dunlop: Non, je ne parlerai pas d'une forme. Nous avons établi un cadre à l'intérieur duquel des offices publics du gouvernement assureront la gestion des terres et des eaux et un office public du gouvernement se chargera des évaluations environnementales dans la vallée.

Le président: Monsieur McNally.

M. Grant McNally (Dewdney—Alouette, Réf.): Pour en revenir au mécanisme de consultation, vous avez mentionné des envois postaux et l'organisation de plusieurs réunions dans différentes régions. Est-ce que ces envois par la poste ont été faits à l'ensemble de la population ou principalement aux chefs des bandes? Quels étaient les destinataires?

M. Will Dunlop: Les envois ont été faits aux bureaux des bandes, aux conseils tribaux, aux conseils régionaux de tribu. Au début—en 1993 et en 1994—des envois postaux ont été faits aux associations de chasse et de pêche, aux particuliers, au gouvernement territorial, afin qu'il se charge de les redistribuer dans ses différents ministères, à un ou deux conseils de hameaux qui ont fait preuve de leur intérêt, à la Chambre des mines, à l'Association minière du Canada, aux Producteurs canadiens de pétrole dans l'Arctique, à l'Association canadienne des producteurs pétroliers, à l'Association canadienne des pipelines de ressources énergétiques. Il y a probablement des milliers d'exemplaires des avant-projets antérieurs qui sont quelque part en circulation dans l'Ouest et dans le Nord.

M. Grant McNally: Il n'y a donc pas eu de consultation ou d'envoi postal s'adressant précisément à l'ensemble de la population. Les envois ont été surtout adressés aux groupements d'intérêt, à ceux qui avaient quelque chose à gagner ou à perdre dans ce projet de loi, et qui ont été consultés.

M. Will Dunlop: C'est exact. Nous n'avons pas fait d'envoi aux particuliers.

M. Grant McNally: Au total, à combien estimez-vous le nombre de personnes qui se sont présentées devant le comité? Cent, deux cents?

M. Will Dunlop: Oh, probablement 300.

M. Grant McNally: Avez-vous plus ou moins une idée de la population qui va être concernée?

M. Will Dunlop: Trente-deux mille personnes, j'imagine.

M. Grant McNally: On a donc consulté 300 personnes sur 32 000.

M. Will Dunlop: Directement.

M. Grant McNally: Directement.

M. Will Dunlop: Sans parler des émissions à la radio de Radio-Canada, des salles d'exposition dans lesquelles des brochures étaient distribuées, et autres choses de ce genre.

M. Derrek Konrad: Quel est exactement le rôle des offices d'aménagement territorial—ceux qui seront chargés d'élaborer le plan? Est-ce que ce seront des offices permanents qui resteront toujours en place? Qui va les financer?

M. Will Dunlop: L'office d'aménagement territorial des régions désignées des Gwich'in et du Sahtu est chargé d'élaborer un plan d'aménagement territorial pour la région, qui est très étendue. Le territoire du Sahtu équivaut probablement à la moitié de celui du Nouveau-Brunswick. L'office comptera cinq membres. Il leur faudra plusieurs années pour élaborer la première mouture de leur plan, qui couvrira toute la région désignée.

• 1125

Une fois que ce plan aura été adopté, la population pourra s'y référer pour présenter des demandes, ou réclamer des dérogations ou encore des modifications du plan. Tous les cinq ans au maximum, il y aura une révision complète du plan.

M. Derrek Konrad: Comment se fera le financement?

M. Will Dunlop: Par notre ministère et dans le cadre du plan de mise en oeuvre des revendications territoriales.

Le président: C'est votre dernière question.

M. Derrek Konrad: Y a-t-il un financement de démarrage versé une fois pour toutes ou un financement permanent? Doit-il provenir du règlement des revendications territoriales ou faire l'objet de versements réguliers par le ministère, chaque année?

M. Will Dunlop: Il y aura un financement permanent. À la fin des plans de mise en oeuvre de chacune des revendications territoriales, nous faisons figurer un barème des paiements annuels. Ainsi, l'Office d'aménagement territorial des Gwich'in touchera cette année 126 828 $ et l'Office d'aménagement territorial du Sahtu percevra 566 054 $.

[Français]

Le président: Merci, messieurs Dunlop et Konrad. Monsieur Bachand, vous avez cinq minutes.

M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Monsieur Dunlop, si je comprends bien le projet de loi C-6 dont nous sommes saisis, il découle d'ententes sur les revendications territoriales dans la région des Gwich'in et du Sahtu.

Là où il semble y avoir un problème, et j'ai soulevé ce problème lors de mon discours à l'étape de la deuxième lecture en Chambre, c'est qu'il y a d'autres régions, dont celles de Deh Cho, des Dogrib et du Traité numéro 8 qui n'ont pas encore signé de revendications territoriales.

Je me demande si la politique du gouvernement est d'étendre à toute la région de la vallée du Mackenzie une chose qui concerne la gestion des ressources autant des terres que de l'eau. Cela me semble bizarre que de grandes régions où les Dénés et les Métis sont aussi très présents se voient imposer une nouvelle façon de gérer leurs eaux et leurs terres avant même qu'il y ait signature d'une entente d'autonomie gouvernementale.

J'ai deux questions. D'abord, j'estime que les gens du milieu des affaires doivent vouloir que la loi soit mise en application dans toute la vallée pour s'assurer que tout se déroule comme ils l'ont planifié du côté des mines, des forêts, etc. Ils doivent vouloir avoir le même pattern pour tout le monde. Cependant, je ne pense pas que ce soit ce que veulent les autochtones.

D'une part, ne trouvez-vous pas que vous allez un peu à l'inverse de la politique sur les revendications territoriales et d'autonomie gouvernementale en imposant un tel système à des gens qui n'ont pas encore signé d'entente? N'aurait-il pas été plus logique d'appliquer la loi aux deux régions qui ont signé des ententes territoriales et d'autonomie gouvernementale et qui devraient normalement s'attendre à ce qu'on consacre dans une loi ce qu'ils ont déjà dans leur entente? Pourquoi n'applique-t-on pas le projet de loi uniquement à la région des Gwich'in et à celle du Sahtu? Pourquoi l'étend-on à tout le monde? Est-ce pour répondre aux revendications du milieu économique aux dépens des autochtones?

[Traduction]

M. Will Dunlop: Les revendications territoriales des Gwich'in comme celles du Sahtu exigent la création d'un office d'examen des répercussions environnementales pour l'ensemble de la vallée du Mackenzie. Il n'y a pas eu de véritable opposition ou de voix divergentes dans la vallée en ce qui a trait au fait qu'il convenait de procéder à un examen des répercussions environnementales pour l'ensemble de la vallée et qu'on n'allait pas la découper en petits morceaux pour procéder à de multiples évaluations avec des techniques ou des méthodes diverses d'examen environnemental. L'élément central de la vallée, soit le fleuve Mackenzie et son bassin, allait être considéré comme une seule entité écologique par l'office, et nous avons donc l'obligation de créer cet office en lui conférant une compétence sur l'ensemble de la vallée.

• 1130

Vous avez évoqué la politique du gouvernement ou du ministère. La politique du ministère est de faire participer les résidents locaux du Nord aux décisions, et l'on parle ici d'une véritable participation et non pas d'une simple consultation. Ils ont un véritable rôle à jouer dans les prises de décision. Le ministère a aussi pour politique, dans le cadre de sa stratégie politique et économique dans le Nord, de promouvoir la rétrocession et les transferts de pouvoirs du fédéral aux gouvernements territoriaux.

Il existe un certain nombre de modèles de gestion des terres et des eaux. Le modèle dont le gouvernement et le ministère font la promotion est un modèle public d'administration fondé sur la cogestion. Il existe d'autres modèles, dont certains sont peut-être plus difficiles à envisager. Il y a celui de la compétence partagée, celui de la coexistence et celui de l'administration en commun. Le Canada fait la promotion d'un modèle de cogestion pour garantir l'efficacité de la réglementation des terres et des eaux.

J'ai parlé la semaine dernière à un certain nombre de groupements de Yellowknife et je leur ai dit bien clairement qu'il y avait d'énormes différences d'interprétation de ce projet de loi. Je crois avoir apaisé quelques craintes en déclarant que ce projet de loi ne remettait pas en cause le contrôle qu'exerçaient les Premières nations sur leurs terres, qu'elles cherchent à bénéficier d'un droit sur leurs terres en vertu d'un traité ou d'une autonomie de gouvernement. Une fois qu'en tant que propriétaires elles auront décidé d'exercer leur contrôle sur les personnes habilitées à utiliser leurs terres et les conditions qui s'y rattachent, l'office des terres et des eaux se chargera de la réglementation. L'office des terres et des eaux protège l'environnement en fixant les conditions s'attachant aux permis d'exploitation des terres ou des eaux. Je pense que cette explication a été très utile.

[Français]

Le président: Merci. Monsieur Bachand, est-ce que vous auriez une autre petite question pour faire un suivi?

M. Claude Bachand: Non, je vais plutôt revenir.

Le président: Monsieur Dunlop, plus tôt, en réponse à une question de M. Konrad, vous avez parlé des coûts de la mise en oeuvre de l'entente. Pourrait-on obtenir une copie de la liste de ces coûts? J'ai l'impression que je n'ai pas cela et que les autres membres du comité ne l'ont pas non plus.

[Traduction]

M. Will Dunlop: Nous vous en donnerons une copie. Nous vous fournirons une copie des deux.

[Français]

Le président: Aujourd'hui?

[Traduction]

Aujourd'hui?

M. Will Dunlop: Bien sûr.

Le président: Merci.

[Français]

Monsieur Patry.

[Traduction]

M. Bernard Patry: Monsieur Dunlop, nous avons proposé ce matin au nom du gouvernement deux amendements s'appliquant aux articles 152 et 159. Le premier porte sur les droits existants et le deuxième sur l'examen environnemental. Pouvez-vous, s'il vous plaît, indiquer aux membres du comité pour quelles raisons nous avons procédé à ces changements et de quelle façon ils vont se répercuter sur la loi sur la vallée du Mackenzie?

M. Will Dunlop: Le changement proposé à la formulation de l'article 152 découle des réunions que nous avons tenues à Yellowknife en septembre lorsque le personnel de notre ministère a rencontré les représentants de la Chambre des mines, d'un certain nombre de sociétés minières de Yellowknife et de la région et du Conseil tribal des Gwich'in. Certains s'étaient montré très préoccupés et avaient émis de très sérieuses réserves au sujet des répercussions des mesures de transition, notamment celle-là.

Après cette rencontre, les représentants du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest et ceux des Gwich'in se sont penchés avec nous sur la formulation et nous avons convenu qu'une clause de reconnaissance des droits acquis permettrait de mieux protéger les utilisateurs existants. À l'heure actuelle, l'article 152 est formulé de manière à accorder un délai de l'ordre de six mois. Nous proposons plutôt de reconnaître les droits acquis, autrement dit, de faire en sorte que quiconque détient un droit d'utilisation en vertu d'un bail, d'un accord de vente, d'un droit de passage ou d'une emprise, n'a pas à demander un permis à moins qu'il ne modifie l'affectation de ses terres.

Pour ce qui est du paragraphe 159(2), certains ont allégué que l'on pouvait trouver une échappatoire dans la formulation de cette disposition étant donné que s'il y avait un projet d'aménagement qui faisait actuellement l'objet d'un examen environnemental avant l'adoption du projet de loi sans que l'examen soit totalement terminé et que l'on en soit arrivé à l'étape du rapport, de la rédaction de la décision ou de l'élaboration des recommandations, ce projet d'aménagement pourrait en quelque sorte démarrer dans le cadre du nouveau système le jour après l'adoption de la loi.

• 1135

Le changement que nous proposons d'apporter à la formulation élimine sans ambiguïté toute échappatoire. C'était l'intention de tout le monde. J'espère que tout cela est clair maintenant.

[Français]

Le président: Monsieur Patry.

[Traduction]

M. Bernard Patry: Pour quelles raisons l'Office d'examen des répercussions environnementales et l'office des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie doivent-ils avoir compétence immédiatement sur l'ensemble de la vallée du Mackenzie?

Cela fait suite à la question de M. Bachand.

M. Will Dunlop: La création de l'Office d'examen des répercussions environnementales est une obligation qui découle directement des deux revendications territoriales. Nous nous attendons à être très occupés l'année prochaine. Nous nous attendons à ce qu'il y ait des demandes d'utilisation des terres. Nous nous attendons à ce qu'il y ait des demandes pour l'utilisation des eaux. Nous avons besoin d'une prise en charge à une date fixe.

Nous voulons éviter de recourir à deux, trois ou quatre systèmes différents d'octroi de permis d'utilisation des terres ou des eaux. Nous nous reportons à la Loi actuelle sur les eaux des T.N.-O. Elle a été modifiée il y a quatre ans seulement. Elle est actuelle, bien conçue et importante.

Nous craignons l'instauration et refusons le principe d'un système qui ferait que le MAINC, notre ministère, administre un régime d'aménagement territorial dans le sud du Mackenzie, un autre dans le Nord et un troisième lors du règlement d'autres revendications territoriales.

[Français]

Le président: Nous passons au deuxième tour de questions. Monsieur Konrad.

[Traduction]

M. Derrek Konrad: Il y a une clause non dérogatoire dans le préambule, qui dispose que le gouvernement du Canada a l'intention de revoir, après avoir consulté les Premières nations de la vallée du Mackenzie, les dispositions de la loi qui s'appliquent aux négociations d'autonomie de gouvernement avec ces Premières nations. J'aimerais que vous nous expliquiez quelles pourraient être les répercussions de cette disposition dans la pratique.

M. Will Dunlop: Dans les trois autres régions du sud du Mackenzie, un certain nombre de négociations sont en cours. Certaines négociations n'ont pas encore commencé. Nous savons déjà qu'il y a des Premières nations qui ne sont pas très intéressées par l'office d'aménagement territorial, de la façon, par exemple, dont il est indiqué à la partie II du projet de loi, et qu'il est possible qu'elles n'envisagent pas du tout de procéder à des activités d'aménagement territorial.

D'autres s'intéressent à l'aménagement territorial, mais uniquement pour leurs propres terres. Elles ne voient pas grand intérêt à élaborer un plan d'aménagement territorial pour l'ensemble de la région. D'autres Premières nations sont en train de négocier une autonomie de gouvernement. Les dispositions qu'elles négocient concernant les terres et les eaux pourront figurer dans un accord d'autonomie de gouvernement et non pas dans un accord de revendications territoriales. Nous voulons intégrer tout cela dans ce cadre. Voilà comment va opérer ce préambule.

M. Derrek Konrad: Merci.

Le président: Monsieur McNally.

M. Grant McNally: J'ai une question à poser au sujet des membres et de la composition de l'office. En plus de nommer tous les membres de l'office, le ministre fédéral pourra à sa discrétion nommer un président—c'est un petit préambule.

Est-ce que les critères ont été établis concernant les qualifications exigées des personnes candidates à l'office?

M. Will Dunlop: Il n'y a aucun critère. L'institution fonctionnera comme n'importe quel office. Les membres doivent faire preuve de leurs compétences et donner toute confiance.

M. Grant McNally: Est-ce que les membres de cet office seront pris parmi les employés du ministère ou la population de la région? A-t-on établi le profil des candidats à l'office?

M. Will Dunlop: Nous publions dans les journaux locaux des avis précisant la nature du poste et des responsabilités. Nous invitons les gens à envoyer leur candidature. Nous connaissons aussi certaines personnes et nous élaborons notre propre liste. Nous invitons aussi toute personne intéressée à écrire directement au ministre pour demander sa nomination.

M. Grant McNally: Les candidatures sont donc rassemblées et le ministre prend finalement la décision pour savoir qui va siéger au sein de l'office.

M. Will Dunlop: C'est exact.

• 1140

[Français]

Le président: Monsieur Fournier.

M. Ghislain Fournier (Manicouagan, BQ): Si j'ai bien compris votre exposé, plusieurs groupes autochtones de la vallée du Mackenzie n'auraient pas été consultés et plusieurs groupes n'ont même pas réglé leurs revendications territoriales. Va-t-on les consulter? A-t-on le temps de les consulter? Pourquoi ne les a-t-on pas consultés? Il a fallu beaucoup de temps pour en arriver là, et aujourd'hui on n'a pas consulté un important groupe d'autochtones. Cela m'inquiète. Je ne comprends pas pourquoi on ne l'a pas fait.

[Traduction]

M. Will Dunlop: Vous avez peut-être mal compris la réponse. Nous avons procédé à des consultations dans toute la vallée du Mackenzie. Nous avons fait des consultations dans chacune des régions de la vallée du Mackenzie. Nous ne nous sommes pas imposés aux gens qui ne voulaient nous parler et nous n'avons consulté personne qui ne voulait pas l'être.

Nous avons consulté certains groupes et, depuis lors, il y a eu des élections et un nouveau groupe de dirigeants, et certains d'entre eux n'ont pas été consultés. Nous avons organisé des réunions publiques auxquelles ont assisté certaines personnes non en leur qualité de chef de leur Première nation. Elles ont assisté à ces séances pour entendre ce que nous avions à dire, pour regarder nos diapositives et prendre connaissance de nos exposés. Il y a donc eu divers types de consultations, mais nous n'avons cherché à écarter personne.

Est-ce que nous précipitons l'adoption de ce projet de loi? Je ne pense absolument pas qu'au bout de cinq ans on puisse parler de précipitation, et nous avons fixé le cadre de ce projet de loi de manière à favoriser en fait la poursuite des négociations.

Permettez-moi de revenir sur la séance de la semaine dernière, au cours de laquelle l'une de mes déclarations a été parfaitement comprise, du moins je l'espère. Ce n'est pas la fin de l'opération; c'est un départ; c'est un commencement.

[Français]

Le président: Monsieur Fournier.

M. Ghislain Fournier: J'ai sûrement mal compris, et je veux des explications pour être sûr de bien comprendre. Vous me dites que vous les avez consultés et que, pour une population de 32 000 habitants, votre échantillon était de 200 à 300 personnes. Vous me reprendrez si j'ai mal compris. Croyez-vous que c'est un échantillon suffisant pour avoir une bonne idée de l'opinion du milieu?

[Traduction]

M. Will Dunlop: L'échantillon est supérieur à ce que nous avions connu auparavant. Nous avons effectué d'autres consultations avec des réunions publiques—des réunions ouvertes à tous—au cours desquelles trois personnes se sont présentées. Donc, lorsqu'il y en a 60, c'est un bon résultat.

Lorsque nous nous adressons aux dirigeants élus, nous sommes tout à fait certains qu'ils parlent au nom de leur peuple. Lorsque nous nous adressons aux représentants élus, nous sommes tout à fait certains qu'ils nous donnent l'avis de leur Première nation ou de leur conseil tribal. Je pense que nous avons fait passer très clairement notre message dans les différentes réunions que nous avons organisées dans la vallée.

[Français]

Le président: Merci, monsieur Dunlop. Madame Lindell.

[Traduction]

Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.): Je sais que d'autres que moi vous ont déjà posé à peu près la même question, mais je n'ai toujours pas une très bonne idée de ce qui se passe pour les autres groupes qui n'ont pas encore réglé leurs revendications territoriales. Se retrouvent-ils désormais devant un élément des négociations de leurs revendications territoriales, devant un texte législatif, qui n'est pas négociable et qui doit être incorporé à leur projet de traité ou de règlement de leurs revendications territoriales? Est-ce qu'il s'agit désormais d'un point non négociable dans le cadre de leurs négociations? Une fois cette loi adoptée, s'ils signent de nouveaux accords de règlement des revendications territoriales, est-ce qu'elle va être incorporée à l'accord sans être négociable?

Merci.

M. Will Dunlop: Non, je ne crois pas que ce soit non négociable. Je ne l'exprimerais pas ainsi.

Les négociations qui ont cours à l'heure actuelle dans la vallée, qui sont en train au moment où nous nous parlons, s'appuient sur la cogestion. Elles partent du principe de la cogestion dans la planification de l'aménagement du territoire, dans la réglementation des terres et des eaux et dans l'examen des répercussions environnementales.

• 1145

Nous sommes convaincus que l'intérêt, les priorités et le dynamisme ne seront pas toujours les mêmes et qu'il y aura certainement des différences au niveau de l'aménagement territorial et, plus encore, de la composition des offices. Nous savons, par exemple, qu'il y a des groupements qui ne veulent pas être les seuls à être représentés au sein des groupes d'examen des répercussions environnementales d'une région donnée. Ils souhaitent qu'il y ait des sièges supplémentaires qui puissent être accordés aux Premières nations qui ne prennent pas part à leurs revendications territoriales pour qu'elles puissent participer effectivement à l'examen environnemental. Nous savons que c'est ce qui nous attend et nous avons des entretiens à ce sujet à l'heure actuelle.

Il faut toutefois bien faire comprendre que c'est la cogestion et non pas la compétence partagée que l'on a retenue.

Mme Nancy Karetak-Lindell: Merci.

[Français]

Le président: Partagez-vous votre temps avec M. Finlay?

[Traduction]

M. John Finlay (Oxford, Lib.): Merci, monsieur le président.

Le président: Vous avez trois minutes.

M. John Finlay: Il y a dans cet accord le paragraphe 5(1) qui comporte une clause non dérogatoire. Ce paragraphe dispose qu'en cas d'incompatibilité ou de non-concordance, la Loi sur les Indiens, l'accord sur les revendications territoriales des Gwich'in ou du Sahtu, ou la loi d'application de l'un ou l'autre de ces accords auront priorité par rapport à la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie.

Lorsqu'on s'intéresse à l'environnement et à la portée globale de la mesure, ce que vous avez souligné dans votre introduction, monsieur Dunlop—et je crois que c'est très important—quelle est la raison d'être de cette disposition? Je crois le comprendre, mais quelle est l'interaction éventuelle entre ce projet de loi une fois adopté et la Loi sur les Indiens? Dans quel cas les dispositions de ce projet de loi vont-elles entrer en conflit avec celles de la Loi sur les Indiens?

M. Will Dunlop: L'article 5 a été introduit dans une très large mesure, non seulement dans l'intérêt des Premières nations qui n'ont pas encore terminé leurs négociations, mais aussi dans celui des Gwich'in et du Sahtu. On peut éventuellement se demander s'il était justifié de la faire figurer ici, parce que la loi réglant la question des revendications territoriales des Gwich'in et du Sahtu va prévaloir. Cette loi qui règle les revendications a conféré une protection constitutionnelle aux droits ancestraux créés par ces revendications territoriales.

Il faut relever cependant que le mois dernier le bruit a couru à tort dans la vallée que le projet de loi allait en fait modifier la Loi sur les Indiens, et il a donc été très utile que je mentionne cet article la semaine dernière. Non seulement nous ne modifions pas la Loi sur les Indiens, mais en cas d'incompatibilité, c'est elle qui prévaut.

Peut-il y avoir incompatibilité? Aujourd'hui, il n'y a que deux réserves indiennes dans les Territoires du Nord-Ouest, celle de Salt River et celle de Hay River. La seule incompatibilité qu'il puisse y avoir porte sur les permis d'utilisation des terres.

Aux termes des dispositions de la Loi sur les Indiens, une Première nation peut adopter des règlements sur sa réserve et, si ces derniers relèvent de la protection de l'environnement, l'office des terres et des eaux s'effacera. Il n'exercera pas cette compétence sur une réserve indienne.

Aux termes de la législation actuelle, c'est l'Office des eaux des Territoires du Nord-Ouest qui se charge d'octroyer les permis d'utilisation des eaux dans les réserves indiennes, et l'office des terres et des eaux s'en chargera désormais.

M. John Finlay: Je vous remercie.

[Français]

Le président: Merci, monsieur Finlay. Nous allons passer au troisième tour. Monsieur Konrad, s'il vous plaît.

[Traduction]

M. Derrek Konrad: Merci, monsieur le président.

J'ai une question à poser au sujet des membres des offices. Le projet de loi exige que les Gwich'in et les Dénés du Sahtu présentent des candidatures susceptibles d'être acceptées par le ministre en conférant par ailleurs, je crois, le pouvoir au ministre de ne pas procéder à ces nominations. Le ministre n'a donc aucunement l'obligation d'accepter le choix des Premières nations. Je me demande si l'on a proposé des critères permettant de justifier que l'on désavoue le choix démocratique des Premières nations en cause.

M. Will Dunlop: Les seules discussions que nous avons eues avec les Premières nations, notamment avec les représentants des Gwich'in et du Sahtu, ont porté sur les casiers judiciaires. On ne veut pas que l'on présente la candidature d'une personne ayant un casier judiciaire. À part cela, tout est possible.

M. Derrek Konrad: Allez-vous le préciser dans la loi?

M. Will Dunlop: Non.

M. Derrek Konrad: Comment allez-vous alors limiter le pouvoir discrétionnaire du ministre?

M. Will Dunlop: Excusez-moi?

M. Derrek Konrad: Comment ce pouvoir discrétionnaire va-t-il être limité?

• 1150

M. Will Dunlop: Il n'est pas limité. Nos interlocuteurs nous ont demandé de ne pas faire figurer ce genre de disposition dans la loi. Ils la jugent insultante. Ils en comprennent parfaitement le sens, mais ils ne veulent pas la voir figurer par écrit.

M. Derrek Konrad: Y a-t-il un mécanisme pour faire appel?

M. Will Dunlop: Pour faire appel d'une nomination?

M. Derrek Konrad: Non, d'un refus d'une nomination.

M. Will Dunlop: Non, il n'y a pas de possibilité d'appel.

M. Derrek Konrad: Merci.

M. Grant McNally: Je voudrais simplement poser une ou deux questions au sujet du financement des offices. Je crois qu'on l'a mentionné un peu plus tôt. Est-ce que c'était 75 millions de dollars par an sur les 15 prochaines années? C'est bien ça?

M. Will Dunlop: Excusez-moi, d'où tirez-vous ce chiffre?

M. Grant McNally: De ma documentation ici. Je n'ai peut-être pas le bon document. Pourriez-vous éventuellement me dire ce qu'il va falloir payer par an pour que chacun des offices puisse faire le travail qui lui est demandé et, essentiellement, quel sera leur budget annuel. C'est probablement quelque part dans notre montagne de documents.

M. Will Dunlop: Je vous en ferai parvenir des copies, monsieur le président, je vous le promets.

Pour ce qui est par exemple du plan de mise en oeuvre dans le Sahtu, je crois que nous en sommes à la troisième année et que, par conséquent, l'office d'aménagement territorial a cette année un budget de 581 054 $, l'office des terres et des eaux dans cette même région du Sahtu obtenant 603 330 $.

M. Grant McNally: Très bien. Ce sont donc les chiffres annuels. Ainsi, ils auront ce même budget chaque année?

M. Will Dunlop: Ça change d'une année à l'autre. Certaines années, ça baisse, et d'autres ça augmente, mais c'est généralement en baisse. Les coûts de démarrage sont pratiquement payés et les groupes de travail sont sur le point de se transformer en offices. Ils disposent d'installations et ils reçoivent leur mobilier et leurs fournitures.

M. Grant McNally: Une dernière question. Pourrait-on savoir ce qu'il va en coûter au total pour administrer tous ces offices sur une période de 10 ans, par exemple? Quel sera le montant total?

M. Will Dunlop: Environ 4 millions de dollars.

M. Grant McNally: Quatre millions de dollars. C'est pour l'ensemble des offices ou pour chacun d'entre eux?

M. Will Dunlop: Pour l'ensemble des offices.

M. Grant McNally: Je vous remercie.

[Français]

Le président: Merci, monsieur McNally. Monsieur Bachand.

M. Claude Bachand: J'ai une question sur l'amendement proposé par mon collègue, M. Patry. Vous pourriez peut-être répondre, monsieur Dunlop. Vous devez connaître l'amendement aussi bien que lui. Est-ce le ministère qui vous l'a suggéré? En tout cas, on pourra en reparler plus tard.

Cela me surprend, car cela ne devrait pas être intitulé «Droits existants» en français, mais plutôt «Protection des privilèges acquis».

Si j'ai bien compris, ce sont les secteurs commercial et des affaires qui ont demandé plus de certitude à propos du projet de loi, et je trouve bizarre qu'il y ait déjà une règle d'exception dans le projet de loi. Entre autres, on parle des «droits d'utilisation des terres découlant d'un bail, d'un droit de passage ou d'un autre droit sur les terres accordé», ce qui veut dire à peu près n'importe quoi. Par exemple, y a-t-il un bail emphytéotique qui pourrait permettre à quelqu'un d'employer un terrain ou une mine pendant 100 ou 50 ans? Êtes-vous en train de nous dire que par cet article-là, ils vont se soustraire au projet de loi dont nous sommes saisis?

[Traduction]

M. Will Dunlop: Oui et non.

M. Bernard Patry: Il a le début. Vous avez la fin.

Le président: Monsieur Dunlop.

M. Will Dunlop: Le système actuel de location des terres dans les Territoires du Nord-Ouest... ces dispositions figurent dans les baux. C'est le document qui prévoit à l'heure actuelle les conditions de protection de l'environnement servant de contrepartie à l'obtention des droits sur les terres. Demain, lorsque cette loi sera adoptée, ces baux continueront à servir de contrat entre le gouvernement et les locataires, et ces conditions s'appliquant à l'environnement continueront à s'appliquer. La plupart des locataires, certainement ceux des grosses concessions minières... n'ont pas simplement un bail, ils ont aussi un permis d'utilisation de l'eau qui reste valide pendant toute la durée d'exploitation de la mine. Il n'y a rien qui change.

J'espère que cela répond à votre question.

[Français]

M. Claude Bachand: Monsieur le président, juste une question complémentaire.

Le président: Il vous reste encore trois minutes, monsieur Bachand.

• 1155

M. Claude Bachand: Je considère que le projet de loi va s'appliquer à toute espèce de nouveau développement ou de nouvelle utilisation des terres et de l'eau. Tout ce qui était là avant en vertu d'un contrat, que ce 50 ans ou 100 ans, va s'appliquer jusqu'à la fin du contrat. C'est bien cela?

[Traduction]

M. Will Dunlop: Oui, c'est exact.

Je pense que j'ai oublié par ailleurs de répondre en partie à votre première question. Si un bail existant change d'affectation—si par exemple un pourvoyeur qui fait de la chasse ou de la pêche décide avec son bail d'exploiter une mine—il sera régi par le nouveau système. Il faudra faire une demande à ce titre.

[Français]

Le président: Merci, monsieur Bachand. Madame Longfield.

[Traduction]

Mme Judi Longfield (Whitby—Ajax, Lib.): En fait, M. Finlay a posé ma question.

[Français]

Le président: Monsieur Finlay.

[Traduction]

M. John Finlay: Je m'intéresse de près, monsieur Dunlop, aux caractéristiques de ce projet de loi qui ont trait à l'environnement. Le projet de loi C-6 propose un régime d'examen environnemental en trois temps qui comprend un premier tri qui peut-être ou non subi d'une évaluation environnementale puis, pour finir, d'un examen des répercussions environnementales. Ce mécanisme diffère quelque peu de celui que prévoit la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale (LCEE).

J'aimerais savoir pour quelle raison on a jugé nécessaire, si les deux choses sont effectivement très différentes—et je ne suis pas sûr qu'elles le soient—d'établir un mécanisme d'examen environnemental différent dans la vallée du Mackenzie par rapport au système que prévoit la LCEE.

C'est le premier volet de ma question.

M. Will Dunlop: Le régime en trois temps qui prévoit un tri, une évaluation et un examen est tiré directement du chapitre 24 des revendications des Gwich'in et du chapitre 25 des revendications du Sahtu. Il reflète dans chaque cas le mécanisme d'évaluation environnementale qui prévalait alors au gouvernement fédéral, en l'occurrence le décret sur les lignes directrices concernant le processus fédéral d'évaluation et d'examen en matière d'environnement, le PEEE.

La caractéristique qui n'est pas la même que celle de la LCEE, vous le remarquerez, c'est l'étude globale. Elle s'intègre à l'évaluation environnementale, au deuxième palier de notre régime. C'est probablement le système que l'on connaît le mieux. Les seuls groupes qui ont procédé dans le Nord à des évaluations et à des examens des répercussions environnementales, les gros groupes d'études publiques, ont fait appel au PEEE. Il n'y avait pas encore de mécanisme prévu dans le cadre de la LCEE lorsque ces accords ont été négociés.

Donc, tous ceux qui vivent au nord du 60e parallèle connaissent bien ce régime d'examen en trois temps. C'est ce qui était utilisé jusqu'alors.

M. John Finlay: Le mécanisme de la LCEE exige expressément une participation du public dans l'évaluation environnementale, ce qui n'est pas à mon avis prévu dans une même mesure dans ce projet de loi, ainsi que l'établissement d'un registre public, la tenue d'audiences publiques, etc.

Je voulais aussi savoir si la LCEE prévoyait le financement des participants après la première étape de tri en vue d'une évaluation pour que le public puisse utilement participer. Y a-t-il dans le projet de loi C-6 une disposition prévoyant le financement des participants? Dans la négative, pourquoi n'a-t-on pas jugé nécessaire de le faire dans la vallée du Mackenzie?

M. Will Dunlop: Les tiers, ceux qui veulent comparaître en tant qu'intervenants ou en tant que témoins pour faire des observations au sujet des demandes, ont la possibilité de le faire à deux niveaux. Le premier est celui de l'évaluation environnementale, lorsque l'office d'examen des répercussions environnementales souhaite tenir une audience, enregistrer des observations ou recevoir des recommandations ou des commentaires.

Au niveau de l'examen des répercussions environnementales, lorsqu'on doit constituer en bonne et due forme un groupe d'études publiques, l'office doit présenter au ministre un budget d'administration de ce groupe selon que ces activités vont durer six mois, un an ou deux ans. Il est évidemment prévu que l'un des postes budgétaires sera celui de la participation du public ou du financement des intervenants. Nous nous réservons le droit d'autoriser en quelque sorte le montant, mais nous ne sommes pas contre le principe.

M. John Finlay: C'est donc prévu sans que des dispositions figurent expressément dans la loi. C'est ce que vous nous dites?

M. Will Dunlop: C'est bien ça. Ce n'est pas dans la loi. L'office a la possibilité de prévoir ce budget, qui va en fait à la création d'un groupe chargé de procéder à l'examen des répercussions dans le public.

M. John Finlay: Y a-t-il des règlements ou des directives qui s'appliquent à un tel groupe?

M. Will Dunlop: C'est l'office et le ministre qui se chargent d'établir le mandat. Le ministre met le groupe en route en lui accordant les crédits. L'office doit prévoir un budget pour que ce groupe puisse procéder à son examen. C'est l'office qui détermine la portée de cet examen.

M. John Finlay: Donc, s'il veut que l'on finance les participants, vous pensez alors que sa recommandation sera suivie d'effet.

M. Will Dunlop: Je sais qu'elle sera suivie. S'il veut organiser des audiences publiques à Yellowknife, à Fort Norman, à Fort Good Hope, aucun problème—tant qu'il ne veut pas en organiser en Suède.

• 1200

M. John Finlay: Merci.

[Français]

Le président: Monsieur Patry, suivi de MM. Konrad, Fournier et Wilfert.

[Traduction]

M. Bernard Patry: Merci, monsieur le président.

Je veux être sûr de bien comprendre l'amendement du paragraphe 159(2). Si je ne me trompe, cela signifie que s'il y a un projet d'aménagement déjà en cours avant que ce projet de loi soit adopté... Si en cours de route un projet est déjà en train, on ne va pas faire appel au nouveau règlement pour se demander s'il doit être approuvé. C'est bien ça?

M. Will Dunlop: C'est bien ça, jusqu'au moment de la décision.

M. Bernard Patry: Merci.

Le président: Merci, monsieur Patry.

Monsieur Konrad.

M. Derrek Konrad: Il est bien probable que j'ai déjà la réponse à la question, mais je vais vous la poser quand même parce qu'il faut que ces choses soient constamment rappelées. Les membres des offices régionaux sont nommés pour moitié par la région et pour moitié par le ministre. Ai-je bien compris?

M. Will Dunlop: Le ministre nomme tous les membres.

M. Derrek Konrad: Mais la moitié sont nommés par...

M. Will Dunlop: La moitié des candidatures proviennent des Premières nations et l'autre moitié du gouvernement.

M. Derrek Konrad: Pour être nommé par les Autochtones, le candidat doit habiter dans la région et être membre de la Première nation concernée?

M. Will Dunlop: Nous n'avons pas de critère de résidence. Nous nous attendons certainement à ce qu'il soit membre ou bénéficiaire...

M. Derrek Konrad: C'est une simple attente; ce n'est pas une exigence.

M. Will Dunlop: C'est exact.

M. Derrek Konrad: Mais il doit être autochtone.

M. Will Dunlop: Non. Il faut simplement que sa candidature soit présentée par la Première nation.

M. Derrek Konrad: Lorsque le ministre décide de la demi-douzaine de candidatures devant être présentée par le gouvernement, les candidats peuvent aussi provenir d'autres régions.

M. Will Dunlop: C'est exact.

M. Derrek Konrad: Il me semble que l'on aurait pu tout simplement réunir tous ces candidats provenant de toutes les régions au sein d'un seul et même office ayant une représentation régionale.

M. Will Dunlop: Il faut tenir compte de la revendication territoriale.

M. Derrek Konrad: Je sais ce qui est dit dans la revendication territoriale, mais je fais simplement ici état de ma préoccupation en me demandant ce que l'on aurait pu faire à l'origine. Je sais bien que l'on peut toujours alléguer qu'une situation donnée est le résultat de ce qui s'est passé en amont, ce qui est probablement vrai. Si on jette un bâton dans la rivière, il va dériver vers l'aval. J'aimerais cependant avoir ici votre avis sur la question.

M. Will Dunlop: Sur le plan de la taille, la vallée du Mackenzie a probablement la même superficie que la Saskatchewan.

M. Derrek Konrad: Qui a deux offices et un seul régime de réglementation.

M. Will Dunlop: Oui, mais je ne sais pas si elle a la même écologie.

Je ne pense pas que l'important soit de savoir s'il faut deux ou trois offices. La possibilité de subdiviser l'Office d'examen des répercussions environnementales ou l'office des terres et des eaux en groupes plus petits pour procéder en fait à l'octroi des permis et des licences ou pour examiner les répercussions environnementales est tout simplement logique. C'est certainement le cas pour les Gwich'in, qui sont situés les plus en aval le long du fleuve, qui vont subir les conséquences de tout ce qui se passe en amont à un moment ou à un autre. Tout finit par se déverser dans leur région.

M. Derrek Konrad: C'est exactement mon argument. Ils n'ont pas leur mot à dire tant que les problèmes ne se retrouvent pas dans leur région.

M. Will Dunlop: Non, ce n'est pas ça du tout. Ils vont siéger au sein de l'office des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie et, bien évidemment, au sein de l'Office d'examen des répercussions environnementales. Ils n'auront peut-être pas les mêmes préoccupations ou ne se sentent pas aussi menacés dans l'immédiat que les habitants du sud du Mackenzie, qui sont situés près de l'Alberta et qui s'inquiète des effluents de la rivière des Esclaves ou du réseau de l'Athabasca, mais au bout du compte les Gwich'in partagent les mêmes préoccupations. La préoccupation est peut-être moins immédiate, mais elle reste la même.

M. Derrek Konrad: Toutefois, ces régions n'offrent pas nécessairement une certaine cohérence. Les limites sont fixées en fonction des regroupements, lieux de population et non pas des zones géographiques. Par conséquent, un office pourra desservir une région géographique qui pourra très bien être très différente. Elle pourra être délimitée sans recouper en fait des frontières politiques.

M. Will Dunlop: Il ne s'agit pas tant de frontières politiques, monsieur Konrad, que des territoires traditionnels du Sahtu et des Gwich'in. Ce que vous voyez sur la carte, par exemple, c'est le bassin hydrographique de la rivière Peel, qui revêt une très grande importance pour les Gwich'in. Ils ont un certain nombre de familles qui font du piégeage dans la région. Au Sahtu, il y a un groupe qui compte énormément sur le Grand lac de l'Ours pour la pêche. Un autre groupe, au Sahtu, fréquente beaucoup les monts Mackenzie pour chasser l'orignal.

• 1205

C'est donc ici leur territoire traditionnel que vous voyez regroupé au sein d'une région, en l'occurrence la région du Sahtu. C'était la base de leur revendication territoriale et c'est la base de leur structure régionale pour ce qui est de l'office des terres et des eaux et de l'office d'aménagement territorial.

Le président: Monsieur Fournier.

[Français]

M. Ghislain Fournier: Je commencerai par une question très courte. Dans votre cas, pourquoi les négociations avec le gouvernement fédéral n'aboutissent-elles pas?

[Traduction]

M. Will Dunlop: Je pense qu'ils sont en train de réussir. J'espère que nous pourrons signer un protocole d'accord avec le Conseil tribal des Dogrib en avril, un protocole d'accord qui traitera des revendications territoriales et de l'autonomie de gouvernement. Des négociations viennent juste d'être entamées avec l'un des groupes métis du sud du lac des Esclaves. On espère qu'elles prendront de l'ampleur et que nous ferons des progrès. J'imagine que vous ne pouvez pas voir les progrès, mais nous avançons.

[Français]

M. Ghislain Fournier: Le programme de gestion intérimaire des ressources des Territoires du Nord-Ouest, mis sur pied par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien en août 1997 pour répondre aux lacunes de ce projet de loi, vous satisfait-il? Sinon, quelles dispositions souhaiteriez-vous qu'on inclue dans ce projet de loi afin de répondre à vos exigences, compte tenu de votre situation actuelle?

[Traduction]

M. Will Dunlop: Excusez-moi, monsieur le président. Je ne comprends pas la question. Quelque chose d'intérimaire en août de cette année?

[Français]

M. Ghislain Fournier: Je vais répéter. Le programme de gestion intérimaire des ressources des Territoires du Nord-Ouest, qui a été adopté en août 1997, est un programme intérimaire pour les affaires indiennes, pour combler les lacunes de ce projet de loi. Je vous demande si ce projet de loi vous satisfait. Sinon, quelles dispositions souhaiteriez-vous qu'on inclue dans ce projet de loi pour répondre à vos exigences, compte tenu de votre situation actuelle?

[Traduction]

M. Will Dunlop: Maintenant, je comprends.

Je n'ai jamais entendu parler que d'un programme qui s'intitule en anglais «interim resource management». Ce sont des crédits mis à la disposition des conseils tribaux et des différentes Premières nations appelés à être consultés et devant participer à des propositions et à des projets d'aménagement, afin de réunir des informations, de faire état des préoccupations et de rassembler des observations au sujet des projets. Ce projet de loi ne fera qu'améliorer les résultats de ce programme en permettant en fait aux membres des Premières nations, aux candidats, de siéger au sein des offices qui vont prendre ces décisions. Je pense qu'il n'y a là aucune faille et qu'il n'est pas nécessaire de modifier le projet de loi pour améliorer la situation.

[Français]

M. Ghislain Fournier: Beaucoup de personnes nous disent que le projet de loi C-6 est très complexe et qu'il pourrait même gêner le développement. Que pensez-vous de ces affirmations?

[Traduction]

M. Will Dunlop: Je pense que ces déclarations sont outrées et inexactes. La semaine dernière, à Yellowknife, j'ai fait un exposé devant la Chambre des mines et l'on m'a demandé de produire un diagramme de circulation décrivant la façon d'opérer. Les gens s'inquiétaient du manque d'intégration et de la complexité du système. C'est la même demande que nous a faite M. Patry: il voulait qu'on lui présente en quelque sorte un diagramme de circulation lui décrivant les mécanismes.

Vous le trouverez dans la trousse d'information que nous vous avons remise ce matin. Nous nous en sommes servis dans l'exposé que nous avons fait la semaine dernière devant la chambre à l'intention des sociétés minières qui y ont assisté. Je leur ai fait voir les mécanismes en me servant d'un rétroprojecteur. Je pense qu'elles ont été très satisfaites de la simplicité avec laquelle une demande pouvait être présentée à un point quelconque du système et être acheminée sans difficulté jusqu'au moment de la prise de décision.

• 1210

En haut de votre diagramme, vous voyez à quel moment la demande entre dans le système. D'un bout à l'autre du diagramme, vous pouvez voir les relations qu'entretiennent entre eux les trois offices. Je pense que cela écarte bien des malentendus et bien des préoccupations au sujet de la complexité du système. Je pense que le diagramme parle par lui-même et qu'il s'agit d'un système intégré.

[Français]

Le président: Merci, monsieur Dunlop. Merci, monsieur Fournier. Monsieur Wilfert, vous avez trois minutes.

[Traduction]

M. Bryon Wilfert (Oak Ridges, Lib.): Monsieur le président, j'aimerais revenir à une observation faite par le témoin à Mme Karetak-Lindell. Je l'ai peut-être mal comprise.

Le projet de loi vise à établir une cogestion d'un système intégré d'aménagement des terres et des eaux. Vous avez déclaré qu'il y avait des personnes qui ne s'intéressaient en fait qu'à leurs propres terres, d'autres qui voyaient plus loin à l'échelle de la région et d'autres encore qui ne voulaient pas participer du tout—du moins, pas pour le moment. Sur le terrain, comment allez-vous procéder par conséquent s'il y a des gens qui ne veulent pas participer pour l'instant?

Deuxièmement, je crois vous avoir entendu répondre que ce ne sera pas nécessairement un point de départ pour les négociations futures. Pourquoi pas?

M. Will Dunlop: Je vais tout d'abord répondre à la deuxième partie de votre question. Je laissais entendre que cela ne mettait pas fin aux négociations, parce que le dialogue se poursuit.

Nous espérons être en mesure de continuer à promouvoir la qualité de cette méthode de gestion des ressources naturelles. Nous continuons à insister sur l'existence d'un pouvoir très réel, d'une influence très réelle, qui vont être exercés ici. C'est une véritable prise de décision et non pas une consultation. On ne demande pas aux gens de faire état de leurs préoccupations. Ils vont siéger au sein de l'office et prendre les décisions. Ils vont décider ce qui va figurer dans les licences et les permis. Ils vont élaborer les recommandations en matière de protection de l'environnement—mesures visant à minimiser certains risques, par exemple.

Nous pensons que c'est une solution de rechange très intéressante par rapport au système actuel, dans lequel notre ministère délivre les permis et coordonne les évaluations environnementales. Une fois que les offices seront en place, ce sont eux qui recevront les demandes et qui devront s'en occuper.

M. Bryon Wilfert: Cela étant, si la solution est si intéressante, pourquoi y a-t-il des gens qui s'y opposent?

M. Will Dunlop: J'imagine qu'il vous faut le leur demander. Je pense qu'il y a des groupes qui préconisent des méthodes différentes et il y a des groupes...

M. Bryon Wilfert: Mais au bout du compte, à l'intention de ceux qui ne signent pas dès maintenant, vous n'allez pas créer plus tard quelque chose d'autre, de différent. Pourquoi ne pas leur dire qu'il leur faut saisir leur chance aujourd'hui et que, s'ils ne signent pas, tant pis pour eux.

À l'avenir, voilà ce que nous allons faire. Voilà le système que nous allons adopter.

M. Will Dunlop: Nous cherchons à persuader, et non pas à contraindre ou à nous lancer dans une confrontation. Nous ne cherchons pas...

M. Bryon Wilfert: Ce n'est pas contraindre que de dire qu'il y a des règles qui ont été établies. Vous aviez la chance de vous joindre au système, mais vous ne l'avez pas fait à ce moment-là. Je ne vois pas en quoi consiste la contrainte.

M. Will Dunlop: Non, mais nous cherchons à promouvoir la cogestion. Nous ne cherchons pas à critiquer les points de vue ou les positions de départ des autres. Nous ne voulons pas que l'on ait l'impression qu'une décision a déjà été prise et que l'on est parvenu à une solution. Nous cherchons à poser le cadre d'une cogestion dans la vallée.

Je pense que l'accent est mis sur autre chose.

M. Bryon Wilfert: Eh bien, je ne suis pas certain d'être d'accord avec votre accent.

M. Will Dunlop: C'est un accent irlandais de la vallée.

M. Bryon Wilfert: Peu importe, je ne suis pas sûr de ce que vous voulez réaliser au juste.

M. Will Dunlop: Une chose est sûre, nous nous conformons aux obligations de deux revendications foncières.

M. Bryon Wilfert: Je comprends cela. C'est avec l'autre partie...

M. Will Dunlop: Nous proposons un système connu, un régime connu. Notre ministère se retire du portrait et joue un rôle beaucoup moins proéminent en laissant la place aux gens du Nord. Ce sont eux qui assument notre rôle maintenant. En réponse, nous proposons la cogestion.

• 1215

M. Bryon Wilfert: Je n'ai rien contre ça, mais encore une fois, dans le cas de ceux qui ne participent pas, je ne vois pas bien sur quoi tout cela va s'appuyer au départ.

M. Will Dunlop: À l'origine de tout, se trouve le chapitre sur le règlement relatif aux terres et aux eaux dans les deux revendications foncières actuelles, revendications qui remontent à l'accord de principe de 1988 dans le contexte des négociations territoriales des Dénés et Métis, dans les Territoires du Nord-Ouest.

L'échec de cette entente en 1990, n'était pas dû au chapitre sur les terres et les eaux mais à des difficultés, à l'incertitude et au mécontentement que soulevait toute la notion d'extinction des droits des traités.

Cela étant, le Canada a convenu d'entamer des négociations régionales, dans le cadre des revendications territoriales, mais cette fois sur la base d'une cogestion, d'un règlement régissant les terres et les eaux, d'une évaluation environnementale et d'une utilisation des sols planifiée. Cette base demeure aujourd'hui. Ce n'est pas quelque chose de nouveau, puisqu'elle est vieille de 10 ans déjà.

[Français]

Le président: Merci, monsieur Wilfert.

J'aimerais vous mentionner que M. Peter Haley m'a remis les documents ayant trait au plan de mise en oeuvre, y compris les chiffres. Vu que le document est en anglais seulement, je vais attendre d'obtenir la traduction française avant de le remettre aux membres du comité jeudi après-midi. Êtes-vous d'accord qu'il soit distribué dans les deux langues officielles? Parfait, merci beaucoup.

Y a-t-il d'autres questions? Nous avons un groupe de témoins qui viennent de loin et on aimerait les entendre.

Je vais ajourner la séance pour 10 minutes, parce que nous avons une motion concernant la visite de la ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien. On reprendra donc à 12 h 30.

• 1217




• 1227

Le président: Nous poursuivons la réunion. Nous avons décidé hier qu'avant d'entendre les témoins, la motion de M. Konrad serait mise aux voix. M. Konrad demandait que la ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien se présente devant le comité pour discuter du Budget des dépenses de son ministère avant le 20 novembre 1997. Il y a eu des discussions antérieures et M. Konrad nous a demandé de procéder au vote. C'est bien ce que vous voulez qu'on fasse, monsieur Konrad?

(La motion est rejetée)

Le président: Merci beaucoup. Nous allons poursuivre avec les représentants des Deh Cho First Nations. Nous recevons l'ancien grand chef, Gerald Antoine, le grand chef Mike Nadli, le chef Joachim Bonnetrouge, de Fort Providence, et M. Richard Lafferty, représentant de la Nation Métis. Vous avez une présentation à nous faire, monsieur Nadli?

[Traduction]

Le grand chef Mike Nadli (Premières nations Deh Cho): Merci de m'avoir donné l'occasion de comparaître devant votre comité des Affaires autochtones et du développement du Grand Nord.

Je m'appelle Michael Nadli et je suis grand chef des Premières nations Deh Cho.

[Note de la rédaction: le témoin s'exprime dans sa langue autochtone]

Je tiens à profiter de cette occasion pour exprimer les voeux et les aspirations de mon peuple Deh Cho. Bien des questions nous préoccupent, mais nous allons nous concentrer aujourd'hui sur le projet de loi C-6. Je vais commencer par vous fournir certaines explications, avant de vous livrer notre exposé, pour vous replacer dans le contexte de notre présentation et peut-être vous permettre de comprendre la situation désespérée des Deh Cho.

• 1230

Je dois vous signaler que nous avons adopté un processus appelé le «processus Deh Cho». Nous avons pour aspiration, et pour vision, de devenir un jour une des premières nations autonomes des Territoires du Nord-Ouest. Nous pensons que c'est là un processus qui s'est enclenché il y a des milliers d'années pour nous. En fait, il caractérise l'engagement et les efforts de nos dirigeants passés et actuels. Et nous ne doutons pas que nos futurs dirigeants s'engageront à poursuivre cette même démarche.

Je tiens, tout d'abord, à bien vous préciser la situation dans laquelle nous nous trouvons. Nous ne sommes pas en train de négocier avec le gouvernement fédéral. Les traités que nos ancêtres ont signés par le passé avec la Couronne n'ont jamais marqué la cessation, l'annulation ou l'extinction de nos droits de traités et d'Autochtones sur le territoire Deh Cho. Le traité signé par nos ancêtres correspond beaucoup plus à des obligations incombant au ministère des Affaires indiennes. Certains aspects ont trait à la santé, d'autres à l'éducation et d'autres encore à la justice. Ce sont autant d'aspects qui concernent notre vie dans les Territoires du Nord-Ouest.

L'un des aspects qui nous préoccupe le plus concerne notre territoire, et nous avons d'ailleurs fait valoir nos prérogatives sur la base de la cause Paulette. Cette cause nous a permis d'établir et de faire savoir au public canadien que nous n'avons jamais renoncé à nos droits de traité ni à nos droits ancestraux à la terre, que ces droits n'ont jamais été cédés et qu'ils ne se sont jamais éteints. Par conséquent, nous avons le droit d'imposer un moratoire dans notre région. Nous estimons que l'utilisation projetée des sols correspond à une aliénation de nos terres et à un développement qui ne sont pas à notre avantage, mais plutôt à notre désavantage.

En outre, je tiens à signaler que l'accord de principe, dont on a récemment parlé, a été rejeté par les Dénés et Métis de la Nation dénée. L'extinction des droits était certes un point de contentieux, mais les dispositions relatives aux principes de cogestion, contenues dans l'entente de principe, n'étaient pas acceptables pour les Dénés.

Comme nous l'avons précisé, la tâche la plus importante et la plus immédiate qui nous attend est le projet de loi C-6. Peut-être vous a-t-on remis ces documents... Hier, nous avons pu rencontrer la ministre, Jane Stewart. Nous lui avons fait notre présentation. Nous lui avons soumis une lettre qui résume nos préoccupations. Elle se trouve à l'onglet trois.

Nous avons adopté diverses autres résolutions. Pour l'essentiel, nous avons énoncé les préoccupations que nous entretenons à propos de la loi proposée. Notre peuple en a conclu qu'il devait entreprendre des mesures décisives. C'est ce qu'on peut voir dans nos résolutions. Eh puis, il y en a d'autres qui concernent tout ce projet de loi: il s'agit des résolutions relatives aux frontières et à l'utilisation des sols et, plus important encore, de celles concernant notre interprétation du Traité 11 de 1921.

• 1235

Tout à l'heure, j'ai dit que nous ne sommes pas en train de négocier avec le gouvernement fédéral. En effet, en 1994, nous lui avons soumis une proposition appelée «Proposition Deh Cho», qui exprimait notre aspiration à devenir autonome dans notre région.

Sur ce, monsieur le président, je vais passer à mon exposé proprement dit à propos de la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie, qu'on se propose d'adopter.

Deh Cho est le territoire occupé par les Dénés et les descendants des Dénés. Il est défini sur la carte qu'on vous a remise. Nos ancêtres ont conclu des traités de paix et d'amitié avec la Couronne britannique en 1899, en 1900, 1921 et 1922. Il ne s'agissait pas de traités relatifs au territoire ni de traités intérieurs. La Couronne voulait que ses sujets vivent sur nos territoires en paix et en harmonie avec nous. Ces droits de traités fondamentaux accordés aux sujets de la Couronne n'ont jamais été violés.

Nous comparaissons aujourd'hui devant ce comité pour préciser notre position relativement à la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie, que vous vous proposez d'adopter. Notre comparution ne signifie pas que nous avalisons les dispositions visant notre territoire, ni qu'il s'agit, dans notre cas, d'une consultation sur ce projet de loi. Nous voulons simplement que le comité soit au courant de certains faits fondamentaux sur les relations entre l'État du Canada et les citoyens Deh Cho.

Nous sommes tout à fait au courant du contexte dans lequel intervient le projet de loi. Il s'agit d'obligations légales qui continuent d'incomber à l'État du Canada vis-à-vis des Gwich'in et des Dénés et Métis du Sahtu. Nous ne contestons pas ces obligations. Cependant, nous sommes préoccupés par le fait que l'État se livre à un amalgame et veut adopter cette loi, qui a des répercussions sur notre territoire, sans l'accord de notre peuple.

Au fil des ans, nous avons essayé de dialoguer avec l'État, mais chacune de nos tentatives a été repoussée. Pourtant, les tribunaux canadiens, ayant rendu un jugement dans la cause Paulette, avaient instruit le Canada d'entamer des discussions avec nous afin de régler les questions en suspens touchant à l'accès et à l'utilisation des terres et des ressources des Deh Cho. Mais rien de cela n'est arrivé. Aucun accord n'a été signé avec les Deh Cho. Et aujourd'hui, le ministère des Affaires indiennes essaie, par le biais du Parlement, de nous imposer une loi concernant notre territoire. Nous nous devons d'indiquer, pour mémoire, que nous n'avons jamais accordé notre consentement, pas plus implicite qu'effectif, à cette loi. Et nous ne consentons pas non plus à ce processus.

Le projet de loi C-6 est une violation des traités. L'État du Canada ne peut imposer cette loi qui modifie fondamentalement notre relation avec nos terres et nos ressources ainsi que notre situation par rapport aux traités que nous avons signés; il lui faut notre consentement. Comme l'a déclaré lord Denning, dans R. c. le Secrétariat d'État au Commonwealth et aux Affaires étrangères et l'Indian Association of Alberta,

    ... les droits et les libertés des peuples autochtones ont été garantis par la Couronne, à l'origine celle du Royaume-Uni et maintenant celle du Canada mais, dans tous les cas, par la Couronne. Aucun parlement ne peut affaiblir la valeur des garanties accordées. Elles devront être respectées par l'État canadien «tant que le soleil se lève et que les rivières coulent». Cette promesse ne devra jamais être brisée.

Ce jugement est important parce qu'il a été rendu avant le rapatriement de la Constitution canadienne. Il est exécutoire pour le Parlement du Canada, qui ne peut modifier unilatéralement les traités et qui doit donc obtenir, avant cela, le consentement des signataires originels de ce trait. Le ministre des Affaires indiennes ne peut soutenir que la signature d'un accord entre les Gwich'in et les Dénés et Métis du Sahtu avec le gouvernement fédéral pourrait avoir une incidence sur les droits des peuples autochtones de toute la vallée du Mackenzie.

• 1240

Pour essayer de donner l'illusion qu'on a effectivement demandé le consentement des Deh Cho, le ministère des Affaires indiennes et du Nord avait envoyé une enveloppe, par Poste prioritaire, à nos chefs, à la fin de juillet 1997. Or, cet envoi n'avait été précédé d'aucune consultation.

Dans la lettre d'accompagnement signée par Gary Nicholl, directeur par intérim, Direction de la politique et des ressources, Programme des affaires du Nord, ce document avait été envoyé «dans l'espoir d'entreprendre d'autres consultations avec vous à propos de la loi proposée». Dans la même lettre, il nous demandait de lui adresser directement nos éventuels commentaires.

Il convient ici de prendre note d'un certain nombre de choses. D'abord, le fait d'accuser réception d'une enveloppe de la Poste prioritaire, sans savoir au préalable ce qu'elle contient, ne constitue aucunement un engagement à entreprendre des consultations avec le ministère. Cette façon de procéder n'est absolument pas conforme à la norme légale établie en matière de notification, à moins que le ministère des Affaires indiennes applique, à cet égard, des normes moins exigeantes que celles actuellement établies par notre système juridique. Nous ne considérons pas que Poste prioritaire est une méthode acceptable.

Deuxièmement, il faut souligner que tout changement dans les relations énoncées par le traité, et devant faire l'objet d'un consentement par les Deh Cho, doit être apporté d'une certaine façon, qui est un droit de traité pour notre peuple. Or, le fait d'envoyer une enveloppe de la Poste prioritaire n'est pas conforme au critère énoncé dans la Proclamation royale de 1763 pour parvenir à un consentement en pleine connaissance de cause, dans le cadre d'une assemblée ouverte et publique de tous les membres de la communauté Deh Cho.

Troisièmement, l'État canadien n'est pas propriétaire des terres ni des ressources de la région Deh Cho et a nullement le droit législatif de faire ou d'adopter des lois visant ce territoire, sur lequel il n'a aucune compétence.

Quatrièmement, les dirigeants Deh Cho n'ont jamais accepté que d'autres dirigeants, Gwich'in ou du Sahtu, aient le droit de consentir à quelque changement que ce soit au nom des Deh Cho.

En fait, cette loi est une façon lâche d'aborder les questions des terres et des territoires des Deh Cho. Le Canada ne veut pas discuter de la question de fond qui est l'application des traités.

Dans le préambule du projet de loi, on fait référence à l'Accord du Sahtu et à l'Accord Gwich'in que l'État canadien doit respecter. Le projet de loi prévoit la mise en place d'offices pour des régions s'étendant au-delà des régions désignées. Dans le même préambule, on indique que le gouvernement du Canada a l'intention de procéder, en collaboration avec les Premières nations de la vallée du Mackenzie, à la révision des dispositions pertinentes de la loi. Et il semble que l'envoie d'une lettre recommandée par Poste prioritaire, aux bureaux des dirigeants des Premières nations, soit une forme de consultation.

Nous avons une bonne raison de remettre en question les intentions du gouvernement fédéral. À l'amorce de ce processus, il nous faut bien préciser que ce genre de consultation est totalement inadaptée. Dans la partie des définitions et autres dispositions interprétatives, il est spécifiquement fait référence à «l'organisme représentant les Deh Cho» de la vallée du Mackenzie. Par Premières Nations, il faut entendre la Première Nation Gwich'in, la Première Nation du Sahtu, les Dénés ou Métis de North Slave, de South Slave, ou encore la région Deh Cho de la vallée du Mackenzie. Mais les Deh Cho n'ont jamais été d'accord avec une telle référence.

Dans la même partie du projet de loi, il est dit que celui-ci concerne la région de la vallée du Mackenzie, définit ainsi:

    La partie des Territoires du Nord-Ouest située au nord du soixantième parallèle, à l'est de la frontière du Yukon, au sud de la frontière de la région Inuvialuit désignée—au sens de l'accord mis en vigueur par la Loi sur le règlement des revendications des Inuvialuit de la région ouest de l'Arctique—et à l'ouest de la frontière de la région du Nunavut, au sens de la Loi concernant l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut. Est exclu le Parc national Wood Buffalo.

À l'examen de la carte des T.N.-O., la région en question inclut le territoire des Deh Cho. Cela est inacceptable à nos yeux. C'est ainsi, que contrairement aux dispositions du préambule, nous avons l'intention de limiter l'application de la loi proposée à la seule région Gwich'in et du Sahtu, énoncée dans le préambule. Dans la partie des définitions, on constate l'intention non équivoque du gouvernement fédéral de faire en sorte que cette loi s'applique à la totalité du territoire des Deh Cho. En réalité, c'est tout un voile qu'on vient de jeter sur la vallée du Mackenzie tout entière.

• 1245

À l'article 3 de la loi proposée, il est question du pouvoir ou du devoir de consulter. Nous tenons ici à faire un commentaire sur le libellé. «Consulter» ce n'est pas «consentir». Quand un organisme demande l'avis d'un groupe, celui-ci est consulté, mais si ce groupe refuse le projet en question, rien ne prévoit qu'il puisse se dégager du processus. Le paragraphe 3(b) prévoit que le bureau prenne en considération tous les points de vue qui lui seront soumis, sans se préoccuper des groupes n'accordant pas leur consentement. Le Ministère ne doit pas considérer que la réception d'une lettre équivaut à une consultation et ne peut s'en servir de preuve pour des mesures ou des audiences ultérieures.

Il est essentiel que les Deh Cho maintiennent leurs relations avec leurs terres, pour être en mesure de pleinement déterminer la nature et la portée des activités entreprises sur leurs territoires, sur leurs terres et sur leurs ressources. Dans les accords Gwich'in et du Sahtu, il est bien stipulé que la gestion des ressources est confiée au gouvernement fédéral. Or, le gouvernement fédéral n'a jamais conclu un tel accord avec les Deh Cho.

Il ne suffit pas de consulter les peuples autochtones pour répondre à leurs besoins et satisfaire le rapport qu'ils ont à la terre.

L'un des événements récents les plus importants et les plus marquants a été l'enquête fédérale menée sur la construction d'un pipeline le long de la vallée du Mackenzie. À cette occasion, le juge Thomas Berger, à qui le gouvernement fédéral avait confié cette enquête, s'est rendu dans la vallée du Mackenzie et a visité les communautés pour recueillir le point de vue des peuples autochtones.

La démarche du juge Berger était respectueuse de la tradition britannique en matière de consultation des peuples autochtones, telle qu'elle est énoncée dans la Proclamation royale de 1763. Tout comme à l'époque de la préparation du traité, le juge Berger a tenu des réunions publiques au sein de la communauté, sans aucune arrière-pensée. Aucune date limite n'a été imposée pour les négociations et l'on n'a pas limité le nombre d'aspects pouvant être abordés.

Cela étant, les témoins ont fourni un historique détaillé des négociations des traités et des effets qu'ils ont eus sur nos droits territoriaux. On a très bien senti, dans les témoignages présentés lors des audiences de la vallée du Mackenzie, que les peuples autochtones ne sont pas prêts à renoncer à leurs compétences sur les territoires, les terres et les ressources.

Les hypothèses retenues constituent l'un des plus graves problèmes de la loi proposée. En effet, le projet de loi part du principe que les droits de propriété sous-jacents appartiennent à la Couronne britannique et que, comme par magie, ils ont été transférés au Canada. Or, la Couronne d'Angleterre ne pouvait pas considérer qu'elle détenait le droit de propriété sous-jacent sans le consentement des peuples autochtones, occupant légitimement leurs territoires.

Et la Couronne avait encore moins le droit de transférer, par la suite, ces terres et ressources au nouvel État canadien. Il ne pouvait y avoir aucun transfert sans le consentement des peuples autochtones.

Le gouvernement fédéral doit remettre aux chefs et notables autochtones la preuve documentée que les peuples autochtones ont transféré, en toute liberté et en pleine connaissance de cause, leurs droits de propriété sous-jacents à l'État canadien. C'est une condition sine qua non pour que le Parlement du Canada dispose de l'autorité législative lui permettant d'adopter des lois sur les terres et les ressources que le Canada possède sans aucune autorité.

Si l'État canadien est honnête dans cette loi, il doit modifier le paragraphe 5 2) de la façon suivante:

    La présente loi s'applique aux établissements des Dénés et Métis Gwich'in et du Sahtu, tels que stipulés dans les ententes portant règlement, conclues avec l'État canadien.

Cette modification obligerait le gouvernement du Canada à assumer ses obligations légales envers les Gwich'in et les Métis et Dénés du Sahtu, et serait conforme au préambule de la loi.

Sinon, le gouvernement violera nos droits, ce qui ne peut qu'engendrer des difficultés.

Pour insister davantage sur le contexte entourant toutes ces discussions, je dois vous dire qu'il y a une semaine, notre région a eu l'occasion de se faire représenter à Yellowknife et nous y avons dépêché nos chefs pour y débattre précisément de ce texte de loi. À ce moment-là, la plupart des régions représentés ont eu la possibilité de poser des questions à propos du projet de loi et elles ont indiqué leur désir d'en retarder l'adoption. Ce que nous réclamons, plus précisément, c'est un amendement.

• 1250

Cela étant, je vous remercie de votre attention et au nom de mes honorables collègues, je tiens à vous dire [Note de la rédaction: le témoin parle dans sa langue autochtone]

[Français]

Le président: Merci, grand chef Nadli, pour votre exposé.

Nous allons passer à la période de questions en commençant par M. Konrad.

[Traduction]

M. Derrek Konrad: Chef Nadli, il ne sert à rien, je pense, de vous poser des questions techniques sur le projet de loi alors, je vais peut-être vous poser quelques questions d'ordre philosophique.

Vous rejetez un projet de loi du gouvernement du Canada en prétextant qu'il viole votre autonomie, mais y a-t-il d'autres lois, reconnues par les Deh Cho dans le passé, auxquelles ils sont soumis? Rejetez-vous toute autorité gouvernementale?

Le grand chef Mike Nadli: Je pense que ce à quoi vous visez repose essentiellement sur les accords de 1921. Il s'agit du Traité no 11, que nous avons conclu avec l'État canadien.

Il existe deux versions de ce traité. Une version écrite, que le gouvernement a interprété comme étant une renonciation à nos droits, leur cession, leur extinction. Cependant, d'après l'interprétation que nous faisons de ce traité, fondé sur le récit des anciens qui ont gardé une mémoire collective très vivace des entretiens qui ont précédé la signature des traités, il ressort que notre peuple n'a jamais eu l'intention de renoncer à ses terres et n'a jamais eu l'intention non plus de céder à ses droits, d'y renoncer ou des les voir s'éteindre.

Il existe bien sûr des lois fédérales et provinciales, et autres, d'application générale que nous devons respecter. Nous sommes un peuple respectueux des lois.

Mes collègues voudront peut être ajouter quelque chose en réponse à votre question.

Le président: Monsieur Lamothe.

M. René Lamothe (coordonnateur général, Premières nations Deh Cho): Je veux simplement dire que nous avons constaté que la population canadienne, en général, ignore pas mal l'histoire du Canada en ce qui concerne les Autochtones. Le degré d'ignorance est notable.

Mes services ont été retenus à contrat par les Métis Deh Cho et la nation dénée pour effectuer des recherches sur la version dénée du Traité no 11, pour le compte de la Commission royale sur les peuples autochtones. Eh bien, il est ressorti de nos consultations, ainsi que de nos recherches primaires et de notre recherche documentaire, de même que des témoignages écrits et verbaux que nous avons recueillis auprès d'Autochtones et de non Autochtones, qu'il faut accorder foi à la position des chefs et des anciens du peuple déné, relativement à l'interprétation à donner au Traité no 11 auquel ils ont adhéré. Il s'agit bien d'un traité de paix et d'amitié.

Vous devez comprendre qu'il y a trente ans, plus de 60 p. 100 des gens de notre peuple ne parlaient pas l'anglais et ne savaient ni lire ni écrire. Ce n'est qu'en 1969 que les dirigeants Deh Cho et le reste des nations de la vallée du Mackenzie ont pu recevoir un exemplaire de la version gouvernementale du Traité no 11. Ils ont commencé, tout de suite, à prendre des mesures pour protéger leur version du traité. C'est pour cela qu'a été constituée la Indian Brotherhood of the Northwest Territories, qui allait plus tard devenir la nation dénée.

• 1255

Nous commençons tout juste à comprendre votre démarche, à comprendre la façon dont vous légiférez et dont vous gouvernez. Entre-temps, vos gouvernements ont appliqué la Loi sur les Indiens et les politiques y afférents, de même que la Loi sur les Territoires du Nord-Ouest, et notre peuple a toujours cru comprendre que ces lois visaient les sujets canadiens résidant sur les terres indiennes. Les Indiens n'ont pas nécessairement admis que ces lois les concernaient ou concernaient leur mode de vie. Nous nous rendons davantage compte que ce que vous faites, à Ottawa, a des répercussions légales pour nous à l'échelle internationale, et cela aussi fait partie de notre processus d'apprentissage.

M. Derrek Konrad: Ma question était un peu plus... dans ce cas, nous parlons vraiment du bien réel qui définit la région des Deh Cho ainsi que des lois qui ont eu un effet sur le territoire et sur la façon dont il est administré.

Mais il y a beaucoup de lois au Canada, et je me demande si, quand vous consultez chaque loi... je ne m'exprime pas ici au nom du gouvernement, croyez-moi. Je suis membre de l'opposition officielle.

Mais je dois admettre que vous présentez un point de vue philosophique nouveau pour moi. Avez-vous l'intention de passer au travers de toutes les lois et de décider de celles qui s'appliqueront et de celles qui ne s'appliqueront pas parce qu'elles enfreindront votre souveraineté? Je n'aime pas employer des mots de ce genre, mais il y a...

M. René Lamothe: Dans la formulation de votre question, vous êtes parti du point de vue que nous avions une position plus philosophique...

M. Derrek Konrad: En un sens, nous parlons du projet de loi C-6, et c'est bien de cela dont il s'agit.

M. René Lamothe: Nous avons les uns et les autres besoin de nous comprendre mutuellement. C'est ce que j'essayais de vous dire.

M. Derrek Konrad: Et c'est là où je veux en venir, mais je ne pense pas que vous avez répondu à ma question.

Le président: Monsieur Lafferty.

M. Richard Lafferty (représentant, Nation Métis): Merci.

Je crois pouvoir vous donner une réponse plus directe. Dans les Deh Cho, nous respections les lois du Canada. Nous ne cherchons pas à réaliser la souveraineté, contrairement aux Québécois. Nous ne voulons pas devenir un pays indépendant, comme certains l'ont suggéré. Nous respectons les lois actuelles du Canada. Cela ne revient pas à dire que nous ne voulons pas changer la façon dont elles s'appliquent à nous...

M. Derrek Konrad: C'est ça la démocratie.

M. Richard Lafferty: ... mais il faut reconnaître qu'elles ont été appliquées sans notre consentement et sans que nous en soyons conscients, et qu'elles s'appliquent encore à nous aujourd'hui.

Cependant, ce que nous essayons de faire dans le cas du projet de loi C-6 c'est de nous assurer qu'aucune autre loi ne viendra entraver notre droit à déterminer nos propres structures gouvernementales. Voilà pourquoi nous nous opposons au projet de loi C-6. C'est clair?

M. Derrek Konrad: C'est bien plus clair. Merci.

[Français]

Le président: Merci, monsieur Lafferty. Madame Hardy.

[Traduction]

Mme Louise Hardy (Yukon, NPD): J'essaie de comprendre comment fonctionnent les consultations.

Vous dites ici que c'est en juillet qu'on vous a contacté pour la première fois à propos du projet de loi C-6.

Le grand chef Mike Nadli: Peut-être que le grand chef Gerald Antoine pourrait vous préciser cela.

M. Gerald R. Antoine (ancien grand chef, Premières nations Deh Cho): Pouvez-vous reposer votre question, s'il vous plaît?

Mme Louise Hardy: Est-ce qu'on vous a contactés ou consultés pour la première fois au sujet du projet de loi C-6 en juillet de cette année?

M. Gerald Antoine: Oui. C'était la première fois qu'on nous consultait à ce propos.

Mme Louise Hardy: On nous a dit que ce processus a été entamé il y a près de cinq ans, et c'est sur cette base que je raisonnais.

M. Gerald Antoine: Si vous parlez simplement du projet de loi C-6, c'est effectivement le cas. Mais il y a eu d'autres tentatives de production de textes de loi dont nous avons été informés. Mais pour ce qui est du projet de loi C-6, nous avons reçu une lettre par Poste prioritaire, en juillet de cette année.

Mme Louise Hardy: Ce projet de loi portait un numéro différent parce qu'il avait été proposé par le gouvernement précédent, mais c'est bien le même projet de loi.

• 1300

Vous n'êtes pas forcément en désaccord avec le processus de gestion territoriale; celui-ci a été automatiquement enclenché quand vous n'avez pas entrepris les négociations, que vous n'avez pas obtenu vos revendications territoriales ni établi votre gouvernement autonome. C'est exact?

Le chef Joachim Bonnetrouge (Fort Providence, Premières nations Deh Cho): L'un des problèmes, c'est qu'en vertu du Traité no 11, les Deh Cho peuvent exercer une certaine compétence. En vertu de ce traité, nous entretenons un certain type de relation avec le Canada. Nous soutenons que ce genre de relation doit être maintenu et transféré dans toute nouvelle loi. Or, ce projet de loi pourrait changer considérablement cette situation en faveur des fonctionnaires du gouvernement et d'autres personnes.

Mme Louise Hardy: Vous ne voulez rien avoir à faire avec la cogestion?

Chef Joachim Bonnetrouge: Pas dans la façon dont elle est définie.

Mme Louise Hardy: Alors, vous ne voulez rien avoir à faire avec ce projet de loi, n'est-ce pas?

Chef Joachim Bonnetrouge: C'est cela. Mais nous n'avons rien contre le fait que cette loi soit adoptée pour les Gwich'in et les Métis et Dénés du Sahtu. Cela ne nous dérangerait pas. En revanche, si nous devons être inclus, alors il faut modifier ce texte.

Mme Louise Hardy: Qu'est-ce qui vous a fait penser que vous alliez être inclus alors que vous ne voulez rien avoir à faire avec cela?

M. René Lamothe: C'est l'intention ouverte du ministère... Vous devez comprendre que le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest est en fait un prolongement du ministère des Affaires indiennes. Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest a essayé de traîner le ministère des Affaires indiennes en cour deux fois. Mais il a été débouté à chaque fois parce qu'au Canada, on ne peut pas se poursuivre soi-même. Dans la loi, le ministre des Affaires indiennes conserve son veto sur toute loi adoptée par l'Assemblée de Yellowknife.

En un sens, cela revient à confirmer les pouvoirs et l'autorité du ministère des Affaires indiennes à la grandeur du pays. Personnellement, c'est ainsi que je vois les choses.

Mme Louise Hardy: Parfait.

Le président: Madame Longfield.

Mme Judi Longfield: Merci, monsieur le président.

Je vous remercie de vous être déplacé. Je suis heureuse de pouvoir entendre vos divers sujets de préoccupation.

Dans votre exposé, vous avez consacré beaucoup de temps à parler des consultations et à veiller à ce que nous comprenions bien que consultations, dans votre cas, ne veut pas dire consentement. Eh bien, revenons-en donc un peu à tout ce processus de consultation.

J'ai cru comprendre qu'il y a eu des consultations quand on a envisagé de présenter ce projet de loi C-80. Il n'y a certainement pas eu consentement, mais il y a eu consultations. Il s'agit d'une autre forme de consultations. En démocratie, on consulte. On essaie de recueillir les avis qui s'opposent pour prendre une décision. C'est là, je pense, où on en est actuellement.

D'après ce que j'ai vu, je crois comprendre que des gens ont agité des rameaux d'olivier dans ces négociations en disant, eh bien en attendant de parvenir à une entente relative à vos terres, cette loi vous donne la possibilité de participer à la gestion de ce territoire.

Avez-vous profitez de cette offre? Si ce projet de loi est adopté, allez-vous dépêcher des représentants pour participer au programme de gestion des ressources? Et dans la négative, pourquoi?

De plus, on vous a offert une aide financière pour étudier... Je sais que certains ont prétendu que ce n'était pas suffisant, mais avez-vous accepté cette proposition d'aide financière qu'on vous a faite? Si oui, qu'avez-vous fait de l'argent?

Et puis, il y a 1,5 million de dollars supplémentaires qui sont prévus dans le cadre de ce programme de gestions des ressources. Avez-vous l'intention de réclamer une partie de ce montant?

Le grand chef Mike Nadli: Merci de vos questions.

• 1305

Bien des gens, pour ne pas dire la planète tout entière, se rendent compte que les choses sont en train de changer profondément. Peut-être que le Canada, devant les yeux du monde, voudrait veiller à ce que la dernière frontière... Bien des gens estiment que les Territoires du Nord-Ouest sont la dernière frontière de l'Amérique du Nord. Il est possible qu'après la découverte récente d'une mine de diamant, on veuille ouvrir cette partie des Territoires du Nord-Ouest à une exploitation industrielle complète. Peut-être que c'est leur intention.

Nous avons une façon tout à fait unique de considérer notre terre. Peut-être que les notions d'environnement, de conservation et de durabilité sont des valeurs innées chez nous, peut-être qu'elles nous sont inhérentes. Nous voulons nous assurer que, demain, la terre aura la même forme qu'aujourd'hui.

Il faut faire une distinction entre les terres désignées, où les gens ont réglé leurs revendications territoriales, et nous. Les Gwich'in et les Métis et Dénés du Sahtu ont procédé à leur manière pour régler toute la situation des Territoires du Nord-Ouest en fonction de leurs aspirations. Pour eux, cela est fait. Pour l'essentiel, ils ont cédé leurs droits ancestraux, ils y ont renoncé et les ont laissé s'éteindre.

Nous, nous ne l'avons pas fait. Leurs objectifs sont différents des nôtres. Nous ne nous imaginons pas étant partie à une loi du genre de celle qu'on nous propose. Par ailleurs, nous ne voyons vraiment pas comment nos objectifs et les leurs pourraient se recouper, parce que nous sommes dans une situation totalement différente.

Voilà ce qui nous fait peur. Nous ne pouvons pas envisager ce concept de cogestion et y adhérer à l'heure actuelle. Dans la même veine, j'applaudis à l'initiative du Canada d'en faire un outil de conservation, mais nous sommes très préoccupés par les intentions qui se cachent derrière la loi.

Quant à l'aide financière dont vous parliez, les 1,5 million de dollars, eh bien cette somme fait essentiellement partie du régime de gestion intégré des ressources que le ministère propose à chaque Première nation. On nous offre la possibilité de profiter de ces ressources financières qui dureront peut être un an ou deux... Je ne vois pas comment on peut gérer ces ressources avec x dollars confiés aux communautés, afin de nous engager dans un processus de planification à long terme, contre un montant limité, et nous assurer ainsi que les terres seront, demain, dans le même état qu'aujourd'hui.

Certaines collectivités ne perçoivent pas la conservation et l'écologie sous le même éclairage que nous. Il est possible que nous percevions notre terre d'une façon complètement différente. Nous nous estimons que nous faisons essentiellement partie de la terre et que la terre fait partie de nous. Dans notre langue, on parle de «denendeh», ce qui veut dire la terre du peuple. «Dene», veut dire personne, ce que nous estimons être. «Deh» veut dire terre. Quand on accole ces deux mots, on obtient «denendeh». Voilà, je crois, qui exprime bien l'essence de notre relation avec la terre.

J'espère avoir répondu à votre question.

Mme Judi Longfield: Pas vraiment. L'une des choses qui semblent vous déranger, c'est que vous n'avez pas eu les ressources financières pour préparer votre proposition. Mais d'après la documentation dont je dispose, d'après ce qu'on me dit ou qu'on m'amène à penser, il semble que ces ressources financières existent. Je me demande si vous avez profité des ressources financières qu'on vous proposait.

• 1310

Le président: Monsieur Lafferty.

M. Richard Lafferty: Dans notre région, dans nos territoires, nous comptons 14 organisations plus la Première nation Deh Cho. Cela fait donc 15 organisations en tout. On nous a proposé 20 000 $. Pour que des représentants d'une communauté se rendent aux consultations, il faut déjà plus que cela. Je crois que nous n'avons pas accepté cette somme.

Les réunions dont il est question dans le rapport antérieur dont vous avez entendu parlé, se sont déroulées à Providence, à Simpson et à Fort Vrille. Mais on n'a fait que nous lire des rapports, on nous a rendu compte de ce qui se passait. Ça, ce n'est pas de la consultation.

Dans la proposition, vous constaterez que la part du gouvernement est de 50 p. 100, ce qui est censé représenter 25 p. 100 pour le Canada et 25 p. 100 pour les Territoires du Nord-Ouest. Mais comme on vient de vous le dire, le Canada et les Territoires du Nord-Ouest sont la même chose. À eux deux, ils ont 50 p. 100. Maintenant, si vous prenez la ventilation pour l'autre côté, il y a au moins six groupes autochtones. Donc, chacun a moins de 10 p. 100. On ne peut plus parler de compétence sur nos terres.

D'aucuns disent qu'il est important de conserver la vallée du Mackenzie dans un seul «régime», de gestion. La vallée du Mackenzie traverse le nord de la Saskatchewan, l'Alberta, la Colombie-Britannique et la partie sud du Yukon. Ce voeu ne nous concerne pas. Il ne concerne pas non plus le Parc national Wood Buffalo, qui fait partie de la région où se trouvent nos terres traditionnelles.

On ne peut pas prétendre qu'il est nécessaire d'avoir une approche commune pour protéger la terre et l'environnement alors qu'il existe maintenant toute une multitude d'approches.

Dans le Deh Cho, nous sommes arrosés par les affluents qui traversent toutes ces régions. Les régions du Sahtu et des Gwich'in se trouvent en aval des affluents qui traversent toutes ces autres provinces et tous ces autres territoires.

Donc, je réfute l'argument voulant qu'il faille s'en tenir à une seule approche. Les choses sont tellement dispersées et tellement incohérentes, que c'est sans importance.

Merci.

Le président: Merci.

Chef Antoine.

M. Gerald Antoine: Je voulais dire qu'un des objectifs des Dénés le long de la vallée du Mackenzie est de parvenir, avec le gouvernement du Canada, à un accord favorisant la cohésion. M. Lamothe vous a brièvement rappelé l'histoire de la Indian Brotherhood et de la nation dénée. C'est comme cela que les choses se sont passées. En 1990, nous avons refusé toute la notion d'extinction de nos droits; nous n'avons pas accepté cette proposition globale. Le gouvernement fédéral est ensuite revenu à la charge en disant qu'il réglerait les divers dossiers sur une base individuelle; nous avons conclu certains accords. À présent, ils disent: tout cela est très bien, mais nous avons besoin d'autres choses.

Eh bien, ce n'est pas parfait du tout. Au début, notre intention était d'élaborer une entente collective. Mais voilà, le gouvernement fédéral ne s'est pas comporté de façon honorable dans l'application de cet arrangement. Il a recours à une loi pour essayer de... Je ne sais pas quelle est son intention, mais ce n'est pas bien, ce n'est pas honorable. Nous prétendons qu'il s'agit de quelque chose de très fondamental... Dans la loi qu'il propose, le gouvernement fédéral veut changer avec nous ses relations par traité, telles que les avaient comprises nos ancêtres. Mais cela ne peut être changé, sinon, ce sont nos droits de traité qui changent aussi. Or, nous ne voulons pas qu'ils changent, parce que nous ne pouvons pas renoncer aux traités dont nos anciens ont parlé; il faut que ce soit une situation où tout le monde gagne. Or, avec cette loi, ce ne sera pas le cas, tout le monde va y perdre, vous comme nous.

• 1315

Voilà pourquoi nous avons été cohérents dans notre opposition à cette loi. Dans la précédente tentative d'adoption d'une loi—qui est morte au feuilleton à cause des élections—nous avons dit aux gens qui nous ont consultés que nous ne voulions pas de leurs lois. D'autres régions, dans le même secteur que le nôtre, ne voulaient pas non plus de ce texte de loi, et les gens se sont fait entendre. Le gouvernement, une fois de plus, essaie de faire adopter un texte, mais il y inclut d'autres petites choses auxquelles nous sommes opposés.

Voilà le message que nous voulons communiquer au comité.

Le président: Merci, chef Antoine.

Monsieur McNally.

M. Grant McNally: Merci pour votre exposé. Il nous a beaucoup appris. J'ai eu la possibilité de prendre la parole en Chambre à propos de ce projet de loi, c'était ma première intervention, et j'ai parlé des préoccupations que tout ce processus soulevait dans la région. Ce matin encore, on nous a assurés qu'il y avait eu de vastes consultations, qu'on avait dégagé un accord général et que tout allait bien. De toute évidence, votre présentation exprime une opinion différente et je vous en remercie.

D'autres intervenants, plus tôt, nous ont raconté ce qui s'est passé au cours des trois à cinq dernières années. On devine chez le gouvernement un sens d'urgence; on dirait qu'il veut que cela soit fait tout de suite alors que moi-même, et d'autres membres de ce comité aussi, je pense, estimons que nous devons retirer de votre présentation que tout le monde dans la région n'est pas d'accord avec ce projet du gouvernement. On dirait que nous avons affaire à une autre forme de bureaucratie fédérale qu'on veut mettre en oeuvre dans une région, sans que les habitants de cette région soient d'accord, et nous partageons vos inquiétudes à ce sujet.

Je me demande ce que pense la base, chez les vôtres, ce qui se dit dans la rue, dans les foyers, et aussi ce qu'il adviendrait de vos relations avec votre base et avec le gouvernement du Canada si ce projet de loi était accepté.

Bon, je viens de vous poser quelques questions.

Le chef Joachim Bonnetrouge: Je dirai que ce sont des questions ou des commentaires pas mal biaisés.

Effectivement, les gens de ma communauté et moi-même, travaillons depuis au moins 20 ans sur les revendications territoriales, les droits des Dénés et la Loi sur les Indiens. Dans ma communauté, les anciens ont une relation, un lien privilégié avec la terre et les eaux. Ce qu'ils nous disent, c'est qu'on peut toujours rencontrer les gens du gouvernement et palabrer avec eux, mais que nous ne devrons jamais renoncer à la terre, ni à l'eau.

Pour me projeter un peu dans le temps, je dirais que si votre projet de loi était adopté, les gens de la région de Deh Cho, ceux de ma communauté se demanderont ce qui se passe.

Même si je veille à demeurer informer sur bien des choses qui se passent au Canada et dans le monde, de même que dans ma région, sachez qu'il n'y a que quelques semaines que j'ai appris ce qui se passait ici.

• 1320

Or, de tous ceux qui sont concernés, je devrais être le premier à être au courant. Je garde mon oreille collée sur le sol, à l'écoute des gens du coin, des chasseurs, des trappeurs et des autres.

L'effet de cette loi serait désastreux pour ma communauté.

Le grand chef Mike Nadli: Puis-je rajouter quelque chose à cela? Dans notre communauté, nous parlons deux langues: l'anglais et le Slave. Au début de ma présentation, j'ai prononcé d'ailleurs quelques phrases en Slave pour vous replacer dans ce contexte.

Les patriarches de nos communautés sont des sages. Nous nous tournons vers eux pour obtenir leurs avis, leurs points de vue, leurs opinions. La plupart du temps, ces avis nous sont transmis dans une seule langue. Et pourtant, que je sache, ce texte de loi n'a pas été traduit dans notre langue. Du moins j'en doute. Or, nous exprimons certains sentiments dans notre langue. Je suis fier de la langue que je parle, parce qu'elle me permet de mieux communiquer avec les gens de mon peuple.

Voilà c'est ce que je voulais ajouter.

Le président: Merci, chef Nadli.

Madame Hardy.

Mme Louise Hardy: Au début, j'avais l'impression que ce projet de loi allait donner un plus grand pouvoir au peuple des Premières nations, ainsi qu'au peuple résidant sur les terres, et qu'ils pourraient ainsi décider de ce qu'ils veulent et de ce qu'ils ne veulent pas. Mais après avoir entendu votre exposé, il est évident que tel ne sera pas le cas, même dans la meilleure des situations.

Dites-moi si j'ai raison. Pour l'instant, idéalement, vous voudriez pouvoir prendre des décisions en ce qui concerne votre assise territoriale. Mais si ce projet de loi est adopté, vous n'aurez plus cette possibilité, parce que les autres ordres de gouvernement—territoriaux et fédéral—, et les autres Premières nations, auront tous leur mot à dire sur ce qui se passe sur vos terres. Est-ce que je me trompe? Vous ne voulez pas intervenir dans ce qui se passe sur leurs terres, il n'y a que vos terres qui vous intéressent.

M. René Lamothe: Si je pouvais tracer quelque chose sur le tableau noir, je vous dessinerais un paradigme qui nous permettrait d'aider aussi le philosophe au bout de la table.

Avez-vous une craie?

Le président: Non.

M. René Lamothe: Parfois, une image permet de comprendre bien des choses. C'est mon paradigme à moi. Mais je vais écrire sur le mur, si vous voulez, comme ça vous pourrez le garder pour la postérité.

[Français]

Un député: Quelqu'un a-t-il du rouge à lèvres?

[Traduction]

M. René Lamothe: Laissez-moi simplement vous expliquer mon paradigme que je veux vous dessiner dans tous les cas.

La façon dont nous percevons notre relation avec le Canada est fondée sur le traité que nous avons signé. Bien que la notion de «Couronne» n'existe ni dans notre culture ni dans notre histoire, ceux qui nous représentaient, les gens qui nous dirigeaient, se sont assis avec des représentants de la Couronne anglaise. C'est à ce niveau que nous voulons maintenir nos relations avec le Canada.

Il faut comprendre que toutes les lois tombant sous le coup de la Constitution du Canada, comme la Loi sur les Indiens, la Loi des T.N.-O., la Loi sur la santé—bref, toutes ces lois—, font intervenir la Couronne et pas le palier inférieur, car c'est une relation normale—j'utiliserai le mot «normal», parce que c'est un des mots préférés de Jean Chrétien...

[Français]

la normalisation des Indiens en 1969.

[Traduction]

En 1969, il a déclaré dans son Livre blanc: pour normaliser les relations avec les Indiens, pour en faire des citoyens canadiens comme les autres.

Or, aujourd'hui, nos anciens ont des positions très claires. Quand la cause Paulette s'est retrouvée devant la Cour suprême du Canada, au début des années 70, sept chefs et notables de nos communautés ont témoigné. C'était les sept même sages qui avaient signé le traité en 1921. Ils étaient déjà des notables en 1921 quand ils ont signé le traité, et ils étaient encore des notables quand ils ont comparu devant la Cour suprême.

La cause a été rejetée pour des considérations d'ordre technique par la Cour suprême du Canada. Les juges n'ont pas voulu se prononcer parce que, dans les lois du Canada, il n'est pas prévu d'exercer une opposition dans le cas de terres de la Couronne non concédées par patente. Mais cette notion de patente sur des terres nous est étrangère, si bien que nous n'avions pas de papier à montrer à la cour pour indiquer que nous possédions bien ces droits sur nos terres. C'est pour cela que la cause a été rejetée. Mais pour les Dénés, ce fut une incroyable victoire morale. Et c'est à partir de là que le Canada a commencé à négocier avec nous.

• 1325

Nous avons un traité. Nous avons signé un traité international avec la Couronne. Notre peuple maintient que ce traité a été établi dans le cadre d'une relation triangulaire, parce que dans notre culture, quand nous donnons une poignée de main, c'est une manifestation physique dont nous rendons le créateur témoin; c'est la manifestation d'un pacte éternel. Voilà ce que veut dire une poignée de main chez nous.

En 1990, les anciens nous ont dit: si vous acceptez ce processus, vous allez trahir notre histoire et rejeter les décisions de nos ancêtres. Et quand vous quitterez ce monde, où allez-vous aller?

Mon beau-père a dit à ma femme: «Dis donc à Gerry et à son frère Jim de ne pas renoncer à la terre de Yellowknife, du moins pas avant que je sois mort». Quand ma femme lui a demandé pourquoi, il a répondu: «Parce que je vais mourir avant vous et quand je serai de l'autre côté et que mes ancêtres me demanderont comment va la terre qu'ils m'ont confiée, je ne veux pas être celui qui devra leur dire que nous l'avons abandonnée au visage pâle».

C'est notre responsabilité de prendre soin de la terre. Nous sommes investis de la responsabilité légale et spirituelle, envers le Créateur et envers nos ancêtres, de maintenir la relation que nous entretenons avec la terre. C'est avec tout cela que vous jouez ici.

Notre peuple n'est pas prêt à renoncer à tout son système de croyances. Voilà pourquoi nous avons toujours soutenu que nous devons nous rencontrer sur le plan des esprits, que nous avons un traité, mais que si nous relevons de toutes vos lois d'application générale, dans tous les cas de figure, sans que notre traité avec nous, établissant notre relation avec la terre, soit honoré et reconnu...

Nous sommes prêts à accepter vos soins de santé. Nous envoyons nos enfants dans des écoles financées par votre gouvernement. Nous faisons bien des choses du genre, en partie parce que dans le passé, si nous ne l'avions pas fait, nos ancêtres étaient envoyés en prison—nos sages, nos anciens. C'était l'époque de la coercition.

Nous avons donc affaire à tout un cortège de sentiments, dans cette situation, à beaucoup de confusion et d'ignorance, et à beaucoup de peur. Mais nous tenons à être très clairs. Notre paradigme est très simple.

Quand nous nous occupions de la préparation de la Constitution dans l'Arctique de l'ouest, j'ai effectué un important travail de développement au contact de nos communautés. Nos anciens nous disaient des choses du genre... c'était déroutant au début, jusqu'à ce que ça me vienne, jusqu'à que je commence à l'utiliser, après quoi ils m'ont confié: eh bien, maintenant tu comprends ce qu'on dit; c'est ce que nous avons dit, c'est comme ça que sont les choses.

Telle est la conception de la réalité pour les Dénés. C'est un cercle. Toute personne située en bordure de ce cercle a reçu du Créateur le pouvoir de permettre à ce cercle d'exister. Nous n'avons pas de structure hiérarchique formelle, comme les autres sociétés.

Les représentants de la Couronne sont venus rencontrer le peuple déné pour lui proposer de signer un traité. C'est la Couronne qui a demandé le traité, et pas avant 1921, parce qu'en 1919 et en 1920, on avait découvert du pétrole à Norman Wells. Posez la question à n'importe quel historien, demandez-lui ce qui a incité la Couronne à vouloir signer un traité avec les Dénés. Pendant plus de 22 ans, l'évêque de Mackenzie a démarché la Couronne pour l'amener à signer un traité avec les Dénés de la vallée du Mackenzie, mais celle-ci a toujours refusé, jusqu'à ce qu'on découvre du pétrole. C'est peut-être une triste nouvelle pour vous, mais c'est la réalité.

Alors les Dénés se sont demandés ce qu'ils pouvaient bien en tirer de leur côté? Pourquoi signer un traité avec vous ont-ils dit? Nous sommes bien, nous sommes heureux ici. Les gens de la Couronne, eux, ont dit: si vous signez un traité avec nous, nous vous ferons bénéficier de tous ces avantages et les Dénés ont répliqué, mais pourquoi prendrions-nous tous ces avantages que vous nous offrez? La Couronne a répondu: des gens de notre peuple commencent à se déplacer sur vos terres; ils traversent vos terres pour aller chercher de l'or et faire bien d'autres choses, dans le Yukon, et nous voulons qu'ils puissent traverser votre pays en paix.

• 1330

À cette époque, les Dénés se sont très sérieusement demandés pourquoi le gouvernement leur offrait de l'argent. Ils ont voulu savoir si c'était contre les terres qu'on leur donnait cet argent, mais on ne leur a jamais répondu. Un des nôtres a dit qu'à la fin de la chasse hivernale, quand on se rassemble au printemps, tous les Dénés partagent leur nourriture. Mais ces gens-là, n'avaient rien à manger et les Dénés devaient les nourrir. Alors, peut-être voulaient-ils récompenser les Dénés pour cela. C'est ainsi que nos anciens ont perçu ce versement d'argent. Ils croyaient que c'était la façon de l'homme blanc de partager.

Voilà le genre d'ententes qui a découlé des nombreuses discussions, quand les gens ont essayé de se rencontrer sur le plan des esprits.

Comme vous le voyez, toutes les lois de la Couronne sont d'application générale. En 1982, lors du rapatriement de la Constitution du Canada, soudainement, l'ensemble de ces lois ont présenté un tour différent. Par exemple, comment, malgré l'article 35 de la Constitution qui reconnaît et qui confirme les droits de traité et les droits ancestraux, la Couronne peut-elle continuer d'appliquer la Loi sur les Indiens qui fait de nous les pupilles de la nation? Il y a beaucoup de contradictions, ici, et je pense que vous devez les connaître aussi bien que nous.

En fait, nous ne sommes pas venus ici pour... Mais, peut-être qu'après tout, effectivement, nous sommes venus pour cela. C'est cette relation dont je vous parlais que nous voyons. Or, cette nouvelle loi est très loin de notre perception. Elle est notre fin et elle a pour objet de nous placer à un échelon inférieur, de nous considérer comme un conseil administratif plutôt qu'une nation avec qui ont entretient des relations internationales. Voilà la différence dont vous devez être conscients, cette différence dont nous vous demandons de tenir compte. Si nous acceptions d'être gouvernés ainsi, comment pourrions-nous justifier le maintien du traité? Ces deux aspects sont éminemment contradictoires. Nous avons affaire à un oxymore.

Le président: Merci, monsieur Lamothe, et madame Hardy.

Monsieur Patry.

M. Bernard Patry: Merci beaucoup, monsieur le président.

Tout d'abord, je tiens à remercier nos invités, surtout parce qu'ils sont venus de très loin pour nous rencontrer. J'ai trouvé que votre exposé très clair, même si vous êtes en total désaccord avec l'essence du projet de loi C-6.

À quelques reprises, vous avez fait allusion au traité signé entre votre nation et la Couronne britannique et M. Lafferty nous a donné une idée de ce que vous entendez par souveraineté, pour votre nation. C'était une très bonne explication.

Quand vous avez lu votre déclaration, tout à l'heure, vous avez dit que «l'État canadien n'est pas propriétaire des terres ni des ressources de la région de Deh Cho». Si je comprends bien, cela veut dire que vous ne participerez à aucune discussion concernant les négociations sur les revendications territoriales. Vous êtes en total désaccord avec cela. En fait, il n'y a guère qu'aux discussions sur l'application des traités que vous seriez prêts à participer, si je vous ai bien compris. Mais c'est votre privilège.

Comme le disait mon collègue M. Konrad, il ne sert vraiment à rien de discuter avec vous des points techniques concernant ce projet de loi, parce que vous êtes résolument contre. Donc, nos échanges de ce matin ont plutôt une saveur philosophique.

Je vous remercie pour vos remarques, parce que je crois que c'est la première fois que nous entendons ce type de commentaires au comité.

Je vous souhaite bon voyage dans votre longue route de retour. Merci beaucoup d'être venu nous rencontrer ce matin.

[Français]

Merci beaucoup.

Le président: Y a-t-il d'autres questions? Madame Karetak-Lindell.

[Traduction]

Mme Nancy Karetak-Lindell: J'aimerais que vous nous disiez ce que vous souhaitez pour l'avenir. D'après ce que j'ai cru comprendre, vous ne négocierez qu'avec la Couronne—mettons bien les choses au clair maintenant—tant en ce qui concerne vos revendications territoriales que votre autonomie gouvernementale. Cela veut dire que vous n'êtes pas disposés à négocier avec le gouvernement du Canada.

Le grand chef Mike Nadli: Le terme «négociations» ne nous met pas très à l'aise, parce que nous ne sommes pas en train de négocier. Nous espérons atteindre un plateau. Peut-être qu'une rencontre entre nous et le gouvernement fédéral, pour que celui-ci entende nos préoccupations, marquera un début. Peut-être que ce sera la première étape avant que nous en venions aux détails, avec la Couronne.

• 1335

J'aimerais que les choses se passent un peu comme elles se sont déroulées lors de la signature de notre traité, quand les commissaires ont rencontré nos ancêtres pour arrêter les détails de cet accord, j'espère que nous établirons un rapport de nation à nation, marqué par le respect et par l'honneur, et qui reconnaîtra la dignité de notre peuple.

Mais pour l'instant, il y a d'autres factions ou entités dont nous devons tenir compte, dont le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest. Dans ce contexte, nous percevons ce gouvernement comme étant la branche administrative du gouvernement fédéral. Il est possible que nous devions passer par plusieurs paliers, mais je pense que c'est ainsi, quand on veut atteindre la plus haute marche. Peut-être cela constituera-t-il le premier pas vers notre objectif ultime.

[Français]

Le président: Monsieur Lamothe.

M. René Lamothe: Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Je vais vous dire, très brièvement, que nous ne sommes pas un peuple difficile. Nous voulons maintenir la relation établie dans le traité. Nous le devons. Nous sommes investis d'une obligation. Cependant, lors de notre rencontre avec le ministre, hier, nos dirigeants ont décidé, par voie de résolution, d'entreprendre des discussions officielles. Notre point d'accès au gouvernement du Canada est le ministère des Affaires indiennes. La ministre est disposée à nommer un envoyé pour entamer ces discussions avec nous.

Comme vous le voyez, il y a beaucoup de choses que nous devons mutuellement comprendre et résoudre, et c'est ce que nous voulons faire, pour notre part. Nous espérons pouvoir très prochainement engager ce processus.

[Français]

Le président: Monsieur Lafferty.

[Traduction]

M. Richard Lafferty: Compte tenu de tout ce que vous avez entendu à notre propos, ici, dites-nous où l'on va aboutir avec tout cela? Si je puis me permettre cette question: où nous emmenez-vous? Comment pouvons-nous avoir la certitude que ce n'est pas simplement une autre présentation qu'on baptisera de «consultation» et qu'on balayera ensuite sous le tapis pour l'oublier?

[Français]

Le président: Monsieur Lafferty, grand chef, on vous a écoutés car c'était très important. Vous venez de loin. On apprécie vraiment les revendications que vous faites pour le peuple des Dénés et les Métis de votre grande région.

Votre témoignage d'aujourd'hui sera consigné selon le processus établi à la Chambre des communes. Les députés vous ont posé des questions et le gouvernement va étudier cela. C'est tout le processus législatif qui suivra. C'est la procédure que nous avons entamée avec les groupes qui viennent de votre région. Je ne vous dis pas que c'est la dernière fois qu'on va vous écouter. On aura sans doute un jour l'occasion d'aller vous rencontrer sur vos terres. C'est peut-être le manque de ressources et de disponibilité qui nous a empêchés d'entreprendre un voyage qu'on avait planifié. Il y a eu des contretemps, mais le comité avait décidé de se rendre chez vous, et c'est ce qui se produira. Les discussions vont se poursuivre avec le gouvernement du Canada et Mme la ministre. Nous apprécions vraiment votre témoignage.

J'apprécie aussi votre honnêteté, monsieur Lafferty, et celle de tous les autres. Merci beaucoup. Y a-t-il autre chose? Comment dites-vous «au revoir» dans votre langue?

[Traduction]

Le grand chef Mike Nadli: Il n'y a pas de mot pour au revoir. Pour nous, c'est neghoohda.

[Français]

Le président: À bientôt?

[Traduction]

Le grand chef Mike Nadli: Cela veut dire «à bientôt». Autrement dit, pour nous il n'y a pas de fin.

Le président: Merci.

[Français]

La séance est levée jusqu'au 20 novembre, à 11 heures.