AGRI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON AGRICULTURE AND AGRI-FOOD
COMITÉ PERMANENT DE L'AGRICULTURE ET DE L'AGROALIMENTAIRE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 6 mai 1999
Le président (M. John Harvard (Charleswood St. James— Assiniboia)): Chers collègues, nous avons aujourd'hui l'avantage et le plaisir de tenir une table ronde avec les représentants de la Confédération des facultés d'agriculture et de médecine vétérinaire du Canada. Je tiens à souhaiter pour commencer la bienvenue aux représentants.
Nous sommes heureux de vous recevoir dans la capitale nationale. Nous avons commandé pour vous un temps chaud et agréable et nous espérons que la discussion va également être chaude au cours de l'heure qui va suivre. Je ne vais pas vous présenter tous les délégués; je laisse ce soin au président de la CFAMVC, le Dr Alan Meek.
Bonjour docteur. Je pense qu'après avoir présenté votre équipe, si j'ose dire, vous allez avoir nous faire des déclarations avant que nous ne passions aux questions.
Dr Alan Meek (président, Confédération des facultés d'agriculture et de médecine vétérinaire du Canada): Merci, monsieur le président. Nous sommes heureux de comparaître devant le comité.
Comme vous l'avez dit, je m'appelle Alan Meek. Je suis doyen de l'Ontario Veterinary College de Guelph et je suis également président de la Confédération des facultés d'agriculture et de médecine vétérinaire du Canada. Comme vous le savez, il existe douze facultés, huit d'agriculture et quatre de médecine vétérinaire, et nous représentons toutes les facultés du Canada.
Je vais maintenant vous présenter les doyens qui m'accompagnent en commençant par Deborah Buszard, qui est doyenne de Macdonald College à l'université McGill. C'est elle qui fera notre déclaration préliminaire ce matin. Puis si nous allons d'ouest en est, nous avons Alex Livingston, qui est doyen du collège vétérinaire de l'ouest de Saskatoon; Jim Elliot, qui est doyen de la faculté d'agriculture du Manitoba; Rob McLaughlin, qui est doyen du Collège d'agriculture de l'Ontario à Guelph; Jean-Claude Dufour, qui est doyen de la faculté d'agriculture à l'université Laval; et nous sommes également très heureux d'avoir ce matin parmi nous notre directeur général, Clayton Switzer. Il a été doyen du Collège d'agriculture de l'Ontario à Guelph et également sous-ministre du MAAARO, le ministère de l'Agriculture, de l'Alimentation et des Affaires rurales de l'Ontario.
Je n'en dirai pas plus et je donnerai la parole à la doyenne Buszard.
Dre Deborah Buszard (doyenne, Macdonald College, université McGill; Confédération des facultés d'agriculture et de médecine vétérinaire du Canada): Merci beaucoup.
Je suis très heureuse de comparaître devant vous. Je vous remercie tous de nous avoir donné l'occasion de vous faire part de l'opinion des facultés d'agriculture et de médecine vétérinaire.
Nous représentons beaucoup plus que ce que le simple terme d'«agriculture» pourrait vouloir dire. Nous nous occupons de domaines aussi divers que l'environnement, la foresterie, l'alimentation, la nutrition, les programmes professionnels de santé humaine et les sciences de la santé animale qui entourent la médecine vétérinaire. Nos facultés sont liées à tous les secteurs de la société canadienne, à commencer par le gouvernement fédéral jusqu'aux administrations locales, afin de fournir directement de l'information aux groupes de consommateurs.
• 0910
Nous représentons 12 facultés où approximativement 20ts000
étudiants suivent nos cours. Nous avons un financement de base de
près de 200 millions de dollars et nous recevons chaque année
autour de 70 millions de dollars d'aide pour la recherche.
L'essentiel du financement des facultés canadiennes d'agriculture
et de médecine vétérinaire vient de sources fédérales ou
provinciales et l'industrie ajoute de l'argent pour le financement
d'une partie de notre recherche appliquée. Notre rôle consiste en
gros à éduquer et à produire de nouvelles connaissances.
À l'université McGill, chacune des quatre facultés doit proposer un énoncé de mission. Je dois dire que celui de notre faculté, qui est celle des sciences agricoles et environnementales, consiste simplement à nourrir la population mondiale et à sauver la planète. Je crois que tous mes collègues ici présents ont à peu près la même idée générale de leur mission respective.
Nous servons directement la société canadienne en produisant des diplômés qui seront des travailleurs qualifiés tant pour l'industrie que pour le gouvernement à l'avenir, et également en produisant, grâce à nos recherches, de nouvelles technologies et techniques, de nouvelles variétés de cultures et de nouvelles idées pour la durabilité de la production alimentaire à long terme. Les membres de nos facultés jouent le rôle de conseillers et de personnes-ressources tant pour le gouvernement que pour l'industrie, mais aussi pour le grand public: les groupes de consommateurs. Nous jouons, je crois, un rôle essentiel en sensibilisant davantage le public aux questions qui font de plus en plus l'objet de controverses dans les domaines de l'alimentation, de la santé, de l'agriculture et, plus récemment, de la biotechnologie. Nous sommes une source reconnue de conseils objectifs dans le domaine des sciences et des sciences sociales pour ceux qui prennent des décisions et s'occupent de la réglementation.
Mais nous avons aussi un aspect international qui fait partie des programmes de diffusion externe de nos facultés. Nous exportons ainsi les connaissances et la technologie canadiennes dans le monde entier, surtout vers les pays en développement, améliorant de ce fait la qualité de vie de ceux qui n'ont pas la chance d'être canadiens.
Notre groupe estime que des défis et des occasions énormes se présentent au secteur de l'agroalimentaire. C'est l'une des raisons de notre présence ici aujourd'hui. Pour vous donner une idée de ce dont nous parlons dans notre mémoire, j'aimerais porter à votre attention les quatre questions qui nous paraissent essentielles et qui présentent un défi particulier à l'heure actuelle.
La première est une question très importante et d'envergure mondiale, il s'agit de la sécurité et de l'approvisionnement dans le domaine de l'alimentation mondiale. Selon certaines prévisions actuelles, la population mondiale va se stabiliser autour de 10 milliards vers le milieu du siècle prochain, c'est-à-dire dans 50 ans. Nous savons qu'à l'heure actuelle, sur notre planète, près de 800 millions de personnes n'a pas une nourriture suffisante pour vivre en bonne santé et être productives. Pour offrir une alimentation quotidienne suffisante à la population prévue en 2050, il nous faudra multiplier par deux et demi la production alimentaire mondiale. C'est une augmentation énorme. Je dirais, à notre décharge, que les scientifiques agricoles ont multiplié par ce chiffre exactement la production alimentaire mondiale au cours des cinq dernières années. Autrement dit, la production alimentaire actuelle représente deux fois et demie celle de 1950.
Comment y sommes-nous parvenus? En augmentant ce que nous appelons l'indice de récolte, c'est-à-dire la quantité d'aliments que l'on peut récolter avec une culture; en ayant davantage recours aux engrais; en augmentant les superficies cultivées et en généralisant le recours à l'irrigation. C'était là des moyens relativement simples et efficaces pour accroître l'approvisionnement en aliments. Mais le taux actuel d'augmentation s'est stabilisé et il diminue en fait parce que nous sommes arrivés au bout de notre capacité d'augmenter les superficies cultivées, l'irrigation ou l'indice de récolte. Les scientifiques qui travaillent dans nos facultés et ailleurs dans le monde croient maintenant que la seule possibilité d'augmenter la production alimentaire au niveau voulu pour offrir une ration quotidienne suffisante à tous, c'est en ayant recours aux nouvelles technologies, notamment à la biotechnologie, pour rendre les plantes elles-mêmes plus productives.
Cela m'amène à la question qu'il nous faut ensuite aborder; je veux parler du recours aux organismes génétiquement modifiés. C'est une chose dont on a beaucoup parlé dans la presse dernièrement.
• 0915
L'agriculture elle-même est entièrement fondée sur le recours
aux organismes génétiquement modifiés. Il n'y a pas une espèce
végétale ni animale qui soit produite sur une grande échelle dans
le monde qui n'ait pas été modifiée par rapport à son ancêtre
sauvage. Dès le début de l'agriculture, il y a 8 000 ans, nous
avons sélectionné, reproduit et obtenu tous les organismes avec
lesquels nous travaillons pour améliorer leurs qualités, leurs
caractéristiques ou leur rendement. Les nouvelles techniques que
nous proposons ne font qu'accroître le rythme et les types de
changement auxquels nous pouvons procéder plus rapidement. Nous
croyons que ces techniques sont essentielles pour satisfaire les
besoins mondiaux en aliments à l'avenir.
Le développement de techniques telles que le génie génétique présente de nombreux avantages. Je peux notamment citer la production de variétés de plantes destinées à la culture qui sont résistantes aux parasites et aux maladies. Si nous pouvons par exemple produire des pommiers sur lesquels il n'est pas nécessaire d'appliquer des pesticides, l'aliment n'en sera que plus propre et plus sûr et nous pourrons réduire les effets de notre production agricole sur l'environnement. Cela présente donc un avantage évident. Nous pouvons y parvenir en ayant recours à des techniques modernes d'obtentions végétales.
Certains d'entre vous ont peut-être entendu dire récemment que l'on avait obtenu des chèvres clonées. Je crois qu'on en a parlé aux nouvelles de la semaine dernière. Ce sont des travaux réalisés dans notre faculté d'agriculture qui ont permis la production de ces chèvres. Elles ont été clonées pour servir à la production d'une protéine synthétique qui est identique à la soie des araignées et que l'on appelle l'acier biologique. Ce que l'on essaie de faire, c'est de modifier les chèvres clonées pour produire cette protéine que l'on pourra ensuite extraire de leur lait pour la filer afin d'obtenir des fibres que l'on pourra utiliser dans le domaine de la santé et pour fabriquer—certains en parlent—des gilets pare-balles. Mais cette fibre aura de nombreuses utilisations possibles.
Il s'agit d'un développement agricole qui dépasse de beaucoup ce que la plupart d'entre nous pouvaient imaginer il y a un an ou deux et cela montre les possibilités qu'offre la recherche agricole au Canada pour la fabrication de nouveaux produits à très grande valeur ajoutée afin de les exporter. Le gouvernement du Canada s'est engagé à doubler les exportations agroalimentaires de notre pays d'ici 2005 et nous ne pourrons absolument pas y parvenir en nous contentant d'augmenter les quantités de produits primaires telles que les céréales ou les autres denrées alimentaires modifiées que nous pouvons exporter. Il faut que cela se fasse grâce au développement de nouvelles technologies et de nouveaux produits à grande valeur ajoutée dans les domaines tels que les produits nutraceutiques (ou aliments fonctionnels) et pharmaceutiques.
Les découvertes en biotechnologie ne sont pas sans poser de questions et nous savons qu'elles suscitent une grande inquiétude dans le public. Ces inquiétudes viennent en partie du fait que l'on croit qu'on est en train d'attenter à l'aspect sacré de la vie, que des plantes dénaturées pourraient avoir des effets pervers sur nos écosystèmes. On craint aussi, sur le plan pratique, que des super-mauvaises herbes résistant aux herbicides s'échappent dans l'environnement ou que des aliments modifiés aient des effets négatifs sur la santé humaine. Nous nous efforçons, dans nos facultés, de résoudre ces problèmes sous l'angle des sciences et des sciences sociales.
Il y a une troisième question qui me semble prendre de plus en plus d'importance, c'est celle du changement climatique mondial et des répercussions qu'il aura sur l'agriculture. Les récentes discussions de Kyoto ont sensibilisé davantage le Canada à ces questions et ont fait que l'on a consacré davantage d'argent aux problèmes du changement climatique et notamment à la gestion du dioxyde de carbone atmosphérique. En clair, le réchauffement de la planète menace certains de nos secteurs agricoles les plus productifs. On prévoit par exemple que le changement du régime fluvial rendra le triangle de Palliser dans le sud de la Saskatchewan absolument inapte à la production agricole à l'avenir à cause de problèmes accrus de sécheresse. L'évolution des régimes fluviaux menace l'agriculture en terrain irrigué de l'Alberta. Il est possible que l'on voie l'agriculture se déplacer vers les régions nordiques du Canada.
• 0920
Cela pose des questions intéressantes sur la productivité de
nos variétés dans des secteurs plus nordiques. Les saisons de
végétation sont plus courtes mais les journées plus longues. Il
nous faudra nous adapter à ces situations de culture différentes et
à des types de sols différents en mettant au point de nouvelles
variétés et de nouvelles techniques de culture. Il nous faudra
aussi, pour l'aspect relatif aux sciences sociales, envisager de
créer une infrastructure, un système de transport et des
installations du fait du déplacement de l'agriculture vers d'autres
régions du pays. Nous voyons donc, pour le court et le moyen terme,
une demande nettement accrue de nouvelles informations, de nouveaux
cultivars et de nouvelles techniques pour faire face au changement
climatique.
Ceci m'amène à la quatrième et dernière question à laquelle nous sommes confrontés à l'heure actuelle et qui est tout à fait essentielle; je veux parler du lien entre l'agriculture et l'environnement. Je m'exprime en ma qualité de doyenne d'une faculté des sciences agricoles et environnementales et je suis consciente des tensions qui existent dans certains cas entre les agriculteurs et les écologistes.
Les activités agricoles, il faut en convenir, peuvent être une source non ponctuelle importante de pollution. Un exemple simple et bien connu est celui des charges de nutriments qui aboutissent dans les rivières à la suite de l'application d'engrais, notamment d'azote, ce qui entraîne l'eutrophisation, l'explosion des populations d'algues et la mort de grandes parties de nos rivières. Nous pouvons maintenant voir de l'espace effets de ce genre de pollution dans le delta du Mississippi, par exemple, dans le golfe du Mexique, où il y a maintenant chaque été une importante zone morte où aucun poisson ne vit; et c'est là l'effet de la pollution agricole.
La pollution de l'eau vient aussi des pesticides et avec le recours à l'irrigation, on constate une salinisation des terres. L'agriculture a également entraîné la perte d'habitats naturels et une diminution de la biodiversité. Plusieurs des fleuves les plus importants du monde—heureusement, aucun ne se situe au Canada, mais on peut donner deux exemples que vous connaissez: le Nil et le Yangtsé—n'arrivent plus jusqu'à la mer à la fin de l'été parce qu'on leur enlève trop d'eau pour l'irrigation. Cela entraîne la salinisation et la détérioration des riches terres agricoles qui entourent leurs deltas. Cela va aggraver les problèmes que nous connaîtrons et les inquiétudes que nous avons à l'égard de la sécurité de l'approvisionnement mondial en aliments. On estime que le manque d'eau pure et la salinisation des terres constituent les deux principaux risques qui menacent la sécurité de l'alimentation mondiale à long terme.
Voilà donc où nous en sommes à la veille d'entamer un nouveau siècle et nous croyons que pour le Canada, le rôle des facultés d'agriculture et de médecine vétérinaire est sans doute plus important aujourd'hui qu'il ne l'a jamais été. Nous nous engageons à être utiles, comme nous l'avons été dans le passé, en fournissant des diplômés hautement qualifiés, du premier cycle pour le travail dans les domaines pratiques de l'industrie de l'agroalimentaire, au doctorat pour ceux qui continueront à travailler à l'avenir comme chercheurs pour le gouvernement fédéral, les universités et l'industrie.
Nous pouvons fournir les réponses aux problèmes et aux défis que nous allons rencontrer grâce à notre recherche et à nos services à l'intention de la collectivité à titre de fournisseurs d'information, mais nous avons quelques graves inquiétudes. C'est pourquoi nous sommes ici aujourd'hui. J'aimerais vous les mentionner brièvement.
Le premier souci que nous avons, c'est celui d'attirer les meilleurs étudiants. Il faut que les meilleurs éléments, les étudiants les plus intelligents viennent s'inscrire à nos cours. Nous félicitons le gouvernement fédéral pour ses initiatives récentes tels que le fonds du millénaire, les bourses d'études d'Agriculture Canada et le programme CADR. Nous remercions pour cela le ministre Vanclief. Et nous espérons pouvoir accueillir davantage d'étudiants du fait de ces initiatives. Il y a une demande énorme d'étudiants qui sortent de nos cours. Dans certains programmes, les étudiants ont tous un emploi professionnel des mois avant d'avoir leur diplôme et nous n'arrivons tout simplement à répondre à la demande. Et on pense que cette demande va augmenter et non diminuer à l'avenir.
La deuxième chose que nous devons essayer de faire, c'est de lutter contre la soi-disant fuite des cerveaux. Nos universités souffrent d'un sous-financement préjudiciable qui fait qu'il va être difficile d'offrir à nos jeunes universitaires les meilleurs et les plus intelligents autant que les établissements américains. On ne peut tout simplement pas offrir des salaires équivalents car ils sont parfois deux fois ceux qu'un professeur peut espérer recevoir dans une université québécoise en tout cas. Nous ne pouvons pas non plus offrir à ces professeurs un financement de recherche équivalent à celui qu'ils pourront obtenir aux États-Unis. D'après des estimations récentes, on dit que pour être totalement productif dans certaines sciences fondamentales, un chercheur doit disposer d'un financement de recherche d'au moins 100 000 $ par an. Nous n'avons pas d'organismes au Canada qui peuvent offrir un tel financement à nos chercheurs.
• 0925
La troisième chose qui pose un problème, c'est le maintien
d'une recherche fondamentale à long terme axée sur la curiosité.
Les nouvelles technologies qui sont le moteur de l'économie
canadienne actuelle, notamment la biotechnologie et l'informatique,
n'ont pas surgi toutes prêtes au cours de la dernière décennie. Ce
sont des technologies qui découlent de la recherche fondamentale
faite dans les années 50 dans le cas de la biotechnologie et dans
les années 60 dans le cas de l'informatique. Il faut penser à très
long terme. Il nous faut penser sans être limités par les
inquiétudes actuelles de l'industrie pour produire les innovations
qui nous donneront des industries en pleine expansion dans 50 ans.
Le gouvernement fédéral, par l'entremise d'Agriculture Canada et du CRSNG, a tendance à favoriser les partenariats de recherche qui s'occupent de recherche appliquée visant les problèmes actuels. Si ces initiatives présentent d'excellents avantages à court terme, elles n'encouragent pas le genre de recherche qui est essentiel à notre avenir plus lointain. Et ces intérêts concurrents détournent précisément une partie du financement destiné à la recherche axée sur la curiosité, qui est si importante, et à la formation d'étudiants diplômés hautement qualifiés qui seront nos futurs chercheurs. Une partie du financement est de ce fait dirigé vers les services à court terme destinés à l'industrie que la direction générale de la recherche d'Agriculture Canada offre à juste titre.
Nous estimons que les universités sont l'endroit voulu pour entreprendre cette recherche axée sur la curiosité, qui n'est pas sans présenter des risques. Mais pour que ces travaux se fassent, il faut que la recherche du domaine de l'agriculture, de l'alimentation et de la médecine vétérinaire soit une priorité pour les organismes subventionnaires. Le CNRC, le CRSNG et le nouvel institut pour la recherche dans le domaine de la santé, qui sont les principaux organismes subventionnaires, n'ont évidement pas l'agriculture comme mission première. Et nous pensons qu'un conseil chargé d'accorder des subventions et ayant pour mandat particulier d'aider l'agriculture nous aiderait à continuer à assurer les travaux de recherche dont notre pays aura tant besoin à l'avenir. Les États-Unis, le Royaume-Uni et presque tous les pays avancés d'Europe ont des conseils de recherche agricole indépendants.
Ce n'est que maintenant que l'on fait dans les universités canadiennes de la recherche fondamentale en hygiène vétérinaire. Nous croyons être particulièrement indiqués pour continuer à le faire et pour résoudre les problèmes très épineux qui entourent les biotechnologies: les questions d'éthique, d'éducation des consommateurs et d'élaboration des politiques publiques. Nous croyons aussi avoir la capacité d'entreprendre le travail qui est nécessaire pour la recherche à long terme dans le domaine de l'environnement, pour remédier aux problèmes du réchauffement de la planète et du changement climatique, et pour nous occuper également des questions commerciales, notamment dans le cadre de l'ALENA et de l'Organisation mondiale du commerce, où des inquiétudes relatives à notre adaptation à l'usage de la biotechnologie commencent à gêner le libre-échange des marchandises.
Le Canada se situe au premier rang mondial en ce qui concerne la productivité des chercheurs subventionnés par l'État. Autrement dit, le Canada en a davantage pour son argent dans le domaine de la recherche financée par le gouvernement que n'importe quel autre pays actuellement. Il s'agit de la recherche du secteur public qui est financée directement par le gouvernement, c'est-à-dire par des organismes comme Agriculture et Agroalimentaire Canada, et par les universités. Nous constituons donc déjà un appareil de recherche qui a subi un régime minceur et nous offrons déjà un service à très grande valeur ajoutée à un coût remarquablement bas. Ce coût, relativement parlant, est évalué à environ la moitié de ce que l'on paie aux États-Unis, si l'on considère les aux résultats de la recherche.
• 0930
Nous avons une tradition dont nous sommes très fiers, mais
pour continuer à offrir ce genre de recherche, ainsi que la
formation et l'éducation des travailleurs intellectuels, nous
devons investir sans cesse dans les ressources humaines, et dans
les installations et l'infrastructure de nos universités.
Les travaux relatifs aux nouvelles technologies ne sont pas donnés. Il fut un temps où nous nous inquiétions de savoir combien de maïs on pouvait produire par hectare ou par acre. Il nous faut maintenant déceler les gènes qui sont à l'origine d'une protéine donnée dans une certaine plante ou voir comment nous pouvons rendre les aliments plus sûrs. Ce n'est plus une simple entreprise de recherche.
Nous croyons que de nouveaux investissements dans nos facultés et dans notre infrastructure seront très payants si l'on considère les avantages à long terme, non seulement pour le Canada, mais pour le monde entier, sur le plan de la santé humaine et de la sécurité des aliments.
Merci beaucoup.
Le président: Vous avez terminé?
Dre Deborah Buszard: J'ai terminé.
Le président: Merci. Êtes-vous prêts pour les questions?
J'aimerais vous demander une précision concernant le financement public des facultés de notre pays. Quelle est la part du financement fédéral? Est-elle restée stable, a-t-elle augmenté ou diminué par rapport aux autres sources de financement public?
Dre Deborah Buszard: Je ne suis pas sûre de pouvoir vous donner une bonne réponse car il y a une part du financement fédéral qui se fait par les paiements de transfert qui vont aux provinces pour l'éducation, de sorte que les budgets de base viennent tous du financement provincial. Pour le financement fédéral de la recherche, il y a eu une diminution, relativement parlant, de ce qui est accordé aux universités et dont on s'est occupé récemment.
Le président: Je me demande si à Ottawa nous restons au niveau.
Dre Deborah Buszard: Non.
Le président: Restons-nous au niveau des autres cependant? Je comprends bien ce que vous dites pour le défi que nous avons à relever; nous ne sommes vraiment pas au niveau. J'aimerais savoir si nous nous montrons encore moins responsables que les provinces par exemple. Voilà où je veux en venir.
L'un des doyens voudrait-il répondre à cela? Rob?
Dr Rob McLaughlin (doyen, Collège d'agriculture de l'Ontario, Université de Guelph; Confédération des facultés d'agriculture et de médecine vétérinaire du Canada): Je dirais que la province de l'Ontario met des sommes importantes dans la recherche, mais elles ont aussi diminué. Collectivement, les gouvernements ont nettement réduit la part des coûts qu'ils assument et l'industrie est montée au créneau et a augmenté sa participation.
Mais ce que Deborah essayait de vous dire, c'est que l'essentiel de cet argent compense le financement fédéral et provincial pour les projets très ciblés qui concernent l'étape du quasi-marché et visent le court terme et non le long terme. Il y a donc là une certaine confusion en ce qui concerne la destination des sommes fédérales et provinciales, mais je dois dire que le financement fédéral s'oriente de plus en plus vers le quasi-marché et diminue par rapport aux autres sources de financement.
Le président: J'imagine que vous souhaitez avoir votre tour, monsieur Hilstrom.
M. Howard Hilstrom (Selkirk—Interlake, Réf.): Certainement, monsieur le président. Merci.
Le président: Je rappelle aux membres du comité que le ministre Vanclief sera là pour 90 minutes de midi à 13 h 30.
Je dois également vous rappeler, puisque la Dre Buszard l'a mentionné, que les personnes qui ont réussi le clonage des chèvres seront ici la semaine prochaine, à 9 heures, le 11 mai. Le Dr Jeff Turner de Nexia Biotechnologies sera parmi nous.
Allez-y, monsieur Hilstrom.
M. Howard Hilstrom: Merci, monsieur le président.
Bonjour tout le monde. Nous sommes heureux d'avoir parmi nous des personnes aussi instruites.
La première chose dont j'aimerais parler est le réchauffement de la planète, que vous avez abordé. À certains égards, il semble en effet qu'il se produise. Je me rappelle les années 50 lorsque, petit garçon, je suis allé voir pour la première fois les glaciers Columbia. Ils arrivaient jusqu'à la route et ils sont maintenant bien en retrait. Cela pourrait être dû à la fois à la pollution et à d'autres choses. Je n'ai pas tous les faits scientifiques, mais il semble que l'on ait quelques indications dans ce sens.
En agriculture, dans les Prairies, où j'ai vécu toute ma vie, on semble avoir autant de pluie qu'auparavant avec des périodes cycliques de temps sec et chaud. Je crois qu'en Californie, on cultive du riz dans des conditions plus ou moins désertiques, et on sait quelles récoltes extraordinaires on fait dans des conditions désertiques un peu partout dans le monde. Pensez-vous aussi que l'eau soit l'élément clé en agriculture? Voulez-vous répondre, Deborah?
Dre Deborah Buszard: Certainement.
Je suis sûr que tous mes collègues pourraient dire la même chose, mais l'eau est absolument essentielle à l'agriculture. Et je pense qu'au Canada nous n'avons peut-être pas donné le sérieux voulu à cette question parce qu'on nous laisse entendre que nous bénéficions d'une très grande partie de l'approvisionnement en eau douce du monde. Mais à long terme, on pourrait fort bien avoir de très graves problèmes d'approvisionnement en eau pure, même au Canada, dans certaines de nos régions agricoles et de plus en plus de problèmes de salinisation des terres.
Vous avez parlé de la Californie. Cette région connaît des problèmes énormes de salinisation des terres dans certains de ses secteurs maraîchers les plus productifs et on doit investir énormément pour obtenir des plantes qui soient adaptées à la culture dans des terres salées... C'est en fait l'agriculture elle-même qui est à l'origine des problèmes qu'elle connaît et qui sont dus aux pratiques qu'elle a adoptées.
M. Howard Hilstrom: Mais on continue cependant à encourager l'irrigation dans l'ouest du Canada. Je ne sais ce qu'il en est en Ontario, mais dans l'ouest du Canada, où on manque d'eau, on encourage l'irrigation. Et cela va continuer. J'espère qu'on va remédier à ce problème.
Dr Alan Meek: Me permettez-vous de demander si d'autres doyens souhaitent intervenir?
Dr Jim Elliot (Confédération des facultés d'agriculture et de médecine vétérinaire du Canada): Je m'appelle Jim Elliot et je viens du Manitoba.
Je crois cependant qu'il nous faut faire très attention à la façon dont nous répartissons les charges de nutriments sur la terre comme cela se passe avec l'irrigation. Par exemple, au Manitoba, où nous avons des aquifères importants dans toute la province, il est très facile de les contaminer en utilisant de mauvaises pratiques, en oubliant par exemple d'équilibrer l'apport en nutriments et les besoins de la plante pour que les produits appliqués soient absorbés par la plante, dans les conditions de production optimales, et qu'il n'y ait pas d'excédent qui aboutisse dans les aquifères.
M. Howard Hilstrom: Cela permet aussi aux agriculteurs d'économiser de l'argent. Je suis tout à fait d'accord.
Le seul aquifère jamais détruit au Manitoba l'a été du fait de la pollution industrielle de Bristol Aerospace près de Stony Mountain; vous en avez certainement entendu parler.
Dr Jim Elliot: Oui. Si on augmente la production de pommes de terre en terrain irrigué, par exemple, il faut faire très attention.
M. Howard Hilstrom: Le sujet que j'aimerais aborder ensuite brièvement est celui des OGM. Vous êtes tous favorables à des décisions s'appuyant sur des données scientifiques pour les organismes génétiquement modifiés. Oui ou non?
Dre Deborah Buszard: Me permettez-vous de répondre?
Parce qu'on a présenté récemment les fameuses chèvres sur notre campus, j'ai dû répondre à de nombreuses questions qui portaient sur des sujets connexes à la science de la biotechnologie. Je crois qu'il s'agit là d'une question qui dépasse de beaucoup le domaine scientifique.
Les données scientifiques sont très claires. On sait qu'on peut appliquer une certaine technique ou utiliser une certaine procédure pour obtenir des résultats divers, et on croit que la science n'est ni bonne ni mauvaise intrinsèquement; il s'agit simplement là de l'avancement des connaissances.
Ce que l'on décide de faire avec cette science exige que la société procède à des choix d'ordre éthique à un moment donné. Ces choix vont bien au-delà de la science fondamentale et on ne doit pas les faire en s'appuyant uniquement sur des données scientifiques, ni d'ailleurs, par exemple, sur des opinions religieuses uniquement. Il faut que la société soit généralement d'accord avec l'utilisation des techniques qui sont mises au point.
M. Howard Hilstrom: Ces arguments universitaires sont bien beaux, mais il y a des agriculteurs et des éleveurs sur le terrain qui ont du mal à mettre en application ces techniques.
Je pourrais vous parler des hormones de croissance pour les bovins. Je pourrais vous parler de la STbr, qui n'a pas été approuvée par Santé Canada alors qu'elle est entièrement inoffensive. Le canola, il ne présente aucun danger. Que répondez-vous à cela?
Les agriculteurs souffrent, notre commerce souffre, notre pays souffre. Vous n'obtenez pas les subventions de recherche voulues parce que le pays ne crée pas les richesses qui nous permettraient de vous les donner. Ne voyez-vous pas un lien entre les deux? Croyez-vous qu'il y ait un lien?
Dre Deborah Buszard: J'estime que plus les décideurs auront d'informations, meilleures seront les décisions qu'ils prendront. Et c'est nous qui devons fournir ces informations impartiales; nous avons donc davantage de travail à faire pour l'aspect éducation de nos activités.
Dr Alan Meek: C'est une question très importante et je me demande si d'autres doyens souhaitent intervenir.
M. Howard Hilstrom: C'est une question essentielle.
Dr Jim Elliot: L'un des problèmes qui se pose, c'est celui de la propriété du génome. Du moins dans le domaine des obtentions végétales, jusqu'à ces dernières années, tout le matériel génétique était de propriété publique, c'est-à-dire qu'il appartenait soit aux universités, soit à Agriculture Canada. C'était ainsi. Mais de plus en plus, la propriété revient aux entreprises et les chercheurs ne peuvent pas disposer de ce matériel. Lorsqu'on a obtenu un brevet, on le protège et ce matériel génétique disparaît et l'accès y est restreint. Je crois donc qu'il faut faire très attention à la propriété du matériel génétique et son accessibilité. Plus il entre dans le monde des entreprises et est régi par les règles qui s'appliquent aux brevets, par exemple, moins nous pouvons en disposer.
C'est un problème auquel il nous faut penser. Quant à la BST, j'ai mon opinion sur le sujet. Elle ne présente en effet pas de danger, je suis d'accord avec vous; elle ne présente absolument aucun danger pour la santé humaine. Mais je ne crois pas que son utilisation soit profitable aux agriculteurs canadiens.
Nous avons déjà un problème avec les vaches de race Holstein puisqu'il faut attendre à peu près cinq ans après la naissance pour que la vache commence à produire. On obtient en moyenne deux ou trois lactations de cette vache et c'est fini. Pourquoi appliquer une technologie qui va stresser davantage cette vache et faire qu'elle aura moins de lactations? Il faudrait au contraire chercher à obtenir des vaches qui aient sept, huit, neuf, dix lactations.
Le président: Merci beaucoup. Nous pourrons revenir là-dessus plus tard, mais nous devons passer à l'intervenante suivante.
Madame Alarie.
[Français]
Mme Hélène Alarie (Louis-Hébert, BQ): Il y a 36 ans, à peu près jour pour jour, j'étais devenue une jeune agronome et je voulais, moi aussi, nourrir le monde et sauver la planète, un peu comme vous, Ma réussite n'a pas été évidente à ce jour, et je souhaite que Dieu me prête encore vie pour travailler avec vous.
Cela dit, j'aimerais revenir aux recommandations que vous faites dans votre mémoire sur la recherche fondamentale. Si je comprends bien, vos partenariats avec l'industrie privée ont très souvent pour but de régler des problèmes ponctuels et, à ce moment-là, on néglige la recherche fondamentale.
Un peu plus loin, vous parlez de la possibilité de l'étude, par notre comité, de la création d'un conseil subventionnaire pour l'agriculture. Si on en arrivait à créer un tel conseil, ses recommandations pourraient-elles régler l'autre partie du problème, qui est de s'attaquer à la recherche fondamentale?
[Traduction]
Dr Alan Meek: Qui souhaite répondre à cette question? Jim.
Dr Jim Elliot: Je crois que ce serait une idée; il s'attacherait alors à cette recherche. Ces dernières années, on peut dire que la politique publique nous a poussés de plus en plus à des partenariats avec l'industrie. Nous nous sommes de ce fait occupé du court terme, des choses qui arrivent sur le marché.
Je crois que pour le bien de la recherche agroalimentaire à long terme au Canada, il nous faut participer à tous les types de recherche, en commençant par la recherche fondamentale jusqu'à la recherche sur ce qui sera utilisé demain.
Peu de gens comprennent... Je vais vous donner deux exemples. La découverte de l'ADN a eu lieu en 1953. C'est une découverte fondamentale. Ce n'est que vers la fin des années 80 qu'elle a donné lieu à une biotechnologie. Il y a donc un écart de 30 ans à peu près entre une découverte fondamentale et son utilisation concrète.
Si vous prenez le canola, c'est encore une fois vers la fin des années 40 et dans les années 50 que l'on a compris qu'il y avait une composition différente des acides gras dans le canola qui pouvait être utilisée pour changer la composition de l'huile. Mais nous n'avons pas vu de canola avant 1985. Encore une fois, il a fallu 30 ans.
Le rôle des universités est de travailler à toutes les autres recherches à partir de cette découverte de la recherche fondamentale. Le problème, c'est qu'on ne verra pas de résultat avant 20, 30, 40 ans. Le financement a été réorienté vers les problèmes actuels et on est en train de perdre du côté de la recherche fondamentale, mais on n'en verra les résultats que dans de très nombreuses années. C'est ce qu'il faut comprendre.
Dr Alan Meek: Je crois que le doyen Dufour aimerait intervenir.
Dr Jean-Claude Dufour (université Laval; Confédération des facultés d'agriculture et de médecine vétérinaire du Canada): Oui, mais je vais le faire en français, si vous me le permettez.
[Français]
Hélène, la recherche fondamentale n'est pas uniquement une question de comité, et il faut en être bien conscient. C'est très important qu'il y ait un comité qui prenne soin de développer. Cependant, je dois avouer, en tant que doyen, que je fais souvent face aux problèmes mentionnés tout à l'heure par Deborah. Les meilleurs chercheurs, les plus performants sont souvent en recherche fondamentale et sont sollicités de partout dans le monde par des laboratoires merveilleux.
• 0945
Tout à l'heure, on parlait d'un montant d'argent minimum.
Pour vous
donner un exemple, il y a
actuellement cinq professeurs que
j'aimerais avoir pour travailler en recherche fondamentale, mais
je ne pourrai jamais les avoir parce que les
Américains leur offrent déjà 5 millions de dollars
pour débuter en recherche et un salaire de 125 000 $,
sans aucun cours à donner, cela pour cinq ans. Comment
pouvez-vous offrir des conditions
pareilles à des chercheurs en recherche fondamentale au
Québec et au Canada? C'est
impossible.
Il faut d'abord un comité qui soit capable d'identifier les besoins en recherche fondamentale. C'est là qu'on fera finalement le breakthrough technologique. Ensuite, il y a les conditions d'implantation de cette recherche, qui est souvent liée à l'existence de jeunes chercheurs; c'est très important. Il faut tenir compte de tout le contexte. Le comité est une bougie d'allumage, mais il ne constitue pas la réponse complète.
Mme Hélène Alarie: Dans un autre ordre d'idées, je voudrais parler des organismes génétiquement modifiés et des biotechnologies.
On a fait une tournée au Japon avec le ministre Vanclief et j'ai été étonnée de voir à quel point les aliments modifiés génétiquement ou ceux ayant subi un processus biotechnologique particulier préoccupaient les Japonais, mais aussi les Européens et certains Américains.
Il me semble que le problème n'est pas scientifique, qu'il se situe dans un autre ordre d'idées. Si on avait un code d'éthique très sérieux pour ces aliments ainsi qu'un protocole relié à ce code, en plus d'un étiquetage indiquant exactement ce qu'ont subi les produits et d'une information adéquate, il me semble qu'on réduirait le problème grandement. Qu'en pensez-vous?
[Traduction]
Dr Alan Meek: Qui, parmi les doyens, souhaite répondre à cela?
Dre Deborah Buszard: Le problème est, si vous me permettez de répondre la première...
[Français]
Mme Hélène Alarie: Êtes-vous d'accord sur cela?
[Traduction]
Dre Deborah Buszard: ...avoir un code d'éthique rassurerait un peu et réglerait les problèmes. Il me semble que la biotechnologie suscite des craintes différentes selon qu'elle concerne le règne végétal ou animal. S'agissant des plantes, les craintes portent essentiellement sur la consommation d'aliments modifiés. Vous savez, les divers gènes... Par exemple, pour la tomate prolongée (flavour-saver tomato), qui a fait les manchettes il y a quelque temps et dont on ne parle plus, un gène qui code une enzyme a été extrait du chromosome, modifié et réinséré. C'est en fait comme un puzzle. Tout ce que l'on fait, c'est de rendre ce gène non fonctionnel. Ça semble extraordinairement facile, et en fait lorsqu'on a la technologie voulue, ce n'est pas si difficile à faire. Cela a pour effet de faire durer la tomate plus longtemps. Elle ne pourrit pas de la même façon que les autres tomates.
Jusqu'à quel point devrions-nous nous inquiéter de cela? Sans doute pas beaucoup, mais le public s'inquiète des aliments qui sont génétiquement modifiés grâce aux apports provenant d'autres organismes ou lorsque les gènes ont été transférés à l'aide de techniques qui comprennent... Les gènes de la résistance, par exemple—cette résistance va-t-elle être transmise à d'autres parties de l'écosystème? Il nous faut nous inquiéter de ces questions et un code d'éthique pourrait contribuer à atténuer les craintes que l'on a à l'égard de ce que l'on peut faire ou ne pas faire sans avoir à prévoir des types particuliers de contrôle.
Du côté des animaux, les problèmes sont différents. Le public est moins inquiet de manger des aliments modifiés; il se soucie davantage de certaines questions essentielles d'éthique.
Le président: Pour notre part, nous avons un code d'éthique qui veut que nous partagions le temps équitablement; nous allons donc donner la parole à M. Calder.
M. Murray Calder (Dufferin—Peel—Wellington—Grey, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.
J'aimerais parler de cela de façon plutôt générale. Envisageons la sécurité des aliments comme un tabouret à trois pieds. Ces trois pieds représentent la science de la biotechnologie, la politique qui la concerne et l'éducation.
• 0950
Je comprends la partie scientifique et je suis d'accord avec
vous. J'ai participé à la conférence alimentaire de Washington,
Vision 2020, en 1995. Nous envisagions pour 2020 huit milliards de
personnes, aussi votre chiffre de dix milliards pour 2050 semble-t-il très
raisonnable, et il représente sans doute le point culminant
de la croissance démographique. Nous pensions qu'elle se
stabiliserait vers neuf milliards. Ce sont donc là des données
scientifiques. Nous aurons les capacités scientifiques voulues pour
nourrir cette population d'ici là. Je le crois parce que nous
l'avons fait de 1970 à 1995 et de très gros progrès ont été
réalisés.
Parlons donc de l'aspect politique. L'un des comités dont je suis membre est le Sous-comité du commerce international. Je crois que la seule façon de résoudre les problèmes politiques de cette question... Si on prend les mesures phytosanitaires, l'hormone de croissance, la viande de boeuf en Europe, la biotechnologie qui a donné le canola, les problèmes que l'on a avec ça, il faut qu'il y ait un moyen pour permettre aux scientifiques du monde entier de se réunir pour mettre au point une norme internationale pour la biotechnologie. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
Il y a ensuite l'autre aspect, et on peut même y insérer... Vous avez parlé de la propriété du matériel génétique et j'imagine que vous vouliez surtout parler du gène terminateur. Je trouve franchement que c'est une chose déraisonnable. Je sais qu'il faut qu'il y ait un moyen pour récupérer l'argent de la recherche qui a permis de mettre au point une nouvelle plante, mais je ne pense pas que ce soit la solution.
Il y a enfin l'éducation. Je parle du consommateur en général et de ce que l'on a vécu avec la BST... Et je vais vous contredire, Howard, parce qu'il y a un certain Dr Elliot Block qui ne serait pas d'accord avec sur le sujet des tests prénatals sur les primates. Il a dit que la recherche n'était pas suffisante en l'occurrence. Cela veut dire que le lait serait utilisé pour les bébés et il estime que la recherche n'est pas suffisante. C'est l'une des raisons qui ont fait que l'entreprise a été interrompue.
Je suis agriculteur en exercice et je sais que les données démographiques actuelles... Nous sommes moins de trois pour cent à cultiver des aliments. Lorsqu'on commence à parler de biosécurité, de biotechnologie et du reste, on pousse aussitôt les hauts cris parce que l'image qu'on se fait de moi en salopette et chapeau de paille en train de mâcher un brin de paille vole en éclats: un instant, que voulez-vous dire lorsque vous dites que l'on fait telle chose aux vaches, aux poulets et aux pommes de terre pour se débarrasser du doryphore, et tout le reste? Voilà donc les réactions.
Dr Alan Meek: Vous posez en fait pas mal de questions. Je crois que la première concerne l'établissement de normes internationales. Qui voudrait répondre?
Dr Rob McLaughlin: Je veux bien essayer.
Je crois que c'est possible sur le plan de l'éthique. Mais ça ne l'est pas lorsqu'il s'agit des cultures car il y a des endroits dans le monde où on trouvera toujours les OGM inacceptables, un point c'est tout. Si j'essaie de résumer quelques-unes des questions qui concernent le régime de réglementation, je crains beaucoup que l'on en vienne à politiser notre système réglementaire. Il s'appuie sur la science. Au Canada, on le politise en partie et cela ne fait que réduire la confiance du public et de nos partenaires commerciaux à l'égard de notre système de production agricole.
De ce point de vue, je crois que le système de réglementation doit s'appuyer sur la science. Cela ne veut pas dire qu'il ne puisse pas y avoir des recoupements éthiques ou politiques. Si vous prenez la BST, vous avez une société comme Monsanto, qui investit des sommes énormes en fonction d'un ensemble de données de référence, puis tout change. Tout ce que cela fait, c'est de décourager—car le Canada ne constitue pas un gros marché—ce genre d'investissement qui vise notre avenir et notre capacité de continuer à être concurrentiels parce que les règles changent une fois que l'investissement a été fait. Et cela décourage bien sûr aussi nos partenaires dans cette entreprise de recherche.
• 0955
J'aimerais revenir un peu sur le gène terminateur. Murray,
vous cultivez du maïs hybride. Le maïs hybride est l'équivalent du
gène terminateur. Chaque année, vous devez acheter de nouvelles
semences. Ce sont des produits qui ont été manipulés génétiquement.
La stérilité cytoplasmique du plan mâle et tout le reste permettent
de créer maintenant ce maïs hybride. Le gène terminateur pour les
cultures à autopollinisation, comme les céréales et le soja, n'est
pas différent.
Il me semble que l'on s'en tire mieux sur le plan agricole si les agriculteurs vont acheter chaque année la technologie la plus récente plutôt que de continuer à obtenir des espèces de plus en plus diluées et contaminées au fur et à mesure qu'ils produisent de nouvelles générations de semences pour leur propre utilisation. Je dirais donc qu'il vaut beaucoup mieux pour les agriculteurs qu'ils aient accès à la technologie la plus récente pour rester à la pointe du progrès en cultivant ces nouvelles variétés.
L'expression de gène terminateur est malheureuse, mais la technologie ou l'idée est bonne. Pendant de nombreuses années, on a essayé d'obtenir des plantes hybrides, de la luzerne hybride et toutes sortes d'autres choses. Ces plantes donnent des rendements extraordinaires et offrent d'autres avantages, mais si on commence, il faut retourner acheter des semences chaque année. Je ne vois aucun problème à ce que l'on doive acheter chaque année des semences pour une plante hybride, car c'est ce qu'on fait pour le maïs. Mais quelqu'un parle alors de gène terminateur.
C'est une question de communication encore une fois. C'est une question de compréhension. Il est clair qu'au Canada il y a un fossé énorme entre la réalité et la perception du public lorsqu'il s'agit de l'industrie uniquement et pas seulement de la science qui est utilisée dans l'industrie. Je pense que nous pouvons arriver à nous entendre avec nos partenaires commerciaux sur les questions scientifiques parce que la science ne change pas d'un pays à l'autre. Ce sont les recoupements éthiques et culturels qui vont causer des problèmes. Cela va susciter des inquiétudes, comme Deborah l'a dit. Changer le rôle d'un gène et insérer un gène résistant aux antibiotiques sont deux choses très différentes. C'est de cela qu'il nous faut nous inquiéter.
Le président: Nous devons en rester là, je regrette. Merci.
Monsieur Proctor.
M. Dick Proctor (Palliser, NPD): Merci beaucoup, monsieur le président.
Docteure Buszard, j'ai trouvé votre analyse très complète et assez rassurante dans l'ensemble.
En ce qui concerne le départ des étudiants, ou la fuite des cerveaux, pouvez-vous nous donner des chiffres? Est-ce que nous perdons la plupart de nos meilleurs éléments au profit de nos voisins du sud ou d'autres pays? Combien en coûterait-il de créer le conseil de recherche agricole dont vous dites qu'on a tellement besoin?
Dre Deborah Buszard: Sur la question des étudiants que nous perdons, c'est difficile à dire. Mais je crois que nous avons du mal à offrir à nos meilleurs étudiants un financement équivalent à celui qu'ils pourraient obtenir à l'extérieur. S'ils en sont à l'étape des bourses, ils peuvent très souvent aller dans d'autres régions où ils auront des montants beaucoup plus élevés.
Pour le coût de fonctionnement d'un conseil de recherche, je crois qu'il nous faut lancer un chiffre. Le CRSNG est un organisme subventionnaire très important. Je n'ai aucune idée de son budget global, mais je pense que ce serait un bon chiffre pour commencer.
Dr Jim Elliot: Si vous me le permettez, je vous signalerai que nous avons le Conseil de recherches agricoles du Canada. Il est en pleine activité. Il se réunit d'ailleurs aujourd'hui et demain à Ottawa. Il y a donc un conseil en place qui fait énormément de choses pour encourager la recherche dans le domaine agricole. Il ne finance pas la recherche. Il ne fait que proposer des recommandations et établir des priorités.
Pour la fuite des cerveaux, je ne sais trop comment la décrire. Tout ce que je peux vous dire, c'est que j'ai un effectif de 85 universitaires et que j'en ai perdu cinq au profit des États-Unis cette année. Je les ai perdus parce qu'il aurait fallu que j'augmente leur salaire de 50 p. 100 et que je donne beaucoup plus d'argent pour la recherche. Il y a une autre chose qu'on ne juge peut-être pas importante mais pour trois d'entre eux qui étaient revenus au Canada, leur conjoint ne trouvait pas de travail. Ils sont donc allés assumer des emplois aux États-Unis où ils bénéficient non seulement d'un gros salaire, mais où on offre aussi un emploi à la femme, et dans un cas au mari. Voilà donc le genre de concurrence que nous font les États-Unis.
Dr Jean-Claude Dufour: Pour compléter cette information, je dois vous dire que cette année nous avons connu une diminution de 12 p. 100 des étudiants inscrits en maîtrise. Par exemple, nous venons de recevoir un nouveau programme de l'Université du Connecticut. On offre à nos étudiants 20 000 $ par an pour faire une maîtrise et 30 000 $ pour faire un doctorat. Sept de nos meilleurs étudiants vont y aller cette année. Comment diable pouvons-nous soutenir cette concurrence?
Dr Jim Elliot: Nous pourrions offrir 15 000 $ canadiens par an à un étudiant de maîtrise et de 17 000 à 18 000 $ peut-être à un étudiant de doctorat. Vous voyez donc la différence que cela représente.
Dr Rob McLaughlin: Il y a autre chose qui augmente les problèmes que l'on a à obtenir puis à garder les étudiants de deuxième et troisième cycles pour pouvoir ensuite les avoir à disposition pour les embaucher, même si certains d'entre eux vont chez nos voisins du Sud. Nous avons tous de nombreux emplois pour tous nos diplômés. En Ontario, il y a sans doute quatre ou cinq emplois, et on se bat pour les avoir. On accorde des primes après la troisième année. Il y a toutes sortes de choses qui se passent.
L'industrie elle-même n'est pas servie comme il se doit parce que nous n'arrivons pas à combler les postes. L'agroalimentaire est sans doute l'un des secteurs qui produisent le plus de richesses, et il se développe à pas de géant, mais nous n'arrivons pas à satisfaire la demande.
La concurrence pour les étudiants de premier cycle est si grande que les salaires que certains de ces jeunes obtiennent lorsqu'ils ont leur diplôme de premier cycle sont à peu près les mêmes que ceux qu'ils obtiendraient s'ils restaient pour faire un doctorat et travailler pour nous. On ne les encourage donc absolument pas à rester dans le système.
Avec DRHC et le CRAC, le Conseil de recherches agroalimentaires du Canada, nous avons fait une étude sur l'avenir de l'offre et de la demande pour les chercheurs de l'agroalimentaire. Nous produisons énormément de scientifiques qui s'orientent ensuite vers d'autres domaines que l'agroalimentaire. La capacité existe donc, mais nous n'avons tout simplement pas suffisamment d'étudiants.
Comme Deborah l'a dit, il nous faut trouver des moyens de leur faire comprendre que c'est une industrie vraiment intéressante et qu'il y a des emplois extraordinaires à y trouver. Mais il y a des stéréotypes qui ont cours et la communication ne semble pas être bonne avec les écoles secondaires et avec nos propres étudiants. Et lorsque nous avons de bons éléments, ils sont engagés et on ne peut pas les garder dans le système pour qu'ils deviennent chercheurs.
Dr Jim Elliot: C'est un peu décourageant pour de jeunes professeurs qui sont dans le système depuis quatre ou cinq ans peut-être. On leur offre sans doute 55 000 ou 60 000 $ par an comme membre du personnel universitaire, alors que leurs étudiants de maîtrise, qui n'ont pas de doctorat, obtiennent des salaires de départ de 60 000 $.
M. Dick Proctor: J'aurais une petite question à poser à la Dre Buszard. Vous avez parlé du code d'éthique sur les OGM. Quels seraient, à votre avis, les principaux éléments de ce code d'éthique? Y incluriez-vous l'étiquetage des aliments génétiquement modifiés?
Dre Deborah Buszard: Tout le monde veux répondre à cette question.
Des voix: Ah, ah!
Le président: C'est moi qui vais répondre car le délai est écoulé. Voulez-vous que je vous évite de répondre à cette question épineuse?
Dre Deborah Buszard: Non. Je dirais que je suis pour la divulgation complète et pour donner davantage de renseignements aux consommateurs. Le pire qui puisse se produire à mon avis, c'est que le public ait des craintes à l'égard du système d'approvisionnement alimentaire. Je crois que c'est en étant francs et honnêtes et en transmettant les connaissances aux consommateurs, plutôt que d'essayer de faire les choses en douce, que nous remédierons aux craintes.
Le président: Merci. J'aimerais ajouter une toute petite question sur le sujet de la soi-disant fuite des cerveaux. On entend beaucoup dire que nous les perdons au profit des États-Unis. Mais ma question serait la suivante: est-ce qu'il n'y a pas compensation avec les immigrants, les néo-Canadiens, qui viennent, non pas sans doute des États-Unis, mais d'autres pays du monde? À entendre votre accent, Jim, il me semble que vous n'avez pas grandi sur la route de Pembina près du campus de Fort Garry.
Dr Jim Elliot: Ma famille est au Canada depuis quatre générations. Je suis né et j'ai été élevé au Canada.
Le président: N'avez-vous pas grandi au Manitoba?
Dr Jim Elliot: Non, j'ai grandi à Toronto.
Le président: Oh, mais c'est un pays étranger, non?
Des voix: Ah, ah!
Le président: Nous allons maintenant donner la parole à Mme Ur pour cinq minutes.
Mme Rose-Marie Ur (Lambton—Kent—Middlesex, Lib.): Merci, monsieur le président.
J'ai deux ou trois petite questions à poser. Si le financement public est remplacé par le financement de l'industrie, est-ce que les témoins pensent perdre un peu de leur crédibilité pour la recherche qui est effectuée dans les universités? Et toujours sur le même sujet, comment pourriez-vous conserver votre crédibilité tout en recevant un financement de l'industrie?
Dr Rob McLaughlin: Nous travaillons en gros dans le domaine public et nous avons de plus en plus affaire aux problèmes que pose le droit de propriété. Je dois dire en effet que notre crédibilité en souffre à chaque fois que l'on y est mêlé d'un peu trop près, et nous trouvons en général des moyens pour faire tampon entre les domaines de propriété publique et privée. Mais comme le pourcentage de nos activités qui sont financées par le secteur privé augmente, notre crédibilité diminue. Et c'est une bonne chose que des entreprises privées—je parle notamment des producteurs de maïs et de la Commission du blé, qui sont des organismes privés—viennent davantage à la table du fait de la réduction du financement du gouvernement. Mais leurs visées changent aussi. Il est donc légitime que notre crédibilité suive le même chemin et cela pose un réel problème.
Dr Jean-Claude Dufour: Si vous me permettez d'ajouter un mot, je dirais que nous perdons de la crédibilité. Nous ne pouvons pas conserver le leadership en recherche fondamentale et c'est là que nous perdons énormément de crédibilité dans le monde entier.
Mme Rose-Marie Ur: D'accord. Comme tout le monde l'a dit ce matin, vous perdez vos scientifiques au profit de notre voisin du Sud ou d'ailleurs parce qu'on leur offre davantage. Mais nous avons le même problème avec nos agriculteurs qui peuvent en fait faire face à la concurrence de tous les agriculteurs du pays et du monde entier; ils n'ont pas leurs pareils. Mais nos agriculteurs canadiens ne font pas le poids face au Trésor américain. Et je crois qu'il en va de même dans votre domaine. Comme vous le dites, les États-Unis peuvent offrir à ces gens... C'est la même chose dans notre secteur agricole. On leur a accordé une subvention de 6 milliards de dollars. On ne peut pas faire la même chose au Canada. Que ce soit dans votre domaine ou dans celui des producteurs primaires, je pense que nous vivons la même expérience.
Docteure Buszard, à moins que j'aie mal compris, j'ai trouvé intéressant de vous entendre dire que le public s'inquiétait moins des risques lorsqu'il s'agit des animaux que lorsqu'il s'agit des plantes. J'aurais cru le contraire.
Dre Deborah Buszard: Peut-être me suis-je mal exprimée. Je crois que sur le plan alimentaire, les principales inquiétudes viennent des matériels végétaux modifiés car on modifie des plantes pour qu'elles résistent aux parasites et aux maladies, pour leur ajouter certains gènes qu'elles n'avaient pas avant. Notre travail dans le domaine de la biotechnologie animale n'en est pas arrivé à ce stade. Nous ne produisons pas d'aliments modifiés par la biotechnologie animale.
Chose intéressante, les représentants de Nexia que vous allez accueillir sont en train de se lancer dans... La production des produits pharmaceutiques grâce à la biotechnologie animale est en fait la nouvelle orientation de cette industrie. Nexia est encore allée plus loin en produisant une nouvelle fibre grâce aux chèvres qu'ils ont obtenues. Du point de vue des producteurs primaires, c'est une chose très intéressante, parce qu'un litre de lait au Québec se vend quelque chose comme 50c. alors qu'un litre de lait de ces chèvres pourrait valoir 20 000 $. Donc, si vous étiez éleveur de chèvres, je sais quel type de chèvres vous préféreriez produire. Il y a aussi des inquiétudes dans ce domaine, mais elles sont d'un autre ordre. On s'inquiète à l'heure actuelle davantage des risques et des problèmes éthiques pour les animaux que pour les aliments.
Le président: Docteur Elliot.
Dr Jim Elliot: Laissons la biotechnologie pour passer à un autre exemple. Voyez ce qui s'est produit avec l'irradiation des aliments. C'est une technique parfaitement sûre qui représentait sans doute le remède universel pour la sécurité des aliments dans notre pays or cette technique a été stoppée nette dans notre pays. Ce sont les consommateurs qui ont demandé son interdiction. Et on va avoir le même problème. Cela commence à se produire—c'est l'optique des consommateurs par rapport à la réalité.
Mme Rose-Marie Ur: Je crains que nous ne soyons pas d'accord là-dessus.
Docteure Buszard, où y a-t-il le plus de problèmes, avec les pesticides ou avec le génie génétique, lorsqu'on vend...?
Dre Deborah Buszard: Je ne puis répondre à cela. Il y a des éléments positifs dans les deux méthodes. Nous essayons évidemment de réduire le recours aux pesticides chaque fois que c'est possible, à cause des effets négatifs que peut avoir l'industrie des pesticides sur l'environnement et à cause des effets de l'utilisation des pesticides eux-mêmes.
Le président: Merci.
Monsieur Hilstrom.
M. Howard Hilstrom: Tout d'abord, en ce qui concerne le financement destiné aux universités, il devrait certainement y avoir le financement des universités et le financement du secteur privé. Mais il faut créer des richesses et bien sûr il importe que le gouvernement fédéral établisse les priorités voulues.
• 1010
Vous avez dit que le fonds du millénaire était une belle chose
pour les universités. Puis-je vous poser une question? Au sujet de
ces 2,5 milliards de dollars, vaut-il mieux que cet argent soit
accordé dans le cadre du fonds du millénaire du gouvernement ou
devrait-il aller directement aux universités? Il me semble qu'il
serait plus utile qu'il aille directement aux universités plutôt
que de devoir faire le tri des étudiants qui seront choisis pour
tel et tel voyage ou tel et tel financement. Qu'en pensez-vous?
Dr Alan Meek: Quelqu'un veut-il répondre à cette question?
M. Howard Hilstrom: Comment devrait se faire le financement? Il n'est pas nécessaire d'aborder l'aspect politique.
Dre Deborah Buszard: Je ne vais pas faire de politique, mais, avec votre permission, je dirais que le manque de financement dans les universités québécoises est plus critique au niveau des facultés et de l'infrastructure qu'au niveau de l'aide accordée aux étudiants.
M. Howard Hilstrom: Voilà une bonne réponse.
S'agissant de la fuite des cerveaux, il s'agit de quelque chose d'une assez grande portée. Si on me payait un million de dollars dans un pays et que je doive verser 600 000 $ d'impôt, ou qu'on m'accorde un million de dollars dans un autre pays et que l'impôt soit de 400 000 $, où croyez-vous que j'irais travailler?
Dre Deborah Buszard: Cela dépend des services.
M. Howard Hilstrom: D'accord. Le fait est qu'on prend des décisions économiques en se fondant sur cela et personne n'a jugé bon de mentionner la fiscalité comme un problème au Canada. Pensez-vous que ce soit un problème? Est-ce un facteur qui entre en jeu? Plus simplement, parlons de la fiscalité comme facteur.
Dr Rob McLaughlin: C'est évidemment un facteur lorsque nous essayons d'engager des gens et de provoquer une fuite ailleurs. Ainsi, lorsqu'on essaie d'attirer au Canada les meilleurs éléments américains, c'est un problème. Je dirais cependant que jusqu'à un certain point, les conditions de vie et les services sociaux au Canada nous sont favorables—pas le régime fiscal, mais tout ce que l'impôt permet de payer. Moi aussi, à Guelph, j'ai perdu plusieurs membres de la faculté au profit des États-Unis. Mais j'ai aussi plusieurs membres à qui des entreprises américaines ont fait des propositions très avantageuses et qui ont refusé parce qu'ils veulent élever leur famille ici et vivre ici.
M. Howard Hilstrom: Oui, il y a toutes sortes d'exemples dans un sens comme dans l'autre.
Il y a par ailleurs la politisation des OGM. Malheureusement, cela s'est déjà produit et on ne peut revenir en arrière. Tous les ministres du gouvernement en place et tous les députés et sénateurs devraient lire le procès-verbal de cette réunion d'aujourd'hui car certains d'entre vous ont fait des remarques affreuses.
La politisation... Je m'entends très bien avec Murray Calder, mais il a politisé cette réunion en soulevant la question du gène terminateur et en ne racontant l'histoire qu'à moitié pour essayer d'en faire une question contestée et négative lorsqu'il s'agit des progrès scientifiques et des décisions scientifiques. Le Conseil des Canadiens et Maude Barlow font sans doute la même chose.
Avez-vous des solutions autres que le simple fait pour les universités de rendre l'information publique en disant que telle chose présente tel risque, un petit risque, et telle autre un gros risque et qu'on ne recommande pas d'utiliser la médecine vétérinaire ni les procédures qui présentent des risques élevés, mais qu'on est d'accord pour utiliser les procédures qui présentent moins de risques? Pouvez-vous en parler un peu?
Dr Alan Meek: Je ferai une observation brève et certains des doyens pourront ensuite intervenir.
Je crois que les universités ont un rôle à jouer à ce chapitre, c'est celui de médiateur impartial.
Dr Alex Livingston (doyen, Collège vétérinaire de l'Université de Saskatoon): J'allais dire que ce qui se passe avec la BST constitue un bon exemple. Peut-être que la situation vient en partie du fait que c'est une compagnie multinationale qui a son siège social aux États-Unis qui en a fait la promotion, ce qui a immédiatement donné l'impression que tous les témoignages présentés étaient tendancieux parce qu'on voyait un aspect négatif à ce qui était fait.
Prenons les êtres humains génétiquement modifiés. C'est un sujet difficile. Mais que diriez-vous si nous avions un système pour modifier génétiquement les personnes qui souffrent de la chorée de Huntington—ces gens qui sont atteints d'une maladie atroce à 20 ans? Si on pouvait la guérir simplement en insérant un gène, est-ce que ce serait une mauvaise chose?
M. Howard Hilstrom: Exactement. Là est le problème.
• 1015
Lorsque les universités jugent un produit sûr—c'est le cas du
canola, de la BST, des hormones de croissance, des hormones de
croissance pour les bovins, etc.—et que les données scientifiques
indiquent que le risque est très faible... il n'y a pas de produit
ni d'objet qui ne présente un risque. Ce stylo présente un certain
risque. Est-ce que le producteur primaire—l'agriculteur,
l'éleveur—ne devrait pas être celui qui décide si oui ou non il va
utiliser ce produit sans danger dans son entreprise agricole ou
dans son élevage? Autrement dit, le fait que telle vache puisse
produire six mois de plus ou six mois de moins, n'est-ce pas une
décision économique qui revient à l'éleveur? Est-ce l'éleveur ou le
gouvernement qui doit prendre cette décision?
Dr Alan Meek: Je vais faire une remarque très rapidement et je donnerai ensuite la parole à Rob. Je crois que les agriculteurs et les éleveurs prennent ce genre de décisions...
Le président: Nous ne pouvons plus accepter qu'une réponse brève.
Dr Alan Meek: Je crois que les agriculteurs et les éleveurs prennent ce genre de décisions depuis longtemps. Il y a des technologies qui sont offertes depuis longtemps et les agriculteurs décident ou non de les appliquer depuis longtemps.
Le président: Nous allons passer à M. McGuire.
M. Joe McGuire (Egmont, Lib.): Merci, monsieur le président.
J'ai lu récemment un article de Peter McCann dans lequel il recommandait de ne pas être dupe de la position européenne relative à la biotechnologie, et il disait que les gouvernements érigent des barrières au commerce en utilisant la biotechnologie, mais en même temps la plupart des pays d'Europe occidentale sont très actifs et mettent des dizaines de millions, voire des milliards, de dollars dans la recherche en biotechnologie et ils seront prêts. Une fois passée la crainte du public à l'égard des Frankenstein, ils seront tout aussi prêts que nous pour commercialiser des aliments génétiquement modifiés.
Vous qui êtes des scientifiques, pensez-vous que Peter dise vrai?
Le président: Rob.
Dr Rob McLaughlin: Oui, absolument, bien que je ne sois pas d'accord avec vous sur un point. Je dirais qu'ils sont plus prêts que nous. Je crois que notre public n'est pas bien informé alors que le leur l'est parfaitement. C'est une chose qui n'a pas encore été faite ici et qu'il nous faut faire. La biotechnologie existe sur le marché, mais pas de façon transparente. Elle est présente; elle est arrivée en fait sur le marché avant que le public ait eu l'occasion d'en discuter et je crois que ce sera difficile à faire admettre.
Le problème que pose actuellement les biotechnologies, c'est qu'elles sont profitables aux producteurs mais non aux consommateurs. On en est à la lutte contre les mauvaises herbes ou les parasites, ou à l'amélioration de la production laitière. Lorsqu'on arrivera aux biotechnologies qui ont un effet positif direct sur les consommateurs, j'imagine que les inquiétudes de l'Union européenne vont très rapidement disparaître.
Mais il nous faut faire preuve de sélectivité pour ce que nous mettons sur le marché. Dans le domaine scientifique en général, l'agroalimentaire a tendance à être à l'avant-garde. La plupart des découvertes médicales que nous avons faites, la plupart des découvertes mécaniques qui remontent à plusieurs décennies et qui ont en fait une application quotidienne actuellement, sont venues de l'agriculture. En réalité, l'essentiel du travail qui est fait dans le domaine de la santé des animaux aussi bien que dans le domaine agroalimentaire tombera dans le domaine public pour le bien général à la longue et la population finira par le tenir pour acquis. Mais je dois dire qu'avant que nous arrivions là où en sont les Européens, il nous faudra avoir quelques débats publics.
M. Joe McGuire: On dit que la biotechnologie sera la question qu'on laissera de côté aux négociations de l'OMC, ces prochaines années, surtout à cause de la résistance européenne à l'égard des importations d'aliments génétiquement modifiés et vous dites que le public européen est mieux préparé que nous. Je croyais que nous étions mieux préparés que lui.
Dr Rob McLaughlin: Il est mieux informé et de ce fait, certaines biotechnologies, n'atteindront pas le marché. Il y a déjà des biotechnologies sur le marché, mais un débat approfondi a déjà eu lieu à leur égard, alors qu'il n'a pas eu lieu chez nous. C'est pourquoi on parle beaucoup des biotechnologies du marché, parce qu'on n'a pas encore eu ce débat.
M. Joe McGuire: Nous avons lu toute la semaine des articles dans divers journaux et toute cette campagne devrait arriver à son point critique samedi avec la conférence avec Maude Barlow. En gros, tout le battage publicitaire de cette semaine pour alerter la population aux dangers de la biotechnologie va arriver à son point culminant samedi.
• 1020
Est-ce que les représentants de notre pays font leur travail
en disant qu'il s'agit là d'alarmisme et que notre système est
fondé scientifiquement, que l'on a répondu à des questions et
procédé à des tests de façon rigoureuse et qu'il est parfaitement
sûr? Il est facile de rédiger un article sur les aliments à la
Frankenstein; mais il est moins aisé d'écrire quelque chose pour
montrer que l'on peut avoir une variété de pommes de terre qui est
résistante au doryphore. Le premier article fait sensation, le
deuxième laisse indifférent.
Dr Rob McLaughlin: Nous avons un système de réglementation extraordinaire et, personnellement, je ne souhaite vivre nulle part ailleurs lorsqu'il s'agit d'avoir accès à des aliments sûrs. Mais rien n'est parfaitement sûr. Il y a un risque dans tout.
Je pense que le public européen est beaucoup plus au courant des risques que le public canadien et que ce dernier est donc plus facilement effrayé par les alarmistes. Nous n'en sommes pas encore au point où notre public est parfaitement au courant de ces technologies et c'est là le plus gros problème que nous avons actuellement.
Le président: Je vais tenter ma chance encore une fois. Nous entendons parler de cet exode des talents que l'on appelle la fuite des cerveaux, surtout vers les États-Unis. Quelqu'un peut-il me parler des talents qui arrivent dans notre pays?
Dr Alex Livingston: Il y a là une possibilité. Vous avez évidemment compris que j'étais un nouvel arrivant. À mon accent, j'imagine que vous vous en doutiez.
Nous pourrions en fait attirer des Américains doués dans l'ouest du Canada. Le problème est que très souvent, même s'ils sont attirés par la liberté universitaire qui existe dans notre pays, je crois que la rémunération que nous pouvons leur offrir les dissuade de venir. Je ne parle pas du revenu après impôt, mais du revenu brut; ça revient à choisir une voiture de 1991 plutôt qu'une voiture de 1995. Ils ont simplement l'impression de ne pas pouvoir à leur famille un niveau de vie correspondant à celui qu'ils peuvent obtenir en étant dans le système universitaire américain. Ce sont ces choses-là qui servent de comparaison. Je ne vais jamais pouvoir faire face à la concurrence pour ce qui est d'attirer un pathologiste aviaire qui travaille pour une grosse entreprise avicole américaine, jamais. La question est de savoir si je peux soutenir la concurrence de l'Université de Caroline du Nord lorsqu'il s'agit d'attirer un pathologiste aviaire. Pas vraiment avec le système de financement que nous avons.
Il y a autre chose que j'aimerais dire au sujet des universitaires qu'il ne faut pas oublier. C'est souvent leur désir de faire de la recherche qui les mène et je crois que je pourrais tout à fait attirer un bon universitaire en lui offrant 10 000 ou 20 000 $ de moins si je pouvais lui garantir qu'il disposera de 100 000 $ par an pour la recherche comme Deborah l'a indiqué. Nombreux sont les scientifiques qui s'inquiètent moins de leur rémunération personnelle que de leur possibilité de repousser les limites de la recherche, et ce genre de financement constitue un problème dans notre secteur.
Dr Jim Elliot: Je crois que l'autre problème qui n'a pas encore été mentionné est que nous avons des gens qui viennent d'autres pays—je viens d'engager quelqu'un qui vient de France la semaine dernière—mais il nous faut prendre en considération les Canadiens d'abord. On ne peut pas étudier les demandes étrangères avant d'avoir rejeté toutes les demandes canadiennes. Autrement dit, s'il y a un Canadien qualifié pour votre concours, c'est lui que l'on prend de préférence. Il faut donc faire d'abord cette opération avant d'être autorisé à faire de la publicité à l'échelle internationale. Souvent donc, on désespère un peu de combler le poste s'il y a un Canadien qui fait à peu près l'affaire. Peut-être que l'on ne fait pas suffisamment preuve de discernement.
Mais ce problème existe. Il y a un mécanisme; il y a une politique qui prévoit que l'on engage d'abord des Canadiens et il faut passer par ce processus.
Le président: Voulez-vous ajouter quelque chose, docteure Buszard?
Dre Deborah Buszard: Oui. Je veux simplement répondre à votre question sur les gens des autres pays du monde qu'on fait venir.
Le président: Je ne suggère même pas de prévoir des programmes pour faire venir des gens. Je me demande simplement si cela se produit pour une raison ou pour une autre actuellement.
Dre Deborah Buszard: Cela se produit dans une très faible mesure. Mais le fait est que dans le domaine scientifique—et nous ne représentons qu'un domaine scientifique lorsqu'on parle de la recherche du secteur des sciences sociales—ce qui se fait de mieux se produit en général en Amérique du Nord. Nous avons un tel avantage concurrentiel avec notre liberté universitaire et avec les occasions que nous offrons aux scientifiques d'Amérique du Nord qu'il n'y a tout simplement pas vraiment beaucoup de savants que nous puissions attirer. C'est chez nous que ça se passe. Je suis très fière de pouvoir le dire et j'en suis tout à fait convaincue. Regardez les prix Nobel, par exemple, le pourcentage de nord-américains est nettement supérieur à celui de n'importe quel autre groupe de scientifiques du monde. Mais nous sommes toujours en concurrence pour ces meilleurs éléments avec les États-Unis.
Le président: Je comprends. Merci beaucoup.
Madame Alarie.
[Français]
Mme Hélène Alarie: Docteur Livingston, quand nous sommes allés à Saskatoon, j'ai éprouvé un peu de jalousie quand j'ai vu comment toutes vos infrastructures étaient près les unes des autres et créaient une synergie extraordinaire dans le monde scientifique. Chez nous, on a des institutions centenaires et on ne les change pas de place. Ce n'est pas là le but de mon propos, mais je me pose la question suivante. Lorsqu'on crée, par exemple, une porcherie exemplaire comme celle du centre de recherche de Lennoxville au coût de 6 millions de dollars, ce type de décisions est-il pris en consultation avec le doyen? Dans ce cas concret, pour ceux qui ne connaissent pas le Québec, il y a une porcherie dans un centre de recherche et il y a ailleurs le collège Macdonald, la Faculté de médecine vétérinaire et la Faculté de l'agriculture de l'Université Laval. La porcherie est à plusieurs centaines de kilomètres d'une source d'information et, de surcroît, dans un coin de pays où il n'y a pas de cochons. Comment peut-on prendre des décisions comme celle-là? Comment voulez-vous ainsi créer une synergie?
[Traduction]
Dr Alex Livingston: À Saskatoon, nous avons en effet la chance d'avoir du terrain et de la place autour de l'université. C'est donc un peu par hasard que nous avons eu l'occasion de créer simplement un noyau de biotechnologie et de recherche agricole, car dans de nombreuses villes, la possibilité de construire autour de l'université—des villes comme Ottawa—n'existe tout simplement pas. Nous avons beaucoup de porcheries en Saskatchewan, mais nous avons aussi beaucoup de place, ce qui fait qu'on ne les voit pas beaucoup. Nous avons la place pour les mettre à une distance raisonnable les unes des autres et cela permet également de minimiser les incidences sur l'environnement.
Mais il y a un avantage qui a été extraordinaire pour nous, c'est la capacité de créer une synergie entre l'industrie, l'université et tous ces petits domaines délicats qui se situent les deux. Nous avons la Veterinary Infectious Diseases Organization (l'Organisation des maladies infectieuses vétérinaires) qui est un centre de recherche subventionné par l'État et qui fait des travaux de recherche parmi les plus complexes pour le quasi-marché dans le domaine des vaccins mis au point par le génie génétique. Mais les personnes qui dirigent cette organisation sont membres de ma faculté. Elles ont ce statut au sein de l'école de médecine vétérinaire. Le premier vaccin de génie génétique du monde pour animaux a été mis au point dans ce centre. Les gens qui y travaillent ont un poste universitaire dans mon collège. Ils ont des liens avec l'industrie et ils ont des contrats avec Bowringer, Pfizer, etc. Nous avons de la chance.
Le président: La Dre Buszard souhaite dire quelque chose.
Dre Deborah Buszard: Je veux simplement dire que j'estime que certains centres du pays—Saskatoon en est un et Guelph en est un autre—ont eu suffisamment de chances pour créer ce genre de partenariat synergique avec des groupes représentant les gouvernements fédéral et provinciaux, les universités et l'industrie. Je ne pense pas que l'on soit allé suffisamment loin avec ce genre de collaboration, et il serait sans doute utile qu'Agriculture et Agroalimentaire Canada envisage à l'avenir de constituer des partenariats sur les campus universitaires pour profiter des installations qui existent déjà et mieux utiliser ses propres installations de recherche en nous aidant à former les futurs chercheurs.
Dr Jean-Claude Dufour: Je veux juste ajouter une chose. Oui, nous avons participé à ce genre d'entreprises, mais, comme vous le savez sans doute maintenant, nous ne pourrons pas lancer un projet de recherche dans ces installations avant cinq ans. Elles sont entièrement réservées jusque-là. Nous devons donc en construire une au Québec et nous avons maintenant exactement le même problème.
Mme Hélène Alarie: Je voudrais parler de vos relations avec l'ACDI. Je ne sais pas si vous en avez, mais on sait qu'il y a des besoins criants dans les pays en voie de développement. Vous êtes des chercheurs et vous pouvez résoudre certains problèmes, mais je ne sais pas comment la jonction peut se faire et si elle se fait.
[Traduction]
Dr Alan Meek: La plupart de nos facultés sont liées par l'intermédiaire de l'ACDI à divers projets qui sont en cours de réalisation dans le monde. Je ne sais si les doyens présents souhaitent illustrer cela en donnant les exemples qu'ils connaissent.
Rob.
Dr Rob McLaughlin: Nous avons déjà participé à plusieurs et nous continuons à nous occuper de projets financés par l'ACDI à Guelph, directement par l'entremise de l'AUCC et l'ACCC, le regroupement des collèges parce que leur collège fait partie du système de Guelph. Ces projets peuvent être de grande envergure ou au contraire limités; ils peuvent être très pointus ou assez généraux. Je veux vous en citer quelques-uns à titre d'exemple. Nous avons le Collège d'Alfred. Il collabore avec le Guelph Food Technology Centre (le Centre de la technologie alimentaire de Guelph) qui est une organisation de transformateurs d'aliments et avec le laboratoire ontarien des aliments pour aider le Maroc à améliorer la qualité de son alimentation, pour lui permettre de conserver les marchés dont il dispose actuellement, notamment l'huile de palme. Ce n'est pas un très gros projet.
Nous avons eu un gros projet en Afrique australe. Il concernait 14 pays de la région qui voulaient se doter de la capacité nécessaire pour améliorer l'environnement et ce projet portait sur tout un ensemble de domaines à commencer par le tourisme écologique jusqu'à l'exploitation minière à faibles répercussions, en passant par l'agriculture durable. Nous nous occupons d'un assez large éventail de choses. Nous cherchons d'ailleurs des ressources en dehors des facultés d'agriculture pour réaliser certaines parties de ce projet.
Plus récemment, nous sommes allés en Europe de l'Est. J'étais en Roumanie il y a deux semaines et il y a certainement beaucoup de travail à faire dans ce pays. Il avance, et nous avons le savoir-faire voulu pour l'aider.
Notre problème vient en partie ce que notre tendance, dans certains domaines, à faire énormément de travail de développement international et les facultés trouvent en général les ressources pour le faire alors qu'elles ne parviennent pas à les trouver lorsqu'il s'agit de notre pays. Le développement des collectivités rurales en est un exemple parfait. Nous investissons très peu dans la R-D des collectivités rurales, mais nous avons énormément de savoir-faire dans les collèges pour ce développement à l'échelle internationale. Il nous faut en quelque sorte trouver davantage de ressources dans le pays et rapatrier les experts au Canada, car nous nous débrouillons beaucoup mieux lorsqu'il s'agit du développement des communautés rurales en Afrique qu'au Canada.
Le président: Merci.
Monsieur Proctor.
M. Dick Proctor: Merci beaucoup, monsieur le président.
Docteure Buszard, la troisième de vos questions importantes concernait le changement climatique à l'échelle de la planète et vous avez parlé précisément du triangle de Palliser et de la sécheresse que l'on prévoit pour les prochaines années dans cette région. Étant donné la situation géographique de cette région, il est clair que plus au sud, aux États-Unis, il y a énormément de terres arables. Que va-t-il se passer plus au sud, dans les deux Dakotas et encore plus loin vers le sud, en ce qui concerne les terres arables? Le savons-nous?
Dre Deborah Buszard: Je ne suis pas spécialiste de climatologie, mais je crois que ce que l'on dit, c'est qu'une grande partie de cette région centrale productrice de blé ainsi que la ceinture de maïs des États-Unis vont devenir beaucoup moins accueillantes pour l'agriculture et beaucoup plus exigeantes en ressources en eau. Et cela aura des effets supplémentaires sur l'environnement.
Ce qui nous inquiète notamment, dans le milieu des universités et de la recherche, c'est que les décisions concernant les problèmes du changement climatique vont être prises trop rapidement au Canada et sans que l'on ait pu faire la recherche fondamentale nécessaire. On parle tout à coup du problème, et les réponses qu'il demande ne sont pas de celles que l'on peut donner rapidement.
Je crains personnellement que le Canada n'adopte des politiques économiques en se fondant sur une information très peu solide, car nous n'avons simplement pas eu le temps de faire des travaux scientifiques suffisants pour donner l'information nécessaire pour prendre ces décisions économiques. Je pense par exemple que certaines des choses que nous faisons en agriculture pourraient être liées à profit au problème du dioxyde de carbone et l'on pourrait utiliser nos pratiques agricoles et forestières comme moyen pour résoudre le problème du réchauffement de la planète. Mais il nous faut du temps pour offrir de véritables réponses à ce problème.
M. Dick Proctor: Vous avez aussi parlé des accords commerciaux internationaux. La question est liée, j'imagine, mais certains s'inquiètent beaucoup de l'exportation de l'eau douce vers les États-Unis. Comment mesurer une telle chose? Est-ce une grosse préoccupation pour vous si vous prenez en considération l'ALENA et les possibilités d'exportation d'eau douce? Si des États comme le Kansas et les deux Dakotas, par exemple, commencent à manquer d'eau douce et en ont vraiment besoin, va-t-on simplement ouvrir le robinet canadien et l'eau va s'écouler vers le Sud?
Une voix: Ils vont essayer.
Dre Deborah Buszard: C'est une question de nature très politique. Je pense certainement qu'il y aura des problèmes territoriaux à l'avenir au sujet de l'eau. L'eau devient si rare dans certaines régions du monde.
Nous avons un centre de recherche sur les ressources en eau à McGill et l'un de ses professeurs est revenu récemment d'un voyage dans le nord du Nigéria. Il y a dans cette région des villages où l'on doit creuser à plus d'un kilomètre de profondeur pour obtenir de l'eau. C'est tout simplement inimaginable. C'est une technologie qui n'est pas du tout indiquée pour un village du nord du Nigéria. Et pourtant, c'est à de telles extrêmes que les populations de certaines régions sont poussées.
Le président: Monsieur McGuire.
M. Joe McGuire: Merci, monsieur le président.
J'aimerais savoir ce que vous pensez des initiatives de fonds de contrepartie pour la recherche par rapport aux subventions publiques. Pensez-vous que de telles initiatives donnent les résultats voulus pour les travaux scientifiques nécessaires à long terme comparés au financement de la recherche par l'État?
Dr Jim Elliot: Vous voulez parler du programme de coinvestissement dans la R-D d'Agriculture Canada?
M. Joe McGuire: Oui.
Dr Jim Elliot: Je crois qu'il a été un bon outil de gestion, mais de ce fait, à un moment où les universités sont contraintes de travailler davantage avec l'industrie du fait de la politique publique, qui veut que l'on collabore davantage avec l'industrie pour la recherche, Agriculture Canada est arrivé avec une somme importante, 35 millions de dollars, qui lui permet d'aller dire aux entreprises: «Venez travailler avec nous, car nous pouvons vous offrir des dollars à 50 cents.» Nous ne pouvons faire une telle offre à l'industrie. Pour ceux qui parlent d'égaliser les chances, et bien cela a eu pour effet de faire nettement pencher la balance.
Dr Rob McLaughlin: Ce qui nous inquiète aussi, c'est qu'Agriculture et Agroalimentaire Canada ne perçoit pas de frais généraux sur ses contrats. Il est donc plus intéressant pour une entreprise de travailler avec AAC. On ne veut pas du tout ergoter là-dessus, je crois que c'est nécessaire, et je crois qu'il est utile que l'on s'aligne de plus près sur certaines de ces initiatives qui concernent les domaines utilitaires du quasi-marché.
Le problème, c'est que l'on entraîne une usure de l'infrastructure dans leurs installations, tout comme c'est le cas pour notre infrastructure, et pour faire face à la concurrence, nous devons facturer des frais généraux aux entrepreneurs pour pouvoir continuer à entretenir nos installations et à nous réapprovisionner en ressources. On s'inquiète donc, du côté des facultés, de l'égalité des chances, mais également des répercussions de tout cela à long terme. Je suis heureux, quant à moi, de constater qu'Agriculture Canada travaille de façon plus directe en première ligne avec l'industrie, mais en même temps, comme nous l'avons déjà dit, cela a entraîné une érosion de l'investissement global dans les systèmes à l'extrémité supérieure; il s'agit de choses plus terre-à-terre—même si elles sont utilitaires.
Le président: Monsieur Hilstrom.
M. Howard Hilstrom: Merci, monsieur le président. Je pense que l'on devrait s'occuper un peu de médecine vétérinaire, mais avant tout j'aimerais faire une remarque.
Monsieur McLaughlin, si jamais votre contrat arrive à expiration là-bas, vous pourriez sans doute être utile au pays en tant que ministre de l'Agriculture, si ça vous intéresse.
Dr Rob McLauglin: Voilà qui devient très politique.
M. Howard Hilstrom: Docteur Livingston, on procède à des travaux de recherche dans le domaine de la médecine vétérinaire qui vont donner lieu à des applications d'ici quatre ou cinq ans, je crois. On en a parlé par bribes dans les journaux. Pouvez-vous nous dire un peu quel genre de recherche on fait dans ce domaine, et s'il y a un processus d'éducation qui est prévu pendant qu'on procède à cette recherche pour que la population sache que cela arrive et qu'elle comprenne et accepte la chose lorsqu'elle sera appliquée dans quatre ou cinq ans? Pourriez-vous nous en parler un peu?
Dr Alex Livingston: Les deux domaines auxquels nous nous sommes avant tout attachés sont le contrôle et la surveillance des maladies animales. Le fait de pouvoir répondre avec exactitude en donnant l'information voulue aux questions concernant la situation des maladies dans le pays, dans une province ou dans une région donnée, est devenu vraiment important pour réagir face aux barrières non tarifaires au commerce. C'est une chose qu'il est très difficile de faire. On peut vous dire: «Il faut que vous puissiez me prouver qu'il n'y a pas de cas de tuberculose dans le cheptel bovin de votre pays avant que je vous autorise à exporter des bovins ou de la viande de boeuf dans notre pays.» Il est très difficile de montrer que quelque chose n'existe pas. Il est aussi très difficile de demander aux producteurs d'en assumer le coût.
• 1040
Je vais vous donner un exemple. Si un éleveur me fait venir
dans son exploitation parce que ses vaches meurent, il est heureux
que je puisse lui dire pourquoi elles meurent. Mais si je vais dans
son exploitation et que ses vaches ne meurent pas, lorsque je lui
dis: «J'ai fait les tests nécessaires et vos vaches n'ont pas la
tuberculose. Ça fera 1 000 $», il va me répondre: «Un instant! mes
vaches ne mouraient pas. Pourquoi devrais-je vous donner de
l'argent pour que vous me disiez quelque chose que je sais déjà?»?
Le problème, c'est qu'avec les barrières non tarifaires au commerce, c'est exactement ce que l'on devra faire. Il nous faudra pouvoir dire que nous n'avons pas de cas de BSE (encéphalopathie bovine spongiforme) ni de tuberculose. Il faudra que quelqu'un paie la facture. C'est très difficile de demander aux producteurs de le faire.
M. Howard Hilstrom: Le producteur devra payer parce que nous sommes en train d'instituer le système de remontée de l'information. Vous connaissez tout ça, avec le marquage et le reste.
Dr Alex Livingston: Vous avez soulevé la question de l'orientation en matière de production animale. L'autre problème auquel on s'est attaché, est celui de la sécurité des aliments et c'est quelque chose qui intéresse tout le monde. Il y a deux volets à cette question. Le premier concerne la contamination bactérienne. Il nous faut savoir d'où elle est venue. De l'exploitation agricole? De l'usine de transformation? Du restaurant? Des couteaux et des fourchettes, ou des mains du cuisinier? Il nous faut vérifier ces facteurs. L'autre volet concerne les résidus des antibiotiques et des médicaments. Dans le domaine de la recherche vétérinaire, on s'attache actuellement à la prévention et à la vaccination plutôt qu'au traitement. Et on fait de gros progrès dans ce domaine.
Par ailleurs, le public ne veut pas trouver des entailles dans la viande qui correspondent aux grosses cicatrices laissées par les vaccins. C'est très désagréable. On n'en veut pas. On essaie donc de trouver de nouveaux moyens d'administrer les vaccins aux animaux, c'est-à-dire par voie orale, par inhalation, etc. On fait énormément de travaux de recherche là-dessus.
M. Howard Hilstrom: Des comptes rendus sont certainement publiés dans vos revues scientifiques, mais le grand public... Je n'ai vu le sujet mentionné qu'une ou deux fois dans les journaux, mais ça va.
S'agissant de l'approvisionnement mondial en alimentation et de faire en sorte qu'il y en ait assez à l'avenir, il y a deux industries en particulier, les secteurs porcin et avicole, qui semblent devoir compter absolument sur une faible administration d'antibiotiques. Y a-t-il un moyen de produire dans ces secteurs sans ces petites quantités d'antibiotiques?
Dr Alex Livingston: Il s'agit en l'occurrence d'antibiotiques stimulateurs de croissance et non de ceux qui permettent de lutter contre la maladie. C'est une question épineuse. Il nous faudra peut-être chercher d'autres stratégies pour obtenir ces taux de croissance autrement qu'avec les antibiotiques, surtout les antibiotiques qui peuvent avoir leur place en médecine humaine. Je crois que les jours de cette façon de procéder sont comptés. Il nous faudra trouver d'autres solutions qui permettront d'obtenir le taux de croissance voulu sans avoir recours aux antibiotiques—le génie génétique peut-être.
Le président: Merci.
Sur la question de la biotechnologie, ce n'est pas un phénomène nouveau, et pourtant il semble qu'il suscite actuellement davantage de controverses peut-être que dans le passé. Qu'est-ce qui a changé?
Dr Jim Elliot: Le canola a été mis au point par la biotechnologie. Autrement dit, nous avons modifié les gènes en procédant par hybridation, procédé que l'on considère, j'imagine, comme plus naturel. Ce qui a changé, c'est que nous avons maintenant la possibilité de choisir certains gènes, et même de les prendre dans d'autres espèces pour obtenir une caractéristique donnée. Avant, lorsque l'on faisait de l'hybridation, on ne pouvait pas par exemple procéder à l'hybridation naturelle du canola et du maïs. On peut maintenant prendre un gène dans le maïs et le mettre dans le canola. C'est ce qui a changé.
Le président: Encore une chose sur la biotechnologie. Il semble y avoir des différences incroyables entre les scientifiques que l'on a ici et qui connaissent bien la biotechnologie et ceux qu'il y a en Europe. Je suis sûr que vous dialoguez et que vous assistez aux mêmes conférences. Pourquoi y a-t-il donc une telle différence entre les deux continents sur cette question particulière—ou cette différence n'est-elle pas aussi importante que cela?
Dre Deborah Buszard: Mes propres travaux de recherche portent en fait sur les récoltes de fruits qui ont tous été clonés depuis que l'on a obtenu la pomme McIntosh il y a 250 ans. Je n'ai jamais travaillé sur quelque chose qui ne soit pas un clone; c'est donc dans tous les cas de la biotechnologie sous une forme ou sous une autre.
Dans le domaine dont je m'occupe, tous les chercheurs qui font des obtentions végétales à l'heure actuelle utilisent ces types de techniques. On ne peut tout simplement pas obtenir les mêmes avantages ni les caractéristiques plus marquées que l'on recherche maintenant avec les technologies anciennes. Elles sont trop lentes, et nous devons faire davantage de progrès. Nous devons augmenter le rendement; nous devons modifier les procédés métaboliques des plantes.
Le président: Monsieur Calder.
M. Murray Calder: Merci beaucoup.
J'aimerais simplement préciser ce qu'a dit le Dr Livingston concernant les stimulateurs de croissance chez les porcins et la volaille. J'ai été éleveur de porcs. Je ne le suis plus, mais je suis encore aviculteur en activité. À la façon dont nous gérons nos exploitations avicoles, nous participons au programme de vaccination, nous faisons de la génétique aviaire, nous procédons au sexage des troupeaux, nous établissons le régime alimentaire par ordinateur, etc. Bien franchement, nous n'utilisons pas de stimulateurs de croissance dans nos exploitations. Je voulais simplement le préciser.
Dr Alex Livingston: Je répondais à M. Hilstrom. Je crois qu'il voulait parler d'antibiotiques stimulateurs de croissance.
M. Howard Hilstrom: Je parlais des antibiotiques qui permettent de lutter contre la maladie et d'éviter de perdre des animaux. Et il y a ensuite les produits utilisés pour la croissance—ce sont donc deux caractéristiques.
Dr Alex Livingston: On utilise les antibiotiques dans deux cas. D'une part comme hormone de croissance et d'autre part pour lutter contre la maladie. Je parlais des stimulateurs de croissance. Oui, il y a pas mal de gens comme vous qui obtiennent des taux de croissance et des revenus suffisants sans utiliser d'antibiotiques stimulateurs de croissance. C'est dans cette direction que l'on va aller.
M. Murray Calder: Nous obtenons actuellement de façon régulière le taux cible de 1,85 pour un pour la transformation alimentaire.
Dr Alex Livingston: Oui, c'est possible.
Le président: Jim, voulez-vous ajouter quelque chose?
Dr Jim Elliot: Sur la question des antibiotiques utilisés comme hormones de croissance, nous avons toujours dit que cette utilisation ne pouvait pas remplacer une bonne gestion. Dans les établissements bien gérés, et je suis que le vôtre en est un, M. Calder, on peut se passer d'utiliser les antibiotiques. Mais cela représente 10 à 15 p. 100 des producteurs qui se situent au sommet de l'échelle. Il y a ensuite tous les autres qui sont en dessous et qui ont des techniques de gestion minimales. Ils en ont certainement besoin. S'ils ne les avaient pas, disons que l'utilisation des antibiotiques à cette fin soit interdite, dans le prix que nous payerions, il y aurait sans doute 5 à 10 p. 100 pour le taux de croissance et autant pour l'efficacité de la transformation alimentaire. Ainsi, le coût de production... Le rythme de production diminuerait simplement.
Le président: Madame Ur.
Mme Rose-Marie Ur: Merci, monsieur le président.
Docteure Buszard, vous avez dit qu'il y a des endroits dans le monde où on n'acceptera pas cette technologie. Est-ce que dans ces pays, on a également du mal à nourrir la population?
Dre Deborah Buszard: L'un des exemples qui a été donné par l'un de mes collègues, me semble-t-il, était le Japon, à moins qu'il se soit agi de quelqu'un qui ait parlé de l'attitude des Japonais face à la biotechnologie.
Le Japon a depuis longtemps une attitude très différente à l'égard des transplantations d'organes chez les humains, par exemple. Il a aussi des législations très différentes concernant l'utilisation et l'importation des produits pharmaceutiques ou alimentaires. Il est possible, si vous arrivez à maintenir une économie en circuit assez fermé, de conserver toutes sortes de choses. Mais lorsque les barrières tarifaires tombent, les choses sont alors beaucoup plus compliquées.
Je ne peux pas vraiment vous dire ce qu'il en est pour tous les pays, mais je me contenterai de dire qu'au fur et à mesure que le commerce mondial se généralise, il devient de plus en plus difficile de maintenir ce genre de barrières.
Dr Alan Meek: Mais le Japon doit bien sûr compter énormément sur les importations pour nourrir sa population.
Dr Alex Livingston: J'aimerais préciser une chose pour que l'on soit bien sûr de ce dont on parle. Les organismes génétiquement modifiés ne représentent que l'un des aspects de la biotechnologie. La biotechnologie est loin de se limiter à la manipulation des gènes. J'ajouterais certaines des choses que nous faisons, notamment la fertilisation in vitro des bovins pour laquelle nous envoyons des embryons congelés au Mexique. C'est de la biotechnologie; on utilise une technologie pour arriver à un résultat biologique. Mais ce n'est certainement pas une manipulation des gènes. Ce que je veux dire, c'est que le terme «biotechnologie» recouvre beaucoup plus que les seuls organismes génétiquement modifiés. Je pense que le public a tendance à croire que ces deux choses n'en font qu'une. Mais il me semble utile de faire la distinction.
Dr Rob McLaughlin: Si vous me permettez d'ajouter quelque chose, je dirais que nous ne voulons pas que l'on croie que tout le monde va acheter tout ce que nous faisons pousser ou que nous produisons. Je crois que nous nous dirigeons très vite, même à l'échelle mondiale, vers les créneaux. Nous avons à Toronto des abattoirs qui préparent de la viande qui va être exportée dans des pays musulmans et cette production est assortie d'exigences très strictes. La biotechnologie n'est qu'une petite partie des interdits dans ces pays; c'est comme la viande casher.
En définitive, on n'envoie plus des cargaisons de blé. On va prendre ce blé, on va le transformer, y ajoutant de la valeur, et on va adapter ce produit au marché. Je crois qu'on va devenir beaucoup plus sophistiqué dans la façon dont on procédera à l'avenir. Il y aura des marchés, j'en suis convaincu, qui, pour des raisons culturelles, religieuses ou autres, diront non, nous ne voulons rien qui soit en biotechnologie, ou nous ne voulons rien qui ne soit pas biologique ou autre chose. Je crois que l'on va se spécialiser énormément.
Le président: Merci.
Madame Alarie.
[Français]
Mme Hélène Alarie: Je me préoccupe des petites fermes. Un rapport venant du ministère de l'Agriculture de Washington m'a bousculée. On y dit que 94 p. 100 des fermes aux États-Unis sont des small farms. Je voudrais savoir si, dans vos facultés, vous donnez des cours sur le développement rural, si vous avez une approche spécifique pour les petites fermes et si vous parlez aussi de l'aspect multifonctionnel des entreprises agricoles, comme le font beaucoup les Européens dans leurs discours à l'OMC.
[Traduction]
Dr Alan Meek: À Guelph, nous sommes certainement très actifs dans le domaine du développement rural. Rob, je ne sais si vous voulez approfondir le sujet.
Dr Rob McLaughlin: Oui, à Guelph, nous avons certaines parties du programme de diplôme où nous avons sans doute le plus important pourcentage d'étudiants qui seraient prêts à retourner à la ferme, et cela vaut pour tous les niveaux, jusqu'aux études rurales de doctorat. Notre école de planification rurale est la seule qui existe au Canada et le programme d'études rurales de doctorat est en fait le seul d'Amérique du Nord. Le développement rural compte donc beaucoup pour nous.
Mais je dois dire—et je pense qu'il y a des données statistiques que nous devons comprendre—que moins de deux pour cent de la population, peu importe la province, à l'échelle nationale, vivent dans des fermes. Cela représente un très petit nombre. Et 25 p. 100 des producteurs sont responsables de 75 p. 100 de la production. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de petits producteurs dans des créneaux intéressants, où il y a une importante valeur ajoutée, qui gagnent leur vie avec leur production agricole, mais ce sont en gros 25 p. 100 des agriculteurs qui nous nourrissent et qui exportent. Et nous exportons 50 p. 100 de tout ce que nous produisons. Cela veut donc dire que si nous nous débarrassions de 75 p. 100 de nos agriculteurs, nous pourrions encore nous nourrir.
Que faire de ces 75 autres p. 100 d'agriculteurs? Je dirais qu'il s'agit en fait de gens qui font de l'agriculture parce qu'ils aiment le mode de vie campagnard: ils ne cultivent pas pour produire des aliments, ils sont là à cause du mode de vie et la plus grande partie du revenu des familles agricoles vient de l'extérieur de l'exploitation. Que ce soit grâce à un emploi en ville ou au village ou grâce au travail fait avec Internet, la plus grande partie de leur revenu vient de quelque chose d'autre que l'exploitation agricole.
Je crois qu'il nous faut vraiment être prudents lorsque nous parlons des petites fermes. Au Canada, qu'elles soient petites ou grandes, ce sont toujours des fermes familiales. Je ne crois pas que l'on coure le risque de perdre les fermes familiales. Ce sont plutôt certaines familles qui risquent de perdre la ferme et cela est sans doute davantage dû à la planification qu'à la taille de l'entreprise. Probablement 75 p. 100 des biens agricoles vont changer de main, que ce soit par transmission du père aux enfants ou autrement, au cours des 10 à 15 prochaines années. Cela représente donc à mon avis beaucoup de risques.
• 1055
Ainsi, si 25 p. 100 de nos agriculteurs nous nourrissent, cela
veut dire que moins d'un demi pour cent de la population canadienne
produit notre alimentation. Je me soucie davantage de conserver
cette capacité que de voir rester les gens qui vivent dans des
fermes à cause du mode de vie.
Je crois que nous courons de gros risques avec ce qui doit se passer dans les 10 à 15 prochaines années et nous pouvons nous demander si nous sommes suffisamment préparés pour cette transmission des biens d'une génération à l'autre. De nombreuses familles devront abandonner l'agriculture parce qu'elles n'ont pas planifié à l'avance et n'ont pas pu réaliser ce transfert. C'est une autre famille qui achètera la ferme. Ce seront peut-être les voisins, mais de nombreuses familles vont perdre leur ferme.
[Français]
Dr Jean-Claude Dufour: Nous avons des cours dans ce domaine-là. Un groupe de recherche, le GREPA à l'origine, s'est préoccupé du développement rural en cours de route. Nous avons une autre préoccupation: la typologie petite ou grande ferme n'est peut-être plus adéquate et il faudrait maintenant la voir d'un autre angle, car le propriétaire d'une petite est devenu entrepreneur, tout comme celui d'une grande ferme. Regarder la ferme sous cet angle fait maintenant partie de la problématique du développement rural.
Une étude faite par l'Union des producteurs agricoles du Québec dans la région de Québec montrait récemment que les producteurs à temps partiel, peut-être faussement appelés petits producteurs, vendaient maintenant un volume plus élevé que les producteurs à plein temps. Cela remet en cause bien des structures de mise en marché et de protection de l'agriculture, puisqu'on ne parle plus de la même perception ni de l'assurance-stabilisation, de plans conjoints, d'autres installations ou d'autres soutiens à l'agriculture. C'est surprenant et c'est la première fois qu'on le constate.
[Traduction]
Le président: Merci.
Pour mettre un terme à cette discussion, je dirais peut-être que je ne suis sans doute pas aussi optimiste que mon collègue M. Calder sur notre capacité d'augmenter la production alimentaire de 250 p. 100 au cours des 50 prochaines années pour nourrir la planète. Je crois que ce sont là vos chiffres, docteure Buszard. Peut-être est-ce parce que, comme vous l'avez indiqué, certaines des possibilités dont nous disposions au cours des 50 dernières années afin d'augmenter la production ont été épuisées et que nous allons devoir trouver de nouvelles technologies et de nouveaux produits pour relever le défi suivant au cours des 50 prochaines années.
Mais pour ce qui est de ce que vise le gouvernement fédéral en matière d'exportations agricoles, à savoir qu'il veut les doubler d'ici 2005, ce n'est que dans six ans, et si nous devons pour cela compter sur de nouveaux produits et de nouvelles technologies, il me semble que ce soit une très courte période pour arriver à atteindre cet objectif en ne comptant que sur ces deux choses. Est-ce un objectif réaliste?
Qui souhaite répondre? Jim.
Dr Jim Elliot: J'y pense beaucoup. Je vais assez souvent en Chine parce que j'ai un gros projet de coopération pour l'hybridation du canola dans ce pays, projet qui profite en fait au Canada, parce que nous recevons énormément de matériel génétique chinois. Mais si nous pensons que c'est sur le marché asiatique que nous allons pouvoir énormément augmenter nos exportations, je crois que nous faisons fausse route. Les Chinois visent l'autosuffisance et il y a dans ce pays une incroyable capacité de production. Les Chinois sont déjà autosuffisants pour de nombreuses choses. Je ne pense donc pas que ce pays constitue un gros marché d'exportation. Il est question que le pays compte 1,2 milliard d'habitants et je crois qu'il va être autosuffisant ou du moins va-t-il essayer de le devenir. Je ne pense donc pas qu'il y sera un énorme marché pour les exportations.
Si on regarde ce qui s'est produit dans le passé, il y a quelques années, l'Inde était très dépendante parce qu'elle importait du blé. Elle est maintenant autosuffisante pour la production de blé. Nous avons peut-être un peu surestimé les choses.
Dr Rob McLaughlin: On parle de doubler les exportations, et non de doubler notre production. Et je crois que c'est faisable. Ce sera juste. Mais ce sera entièrement du fait de la valeur ajoutée. On parle ici de la valeur des exportations et non de leur volume.
Le Canada fait un excellent travail lorsqu'il s'agit de viser un marché de qualité, parmi les plus intéressants, avec la feuille d'érable rouge—qui représente un pays propre, vierge, vert. Je crois que pour nous le marché se situe chez nos voisins du sud.
• 1100
Nous avons fort bien réussi à tripler les exportations
ontariennes d'aliments transformés au cours des six dernières
années; je pense donc que c'est faisable, mais ce sera une question
de valeur ajoutée. Il ne s'agira pas de faire pousser deux brins
d'herbe là où il n'en poussait qu'un. Ce n'est pas de cela qu'il
s'agit. Il s'agit de transformer et, par la suite, d'ajouter de la
valeur et non d'expédier à l'étranger des denrées.
Dr Jim Elliot: Je crois qu'il y a pour nous davantage de potentiel dans le sens nord-sud.
Le président: Dans le sens nord-sud.
Dr Jim Elliot: Oui, il y a un potentiel plus grand dans le sens nord-sud que dans le sens est-ouest.
Le président: Docteur Dufour, je crois que c'est à vous que revient le mot de la fin.
Dr Jean-Claude Dufour: Les exportations représentent une stratégie que les entreprises utilisent actuellement. Mais à bien y regarder, les alliances stratégiques pourraient constituer la prochaine stratégie. Si l'on regarde la façon dont les entreprises se développent à l'heure actuelle, les exportations ne vont sans doute pas doubler. Les entreprises préféreront probablement constituer d'autres types d'alliances stratégiques pour produire et développer dans d'autres pays. Cela présente moins de risques pour elles et elles ont ainsi accès à d'autres facilités financières, à un autre équipement, et tout le reste.
Le président: Merci à tous. Votre comparution d'aujourd'hui nous a été, je crois, d'une très grande utilité. Nous vous remercions d'être venus pour nous faire part de vos réflexions.
Dr Alan Meek: Nous vous sommes reconnaissants de nous avoir donné l'occasion de comparaître. Si nous pouvons vous être utiles, à vous ou au comité, à un moment quelconque à l'avenir, n'hésitez pas à vous adresser à nous.
Le président: J'espère qu'à notre tour nous pourrons vous être de quelque utilité, surtout dans votre quête de ressources supplémentaires. Nous n'appelons pas cela de l'argent; nous parlons de «ressources supplémentaires».
M. Joe McGuire: Vous devriez amener vos collègues de la région atlantique la prochaine fois.
Le président: Merci.
Chers collègues, nous reprendrons la séance à midi. Le ministre sera là. Je vous demanderais de ne pas être en retard car nous commencerons à l'heure afin de profiter de chaque minute qui nous est offerte pour poser des questions au ministre.
Les travaux du comité sont suspendus pendant une heure.