Passer au contenu
;

CHER Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

STANDING COMMITTEE ON CANADIAN HERITAGE

COMITÉ PERMANENT DU PATRIMOINE CANADIEN

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le lundi 1er juin 1998

• 1536

[Traduction]

Le président (M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.)): La séance du Comité permanent du patrimoine canadien, tenue conformément à l'ordre de renvoi de la Chambre en date du vendredi 3 avril 1998, pour étudier le projet de loi C-38, Loi modifiant la Loi sur les parcs nationaux, est maintenant ouverte.

[Français]

Conformément à l'ordre de renvoi de la Chambre du vendredi 3 avril 1998, le comité se réunit pour étudier le projet de loi C-38, Loi modifiant la Loi sur les parcs nationaux.

Nous passons à l'étude de l'article 1, le seul article du projet de loi. Entamons le débat.

Madame Tremblay.

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski—Mitis, BQ): Non, non, pas si vite. Monsieur le président, je voudrais d'abord vous remercier personnellement de l'effort que vous avez fait pour tenter de reporter cette réunion comme je vous l'avais demandé vendredi après-midi. Je me suis rendue à vos arguments en ce sens que je n'ai pas le choix. Donc, étant donné que la réunion se tient aujourd'hui, il faut bien y venir. Je trouve cela fort déplorable.

J'ai essayé de retrouver dans les notes que nous avions reçues au tout début de la 36e Législature la description du travail que devait effectuer notre comité. On nous avait confié deux tâches: étudier la politique de la culture canadienne et continuer le travail sur la culture canadienne, et réorganiser Parcs Canada. On ne nous avait pas alors parlé d'un sous-comité du sport, que nous acceptions par la suite, ni du projet de loi C-38, qu'on nous a présenté à la vapeur il n'y a pas très longtemps. En conséquence, nous, de l'opposition, avons de la difficulté à suivre les travaux parce que, malgré tous nos grands talents, aucun d'entre nous n'a encore le don d'ubiquité. Il nous est donc impossible d'être à la fois en Chambre pour étudier le projet de loi C-29 à l'étape du rapport et d'être présents ici pour entendre les témoins qui viennent comparaître pour nous entretenir du projet de loi C-38.

Le projet de loi C-38 a été présenté de façon un peu étrange. J'ai eu le loisir, au cours de mes nuits de fin de semaine, de procéder à une étude exhaustive du document déposé la semaine dernière par Mme Cournoyea, que je n'ai pas eu le plaisir d'entendre, mais avec qui j'ai eu le plaisir de dîner, pour essayer de comprendre le long, le court, le large et le profond du problème créé par le projet de loi C-38.

Je vous invite donc à faire preuve de beaucoup de patience parce qu'il est possible que je sois la seule à prendre la parole dans le temps qui nous est accordé cet après-midi étant donné que j'ai énormément de choses à dire sur ce projet de loi.

D'abord, l'information que nous avions reçue avant la deuxième lecture du projet de loi C-38 était on ne peut plus parcellaire.

• 1540

Quand on a rencontré pour la première fois des personnes qui nous ont informés off the record sur le projet de loi C-38, on a dit: «Ah, madame Tremblay, il n'y a rien là. C'est une question technique. Tout le monde s'entend et il n'y a pas de problème. Il s'agit seulement de créer un parc et d'en définir clairement les limites. Ça va passer comme du beurre dans la poêle.» Le beurre commence à sentir le roussi, et c'est très indigeste à cette étape-là.

Mon collègue, le député de Verchères, déclarait le 3 avril dernier, lors de l'étude en deuxième lecture du projet de loi C-38:

    Les documents afférents à l'analyse de ce projet de loi, soit un communiqué et une note d'information, sont encore tout chauds tellement ils sont arrivés tardivement.

C'est ce que je déplore dans le processus du projet de loi C-38: nous recevons les documents à la dernière minute; nous n'avons pas les bons documents pour étudier vraiment le projet de loi; il a fallu qu'on réclame plein de choses et ça ne nous est pas donné gratuitement; on nous convoque à la dernière minute, un lundi, et c'est la première fois que le Comité du patrimoine se réunit un lundi. On nous dit que les députés libéraux, qui sont pourtant très nombreux, n'auraient pas été assez nombreux cette semaine pour qu'on puisse trouver un nombre suffisant de députés pour faire une rencontre. Pire encore, il paraît qu'il n'y avait plus de locaux disponibles. À la rigueur, on aurait pu vider une des salles du restaurant Le Parlementaire, qui est de moins en moins fréquenté, et on aurait pu nous asseoir autour d'une table pour qu'on puisse discuter, un jour qui a du bon sens, de ce projet de loi C-38.

Je regrette énormément d'avoir dû renoncer à une journée très chargée dans mon comté pour me plier à ce caprice. C'est une journée caprice, sauf pour vous, monsieur le président, mais quand je réfléchis à tous les faits les uns après les autres au sujet du projet de loi C-38, j'ai l'impression qu'on veut maintenant bousculer les choses, nous bousculer nous-mêmes et probablement créer un précédent dangereux pour les autochtones qui vivent dans cette région.

La note d'information qui nous a été acheminée au moment où on voulait aller en deuxième lecture—la note d'information nous est parvenue le 30 mars, soit le jour même du dépôt en première lecture et quatre jours avant la deuxième lecture—ne mentionnait nullement les accords intervenus dans le passé entre le gouvernement et les autochtones.

Combien de membres de notre comité connaissent ou ont pris vraiment le temps de lire la Convention définitive des Inuvialuit, convention qui réglait définitivement les revendications territoriales sur certaines terres situées sur les Territoires du Nord-Ouest et le Territoire du Yukon, qu'ils utilisaient et occupaient traditionnellement? Combien de membres de notre comité connaissent ou on pris le temps de lire la loi de 1984 qui mettait en vigueur cette convention et qui portait le titre de Loi sur le règlement des revendications des Inuvialuit de la région ouest de l'Arctique? La note laconique qu'on nous a envoyée pour nous préparer à l'étude de ce projet de loi ne disait rien des possibilités minières qui existaient dans ce secteur-là.

Mon collègue, le député de Verchères, qui avait dû me remplacer parce qu'on a fait la deuxième étude de ce projet de loi tellement rapidement que je ne n'avait pas pu me libérer, avait accepté de faire la lecture en Chambre du discours que j'avais préparé. Le 3 avril dernier, il soulignait l'importance de prendre connaissance de ces documents sur le projet de loi C-38 et déclarait:

    Nous donnerons notre consentement de principe à ce projet en deuxième lecture. Mais nous réservons notre jugement final quand nous aurons eu le temps de lire les ententes qui ont mené à ce projet de loi et quand nous aurons eu l'occasion d'entendre des témoins intéressés par ce projet dans le cas d'audiences publiques que tiendra le Comité permanent du patrimoine canadien.

Je répète que je n'ai pas eu la chance d'entendre personnellement le témoin. Ma collègue de Jonquière, qui me remplaçait à la séance du comité la semaine dernière puisque nous étions en Chambre, m'a fait rapport de ce qui s'était passé ici, au comité. De plus, en fin de semaine, j'ai lu le document qu'avaient déposé les autochtones lors de leur comparution devant nous.

• 1545

Je dois donc constater qu'en voulant procéder trop rapidement, le comité a mis la charrue devant les boeufs en ne parlant que de l'entente et en négligeant les accords intervenus en 1984 avec les Inuvialuit, soit la loi et la convention qui définissent leurs droits, droits qui auraient dû nous servir de guide lors de la discussion sur ce projet de loi. Il est à noter que la convention devait donner aux Inuvialuit les moyens de conserver leur identité culturelle et leurs valeurs au sein d'une société nordique en pleine évolution tout en étant des participants à part entière à la société et à l'économie de cette société. D'ailleurs, cet objectif de participation à l'économie se retrouve dans l'entente, dont l'un des objectifs, décrit à l'article 2, consiste à «susciter et appuyer la création et le maintien d'emplois et d'entreprises».

Il semble que l'empressement actuel du gouvernement à adopter ce projet de loi soit exagéré dans les circonstances, alors que l'entente est signée depuis deux ans. Il semble avoir pour seul but d'empêcher les Inuvialuit de faire valoir leurs arguments en faveur de la modification des limites du parc. C'est la seule raison pour laquelle on semble précipiter les choses. Il y avait eu cette entente en 1996 et le projet de parc dormait sur les tablettes du gouvernement. Il est tout à coup réapparu dans le circuit du travail en Chambre parce que les Inuvialuit ont écrit au gouvernement pour lui demander la permission, en vertu de l'entente qui avait été signée en 1996, de se prévaloir de l'article 22.1 et de discuter à nouveau des frontières du parc.

Donc, cette modification a pour but de permettre le développement éventuel d'un projet minier qui représenterait une occasion d'emploi et de développement économique dont bénéficierait toute la communauté inuvialuit. Quand les Inuvialuit ont comparu devant le comité, ils nous ont d'abord présenté des observations préliminaires. J'ai oublié de demander à ma collègue de Jonquière s'ils avaient lu leur texte intégralement. S'ils ont lu leur texte intégralement, je suis fort surprise que personne n'ait eu l'idée de demander au gouvernement de reculer sur ce projet de loi.

Je suis capable de comprendre les Inuvialuit, ce qu'ils vivent et ce par quoi ils passent présentement. D'une certaine façon, c'est assimilable à ce que nous ressentons profondément très souvent, nous qui sommes des souverainistes dans ce pays. Comme nous, ils font face à un gouvernement qui est dominateur, centralisateur et insensible à ce qui peut se passer vraiment dans une communauté et à ce que les gens souhaitent vraiment pour leur développement.

Dans les observations préliminaires qu'ils nous ont données quand ils ont comparu ici, le 28 mai dernier, ils nous ont bien dit qu'il s'agissait d'une question extrêmement importante pour eux et pour la population de la région du Delta de Beaufort. J'ai regardé très attentivement de magnifiques cartes en couleur qui sont beaucoup plus intéressantes que celles que nous avons en noir et blanc. J'ai surtout essayé de comprendre quels pouvaient être leurs désirs, leurs besoins et leurs revendications fondamentales.

En créant ce parc, on a mis de côté à perpétuité 16 340 kilomètres carrés de territoire, soit trois fois plus que la superficie de l'Île-du-Prince-Édouard. C'est une immense région.

• 1550

Les Inuvialuit disent et répètent à plusieurs reprises dans leur document que ce qui est important pour eux, c'est de conserver le plus possible comme ressource importante la terre qui est mise à leur disposition. La terre est au centre de leur mode de vie; elle est au centre de la vie de la faune et de la végétation qui soutiennent notre peuple et notre culture, disent-ils dans leur textes. Elle est également la source de la force et des perspectives économiques. Ils disent:

    Les décisions sur le territoire et ses utilisations dans l'avenir sont parmi les plus importantes que nous prenons. Cette priorité est démontrée dans notre entente de revendication territoriale, la Convention définitive des Inuvialuit, que nous avons conclue avec le Canada en 1984 et qui a depuis obtenu une protection constitutionnelle.

Monsieur le président, il est extrêmement regrettable qu'un groupe de citoyens ait fait totalement confiance à des fonctionnaires, à des bureaucrates assis à Ottawa qui n'ont probablement pas vécu assez longtemps pour comprendre ce que ça signifie que de vivre sur ces terres où, pendant quelques mois par année, il fait un été théorique et où, le reste du temps, ils doivent bien souvent survivre parce qu'ils n'ont même pas les ressources nécessaires pour se nourrir.

On nous disait qu'on voulait, par la création de ce parc, protéger les caribous, paraît-il. Eh bien, il n'est même pas évident qu'on va arriver à protéger les caribous parce que ces derniers démontrent qu'ils ont des comportements instables d'une certaine façon, puisqu'ils ne se reproduisent pas et ne se pointent pas toujours à la même place dans la période où ils doivent se reproduire. Ils se déplacent à chaque année et il est impossible de prévoir où ils seront. On connaît maintenant beaucoup plus de choses qu'on en connaissait auparavant. Ça me fait penser à quelques photographies prises il y a plusieurs années à bord d'aéroplanes. Dans ce temps-là, on ne parlait pas d'avions; on utilisait des aéroplanes. Cela vous donne une idée du temps qu'il faut pour prendre les photos. On a photographié des caribous à tel endroit et on n'en a pas revu à cet endroit précis depuis cinq ans. Donc, si c'est là-dessus qu'on se fonde pour dire qu'on veut protéger ces endroits pour les caribous, je regrette de vous dire qu'ils ne se reproduiront peut-être plus jamais à ces endroits.

Ces décisions sur le territoire et son utilisation future sont parmi les plus importantes que nous allons prendre. Nous, qui devons prendre cette décision, avions la semaine dernière la chance d'avoir parmi nous deux collègues qui, semble-t-il, étaient allés dans les Territoires du Nord-Ouest et avaient survolé le territoire en question. Monsieur le président, quand vous étiez au Comité de l'environnement, vous étiez allé dans les Territoires du Nord-Ouest et au Yukon au moins une fois. Vous avez probablement vu ces choses.

Personnellement, je n'ai pas vu ces territoires. Je n'ai aucune idée de ce que ça peut représenter que de vivre à cet endroit 12 mois par année. Je me demande qui, parmi nous, a vraiment eu cette expérience. Quand des gens qui vivent quotidiennement à un endroit viennent nous dire: «Attention, vous êtes sur le point de faire une erreur», ça mérite au moins qu'on essaie de comprendre quel type d'erreur on est en train de faire.

Monsieur le président, je peux vous dire très sincèrement que je ne suis ni pour ni contre les autochtones en partant. Je n'ai jamais d'idées préconçues. C'est un sujet que je trouve extrêmement délicat et extrêmement important. Je veux toujours essayer de comprendre la situation avant de me brancher dans un camp ou dans un autre.

J'avais des réticences au niveau de la deuxième lecture. J'avais de la curiosité. Maintenant j'ai de l'inquiétude. Il faut que nos décisions soient prises en fonction de toute l'information disponible et en examinant attentivement tous les intérêts en cause.

• 1555

Il faut prendre en considération que le peuple des Inuvialuit s'est vu garantir un rôle réel et significatif dans les décisions touchant ses terres. Ils ont la certitude que les fonctionnaires étaient très clairs lorsqu'ils leur ont dit: «Signez cette convention, car l'article 22.1 vous protège. S'il y a un problème, on pourra revoir les limites.» C'est la garantie qu'on leur a donnée et ils ont fait confiance aux représentants du gouvernement du Canada. Je trouve fort déplorable que les gens aient à constater que nous, les Blancs, nous, les députés, ne tenons pas parole. Ce n'est pas la première fois que le gouvernement n'aura pas tenu parole, mais j'espérais qu'avec le temps et les années, on finirait par redorer le blason des politiciens et respecter les paroles qu'on donne. Quand les fonctionnaires ont donné leur parole et qu'ils retirent cette parole au nom du gouvernement, je trouve cela extrêmement déplorable.

Ils sont venus devant nous pour nous parler du projet de loi C-38, qui compromet les intérêts de ce peuple et qui ne tient pas compte adéquatement des préoccupations qu'ils ont récemment portées à l'attention du gouvernement. Ils ont quitté leurs terres et sont venus rencontrer des fonctionnaires à Ottawa. On sait ce que cela coûte pour les déplacer: environ 3 000 $ chacun. Ils sont venus devant nous en croyant que nous serions capables de les écouter et surtout d'entendre leur message. Ils ne veulent pas s'opposer à l'ensemble du projet de loi qui leur est présenté. Ils veulent uniquement que nous prenions en considération la limite ouest du parc, qui ne leur convient pas et qui devrait être modifiée afin de mieux servir les objectifs de la Convention définitive des Inuvialuit, la santé à long terme de la région et les intérêts des Canadiens en général.

Je trouve assez extraordinaire que des autochtones soient capables non seulement de se pencher sur leurs propres intérêts à eux, mais aussi de nous dire que, dans l'intérêt même du Canada, si on maintient les limites du parc comme elles sont là, on s'apercevra que ce n'est pas une bonne décision quand on verra un peu plus en détail de quoi il s'agit au juste.

Au sujet de cette fameuse limite ouest, on avait fait une étude antérieurement, autour de l'année 1973, qui donnait une idée générale du fait qu'il y avait du potentiel minier dans cette section. Avec l'avancement des technologies et la plus grande précision des études, on est arrivé à un nouveau rapport, en 1997, qui leur a permis de constater qu'il y avait probablement plus de potentiel dans les 20 p. 100 des terres qui feraient partie du parc.

Maintenant, qu'ont dit certains députés? Moi-même, j'ai essayé de le comprendre. Quand on a discuté de l'emplacement des frontières de ce parc, on en est venu à la conclusion qu'il valait peut-être la peine de mettre la limite ouest du parc là où elle est. Les Inuvialuit se sont donc tournés vers les propriétaires de la mine et leur ont demandé de leur donner le territoire qui représente ces 20 p. 100 et même un peu plus, soit environ 450 000 mètres carrés, pour les mettre à l'intérieur du parc. Les terres ont été cédées et le gouvernement n'a même pas eu à donner de compensation financière aux propriétaires. Tout s'est réglé, semble-t-il, dans la bonne entente.

Si les Inuvialuit n'avaient pas demandé la terre, nous ne serions probablement pas en train de discuter du projet de loi C-38 parce que le gouvernement serait encore en train d'en négocier les limites territoriales. Si les Inuvialuit ont signé, c'est qu'ils ont cru en la parole du gouvernement, et ils le disent à plusieurs reprises dans leur texte.

• 1600

Le projet de loi que nous étudions est un document qu'on peut qualifier de simpliste; il ne renferme qu'un seul article. L'étude en vue de son approbation a été décrite par le gouvernement comme étant directe, mais assez décevante. Bien que ce ne soit pas même mentionné dans le projet de loi C-38, la base du parc proposé fait partie de l'accord du parc qui a été conclue par les Inuvialuit et le Canada le 28 juin 1996. Il y avait six signataires à l'accord, dont quatre étaient des organisations inuvialuit.

Nous n'avons même pas eu le temps de préparer les amendements nécessaires; nous le ferons à l'étape de l'étude du rapport en Chambre afin que certaines injustices soient corrigées dans le projet de loi C-38 avant qu'on ne procède à son adoption définitive. Entre autres, nous rendrons au moins justice à l'entente qui a été signée en juin 1996 et qui rend possible la création de ce parc.

Il y a une autre chose qui manque dans ce projet de loi: on n'y explique pas la cogestion. La cogestion est une nouvelle façon de procéder. Il semble que ce parc sera le premier à être cogéré. Dans le projet de loi C-29, on ne définit nulle part la cogestion. Qu'est-ce que la cogestion? Qu'est-ce que ça implique pour les gens qui sont en train de cogérer quelque chose? Quand je vois que ce projet part d'un aussi mauvais pied, je me demande comment les autochtones arriveront à faire confiance aux cogestionnaires qu'ils auront en face d'eux. Très honnêtement, après avoir fini de lire ce projet de loi, je me suis dit que c'était bien comme au début de la colonie: encore une fois, on est train de flouer les Indiens, comme on les appelait dans le temps.

Le principe de cogestion nécessite l'engagement des autochtones d'une manière complète et significative dans les décisions et l'administration des parcs établis sur les terres traditionnelles. Il faut donc qu'on définisse la cogestion. Si on ne la définit pas dans ce projet de loi, il faut qu'on y fasse allusion en disant qu'on va la trouver ailleurs, ou il faudra que le nouveau directeur des parcs se dépêche d'émettre une directive ou prenne lui-même l'initiative de définir la cogestion dans le cadre de Parcs Canada.

Quand je vois toutes les précautions que nous avons prises pour définir la manière dont devait être géré le parc marin qui est situé au Saguenay, au Québec, je me dis que pour une initiative de cogestion dans l'Arctique, on aurait pu prendre les mêmes précautions si on avait été moins arrogants et moins méprisants pour des gens avec qui nous travaillons.

Le fameux article 22.1, qui est une clause d'examen, a été inclus dans l'accord du parc. Cet article permet à toute partie à l'accord de demander un examen de l'une ou l'autre de toutes ses modalités. Je me suis posé la question en fin de semaine: Que serait-il arrivé si le gouvernement avait été le premier à se rendre compte qu'il valait mieux modifier les frontières, que ce soit à l'est, au nord et au sud—cela aurait été un peu difficile—au sud ou à l'ouest et que les autochtones avaient refusé? Considérant ce que j'ai expérimenté depuis que je suis ici, je me suis dit qu'un gouvernement majoritaire, qui a toujours le mépris facile, se serait sans doute passé de la signature des parties prenantes et aurait modifié les choses d'une façon ou d'une autre.

• 1605

Il est bien regrettable que les signataires de cette entente soient à ce point déçus par l'un de leurs partenaires, le partenaire essentiel, qui est le gouvernement, qui refuse de respecter sa propre signature. Nous, les Blancs du Québec, les Québécois et les Québécoises, avons expérimenté cela souvent: les gouvernements ne respectaient bien souvent pas leur signature.

L'un des objets de l'accord est de tenir compte de l'ordre économique qui vise à soutenir l'emploi et les entreprises locales, ainsi qu'à renforcer les économies locales et régionales. C'est à l'article 2.4. En outre, à l'article 1.9, on indique très clairement que l'accord du parc ne doit pas abroger ou diminuer les droits et les avantages des Inuvialuit en vertu de la Convention définitive des Inuvialuit.

Ce qu'ils m'ont dit, c'est qu'ils avaient déjà l'expérience d'un parc qui avait été créé dans leur territoire et que ce n'était pas du tout créateur d'emplois, en tout cas pas au point où on le prétend. La plupart de ces autochtones, malheureusement, doivent recourir au bien-être social pour vivre. Les gens que j'ai rencontrés sont des gens bien formés, bien articulés; ce sont des gens qui se sont présentés devant le comité. J'ai pu parler avec eux pendant une heure dans le cadre d'un dîner parlementaire la semaine dernière. Ces gens sont très articulés. Ils savent exactement où ils vont. Ils savent ce qu'ils veulent pour leur peuple. Et qu'est-ce qu'ils veulent? Ils veulent, comme nous tous et toutes, des jobs. Ils ont l'impression que peut-être, peut-être, ils en obtiendraient quelques-unes si les 2,5 p. 100 du territoire du parc qu'ils demandent, à la frontière ouest, pouvaient leur être donnés. Cela pourrait leur donner un espoir si jamais l'exploration minière s'avérait fructueuse, comme le laissent entendre les études de 1997.

Il faut bien comprendre que ces communautés comptent au total un peu plus de 5 000 personnes sur l'ensemble du territoire. Je ne suis pas certaine que nous accepterions d'aller créer une entreprise dans ce territoire parce qu'on n'a pas de travail à faire ici, dans le Sud. Ça m'étonnerait beaucoup qu'on ait cette capacité d'aller vivre pendant 12 mois dans ce territoire qui semble si aride et si difficile.

Qu'est-ce que ces personnes sont venues nous demander? Elles sont venues nous demander de retirer ces 2,5 p. 100 de la frontière ouest. De toute façon, cela ne nuirait pas à l'atteinte de objectifs qu'on poursuit. Bien sûr, ils ne s'en sont pas cachés: ils ont des parts dans la compagnie minière. On nous disait même qu'ils avaient invité des jeunes à une école de formation pour les préparer à être mineurs et qu'ils avaient eu une excellente réponse de la part de ces jeunes. Ils ont sans doute dit ici, parce qu'ils l'ont inscrit dans leur texte, que leur population est très jeune. Dans le village qui est situé tout près de la frontière du parc, Paulatuk, 60 p. 100 de la population est composée de jeunes en âge de travailler, et les familles ont de plus en plus d'enfants.

Cette population me semble extrêmement énergique. Elle semble s'être donné les structures communautaires qu'il fallait pour pouvoir vivre et se développer. Ce qu'ils cherchent, c'est un équilibre. Ils veulent participer de façon authentique à l'économie de leur région et de leur territoire, tout en soutenant leurs forces personnelles et communautaires pour leur vie sur la terre et en préservant leur santé pour l'avenir.

• 1610

Bien sûr, ce territoire n'a pas la densité de population que nous avons dans le Sud. Bien sûr, ils ne sont pas dotés de tous les véhicules modernes ou des produits modernes qui affectent tellement l'environnement. Mais il semble qu'une chose soit prioritaire pour toutes ces communautés. C'est la protection de l'environnement.

Quand nous prétendons, avec notre expérience d'asphalte, pouvoir leur en montrer sur la manière dont on peut conserver un environnement sain, nous faisons vraiment preuve d'une supériorité déplacée. Nous ferions beaucoup mieux de nous mettre à l'écoute de ce qu'ils font pour protéger leur environnement plutôt que de leur donner des leçons.

Ils nous disent et nous répètent à plusieurs endroits qu'il est vital pour eux que nous prenions la bonne décision. Ils ont toujours été capables de prendre en compte toutes les ressources de leur territoire et de faire en sorte que cela protège les intérêts de tous.

La priorité est de prendre la bonne décision. C'est même supérieur à l'urgence d'adopter le projet de loi C-38 pour en faire une loi, disent-ils. Il a été surprenant d'entendre dire soudainement, après deux ans d'inactivité, que ce projet de loi était urgent. Comme je le disais au début, une simple demande de modification—c'est l'interprétation qu'ils en font—semble avoir réveillé le gouvernement, qui a fait un second effort et présenté ce projet de loi.

Pourquoi nous demandent-ils de prendre la bonne décision? Pourquoi ont-ils demandé une révision de l'entente? Parce qu'il y a de nouvelles données. Il y a de nouveaux renseignements qui n'étaient pas disponibles au moment où ils ont signé l'entente, puisque effectivement, l'étude sur le potentiel de la partie qu'on nous demande de retirer des limites du parc a été publiée seulement en octobre 1997, alors qu'ils ont signé l'entente en juin 1996.

    Ces nouvelles données sur les ressources minérales accroissent considérablement l'évaluation du potentiel économique de la région à la limite ouest du parc proposé; elles indiquent plusieurs lieux de prospection envahissants dont l'un est situé juste à la limite ouest du parc proposé. Il s'agit du premier relevé aéromagnétique de la région depuis 1973, et il a été entrepris avec une technologie géophysique beaucoup plus avancée que celle utilisée il y a 25 ans pour le dernier levé.

    Le levé de 1997 offre une meilleure détection et une meilleure résolution que celles dont disposait l'évaluation antérieure du gouvernement des ressources minérales de la région en 1994.

À ce moment, les rapports gouvernementaux «inféraient que la source de ce magnétisme se trouvait à une grande profondeur et à l'extérieur du parc proposé». L'autre résultat a démontré que la cible minérale semble être raisonnablement peu profonde, soit à environ 350 mètres de la surface. Cette profondeur est de beaucoup inférieure à celle estimée par le gouvernement en 1994.

Donc, ces personnes se présentent à la table. On leur dit: «Il y a eu une étude en 1973; voyez ce que ça donne. On est en train d'en faire une autre.» Celle de 1994 donne des résultats qui ne sont pas très encourageants. Mais il y a l'article 22.1: si jamais on découvre quelque chose, on va pouvoir revoir l'entente si tout le monde est d'accord.

Tout le monde est d'accord sauf le gouvernement. Quels sont les intérêts du gouvernement? Qu'est-ce que cela va donner de plus au gouvernement que ces 2,5 p. 100 de territoire soient à l'intérieur ou à l'extérieur du parc? Qui aura des avantages à en tirer? On sait très bien que ce serait un avantage pour la collectivité qui vit là tous les jours.

• 1615

Qu'est-ce que cela nous enlève à nous, qui sommes assis ici, à Ottawa, ou dans nos comtés? Qu'est-ce que cela nous enlève véritablement? Je trouve aberrant qu'on ne soit pas plus sensible à la recommandation de 5 700 personnes qui ont le courage de se lever tous les jours même s'il ne fait pas toujours jour quand ils se lèvent et de vivre là quotidiennement.

On nous demande de revoir l'accord sur le parc.

    À mesure que les résultats de l'analyse du levé ont été connus au cours de l'hiver, les gens de la communauté de Paulatuk—qui sont les plus près du parc et de l'activité minérale—ont accordé à la question une attention minutieuse.

Ce que je trouve extraordinaire, c'est la façon dont ils nous décrivent tout le processus de consultation qu'ils ont fait et toutes les associations qu'ils sont allés rencontrer. Ils sont allés cueillir encore plus d'information auprès des chasseurs et des pêcheurs pour essayer de mieux comprendre quels étaient les avantages des uns et les avantages des autres.

Quand je vois tout le travail qu'ils ont fait et le peu de temps que nous, toutes proportions gardées, avons consacré à l'étude de ce projet de loi, je me dis que j'ai beaucoup plus tendance à les croire qu'à croire qui que ce soit qui est venu devant nous, même le secrétaire d'État, qui était très au fait de son dossier quand il est venu nous parler de C-29, mais qui semblait arriver de la planète Mars quand il est venu nous rencontrer pour nous parler de C-38. Il n'avait pas l'air du tout au courant de son dossier. Il ne possédait pas du tout son dossier. Son adjoint lui parlait à l'oreille et il n'entendait pas la moitié de ce que l'autre lui disait. L'adjoint était gêné de parler devant nous. Il voulait que ce soit le secrétaire qui parle. La séance avait été assez déplorable comparée à l'autre.

Heureusement que j'avais vu le ministre lors d'une autre séance, qui portait celle-là sur le projet de loi C-29. J'étais donc disposée favorablement quand il s'est présenté pour parler du projet de loi C-38. C'est une bonne chose que l'inverse ne se soit pas produit, parce que j'aurais été fort découragée de le voir arriver une deuxième fois. Je pensais que ce ministre, qui connaissait si bien son premier dossier, se présenterait devant nous avec une aussi bonne connaissance du deuxième dossier. De toute évidence, il n'en connaît pas du tout le fond.

Il a reçu une lettre de ces gens et leur a répondu de façon cavalière. C'est sans doute un bureaucrate, quelque part, qui a rédigé la lettre. Si le ministre avait été mieux au courant de son dossier, il n'aurait peut-être pas signé la lettre. À tout le moins, il aurait prouvé, quand il s'est présenté devant nous, qu'il savait de quoi il parlait.

Comme nous avions peu d'information, nous ne l'avons pas fait trop mal paraître, mais s'il se présentait devant nous aujourd'hui, compte tenu de tout ce que j'ai appris depuis sur ce dossier-là, le ministre raccourcirait probablement son témoignage.

Ce qui m'impressionne, c'est la façon dont ces gens ont consulté leur collectivité. Le comité des chasseurs et des trappeurs s'inquiète beaucoup de la faune et de la conservation, ainsi que toute la municipalité et la population. Les gens veulent toujours que le parc soit créé. Ils le veulent, ce parc, mais ils ne sont pas dupes. On sait très bien que la création du parc, surtout avec les nouvelles conditions de l'agence, ne créera pas des jobs permanents à l'année. On sait qu'on n'engagera pas beaucoup de guides touristiques pour les visiteurs de ce parc quand on voit à quel endroit il est situé.

Donc, bien que les gens veuillent le parc, ils se demandent s'il ne serait pas possible d'apporter un petit changement à la limite ouest proposée, changement qui permettrait une activité minérale prudente et responsable dans le respect des objectifs du parc proposé.

    Enfin, en février, après un examen attentif des nouvelles cartes géophysiques, notre comité des chasseurs et des trappeurs a tracé une autre limite qui retirerait le lieu d'exploration du parc proposé tout en enlevant un minimum de terre enlevée. La nouvelle limite a été tracée pour qu'elle soit aussi loin que possible des aires de reproduction du caribou et des chutes LaRonciere.

• 1620

Quand ils sont venus nous rencontrer, ils nous ont bien expliqué, à l'aide de la carte qu'ils m'ont remise, que l'un des objectifs était de protéger le troupeau de caribous Bluenose, que ce n'est pas tellement dans cette section-là mais plutôt ici qu'on va les trouver si on veut les sauver. Il y en a davantage sur le territoire du Nunavut que dans leur territoire à eux. Ils nous ont écrit:

    Les discussions dans la communauté et dans la région n'ont été ni faciles ni rapides.

De notre côté, nous faisons cela facilement et rapidement. Eux, ils ont pris le temps de penser, parce que ce sont leurs terres à eux. C'est leur territoire à eux et c'est l'endroit où ils vont vivre à perpète. Nous, nous allons être au chaud, au Sud, pendant que nous leur laisserons quelques glaces et un petit parc. Ils sont un peuple qui a travaillé énormément de bonne foi avec le Canada, et c'est cela qui me déçoit. Nous allons avoir une nouvelle raison de quitter ce pays, parce qu'encore une fois, le gouvernement a trompé un peuple. Encore une fois! Vous pouvez rire, messieurs, mais nous accumulons ces exemples et vous allez voir que ça va finir par pencher dans le sens contraire de la Tour de Pise.

Les gens de cette communauté ont pris ces questions très au sérieux et ils veulent tous nous assurer que chaque opinion est respectée et que chacun a une possibilité d'être entendu.

    Certaines personnes ont cru que nous avions eu tort de changer la position que nous avions au moment de la signature de l'accord [...]. D'autres étaient très incertains quant à ce que ce changement signifierait pour le territoire et pour la faune. Toutefois, les gens de Paulatuk en sont arrivés au point de vue que la décision sur le parc devait être modifiée de sorte que les possibilités d'exploitation des minéraux ne soient pas perdues à jamais, seulement parce que nous n'avions pas l'information nécessaire à l'époque des négociations sur le parc.

Je suis convaincue que la dame à qui j'ai parlé, qui a déjà été première ministre, dit tout autant la vérité que le ministre qui s'est présenté devant nous. Elle nous dit: «Nous avons signé parce que nous avions la certitude de l'article 22.1. Nous avons signé parce que nous ne savions pas, à l'époque, que ce territoire pouvait être aussi riche. Nous avons signé en 1996 et nous l'avons su en 1997.» Ils ne sont même pas encore certains qu'ils vont l'exploiter ou que c'est exploitable. Ils ne savaient pas que c'était riche à ce point. Il faudra d'autres études. Il va falloir faire des études environnementales pour voir si on va l'exploiter. Ils ne se sont pas cachés de posséder 35 p. 100 des actions. Dans l'entente qu'ils ont signée avec la compagnie minière, il est établi bien clairement qu'un pourcentage des jobs sera donné à des membres de la communauté de Paulatuk ou de leur territoire à eux.

Ils veulent trouver le moyen de sortir du BS à perpète. Ils ont suffisamment de fierté pour se trouver du travail permanent. On sait tous que les Territoires du Nord-Ouest sont riches en minerai, mais il y autant de mines qui ferment qu'il y en a qui ouvrent. Pourquoi refuserions-nous de leur donner une chance de se trouver du travail? Pourquoi préférons-nous les garder dans la dépendance totale et absolue du BS? Pourquoi la ministre responsable des communautés autochtones ne se met-elle pas le nez dans le dossier pour défendre les gens qu'elle a le mandat de défendre? Je trouve ça vraiment aberrant.

• 1625

    Bien qu'il soit possible que les minéraux se trouvent à l'extérieur du parc proposé, il est également possible que le seul gisement économique puisse se trouver à l'intérieur du parc.

Il peut se trouver à l'intérieur de la limite qui est là présentement.

    C'est ainsi que fonctionne la géologie. Paulatuk, tout comme les autres communautés de la région, ne peut pas se permettre d'ignorer cette possibilité. Les gens de Paulatuk dépendent presque entièrement de l'aide sociale...

Ce sont eux qui le disent et je le répète. Que font-ils pour arrondir leurs fins de mois? Ils font de la chasse sportive. Les emplois que le parc va créer, et ils le disent, ne seront pas assez nombreux pour faire vivre leur communauté.

    Les populations des communautés de notre région sont très jeunes, comptant de nombreux enfants qui auront besoin de possibilités et de perspectives d'emplois valables à envisager pour les motiver à poursuivre leurs études.

Voilà des citoyens qui sont très conscients de ce qu'ils veulent comme avenir. Nous ici, autour de la table, nous recommanderions au gouvernement d'adopter ce projet de loi de façon précipitée, sans en connaître les vrais enjeux?

    Les emplois qui ont été promis par le conseil de gestion du parc sont les bienvenus, mais comme d'autres Inuvialuit l'ont découvert à partir de l'expérience du parc Aulavik, il y a trop peu d'emplois et de possibilités de guider pour faire une réelle différence pour la communauté.

Ils ont besoin de cette mine. Il leur faut nécessairement une chance de se développer. Ils écrivent:

    Nous avons besoin de travail pour sortir de l'aide sociale et restaurer l'autonomie de notre peuple. Nous savons également que nous pouvons recourir aux pouvoirs de notre entente de revendication territoriale pour établir de bonnes relations de travail avec les entreprises d'extraction des minéraux pour nous assurer d'obtenir des emplois et des avantages réels de toute activité qui traverse le processus d'approbation environnementale.

Donc, ces gens nous demandent de leur faire confiance parce qu'ils ont toujours protégé l'environnement jusqu'à aujourd'hui et vont continuer de le faire. Ils prennent l'engagement formel de continuer de le faire. Ce qu'ils veulent, ce sont des emplois pour leurs jeunes, et ils ont la garantie, compte tenu de l'entente qu'ils ont signée avec la compagnie minière, qu'ils auront leur part de jobs.

C'est simple, il me semble. Qu'est-ce qu'il y a d'odieux à posséder 35 p. 100 des parts d'une mine et à vouloir l'exploiter si elle est exploitable, cela même si l'exploitation franchit les frontières?

Je crois qu'il y aurait moyen de trouver une solution. On pourrait sortir ce territoire des limites du parc pour cinq ou dix ans. Si jamais il s'avérait, après des études, qu'il est impossible d'exploiter ce territoire minier précis, on le remettrait à l'intérieur du parc pour le protéger définitivement.

Pourquoi nous opposer de façon péremptoire, autoritaire, prétentieuse, arrogante à une demande que nous font des citoyens de notre pays? Vraiment, il faudrait qu'on m'explique.

    Les gens de Paulatuk ont confirmé leur consentement à revoir l'accord du parc par des résolutions adoptées en bonne et due forme en février...

Elles ont été adoptées par l'ensemble des représentants des signataires. Ils ne se sont pas présentés devant nous les mains vides en disant qu'ils étaient deux ou trois à penser cela. On peut peut-être penser que les propriétaires des actions sont deux ou trois personnes, mais on nous a bel et bien affirmé et confirmé, et on pourrait leur demander de le mettre par écrit si c'était nécessaire, que toute la collectivité et les six communautés qui sont installées autour du territoire ici profiteraient des retombées économiques de la mine. Ce n'est pas une ou deux personnes qui vont s'enrichir, comme dans notre monde capitaliste du Sud. Leur donner le droit d'exploiter la mine, c'est leur donner le droit de faire partager à toute la communauté l'ensemble des retombées économiques.

• 1630

Ils sont inquiets et ils ont raison. On n'a qu'à lire les discours que certains députés ont prononcés au moment de la deuxième lecture. Je les ai moi-même regardés en diagonale rapidement quand j'ai vu ça. On leur fait des procès d'intention en quelque sorte. Qu'on se pose des questions et qu'on interprète et analyse leurs réponses, je trouve tout cela légitime. Mais je crois que ces personnes se sont présentées devant nous avec un livre ouvert. Elles ne semblaient pas vouloir cacher quoi que ce soit. Elles ont jugé qu'on leur avait posé de bonnes questions. J'espère que vous estimez qu'elles ont donné de bonnes réponses. Ces personnes ont un sens profond de la gestion du territoire et des ressources. Elles n'ont pas beaucoup aimé qu'on leur dise que leur initiative pourrait être assimilée à un manque de respect de leur part pour l'environnement.

L'environnement fait partie de leurs préoccupations. Ils se préoccupent des dommages à l'environnement causés par les aménagements de la mer de Beaufort et ils ont la conviction que la population locale doit s'engager dans la protection de l'environnement, ce qui les a amenés à travailler si fort en vue d'une entente de revendication territoriale en 1984. Cette population a travaillé très fort pour s'entendre avec le gouvernement et pour signer une entente en 1984, entente qui a été constitutionnalisée. Quand un groupe de cinq ou six communautés qui regroupent environ 5 700 personnes fait confiance à des interlocuteurs, veut protéger l'environnement. demande qu'on signe une entente et s'est montrée, depuis 1984 jusqu'à aujourd'hui, compréhensive et collaboratrice avec les représentants du gouvernement, pourquoi essaie-t-on tout à coup de lui faire un croc-en-jambe en lui refusant une demande tout à fait légitime?

La convention qui a été signée entre ce peuple et le Canada accorde la plus grande priorité à la conservation de la faune et à la protection de l'environnement, disent-ils.

    Cette priorité se traduit par des régimes stricts de réglementation et de cogestion de l'environnement qui ont été louangés par des organisations environnementales internationales reconnues les meilleurs du monde.

Le Canada aime se proclamer le number one, le meilleur au monde, mais nous avons ici une communauté qui aide probablement à redorer le blason du Canada sur le plan environnemental puisque des organismes internationaux la louangent pour ce qu'elle fait dans ses espaces près de l'Arctique pour protéger notre environnement.

    La priorité se traduit également par le fait que les accords de concession signés avec des entreprises exploitant les ressources exigent explicitement que toute activité fasse l'objet de l'examen réglementaire exigé par la Convention définitive des Inuvialuit.

Voilà un peuple qui prend ses responsabilités, même avec ses sous-traitants, ce que nous avons eu de la difficulté à obtenir d'entreprises canadiennes. Combien de fois avons-nous demandé au gouvernement de faire en sorte que les pollueurs paient la note de ce qu'ils polluent? La loi du pollueur-payeur n'a jamais été retenue. Mais voilà qu'on a ici une toute petite communauté qui accorde la priorité à son environnement et qui demande aux gens qui vont travailler et aux entreprises qui seront créées dans leur secteur et dans leur région de se soumettre explicitement à la réglementation qu'exige la Convention définitive signée entre ce peuple et le gouvernement.

La priorité qu'ils accordent à la conservation est également démontrée par le fait qu'ils ont mis de côté 29 p. 100 de leur territoire pour des parcs et des zones protégées, une protection sans égale dans tout autre secteur de compétence au Canada. Ils ont probablement été trop généreux, et c'est pour cela que nous les récompensons de la façon dont nous le faisons aujourd'hui.

• 1635

    En présentant cette demande de modification de l'accord du parc, les Inuvialuit ne s'éloignent pas de leur engagement envers la conservation. La question a été discutée à fond par les organisations inuvialuit, [...]. La conséquence d'un changement de limite pour la conservation était notre principale préoccupation, mais il y a de bonnes raisons de croire que cette région peut et sera aussi bien protégée que toute autre région d'établissement des Inuvialuit, sans l'avantage d'un statut de parc. Les Inuvialuit ont confiance en leurs institutions et en leur capacité de réglementer selon les normes les plus élevées pour les raisons suivantes:

    - La région fera l'objet d'une réglementation environnementale complète en vertu de la CDI. Nos institutions soumettent toutes les activités à un examen approfondi, et des conditions strictes sont attachées régulièrement aux permis afin de nous assurer que seules les activités pleinement compatibles avec la santé écologique et l'intégrité à long terme du territoire peuvent se dérouler.

Je me demande combien d'entre nous seraient prêts à s'engager à protéger eux-mêmes leur propre environnement et à signer une entente qui soit totalement compatible avec la santé écologique et l'intégrité à long terme de notre territoire. Je me demande si on abandonnerait nos autos pour les remplacer par des bicyclettes ou par la course ou la marche. Qui d'entre nous serait capable de le faire? Accepterions-nous de changer notre façon de manger, de disposer de nos déchets? Je me dis que ces gens, dans leur territoire, ont beaucoup de leçons à nous apprendre.

Voici une autre raison:

    - L'aperçu précis du secteur à enlever a été tracé après une longue discussion du comité des chasseurs et des trappeurs de Paulatuk et avec sa participation directe. Nos chasseurs inuvialuit connaissent bien le territoire et ses ressources, et leur bien-être dépend directement de la santé de la faune à long terme. Le comité a placé la ligne de façon à minimiser le secteur à enlever du parc proposé et à le tenir aussi loin que possible des chutes LaRonciere et des aires de reproduction les plus utilisées.

Mme Cournoyea, quand je l'ai rencontrée, nous a parlé de la difficulté, pour certaines communautés, de se nourrir à certaines époques parce que les caribous leur font faux bond. Ils se reproduisent et se présentent à un endroit autre que celui où on les attend. Une des personnes qui se sont présentées devant le comité comme témoins avait dû être secourue l'année dernière. On avait dû aller porter de la nourriture puisque les caribous ne s'étaient pas présentés pour qu'on puisse faire la chasse nécessaire pour nourrir les familles.

    Ce projet en est encore aux premières étapes de l'exploration minérale, qui sont moins envahissantes que les étapes du développement.

Voici une troisième raison:

    Diverses conditions peuvent s'appliquer pour atténuer l'impact de l'exploration. [...] Ces exigences sont déjà plus fortes que dans tout autre secteur de compétence. Il est possible qu'on ne découvre rien dans le lieu qui se trouve dans la limite du parc proposé. Toutefois, si on découvre quelque chose et qu'un aménagement est proposé, les législateurs auront le temps de se préparer soigneusement à un examen.

Voici encore une autre raison:

    - Étant donné le rythme normal de l'exploration minérale, il est peu probable qu'une proposition d'aménagement soit prêtre avant les cinq à sept prochaines années.

Puisqu'on nous dit qu'un tel délai est possible, qu'est-ce qu'on perd en sortant ces 2,5 p. 100 du territoire des limites du parc pour un certain nombre d'années? N'est-ce pas un entêtement de Blancs qui se disent qu'ils ont raison et savent mieux qu'eux ce qui est bon pour eux, même s'ils n'ont jamais vécu cinq minutes sous le parallèle où ils vivent?

• 1640

Ils disent plus loin:

    Le principal problème de conservation concerne la protection du troupeau de caribous du Bluenose. La protection du troupeau et de son habitat avant et après la reproduction est un but énoncé de l'accord du parc et elle est d'une importance vitale pour les Inuvialuit qui, beaucoup plus que tous les autres autochtones, comptent sur la chasse au caribou du Bluenose.

[Traduction]

M. John Bryden (Wentworth—Burlington, Lib.): J'invoque le Règlement. Monsieur le président, je ne sais pas trop quelle est la procédure à ce comité, mais aurai-je l'occasion de poser une question après que la députée aura terminé?

Le président: Oui, bien sûr.

M. John Bryden: Merci.

[Français]

Mme Suzanne Tremblay: Ils poursuivent:

    Nous avons toutefois confiance que nos procédures et nos systèmes réglementaires sont assez forts pour assurer la santé et l'intégrité à long terme du troupeau et qu'en appliquant des conditions particulières aux permis, les activités peuvent être contrôlées avec soin pour prévenir les impacts. Plus particulièrement, le rôle important que les chasseurs inuvialuit exercent par l'intermédiaire du Inuvialuit Game Council et du Comité des chasseurs et des trappeurs garantira...

Ce qui est très important, c'est qu'il y a également eu des études faites par des scientifiques. Les Inuvialuit connaissent bien le caribou. Ils nous le disent et nous l'écrivent. Ils en ont besoin. C'est une condition sine qua non de leur survie. C'est pratiquement leur nourriture de base. Leurs protéines de base se trouvent dans les caribous qu'ils mangent.

    Nous savons que bien que le troupeau revienne chaque printemps sur la côte de l'Arctique pour se reproduire, l'aire réelle de reproduction choisie peut changer d'année en année, parfois à cause d'une différence de température, du déglacement, des conditions du sol ou des prédateurs. Les aires utilisées par le caribou pour se reproduire sont occupées pendant de brèves périodes chaque année, habituellement de mai à juin. Ces changements d'emplacements et du moment de la saison de la reproduction ne sont pas prévisibles d'une année à l'autre. Ce sont les aires qui semblent particulièrement privilégiées pour la reproduction; dans le parc, cette aire est généralement au nord et à l'est de la rivière Hornaday. Mais il y a des aires de reproduction très utilisées à l'extérieur du parc proposé, dans le secteur du Lac-Bluenose et de la péninsule de Bathurst, et d'autres secteurs ne sont pas très utilisés à l'intérieur du parc.

    Naturellement, il y a encore beaucoup à apprendre au sujet du troupeau du Bluenose.

Ils disent eux-mêmes qu'ils ne connaissent pas tout sur le troupeau. Ils vivent avec ce troupeau de caribous depuis des temps immémoriaux, mais ils n'ont pas la capacité de faire toutes les observations, comme nous l'avons présentement avec tous les moyens techniques, ou de consigner les cartes dans un ordinateur d'année et année pour voir où se trouvent exactement les caribous. Ils prétendent que les scientifiques ont reçu des résultats de l'analyse d'ADN qui confirme que le troupeau qu'on appelle le Bluenose consiste en réalité en deux troupeaux distincts.

    Ce n'est pas du tout étonnant pour les résidants locaux qui observent depuis de nombreuses années qu'il y a des différences entre les côtes des deux groupes d'animaux.

Les scientifiques viennent de le confirmer.

    Nous ne comprenons pas avec certitude la sensibilité du Bluenose ou de tout autre troupeau aux interférences. En même temps, il n'existe aucune preuve justifiant une interdiction de l'activité minérale. Le caribou est un animal résistant, endurant année après année les conditions les plus extrêmes sur terre. En appliquant les nouvelles techniques de gestion des activités, en intégrant pleinement le savoir traditionnel des résidants locaux et en apprenant les données de la recherche scientifique à l'intérieur et à l'extérieur du nouveau parc, nous avons la possibilité d'en apprendre davantage sur le caribou. Nous n'avons pas peur de ce que nous pouvons apprendre et nous n'éviterons pas les décisions difficiles que ces nouvelles connaissances peuvent présenter. L'aménagement ne sera autorisé que si le projet peut être entrepris sans endommager la santé et l'intégrité à long terme de la faune et des ressources naturelles du secteur.

• 1645

Monsieur le président, voilà un engagement tout à fait extraordinaire. Des gens viennent en toute simplicité nous dire ce qu'ils sont: des gens imparfaits. Ils ne connaissent pas tout sur le caribou. Ils vivent avec lui, avec les troupeaux, ils s'en nourrissent, mais ils disent que les scientifiques peuvent leur apporter plus de connaissances et qu'il y a de nouvelles façons de gérer le choix des activités. Ils veulent tenir compte des connaissances des gens qui habitent dans ces régions. Ils veulent apprendre les données que leur apportent les scientifiques. Ils veulent mieux comprendre tout ce qui concerne les troupeaux du Bluenose. Ils prennent même l'engagement que, s'il s'avérait que ça compromettait la santé et l'intégrité à long terme de la faune et des ressources naturelles du secteur, ils renonceraient à l'activité minière.

Ils sont venus nous demander une modification. Ils ont demandé un examen, conformément à l'article 22.1 de l'accord du parc, afin de modifier la limite ouest du parc proposé, comme on l'a dit plusieurs fois. Ils ont également invoqué l'article 16 de la Convention définitive pour demander la délivrance directe des droits minéraux par le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien aux Inuvialuit. La demande au secrétaire d'État a été soumise le 19 février et elle a été suivie d'une correspondance et de représentations à Yellowknife et à Ottawa. La dépense a été considérable pour leur organisation.

Il est fort heureux, monsieur le président, que nous ayons eu la décence de les rembourser quand ils sont venus nous rencontrer. C'était la politique normale, mais je me demande si, tout compte fait, nous n'aurions pas dû—et je me demande si cela n'aurait pas été une bonne façon de dépenser l'argent des contribuables—nous amener sur place pour aller voir exactement ce que veut dire vivre jour après jour à cet endroit, sur une terre aussi ingrate. Je me demande si, ayant fait cela, nous serions disposés à prendre la décision que nous apprêtons à prendre.

Malgré l'appui et malgré la pertinence de la question par rapport à plusieurs déclarations d'intérêt public, le secrétaire d'État a rejeté sans avertissement la demande présentée par eux le 25 mars 1998.

[Traduction]

M. John Bryden: J'invoque le Règlement, monsieur le président. Je siège à ce comité pour une séance seulement, puisque je remplace quelqu'un. Aurai-je l'occasion de prendre la parole...

Mme Suzanne Tremblay: Pas aujourd'hui.

M. John Bryden: ... après la présente séance du comité si la députée poursuit indéfiniment? Aurai-je tout de même l'occasion de prendre la parole? C'est que, voyez-vous, je ne serai pas là pour la prochaine séance.

Le président: Monsieur Bryden, je puis vous assurer que je vous donnerai tout le temps voulu pour faire connaître vos observations. Et si, pour ce faire, nous devons rester là toute la nuit, monsieur, vous aurez l'occasion de présenter vos observations, et si Mme Tremblay veut parler toute la nuit, elle pourra le faire. Vous aurez l'occasion de présenter vos observations.

M. John Bryden: Je vois. Nous sommes quand même soumis à certaines pressions, n'est-ce pas? Voulez-vous vraiment dire que je dois rester ici toute la nuit?

Le président: J'espère que non, mais on ne sait jamais.

M. John Bryden: Si j'avais simplement l'occasion de faire quelques observations, je m'estimerais plus que satisfait.

Le président: D'accord.

M. John Bryden: Merci.

[Français]

Mme Suzanne Tremblay: On a aussi un comité demain matin.

Monsieur le président, je peux continuer?

Le président: Oui.

Mme Suzanne Tremblay: Merci.

Le président: On vous écoute avec beaucoup d'attention.

Mme Suzanne Tremblay: Je vous remercie de la pause que vous m'avez donnée.

Selon les Inuvialuit, la modification servira mieux l'équilibre à long terme des intérêts dans la région. Ils sont bien placés, monsieur le président, pour nous expliquer comment on devrait prendre la décision. Leur demande a l'appui de cinq des six signataires de l'accord.

• 1650

Quand ils ont fait la demande, le 19 février, ils ont finalement reçu une réponse. Le secrétaire d'État a rejeté sans avertissement leur demande du 25 mars 1998. C'est à ce moment-là que le gouvernement s'est aussitôt empressé de réactiver le processus pour faire en sorte que le projet de loi arrive rapidement au Parlement «afin d'empêcher toute autre considération de notre demande.» Ce sont eux qui s'expriment ainsi.

Je pense que le gouvernement a commencé à sentir la pression ainsi que le lobby que faisait cette communauté et a voulu régler rapidement la question. La question était si insignifiante pour Ottawa que la CBC North a diffusé l'information sur la décision du gouvernement avant même que le gouvernement ait eu la décence d'avertir les gens de Paulatuk que la décision était prise et qu'elle n'allait pas du tout dans le sens de leur requête.

Monsieur le président, j'appelle cela une majorité dominatrice, centralisatrice, qui méprise ses contribuables et ses citoyens. Un groupe de citoyens vit à l'endroit où ils vivent et nous explique comment sa demande est dans l'intérêt du public, dans l'intérêt de la communauté et dans l'intérêt du Canada, et on ne se donne même pas la peine de leur envoyer un fax ou de leur téléphoner pour leur dire: «Écoutez, nous avons pris notre décision.» Non, il a fallu qu'ils l'apprennent par CBC North.

    Notre demande avait si peu d'importance qu'elle n'a même pas mérité une mention de la part de M. Mitchell dans sa déclaration au Parlement.

Il s'agit de la déclaration qu'il a faite quand il a déposé le projet de loi C-38.

    L'impression sans équivoque donnée par cette déclaration est que tout est dans l'ordre, sans contestation, ne nécessitant qu'un coup d'oeil rapide du Parlement et de ce comité.

Monsieur le président, ce qu'il y a de remarquable, ce que ces gens nous écrivent dans le mémoire qu'ils ont déposé devant nous et que je viens de lire, c'est exactement ce qui nous a été dit quand nous avons reçu le breffage: c'est une question technique, ce sont juste des limites de parc, tout le monde s'entend, il n'y a pas de problèmes et il n'y a pas de contestation; vous allez voir, cela va passer comme du beurre dans la poêle

Ils sont venus devant nous pour nous dire que c'était faux et qu'on les avait mal informés. Il y a une question extrêmement importante pour les Inuvialuit: ils ne sont pas d'accord sur les limites du parc. Leurs positions et celles d'autres intervenants nous ont été mal présentées. Ce qu'ils ont voulu faire par leur présence ici, c'est nous expliquer l'ensemble du problème, nous le présenter avec leur vision à eux.

    Notre demande concernant une modification de la limite est enracinée dans une longue discussion sérieuse à Paulatuk et dans la région d'établissement des Inuvialuit. Ce gouvernement a donc rendu un mauvais service aux Inuvialuit en rejetant notre demande conforme à un article légitime d'un accord de cogestion du parc.

On leur dit: «Faites-nous confiance. S'il y a quelque chose, il y a un article qui garantit que vous allez pouvoir revoir les limites du parc.» Ils nous font confiance, mais quand ils nous demandent de revoir la limite du parc, on leur dit: «Non, impossible. On rejette votre demande même si elle est légitime.» Comment ces personnes pourront-elles vraiment faire confiance au gouvernement?

Au moment de la deuxième lecture, quand ils sont venus devant nous, les Inuvialuit nous ont rappelé que certains députés «ont laissé entendre que l'établissement du parc est sacro-saint, que ce projet et des projets de loi semblables vont au-delà de l'examen public, et que les recommandations de Parcs Canada étaient sans reproche.»

    Nous sommes ici pour inviter instamment le comité et le Parlement à rejeter ce point de vue, à refuser de jouer un rôle bureaucratique et à examiner plutôt à fond les fondements de la législation sur les parcs. Ces décisions réservent des terres à jamais. Il deviendra impossible de les modifier même si de nouveaux renseignements importants sur les ressources naturelles se font jour. Les décisions sur les terres doivent être judicieuses, basées sur l'information la plus complète, elles doivent tenir compte de la nécessité d'une certaine souplesse, et elles doivent prendre en considération les intérêts de tous—le territoire, la faune, les ressources naturelles et la population de la région.

• 1655

Monsieur le président, je suis prête à reconnaître que l'entente intervenue s'avérait excellente pour le territoire, pour la faune et pour les ressources naturelles. Mais la population de la région, après avoir eu des discussions difficiles et longues, après avoir consulté l'ensemble de la communauté et des six communautés réparties sur le territoire, en est venue à la conclusion que l'entente ne respectait pas les besoins de la population de la région.

Il ne s'agit pas d'une vaste zone de nature sauvage qui est complètement vide. Il s'agit de leur territoire, nous rappellent-ils. Ce sont leurs terres à eux. Ce sont leurs terres à eux qu'on leur a consenties dans une entente définitive réglée avec eux en 1984, une entente qui est constitutionnalisée.

Monsieur le président, si ces autochtones allaient devant la cour, si on acceptait vraiment de jouer le jeu, je ne suis pas certaine que la cour reconnaîtrait la constitutionnalité d'un parc qui contrevient à une entente signée de bonne foi par des personnes qui habitent un territoire. Ils nous le disent. Ils nous l'écrivent. Le territoire n'est pas vide au cas où vous ne le sauriez pas, au cas où les cartes disponibles en bas, dans le Sud, ne vous montrent pas exactement où nous sommes. Nous sommes ici, autour. Ce n'est pas vide. Nous sommes près de 6 000 personnes qui y habitent. Ils écrivent:

    Les Inuvialuit ont parcouru la zone désignée pour le parc [...], ils y vivent, parfois prospères, parfois dans la difficulté, et parfois crevant de faim dans les terres dures et stériles de la zone de Tuktut Nogait. Notre enjeu dans ce territoire est reconnu et protégé par la Loi constitutionnelle de ce pays et nous sommes déterminés à ce que cet enjeu ne soit pas compromis.

Monsieur le président, je ne serais pas surprise, mais pas du tout surprise, que ce que nous sommes en train de faire ne soit pas totalement constitutionnel. Cette population n'est pas contre le projet de loi C-38, bien au contraire. Ils soulèvent plusieurs questions qui justifient l'attention du Parlement. Il s'agit de questions de contenu et de processus. Examinons quelques-unes de ces questions.

Il y a d'abord le principe de cogestion. L'accord du parc, qui date de 1996, stipule qu'il s'agira d'un parc en cogestion assujetti à la Convention définitive des Inuvialuit qui, elle, a été signée en 1984.

    Pourtant, malgré l'appui explicite de cinq de six signataires de l'accord du parc, notre demande a été rejetée. Le projet de loi C-38 ne mentionne même pas l'accord du parc ni le fait qu'il s'agit d'un parc en cogestion. La question de ce que signifie «cogestion» et du rôle des parcs en cogestion dans le système des parcs nationaux doit être examinée, tant pour l'intérêt public dans son ensemble que pour les autochtones, et pas seulement nous-mêmes, qui peuvent conclure de tels accords.

Monsieur le président, il se pourrait bien que le Canada veuille signer de tels accords avec d'autres, mais compte tenu de l'expérience négative que connaissent les Inuvialuit, qui voudra s'engager maintenant à signer une telle entente avec les gouvernement? Qui, dorénavant, va faire confiance à un projet de congestion?

Je vous demande, monsieur le président, si le Canada est totalement conscient de l'ampleur et des conséquences néfastes de la publicité qui sera faite à ce projet qui ne respecte pas du tout la population qui vit sur ce territoire extrêmement difficile.

• 1700

À titre de deuxième considération, parmi les questions que ces gens nous soumettent, je parlerai du rôle des Inuvialuit dans la prise de décisions. Ce nouveau parc réserve une zone immense, soit 16 340 kilomètres carrés de leur territoire traditionnel. Ce sont des terres qu'ils ont négociées difficilement pendant de longues années de pourparlers et de revendications territoriales avec le Canada. La Convention définitive que le Canada a signée établit comme objectif central l'engagement complet et significatif des Inuvialuit dans l'économie de la région et du pays. Cet objectif a été par la suite entériné par l'initiative visant à rassembler les forces du gouvernement.

Ces gens veulent s'impliquer de façon complète et significative dans l'économie de leur région, et ensuite dans l'économie du Canada. Pourquoi leur refuser ce droit? Pourquoi s'entêter? Pourquoi nous entêter à faire en sorte que ces gens n'aient que du mépris pour vous?

Bien qu'ils aient participé aux décisions relatives à l'accord du parc, ils s'en retrouvent maintenant écartés. Le Canada a été hypocrite—et ce n'est pas moi qui le dis, mais bien eux—au point de leur dire: «Venez vous asseoir à la table, nous allons négocier, nous allons prévoir tout ce qu'il faut pour que le parc fonctionne très bien et nous allons créer des jobs.» Le gouvernement a sorti tous ses tambours et trompettes. De beaux discours, encore une fois, les ont amenés autour de la table et fait signer l'entente. Maintenant que l'entente est signée, ils disent: «Bye bye, les Inuvialuit. Allez à la dérive. On s'en fout maintenant qu'on a ce qu'on veut. On a notre parc et on protège les parcs. Peu importe les personnes, on se fout d'elles Ce qui compte, c'est le parc.» Ils écrivent:

    On nous dit que l'affaire est finale, que la clause d'examen n'est pas disponible pour nous. Pourtant, de l'avis des Inuvialuit, la modification de la limite est dans les meilleurs intérêts à long terme de la région.

Rappelez-vous, monsieur le président, que cette décision avec les Inuvialuit a été faite après de longues consultations.

    Nous avons également les moyens, par les institutions de la CDI, de nous assurer que si un aménagement est un jour proposé, il ne sera entrepris que s'il satisfait aux besoins de l'environnement naturel et des gens de la région. Il nous semble que cette initiative va entièrement dans le sens des déclarations du gouvernement sur le développement durable dans le Nord et sur l'autosuffisance économique des autochtones.

Ce n'est pas tout, monsieur le président, de tenir des discours. C'est très facile de faire des discours. Il est beaucoup plus difficile de passer aux actes. Quand un gouvernement souhaite, dans une politique très claire, que les populations se prennent en main, qu'elles soient autochtones ou autres, nous devons prendre les moyens pour qu'elles le fassent au plan économique. Les autochtones nous disent que céder cette petite partie de 2,5 p. 100 du territoire ne nous enlèverait rien, alors que cela pourrait leur apporter beaucoup.

Ils disent:

    Ce gouvernement a déclaré son engagement envers une participation entière des autochtones à la vie économique de ce pays, et cet engagement est absent du traitement des Inuvialuit dans cette affaire.

Je passe maintenant à la troisième des six questions qu'on a soumises à notre attention. Je cite:

    Toutes les orientations fédérales et territoriales sur les zones protégées insistent sur l'importance de l'utilisation d'une information judicieuse sur toutes les ressources naturelles du territoire lorsqu'il s'agit de décider de réserver des terres.

Ce n'est pas compliqué, monsieur le président. On dit: «Si vous voulez prendre une décision, prenez-la en connaissance de cause. Disposez du plus d'informations judicieuses et pertinentes possible sur les ressources naturelles du territoire.» Au moment où le Canada prenait sa décision avec les Inuvialuit sur l'entente qu'il signait en 1996, il n'avait pas toute l'information qu'a fait connaître par la suite l'étude de 1997. Il n'avait pas non plus toute l'information sur les troupeaux de caribous que les scientifiques sont en train d'observer et de mieux comprendre. Les communautés se disent prêtes à apprendre ce que les scientifiques pourront leur enseigner.

• 1705

Donc, au moment où la décision est prise, on ne possède pas toute l'information. Le fait que les connaissances évoluent constamment avec les nouvelles technologies fait en sorte qu'on doit de temps en temps faire le point sur les nouvelles connaissances qui sont acquises et voir si la décision que l'on prend est bonne ou pas.

Le territoire et la base des ressources peuvent changer. Par exemple, les animaux modifient leur migration en réponse aux conditions climatiques ou à des aires de reproduction. Il est bien évident que si on prend une décision en se basant sur des photos ou des informations qui datent de 1994 et que, depuis, les troupeaux se sont complètement déplacés, on ne protégera pas le bon territoire. Finalement, ce qu'on voulait faire pour protéger le troupeau s'avérera inutile et il faudra agir ailleurs parce que le troupeau a déménagé.

Rappelez-vous, monsieur le président, qu'il y a quelques années, dans les territoires du Nord du Québec, un troupeau de caribous qui avait eu un comportement bizarre s'était noyé. On n'a jamais trop compris pourquoi les caribous étaient partis dans cette direction et pourquoi ils avaient eu ce comportement.

S'il est vrai qu'on doit avoir des informations pertinentes sur les ressources naturelles et sur la faune, sur les troupeaux et sur toutes ces choses-là, il est également vrai qu'on doit, avant de prendre notre décision, avoir toute l'information sur les ressources minérales.

    Les géologues peuvent parcourir le même territoire à plusieurs reprises pendant de nombreuses années sans découvrir quoi que ce soit. Des nouvelles technologies et des nouvelles théories d'exploration peuvent transformer une zone dépourvue de minéraux en une zone productive. Il y a dix ans, la province géologique du Lac des Esclaves, qui a fait l'objet de la plus importante ruée aux minéraux de ce siècle, était considérée stérile par les meilleurs géologues du pays. Plus tard cette année, la première mine de diamants du pays entrera en exploitation, créant de nouveaux emplois et établissant une nouvelle industrie.

    On ne doit pas rejeter du revers de la main la richesse des minéraux. C'est une ressource rare. Les mines représentent la plus importante activité du secteur privé dans les Territoires du Nord-Ouest...

Monsieur le président, le secteur privé est actif. Pourquoi le gouvernement ne veut-il pas l'aider à donner plus d'autonomie économique aux populations de la région? Pourquoi le gouvernement se substituerait-il à l'entreprise privée pour garder tous ces gens sur le bien-être social? Pour mieux les dominer? Pour mieux les assimiler? Pour mieux les faire périr? Quel est l'objectif réel du gouvernement? Sauver ces populations? Leur donner des moyens de s'épanouir sur la terre qu'ils ont choisie d'habiter pour y vivre?

Monsieur le président, il y a lieu de se questionner très profondément sur les motifs qui poussent le gouvernement à précipiter son action en vue de faire adopter le projet de loi C-38.

    ...au cours de l'hiver dernier, quatre mines ont été fermées et quatre autres fermeront probablement au cours des prochaines années. Les Inuvialuit apprécient jusqu'à quel point les possibilités peuvent être rares et volatiles, ayant vu aller et venir la promesse du développement de la mer de Beaufort. Le projet d'exploration de Darnley Bay est la seule prospection minière dans notre région. L'information sur les ressources minérales de ce projet ne peut pas être écartée du revers de la main.

Monsieur le président, il m'apparaît fondamental que l'on réfléchisse sérieusement à cette demande. Ils disent:

    Cette nouvelle information indique que la limite ouest proposée dans le projet de loi C-38 est inappropriée et empêchera le développement économique à long terme dans une mesure qui est hors de proportion avec le petit degré de protection de plus que le statut de parc peut offrir à ce segment de territoire.

Monsieur le président, je vais répéter cette phrase parce qu'elle m'apparaît lourde de signification:

    ...la limite ouest qu'on propose dans le projet de loi C-38 est inappropriée et empêchera le développement économique à long terme dans une mesure qui est hors de proportion avec le petit degré de protection de plus que le statut de parc peut offrir à ce segment de territoire.

• 1710

Ils poursuivent:

    Nous croyons que l'équilibre des intérêts justifierait une limite différente. Si cette information avait été disponible à l'époque des négociations de l'accord, la position des signataires inuvialuit aurait été différente.

Monsieur le président, d'aucuns peuvent prétendre qu'ils écrivent cela aujourd'hui parce qu'on leur refuse de rouvrir l'entente. S'ils avaient su... Comme on dit souvent, «si j'aurais su, j'aurais pas venu». Dans leur cas, s'ils avaient su, ils n'auraient pas signé. Ils ont nettement l'impression que nous les trompons. Vous savez aussi bien que moi, monsieur le président, que les impressions sont difficiles à effacer et qu'elles sont beaucoup plus terribles que la réalité.

Ils poursuivent:

    Cette affaire soulève une autre question d'orientation. Le Nord du Canada demeure beaucoup moins exploré que les autres parties du pays, et il peut s'écouler des dizaines d'années avant que les connaissances sur son potentiel minéral soient aussi avancées que dans le Sud du Canada. Peut-être que l'inflexibilité du statut de parc national, incapable de s'adapter aux nouvelles données sur les ressources minérales, n'est simplement pas appropriée pour le Nord du Canada. Il existe d'autres moyens de protection dont disposent les décideurs; peut-être est-il temps d'envisager la nécessité d'une certaine souplesse.

Monsieur le président, il y a là un appel au secours de la part de cette communauté qui nous dit: «Écoutez, les gens du Sud du Canada, réveillez-vous. Le Nord n'est pas comme le Sud. Pourquoi faudrait-il avoir des mesures mur à mur dans ce pays?» C'est toujours ce qui a floué le Canada, monsieur le président, et ce qui va finir par le perdre totalement, cet entêtement à vouloir, it*coast to coast to coast, traiter tout le monde de la même façon, avec la même rigueur et la même domination. Pourquoi ne serions-nous pas capables de comprendre? Cela m'apparaît simple, monsieur le président, quand on regarde où sont situés les gens, quand on place ces communautés dans l'ensemble de notre pays, quand on voit à quelle latitude ils vivent, quand on voit le climat de cette partie de notre pays et quand on voit comment cela fonctionne pour communiquer d'une communauté à l'autre.

Monsieur le président, ces gens nous disent: «Vous êtes inflexibles.» Cela n'a pas de bon sens qu'on soit aussi durs et aussi inflexibles, et qu'on ne veuille pas entendre raison. Il faut envisager la souplesse. Nous ne sommes pas limités à six mois pour créer ce parc. Le Canada va continuer à vivre tout l'été même si nous reportons ce projet de loi à l'automne. Il n'y a pas de presse au point qu'on ne soit pas capable de nous donner la certitude que nous prenons la bonne décision.

Monsieur le président, je vous implore au nom de cette communauté de faire en sorte qu'on accorde de l'importance à ce que ces gens nous disent. Ils nous demandent de la souplesse. Allons-nous être capables de faire preuve d'un peu de souplesse, pour une fois, avec une nation qui veut le bien du Canada et qui est mieux placée que nous pour le savoir?

Ils nous disent ceci:

    Bien que cela puisse représenter l'anathème pour certains défenseurs des parcs, permettez-nous de vous proposer un exemple. Le caribou modifie souvent ses habitudes d'alimentation et de reproduction; que se produit-il si un parc national est établi pour protéger une zone particulière qui était favorisée pour la reproduction et que, pour quelque raison, le caribou choisit pendant quelques saisons une zone située à de nombreux kilomètres dans un autre secteur?

Qu'allons-nous faire, monsieur le président, si nous maintenons les limites du parc telles qu'elles sont ici et que tout à coup les caribous se retrouvent dans le Nunavut? Nous ne les aurons pas protégés. Nous aurons écoeuré une population pour rien et nous aurons démontré de la mauvaise foi et de la mauvaise volonté. Nous leur aurons appris qu'ils ne peuvent pas se fier à notre parole, que nous n'en avons pas, qu'on leur avait dit ça pour les attirer dans un traquenard et pour les attraper et que maintenant que nous avons ce que nous voulons, ça n'a plus d'importance.

• 1715

Ils disent:

    Dans le cas de Tuktut Nogait, l'aire de reproduction selon laquelle la harde de caribous est nommée, le Lac-Bluenose, n'est même pas dans le parc proposé. Et les limites proposées englobent certains secteurs qui sont utilisés régulièrement pour la reproduction, et certains autres qui sont rarement utilisés.

    La protection du caribou est très importante. Nous croyons qu'elle est trop importante pour laisser des généralisations et de la désinformation avoir cours sur les aires et les habitudes du troupeau et pour contourner des décisions délicates sur la conservation et les parcs. Les outils de protection choisis doivent être à la hauteur du travail à accomplir.

Voilà ce que nous demande la population, monsieur le président. On nous demande de tenir compte de la qualité du défi du travail que nous avons à accomplir au lieu de nous entêter à déterminer une limite de parc. Personne ne comprend exactement pourquoi il y a cet entêtement de la part d'un des signataires. Qu'est-ce que le gouvernement a à gagner? Si seulement le ministre nous l'avait dit, on aurait peut-être pu comprendre. La population et les représentants des communautés sont venus nous expliquer ce qu'ils avaient à gagner en modifiant de 2,5 p. 100 les limites du parc. Jamais le ministre ne nous a vraiment convaincus qu'il avait raison de maintenir sa décision de ne pas rouvrir l'entente. Aucun des documents que j'ai parcourus, monsieur le président, à moins que vous ayez un document secret quelque part que je pourrais lire ce soir et qui pourrait me convaincre, ne m'a convaincue que le gouvernement avait raison d'être aussi têtu devant ce projet de loi, monsieur le président.

Je suis parfois capable de comprendre les enjeux quand il s'agit de certains petits amis qui fournissent à la caisse électorale, mais je ne crois pas que dans ce cas-ci, il s'agisse de fournisseurs à la caisse électorale du Parti libéral. Ils ont à peine de quoi survivre dans leur pays. Donc, il doit y avoir une raison et le ministre n'a pas été capable de nous l'expliquer.

Un parc national non aménagé: voilà une autre question que soulèvent les personnes qui se sont présentées devant nous. Elles disent:

    Même sans notre modification, le Parc national de Tuktut Nogait sera l'un des plus grands parcs nationaux du Canada, trois fois la superficie de l'Île-du-Prince-Édouard.

Ce qu'elles nous demandent, monsieur le président, c'est de retirer de ce parc 100 000 acres, soit seulement environ 2,5 p. 100 de la superficie totale du parc proposé.

Ces personnes poursuivent:

    Certains intervenants ont laissé entendre que cette demande est outrageuse—une saisie massive de territoire.

C'est vraiment absurde, monsieur le président. N'eût été de la générosité des Inuvialuit, nous n'aurions pas de parc du tout. Pour les accuser de nous voler du territoire en voulant retirer 2,5 p. 100 de la superficie du parc, ce qui risque—ce n'est même pas sûr—de leur donner de l'emploi, monsieur le président, il faut ne pas avoir de coeur et tenir compte des populations.

«Il est particulièrement difficile de comprendre l'attitude du gouvernement», disent-ils. Moi non plus, je ne comprends pas du tout l'attitude du gouvernement envers ce peuple. Rappelons-nous qu'à l'époque des négociations pour le parc, on projetait d'immenses ajouts de territoire aux régions de Sahtu et de Nunavut. Ils écrivent:

    Ces ajouts auraient augmenté la superficie du parc à 26 000 kilomètres carrés—réduisant le segment que les Inuvialuit demandent. Aucune mention n'a été faite de ces exclusions dans les déclarations du gouvernement, même si des parties de ces zones sont au moins aussi utilisées par le caribou que la région nordique de Tuktut Nogait.

    Il nous semble que si des questions relatives à des ajouts aussi vastes sont laissées ouvertes, il n'est pas nécessaire de tracer dans la législation une limite ouest qui fait l'objet d'une telle prétention. Si les limites sud et est du parc proposé sont encore incertaines, il ne devrait pas y avoir d'objection au réexamen la limite ouest.

• 1720

Voilà une demande qui m'apparaît tout à fait logique, un constat plein de bon sens. Si on peut vivre et que le Canada peut continuer à se lever demain matin et à tourner pour le Canada et tous les Canadiens, je pense bien qu'on pourra vivre pendant encore un bon bout de temps sans offenser ces gens en leur refusant une demande aussi légitime.

Une cinquième question soulève notre attention. Le gouvernement du Canada négocie-t-il de bonne foi l'article 22.1? C'est là que le bât blesse, monsieur le président. Il semblerait que le gros problème de cette communauté, c'est de croire que le gouvernement s'est présenté à la table de négociation de très mauvaise foi. Ils disent:

    À l'époque des négociations pour le parc, les Inuvialuit étaient au courant que la zone de Darnley Bay, généralement à l'ouest du parc proposé, présentait un potentiel de ressources minérales.

Ces gens ne se présentent pas devant nous en disant: «On ne savait rien, nous autres, on a été tenus dans l'ignorance.» Non, ils disent que certains d'entre eux le savaient. Même, disent-ils, certains d'entre eux s'inquiétaient:

    Certains d'entre nous s'inquiétaient que si de nouveaux renseignements indiquaient des perspectives minérales encore meilleures, la limite ouest pourrait alors s'avérer un obstacle à des activités économiques responsables.

Ces gens veulent se prendre en main et avoir des activités économiques qui vont leur permettre de marcher la tête haute et de nourrir leur population. Ils poursuivent:

    ...les négociateurs inuvialuit se sont fait dire spécifiquement par Parcs Canada que l'article 22.1 permettrait de revoir la question de la limite ouest si de nouveaux renseignements étaient obtenus.

Monsieur le président, comme vous, je n'étais pas assise à la table de négociation, mais il y a là des gens dignes de foi qui nous disent: «Les représentants de Parcs Canada sont venus nous dire en toutes lettres de ne pas être craintifs, de leur faire confiance parce qu'ils allaient écrire ici, à 22.1, que si jamais c'était nécessaire, il nous serait possible de rouvrir l'entente et de discuter des limites du parc.»

Devant cette assurance, qu'on fait les négociateurs? Ils ont convaincu la Darnley Bay Resources Limited d'abandonner les permis de prospection sur 472 461 acres de territoire de la Couronne dans le parc proposé.

Ce sont eux, les Inuvialuit, qui sont allés voir les gens et qui leur ont dit: «On aimerait que vous nous donniez cette partie de terre où vous aviez des droits de prospection pour qu'on puisse la mettre à l'intérieur du parc. Si jamais il y a quelque chose, on a la garantie qu'on va pouvoir rouvrir cela.» Les propriétaires de la mine ont consenti à redonner ces terres aux Inuvialuit. Ils l'ont fait volontairement et n'ont demandé aucune indemnisation.

Les Inuvialuit nous demandent maintenant de retirer de ce secteur 100 000 des 472 461 acres que la mine avait consenti à leur donner afin qu'elles puissent être à l'intérieur du parc. «Ainsi, la décision gouvernementale est arrivée comme une grande surprise», disent-ils. Si l'entreprise n'avait pas cédé le territoire, et c'est cela qu'il est important de se rappeler, si la Darnley Bay Resources Limited n'avait pas consenti à redonner aux Inuvialuit 472 461 acres de territoire de la Couronne, nous n'aurions pas aujourd'hui devant nous ce projet de loi C-38. Ils seraient encore en train de négocier une entente. L'accord du parc aurait été retardé de plusieurs années et la possibilité d'exploitation des minéraux n'aurait pas été perdue.

    Si les Inuvialuit n'avaient pas cru que la clause d'examen serait suffisante, leur décision aurait été différente quant à la limite ouest.

C'est cela qu'il faut comprendre.

• 1725

Comment pourrons-nous dormir et vivre avec la certitude que des gens sont convaincus que nous, les députés, les avons trompés, que nous, qui sommes responsables d'administrer le bien collectif, nous sommes présentés devant eux en leur faisant croire que s'ils signaient, ils n'avaient pas à s'inquiéter? Nous sommes des Blancs. Nous sommes supérieurs. Nous avons une parole. Nous allons la respecter.

Ils nous ont crus, et c'est ça qui est le drame. Nous passons tous dans le même panier à salade. Nous passons tous pour des malhonnêtes. Nous discréditons la fonction que nous faisons du mieux que nous pouvons en retirant notre parole et en flouant une population.

    Les négociateurs pour le Canada étaient d'avis que l'article 22.1 ne permettrait pas de répondre à une demande de modification de la limite...

C'est ce qu'ils écrivent et c'est ce qu'ils sont venus nous dire. Maintenant, ils savent que les représentants du Canada, les bureaucrates de Parcs Canada étaient de mauvaise foi. Ils savaient pertinemment que l'article 22.1 était bidon et ne voulait rien dire. Ils ont négocié de mauvaise foi. Ils disent:

    Ou bien, si le gouvernement a décidé d'écarter la cogestion et l'esprit de la Convention définitive des Inuvialuit, le secrétaire d'État agit alors de mauvaise foi.

De deux choses l'une: ou bien les représentants du gouvernement et de Parcs Canada étaient de mauvaise foi, ou bien c'est le secrétaire d'État qui est de mauvaise foi. C'est la conclusion à laquelle ces personnes en arrivent en ayant à vivre ce qu'ils vivent actuellement.

Une sixième question soulève notre attention: l'expropriation des intérêts sans indemnisation.

    Un principe central de la justice canadienne est l'exigence que l'État indemnise équitablement ceux qui ont perdu des droits ou des intérêts par voie d'expropriation.

    Il est vrai que la Darnley Bay Resources Limited a cédé volontairement les droits de prospection sur 472 461 acres de territoire dans le parc proposé et a renoncé...

Elle y a renoncé volontairement et sciemment.

    ...à une indemnisation afin que l'accord du parc puisse procéder sans un retard de cinq ans ou plus. Mais il est également vrai que l'entreprise l'a fait à la demande des Inuvialuit et étant entendu que si la prospection minérale de la zone s'améliore, la position de la limite pourrait être modifiée selon l'article 22.1.

Voyez-vous dans quelle situation déshonorante nous plaçons les Inuvialuit parce que nous manquons à notre parole? Eux aussi sont placés dans la situation de manquer à leur parole devant la Darnley Bay Resources Limited. Ils sont allés rencontrer ces gens et leur ont dit: «Donnez-nous vos droits; s'il se produit quelque chose, il y a une garantie, celle de l'article 22.1.»

Maintenant, cette communauté est obligée de retourner voir la Darnley Bay et de dire: «Nous avons été floués et vous l'êtes évidemment aussi parce que la Couronne, qui a obtenu un territoire assujetti à un permis gardé en bon état par une entreprise d'exploitation sans payer un cent d'indemnisation, refuse aujourd'hui de rouvrir l'entente et de faire en sorte qu'environ 100 000 acres de cette rétrocession, soit environ 20 p. 100, reviennent à l'extérieur des limites du parc.

    Il s'agit d'une question très sérieuse. Les Inuvialuit ont travaillé fort pour établir une relation coopérative et constructive avec le gouvernement du Canada. Nous n'avons demandé que notre dû en vertu de la Convention définitive des Inuvialuit. Il est difficile pour une petite communauté et une petite région (la population de Paulatuk est d'environ 270 personnes de la région d'établissement des Inuvialuit d'environ 5 700 personnes) de se rallier contre les armées de bureaucrates et de négociateurs qui veulent nos terres.

• 1730

Ils nous disent, et c'est pour cela que c'est sérieux: «Nous méritons un meilleur traitement.»

    De même, les entreprises d'exploration minérale doivent pouvoir occuper des terres, conformément aux lois du pays, en ayant confiance que ces droits ne pourront se perdre à cause de fausses prétentions.

Le coût que ces gens ont dû payer pour aller rencontrer les représentants fédéraux, ici à Ottawa ou à Yellowknife, est astronomique pour une petite communauté de si peu de personnes avec si peu de moyens. Ils ont comme une peur bleue—peut-être est-elle rouge, car cela dépend des couleurs qui nous intéressent—de porter le fardeau d'une décision qui peut être assez désastreuse pour eux. C'est nous qui porterons l'odieux de cette décision, j'en suis convaincue, mais je suis prête malgré tout à changer d'idée si on arrive à me démontrer le contraire, parce que nous n'avons pas toute l'information. On nous cache quelque chose. Si ce que les gens viennent nous dire est vrai, nous nous apprêtons à prendre la mauvaise décision.

L'une des choses qui m'ont ouvert les yeux est que notre connaissance insuffisante des réalités de la vie sur la côte de l'Arctique est apparue dans le débat en deuxième lecture.

Nous n'avons pas idée de ce que ces gens-là peuvent vivre. Ce n'est pas parce que nous sommes allés, quelques jours, survoler une partie du territoire que nous le savons. Personnellement, j'ai déjà séjourné au nord du cercle polaire, où j'ai vécu pendant 10 jours de suite sous la lumière permanente, le soleil. Le jour ne finissait jamais. Le soleil ne se couchait jamais. On m'a dit: «Madame, il faudrait revenir au nord du cercle polaire pendant l'hiver, alors que le jour ne se lève jamais ou presque. Vous verriez alors la différence.»

Bien sûr, c'était agréable d'être au chaud à 2 heures du matin, de prendre un café comme s'il était 20 heures en plein été ici, de pouvoir écrire nos cartes postales sans lumière, de pouvoir lire et même conduire sur la route sans phares jusqu'à 22 heures ou 23 heures le soir. Mais ces gens nous disent: «Vous n'avez pas idée de ce que c'est que de vivre notre réalité quotidienne sur la côte de l'Arctique.» Pour ma part, je le confesse: je n'ai aucune idée de ce que cela représente. Ils nous disent ici, et je les cite:

    Respectueusement, la distance et le peu de connaissance des réalités de la vie sur la côte de l'Arctique sont apparus dans le débat en deuxième lecture,...

Attention, monsieur le président, on arrive au bout le plus important:

    ...dans la méprise sur le contexte social, géographique, écologique et économique de la région.

C'est ce que nous écrivent 5 700 personnes réparties sur un immense territoire. On a beau dire que j'exagère, mais je ne le crois pas. Je n'exagère pas pour la simple raison que je cite le texte de ce que nous disent des personnes qui vivent quotidiennement la réalité de Paulatuk: «Malgré tout le respect que nous avons pour vous, mesdames et messieurs les députés, nous devons reconnaître que vous avez une mauvaise connaissance du contexte social, géographique, écologique et économique de la vie sur la côte de l'Arctique.»

• 1735

Sans exagérer, je dois essayer, par des efforts intellectuels, de comprendre ce que cela peut être que de vivre dans cette région, et je vous avoue très honnêtement que, dans le cas qui nous occupe actuellement, il est préférable d'avoir du vécu que des concepts. J'espérais que le comité tienne des audiences. Ils ont demandé que les audiences aient lieu dans leurs territoires. Je trouve regrettable, monsieur le président, que cette demande n'ait jamais été transmise aux membres du comité pour que nous en débattions en comité.

Voilà une population qui nous demande d'aller chez elle. Nous avons parlé de faire toutes sortes de voyages et nous les avons reportés pour toutes sortes de raisons, mais nous avons ici une communauté qui nous a dit: «Venez nous voir, et vous allez voir tous les gens qui sont inquiets.» Au lieu de voir trois personnes, on aurait pu en voir des centaines qui nous auraient expliqué les points qui les touchent le plus dans les décisions que nous allons prendre ici. Ils auraient pu se représenter eux-mêmes plutôt que d'envoyer des représentants.

Nous avons toujours peur que les représentants ne se représentent qu'eux-mêmes. Quand nous entendons des représentants, nous n'avons pas toujours la certitude que ces gens sont bien branchés sur leurs commettants et leurs commettantes. On a tendance à croire, parfois, qu'ils ne représentent que quelques personnes qu'ils ont consultées avant de prendre l'avion, mais dans leur cas à eux, ces gens-là étaient prêts à se représenter eux-mêmes, à venir nous expliquer ce qu'ils faisaient, de façon à ce que nous puissions nous faire une idée plus exacte des réalités de leur vie et de leur territoire.

Leur demande a été écartée et je me demande par qui. Cependant, je trouve regrettable que nous, les membres du comité, n'ayons pas été informés de cette demande. Nous aurions pu en discuter et nous serions peut-être arrivés, pour des questions de coût, à la même décision, mais nous aurions peut-être pu aussi décider d'organiser une vidéoconférence, mais ce n'est peut-être pas possible dans ce territoire, ou peut-être déléguer certains représentants de notre comité. Il est bien dommage que nous n'ayons pas pris les moyens pour que la population soit vraiment entendue autrement que par le biais de quelques représentants.

    Je s'inquiète que des décisions ayant de telles conséquences pour les Inuvialuit soient prises par des personnes qui connaissent si peu nos réalités.

Moi aussi, je suis inquiète. Ils nous disent:

    Vous ne devez pas oublier que notre peuple a déjà souffert des décisions prises «pour notre bien».

C'est vrai qu'à plusieurs reprises, nous prenons des décisions pour le bien des autres personnes sans consulter les personnes concernées.

Ils nous disent à propos de ces décisions:

    Ces attitudes ont déjà coûté à notre peuple un mode de vie; dans la génération de ma mère et de mon père, les familles tiraient encore une bonne subsistance de la terre grâce à la traite des fourrures. La destruction de l'industrie de la fourrure a détruit un mode de vie terrestre, et ne laissant aucune autre option que celle de la dépendance du gouvernement, elle a débilité notre société et notre culture.

Voilà, monsieur le président, un jugement historique très sévère à notre endroit. Nous prétendons que nous prenons les bonnes décisions. Nous nous prenons pour d'autres et les autres sont rarement à la même place que nous. Voilà pourquoi nous prenons de si mauvaises décisions. Nous pensons que nous détenons la vérité. Nous pensons que nous sommes supérieurs parce que nous sommes au Sud. Nous pensons que nous sommes plus beaux, plus fins, les meilleurs de tous, les plus éclairés, les plus connaissants, mais nous prenons des décisions, et ils nous disent que nous prenons des décisions «qui débilitent notre société et notre culture».

    Les décisions de réserver de vastes zones de territoire peuvent faire plaisir à certains Canadiens du sud, bombardés par des organisations environnementales bien financées et peu susceptibles de ne jamais prendre le risque de survivre en passant un hiver sur la côte de l'Arctique.

Je me demande si nous serions vraiment capables de nous adapter et de vivre un an dans leur territoire.

• 1740

    Les décisions d'utiliser les parcs pour protéger les aires de reproduction du caribou, malgré le fait que le caribou choisit un itinéraire complexe d'aires qui traversent les limites, peut donner un sentiment d'aise aux diplomates primaires...

Voilà comment on nous considère, comme des diplomates primaires.

    Ce sont toutefois les Inuvialuit et les gens de Paulatuk qui supporteront le coût de cette aisance hypocrite.

Pourrait-on arrêter cinq minutes, monsieur le président, pour que je puisse aller aux toilettes, s'il vous plaît?

Le président: Oui, d'accord. On va suspendre nos travaux pour cinq minutes.

• 1741




• 1745

Le président: Madame Tremblay, on reprend, s'il vous plaît.

M. Mac Harb (Ottawa-Centre, Lib.): Madame Tremblay, M. Gigantès a parlé pendant à peu près 14 heures. Je propose donc que vous continuiez jusqu'à 2 heures du matin, avec le président.

M. Mauril Bélanger (Ottawa—Vanier, Lib.): Pour moi, ça va jusqu'à 8 heures.

M. Mac Harb: Jusqu'à 2 heures du matin.

Mme Suzanne Tremblay: Je ne suis pas ici pour relever des défis ni pour battre quelqu'un d'autre qui a fait un record remarquable. Je suis ici pour exprimer la position de mon parti. Je l'exprime et, quand j'aurai terminé, je vais écouter avec le même respect tous ceux qui auront quelque chose à dire. Je ne pense pas que cela prenne 14 heures. On me dit, monsieur le président, que les cloches vont sonner à 18 h 30 et que le vote est prévu pour 18 h 45.

Donc, quand les témoins sont venus de leur pays pour nous parler, ils nous ont dit qu'ils n'étaient pas venus ici à Ottawa pour défendre leurs intérêts à l'encontre de ceux d'autres Canadiens. Ils étaient là pour représenter, bien sûr, leur communauté, leur peuple, les Inuvialuit, mais ils ne voulaient pas s'en prendre à nos biens ou à nos intérêts. L'un d'entre eux a passé plusieurs années au service du public dans divers postes et, enfin, comme premier ministre des Territoires du Nord-Ouest.

Il n'est pas évident que le bon intérêt du public favorise un groupe au détriment d'un autre. Ils écrivent ici quelque chose que je trouve très intéressant et que je voudrais citer au texte, parce que c'est une opinion sur laquelle je suis totalement d'accord. Je cite:

    Je ne crois pas que les Canadiens sont servis par une mauvaise politique gouvernementale, si agréable et facile que puisse être la décision. Je crois que tous les Canadiens méritent une politique et un processus décisionnel judicieux et responsables.

Il y a une leçon extrêmement importante à dégager de cette opinion. Nous sommes ici des élus de différents partis et je suis certaine, absolument certaine qu'aucune ou aucun d'entre nous ne se lève le matin en se regardant dans le miroir et en disant: «Aujourd'hui, je vais faire le mieux que je peux pour nuire aux intérêts de mes contribuables.» Non. Nous nous levons, chacun et chacune, tous les matins avec la ferme intention d'utiliser nos ressources et nos talents, de jouer avec nos limites, parce que nous en avons, et d'essayer de faire le mieux que nous pourrons pour nos commettants et commettantes, parce que ce sont eux d'abord qui nous ont élus et, ensuite, pour l'ensemble de nos concitoyens et concitoyennes.

Nous voulons prendre la meilleure décision. Pour prendre la meilleure décision, il faut avoir la meilleure information possible. Comme nous sommes sur le point de prendre une décision et qu'on nous apporte de nouveaux éléments qui peuvent éclairer cette prise de décision, nous n'avons pas le droit de laisser de côté cette information.

• 1750

Revenons à quelques questions qu'on est en droit de se poser.

    Les signataires inuvialuit d'un accord de parc en cogestion demandent que la limite ouest soit modifiée pour en retirer un secteur modeste d'environ 100 000 acres, soit 2,5 p. 100.

Voilà une question qu'on nous pose et voilà un point sur lequel nous avons à réfléchir.

    Cette demande est conforme à l'article 22.1 de l'accord du parc de Tuktut Nogait de 1996, dont les Inuvialuit sont signataires, qui permet à toutes parties à l'accord de demander un examen. À l'époque des négociations pour le parc, le Canada a confirmé aux Inuvialuit que cet article leur permettrait de modifier la limite si de nouveaux renseignements sur les ressources minérales justifient une modification.

Voici le troisième point du résumé jusqu'à maintenant:

    La demande se fonde sur de nouveaux renseignements sur les ressources minérales obtenus depuis octobre 1997 à la suite d'un nouveau levé aéromagnétique qui révèle l'existence de plusieurs lieux de prospection très prometteurs, dont l'un est situé dans la limite du parc proposé.

On soulève plusieurs points ici.

    À l'époque des négociations pour le parc, les rapports du gouvernement indiquaient que les minéraux se trouvaient en profondeur et à l'extérieur des limites du parc.

[Traduction]

Le président: M. Harb invoque le Règlement.

M. Mac Harb: Je voudrais proposer une motion, pour épargner un peu de temps à tout le monde. Je propose que le rapport intégral que nous lit notre collègue soit présumé avoir été lu et soit inclus dans le compte rendu des délibérations du comité.

[Français]

Mme Suzanne Tremblay: J'invoque le Règlement, monsieur le président. Pour déposer une motion, il faut donner un avis de 24 heures.

[Traduction]

M. Mac Harb: Avec le consentement unanime du comité, je suppose.

[Français]

Mme Suzanne Tremblay: On donne un avis de motion 24 heures à l'avance. N'eût été de ce Règlement, j'aurais commencé par déposer plusieurs motions et on en aurait eu pour plusieurs jours.

[Traduction]

M. Mac Harb: Pas de consentement, madame Tremblay? Non.

[Français]

Juste pour économiser du temps. Pas plus.

[Traduction]

Le président: Vous ne pouvez pas proposer une motion en invoquant le Règlement. Je crois que nous permettrons à Mme Tremblay de continuer.

Merci.

[La motion est retirée.]

[Français]

Le président: Madame Tremblay, vous avez terminé?

Mme Suzanne Tremblay: La demande que les Inuvialuit nous envoient «est basée sur des discussions longues et sérieuses à Paulatuk et dans la région d'établissement des Inuvialuit.»

    Les terres en question sont des terres de la Couronne dans la région d'établissement des Inuvialuit et elles sont assujetties à la Convention définitive des Inuvialuit, une entente de revendication territoriale protégée par la Constitution.

    Les signataires inuvialuit croient que la zone peut être retirée du parc proposé sans nuire à la conservation du parc. Nous avons confiance dans les processus de réglementation et les institutions de cogestion établies par la Convention définitive des Inuvialuit pour garantir que l'activité minérale ne se déroule que d'une manière qui protège l'environnement.

    La zone demandée se trouve du côté ouest du parc et la limite alternative a été tracée par les gens qui connaissent le mieux cette zone et sa faune, les membres du comité des chasseurs et des trappeurs de Paulatuk,...

À mon avis, c'est beaucoup mieux que des bureaucrates et des technocrates assis à Ottawa, à Parcs Canada. Quand on est chasseur et trappeur à Paulatuk, on connaît mieux le territoire que si on est ici.

    ...d'une manière telle qu'elle éviterait de toucher toutes les caractéristiques délicates au plan environnemental du parc proposé, en particulier en ne touchant pas les chutes LaRonciere et les aires de reproduction les plus utilisées par les caribous du Bluenose.

    La zone demandée est d'environ 2,5 p. 100 [...] du côté ouest du parc proposé.

• 1755

    Cette initiative ne vise pas à demander au gouvernement fédéral de dévier de la politique existante: elle est compatible avec les grands engagements de ce gouvernement en matière de politiques.

On souligne quelques points de cette politique:

    - Rassembler les forces, qui engage le Canada envers un partenariat renouvelé avec les autochtones dans le but d'appuyer les initiatives communautaires, de soutenir les initiatives d'autosuffisance économique des autochtones et d'appuyer des partenariats solides entre les autochtones et des entreprises d'exploitations minérales.

On ne peut rester insensibles à cette demande des Inuvialuit qui demandent de rassembler les forces qui vont leur permettre, en tant que communauté, de s'épanouir librement et de prospérer.

    - L'engagement du budget fédéral de 1998 envers la diversification économique du Nord.

    La Convention définitive des Inuvialuit, qui engage le Canada à une participation égale et significative des Inuvialuit à l'économie et à la société du Nord et de l'ensemble du pays.

Voici un autre point de politique qui converge dans le sens de la demande:

    - La politique des minéraux et des métaux du Canada, le Whitehorse Mining Leadership Accord et la NWT Protected Areas Strategy...

Monsieur le président, serait-il possible de demander à ce visiteur occasionnel de respecter les règles de notre comité, qui sont d'écouter quand quelqu'un parle?

Le président: Je pense qu'on vous écoute avec beaucoup de respect, madame Tremblay.

Mme Suzanne Tremblay: Il parle trop fort, monsieur le président. Il me dérange.

    ...chacun demandant l'utilisation des données judicieuses et actuelles sur les ressources minérales lorsque des décisions sur les zones protégées sont prises. Il s'agit également d'une exigence du plan de conservation de Paulatuk (1990) qui était le fondement même de l'accord du parc de Tuktut Nogait.

    Selon sa propre valeur et en raison de sa pertinence pour ces politiques gouvernementales, notre demande aurait dû être acceptée.

Voilà des gens qui, à l'analyse des documents mêmes des politiques gouvernementales, s'étonnent qu'on refuse leur demande.

    Le principe de cogestion à lui seul demande qu'une demande de cinq des six signataires d'un accord de parc en cogestion obtienne une considération positive. Pourtant, le secrétaire d'État de Parcs Canada a rejeté notre demande du revers de la main, accélérant l'étude de la législation pour empêcher une discussion plus approfondie même si les limites sud et est demeurent dans l'incertitude.

Je constate une seule chose la lecture de ce paragraphe: c'est que le gouvernement semble avoir une politique de deux poids, deux mesures. Il y a des parcs dont l'établissement est décidé depuis très longtemps et cela dort totalement au sud de cette région-là. Mais, tout à coup, on a décidé de s'activer pour régler les limites de ce parc, alors que cela ne satisfait pas la principale population concernée.

    Plutôt que d'en faire une question de substance, de grande importance pour le peuple inuvialuit, le gouvernement agit à court terme pour des motifs politiques.

J'aimerais bien qu'on nous confie ces motifs politiques pour qu'on puisse comprendre exactement pourquoi on doit s'opposer à un projet quand il serait si simple de trouver l'unanimité pour créer un parc.

    Les engagements signés avec les autochtones sont assimilés à des menaces pour les environnementalistes du sud. En outre, M. Mitchell a eu la témérité de soulever devant nous la préoccupation entourant la harde de caribous de la Porcupine, même si dans le cadre de l'engagement du Parc Ivvavik les Inuvialuit ont fait davantage pour protéger cette harde que tout autre Canadien.

    Nous sommes ici pour demander que le Comité permanent du patrimoine canadien et le Parlement corrigent un mauvais service grave aux Inuvialuit. Ayant pris un engagement massif envers la conservation canadienne en abandonnant 16 340 kilomètres carrés, nous sommes blâmés, nos mobiles sont attaqués et notre demande de modification modeste de la limite ouest du parc proposé est refusée.

• 1800

On leur fait un procès au lieu d'accueillir favorablement leur décision ou, tout au moins, leur expliquer pourquoi on la refuse. On se précipite pour adopter un projet de loi qui fera en sorte que cette population sera mécontente. Il ne s'agit pas d'un parc établi. On nous invoquait le dangereux précédent. Quand le ministre est venu, il a dit: »Ah, si je change les limites, il va y avoir un problème avec un tel, un tel.» On ne demande pas de changer les limites d'un parc, parce que le parc n'existe pas encore. Le parc n'aura d'existence que le jour où la loi aura été sanctionnée. Donc, on ne demande pas de toucher à quelque chose qui existe. On ne demande pas de toucher les limites d'un parc déjà établi en vertu d'une loi. C'est un projet, monsieur le président. Si les projets ne peuvent être changés, je me demande bien pourquoi on nous présente des projets de loi.

    Nous avons compris que le fondement de ce parc était l'accord du parc de Tuktut Nogait, et pourtant, le projet de loi ne fait aucunement mention de cet accord. Maintenant que Parcs Canada a nos terres, il est clair que le gouvernement fédéral ne voit aucune nécessité de respecter la Convention, notamment l'article 22.1 peu pratique pour lui.

Donc, ce que cette communauté reproche au gouvernement, c'est d'avoir signé une entente et de ne pas la respecter. À mon avis, c'est une accusation qui est extrêmement grave. Il me semble que le gouvernement aurait pu s'asseoir avec les communautés et discuter plutôt que de rejeter cela du revers de la main et de leur faire annoncer la décision par la voix de la radio plutôt que par une rencontre officielle pour s'expliquer entre parties qui s'apprêtent à cogérer.

Cette population nous dit:

    Nous croyons que cette situation illustre les fautes très graves commises du processus décisionnel de ce gouvernement sur les zones protégées, fautes dans le contenu des décisions et quant aux procédés qui ont permis d'obtenir les terres. Pour ce gouvernement, la fin justifie nettement les moyens: obtenir de nouveaux parcs justifie presque tout—de la violation de la politique énoncée à l'expropriation sans indemnisation, à la négociation d'accords de mauvaise foi et même à la violation de l'esprit d'ententes de revendication territoriale protégées par la Constitution.

Ces communautés nous disent qu'elles sont loin d'avoir une bonne opinion du gouvernement. Elles ont la certitude que le gouvernement peut prendre n'importe quel moyen et que les moyens justifient la fin. Donc, on peut faire n'importe quoi au nom de la fin. Et quelle est la fin que le gouvernement poursuit? Le gouvernement veut créer un parc pour protéger les ressources naturelles, la faune, pour plaire à une collectivité également. On n'est pas en train de faire du mieux qu'on peut pour détruire un environnement qui est essentiel à une communauté.

Donc ces personnes nous disent que le gouvernement est prêt à tout, même à violer sa propre politique, à refuser de négocier des accords de bonne foi et même à en violer l'esprit. Quand on est rendu à violer jusqu'à l'esprit d'un accord, on est rendu très loin dans la méprise d'un peuple.

Bien sûr que les personnes qui sont venues devant nous se sont opposées à ce projet de loi. Vous avez compris, monsieur le président, depuis très longtemps que le Bloc québécois va s'opposer également à ce projet de loi, à regret. Nous n'aimons pas nous opposer pour nous opposer, mais je dois vous dire, à regret, que le Bloc québécois s'opposera à l'adoption du projet de loi C-38 parce qu'il ne respecte pas une communauté, parce qu'il ne respecte pas une entente négociée de bonne foi, parce qu'on n'a pas réussi à me convaincre hors de tout doute qu'il fallait refuser cette demande.

• 1805

La communauté inuvialuit prétend que ce sont des raisons politiques qui empêchent le gouvernement d'accepter ses demandes. Je voudrais qu'on nous les explique.

Les Inuvialuit disent mériter beaucoup plus de la part du gouvernement et demandent le respect et un véritable rôle dans les décisions touchant leur territoire et leur vie. Y a-t-il une demande plus légitime que celle-là?

Voilà des gens qui, de bonne foi, ont travaillé pendant très longtemps. Ils ont obtenu une entente en 1984, entente qui a été constitutionnalisée; ils ont continué à travailler de bonne foi; ils ont déjà concédé 29 p. 100 de leur territoire à Parcs Canada; ils ont probablement été plus généreux que tout autre groupe au Canada. Je ne crois pas qu'une province ait cédé autant de son territoire, en tout cas sûrement pas le Québec. Nous n'avons sûrement pas cédé 29 p. 100 de notre territoire à Parcs Canada et nous n'avons pas du tout l'intention de le faire. Ce n'est pas en procédant comme cela qu'ils pourront encourager qui que ce soit à conclure une entente avec Parcs Canada.

À mon avis, l'Agence Parcs Canada vient au monde dans un très mauvais contexte. Je voudrais bien qu'on donne à l'agence la chance de venir au monde dans un contexte décent, non problématique, non turbulent et qu'on essaie de nous informer vraiment. Je ne crois pas que nous ayons étudié assez en profondeur ce problème très complexe pour vraiment être convaincus.

À moins d'avoir le mandat de voter à blanc, toute personne raisonnable autour de cette table va vouloir mieux comprendre, à moins que je sois la seule à ne pas comprendre, ce qui m'étonnerait. C'est rare que je sois la seule à ne pas comprendre, mais on peut être seul contre tous et avoir raison quand même. Toutefois, je pense que s'il y a quelqu'un qui est au courant de quoi que ce soit... Le collègue nous a dit qu'il aurait des choses à nous dire. Donc, j'espère qu'il aura des informations pertinentes à nous donner.

[Traduction]

M. John Bryden: J'invoque le Règlement, monsieur le président. Puis-je demander au président de m'indiquer quel est l'article du Règlement qui permet à la députée de poursuivre indéfiniment comme cela?

[Français]

Mme Suzanne Tremblay: C'est l'article 116, monsieur.

[Traduction]

M. John Bryden: Merci, monsieur le président.

[Français]

Mme Suzanne Tremblay: Ce que nous demandent les Inuvialuit, c'est du respect. Il me semble que cela ne coûte pas très cher à un gouvernement. Ils nous demandent de pouvoir jouer un véritable rôle dans les décisions qui touchent l'organisation de leur territoire et de leur vie. Ils nous ont dit très respectueusement à plusieurs reprises, de différentes façons, qu'on n'avait aucune idée de ce que cela voulait dire que de vivre quotidiennement dans leur territoire.

Je les ai rencontrés ici au Parlement pendant une heure. Ils ont l'air tout à fait heureux d'y vivre; ils ont l'air tout à fait à l'aise dans leur territoire; ils ont l'air tout à fait contents. Ils étaient, nous ont-ils dit, de bonne foi quand ils ont négocié avec le gouvernement, mais ils sont fondamentalement déçus de s'être fait avoir, de s'être faits prendre, d'être floués. Ils nous disent qu'ils sont en train d'organiser leur territoire, qu'ils ont l'équivalent de ce que nous avons dans nos régions, soit une personne qui s'occupe du développement économique de leur territoire et qui voudrait bien créer des jobs pour les jeunes de la communauté.

Ils nous ont dit qu'il y avait beaucoup de jeunes, beaucoup de naissances, qu'il y avait de l'avenir pour leur population et qu'ils voulaient envoyer les jeunes aux études. Mais nous savons tous que, pour motiver un jeune à poursuivre des études, il faut avoir devant soi des personnes qui n'ont pas les deux pieds sur la palette du poêle, comme on dit, ou qui ne sont pas sur le bien-être social.

• 1810

Je connais des milieux où l'assistance sociale existe de génération en génération: le grand-père vivait de l'assistance sociale, le père vit de l'assistance sociale et le flo n'a qu'un désir: atteindre l'âge qui va lui permettre de sortir de l'école et de remplir les conditions requises pour vivre lui aussi de l'assistance sociale.

Monsieur le président, si on veut donner à la collectivité des Inuvialuit les moyens de se développer, de s'épanouir et d'être fière d'appartenir à un grand pays qui se dit le numéro un, il faudrait peut-être qu'on la respecte et qu'on acquiesce à sa demande de base de respect. Ils veulent être respectés et prendre part à la décision qui touche l'organisation de leur territoire et de leur vie. Ils ajoutent que ce n'est pas uniquement pour eux qu'ils présentent ces réclamations, mais pour l'ensemble des Canadiens et des Canadiennes qui méritent un processus décisionnel meilleur. Ils disent:

    Tous les Canadiens méritent un processus décisionnel meilleur, plus honnête et plus responsable sur les zones protégées.

Voilà des gens qui nous font des reproches. Bien sûr, on pourrait se dire: «Ah, de toute façon, on a raison. Ils ne connaissent rien. C'est nous qui connaissons les choses.» Mais ils nous disent que le processus de décision est loin d'être honnête et loin d'être responsable par rapport aux zones protégées. Existe-t-il, monsieur le président, une façon autre de protéger ce même territoire? Peut-être que vous pourriez nous fournir l'information. Est-ce qu'on pourrait ne pas faire de parc? Est-ce qu'on pourrait faire autre chose pour protéger le territoire?

Qu'est-ce que ces gens nous demandent? C'est de corriger une lacune. Ils nous ont soumis des recommandations. Ils nous offrent un choix pour une chose. Moi, monsieur le président, je ne connais pas la différence entre les deux. Ils ont bien sûr une préférence, mais ils souhaitent l'une de deux choses, notamment une modification du projet de loi C-38 afin de changer la limite ouest du parc, telle que formulée dans la requête présentée le 19 février 1998 par l'Inuvialuit Regional Corporation. Ils nous ont fourni le libellé qu'ils nous recommandent afin de modifier le projet de loi C-38. Ils nous proposent, après la phrase «Du nord-ouest en ligne droite jusqu'à un point d'une latitude de 65 degrés 30 minutes au nord et d'une longitude de 123 degrés 20 minutes à l'ouest», d'ajouter ce qui suit:

    Du nord le long de la longitude 123 degrés 20 minutes vers l'ouest jusqu'à un point à l'intersection de la latitude 68 degrés 55 minutes au nord;

    De l'est le long de la latitude 68 degrés 55 minutes vers le nord à l'intersection de la longitude 122 degrés 49 minutes à l'ouest;

    Du nord-est à l'intersection de la longitude 123 degrés ouest et de la latitude 69 degrés 13 minutes au nord;

    De l'ouest le long de la latitude 69 degrés 13 minutes au nord jusqu'à l'intersection avec la limite arpentée des terres de Paulatuk à la longitude 123 degrés 10 minutes à l'ouest;

Ils nous proposent aussi de supprimer les deux clauses suivantes, en commençant encore par «Du nord le long de la limite arpentée des terres 7(1)(b) et 7(1)(a) de Paulatuk jusqu'au coin arpenté des terres 7(1)(b) à la latitude approximative nord...»

[Traduction]

Le président: Monsieur Bryden, voulez-vous invoquer le Règlement?

M. John Bryden: J'ai examiné l'article 116, de même que l'explication du Beauchesne, et je vous signale que l'article 116 prévoit en fait que le Règlement ne s'applique pas à la durée des discours des membres des comités. Autrement dit, le Règlement ne s'applique pas du tout.

• 1815

Auquel cas, monsieur le président, il me semble que vous avez la possibilité d'intervenir pour mettre fin au discours de la députée quand vous le voulez, comme nous le pouvons tous d'ailleurs, puisque le Règlement ne s'applique pas.

Le président: C'est inexact. Le fait est que le Règlement s'applique. L'article 116 dispose que les comités sont soumis au Règlement et aux procédures de la Chambre, mais qu'il n'y a pas de limite à la durée des discours aux comités comme il y en a à la Chambre. Il est clair que l'article doit être interprété ainsi, et elle a le droit de poursuivre.

M. John Bryden: Si vous me le permettez, monsieur le président—et je demanderai une décision à cet égard, car j'estime qu'il faudrait revoir cette interprétation—je me dois d'insister. Je connais bien la langue anglaise, en tout cas, et il ne semble pas que ce soit là ce qu'on dit dans l'article en question.

Le président: Voici quelle est ma décision, monsieur Bryden: Mme Tremblay a parfaitement le droit de poursuivre son discours.

M. John Bryden: Et j'accepte cette décision, monsieur le président.

Le président: Si vous voulez obtenir une interprétation du président de la Chambre, nous sommes tout à fait prêt à en demander une, mais, pour le moment, voilà ce que nous ferons.

M. John Bryden: Je vous remercie, monsieur le président. C'est exactement ce que nous ferons.

Le président: Très bien.

[Français]

Madame Tremblay.

Mme Suzanne Tremblay: Donc, j'étais rendue au dernier paragraphe, que je vais reprendre, monsieur le président afin de faciliter votre compréhension. À la suite de l'énumération des quatre points, on nous demande de supprimer les deux clauses suivantes, en commençant encore par «Du nord, le long de la limite arpentée des terres 7(1)(b) et 7(1)(a) de Paulatuk jusqu'au coin arpenté des terres 7(1)(b) à la latitude approximative nord de 69 degrés 19 minutes et à la longitude approximative ouest de 123 degrés, 10 minutes...».

Monsieur le président, j'estime qu'on aurait tout intérêt à considérer le libellé qu'on nous propose ici, à moins que quiconque puisse nous prouver que ce que ces personnes nous proposent n'a pas de bon sens et est inacceptable. Jusqu'à preuve du contraire, je tiendrai compte de leurs revendications parce que ce sont les gens de la place qui connaissent leurs trucs, qui connaissent exactement l'endroit où ils vivent, qui savent quel est leur territoire et ce qui serait mieux pour eux. Ils en ont longuement discuté avec les associations de chasseurs et de pêcheurs et tout le monde. Leur communauté a passé presque une année à en discuter et ils viennent nous proposer la limite de ce parc. Je dois avouer que je ne sais pas si leur proposition est meilleure que ce que prévoient les dispositions du projet de loi. Par contre, je sais une chose: ils y vivent et ils savent probablement mieux que nous quelles devraient être les limites.

L'autre possibilité qu'ils nous offrent, c'est de suspendre l'étude du projet de loi C-38 jusqu'à ce que les limites définitives à l'ouest, au sud et à l'est soient fermement établies et qu'on satisfasse à trois exigences. Voici la première: un examen complet par tous les signataires conformément à l'article 22.1 de l'accord du parc de Tuktut Nogait; deuxième exigence: la conclusion d'un accord de parc en cogestion avec le Nunavut sur la limite est appropriée du parc proposé—donc, une discussion en vue de conclure un accord avec le Nunavut sur la limite du parc proposé est appropriée—; troisième exigence: la conclusion d'un accord de parc en cogestion avec les Sahtu sur la limite appropriée du parc.

Ils veulent donc, monsieur le président, qu'on accède à leur demande en modifiant le projet de loi et en limitant l'étendue du parc, ou qu'on suspende l'étude du projet de loi C-38 et qu'on règle l'ensemble des problèmes territoriaux des parcs qui sont prévus avec les différentes communautés ou différents peuple de l'ensemble de cet immense territoire du Canada sur la zone arctique.

• 1820

Jusqu'à ce que les limites aient été considérées complètes et définitives, il est impossible pour quiconque d'évaluer les compromis entre la protection de l'environnement, le potentiel économique et le bien-être social et culturel des communautés. Sans cette évaluation, il est prématuré de demander au Parlement de juger de l'équilibre des intérêts.

Bien sûr, la population et les représentants qui nous ont soumis ce mémoire et qui ont comparu devant nous préfèrent nettement la première option, c'est-à-dire d'accorder de nouvelles limites au parc proposé. On souhaite donc modifier le projet de loi C-38 et faire en sorte que le problème soit au moins réglé pour ce parc-là. Tout ce qu'ils demandent, c'est de retirer 2,5 p. 100 du territoire.

Je suis certaine, monsieur le président, que si le gouvernement est de bonne foi et si les représentants de Parcs Canada, les futurs employés de l'Agence canadienne des parcs, veulent commencer leur carrière sur un bon pied et manifester de la bonne foi, ils peuvent se présenter devant cette communauté et essayer de négocier un compromis. On pourrait retirer ces 2,5 p. 100 du territoire pour un certain nombre d'années et par la suite songer à les réintégrer plus tard dans le parc. On pourrait négocier la possibilité que ces 2,5 p. 100 de territoire soient à nouveau annexés dans le parc.

Je suis moi aussi consciente qu'une fois que les limites d'un parc sont établies, on peut l'agrandir, mais qu'il est plutôt difficile de le réduire. C'est beaucoup plus plausible et plus facile d'en ajouter que d'en retirer. Je comprends à cet égard le point de vue du ministre, qui ne veut pas créer de précédent, ne voulant pas faire en sorte que les populations d'un peu partout viennent réclamer des modifications aux limites de parcs déjà existants. Je ne voudrais pas par ailleurs qu'on tombe dans la problématique de devoir refuser une demande légitime, parce que le parc n'existe pas encore et qu'on craint de créer un précédent dangereux.

Les Inuvialuit se sont engagés à protéger les territoires des zones protégées et les hardes de caribous au nord plus que tout autre Canadien ne l'a fait jusqu'à ce jour. Tout ce qu'ils demandent, c'est un modeste changement aux limites du parc proposé afin de servir les intérêts de la population de leur région, cela conformément à la lettre et à l'esprit de la Convention définitive qu'ils ont signée avec le gouvernement canadien. Les Inuvialuit ont négocié leurs revendications territoriales pendant de nombreuses années. En 1984, ils en sont venus à une entente avec le Canada. D'après leur perspective, ils sont convaincus qu'ils ne devraient pas être obligés de dépenser tant de temps, tant de ressources, tant d'énergie et tant d'argent pour se battre afin que le gouvernement fédéral et les bureaucrates soient honnêtes face à leur engagement.

Monsieur le président, ils ont la certitude qu'on les a trompés. À l'étude de leurs documents et à la lecture de l'entente de 1996, je me rends compte que comme eux, j'aurais été convaincue que l'article 22.1 était clair et qu'il leur permettait de rouvrir le dossier, si on était de bonne foi. Lorsque le ministre a comparu devant nous, notre collègue du Parti conservateur remplaçait très généreusement notre collègue qui participait à une mission officielle à l'étranger. En réponse à sa question, le ministre lui avait dit qu'il ne lisait pas comme il faut le libellé de l'article 22.1.

• 1825

Je suis retournée à mon bureau, j'ai relu l'article 22.1 et je me suis demandé si, par hasard, le ministre n'avait pas un autre texte de l'entente. L'article 22.1 est très clair. Il fait en sorte que, si l'un des signataires de l'entente demande la réouverture, il l'obtient. C'est du moins l'interprétation que j'en fais.

Pourquoi le ministre refuse-t-il de s'entendre? Pourquoi le ministre refuse-t-il de retourner à la table de négociation? Le collègue du Parti conservateur manifestait, l'autre jour, les mêmes réticences. Il avait, avec un collègue libéral, survolé le territoire. Je crois même que l'avion s'était posé. Il avait l'air très sympathique à ces communautés qui vivent dans une partie du territoire du Canada qui est assez aride, assez difficile, assez éloignée.

On sait combien de temps il a fallu aux témoins pour se rendre ici et ce que cela leur a coûté. Il aurait été si simple de leur dire: «Ce n'est pas la peine de signer une entente, car le gouvernement ne respectera jamais sa parole. Pourquoi croyez-vous le gouvernement?» C'est cela que je trouve très déplorable. Ces gens ont été trompés, et cela m'apparaît la chose la plus difficile à accepter: que l'on trompe une communauté.

Comment allons-nous maintenant faire? Comment allons-nous être capables de faire en sorte que les prochains qui auront à négocier avec l'Agence Parcs Canada veuillent encore même rencontrer un fonctionnaire de Parcs Canada?

Si jamais on tente de faire adopter le projet de loi C-38 tel qu'il est, le Bloc québécois votera contre, mais on aura entaché à tout jamais, à mes yeux, la réputation de Parcs Canada, que j'avais en assez haute estime. Je vois à quel point des gens ont sciemment—je ne peux utiliser d'autre terme—trompé une population en lui laissant croire qu'elle pouvait espérer un changement. Si jamais on apprenait des nouvelles choses, ce serait extrêmement difficile à accepter.

Ils nous ont expliqué beaucoup de choses sur l'importance du caribou dans leur culture. Cela m'a beaucoup frappée, parce qu'on nous en a énormément dit en une heure. Je croyais que les caribous avaient beaucoup d'importance, mais je ne pensais pas qu'ils en avaient autant pour eux.

Pour nous, c'est assez folklorique quand on monte dans le Parc de la Gaspésie et qu'on rencontre des caribous. Ils sont bien protégés, on les regarde et on les filme de loin parce qu'ils sont un peu sauvages. Ces personnes sont venues ici nous expliquer toute l'importance qu'ont pour eux les caribous et toute l'ignorance qu'ils ont par rapport à ces troupeaux. Comment pouvons-nous prétendre connaître autant de choses alors qu'eux, qui vivent avec les caribous, en ignorent les éléments les plus essentiels? Ils nous ont dit que les scientifiques qui observent les troupeaux, qui accumulent des données depuis quelques années et qui ont procédé à des analyses d'ADN sont maintenant capables de leur donner plus d'informations scientifiques, plus d'informations importantes pour l'avenir de leur collectivité. Je trouve extrêmement prétentieux de notre part de refuser de prêter une oreille sympathique à une collectivité qui vient nous expliquer à quel point, pour elle, il est extrêmement important qu'on accepte sa demande.

Si seulement on avait pu nous donner la contrepartie, mais nous ne l'avons pas eue. Je n'ai pas de document qui me prouve que le ministère a raison. Les témoins sont venus nous dire et ont écrit que nous avions été mal informés, qu'on nous avait même désinformés quant à l'objectif de cela et qu'il était faux de prétendre que tout allait bien, madame la marquise, que cela était insignifiant, que cela ne prendrait pas de temps, qu'on ne ferait rien de cela, qu'il n'y avait rien là.

• 1830

On nous disait qu'il ne s'agissait que des limites d'un parc et que cela ne posait de problème à personne, alors que les personnes les plus directement impliquées viennent nous dire ici et nous écrivent en long et en large que c'est déplorable.

Dans le fond, ils sont gentils. Ils savent sans doute qu'il y a certains mots qu'on n'a pas le droit d'utiliser en Chambre. Ils ont été très respectueux et n'ont pas utilisés ces mots. Mais nous, de l'opposition, on est moins scrupuleux quant aux mots qu'on peut ou ne peut pas utiliser, du moins dans certains cas. Je pense qu'ils ont raison de prétendre, malgré tout le respect qu'on doit aux gens de Parcs Canada, que Parcs Canada a raté le bateau cette fois-ci.

Parcs Canada nous a mal informés et nous a même désinformés. Parcs Canada a fait en sorte qu'aujourd'hui on se retrouve dans une situation où une population est très mécontente, déplore énormément l'attitude du gouvernement, ne la comprend pas, se sent pénalisée, se sent blâmée et trouve qu'on devrait donner suite à ses demandes. Personnellement, j'estime qu'on pourrait facilement trouver un compromis avec cette population et accéder à sa demande afin que Parcs Canada puisse retrouver sa réputation d'entreprise qui sera capable de relever les défis qui l'attendent.

Merci, monsieur le président.

[Traduction]

M. Mark Muise (West Nova, PC): Monsieur le président, je puis vous assurer que mon intervention sera un peu plus courte que celle de Mme Tremblay.

Nous travaillons ensemble depuis six ou sept mois, et j'ai trouvé que le groupe était très ouvert et prêt à travailler en collaboration. Je ne sais pas au juste ce qui est arrivé, mais, comme l'a dit Mme Tremblay, du jour au lendemain nous avons été saisis de ce projet de loi que nous avons dû étudier... vous savez comment cela nous a été présenté: «Il faut s'occuper de cela, ça va, ce sera rapide, et on n'en parlera plus.»

J'ai appuyé en principe le projet de loi à l'étape de la première lecture. Il y a quelques semaines, j'ai demandé que certains témoins puissent venir nous faire part de leurs préoccupations. Nous avons aussi entendu des représentants de la Fédération canadienne de la faune.

La semaine dernière, quand je me suis rendu compte de ce dont il s'agissait, nous étions à la Chambre en train de débattre le projet de loi C-29, et nous avions des témoins qui étaient venus ici pour nous dire des choses très importantes. Cela m'a dérangé de voir qu'il y avait là si peu de députés ministériels ce jour-là, alors qu'aujourd'hui ils sont là en grand nombre, au cas où l'opposition tenterait de les prendre au dépourvu. Cela me dérange quelque peu, et je tenais à le faire savoir.

Cependant, pour ce qui est du projet de loi, j'ai pris la parole en faveur du principe du projet de loi à ce moment-là. Je n'ai pas changé d'avis, car j'ai demandé à l'autre parti de me montrer ce qu'il y aurait eu de différent, et ce qu'on m'a dit en réponse, c'était: «On nous a fait croire...»

J'ai du mal à imaginer que les parties intéressées auraient pu participer à des négociations de cette importance sans le bienfait des services d'un avocat qui leur aurait dit: «Voici ce que dit le document et voici comment vous pourrez vous en sortir si jamais vous changez d'avis.» C'est sans doute là l'une des principales raisons qui m'ont incité à ne pas changer d'avis. L'accord en question a été signé par toutes les parties, et, à moins que toutes les parties n'y consentent, il ne peut pas maintenant être rouvert.

Il se trouve que le groupe qui a témoigné devant nous la semaine dernière voudrait maintenant le modifier. Or, un accord est intervenu, et cet accord doit être respecté. Qu'arriverait-il si, plus tard, c'était l'autre partie qui voudrait le rouvrir?

Il y a bien d'autres points que j'aurais voulu aborder, mais comme la sonnerie se fait entendre, je m'arrêterai là. Merci, monsieur le président.

Des voix: Bravo!

Le président: Y a-t-il d'autres interventions? Sinon, je mets l'article aux voix. Nous tiendrons un vote par appel nominal.

• 1835

(L'article 1 est adopté par 9 voix contre 1)

Le président: Le titre est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Mme Suzanne Tremblay: Avec dissidence.

Le président: Le projet de loi est-il adopté?

(Le projet de loi C-38 est adopté par 9 voix contre 1)

Le président: Dois-je faire rapport du projet de loi à la Chambre?

Des voix: D'accord.

Le président: La séance est levée.