Passer au contenu
;

CITI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

STANDING COMMITTEE ON CITIZENSHIP AND IMMIGRATION

COMITÉ PERMANENT DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 22 avril 1998

• 1542

[Traduction]

Le président (M. Stan Dromisky (Thunder Bay—Atikokan, Lib.)): Bienvenue, mesdames et messieurs. La séance du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration est ouverte.

Nous poursuivons aujourd'hui notre étude portant sur notre recommandation 155. Mais avant que les travaux ne débutent officiellement, j'aimerais présenter à tous ceux qui sont présents, et en particulier aux membres du comité, quelqu'un qui, pendant de nombreuses années, a oeuvré très activement à la Chambre des communes au sein de ce comité et s'est intéressé de près aux questions d'immigration.

Nous avons la chance d'accueillir aujourd'hui M. Dan Heap, qui a milité pendant de nombreuses années au sein du Nouveau Parti démocratique et qui, même s'il ne siège pas actuellement à la Chambre des communes, déploie beaucoup d'efforts comme bénévole pour offrir des services aux nouveaux Canadiens qui viennent s'établir au pays afin de les guider, de leur montrer la voie à suivre et, espérons-le, de leur réserver un accueil chaleureux. Merci beaucoup de votre présence.

L'ordre du jour découle du paragraphe 108(2) du Règlement et a trait à l'étude de la recommandation 155 du rapport du Groupe consultatif intitulé «Au-delà des chiffres: l'immigration de demain au Canada» traitant particulièrement de détention et d'ordonnances d'expulsion.

Avant d'entendre nos témoins, je crois comprendre que M. Ménard veut déposer une motion.

[Français]

M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Nous n'en discuterons pas tout de suite parce que nous avions convenu de donner un préavis. Je vais tout simplement lire et déposer la motion.

[Traduction]

Le président: Très bien, monsieur Ménard, est-elle rédigée dans les deux langues?

[Français]

M. Réal Ménard: Non.

[Traduction]

Le président: D'accord. Tout ce que nous pouvons faire aujourd'hui, c'est la remettre au greffier pour qu'elle soit traduite officiellement dans les deux langues. La motion devrait être prête dans peu de temps, et lorsqu'elle le sera, vous la distribuerez aux intéressés.

[Français]

M. Réal Ménard: Mais je vais la lire.

[Traduction]

Le président: Oui. Le Règlement stipule que—

M. Réal Ménard: Avez-vous lu votre traduction?

Le président: J'ai compris une partie de ce que vous avez dit, mais nous devons avoir le texte dans les deux langues.

[Français]

M. Réal Ménard: Il y a une foule de documents qui ne sont pas traduits dans les deux langues et qui circulent. De toute façon, je veux que les membres du comité soient saisis de l'objet de cette motion dont nous pourrons discuter lors de notre prochaine séance. Je la lis lentement:

    Il est proposé que le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration convoque d'urgence la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration afin de faire le point dans le dossier Ramon Mercedes, et tout particulièrement sur le traitement inhumain dont il a fait l'objet.

Je propose que nous en discutions lors de notre prochaine rencontre. Vous connaissant, je suis convaincu que vous m'appuierez.

• 1545

[Traduction]

Le président: D'accord, nous acceptons que la motion soit remise au greffier. Comprenez-vous? Vous devrez la déposer de nouveau lorsqu'elle sera rédigée officiellement dans les deux langues.

Le greffier s'en occupera.

Monsieur Reynolds.

M. John Reynolds (West Vancouver—Sunshine Coast, Réf.): Nous accepterions la motion dans sa forme actuelle. Nous l'avons lue et nous en avons obtenu la traduction.

Le président: Mais nous n'avons pas le quorum pour voter sur une motion de cette nature.

M. Réal Ménard: Ils ont le quorum, mais vous n'avez pas la majorité. C'est différent.

Le président: Les personnes les plus importantes sont présentes, n'est-ce pas monsieur Ménard?

M. John Reynolds: Cinq personnes forment le quorum, n'est-ce pas?

Le président: Très bien, nous poursuivons notre étude de la recommandation 155. Nous sommes très chanceux que des représentants du ministère soient de nouveau parmi nous aujourd'hui. De Citoyenneté et Immigration Canada, nous accueillons: Greg Fyffe, sous-ministre adjoint, Développement des politiques et programmes; Neil Cochrane, directeur, Présentation des cas, Division de l'exécution de la loi; Susan Leith, directrice, Investigation et renvoi, Division de l'exécution de la loi; et M. Cyr—je crois que vous appartenez également à cette division. Avez-vous votre bureau au centre de détention de Toronto?

M. Norm Cyr (directeur régional, Méthodes de travail, Détentions et Renvois, ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration): Non, je ne travaille pas au centre comme tel. Je suis directeur régional pour les détentions et les renvois.

Le président: Oh, je vois. Merci.

Bienvenue à tous. Je crois que MM. Fyffe et Cochrane vont faire une courte présentation. Est-ce exact?

Très bien, allez-y.

M. Greg Fyffe (sous-ministre adjoint, Développement des politiques et programmes, ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration): Monsieur le président, ma présentation est très brève. Je veux simplement dire que des représentants du ministère sont venus ici à plusieurs reprises en réponse à des questions soulevées à propos de la détention et de la recommandation 155. Il nous fait plaisir d'être de nouveau parmi vous et d'avoir l'occasion de commenter certaines des affirmations qui ont été faites.

Nous remarquons en particulier que certaines ONG ont témoigné sur certains aspects de la détention et du renvoi. Nous ne sommes pas entièrement d'accord avec tous les énoncés de politique et de circonstances avancés par les ONG, même si nous partageons certains de leurs points de vue et reconnaissons comme elles que le système pose certains problèmes. Nous sommes heureux d'avoir la possibilité de faire part au comité de nos réflexions sur quelques-uns de ces points.

M. Cochrane a une déclaration à faire à propos de certains détails du fonctionnement de notre système, mais nous avons demandé à M. Cyr d'être présent en tant que représentant d'une région ontarienne pour que nous puissions traiter certaines questions détaillées qui ont rapport avec le fonctionnement du système au niveau régional, où se situe en grande partie l'action. Ceci dit, j'aimerais céder la parole à M. Cochrane.

Le président: Juste un instant, s'il vous plaît. Nous avons la visite de quelques jeunes Canadiens qui, je crois, viennent d'entrer. Si vous pouvez trouver des sièges, installez-vous. Vous assistez à une séance du comité de l'immigration. Mettez-vous à l'aise.

M. Réal Ménard: Vous pouvez poser une question... c'est une blague.

Le président: Bien, vous pouvez poursuivre.

Mme Raymonde Folco (Laval-Ouest, Lib.): Certains de ces jeunes parlent-ils français?

[Français]

Est-ce qu'il y a des gens qui ne parlent que le français parmi vous? Vous comprenez l'anglais, monsieur?

Une voix: Je parle français aussi.

Mme Raymonde Folco: C'est parfait. Alors, venez vous installer avec nous. Cela nous fera plaisir.

[Traduction]

Le président: D'accord. Poursuivons

M. Neil Cochrane (directeur, Présentation des cas, Division de l'exécution de la loi, ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration): Merci. J'aimerais d'abord vous donner une vue d'ensemble de nos mesures de détention pour que vous compreniez mieux cet aspect de nos activités. Ensuite, je vais vous citer quelques exemples des conditions qui règnent dans nos deux centres de détention car je sais que les mesures en place dans ces installations ont fait l'objet de passablement de discussions. Enfin, je commenterai la nature discrétionnaire des pouvoirs dont disposent nos agents de l'immigration.

Premièrement, en ce qui a trait à la tendance que connaissent les activités de détention en vertu de la Loi sur l'immigration, je crois qu'on a dit que ces activités s'intensifiaient. En réalité, le nombre de personnes détenues en vertu de la Loi sur l'immigration a diminué au cours des quatre dernières années. En 1993-1994, un peu plus de 9 000 personnes étaient détenues aux termes de cette loi. Ce nombre a décliné régulièrement au point que pour l'exercice 1997-1998, on comptait un peu moins de 6 000 détenus.

D'autre part, au cours de la même période, le nombre de personnes ayant fait l'objet d'un renvoi a grimpé, ce qui laisse supposer que nos décisions de détenir des personnes visent de plus en plus de cas pour lesquels il existe de bonnes chances d'obtenir des résultats sous forme d'exécution d'une ordonnance de renvoi prise en vertu de la Loi sur l'immigration.

• 1550

Je crois que les membres du comité savent qu'il existe deux grandes catégories de détenus: ceux qui le sont parce qu'ils constituent une menace pour le public et ceux pour lesquels il existe des raisons de croire qu'ils ne se présenteront probablement pas pour leur comparution ou leur renvoi.

La majorité des cas de détention ont un lien avec la criminalité. Actuellement, environ 360 personnes sont détenues au Canada conformément à la Loi sur l'immigration. De ce nombre, environ 100 cas n'ont pas de rapport avec la criminalité, mais concernent des personnes qui sont détenues parce qu'il est peu probable qu'elles se présentent à leur audience ou, plus probablement, pour leur renvoi.

Des quelque 260 autres personnes impliquées dans des activités criminelles, nombreuses sont celles qui sont détenues parce qu'elles sont considérées comme dangereuses, mais il en est qui sont détenues pour les deux motifs, c'est-à-dire leur caractère dangereux et la faible possibilité qu'elles se présentent. Enfin, malgré leurs antécédents criminels, certaines personnes ne sont détenues que parce qu'on juge qu'il est peu probable qu'elles se présentent.

Comme la détention des réfugiés a fait l'objet de certaines discussions, j'aimerais saisir l'occasion de signaler aux membres du comité que la vaste majorité des détenus ne sont pas des réfugiés. Il y a une importante distinction à faire entre ceux qui tentent d'être reconnus comme des réfugiés, ceux qui ont été reconnus comme tels et ceux qui ont été reconnus comme n'étant pas des réfugiés.

La plupart de nos détenus en sont au stade où ils font l'objet d'une ordonnance de renvoi et où des arrangements sont pris pour leur renvoi. Il se peut que plusieurs d'entre eux aient effectivement tenté de revendiquer le statut de réfugié et que la Commission de l'immigration et du statut de réfugié ait déterminé qu'ils ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention.

Des quelque 100 personnes actuellement détenues parce qu'on juge qu'il est peu probable qu'elles se présentent pour leur renvoi ou une audience, environ 15 ont une demande de statut de réfugié à l'étude, et nous ne savons pas encore si elles seront reconnues comme des réfugiés au sens de la Convention. Je pense que vous savez qu'on compte actuellement au Canada environ 30 000 personnes qui ont soumis une demande de statut de réfugié et qui attendent que leur cause soit entendue lors d'une audience ou qu'une décision soit prise à la suite d'une audience.

Nous pouvons donc voir qu'il est inhabituel qu'un revendicateur du statut de réfugié soit détenu et que la plupart des cas de revendicateurs détenus comportent des circonstances inusitées.

Par exemple, nous détenons actuellement un revendicateur du statut de réfugié qui a déjà été expulsé quatre fois du Canada. Un autre a usé d'une fausse identité pour essayer de soumettre une seconde demande du statut de réfugié, sous un faux nom, mais nous avons découvert qu'il s'agissait d'une seule et même personne.

Ces quelques chiffres vous renseignent donc sur le contexte de la détention, sur l'étendue de ces opérations et sur les différentes catégories de détenus.

J'aimerais vous citer rapidement quelques exemples de conditions qui règnent dans nos deux centres de détention. Le ministère s'est engagé à faire en sorte que les conditions de détention qui existent à Mississauga et à Laval satisfassent aux normes internationalement reconnues, que les détenus soient traités avec dignité et qu'on réponde à leurs besoins fondamentaux. Nous avons admis qu'il fallait adopter des normes plus générales pour nos centres de détention.

Ces derniers mois, nous avons élaboré un ensemble complet de normes en consultation avec deux organisations non gouvernementales qui ont manifesté de l'intérêt pour le bien-être de nos détenus.

[Français]

Les membres du comité seraient peut-être intéressés à connaître quelques détails au sujet des conditions de détention. Je prendrai comme exemple un aspect très important, soit les soins de santé. Nous nous sommes assurés de la présence d'un médecin à nos deux centres de détention deux fois par semaine, à raison de quatre heures à chaque fois à Mississauga et d'au moins trois heures à Laval. De plus, une infirmière est présente à Mississauga trois heures par jour, à tous les jours, et à Laval, quatre heures, trois fois par semaine. Les médecins qui sont affectés à ces centres sont disponibles en tout temps pour répondre à des urgences ou des imprévus.

• 1555

On a discuté de la question de l'accès au téléphone. Il est important que vous sachiez que nos détenus ont un accès libre au téléphone pendant certaines heures de la journée et qu'ils ne sont pas obligés de demander la permission pour faire des appels téléphoniques. À Laval, nous mettons à leur disposition quatre téléphones pour des appels locaux et deux téléphones payants pour les appels interurbains, auxquels ils ont accès de 7 heures à 23 heures. À Mississauga, il y a 10 téléphones pour les appels locaux et deux téléphones payants auxquels ils ont accès pendant cinq périodes d'une heure. En toute occasion, des mesures sont prises immédiatement pour accorder aux détenus qui en font la demande l'accès au téléphone afin de communiquer avec leur avocat.

Nous reconnaissons l'importance de l'aide apportée par les ONG à nos détenus. Cette reconnaissance est évidente puisque nous avons pris des mesures concrètes afin de faciliter leur contact avec nos détenus. Nous avons aménagé une salle à Mississauga pour accueillir les représentants du Toronto Refugee Affairs Council, qui viennent sur les lieux trois fois par semaine. Nous avons aussi offert une telle salle aux ONG de Laval, qui ne l'ont pas acceptée. S'ils manifestaient un tel intérêt, nous serions prêts à aménager un bureau permanent sur les lieux. Le groupe Action Réfugiés Montréal se rend quand même sur les lieux au moins une fois par semaine. De plus, nous appuyons les activités de ce groupe en remboursant à ses bénévoles leurs frais de déplacement de transport en commun afin qu'ils puissent se rendre à notre centre de Laval.

[Traduction]

Un témoin vous a dit ici qu'il avait appris d'un tiers que le ministère avait inscrit des organisations sur une liste noire et qu'il leur avait interdit l'accès au centre de détention de Mississauga. Je tiens à inscrire au compte rendu qu'une telle liste n'existe pas. Malgré tous nos efforts, nous sommes incapables de savoir à quoi il faisait allusion. Plusieurs groupes d'ONG se rendent régulièrement à ce centre pour le visiter ou rencontrer des détenus.

De même, je crois que vous avez entendu un groupe préoccupé par le bien-être de nos détenus affirmer qu'il n'avait jamais vu un agent d'immigration supérieur étudier un cas de détention et libérer quelqu'un dans la période de 48 heures suivant la mise en détention. La loi prévoit que dans les 48 heures suivant la mise en détention, un agent d'immigration supérieur peut étudier le cas et relâcher le détenu.

En réalité, ces études de cas sont courantes et elles sont effectuées chaque fois que c'est possible. Par exemple, au mois de mars, 18 personnes ont été relâchées à notre centre de Mississauga par des agents d'immigration supérieurs dans les 48 heures suivant leur mise en détention. En communiquant avec le centre lundi, j'ai appris que trois personnes avaient été relâchées par des agents supérieurs le week-end dernier, pendant cette période de 48 heures.

• 1600

On a également discuté ici de la nature discrétionnaire des pouvoirs des agents de l'immigration. Nous devons évidemment nous fier dans une large mesure au jugement de nos agents. L'important est de comprendre que les agents doivent d'abord s'assurer que l'un des deux motifs pouvant entraîner la détention existe. Une fois qu'ils s'en sont assurés, la décision de mettre ou non la personne en détention devient discrétionnaire.

Les tribunaux nous ont indiqué qu'en vertu de la Loi sur l'immigration, la détention doit servir à garantir la présence de l'intéressé à une audience ou pour son renvoi. Ainsi, lorsque les agents se demandent s'il y a lieu de mettre quelqu'un en détention, ils doivent situer la décision de détenir ou non dans le contexte de la probabilité qu'une de ces activités se déroule. Par exemple, plus la date du renvoi est éloignée, moins la détention est justifiée.

Ce principe est une considération importante dans les cas où l'agent juge peu probable que la personne se présente. Lorsque la sécurité du public est menacée, l'accent est évidemment mis sur la protection de la société. Le fait que nous ne déciderons peut-être pas du cas dans un délai raisonnable doit également être pris en considération, mais il prend beaucoup moins d'importance lorsque nous parlons de quelqu'un qui constitue une grave menace pour notre société.

Nous avons établi pour nos agents des lignes directrices qui décrivent les paramètres à l'intérieur desquels ils doivent évoluer dans les cas de détention. Elles ne sont pas très différentes de celles que la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a mises en place à l'intention de ses arbitres pour leurs décisions. Nous consultons la jurisprudence; nous insistons davantage sur l'objectif qui consiste à protéger la société canadienne.

Le problème avec l'établissement de lignes directrices, c'est que puisqu'il s'agit évidemment d'un pouvoir statutaire, nous ne pouvons donner des instructions qui indiqueraient clairement quand les agents doivent ordonner la détention et quand ils ne doivent pas exercer ce pouvoir discrétionnaire.

De façon générale, même s'il peut survenir de temps à autre des cas où, rétrospectivement, une décision en particulier a été prise et aurait peut-être dû, selon nous, être différente, nous sommes convaincus que nos agents exercent ces pouvoirs d'une façon qui est conforme à la loi et qui poursuit les objectifs de la Loi sur l'immigration.

J'ai ici aujourd'hui, et je les laisserai au greffier, des modèles des documents que nous remettons aux personnes qui sont mises en détention aux centres de Laval et de Mississauga. Vous aurez donc l'occasion de prendre connaissance de l'information que nous leur transmettons à ce moment-là. Comme je l'ai dit, je les laisserai au greffier.

Je m'arrête ici. Merci.

Le président: Merci.

Monsieur Fyffe, alliez-vous ajouter quelque chose?

M. Greg Fyffe: Non.

Le président: Très bien, alors nous passons à la période des questions. Nous tiendrons une table ronde avec questions ouvertes, en commençant par M. Reynolds.

M. John Reynolds: Merci beaucoup pour votre rapport, parce qu'il contredit une foule de points exposés par certains de ces groupes.

Un des points que vous n'avez pas abordés et qui constitue un de leurs griefs concerne le peu d'égard pour les besoins spirituels des détenus. Qu'en est-il des pasteurs qui visitent les détenus au centre? Doivent-ils mentionner le nom d'une personne en particulier ou peuvent-ils simplement se rendre au centre et parler aux détenus?

M. Neil Cochrane: Par exemple, au centre de Laval, une messe est célébrée une fois par semaine, et à notre centre de Mississauga, on étudie régulièrement la Bible. Nous tentons d'acquiescer dans la mesure du possible aux demandes de counselling ou de services spirituels parce que nous reconnaissons qu'il s'agit là de besoins importants et légitimes.

M. John Reynolds: N'importe qui peut assister à la messe ou aux séances d'étude biblique?

M. Neil Cochrane: Oui.

M. John Reynolds: Et les détenus sont avisés de la tenue de ces activités, de sorte que rien ne les empêche d'y participer?

• 1605

M. Neil Cochrane: Je ne suis pas sûr si tout le monde en est avisé. Il est certain qu'au centre de Laval que j'ai visité, chacun peut savoir quand et où la messe est célébrée. Elle l'est tout près des locaux communautaires.

M. John Reynolds: Très bien. J'ai une autre question. En ce qui concerne le transfert des gens, un des griefs qui nous ont été exposés est que les enfants voient leur mère ou leur père être amené au tribunal à partir de ces établissements avec des menottes, des fers aux pieds, et le reste.

M. Norm Cyr: J'essaie de penser à la situation à Mississauga. Au centre de détention, les personnes qui sont escortées hors des locaux passent par les sections A et D jusqu'au rez-de-chaussée, et je ne sais pas exactement où se trouvent les enfants à ce moment-là. Normalement, ils devraient être au premier étage. Il me faudrait vérifier pour savoir exactement qui prend soin des enfants pendant que la mère ou le père est amené pour une révision de la détention ou ailleurs.

M. John Reynolds: Le reproche adressé est que le parent est menotté juste devant les enfants. Si vous pouviez savoir pour nous... c'est le seul point auquel je pense, les deux questions auxquelles vous n'avez pas répondu. Si vous pouviez vous informer, je vous en saurais gré. Merci.

Le président: La parole est à M. Ménard.

[Français]

M. Réal Ménard: D'abord, vous comprendrez que je suis encore traumatisé par le cas de Ramon Mercedes. Le moins qu'on puisse dire, c'est que jusqu'à présent, Immigration Canada n'inspire pas plus confiance qu'il ne le faut quant aux principes de justice naturelle. Nous aurons toutefois l'occasion d'en discuter lors d'une séance consacrée à ce cas.

Quelles mesures sont prises à l'égard de vos détenus, lesquels, selon vous, sont très peu nombreux à obtenir ou à être en voie d'obtenir le statut de réfugié politique, pour vous assurer qu'ils ont accès à un avocat sur demande et à des services juridiques, et que, finalement, les principes de justice naturelle, dont la Cour suprême a d'ailleurs jugé qu'ils s'appliquaient même à des non-citoyens canadiens, soient respectés? Les témoins qui sont venus comparaître devant nous ont à maintes reprises soulevé de telles interrogations. Quelles mesures sont prises pour que les détenus aient accès en toutes circonstances à des services juridiques?

M. Neil Cochrane: D'abord, chaque personne qui est détenue ou arrêtée par Immigration Canada est informée de son droit d'avoir recours à un conseiller juridique. De plus, là où il y a des programmes d'aide juridique, nous nous assurons d'informer le détenu des coordonnées qui lui permettront de communiquer avec ces services et de bénéficier de leur aide. Nos procédures prévoient qu'une personne qui est toujours détenue après une période de 48 heures doit comparaître devant un arbitre de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié pour que sa détention soit révisée.

M. Réal Ménard: Bien qu'on nous ait parlé de gens qui sont détenus depuis deux ans, quelle est la durée moyenne de séjour de vos détenus?

M. Neil Cochrane: Il y a différentes populations qu'on devrait peut-être étudier séparément. Je n'ai pas de moyenne globale. Ceux qui ne sont pas susceptibles de comparaître pour une audience ou un renvoi y séjournent peut-être en moyenne 20 jours, selon les données dont je dispose. Il y a toutefois des dossiers qui sont à un extrême ou à l'autre.

M. Réal Ménard: Une vingtaine de jours.

M. Neil Cochrane: Oui.

M. Réal Ménard: Comment expliquez-vous que des ONG crédibles, très bien établis dans leur milieu, qui, comme vous en êtes conscient, travaillent souvent dans des conditions communautaires, n'offrent qu'un salaire très moyen et doivent compter sur beaucoup d'heures de bénévolat, cela dans des conditions difficiles, se soient présentés devant nous et nous aient livré un témoignage radicalement différent?

Ils ont insisté sur deux aspects, dont les difficultés au niveau de l'accès aux personnes détenues. Vous nous dites qu'en Ontario et au Québec, vous offrez même des locaux et le remboursement—quasiment un per diem—des frais de déplacement de leurs représentants. Comment expliquez-vous que votre message soit très différent de celui qu'on a entendu? Iriez-vous jusqu'à dire que votre ministère a en quelque sorte dressé une liste d'ONG et qu'il est assez facile pour vos détenus d'avoir accès à ces ressources-là? Je vous assure que les témoignages qu'on entend sont assez divergents. Il y a quelqu'un qui a une compréhension très différente de ce que vous nous exprimez.

• 1610

M. Neil Cochrane: Il est difficile de vous donner une réponse. J'avoue que les témoignages de certains groupes qui ont comparu ici nous ont surpris. Nous savons qu'ils ne sont pas toujours d'accord sur les décisions qui sont rendues relativement aux dossiers des immigrants et qu'ils veulent améliorer tout particulièrement les conditions des détenus à long terme. Il faut avouer que les conditions qui prévalent dans de telles situations ne sont pas vraiment bonnes.

M. Réal Ménard: J'aurais peut-être une proposition à vous faire au sujet des ONG. Comme tout le monde est de bonne foi et que nous n'avons pas de raison de remettre en cause ce que vous nous dites, pas plus que ce que nous ont dit les représentants des groupes communautaires qui ont comparu avant vous, pourquoi ne feriez-vous pas le décompte des personnes détenues qui ont eu accès à des ONG? Dans le fond, on parle d'un très petit groupe, soit de 300 ou 360 personnes. On n'y indiquerait pas leurs noms, mais il serait intéressait de savoir concrètement, dans les faits, combien de ces 360 personnes détenues depuis le début de l'année ont eu accès à des ONG. Je pense que ce serait un bon test. Est-ce que vous pourriez nous donner un ordre de grandeur?

M. Neil Cochrane: Je ne suis pas certain que nous serions en mesure de vous fournir des renseignements au sujet des individus qui ont communiqué ou non avec des ONG.

M. Réal Ménard: Si vous, comme gestionnaire, n'êtes pas en mesure de donner un ordre de grandeur, comment votre ministère peut-il évaluer la disponibilité des ONG? Il y a une incohérence dans ce que vous nous dites.

M. Neil Cochrane: Nous sommes dans une situation où les représentants des ONG ont accès aux personnes détenues. Mon collègue pourrait peut-être nous dire quelle est la pratique à Mississauga. Il est bien possible que les détenus aient des entrevues ou reçoivent des conseils de la part des ONG sans qu'on en prenne nécessairement note. Si on en prenait note, on serait en mesure de le savoir.

M. Réal Ménard: Avant que vous ne cédiez la parole à votre collègue, j'aimerais que vous me confirmiez que j'ai bien compris ce que vous avez dit, à savoir que les pratiques sont assez libérales. Vous dites que ce comité n'a pas de raisons de penser qu'à Laval et en Ontario, les ONG n'ont pas accès aux détenus. Dans le fond, c'est ce que vous nous dites: les ONG qui en font la demande, à Laval et en Ontario, peuvent avoir raisonnablement accès aux détenus, dans des plages horaires raisonnables.

M. Neil Cochrane: J'aimerais préciser qu'à Mississauga tout comme à Laval, on a désigné un ONG qui a généralement accès aux personnes détenues. Il n'y aurait aucun problème à ce qu'un autre ONG rencontre un détenu; nous prendrions les dispositions à cette fin. Ses représentants pourraient venir, comme toute personne qui visite un détenu, aux heures de visite que nous avons fixées à chaque jour.

M. Réal Ménard: Madame Folco, nous devrions aller visiter cela ensemble.

Le président: Madame Folco.

Mme Raymonde Folco: Merci, monsieur le président. Cet après-midi, je lisais avec beaucoup d'intérêt le document de la présidente de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié sur les directives relatives à la détention. Je me disais que ces directives semblent vraiment respecter un certain nombre de principes de base, dont la loi naturelle et la justice fondamentale.

J'aimerais traiter d'un principe qui est le principe de la détention en tant que telle et l'utilisation de la détention comme menace envers les personnes que vous voudriez mettre en détention. Je sais que dans le rapport Trempe, on suggère justement d'utiliser ce principe comme menace ou incitation en vue de faire respecter la loi par des personnes qui seraient susceptibles d'être mises en détention.

• 1615

Par contre, certains des témoins que nous avons entendus jusqu'à maintenant nous ont dit que cela aurait l'effet inverse. Plutôt que de les inciter à respecter la loi, cela les inciterait peut-être à disparaître dans la nature, comme on dit. J'aimerais tout d'abord entendre vos commentaires sur la façon dont vous voyez le principe de détention comme ayant un effet positif ou négatif sur le comportement de ces personnes.

Ma deuxième question est peut-être un peu plus pointue, et je ne sais pas dans quelle mesure vous serez capable d'y répondre de façon personnelle. Avez-vous étudié la façon dont la détention se passe dans d'autres pays, par exemple aux États-Unis ou en Australie, pour voir quels sont les résultats de l'utilisation de ce principe de détention sur le comportement des individus?

[Traduction]

M. Greg Fyffe: En ce qui concerne le principe de la détention et les recommandations du rapport Trempe, vous savez, je crois, que nous étudions actuellement ces recommandations et que nous n'avons pas tiré de conclusions définitives. De toute évidence, il nous faudra en parler à la ministre.

Je crois qu'il est juste de dire que cette recommandation en particulier est perçue à bien des égards comme étant problématique pour certaines des raisons que vous exposez. Il nous faudrait des pressions très fortes pour intensifier considérablement les mesures de détention à l'intérieur du système.

M. Cochrane a souligné qu'il existait deux raisons principales. La première est qu'une personne ne se présenterait peut-être pas pour être renvoyée, et la deuxième est qu'elle constituerait une menace.

Je crois qu'en somme, c'est encore l'orientation que nous préférons prendre. L'intensification substantielle des mesures de détention comporte, je pense, de nombreux inconvénients. Il est certain que nous étudions cette option, mais les recommandations du rapport Trempe ne réussissent certainement pas à nous convaincre que c'est la voie à suivre. Je crois qu'en ce moment, nous sommes plus à l'aise à l'intérieur d'un régime où la détention est utilisée au besoin et non à grande échelle.

Je ne crois pas que nous disposions actuellement de données universelles sur la façon dont on recourt à la détention dans d'autres pays. Nous avons de nombreux contacts avec l'Australie. Le système là-bas est tout autre et les problèmes y sont par nature très différents des nôtres. Par exemple, un des centres de détention est installé dans le nord de l'Australie et comme de nombreux bateaux abordent l'archipel par l'Indonésie et le reste, les gens sont détenus dans cette région immédiate. Cette situation ne se compare pas vraiment à la nôtre.

Je crois que les Australiens sont assez satisfaits de leur régime de détention, mais sur un certain nombre de points, leurs attitudes fondamentales ne sont pas similaires aux nôtres.

Pour résumer, je dirais que nous ne sommes pas nécessairement d'accord avec l'orientation du rapport. Nous ne sommes toujours pas convaincus en ce qui concerne la question de la détention.

Pour ce qui est de savoir si la détention a un effet incitatif ou dissuasif, je pense que notre politique d'immigration insiste beaucoup sur l'intégration. Si des gens doivent venir s'installer au Canada, nous aimerions qu'ils s'intègrent le plus rapidement possible à la société active et je ne suis pas certain que la détention nous aiderait à atteindre cet objectif. Nous préférerions, dans la mesure du possible, recourir au renvoi volontaire et, si nécessaire, détenir les gens à la dernière minute plutôt que d'étendre le système.

C'est là notre attitude en ce moment. Je ne prétends pas que tout soit réglé, mais dans notre optique, la recommandation est problématique.

Mme Raymonde Folco: Merci.

Le président: Madame Hardy, s'il vous plaît.

Mme Louise Hardy (Yukon, NPD): Le mois dernier, je me suis rendue au centre, au Québec, et on me l'a fait visiter, ce qui est très généreux de leur part. J'ai rencontré le médecin, qui n'y est en poste que depuis peu.

L'impression que j'ai eue, c'est qu'ils y ont installé ce médecin pour éviter de devoir amener en ville des gens enchaînés, car il déplaît aux citoyens de voir continuellement des gens menottés et enchaînés. On m'a dit qu'ils essayaient d'éviter d'enchaîner les parents devant leurs enfants, et c'était vraiment réconfortant de l'entendre car on m'a déjà dit le contraire.

Le fait est, cependant, qu'ils enchaînent effectivement les gens, et qu'ils les enchaînent tout le temps. Ce qui se passe, c'est qu'auparavant, les détenus pouvaient parfois se rendre en ville, mais maintenant, on le leur refuse. Le médecin vient les voir, leur prodigue de très bons soins, mais ils ne sortent jamais du centre parce qu'il faudrait les tenir continuellement enchaînés.

• 1620

Si on ne les soupçonne pas d'être des criminels, alors pourquoi les garder là, dans un centre? On appelle cette installation un centre de détention, mais pour avoir visité de nombreuses prisons, je dis que c'est comme une prison, avec les mêmes mesures de sécurité. Les mesures de sécurité y sont plus strictes que dans la prison au Yukon. Alors ces gens sont soumis au même traitement que s'ils étaient des criminels, qu'ils en soient ou non.

L'autre point qui m'a vraiment frappée, c'est que 98 p. 100 des détenus ont la peau foncée. Pourquoi? N'y a-t-il pas de revendicateurs du statut de réfugié qui aient la peau blanche et qui soient soupçonnés, ou faut-il conclure que les agents de l'immigration ne soupçonnent jamais de Blancs de ne pas vouloir se présenter à leur audience?

M. Greg Fyffe: Pour ce qui est de la dernière question, la plupart de nos pays sources se trouvent au Moyen-Orient ou ailleurs —fondamentalement des pays aux populations non blanches—et une grande partie des voyageurs clandestins proviennent de certains pays où, malheureusement, les populations ont la peau plus foncée. Je ne pense pas que notre politique comporte un élément de racisme. Il s'agit simplement de la provenance géographique de nos immigrants et de nombreux immigrants illégaux.

Pour les autres questions, je cède la parole à mon collègue.

M. Neil Cochrane: Lorsque les gens sont transférés ou amenés pour quelque raison que ce soit hors du centre, en général pour assister à une audience et parfois pour être renvoyés, l'usage veut qu'ils soient menottés. C'est une reconnaissance du fait que ces personnes sont détenues. Cet usage est en partie relié à des questions de sécurité. Il arrive effectivement de temps à autre que des gens essaient de s'évader. Parfois, ces tentatives s'accompagnent d'une certaine violence. Pour assurer la garde des détenus, nous recourons aux menottes. Nous reconnaissons que le fait d'être détenu, ce qui implique l'utilisation de menottes dans ces circonstances, constitue une question sérieuse.

Nous recourons normalement à la détention lorsque nous avons épuisé toutes les autres options. Dans certains cas, la personne a déjà omis d'obtempérer ou de comparaître ou refuse de nous donner l'information dont nous avons besoin pour nous assurer qu'elle sera disponible quand nous en aurons besoin.

Mme Louise Hardy: L'autre question que je veux poser tient au fait qu'on m'a montré où a eu lieu assez récemment une tentative de suicide. Le détenu avait été informé qu'il allait être expulsé, et il a tenté de se suicider. Serait-il possible, peut-être une fois qu'il a été décidé qu'une personne serait expulsée, d'en prendre soin et de la surveiller de plus près pour que nous n'ayons pas à déplorer des suicides? Il s'en est fallu de peu pour que le détenu en question meure, et nous en aurions été responsables.

M. Neil Cochrane: Tout d'abord, je précise que normalement, la plupart des détenus sont condamnés à être expulsés, sont sous le coup d'une ordonnance de renvoi. Lorsqu'il y a lieu de croire qu'une personne peut attenter à ses jours, des mesures particulières sont prises. Nos gardiens ont instruction de tenter de déceler les comportements inhabituels pouvant indiquer qu'une personne est en détresse et peut tenter de se faire du mal. Nous avons pris des dispositions pour surveiller de près ces personnes.

Mme Louise Hardy: Pour ce qui est de fonder une décision discrétionnaire sur l'estimation que quelqu'un ne sera peut-être pas disponible ou ne se présentera peut-être pas à une audience ou pour son renvoi, ce ne semble pas être une base très solide pour justifier la décision de détenir quelqu'un.

M. Neil Cochrane: Comme je l'ai dit, c'est une question de jugement, et on demande aux agents de se fonder sur leur observation de la personne. Parfois, ils se fient à un détail subtil ou à un comportement antérieur—peut-être le fait que la personne ait omis de remplir certaines conditions comme la notification d'un changement d'adresse. Dans d'autres cas, c'est plus évident et la personne dit très ouvertement à nos agents qu'elle ne se présentera pas et qu'elle n'a pas l'intention de le faire. Elle fera tout ce qui est nécessaire pour ne pas être renvoyée du Canada. Alors je pense que vous avez raison de dire que c'est une décision difficile à prendre.

• 1625

Mme Louise Hardy: Merci.

Le président: Monsieur McKay.

M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Merci, monsieur le président.

Mon pauvre cerveau essaie de penser avec méthode. Premièrement, il me faut savoir à quelle étape vous intervenez. Où commencent vos attributions?

M. Neil Cochrane: Vous voulez dire par rapport à la détention?

M. John McKay: Oui.

M. Neil Cochrane: Un certain nombre de dispositions de la Loi sur l'immigration confèrent le pouvoir de détenir quelqu'un. Tout commence au port d'entrée, à l'arrivée. Un agent de l'immigration peut ordonner la détention d'une personne pour report de l'étude de son cas si cette étude doit être interrompue, puis reprise. L'agent d'immigration supérieur qui étudie un rapport selon lequel une personne est inadmissible a le pouvoir d'ordonner que cette personne soit détenue.

Nous pouvons donc intervenir au port d'entrée, puis plus tard si on nous signale qu'une personne se trouve illégalement au pays. Celle-ci peut être arrêtée et détenue.

M. John McKay: Quel est le nombre des ordonnances de renvoi à un moment précis?

M. Neil Cochrane: Je vais demander à ma collègue de vous fournir des explications.

M. John McKay: Nous nous intéressons au nombre total. Vous savez ce qui nous intéresse. Nous nous penchons sur les renvois. Vous devez savoir à combien s'élève le nombre des ordonnances de renvoi à un moment donné. Quel est ce nombre?

Mme Susan Leith (directrice, Investigation et renvoi, Division de l'exécution de la loi, ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration): Lorsque nous avons comparu, nous avons indiqué qu'en ce qui concerne le nombre de cas pour lesquels nous tentions activement d'obtenir un renvoi, ce nombre se situerait autour de 6 600 pour l'ensemble du Canada.

M. John McKay: De ces 6 600 cas, combien ont donné lieu à des expulsions?

Mme Susan Leith: Selon vos propres termes, cela équivaut à des expulsions.

M. John McKay: D'accord, le terme plus fort est—

Mme Susan Leith: Cela représente le nombre de cas pour lesquels nous prenons activement des dispositions pour obtenir le renvoi du Canada de ces personnes.

M. John McKay: Donc, 6 600 ordonnances de renvoi sont en vigueur à un moment donné au Canada.

Mme Susan Leith: Non. Nous avons environ 6 600 dossiers actifs pour lesquels nous tentons d'obtenir un renvoi. D'autres cas s'ajoutent à diverses étapes du processus. Une ordonnance de renvoi est prise contre certaines personnes, mais nous ne sommes pas en mesure de les renvoyer.

Pensons par exemple aux personnes qui purgent des peines. Nous ne déployons pas nécessairement des efforts pour obtenir leur renvoi. Nous ne considérerions pas qu'il nous faut rechercher activement le renvoi d'un détenu qui purge une peine de sept ans.

M. John McKay: Je ne me soucie pas vraiment de ces gens. Voici ce qui me préoccupe. Je vous repose la même question: quel est le nombre de cas pour lesquels des ordonnances de renvoi sont en vigueur, peu importe que ces personnes soient en prison, dans la clandestinité ou ailleurs? Quel est ce nombre?

Mme Susan Leith: Abstraction faite des obstacles au renvoi?

M. John McKay: Oui.

Mme Susan Leith: Je ne peux pas vous fournir ce chiffre.

M. John McKay: Vous ne pouvez pas?

Mme Susan Leith: Non. Si je ne peux vous fournir ce chiffre, c'est que le système que nous avons mis en place pour repérer nos clients ne nous donne pas nécessairement la ventilation exacte de tous les cas visés par une ordonnance de renvoi parce qu'ils se situent à diverses étapes.

Si vous vous rappelez le témoignage de M. Borowyk, il a tenté d'expliquer que notre système, que nous appelons SSOBL, enregistre certains faits dans le dossier d'immigration d'une personne, mais d'autres faits qui ne concernent pas directement les données d'immigration existent et ne sont pas consignés par le système, comme par exemple le fait de purger une peine d'emprisonnement.

Je peux donc vous dire qu'en décembre 1997, nous avons fait un sondage dans nos bureaux et demandé le nombre de dossiers pour lesquels ils étaient en mesure d'obtenir des renvois. Le nombre auquel nous sommes arrivés est 6 600.

• 1630

M. John McKay: Tenons-nous en à ce nombre de 6 600 cas. Nous savons qu'il est passablement plus élevé.

Mme Susan Leith: Oui. Par exemple, certaines personnes pourraient faire l'objet d'une évaluation de risques avant leur départ. Il existe une liste de ces personnes. Nous ne sommes pas encore en mesure de les renvoyer; nous ne pouvons pas le faire tant que l'évaluation de risques n'aura pas été faite. Dans certains cas, des obstacles juridiques ou administratifs empêchent le renvoi.

M. John McKay: Tenons-nous en à ce groupe de 6 600, ou 7 000 pour faire un chiffre rond. Un témoin nous a dit qu'environ 460 personnes étaient actuellement détenues. Ces 460 personnes sont-elles incluses dans ce groupe d'environ 6 600?

M. Neil Cochrane: En fait, c'est 360. Nombre d'entre elles feraient partie de ce groupe, mais nous n'en sommes pas à l'étape où nous pouvons obtenir le renvoi de certains détenus. Quelques-uns attendent les résultats de leur revendication du statut de réfugié ou sont en appel, ce qui fait qu'ils n'appartiennent pas au groupe non plus. La plupart en feraient partie, oui.

M. John McKay: La plupart des détenus en feraient partie et ont à peu près épuisé toutes les possibilités d'appel, que ce soit en invoquant des motifs humanitaires, des raisons de compassion, en demandant une évaluation de risques, peu importe. Est-ce juste?

M. Neil Cochrane: Oui, je crois que c'est juste.

M. John McKay: Est-ce que je me trompe lourdement en affirmant que vous détenez 300 personnes à peu près en tout temps?

M. Neil Cochrane: Des personnes qui sont sous le coup d'une ordonnance de renvoi et qui attendent qu'on prenne des dispositions pour les renvoyer?

M. John McKay: Oui.

M. Neil Cochrane: Je crois que c'est une estimation raisonnable.

M. John McKay: La question évidente est alors: où se trouvent tous les autres? Qu'advient-il des 6 300 autres? Y a-t-il des catégories de personnes?

Mme Susan Leith: Je pourrais peut-être replacer les faits dans leur contexte. En 1977, nous avons renvoyé presque 8 000 personnes; 60 p. 100 d'entre elles étaient des revendicateurs du statut de réfugié. Nous avons renvoyé 4 800 personnes à qui on avait refusé ce statut. Si vous tenez compte de ce que M. Cochrane a dit tout à l'heure, soit que la majorité des gens que nous avons détenus ne sont pas des revendicateurs du statut de réfugié dont la demande a échoué—ils constituent un très petit nombre—cela pourrait contribuer à expliquer que la plupart des gens qui attendent leur renvoi ne sont pas des criminels. Je pense qu'environ 1 200 de ces 6 600 personnes appartiendraient à la catégorie des délinquants.

M. John McKay: C'est un peu moins du tiers.

Mme Susan Leith: Oui.

M. John McKay: Je suis complètement perdu, mais si j'ai épuisé mon temps de parole, je l'ai épuisé. Si nous passons à une deuxième série de questions, j'aimerais revenir sur ce point. Je ne peux pas dire que je comprends vraiment les réponses.

Le président: Madame Minna.

Mme Maria Minna (Beaches—East York, Lib.): Merci, monsieur le président.

Avant de poser mes questions, je pourrais peut-être revenir à ce qui a été dit lors d'une séance antérieure.

En ce qui concerne ces 6 600 personnes, j'ai demandé à la présidence au cours de notre première séance, je crois—et l'information m'a peut-être échappé si elle a été transmise—si nous pouvions avoir une ventilation de ce nombre. Cela nous aiderait à comprendre. Certains parlent de ces 6 600 personnes comme de délinquants. D'autres nous disent que la proportion de délinquants est bien plus faible et que les autres n'en sont pas.

J'ai demandé qu'on décompose ce nombre de 6 600 pour comprendre a) combien de ce groupe étaient associés à la criminalité, et b) combien attendaient à une quelconque étape du processus. J'essayais de comprendre la composition de ce total de 6 600 cas pour que nous puissions tenir une discussion intelligente. Si une très faible proportion de ces gens sont des délinquants, il ne faut pas mettre tout le monde dans le même sac.

Le principal problème ne consiste plus à attendre que les gens sortent de prison; il se situe ailleurs. Je me demandais ce qu'il advient de ces gens.

Je me demande si cette information nous a été fournie. Je crois que non, monsieur le président, n'est-ce pas?

Le président: On ne nous a pas communiqué la ventilation finale.

Mme Maria Minna: Alors c'est un rappel pour qu'on nous la fournisse. Cela nous aiderait dans nos discussions.

• 1635

Le président: Si je suis intervenu, c'est parce qu'on a demandé l'origine ethnique des personnes, si elles étaient des Asiatiques ou—

Une voix: Non.

Le président: Oui, on l'a demandé.

Mme Maria Minna: C'était plus tard, monsieur le président, au cours d'une autre séance. On parlait de chiffres et non de la culture ou de la race des demandeurs. C'était à une étape ultérieure.

J'aimerais revenir à la question de la détention.

Au cours des audiences, celles qui ont eu lieu au pays avec le ministre et les nôtres ici, avec diverses ONG et d'autres groupes, on a soulevé un certain nombre de points. L'un d'eux est qu'à Toronto, les cas de détention sont plus nombreux qu'ailleurs, à Montréal ou Vancouver, par exemple.

Je crois que j'ai déjà posé la question, mais pour bien comprendre, j'aimerais savoir si c'est vrai et, dans l'affirmative, pourquoi. J'aimerais aussi savoir si c'est là une façon différente d'appliquer la politique. Quelle en est la raison? J'aimerais le savoir.

De même, un point soulevé plus d'une fois durant les audiences est la question de la détention inutile. On a parfois parlé de «renvois éclairs».

Autrement dit, on demande à une personne qui s'est toujours conformée au système—rien n'indique qu'elle ait refusé de collaborer avec le système lorsqu'on le lui a demandé—de se soumettre à une entrevue. Au cours de cette entrevue, il est décidé de la mettre en détention, même si rien n'indique que la personne ne se présentera pas pour son renvoi, le cas échéant.

J'ai ici une copie du document sur les motifs de détention. Je consulte le point 12.1, «Motifs de détention». Il y en a deux: 1) La personne constitue-t-elle une menace pour le public? On dit de tenir compte du rapport médical et de toutes sortes de facteurs. 2) La personne se présentera-t-elle?

Sous la question «se présentera-t-elle?», on demande à l'agent ou à la personne qui décide de prendre en considération un certain nombre de facteurs. La plupart ont trait au non-respect des conditions de séjour, au mensonge ou au manque de bonne foi. On dit ensuite, d'autre part, de chercher à déterminer si la personne a des parents ou des amis responsables et des fonds. L'autre facteur à prendre en compte est si la personne s'est présentée de son propre chef à EIC. Cela semble indiquer que si la personne s'est présentée de son propre chef, il n'y a pas de raison de la mettre en détention.

Trouvez-vous que dans leur forme actuelle, les lignes directrices sur la détention ne sont pas assez efficaces et claires et que nous devrions faire quelque chose pour les changer? Est-ce pour cela que la détention est ordonnée dans les circonstances que j'ai décrites ou si on ne l'ordonne pas?

J'essaie de comprendre les types de détention. Est-elle ordonnée dans les circonstances que je viens de décrire? Dans l'affirmative, la pratique semble contraire aux lignes directrices. Si c'est le cas, que proposez-vous? La façon d'appliquer la politique pose-t-elle problème? Les lignes directrices posent-elles problème? Est-ce la politique qui pose problème?

Nous attendons vos instructions. Si une proposition de détenir est présentée, je crois que la mesure doit être conséquente et utile plutôt que contraignante. Des méthodes utilisées, je tire deux conclusions: d'une part, nous ne détenons pas à moins que ces conditions soient réunies... d'autre part, on semble faire le contraire.

Il y a là plusieurs questions, mais je...

Le président: Oui, il y en a pas mal. Quelqu'un voudrait-il y répondre?

M. Greg Fyffe: Je vais laisser la parole à M. Cochrane dans un instant.

Je pense que le point essentiel est que les gens coopèrent jusqu'à la dernière minute, et c'est là que se pose le problème central. C'est à ce moment qu'il faut décider si la personne continuera de coopérer. Il est assez difficile d'établir des lignes directrices immuables rigides, mais les gens ont tendance à...

Mme Maria Minna: Monsieur le président, peut-être pourrions-nous nous réunir pendant quelques minutes et avoir ensuite une consultation. Je n'ai pas pu l'entendre.

M. Greg Fyffe: Bien des gens coopèrent en fait durant tout le processus jusqu'à ce qu'ils se rendent compte que leur renvoi est imminent. C'est là que se situe le problème. C'est à ce moment qu'il faut déterminer si la coopération se poursuivra jusqu'au renvoi ou s'il faut prendre une mesure supplémentaire, c'est-à-dire la détention.

Mme Maria Minna: Ce point est important pour moi. C'est un passage que j'ai manqué en partie, je crois.

Mon interprétation des explications était que si la personne a coopéré jusqu'à ce stade, il n'y a même pas lieu de prendre une décision, le bénéfice du doute doit lui être accordé et on présumera qu'elle se présentera pour son renvoi au lieu de disparaître.

• 1640

Vous me dites maintenant que même dans les cas où la personne a collaboré, lorsqu'arrive ce qui semble être l'entrevue finale, d'autres facteurs entrent en ligne de compte. Ai-je raison? Je ne croyais pas que c'était le cas.

M. Neil Cochrane: J'aimerais préciser que nous suggérons aux agents qui doivent déterminer s'ils sont d'avis que la personne se présentera, de tenir compte d'un facteur—à savoir si la personne s'est présentée antérieurement. L'expérience démontre qu'au stade où nous sommes en mesure de renvoyer une personne, le fait qu'elle se soit conformée aux exigences antérieures n'est pas un très bon indicateur.

Mme Maria Minna: C'est là où je veux en venir.

M. Neil Cochrane: À ce stade, il n'est pas automatiquement décidé que la personne ne sera pas mise en détention parce qu'elle s'est antérieurement conformée aux exigences. L'agent rencontre l'intéressé en entrevue, lui parle et, souvent, lui demande ce qu'il pense du fait d'être renvoyé le vendredi suivant, par exemple. Parfois, c'est à ce moment de l'entrevue, à partir des discussions avec la personne, que l'agent détermine qu'il est clair qu'elle ne se présentera pas.

Dans les cas où l'agent dispose du titre de voyage et d'une place sur un vol et a affaire à quelqu'un qui se trouve au Canada depuis plusieurs mois ou plus d'un an et qui est sous le coup d'une ordonnance de renvoi—qui peut avoir été prise le jour même de son arrivée, mais que nous n'avons pas pu faire exécuter avant—si l'agent peut clore l'affaire, il doit d'abord supposer que la personne est peu susceptible de se présenter. C'est ce qui est exigé. Si l'agent est placé dans cette situation, oui, il a le pouvoir discrétionnaire d'ordonner la détention.

Mme Maria Minna: La décision ne se fonde pas nécessairement sur un acte malveillant antérieur. C'est ce qui m'avait échappé. Je supposais que si une personne avait continuellement obtempéré, le bénéfice du doute lui était accordé à ce stade parce qu'il est probable qu'elle continuerait de coopérer.

Je comprends maintenant qu'une décision supplémentaire est prise à la dernière rencontre. Je n'avais pas bien compris que l'agent devait faire appel à son jugement.

Pour ce qui est de Toronto...?

M. Neil Cochrane: C'est difficile. Nous n'avons pas fait d'analyses détaillées pour savoir pourquoi il y a plus de détentions dans la région de l'Ontario, mais c'est ce qui se passe.

Il faut garder à l'esprit que nous détenons des gens pour une raison, et c'est en général pour pouvoir renvoyer ceux qui sont sous le coup d'une ordonnance de renvoi. Lorsqu'on consulte les statistiques sur les renvois, on constate qu'il y en a plus dans la région de l'Ontario que dans les autres régions. Considérant que de nombreux cas de détention en Ontario sont liés à la criminalité, on comprend également qu'il existe un grand nombre de cas de renvoi pour lesquels la criminalité est en cause.

Mme Maria Minna: Ma dernière question a trait à la politique, car c'est en partie ce que nous étudions actuellement.

Croyez-vous que les actuelles lignes directrices sur la détention sont adéquates ou voudriez-vous les modifier pour améliorer la situation des agents ou des clients?

Vous avez dit plus tôt, monsieur Fyffe, que vous n'étiez pas nécessairement favorable à une recommandation visant à intensifier inutilement les mesures de détention. Je le comprends. Je crois être d'accord, mais en ce qui concerne le régime actuel et nos critères en place, voudriez-vous qu'ils soient modifiés d'une façon ou d'une autre? Estimez-vous qu'il faille les remanier pour aider nos gens?

M. Greg Fyffe: Oui, nous examinons actuellement les lignes directrices et nous sommes très près d'en établir de nouvelles.

M. Neil Cochrane: Parlez-vous des lignes directrices inscrites dans le cadre juridique actuel ou de modifications à ce cadre qui ne sont pas encore proposées?

Mme Maria Minna: Je veux dire à l'intérieur de l'actuel cadre juridique. Les changeriez-vous d'une manière ou d'une autre? Proposeriez-vous de changer la façon dont nous détenons les gens, dont nous prenons les décisions, afin que la situation soit plus agréable pour les agents et plus juste pour les clients?

M. Neil Cochrane: Je suppose que cela revient à se demander si nous voulons accroître la transparence de la prise de décision et nous doter de critères plus objectifs.

• 1645

Le président: Monsieur Maloney, s'il vous plaît, et vous serez le dernier à participer à cette ronde de questions. D'autres témoins attendent pour comparaître devant le comité.

M. Steve Mahoney (Mississauga-Ouest, Lib.): Je ne veux pas être pointilleux, mais c'est Mahoney.

Le président: Oh, merci.

M. Steve Mahoney: D'accord.

Merci beaucoup. J'ai à poser quelques questions brèves dont l'une porte sur les ONG.

Vous pouvez comprendre que nous éprouvons une certaine frustration lorsque nous entendons des gens nous dire qu'ils sont persona non grata, qu'ils n'ont pas accès, etc., et qu'ensuite nous entendons le contraire.

Comment votre ministère détermine-t-il—si c'est le bon terme—, décide-t-il ou reconnaît-il si une ONG est légitime? Et qu'y gagne-t-elle au-delà de cette reconnaissance?

M. Greg Fyffe: Je vais dire quelques mots avant que M. Cochrane réponde directement à la question.

Il est clair que dans une situation pour laquelle notre perception est très différente de celle des ONG, deux réactions sont possibles. La première peut être de venir ici, comme nous le faisons, et de vous expliquer que nous voyons les choses un peu différemment, mais la deuxième consiste à consulter les ONG et à leur demander pourquoi leur perception est si différente. À bien des égards, nous collaborons avec les ONG. Nous ne sommes pas toujours d'accord avec elles, mais nous collaborons effectivement et nous aimerions collaborer davantage. Je crois qu'il nous incombe de promouvoir ce dialogue et de découvrir pourquoi nos points de vue diffèrent sur certains de ces points.

M. Steve Mahoney: Pouvons-nous, en tant que membres du comité, attendre un rapport là-dessus?

M. Greg Fyffe: Oui.

M. Steve Mahoney: Merci.

Il me semble qu'à propos de la question des détenus—et un danger subsiste toujours—le point principal est que nos politiques sont trop rigides ou que nous détenons des gens injustement. Le revers de la médaille est que si nous assouplissons trop les règles, nous finissons par mettre en liberté dans la population des gens qui ne devraient pas y être. Nous nous retrouvons alors avec un sérieux problème.

Il est important, selon moi, qu'en tant que membres de ce comité et législateurs, nous ayons une perception juste et exacte de la situation. Nous avons essayé d'organiser une visite d'un des établissements. Je sais que Mme Hardy a dit qu'elle avait eu l'occasion de faire une visite, mais ce n'est pas encore notre cas. J'ai hâte de pouvoir le faire.

Je persiste à croire que les problèmes sont reliés aux périodes de détention trop longues, à l'accès pour les détenus à ce qu'on peut considérer comme des services raisonnables et à ce genre de choses. Il semble que tous les problèmes du système d'immigration soient reliés au temps. Nous semblons prendre tant de temps à trouver des solutions. Pourriez-vous dire si, à votre avis, c'est une fausse perception ou la réalité?.

M. Greg Fyffe: En ce qui concerne les deux types de détention, celle qui est reliée à la criminalité et celle qui ne l'est pas, le but visé est de réduire au minimum la durée de la détention des non-délinquants. La plupart du temps, la détention vise à faciliter le renvoi, et une période de détention trop longue n'est pas justifiée.

Ces cas sont différents des cas d'incarcération ordinaires dans la société. Ce ne sont pas des personnes qui ont commis des délits. Elles ne constituent pas une menace, mais elles n'ont pas le droit de demeurer au Canada d'après nos règles et nous voulons nous assurer de pouvoir les renvoyer. Il y a intérêt à réduire le plus possible ces périodes de détention.

M. Steve Mahoney: Avez-vous une idée de la durée moyenne de détention? Je ne demande pas nécessairement la moyenne exacte, mais plutôt un ordre de grandeur. Normalement, pendant combien de temps les personnes sont-elles détenues? Ces données existent-elles?

M. Neil Cochrane: Je regrette, mais je ne peux pas vous éclairer sur cette durée moyenne.

Les chiffres suivants incluent les périodes de détention des délinquants et des non-délinquants. En 1996-1997, 6 400 personnes ont été détenues pendant une durée totale de 138 000 jours.

• 1650

M. Greg Fyffe: Je suppose que vous préféreriez probablement que nous vous fournissions quelque chose de plus—

M. Steve Mahoney: Je joindrais les données à ses chiffres.

M. Greg Fyffe: Oui.

M. Steve Mahoney: Vous nous avez mis dans une confusion totale.

M. Greg Fyffe: Nous essaierons de vous fournir des données qui indiquent plus une moyenne.

L'autre aspect, cependant, c'est que lorsque nous détenons des personnes qui peuvent constituer une menace, le problème est tout autre. Elles ne purgent pas une peine, mais elles sont considérées comme dangereuses. Elles sont dans une sorte de situation irréelle. Nous devons démontrer que nous sommes disposés à agir rapidement; autrement, nous n'avons pas le droit de les retenir. Mais nous sommes portés à les garder aussi longtemps qu'il est permis si un danger est en fait perçu. Évidemment, elles se trouvent dans une installation totalement distincte.

M. Steve Mahoney: Une moyenne n'est pas particulièrement utile. Les motifs pour raccourcir ou prolonger une période de détention ne ressortent pas dans une moyenne. Je demande quelle est la période de détention raisonnable pour une personne qui a accès à une forme d'assistance—peut-être l'aide juridique, peut-être son propre avocat—et de services juridiques. Quelle serait cette période raisonnable?

La perception dans la collectivité est que ces gens sont détenus pendant des années, certainement des mois. S'ils ne peuvent demeurer au pays pour des motifs qui ont été équitablement examinés et prouvés, ils devraient être partis. Ils ne devraient pas demeurer ici aux frais du contribuable. S'ils ont été détenus injustement, leurs droits ont été violés, et ils devraient être relâchés.

Je sais que je laisse entendre que la situation est tranchée au couteau alors que ce n'est pas le cas, mais je pense que nous nous interrogeons tous sur l'équité de ce système de détention.

Mme Susan Leith: Un des principaux obstacles au renvoi est notre incapacité d'obtenir des titres de voyage. Je crois que nous en avons parlé précédemment. Par conséquent, lorsqu'il a été établi par exemple qu'une personne constitue une menace pour le public, nous faisons des efforts constants pour tenter d'obtenir les titres de voyage. Nous essayons le plus possible de garder la personne en détention parce qu'elle est considérée comme dangereuse pour la population. Malheureusement, la situation échappe parfois à notre contrôle parce que nous ne pouvons obtenir les titres. Il se peut que le client refuse de coopérer et, par exemple, qu'on prenne sa photo. Il se peut qu'il refuse de signer la demande de titre de voyage ou que son pays d'origine refuse de coopérer pour la délivrance du titre.

M. Steve Mahoney: Si quelqu'un refuse qu'on prenne sa photo, pouvez-vous quand même la prendre?

Mme Susan Leith: Nous avons des moyens pour le faire. Je dis que parfois, un détail aussi simple suffit.

Le principal obstacle au renvoi lorsque nous arrivons au terme du processus, lorsque la personne a épuisé tous les recours juridiques et que nous sommes en mesure de la renvoyer légalement, c'est notre incapacité d'obtenir les titres de voyage. Je crois que c'est dans le rapport.

M. Greg Fyffe: M. Cyr peut peut-être vous donner une idée un peu plus juste à partir de son expérience dans la région de l'Ontario.

M. Norm Cyr: Vous constaterez que les personnes détenues pour de longues périodes faussent les données d'ensemble. Cela ne fait aucun doute. Certaines personnes sont détenues depuis trois ans. L'ajout de ces données aux statistiques globales rallongera la période de détention moyenne.

La durée moyenne de la détention au Celebrity Inn, et au Celebrity Inn seulement, est d'environ huit ou neuf jours. Le roulement y est donc très fort. Rappelez-vous que nous ne détenons au Celebrity Inn que les personnes non délinquantes qui ne constituent une menace ni élevée ni moyenne. Seules y sont gardés les personnes à faible risque. La période de détention moyenne est de huit jours.

Dès que vous gardez quelqu'un pendant un an ou plus—et certains sont détenus au Celebrity Inn depuis un an ou plus, comme l'a dit Susan plus tôt, à cause de notre incapacité de les renvoyer en l'absence de titres de voyage—la moyenne monte.

• 1655

Le président: Merci beaucoup. Nous devons mettre fin à cette partie de notre séance de l'après-midi. Je vous suis reconnaissant d'avoir comparu et de nous avoir fourni un complément d'information. Vous avez éclairci certains points pour nous, mais je suis sûr qu'il en subsiste beaucoup d'autres qui sont aussi nébuleux qu'ils l'étaient il y a même deux ou trois mois.

M. John McKay: Monsieur le président.

Le président: Oui, monsieur McKay.

M. John McKay: Je veux qu'il soit inscrit au compte rendu que je trouve que le témoignage de ces personnes—qui ont déjà comparu devant nous—est décevant, exaspérant et déroutant. J'ai lu la documentation, j'ai fait partie du système judiciaire pendant 22 ans, et je ne crois pas être beaucoup plus avancé qu'au départ.

Et je ne sais comment y remédier. Je ne sais pas au juste comment y remédier.

Cependant, je veux qu'on note mes paroles. J'ignore si d'autres membres du comité partagent mon avis, mais c'est comme marcher dans le noir. J'ignore où nous allons. Je ne comprends pas le témoignage de ces personnes. Je ne vois toujours pas quels sont les enjeux. Et si nous espérons pouvoir faire des recommandations au ministre, notre situation est désespérée. Je le dis pour qu'on le consigne au compte rendu. C'est peut-être la frustration qui me fait dire ces choses, mais je pense que nous aurions dû commencer à nous attaquer vraiment au coeur du problème et mieux nous situer par rapport à ce qui se passe.

Le président: Nous étudierons cette question de près et en ferons une recommandation.

[Français]

Mme Raymonde Folco: Je voudrais aussi ajouter ma voix, monsieur le président. J'ai demandé de prendre la parole une deuxième fois et je vais le faire.

Je dois critiquer les témoins du ministère qui ont comparu devant nous. Lorsqu'on demande des chiffres, on a une difficulté énorme à obtenir des statistiques qui nous parlent. Je sais qu'il y a des ordinateurs, mais il semble que, compte tenu du nombre restreint de personnes dont on parle, on devrait pouvoir obtenir des réponses plus claires et plus limpides à nos questions.

Je dois dire qu'à l'inverse de mon collègue, je connais quand même assez bien le système. Je viens de ce système et j'ai moi-même beaucoup de mal à comprendre la portée des réponses qui nous sont données.

Je suis en train de critiquer des témoins. Ce ne sont pas les témoins que je critique. C'est la valeur de leurs témoignages. Il m'est, moi aussi, très difficile de voir comment ce ministère fonctionne, comment il fonctionne logiquement et prend des décisions en fonction de chiffres et en fonction de nombres de personnes qui entrent et qui sortent. Ce n'est pas clair pour moi, et il est bien sûr que je vais demander à ce comité de faire des recommandations quant à une amélioration du système de données, ne serait-ce que cela.

Voilà, monsieur le président. J'avais l'intention de le dire et je l'ai dit.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup.

Nous invitons maintenant notre prochain groupe de témoins.

• 1658




• 1701

Le président: Pour notre deuxième partie, nous avons, du Manitoba Interfaith Immigration Council, Marty Dolin, directeur général; et de la Romero House, Mary Jo Leddy, qui est une des directrices de cet établissement. Suleyman Goven et Sami Durgun sont également parmi nous aujourd'hui. Nous avons tous entendu parler de Sami Durgun. Nous avons la chance d'avoir ce groupe avec nous aujourd'hui.

Qui parlera en premier? Marty, allez-y.

M. Marty Dolin (directeur général, Manitoba Interfaith Immigration Council): Merci, monsieur le président.

Avec votre indulgence, nous espérions que je pourrais faire une déclaration préliminaire. Mme Leddy pourrait en faire une, après quoi nous répondrions aux questions des membres du comité, si cela vous convient.

Le président: Bien. Allez-y.

M. Marty Dolin: Mon exposé s'intitule «Ce sont seulement les chiffres», et ce que j'ai entendu aujourd'hui—et M. McKay l'a certainement bien exprimé—ne m'a aucunement fait changer d'avis.

La Division de l'exécution de la loi du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration croit, d'après mon expérience, que son rôle consiste à garder les étrangers hors du pays et, s'ils réussissent à y entrer, à les expulser. En étant très charitable, on pourrait la traiter de xénophobe, et en l'étant moins, de raciste.

Susan Leith, directrice de l'Investigation et du renvoi, et qui est parmi nous aujourd'hui, a indiqué à ce comité en 1997 ce qui suit:

    Nous avons renvoyé 7 968 personnes du Canada [...] dont 60 p. 100, ou 4 800 personnes, avaient vu leur demande du statut de réfugié refusée et dont 18 p. 100 (1 267) étaient des délinquants.

On se demande qui étaient les autres 22 p. 100, mais ils ne représentent que des chiffres pour le ministère.

J'en connais certains par leur nom. Il y avait Emmanuel Solis, qui est venu du Guatemala au Canada avec sa famille quand il avait neuf ans. À cause d'une erreur de ses parents, ses frères et ses soeurs sont devenus citoyens, mais pas lui. Il est parti. Il y avait l'épouse et les trois enfants de Davinder Singh; il est encore ici, mais eux sont retournés à Singapour.

Il y a Joe du Liberia. Il a vécu avec nous pendant 18 mois à notre centre d'accueil de Winnipeg, on lui a refusé l'aide sociale et un permis de travail, mais il a fait bénévolement du paysagement pour des églises locales. Il s'est rapporté un jour à l'Immigration, et on ne l'a jamais revu. Ses vêtements sont encore à notre centre, et nous avons reçu de lui une lettre du Ghana dans laquelle il disait qu'il se portait bien. Sa cause est toujours en appel, mais l'imitation de la signature de Joe par Lyle Moffatt, ancien directeur régional de l'exécution de la loi, a amené l'ambassade ghanéenne à délivrer des titres de voyage pour que Joe puisse être renvoyé.

Il y avait Jose Hernandez, un jeune homme qui tentait de se rendre à Washington, D.C., dans un wagon couvert américain, mais qui a abouti par erreur au Canada. Il a passé plus d'un an en prison même s'il n'avait commis aucun délit, mais il était considéré comme «personne à risque» grâce à la clairvoyance de la division de l'exécution de la loi. Les autres prisonniers—comme nous n'avons pas de centre de détention à Winnipeg, nous gardons les gens dans un établissement de détention provisoire avec les criminels—attendant leur procès à cet établissement pour des infractions criminelles ont battu et poignardé Jose avant que nous réussissions à le faire libérer sous caution. L'état mental de Jose est douteux actuellement, mais il est parti.

Steven Davis est venu au Canada quand il avait quatre ans. Sa famille et ses amis sont ici à Winnipeg, mais lui est maintenant en Jamaïque.

Puis il y a Patricia. Elle a 19 ans et présenterait des dommages au cerveau, ayant été mal nourrie dans son enfance; elle se trouve à la prison des femmes du Portage pour délit contre les biens. Native de la Nouvelle-Guinée, elle a été adoptée par des Canadiens quand elle avait deux ans. Elle sera libérée d'ici deux ans, et les rouages de l'exécution de la loi sont en marche pour qu'elle soit renvoyée en Nouvelle-Guinée.

• 1705

Au cours des derniers mois, le ministère, fort de son zèle, a tenté d'expulser Khushal en Afghanistan. Même s'il y a embargo sur les expulsions, un agent d'exécution de la loi à Winnipeg, Robert Fontaine, a demandé de son propre chef une exemption à cet embargo, demande qui lui a évidemment été accordée. Khushal a été transféré de Winnipeg au centre de détention de Montréal, et lorsque le tribunal a décrété que le ministère avait fait erreur et que Khushal ne devait pas être envoyé en Afghanistan, on lui a sommairement indiqué la sortie du centre de détention, même s'il était sans argent, ne parlait pas français et ne connaissait personne.

Walter G. a été expulsé vers le Guatemala récemment, avant que son appel ne soit entendu, et lorsque le tribunal a décidé qu'il pouvait demeurer au Canada, il était déjà parti. Comme le ministère n'admet pas qu'il puisse faire erreur, il n'y a pas de dédommagement en cas d'erreur, et nous avons dû prêter à Sandra, l'épouse de Walter, le prix du billet d'avion, 595 $US, pour qu'il puisse rentrer au Canada.

Je pourrais continuer encore et encore, et j'ai ici une foule de dossiers au cas où les gens voudraient connaître des détails sur ces cas. Je pourrais vous parler de Sikander des îles Fidji; de Felicia du Nigeria; d'Abdullah d'Afghanistan; de Solomon du Nigeria, de Jorge d'El Salvador et de Paul du Nigeria, qui m'a presque entraîné en prison avec lui, et de beaucoup d'autres, mais le temps est limité.

Un point, cependant, ressort de mon expérience, un trait qui est commun à tous les cas cités précédemment: ces personnes sont toutes membres de minorités visibles.

Dans le numéro du 1er avril 1998 du Jewish Post and News sont rapportées les paroles suivantes d'Irving Abella, dont vous avez sans doute tous entendu parler, à propos des criminels de guerre nazis:

    «[...] ils (le ministère) auraient pu monter de simples dossiers d'expulsion, ce que les juges n'excluaient pas [...] mais pour une raison quelconque—que tout le monde ignore, il n'y a vraiment pas d'explication—ils ont refusé jusqu'à l'an dernier ou il y a deux ans de juger et d'expulser ces personnes.»

J'ai également été amené à croire que tous les ministères sont tenus de déposer un rapport annuel sur l'équité en matière d'emploi, en vertu de la Loi sur l'équité en matière d'emploi, récemment adoptée. Étant donné qu'à Winnipeg, au moins, je n'ai jamais vu un agent d'exécution de la loi qui ne soit pas un Blanc, je pense que le rapport du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration devrait être examiné par ce comité. De même, ce que j'ai vu à la table d'honneur ici ne me fait nullement changer d'avis.

Tout comme les policiers peuvent en arriver à considérer tous les citoyens comme des criminels ou des criminels en puissance, il semble que la division de l'exécution de la loi voie les étrangers comme des individus sournois qui tentent de profiter de nous, et les agents d'exécution de la loi, comme les défenseurs héroïques de la manière de vivre des Canadiens. Je ne crois pas que les agents du ministère aient fait usage de faux pour leur intérêt personnel. Ils l'ont fait parce qu'ils montrent trop de zèle dans ce qu'ils perçoivent comme l'exercice de leurs fonctions. Ils s'accommodent parfaitement de jeter le bon grain avec l'ivraie, et personne n'élève la voix pour leur dire de s'arrêter.

Le Malin se cache dans l'obscurité. D'après mon expérience, presque tous les cas qui ont été exposés au public par les médias ont été reconsidérés et ont habituellement donné lieu à des décisions humanitaires. La presse, le public, les citoyens, tiennent compte des gens et pas seulement des chiffres, ce qui semble expliquer que le ministère essaie de soustraire ses décisions à l'attention du public. Ce n'est pas de la malveillance. Le ministère croit plutôt que la presse et le public sont trop ignorants ou naïfs pour comprendre les vraies questions qu'il perçoit. Tout comme il existe des commissions de révision civiles qui se penchent sur l'action policière, et même des protecteurs du citoyen pour le service des postes et la câblodiffusion, la division de l'exécution de la loi du ministère de l'Immigration doit faire l'objet d'un examen transparent de l'extérieur. Le ministère dispose du pouvoir de vie et de mort: le pouvoir d'exiler, le pouvoir d'emprisonner et le pouvoir de priver des droits et des privilèges accordés aux autres Canadiens. Ce pouvoir ne doit pas être exercé sans contrôle.

Le président: Merci.

Mary Jo Leddy, s'il vous plaît.

Mme Mary Jo Leddy (directrice, Romero House): Merci, monsieur le président.

Je vis et travaille avec les réfugiés depuis presque sept ans, et au cours de cette période, j'ai traité environ 1 000 cas de réfugiés. Notre travail à Romero House est entièrement bénévole. Nous ne sommes pas rémunérés. Notre motivation est religieuse. Nous ne faisons pas partie du soi-disant secteur de l'immigration.

D'autres témoins vous ont déjà entretenu de cette question, et je me contente de dire que je suis entièrement d'accord avec les recommandations que le Conseil canadien pour les réfugiés vous a présentées en mars de cette année. Je soumets un seul autre point à votre attention. Les centres de détention sont des établissements fédéraux. D'autres prisons fédérales disposent d'aumôniers rémunérés. Je crois que c'est un point à examiner, pour la qualité de vie dans ces établissements. J'ai parlé à Pierre Allard, aumônier national pour les pénitenciers fédéraux, et il croit qu'il est possible d'affecter à ces centres des aumôniers rémunérés.

• 1710

Je propose, pour la question de la détention et des renvois, une certaine perspective. Je vois les choses de la base, et non du sommet ou du centre, même si je pourrais le faire. J'ai, par exemple, visité les centres de détention. J'ai accompagné nombre de personnes qui ont été expulsées et j'ai constaté que très peu d'avocats—s'il en est—et très peu de juges de l'immigration ou de membres de ce comité ont vu quelqu'un être expulsé. C'est une expérience empreinte de beaucoup de gravité.

La photo sur la couverture du livre que j'ai écrit est celle d'une femme qu'on fait monter dans un fourgon cellulaire pour être expulsés de ce pays. Elle est disparue. Elle compte parmi les disparus, et je ne l'oublierai pas. C'est la perspective que j'apporte.

Dans ce livre, At the Border Called Hope, j'ai inclus de nombreux récits, dont beaucoup sont empreints d'espoir, mais certains traitent de la détention et des renvois.

Il y a notamment le récit de l'expulsion de deux familles qui ont été renvoyées pendant que leur dossier se trouvait sur le bureau du premier ministre. J'ai fait part aux agents de ce fait et de son inquiétude, et ils m'ont répondu: «Qui s'en soucie?»

Je raconte l'histoire d'une femme et de ses enfants détenus pendant que le cas du mari était toujours en appel. Lorsqu'il a eu gain de cause, les siens avaient déjà été expulsés.

Il y a le cas d'un Iranien que j'ai rencontré au Celebrity Inn. Les agents à cet endroit m'ont dit qu'il ne parlait pas anglais. Il s'y trouvait depuis un an et demi. Je lui ai demandé comment il allait. Il m'a répondu: «Je me sens très déprimé». Il appert qu'il avait été tiré d'un hôpital psychiatrique.

Je relate l'histoire du décès au Celebrity Inn d'un Nigérien souffrant de diabète grave. L'an dernier, on m'a demandé d'assister à une séance d'arbitrage où comparaissait un autre diabétique. J'ai dit à l'arbitre que si cet homme était détenu, il faudrait au moins lui faire subir un examen médical. L'arbitre a ordonné un examen. Il n'a jamais eu lieu. L'homme a finalement été libéré sous caution.

D'autres cas ne sont pas décrits dans ce livre. Il y a par exemple celui d'un homme qui avait été opéré d'urgence au cerveau deux jours avant d'être renvoyé. J'ai téléphoné à l'agent qui m'a dit: «Peu importe qu'il se présente dans un cercueil ou sur une civière, mais il se présentera au jour dit.» Finalement, le chef du personnel de l'Hôpital Mount Sinai a téléphoné à l'agent et lui a dit qu'il le poursuivrait en justice si l'homme était forcé de quitter l'hôpital. Celui-ci a été épargné pour un temps.

J'assistais récemment à l'aéroport à une enquête sur un cas de détention et j'ai entendu un arbitre dire à un avocat: «Nos jours ici sont comptés. Un fonctionnaire tatillon à Ottawa a décidé qu'il en coûtait moins cher de renvoyer les gens à bord du même avion que de les laisser faire une demande.»

Une adolescente kurde a été gardée en détention pendant un an et demi au Celebrity Inn. On l'y a transférée directement de l'avion parce qu'elle était soupçonnée d'appartenir à un groupe terroriste. C'est ce qu'on croyait.

J'ai une question à poser. La semaine dernière, un homme est venu me voir. J'ai refusé de l'aider. Il était membre des forces de sécurité serbes. Il a dit que c'est ce qu'il avait affirmé à l'aéroport. On l'a laissé passer. On lui a dit que le SCRS serait intéressé à lui parler. Pourquoi l'a-t-on laissé entrer alors qu'on a mis l'adolescente en détention?

Un ancien gardien qui a travaillé au Celebrity Inn pendant dix ans m'a dit qu'il démissionnait parce qu'il ne pouvait plus supporter d'y participer aux raclées.

• 1715

Dans un autre dossier récent, une famille admissible à ce qu'on appelle la catégorie des ordonnances de renvoi différé —autrement dit, les deux conjoints travaillaient, étaient ici depuis trois ans et avaient deux enfants canadiens—a vu sa demande refusée parce que l'aîné des enfants était handicapé.

Nous avons alors fait en sorte que le Catholic Children's Aid prenne en charge l'enfant handicapé. J'ai dit à un agent: «L'enfant n'est plus dans sa famille; pouvez-vous annuler l'ordonnance de renvoi?» Il a répondu: «Mais l'enfant est encore à eux; c'est leur faute.»

Au cours des sept années pendant lesquelles j'ai travaillé avec les réfugiés, à deux reprises seulement me suis-je sentie moralement obligée de signaler aux services de sécurité deux personnes qui représentaient une très grave menace pour la sécurité.

Dans le premier cas, l'homme appartenait à un service de sécurité bien connu et se livrait au commerce illégal des armes. Il est encore ici. Son nom a figuré récemment dans des documents de l'immigration à titre de traducteur.

Pour ce qui est du deuxième cas, j'ai appris que l'homme faisait partie d'un service de sécurité redoutable et qu'il avait été impliqué de l'aveu de tous dans l'arrestation et l'exécution d'ennemis de son pays. En outre, on lui reprochait d'autres infractions ici au Canada. Ces faits étaient connus du SCRS et de la division de l'exécution de la loi, et on savait où il résidait. Il ne s'est pas présenté pour son expulsion, il y a plus d'un an. Il vit dans l'illégalité depuis, et il comparaît régulièrement devant des tribunaux canadiens à cause des autres infractions reprochées ici.

Quand j'examine et que j'évalue ces diverses expériences, je suis forcée de conclure qu'il existe deux systèmes de justice dans ce pays: un pour les immigrants reçus et les citoyens, et un deuxième pour les autres. Ailleurs, pas ici bien sûr, on parlerait d'apartheid.

Je suis forcée de conclure que la section de l'exécution de la loi d'Immigration Canada fonctionne comme un État à l'intérieur de l'État. C'est la seule organisation d'inspiration policière qui dispose du pouvoir d'arrêter et de détenir—un mandat n'est pas nécessaire, juste une intuition—et du pouvoir de vie et de mort par le biais des expulsions. Cette force policière n'est surveillée par aucun comité. C'est un problème de structure.

Je suis obligée de demander pourquoi Immigration Canada dispose d'une force policière distincte, indépendante et intouchable. Si le but est de repérer les dangereux criminels et les menaces à la sécurité, alors je ne crois pas que cette organisation ait les qualifications, la formation et les autres outils pour le faire.

Comme l'ont souligné plusieurs groupes ethniques, les seuls criminels de guerre qui aient été découverts récemment sont ceux que les collectivités ethniques elles-mêmes ont identifiés et dénoncés dans les médias parce qu'elles ne recevaient pas de réponse de l'Immigration.

Ne serait-il pas préférable qu'un organisme plus qualifié —j'hésite à dire cela—comme la GRC soit chargé de veiller à la sécurité de notre pays? À quoi sert une force de police distincte qui est bien moins entraînée que les autres forces policières et qui n'a aucunement à rendre compte ni au public ni aux politiques? Quel genre de personnes seront attirées par une telle force policière?

J'ai décrit le système de détention et de renvoi comme étant un État à l'intérieur de l'État. Il est entouré d'un écran aussi impénétrable qu'invisible.

Ce comité entend des témoignages sur la détention et les renvois. J'espère que mes réflexions vous aideront dans vos discussions. Je sais que celles-ci sont difficiles, et vous y consacrez beaucoup de temps. Je voudrais cependant porter à votre attention la question des réfugiés qui sont laissés en attente à cause de vérifications de sécurité interminables. Il n'y a pas d'autre endroit pour soulever cette question parce que les services de sécurité et d'exécution de la loi de l'Immigration n'ont pas de compte à rendre.

• 1720

Je joins une plainte officielle au rapport préparé par quatre réfugiés kurdes qui disent qu'on a demandé à chacun d'eux de devenir un informateur en échange de documents d'immigration. Chacun était disposé à parler pour lui-même, mais pas à devenir délateur. Par conséquent, ils ont passé huit ans et dix jours dans l'oubli, à l'Immigration. Les coûts pour les personnes et la société sont énormes. Cette pratique est moralement consternante et légalement douteuse, pour dire le moins.

J'espère que le comité profitera de la présence de MM. Sami Durgun et Suleyman Goven pour discuter plus avant de cette question. Merci.

Le président: Merci beaucoup.

Nous aurons une discussion libre, mais des questions peuvent être posées aux deux autres témoins qui sont également parmi nous. Commençons par l'opposition. Monsieur Obhrai.

M. Deepak Obhrai (Calgary-Est, Réf.): Merci.

Merci d'être venue et de nous avoir fait part de votre perspective. Ce que vous dites ici aujourd'hui est très troublant.

Allons au fond des choses. Je suis un peu perdu à ce propos. Si je comprends bien, un réfugié dont la demande a été rejetée et qui est sous le coup d'une ordonnance d'expulsion a échoué parce qu'il a traité avec un système judiciaire canadien qui a refusé sa demande. Ai-je raison?

Mme Mary Jo Leddy: Ça dépend. Il faudrait que vous me citiez un exemple de cas.

M. Deepak Obhrai: D'après ce que je comprends, les ordonnances d'expulsion émanent d'une cour de justice, d'un tribunal judiciaire.

Mme Mary Jo Leddy: Non.

M. Marty Dolin: Vous comparaissez devant la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. À ce stade, on décide si le statut de réfugié peut vous être accordé ou non. Si vous êtes admissible, vous devenez immigrant reçu; si vous ne l'êtes pas, vous pouvez seulement aller en appel. Vous ne pouvez pas interjeter appel comme dans une cour criminelle. Vous ne pouvez faire appel à partir de la preuve, mais seulement sur des points de jurisprudence. En réalité, vous vous adressez à des gens qui peuvent faire appel pour des questions de compétence, qui examinent les aspects humanitaires et les raisons de compassion, mais il ne s'agit pas d'une cour de justice. C'est la CISR qui rend la décision.

Mme Raymonde Folco: Ça n'a rien à voir avec le système de justice—on parle uniquement de la Loi sur l'immigration et la citoyenneté, et il existe deux instances: la CISR, c'est-à-dire la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, d'une part, et d'autre part, le ministère de la Citoyenneté. Le système de justice n'a rien à y voir—à plus d'un titre. C'est dit entre nous.

Une voix: Il n'y a pas de justice.

M. Deepak Obhrai: Laissez-moi continuer. Dans les exemples que vous avez cités et qui font état de l'exécution de la loi, vous avez parlé de gens qui ne revendiquaient pas le statut de réfugié, mais qui se trouvaient au pays et qui constituent le reste du pourcentage, selon vos propres termes. C'est exact?

Mme Mary Jo Leddy: Non. Les gens dont je parle sont des réfugiés.

M. Marty Dolin: Vous parlez des deux catégories de gens: ceux qui revendiquent le statut et ceux qui, l'ayant revendiqué, ont vu leur demande refusée et sont en appel à une étape du processus. Je suis dans le milieu depuis un peu plus longtemps, et je dispose d'un personnel nombreux. Je parle seulement des cas dont j'ai connaissance. Mon personnel peut vous citer des centaines de cas se situant à diverses étapes du processus et dont nous avons été témoins.

M. Deepak Obhrai: D'accord. Évidemment, vous accusez alors les services d'exécution de la loi d'être daltoniens car la plupart des intéressés sont membres de minorités visibles, ce qui est tout à fait troublant.

J'essaie encore de comprendre où notre système judiciaire... j'ai saisi votre argument: c'est la CISR. Mais où le système judiciaire intervient-il? Il n'intervient pas. Vous nous dites donc aujourd'hui que le ministère de l'Immigration est à la fois juge et jury. Ai-je raison?

Mme Mary Jo Leddy: Oui. C'est le problème avec le système. Le ministère est à la fois juge et jury.

M. Deepak Obhrai: Et il applique les peines.

Mme Mary Jo Leddy: Il peut porter des accusations, et les réfugiés n'ont même pas le droit de savoir de quoi ils sont accusés. Et il est impossible d'interjeter appel.

• 1725

M. Deepak Obhrai: De sorte que le ministère est juge et jury, et il applique les peines.

Mme Mary Jo Leddy: Oui, exactement.

M. Marty Dolin: C'est juste. Absolument.

Mme Mary Jo Leddy: Et les politiques ou le public n'ont pas droit de regard sur ce pouvoir énorme. L'histoire de notre pays et de nos Églises nous apprend que lorsque des éléments disposent de tels pouvoirs sans devoir rendre des comptes, c'est ce qui se produit. C'est dangereux.

M. Deepak Obhrai: J'espère que le secrétaire parlementaire en prend note.

Je dois vous remercier de nous avoir signalé que le ministère dispose de pouvoirs aussi considérables. Je pense qu'il nous faudra y réfléchir très sérieusement. Le fait que le ministère soit à la fois juge et jury et qu'il applique les peines est très troublant, à la lumière des exemples que vous donnez.

En ce qui concerne les criminels de guerre que les collectivités auraient repérés et identifiés, ne diriez-vous pas que dans la plupart des cas, ces criminels se trouvaient ici bien avant d'obtenir leur citoyenneté canadienne et qu'ils ont été arrêtés en tant que citoyens canadiens bien après le fait? Est-ce que je vous comprends bien?

Mme Mary Jo Leddy: Non. Je serai très pratique. Si vous parlez à un homme nommé Ahmed Samater, dirigeant du Midaynta, organisme chapeautant les groupes somaliens au Canada, il vous dira avec une énorme frustration que des criminels de guerre somaliens se trouvent ici, que c'est son groupe qui les a identifiés et que la seule façon pour lui de faire connaître ces faits est de s'adresser à la presse. Ils n'ont pas été repérés par d'habiles membres des services d'enquête ou d'exécution de la loi de l'Immigration.

D'après mon expérience, en ce qui concerne les vrais criminels, ceux dont nous devrions vraiment nous soucier, les services d'exécution de la loi n'ont même pas la compétence nécessaire pour intervenir. Entre temps, des innocents sont terrorisés.

M. Deepak Obhrai: Nous nous retrouvons donc dans la situation où, d'une part, vous dites que ces criminels ont pu venir ici sans véritable enquête de sécurité et, d'autre part, vous faites allusion en termes véhéments à ces mêmes enquêtes de sécurité. C'est exact?

Mme Mary Jo Leddy: Oui.

M. Deepak Obhrai: Il y a donc contradiction ici. Dans un cas, des enquêtes de sécurité serrées sont retardées, et dans un autre, des gens ne font pas l'objet d'enquêtes et sont admis librement.

Mme Mary Jo Leddy: Oui, et je demande pourquoi.

M. Deepak Obhrai: Je demande pourquoi moi aussi.

Le président: Monsieur Ménard.

[Français]

M. Réal Ménard: Il y a quelque chose que je veux comprendre et qui est très important pour les travaux du comité. Vous nous dites que, dans le fond, les délais liés à l'enquête de sécurité nationale sont évidemment beaucoup trop longs et retardent l'octroi du statut. On sait que la question des délais est souvent liée à une autorité qui est extérieure au Canada, puisque c'est souvent la force policière à l'extérieur du pays qui doit... Est-ce que je me trompe en pensant cela? J'ai toujours pensé qu'il y avait deux enquêtes, une enquête de sécurité et un test de santé, et que dans le cas de l'enquête de sécurité, comme les fonctionnaires nous l'ont toujours dit, il s'agissait d'information qui devait être validée à l'extérieur du Canada. Si ce n'est pas le cas, corrigez-moi.

Je vous pose tout de suite ma deuxième question. Il y a une chose importante que vous avez soulevée et sur laquelle il faut faire le point. Vous nous dites qu'on a demandé à des membres de la minorité kurde de devenir dénonciateurs, délateurs en échange d'une régularisation de leur situation et de l'octroi de papiers. Est-ce bien ce que vous avez dit au comité? Si c'est le cas, il s'agit évidemment d'une espèce de trafic d'influence. Vous savez que c'est tout ce qu'il y a de plus illégal pour le ministère et qu'il va falloir qu'on aille au bout de cela. Alors, donnez-nous des explications pour le premier point et pour le deuxième, et n'hésitez pas à nous révéler des noms pour qu'on puisse aller au bout de cela.

Mme Mary Jo Leddy: Si j'ai bien compris,

[Traduction]

le processus d'établissement comporte trois étapes: l'examen médical, les vérifications sur les éventuelles activités criminelles dans le pays d'origine et l'enquête de sécurité, cette formalité fastidieuse. Les deux hommes en question ont subi depuis longtemps et avec succès l'examen portant sur les activités criminelles dans leur propre pays. Ils n'y ont pas de casier judiciaire. C'est l'enquête de sécurité menée ici qui est en cause et vous avez soulevé une question importante,

[Français]

si j'ai bien compris:

[Traduction]

à savoir dans quelle mesure leur pays d'origine ont influencé les décisions ici.

• 1730

La Turquie fait partie de l'OTAN. Ses forces de sécurité sont en quelque sorte associées aux nôtres. Les Kurdes provenant d'Iran et d'Iraq ne sont pas harcelés ici autant que les Kurdes originaires de la Turquie.

C'est tout ce que je veux dire, mais peut-être ces deux—

[Français]

M. Réal Ménard: Mais qui conduit le test de sécurité au Canada? Est-ce la GRC?

[Traduction]

Mme Mary Jo Leddy: Non, ce sont deux organismes. Il y a d'abord le SCRS. Puis, la recommandation du SCRS est transmise au service de sécurité de l'Immigration. Nous avons appris du CSARS —le SCRS a un comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité—que les vérifications du SCRS ne devaient prendre que deux ans. Puis le dossier est transmis...

[Français]

M. Réal Ménard: Que veut dire CSIS? Donnez-moi la signification de l'acronyme.

[Traduction]

Mme Mary Jo Leddy: Le Service canadien du renseignement de sécurité.

[Français]

M. Réal Ménard: Le Service canadien du renseignement de sécurité. Parfait.

[Traduction]

Mme Mary Jo Leddy: Puis le dossier est transmis au service de sécurité de l'immigration. Il n'y a pas de limite de temps là, pas de surveillance et pas de moyen de cerner la question.

[Français]

M. Réal Ménard: Je veux aller au bout de cela parce que j'ai un intérêt pour la communauté kurde. Donc, vous nous dites que vous avez des raisons de penser qu'en raison, peut-être, des liens que les deux gouvernements entretiennent, parce que les deux sont membres entre autres de l'OTAN et parce que le Canada a toujours été frileux dans la condamnation qu'il a faite du génocide arménien et des violations des droits de la personne en Turquie, il pourrait y avoir de l'interférence et que le gouvernement canadien, par la voie de ses agents d'immigration, pourrait subir un genre de trafic d'influence qui fait qu'il y a des délais indus à la limite de l'intimidation. C'est cela que vous nous dites?

Mme Mary Jo Leddy: Je crois que c'est possible,

[Traduction]

parce que je pense que—

[Français]

M. Réal Ménard:

[Note de la rédaction: Inaudible].

[Traduction]

Mme Mary Jo Leddy: J'aimerais demander à M. Goven d'en parler.

Très simplement, le gouvernement turc dit qu'il traite bien les Kurdes, mais le seul problème, c'est que ce sont des terroristes, des criminels et ceci et cela. Autrement dit, le gouvernement dit qu'ils ont ce qu'ils méritent.

J'aimerais que M. Goven—

M. Marty Dolin: J'aimerais faire un bref commentaire à ce sujet. Je crois que la réponse à votre question est que nous ne le savons pas et que nous n'avons pas les moyens de le savoir. Nous n'avons pas ce problème uniquement avec les Kurdes qui arrivent de la Turquie, mais aussi avec les Iraniens qui fuient le régime des ayatollahs et qu'on accuse de faire partie des moudjahiddines, le groupe de gauche qui a renversé le shah et qui est maintenant persécuté. On leur refuse le droit d'établissement en divers endroits dans le monde, y compris au Canada, pour des raisons que nous ignorons.

Nous ne savons pas ce qui pose un problème de sécurité. Nous ignorons si des dispositions ont été prises avec le gouvernement iranien ou si on reproche à ces gens d'être des communistes. Il est très difficile de trouver une explication. Nous entendons parler de personnes que ce problème touche.

[Français]

M. Réal Ménard: Je voudrais comprendre. Permettez-moi de vous demander une clarification. Si vous voulez qu'on fasse notre travail de parlementaires, il faut qu'on ait cette information-là. Est-ce que vous avez des preuves ou même des doutes raisonnables que vous pourriez porter à l'attention des membres du comité et qui indiquent qu'il y a de l'influence extérieure de gens du personnel consulaire ou du personnel diplomatique qui bloque la reconnaissance de certains individus?

[Traduction]

Mme Mary Jo Leddy: Non, mais pour répéter ce que Marty a dit —et c'est le coeur de la question—nous ne le savons pas et nous n'avons pas les moyens de la savoir. Pendant trois ans, nous avons tenté de consulter le dossier de Sami Durgun en vertu d'une demande d'accès à l'information. Vous devriez pouvoir l'obtenir en 30 jours. Nous essayons simplement de deviner.

C'est ce que je veux dire par deux systèmes de justice. Normalement, au Canada, pour vous et moi, si—

[Français]

M. Réal Ménard: À qui vous adressez-vous? Comment se fait-il que vous ne soyez pas capables d'avoir de l'information sur ces signataires-là? Est-ce parce que votre interlocuteur au ministère ne vous donne pas d'information? Est-ce parce que vous n'avez pas la possibilité d'identifier un interlocuteur qui veut parler avec vous et qui veut aller au fond des choses dans un dossier comme celui-là?

[Traduction]

Mme Mary Jo Leddy: Vous voyez, en vertu du fameux article 40 de la Loi sur l'immigration, ces gens n'ont pas le droit de savoir de quoi ils sont accusés et ils ne peuvent répliquer lorsque le dossier est entre les mains du service de sécurité de l'Immigration.

[Français]

M. Réal Ménard: Incroyable. Incroyable.

[Traduction]

Le président: Vous savez, je crois que nous traitons d'une question qui concerne le SCRS.

Mme Mary Jo Leddy: Mais cela concerne également le service de sécurité de l'Immigration.

• 1735

Le président: C'est exact, et je suggère fortement qu'on ne cite pas de noms à ce stade-ci. Vous parlez d'un processus qui englobe la détention et les renvois, et je voudrais qu'on s'en tienne à cela. Toutefois, si des noms—

M. Réal Ménard: Non, non.

Le président: —doivent être cités, cela pourrait se faire ailleurs et non ici. D'accord?

[Français]

M. Réal Ménard: Voici ce que je veux comprendre. Les noms, on s'en fout. Moi, je ne les connais pas. Cependant, je veux m'assurer que ce comité fasse un suivi pour qu'on puisse savoir s'il y a des fonctionnaires qui, moyennant de la délation, ont pu régulariser la situation de requérants, d'immigrants ou de personnes qui voulaient obtenir la résidence permanente. C'est de cela que je veux parler. Ne nous dites pas que c'est un problème du SCRS. C'est un problème d'Immigration Canada.

Je vais céder la parole à mes collègues, mais je veux absolument qu'on revienne là-dessus.

[Traduction]

Le président: Non. C'est dans notre rapport et il y a moyen d'étudier le rapport—

[Français]

M. Réal Ménard: Non seulement ce sera dans notre rapport...

[Traduction]

Le président: —et de faire un suivi, monsieur Ménard.

[Français]

M. Réal Ménard: ...mais on va aussi en parler à notre prochaine séance.

[Traduction]

Le président: Voudriez-vous poursuivre votre présentation ou répondre aux questions?

M. Suleyman Goven (témoigne à titre personnel): Honorables membres du comité, j'aimerais commenter la question de la détention et vous donner quelques exemples. Le harcèlement contre les Kurdes qui arrivent de la Turquie commence en fait à l'aéroport. J'aimerais vous citer quelques cas.

Tout d'abord, trois Kurdes sont arrivés de la Turquie en février 1996. Leurs parents m'ont demandé de les rejoindre pour leur servir d'interprète, ce que j'ai fait. Une fois sur place, on a refusé mon aide. Même si les parents de ces personnes se trouvaient à l'aéroport, ils ont été mis en détention et interrogés par le SCRS. Mais ensuite, on les a libérés.

Un des Kurdes arrivait de la Syrie. Comme le SCRS estimait qu'il provenait d'un camp KKK, on l'a interrogé à l'aéroport même. Il a été mis en détention.

Comme je l'ai dit, ce harcèlement contre les Kurdes de Turquie commence au tout début. En fait, ces Kurdes sont soumis à un double interrogatoire par le SCRS, parfois à l'aéroport même.

Mme Raymonde Folco: Ces personnes se sont-elles identifiées comme des agents du SCRS?

M. Suleyman Goven: Oui, elles l'ont fait.

Mme Raymonde Folco: Monsieur le président.

Le président: Oui, poursuivez.

Mme Raymonde Folco: Les questions à l'étude me posent de gros problèmes. J'ignore si mes collègues pensent comme moi. Nous nous penchons actuellement sur un problème très grave. C'est celui des gens qui, comme l'a dit Mme Leddy, sont laissés dans l'incertitude.

Je ne vois cependant pas comment nous pourrons résoudre ce problème ici cet après-midi. Nous nous intéressons à la détention, et ce problème n'en est pas vraiment un de détention.

Je comprends à quoi M. Ménard veut en venir, et je reconnais avec lui que nous devrions nous pencher sur cette question. Mais je ne sais pas si c'est le bon moment ou l'endroit approprié pour examiner ce qui constitue vraiment un grave problème.

Je ne suis pas d'accord avec vous, monsieur Ménard. Je crois comprendre d'après les témoins que le SCRS intervient très directement dans le processus. C'est une autre situation embarrassante. Même si j'ai beaucoup de respect, et j'estime que ce problème est important, je—

[Français]

M. Réal Ménard: C'est Immigration Canada qui prend la décision. Ce ne sont pas les services secrets.

Mme Raymonde Folco: Oui, mais ce que je dis, c'est que...

M. Réal Ménard: On ne réglera pas cela ici.

Mme Raymonde Folco: Voilà, et pas à ce moment-ci.

M. Réal Ménard: On va demander au comité d'identifier un interlocuteur au ministère de l'Immigration avec lequel on va faire le point. On ne fera pas cela en comité, mais vous et moi allons y travailler.

Mme Raymonde Folco: Je veux bien, mais je voudrais simplement terminer en disant que j'aimerais qu'on trouve une façon de traiter de ce grand problème pour qu'on n'ait pas à continuer à tourner en rond cet après-midi. Merci.

[Traduction]

Le président: Nous ne sommes pas ici pour régler des problèmes. Nous sommes ici pour recueillir de l'information. D'accord? Bien.

• 1740

Mme Raymonde Folco: Oui, mais j'ai posé une question, monsieur le président. Je ne voulais pas simplement interrompre les travaux.

Le président: Oh non, non.

Mme Raymonde Folco: Je voudrais qu'en tant que membres du comité, nous tentions de voir comment nous pourrions examiner ce problème en d'autre temps. Alors, avant de poursuivre, j'aimerais obtenir un genre de réponse—

Le président: Nous pouvons traiter du sujet.

Mme Raymonde Folco: —des membres du comité.

Le président: Nous serions d'accord.

M. Deepak Obhrai: Cela ne fait aucun doute.

Le président: Oui, je crois que nous devrions profiter de la présence des personnes—

Mme Raymonde Folco: Très bien.

Le président: ... qui sont ici avant de nous pencher sur les questions particulières qu'elles ont soulevées.

Si vous le désirez en tant que membre du comité, ces questions pourraient être réintroduites sous forme de sujets de discussion et faire l'objet d'une enquête plus poussée par le comité. D'accord?

Ce qui se passe, c'est que les témoins nous ont exposé deux ou trois sujets d'inquiétude très préoccupants. Je pense qu'au lieu de simplement en prendre connaissance, le comité devra assurer un suivi et agir, comme vous et M. Ménard l'avez indiqué.

Veuillez poursuivre, Marty.

M. Marty Dolin: Madame Folco, j'aimerais seulement dire qu'un trait commun se dégage de toute cette histoire. C'est le manque de surveillance externe, soit par vous-mêmes en tant que comité, soit par un organisme judiciaire indépendant, soit par des comités constitués publiquement, afin que soient scrutés les agissements du gouvernement invisible que nous avons ici. Nous parlons de la division de l'exécution de la loi du ministère de l'Immigration, du SCRS, de toutes les activités qui influent sur la vie des gens et qui ne font l'objet d'aucune imputabilité ou reddition de compte.

Nous exprimons l'espoir qu'en tant que membres du comité, vous vous pencherez très sérieusement sur les activités pour lesquelles aucun compte n'est rendu et qui ont pour résultat que des gens sont privés des droits et des privilèges dont ils devraient jouir comme résidents de ce pays. Nous espérons que vous trouverez d'autres solutions afin que les gens puissent profiter de leurs droits et privilèges en tant que résidents de ce pays, qu'il s'agisse de revendicateurs du statut de réfugié, d'immigrants ou de Canadiens de naissance.

Voilà les problèmes que nous vous soumettons, et nous espérons que vous pourrez nous aider à les résoudre.

Le président: Bon, très bien.

La parole est à M. McNally.

M. Grant McNally (Dewdney—Alouette, Réf.): Merci, monsieur le président.

Je veux vous remercier pour avoir fait cette présentation et pour avoir mis ces points en lumière car, comme ma collègue et d'autres l'ont dit, ils sont très importants.

Vous avez dit que la reddition de compte constituait un problème majeur et qu'il ne semblait y en avoir aucune. En fait, le vérificateur général l'a également mentionné dans son rapport. Il a aussi déclaré que les réfugiés étaient laissés longtemps dans l'inconnu, ne sachant pas ce qu'il adviendrait d'eux. Ils ne peuvent nullement progresser dans leur existence.

Nous avons nous aussi dit le même genre de choses, et cela doit changer.

Il me semble que les faits que vous portez à notre attention font ressortir l'incapacité du système, des structures, de régler cas par cas les situations qui ne semblent pas s'adapter au moule. Nous aboutissons donc aux contradictions où certains sont soumis à des enquêtes de sécurité alors que d'autres ne le sont pas et nous nous retrouvons avec des cas déroutants, incroyables.

Vous avez fait des recommandations dans vos commentaires, et j'essaie de les dégager. Nous pourrions peut-être les passer en revue de façon à être en mesure de les examiner et d'y réfléchir.

Je crois que vous avez parlé d'une force de police qui n'a pas à rendre de comptes. Vous avez fait mention de l'intervention possible de la GRC et du fait que cet organisme a, au chapitre de l'imputabilité, des obligations qui ne semblent pas être imposées aux responsables de la détention à l'Immigration. Quelles améliorations positives proposez-vous à cet égard?

Mme Mary Jo Leddy: Au cours d'une des séances de consultation sur la révision législative, les travailleurs canadiens de l'automobile ont simplement rappelé que nous disposions d'un comité de surveillance public. Il me semble que si vous envisagez des modifications législatives, il ne serait pas très compliqué de constituer un comité de surveillance public pour l'immigration. Il me semble que tous les députés, surtout ceux de la région métropolitaine de Toronto, seraient éternellement reconnaissants parce qu'il n'y a pas moyen d'interjeter appel face à cette terrible injustice.

Les gens consultent leur député. Ils vous diront que mon personnel passe la moitié de son temps à ramasser les pièces d'un système dysfonctionnel. S'il existait un comité d'examen indépendant pas trop encombrant, si au lieu de devoir consulter le ministre ou le député en essayant désespérément d'obtenir justice, un processus de grief était simplement mis en place... Nous avons parlé de cette situation au Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité. Les membres nous ont dit qu'ils traiteraient avec le SCRS, mais qu'ils ne pouvaient traiter avec le service de sécurité de l'Immigration.

• 1745

Les travailleurs de l'automobile ont un comité de surveillance. Tous les corps de police ont un comité de surveillance.

De qui d'autre avez-vous parlé, Marty?

M. Marty Dolin: Des services des postes. De la câblodiffusion.

Mme Mary Jo Leddy: Et nous pourrions en citer d'autres. C'est un problème de structure. Je crois qu'en entendant des griefs en matière d'immigration, vous gaspillez votre temps, et la ministre gaspille le sien. Vous devriez plutôt vous concentrer sur les grandes questions politiques publiques. Pourquoi Sami Durgun devrait-il avoir à passer 40 jours et 40 nuits dehors pour se plaindre? Pourquoi devrais-je perdre mon temps? Pourquoi le personnel de son député devrait-il avoir à travailler un mois sur ce cas?

S'il existait une procédure normale... Sans obligation de rendre des comptes, vous avez un État à l'intérieur de l'État et, en tant que démocrate, je ne l'accepte pas. Je ne l'accepterai pas. Je crois qu'il existe un principe de base, monsieur le président. Ces agents agissent comme si ces être humains n'avaient aucun droit jusqu'à ce qu'ils leur en accordent. En tant que personne religieuse et que Canadienne, je suis d'avis qu'ils ont des droits, et ces droits existent, que les agents les reconnaissent ou non. Il incombe à ce comité de faire en sorte qu'il existe un seul système de justice pour tous les êtres humains dans ce pays.

Merci.

Le président: C'était très bien dit.

Avant de poursuivre, j'aimerais obtenir un consensus des membres du comité. Il est 17 h 50. Si vous voulez continuer, nous avons trois autres personnes à qui poser des questions. Ou voulez-vous que nous mettions fin à nos travaux? Combien d'entre vous aimeraient entendre les trois autres requêtes?

M. Grant McNally: Il faudrait qu'au moins trois personnes votent pour—

Le président: Très bien, continuons avec les trois. Gardez vos introductions brèves. Posez directement vos questions pour qu'ils disposent de plus de temps que vous.

Madame Hardy.

Mme Louise Hardy: À propos de toute cette question d'être laissé dans l'inconnu—pour les personnes qui vivent cette situation et pour vous-mêmes en particulier, avez-vous craint tout ce temps qu'on vous détienne et qu'on vous expulse? Ressentez-vous continuellement cette peur d'être expulsé?

M. Suleyman Goven: Oui, le fait d'être laissé dans l'incertitude affecte continuellement mon existence. J'ai toujours été incertain de mon avenir, de ma situation future. Même l'avocat a dit un soir que je serais arrêté et jeté en prison parce que c'est une question de sécurité. Nous ne savons pas où nous nous situons à l'intérieur du système. Nous ne le savons pas.

Mme Louise Hardy: Alors le fait d'être interrogé par le SCRS —je crois comprendre que M. Durgun a été interrogé à quatre reprises au cours du dernier mois et qu'on posait toujours les mêmes questions.

M. Sami Durgun (témoigne à titre personnel): Oui, quatre fois, et on me posait les mêmes questions chaque fois. J'ai été six mois au centre communautaire kurde à Toronto et je faisais de la traduction pour les réfugiés et d'autres travaux semblables. Ils m'ont demandé qui d'autre s'y trouvait, ils voulaient avoir des noms. Quand tu achètes un journal kurde, qui paies-tu? Dis-nous à qui tu paies le loyer. Si vous ne donnez pas le nom et qu'ils vous soupçonnent d'être associé au Parti des travailleurs kurdes PJJ... Les vérifications de sécurité n'en finissent plus. Ils vous posent les mêmes questions, à moins que vous ne citiez des noms.

Mme Louise Hardy: Puis-je poser une autre question?

Lorsqu'on vous interrogeait, y avait-il chantage manifeste? Est-ce qu'on vous disait que vous obtiendriez vos papiers si vous répondiez ou le laissait-on seulement entendre?

M. Suleyman Goven: Exactement. Pour que j'obtienne mes documents d'admission, on me demandait de collaborer, de fournir des renseignements, de citer des noms. Comme Mary Jo l'a décrit dans son livre—elle était là, elle a entendu ce qu'ils me demandaient de faire. Ils étaient très directs. J'étais en quelque sorte forcé.

• 1750

Mme Mary Jo Leddy: J'étais présente à cet interrogatoire, qui a duré sept heures. C'est écrit en toutes lettres à la page 81—on lui a dit: «Tu nous donnes les renseignements, et on te donne tes papiers.»

M. Deepak Obhrai: Des renseignements sur qui?

Mme Mary Jo Leddy: Sur d'autres Kurdes.

M. Deepak Obhrai: Dans quel but? Pourquoi lui demandait-on des renseignements sur d'autres Kurdes? Les autres Kurdes se trouvent-ils ici illégalement? Sont-ils dans la même situation que vous ou quoi?

Mme Mary Jo Leddy: Ils sont dans la même situation.

Le président: Tenons-nous-en au...

Bon, vous lui avez posé des questions. Nous passons à M. Mahoney.

M. Steve Mahoney: Nous sommes ici depuis juin seulement, mais c'est agréable. Merci, monsieur le président.

Je serai bref. Nous voulons trouver un moyen pour que le comité traite de ces préoccupations, de ces accusations, etc. Je crois que cela a déjà été dit. S'il faut pour cela convoquer des témoins du SCRS, du ministère ou d'ailleurs, ce serait parfait.

J'ai une question et des inquiétudes assez sérieuses à propos d'un passage à la page 3 de votre présentation, Soeur Leddy. Vous y faites une déclaration qui me trouble vraiment—un ex-gardien au Celebrity Inn vous a dit qu'il avait démissionné parce qu'il ne pouvait plus supporter de participer à des raclées. J'aimerais savoir si nous pourrions avoir plus d'information. Quand j'associe ce passage au dernier paragraphe de la même page et à votre question à savoir quel genre de personnes veulent inévitablement être attirées dans cette force policière...

Vous sous-entendez ici, sans le dire explicitement, qu'une bande de brutes dirigent ce système et battent les gens au Celebrity Inn, dans ma ville, dans mon pays. J'aimerais certainement connaître les détails de cette histoire—des preuves, des noms, des témoins. Je crois que c'est là une affaire extrêmement grave et que franchement, si vous étiez disposée à nous fournir ces renseignements, elle dépasserait les attributions du comité et serait confiée à la GRC pour qu'elle enquête immédiatement.

Mme Mary Jo Leddy: Ce que je peux faire, c'est obtenir pour vous un affidavit.

M. Steve Mahoney: Un affidavit—Est-ce valable? Je vais vérifier auprès de mon conseiller ici.

Le président: Merci. Nous entendrons maintenant M. McKay.

M. John McKay: Ma Soeur, vous-mêmes et moi en avons déjà parlé au téléphone, mais je veux revenir aux statistiques, à la raison pour laquelle ce comité a été constitué et à la question que nous étudions, à savoir s'il est possible de concevoir un système équitable mais rapide. J'aimerais entendre vos commentaires sur la possibilité de mettre en place un système qui soit juste, qui ait des apparences de justice, mais qui s'attaque aux problèmes dans des délais assez raisonnables.

J'aimerais que vous élaboriez sur la question que vous avez abordée brièvement à propos de la surveillance publique des cas qui échappent à tout système. C'est actuellement ce qu'un système compatissant et humanitaire devrait faire, mais il semble avoir dégénéré en une bureaucratie encore plus tentaculaire. J'aimerais vous entendre à propos de ces deux aspects.

Mme Mary Jo Leddy: Je vais répondre brièvement, Marty.

L'argument classique contre la création d'un comité de surveillance public est qu'il ajouterait un autre niveau décisionnel, mais ce qu'il faut considérer dans le cas de Sami Durgun, c'est que les politiques, le public et les ONG consacrent déjà énormément de temps pour compenser l'absence d'un organisme de ce genre. Il me semble que s'il existait un comité de surveillance, un outil non encombrant permettant d'entendre les griefs, les gens n'auraient pas à s'adresser à leur député, aux ONG ou à Amnistie.

• 1755

Les services d'aide juridique dépensent beaucoup trop d'argent pour des appels qui n'en sont pas. Ils essaient de régler un problème inhérent au système, et je pense que la solution proposée ferait meilleur usage du temps et des fonds publics et vous permettrait davantage de fonctionner en tant qu'instigateurs de politiques et non comme petits médiateurs dans des causes accessoires. Il vaut la peine que vous consacriez du temps et des efforts à l'étude de cette question.

M. Marty Dolin: J'aimerais ajouter à ce propos un point qui pourrait contribuer à la discussion.

À l'époque où Barbara McDougall était ministre responsable, lorsque nous voulions soumettre des griefs et des questions, nous décrivions par écrit certains cas à la ministre, disant que nous avions un problème, et quelqu'un du cabinet de la ministre nous répondait. Depuis que M. Valcourt et d'autres se succèdent comme ministres, ce sont systématiquement des ronds-de-cuir qui nous répondent et qui justifient les décisions de leurs subalternes en disant qu'ils ne peuvent rien faire d'autre. Je crois que la dernière ligne de leur lettre est: nous n'avions pas le choix de prendre une autre décision.

En fait, c'est la police qui surveille les méthodes policières. C'est ce qui se passe. Comment se fait-il que lorsque vous déposez une plainte au cabinet de la ministre, elle disparaît du niveau politique pour retourner dans la bureaucratie? Cela m'échappe.

La première chose que j'espère certainement que les membres de ce comité pourront faire, en particulier les ministériels, c'est de demander à la ministre et à son personnel que lorsqu'ils reçoivent une lettre dénonçant une quelconque injustice—le cas de Sami, par exemple—la ministre et le personnel politique l'examinent à la lumière des détails de la situation, avec la compassion nécessaire, et que les décisions pour raisons de compassion ou humanitaires ne soient pas reléguées à la bureaucratie, ce qui semble s'être produit au cours des huit ou neuf dernières années. Je ne sais pas comment nous en sommes arrivés là, mais j'espère que cela cessera. Votre situation s'en trouverait peut-être améliorée de beaucoup. En tous cas, la mienne et celle de Sami le seraient certainement.

Le président: Madame Minna.

Mme Maria Minna: Pour donner un éclaircissement sur un point, monsieur le président, ou de l'information, en fait, aux membres du comité, j'aimerais dire, à propos de ce que M. Mahoney a dit concernant le commentaire du gardien de sécurité—cela ne constitue pas une défense car ce point doit être examiné, vous avez tout à fait raison—mais juste à titre d'information, les gardiens au Celebrity Inn ne font pas partie des services d'exécution de la loi. Ce ne sont pas des agents de l'immigration; ils travaillent à contrat.

Une voix:

[Note de la rédaction: Inaudible]

Mme Maria Minna: Je comprends. Ils sont maintenus sous contrôle. Je ne dis pas cela comme élément de défense; je dis seulement que ce sont deux éléments distincts... Je dis que oui, il nous faut examiner ce problème, pas de doute là-dessus.

Une voix: C'est un élément d'information.

Mme Maria Minna: Le point à retenir est que ce ne sont pas des agents du ministère chargés des renvois. Ce sont des gardiens de sécurité engagés à contrat et, évidemment, il nous faut voir avec qui nous faisons affaire. Je ne laisse pas entendre le moins du monde que nous n'avons pas à nous soucier de ce problème.

M. Steve Mahoney: Ils sont embauchés par le ministère.

Une voix: Eux embauchent des brutes, pas nous.

Une voix: Le ministère est toujours responsable.

Mme Maria Minna: Je suis d'accord à cent pour cent. Tout ce que je voulais dire, c'est qu'ils ne font pas partie...

Le président: Merci beaucoup d'avoir témoigné. Vous avez certainement apporté beaucoup de dynamisme au comité cet après-midi, et vous nous avez laissé un gros problème. Je vous promets que grâce à votre encouragement, le comité se dirigera dans la bonne direction.

La séance est levée.