FINA Réunion de comité
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STANDING COMMITTEE ON FINANCE
COMITÉ PERMANENT DES FINANCES
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 22 septembre 1998
[Traduction]
Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): J'ouvre maintenant la séance.
Comme vous le savez, le Comité des finances effectue des consultations prébudgétaires, et à ce titre nous écoutons l'opinion de Canadiens d'un océan à l'autre. En effet, nous entreprenons la préparation d'un rapport qui sera déposé devant la Chambre des communes et qui contiendra des recommandations à l'attention du ministre des Finances.
Ce matin, nous avons le plaisir de recevoir M. Jack Wilkinson, de la Fédération canadienne de l'agriculture. Vous êtes le bienvenu.
M. Jack Wilkinson (président, Fédération canadienne de l'agriculture): Merci beaucoup. Je suis désolé d'être arrivé un peu en retard. Ce matin il y avait beaucoup de circulation à l'entrée d'Ottawa et une fois arrivé, j'ai constaté que les taxis vous ignoraient complètement. Je suis donc désolé d'être arrivé quelques minutes en retard.
Le président: Voulez-vous dire qu'il nous faudrait un programme d'infrastructure?
M. Jack Wilkinson: Pour l'agriculture, certainement, comme vous le verrez un peu plus loin dans mon exposé. Avec un tel programme, les gens ne seraient plus forcés d'aller s'installer dans les villes.
J'aimerais passer en revue très rapidement notre exposé, si vous le voulez bien, et vous en expliquer les faits saillants. Je préfère garder du temps pour les questions. Je suppose que le document sera imprimé in exenso dans votre procès-verbal, et je me contenterai donc d'en détacher les points saillants.
Comme vous le savez tous, l'agriculture joue un rôle prépondérant dans l'économie canadienne. L'industrie agroalimentaire, en particulier, emploie environ une personne sur quinze. Nous avons au Canada environ 280 000 familles d'agriculteurs, dont environ 200 0000 sont membres de notre fédération. Notre fédération est un regroupement d'organismes divers.
Je crois pouvoir dire que sur le plan de la production primaire, le secteur agricole va se heurter au cours des prochaines années à deux ou trois questions particulièrement critiques. Tout d'abord, il est tout à fait évident que nous allons devoir nous adapter et maintenir les progrès effectués sur le plan de l'environnement. Au cours des dernières années, un grand nombre d'initiatives ont été prises au niveau provincial grâce à l'argent qui restait du Plan vert adopté il y a déjà très longtemps. Le Plan vert se terminant, cet argent a permis de lancer un nouveau programme. Aujourd'hui, nous avons des fonds limités pour réaliser le programme d'adaptation d'Agriculture Canada. Ce sont des fonds vraiment très limités. Je vais faire un certain nombre de recommandations qui nous semblent justifiées sur le plan des activités environnementales, des activités qui nous tiennent à coeur.
En second lieu, il y a un certain nombre de questions fiscales auxquelles nous attachons la plus grande importance.
Troisièmement, et c'est une question nouvelle qui devient de plus en plus grave, la situation du revenu des agriculteurs au Canada. Les chiffres dans ce domaine nous inquiètent depuis un certain temps. Nous avons eu de nombreuses consultations avec les responsables du secteur agricole au provincial et au fédéral, et je crois pouvoir dire qu'il faut s'attendre l'année prochaine à des statistiques beaucoup plus graves encore. En effet, il y a tout lieu de s'inquiéter des développements auxquels on a assisté depuis quelques semaines en ce qui concerne le commerce avec les États-Unis, notre principal partenaire agricole. Si cette situation se développe et s'aggrave encore au cours des semaines à venir, cela pourrait exercer des pressions massives sur le revenu agricole. Vous imaginez bien que lorsqu'il y a des troubles ou lorsqu'on ferme la frontière que nous partageons avec les États-Unis, vu le volume de nos échanges de produits primaires avec ce pays, cela a des répercussions considérables puisque de 40 à 50 p. 100 de notre production est exportée, et pour certains produits ce chiffre peut aller jusqu'à 84 p. 100, même si ce n'est pas exclusivement à destination des États-Unis, et on ne peut s'attendre à ce que 28 millions de personnes consomment une telle quantité de nourriture. Cela provoque donc des baisses de prix massives qui peuvent se produire très rapidement, et c'est pour nous une grande source de préoccupation.
Les grands courants internationaux sont également une source de préoccupation, mais des développements récents aggravent encore cette situation. Leur rapport avec la politique sur le filet de sécurité—et je ne parle pas de la politique agricole en général—leur rapport avec les circonstances financières, tout cela devient absolument critique, et j'aimerais également consacrer quelques minutes à ce sujet.
Je vais très rapidement passer en revue ces quelques sujets. À la page un de notre exposé nous parlons du Canada et de l'environnement et d'un certain nombre de questions liées à ce sujet. Nous proposons la création d'un programme de mesures environnementales qui engloberait un certain nombre de secteurs. Un projet de loi sur les espèces en péril doit être déposé d'ici peu, et bien sûr, si tous les gouvernements provinciaux adoptent ces dispositions, cela aura des conséquences pour la politique relative à l'utilisation des terres. Bien sûr, les espèces en péril ou qui se trouvent sur des terres privées relèveront de la compétence du gouvernement provincial, mais les mesures prises par ces autorités pourraient avoir des conséquences énormes pour la façon dont les agriculteurs peuvent utiliser leurs propres terres.
• 0915
Dans ces conditions, nous jugeons nécessaire l'adoption d'un
régime d'indemnisation pour les producteurs qui seront forcés
d'observer des règlements fédéraux et provinciaux et de changer
leurs méthodes de culture pour protéger des espèces en péril. Cela
risque donc d'être un problème. Nous espérons qu'on tiendra compte
de cet aspect-là lorsqu'on étudiera le projet de loi.
De la même façon, plusieurs problèmes se posent à cause de la nécessité de réduire de plus en plus les gaz à effet de serre, et il y a également le problème de la gestion des substances nutritives, un problème majeur, qui met en cause la qualité de l'eau et la qualité de l'air. Il nous semble que tous ces problèmes devraient être abordés dans le cadre d'un programme unique. En effet, il faut éviter d'éparpiller les efforts dans toutes sortes de directions.
Pour cette raison, nous pensons qu'un programme de mesures environnementales regroupant toute une gamme d'activités dans le secteur agricole serait très justifié. Cela pourrait se faire en collaboration avec les gouvernements provinciaux et nous aborderions ainsi ces problèmes d'une façon holistique. En effet, toute exploitation agricole se trouve en rapport avec l'environnement, et cela dans de nombreux secteurs, et pour cette raison, il faut trouver un point d'équilibre entre les activités agricoles, la réduction des gaz à effet de serre et la gestion des substances nutritives, sans parler de toute une série d'autres facteurs.
À notre avis, il y a donc lieu de se demander quel est l'impact de l'ensemble de l'exploitation sur l'environnement et de concevoir un programme adapté à cet impact. Le financement à beau venir du secteur agricole, du secteur de l'environnement ou même d'autres secteurs, tout cet argent se retrouve dans la même caisse, en collaboration avec le gouvernement provincial, et également avec la participation financière de la communauté agricole, pour parvenir à des objectifs communs.
Nous avons déjà discuté avec des représentants du ministère de l'Environnement, du ministère des Finances et également avec notre ministre de l'Agriculture, mais une recommandation de votre comité entérinant ce principe pourrait avoir beaucoup d'importance. En effet, le soutien et les recommandations de comités comme le vôtre ne peuvent que nous aider dans nos efforts futurs. Pour cette raison, à la page 3 de notre mémoire, et également à la page 4, nous avons deux ou trois sujets qui pourraient faire l'objet de recommandations.
Nous pensons qu'une action concertée peut être très utile. Dans certains cas, des subventions seront peut-être justifiées, on pourra envisager de partager les coûts avec les producteurs pour encourager l'activité, on pourra également envisager des mesures fiscales. Par exemple, nous pensons que dans les domaines où vous souhaitez agir très rapidement, comme la réduction des gaz à effet de serres, il y aurait lieu d'envisager certaines mesures comme l'amortissement accéléré lorsque les agriculteurs acceptent de changer leurs méthodes.
La communauté agricole est déjà très consciente de ce genre d'activités car pratiquement toutes les provinces ont aujourd'hui des plans agricoles axés sur l'environnement. Comme je l'ai dit, on a utilisé ce qui restait de l'argent du plant vert pour élaborer ces plans qui ont permis aux familles d'agriculteurs d'analyser leurs méthodes et leur entreprise pour déterminer dans quels domaines des améliorations profitant à l'environnement pourraient être apportées.
D'ordinaire, bien qu'un certain nombre d'activités aient déjà été entreprises... Dans certaines provinces, ces plans existent depuis un certain temps. Je pense qu'en Ontario, par exemple, jusqu'à 15 000 familles d'agriculteurs ont déjà procédé aux évaluations nécessaires à un tel plan. C'est plus ou moins avancé selon les provinces.
Très souvent, les projets les moins coûteux sont les premiers réalisés dans les entreprises, comme vous pouvez l'imaginer. Par contre, ce qui coûte très cher, comme augmenter l'entreposage du fumier ou changer le système de manutention du fumier, des projets qui coûtent très cher dans les grosses entreprises d'élevage, pourrait être facilité avec une subvention modeste ou un incitatif fiscal approprié. En effet, ce genre de changements, qui très souvent n'ont pratiquement aucun impact sur les rentrées de l'entreprise, peuvent coûter des centaines de milliers de dollars. Il serait donc logique de demander aux consommateurs et aux contribuables en général de participer à ces initiatives et de les encourager.
À l'heure actuelle, et soyons très francs, beaucoup d'entreprises d'élevage, traitent les substances nutritives exactement de la même façon que les villes et les municipalités. Il n'est pas très réaliste de penser que le revenu agricole net d'une seule personne pourra faire ce que beaucoup de municipalités, avec leur assiette fiscale considérable, ne réussissent pas à faire sans l'intervention financière des gouvernements provinciaux ou fédéral. Nous vous demandons donc de nous aider sur ce plan-là dans vos recommandations.
• 0920
Il est question des fonds nouveaux qui sont nécessaires pour
encourager l'acquisition et le transfert de nouvelles technologies.
Comme je l'ai dit, nous suggérons, entre autres, des plans
agricoles axés sur l'environnement, car ce type de plans est bien
accepté par la communauté agricole. Beaucoup d'organismes agricoles
participent à ces plans, mais le cas échéant, ceux-ci peuvent être
utiles aussi pour l'indemnisation en cas de dommages causés par la
faune.
Il y a une chose qui nous a beaucoup déçus. Voilà maintenant trois ans d'affilée que nous assistons à la Conférence des ministres de l'Agriculture et que nous formulons des propositions d'indemnisation pour dommages causés par la faune, et jusqu'à présent, cela n'a rien donné. Quatre provinces seulement ont des programmes dans ce secteur: les trois provinces des Prairies et le Québec. Tous les agriculteurs sont prêts à accepter un certain dommage, reconnaissant qu'ils vivent à la campagne et qu'ils partagent cet habitat avec de nombreuses espèces. Par contre, ceux qui vivent sur le trajet des oiseaux migrateurs, et qui sont envahis par des multitudes d'oies sauvages subissent parfois des dommages considérables, ce qui est le cas au Québec, entre autres. Lorsque cela devient excessif, et lorsque les agriculteurs ne sont plus autorisés à contrôler cette faune, nous pensons qu'ils doivent être indemnisés pour les dommages causés à leurs récoltes, tout comme ils le seraient lorsqu'ils subissent des dommages causés par le climat.
À la page 5, nous parlons du soutien du revenu agricole. Il est important de souligner en quelques mots la raison pour laquelle nous revenons une fois de plus sur cette question. Certains penseront peut-être qu'un réexamen des programmes de revenus agricoles est effectué automatiquement chaque année. En effet, c'est pratiquement automatique. Cela dit, nous approchons de la fin d'un protocole d'entente quinquennal avec les provinces, un protocole qui doit parvenir à échéance l'année prochaine. Nous avons donc eu des consultations dans le secteur agricole. Nous avons présenté un rapport à la réunion de juillet des ministres de l'Agriculture. Ceux-ci ont décidé de ne rien faire cette année, mais de prendre des décisions rapides avant l'expiration du protocole l'année prochaine. En attendant, nous savons que les revenus agricoles se détériorent et que nos programmes de soutien agricole ont des lacunes importantes.
C'est un problème majeur. Pour vous donner une idée, la plupart des agriculteurs canadiens considèrent que les États-Unis soutiennent leurs agriculteurs beaucoup plus que le Canada ne le fait. Même Glickman, leur secrétaire à l'Agriculture, a reconnu publiquement que leur système de protection des revenus agricoles avait de grosses lacunes. En fait, un comité du Congrès étudie actuellement un projet qui aurait pour effet de verser 5,5 milliards de dollars supplémentaires dans le programme de soutien des revenus agricoles américains. Là-bas, on envisage de mettre en place un programme de soutien comparable à celui que nous avons au Canada, mais avec un meilleur financement, j'imagine, car aux États-Unis, beaucoup de produits ne figurent pas dans des programmes distincts.
Je pense qu'on peut dire que la chute du pouvoir d'achat de l'Asie au cours des derniers mois a énormément nui aux exportations. Je parlais justement au président de la Canadian Cattlemen's Association et il passait en revue divers pays asiatiques. Les ventes de ces éleveurs ont chuté de 20 p. 100 à 100 p. 100, même s'ils se tournent de plus en plus vers les États-Unis. Et de ce côté, je dirais qu'avec les problèmes entourant les échanges commerciaux, les gens sont très inquiets de l'avenir. En outre, les exportations de porc en Asie ont fléchi considérablement, et nous exportons près de 40 p. 100 de notre porc.
La Commission canadienne du blé tiendra une séance d'information. Sally Rutherford, notre directrice exécutive, est là-bas pour les deux séances qui auront lieu aujourd'hui ou jeudi, je ne me souviens plus, et où on expliquera aux leaders du monde agricole les baisses marquées des céréales dont s'occupe la Commission, et le fait que nous n'avons presque plus d'acheteurs.
Il y a donc une situation très grave qui se présente cette année et on peut s'attendre à des diminutions allant jusqu'à 40 p. 100 des revenus l'an prochain. Il est important de se rappeler, à ce sujet, qu'à l'époque où les prix étaient élevés, en 1974-1975, nous avions des revenus agricoles nets d'environ 5 milliards de dollars. En 1986, ce revenu était descendu à 3,5 milliards de dollars. Cette année, lorsque nous ferons les comptes, les revenus auront été de 2,3 à 2,5 milliards de dollars et on parle d'une baisse supplémentaire de 40 p. 100.
• 0925
Bien entendu, pendant ce temps, le coût de la vie n'a pas
fléchi. Les attentes des familles quant au revenu net disponible
ont augmenté depuis 1974. Je parierais que votre salaire a augmenté
depuis 1974; il n'a pas été coupé de moitié. Il est évident que les
exploitants agricoles doivent puiser considérablement dans d'autres
revenus que ceux de la ferme, pour ne pas perdre leurs fermes. Mais
il y a des limites à ces sources de revenu. Le système du filet de
sécurité devra pouvoir compter sur davantage de ressources.
Nous travaillons étroitement avec Agriculture Canada et ses homologues provinciaux pour trouver une solution. Tout ce que je veux, c'est vous faire comprendre que les 600 millions de dollars du gouvernement fédéral sont loin de suffire pour combler les besoins suscités par les chutes de prix. Je n'en dirai pas plus là-dessus et je serai ravi de répondre à vos questions à ce sujet.
À la page 6, impôt et autres mesures. Il est évident qu'à nos yeux, il est crucial de conserver l'exemption pour les gains en capital de 500 000 $ pour les agriculteurs et les petites entreprises et, si on veut l'enlever, il faudra des consultations très larges pour trouver quelque chose qui puisse répondre mieux aux besoins des retraités des fermes familiales.
Je crois que les gens, plus ils sont loin de la ferme, considèrent souvent que l'exemption pour les gains en capital représente une sorte de cadeau de Noël pour les fermiers qui prennent leur retraite; on ne comprend pas très bien comment fonctionne une ferme et comment on bâtit une exploitation agricole. Ceux qui font partie du milieu agricole ou qui connaissent des gens qui vivent de l'agriculture savent très bien que pendant des années, les gens réinvestissent dans l'exploitation agricole pour arriver au niveau de revenu nécessaire. Souvent, l'exploitation agricole représente le régime de retraite du milieu agricole. Il n'y a pas d'employeur pour faire des contributions équivalentes à celles de l'employé. Par conséquent, il est essentiel qu'une part de l'argent investi dans l'entreprise—qu'il s'agisse d'une exploitation agricole ou d'une PME—ne soit pas taxée indûment à la retraite et qu'il y ait une certaine souplesse permettant de transférer ces fonds dans un régime de retraite.
Avec le temps, on a grugé dans ces avantages. Le chiffre de 500 000 $ est resté là pendant quelque temps et nous ne pensons pas que ce soit une somme trop élevée. Comme vous le savez bien, le capital nécessaire à un régime de retraite est substantiellement plus élevé que ce qu'il faut pour vivre de ce capital, et bien vivre, à la retraite. Nous estimons que c'est une condition essentielle pour pouvoir faire deux choses: d'abord, constituer un fonds de pension et, deuxièmement, permettre aux agriculteurs dont les enfants veulent prendre la relève de réduire le coût de leur entrée dans ce secteur. Très souvent, les parents aident financièrement les enfants et nous pensons que cette aide ne serait pas accordée dans bien des cas s'il fallait de l'argent pour payer ce genre d'impôt, à la retraite. Nous pensons que cette exemption est très utile de deux façons et nous voulons qu'elle soit maintenue.
Nous savons que le rapport Mintz a recommandé des changements considérables. Nous voulons que le ministre des Finances tienne parole. La première fois que je suis devenu président de la FCA, il a dit qu'il n'y aurait pas de changement à l'exemption pour les gains en capital, à moins qu'il y ait une meilleure solution, et de toute façon il y aurait de vastes consultations avec le milieu agricole. Comme il ne nous a pas convoqués à son bureau, je présume que cette exemption existe toujours, puisqu'il est toujours lui-même ministre des Finances.
J'aimerais soulever deux ou trois points concernant la protection civile. Nous pensons que les lois relatives aux sinistres qui sont administrées par le gouvernement fédéral comportent des lacunes pour ce qui touche le milieu agricole, dans les régions rurales. Ces problèmes se sont manifestés lors des inondations au Saguenay et au Manitoba—l'an passé, la rivière Rouge, et deux ans auparavant, la rivière Assiniboine—de même qu'en Colombie-Britannique et pendant la tempête de verglas au Québec et en Ontario. Nous estimons qu'il faut remanier ces lois, tant du point de vue du revenu agricole, pour qu'il cesse d'être une source de tiraillements à chaque fois que le gouvernement fédéral s'occupe d'une catastrophe que du point de vue des mesures de protection civile. Nous poursuivons notre travail dans ce domaine. Notre rapport final n'est pas encore prêt. Quand il le sera, nous aimerions vous en parler, ainsi qu'à d'autres, afin de trouver une solution plus efficace pour l'avenir.
La recherche en agriculture est une question absolument cruciale, même si c'est un refrain qui revient souvent du côté agricole et ailleurs, et même si les gouvernements fédéral et provinciaux se sont retirés considérablement de ce secteur en se dégageant de leurs responsabilités en matière de recherche fondamentale. Je pense que les préoccupations commencent à se manifester et ça ne consolera personne de pouvoir dire: «On vous l'avait bien dit». De plus en plus, les entreprises privées envahissent le secteur de la recherche, souhaitant s'approprier des brevets pour des périodes assez longues pour pouvoir les exploiter dans leur intérêt, évidemment.
• 0930
Quant à la politique en matière de concurrence, il y a
actuellement des audiences où se sont présentées nombre
d'entreprises pour exprimer leurs préoccupations, parce qu'avec la
réduction de la recherche publique, la quantité de matériel
génétique disponible du côté public a diminué. Il y a une
augmentation des fusions des grandes entreprises de produits
chimiques et de produits agroalimentaires, ce qui suscite la
nervosité chez bien des gens quant à ce que réserve l'avenir.
À notre avis, il faut toujours que la R-D soit diversifiée. Il peut y avoir des changements quant à l'investissement correspondant, ce qui permettrait davantage de souplesse tout en réservant au domaine public une bonne part de cette recherche. S'il y a un avantage à en tirer, il doit être pour le milieu agricole, les contribuables et les consommateurs d'aliments au Canada.
Nous avons presque terminé. Je ne peux pas parler plus vite. Je suis convaincu que l'interprète s'en est bien rendu compte.
Au sujet du recouvrement des coûts, nous sommes contents que le gouvernement fédéral y ait mis un frein depuis quelques années. À notre avis, toutefois, il était très important de cesser certaines initiatives pour vérifier quelles étaient leurs incidences sur l'industrie agroalimentaire. Cette industrie est fortement réglementée au niveau provincial et fédéral. De tous côtés, chaque fois que les céréales ou la viande sont examinées, transportées ou maniées, elles sont inspectées, réinspectées puis inspectées de nouveau. Cela nous a permis d'obtenir une très bonne part de marché dans bien des pays où l'on se dit que les produits agricoles canadiens sont les meilleurs au monde et qu'ils répondent à des normes très élevées.
Mais lorsqu'il y a recouvrement des coûts pour un système comme celui-là, au bout du compte, la facture est très salée. D'ailleurs, depuis quelques années, il y avait une quarantaine d'activités auxquelles s'appliquait le recouvrement des coûts et qui touchaient directement le milieu agricole. Pour chacune, il y avait un gestionnaire responsable dans un ministère, sans que quiconque ne tienne compte de l'accumulation de ces frais.
Une étude effectuée par Agriculture et Agroalimentaire Canada est sur le point d'être terminée. Elle est de portée très modeste et peu critique à l'égard du gouvernement, comme on pouvait s'y attendre puisque c'est un service gouvernemental qui réalise l'étude sur le recouvrement des coûts. Malgré tout, il est fait mention dans cette étude de certains problèmes très graves visant l'industrie agroalimentaire.
Certaines nouvelles initiatives sont envisagées en vue d'effectuer d'autres coupures au niveau provincial, ce qui encore une fois représentera un coût supplémentaire.
À notre avis, pour accroître le revenu net des agriculteurs, le gouvernement fédéral, ainsi, espérons-le, que les provinces, doivent faire machine arrière relativement au recouvrement des coûts, car cela devient une dépense directe pour l'exploitation agricole.
Maintenant que certaines répercussions se font sentir, nous estimons qu'il y a de nombreux secteurs où il est possible de réinvestir dans le milieu agricole et divers moyens d'agir pour contribuer à réduire les coûts des agriculteurs. Nous allons collaborer avec le Conseil du Trésor et dans d'autres domaines pour essayer de trouver une solution, car c'est un problème sérieux.
Pour ce qui est du développement rural, et je conclurai là-dessus, nous parlons de l'infrastructure et du réseau routier qui dessert Ottawa, ainsi que des mauvaises conditions atmosphériques. L'infrastructure des régions rurales, en toute franchise, pose un problème très grave. Dans de nombreuses régions, les gens prétendent que cela n'est pas du ressort du gouvernement fédéral, et que bon nombre de ces problèmes doivent être réglées par les provinces, ce qui est parfois vrai. Toutefois, bien souvent, le gouvernement fédéral continue d'être le principal responsable de la réglementation. C'est encore lui qui est responsable de ce secteur et trop souvent, de l'avis de certaines personnes dans les régions rurales, il prête trop attention aux grosses sociétés.
Par exemple, depuis que les services téléphoniques sont déréglementés, plus personne ne veut assurer les services dans les régions rurales. La région où j'habite, New Liskeard, est l'une des dernières en Ontario à continuer d'offrir des lignes partagées à ses résidants. Je peux vous dire que les habitants de la région n'apprécient guère ce système. Il y a également une région au Québec où c'est la même chose.
Nous ne parlons pas de régions de chalets ou de gens qui n'habitent là qu'une partie du temps. Il s'agit de véritables entreprises qui ne peuvent même pas être reliées à un modem. Elles n'ont pas accès aux services interbanques. Il y a toutes sortes de possibilités qui sont très naturellement offertes aux entreprises des autres régions du pays et qui sont inaccessibles à ces gens-là. Ces régions n'ont pas le gaz naturel. Elles sont privées d'une foule de services. En outre, les dépenses dans de nombreuses régions augmentent en raison du transfert des responsabilités qui se produit.
Étant donné les modifications apportées à la politique des transports dans les Prairies, il est évident que l'infrastructure routière ne sera pas en mesure d'acheminer le trafic si l'on ne met en vigueur un vaste programme de remise en état de l'infrastructure. La voie maritime ne pourra pas maintenir sa situation déjà déplorable à l'avenir si l'on n'effectue pas des travaux considérables dans ces secteurs.
• 0935
Il continue d'exister des domaines où le gouvernement fédéral
pourra envisager à l'avenir de maintenir une sorte d'infrastructure
pour nous permettre d'être concurrentiels. À notre avis, il faut
investir dans ces secteurs.
Tout le monde se complaît à dire que nous n'avons pas d'argent, mais on peut dire sans exagérer que deux tiers des gouvernements provinciaux ont équilibré leur budget annuel. Le gouvernement fédéral l'a déjà fait. Selon nous, bon nombre de ces coupures se sont faites au détriment des régions rurales du Canada. Les petites entreprises de nos régions ont encaissé des coups durs sans vraiment réagir ces dernières années, car en tant que chefs de petites entreprises, nous savons qu'il est impossible de dépenser plus que ce que l'on gagne; en toute franchise, il nous faut toutefois être en mesure de réinvestir dans ces régions pour éviter qu'elles ne prennent du retard.
Ne tenez pas le Canada rural pour acquis. Ne tenez pas les agriculteurs pour acquis car ils sont obligés d'évoluer dans un monde très concurrentiel à l'heure actuelle. Il faut que nos gouvernements en fassent autant que les autres gouvernements pour être concurrentiels et pour nous permettre de rester en activité.
Si le prix de nos produits agricoles est établi par la Chambre de commerce de Chicago et qu'il nous est pratiquement impossible de vendre nos produits plus cher qu'ailleurs, cela devient en fait une question de survie. La survie de chacun dépend de la façon dont nos gouvernements—tant au niveau fédéral que provincial et autre—contribuent à préserver le mode de vie dont les familles d'agriculteurs et les entreprises ont besoin, au risque de voir notre capacité de production diminuer.
Merci beaucoup de nous avoir écoutés.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Wilkinson. Vous nous avez présenté un rapport très complet. Vous avez abordé de nombreuses questions et nous vous en savons gré.
Nous allons passer maintenant au témoin suivant, le président du Conseil des pêches du Canada, Ronald Bulmer. Soyez le bienvenu.
M. Ronald W. Bulmer (président, Conseil des pêches du Canada): Merci, monsieur le président. Moi aussi j'ai été retenu à cause du mauvais temps, des embouteillages et de toute évidence une mauvaise planification, car je ne m'y attendais pas. Veuillez excuser mon léger retard.
Le Conseil des pêches du Canada est une association commerciale privée sans but lucratif dont le siège se trouve à Ottawa mais qui représente des entreprises par le biais des associations provinciales, dans les Territoires du Nord-Ouest, le Québec, l'Ontario et dans toutes les provinces de l'Atlantique. Les entreprises membres qui composent ces associations, et donc le Conseil des pêches, produisent sans doute 80 p. 100 environ du poisson et des produits de la mer dans la région de l'Atlantique. Bon nombre de sociétés membres, même si elles font principalement du conditionnement, s'occupent également de la pêche proprement dite puisqu'elles détiennent des permis, ou grâce à l'intégration verticale, etc., et représentent sans doute plus de 40 p. 100 des prises de poissons et fruits de mer dans la région de l'Atlantique.
Voici un bref topo au sujet de l'industrie. Si vous vous contentez de lire les médias, vous verrez qu'il n'y a plus de pêche dans la région de l'Atlantique. Fait surprenant, du point de vue valeur financière, l'industrie a été en fait assez stable au cours des trois ou quatre dernières années, mais cela cache d'autres problèmes. Si la valeur financière du secteur se maintient, c'est que les augmentations ont eu lieu dans les crustacés à prix élevé, comme le homard, le crabe, la crevette et les pétoncles. Pour ces produits, les volumes, les consommateurs, les installations sont moins importants que lorsque la pêche était dominée par le poisson de fond comme la morue, l'aiglefin, le goberge, etc. Par conséquent, même si la valeur financière s'est maintenue, il n'en demeure pas moins que près de 30 000 travailleurs sont aujourd'hui en train de se demander ce que l'avenir leur réserve, soit en tant que pêcheurs ou qu'employés des petites usines de poisson.
Je ne voudrais pas avoir l'air trop pessimiste, mais je me dois de réitérer la mise en garde que vous connaissez bien: à savoir que, dans notre secteur, plus de 80 p. 100 de la production est destinée aux exportations et bon nombre des produits dont je viens de parler ont jusqu'ici été exportés vers les marchés asiatiques lucratifs.
Prenons le cas d'un produit comme le crabe du golfe du Saint-Laurent. Il y a trois ans, nous pouvions payer les pêcheurs de 3 à 3,50 $ la livre de produits pêchés. Cette année, ce prix est tombé à environ 80 à 90c. la livre. Et si je vérifie les exportations effectuées en 1998 vers le Japon, par exemple, pays qui revêt une importance cruciale pour nous, nous constatons que cette année, les exportations ont diminué de près de 30 p. 100, par rapport à l'année précédente. Nous sommes en train de dresser les stocks de certains produits et nous nous demandons à quel prix nous pourrons les vendre à certains de ces marchés asiatiques qui eux-mêmes sont en pleine crise économique.
• 0940
Voici un bref aperçu des pêches de l'Atlantique. Même si je ne
représente pas l'industrie de la Colombie-Britannique, je sais que
la situation n'est guère mieux là-bas: pénurie de matières
premières, chute des prix due à la dépendance à l'égard des marchés
asiatiques, etc. Bon nombre des remarques que je fais s'appliquent
sans doute également à cette pêche.
De notre côté, notre message est assez simple. La région de l'Atlantique et les régions rurales du Québec doivent diversifier leur économie et créer des emplois durables. Ces emplois ne pourront plus être exclusivement dans le secteur primaire qui pendant très longtemps a fait partie intégrante de notre trame sociale et de la politique gouvernementale en matière de création et de maintien des emplois pour la région. Ces emplois n'existent plus et ne reviendront jamais quelles que soient les mesures que l'on prend, même si la pêche et les ressources halieutiques connaissent une reprise, parce que les activités de pêche seront plus efficaces, les prises, le conditionnement et autres se feront de façon plus efficace et avec moins de travailleurs.
La meilleure chose que vous puissiez faire pour le secteur de la pêche dans l'Atlantique, c'est de vous concentrer sur l'économie globale de cette région du Canada. Efforcez-vous de mettre en place les politiques nécessaires, en vue de donner du travail aux gens, d'aider les collectivités, d'empêcher l'exode des habitants de la région, mais n'espérez pas qu'un secteur comme la pêche puisse combler les lacunes et offrir un emploi pour toutes ces personnes dans les années à venir.
Ce qu'il faut se demander, c'est ce que peut faire le gouvernement lorsqu'il envisage de créer des emplois et de diversifier l'économie régionale du Canada. La réponse n'est pas simple, cela va sans dire, mais il existe déjà selon nous certaines bases solides sur lesquelles se fonder. Il faut sans aucun doute se concentrer sur les charges sociales et certaines autres initiatives à prendre, et je dirai brièvement quelques mots au sujet de la fiscalité.
La première chose que nous voulons dire, c'est que tant qu'à se concentrer sur la création d'emplois dans la région de l'Atlantique pour aider le secteur des pêches, la première chose à faire concerne les exigences fiscales globales du gouvernement fédéral. De toute évidence, le budget est équilibré et le sera pour les deux ou trois prochaines années. Il existe un dividende budgétaire. Nous lisons les journaux et nous sommes conscients des pressions qui s'exercent sur le gouvernement. Tout le monde veut avoir sa part du gâteau et son mot à dire quant à l'utilisation de cet excédent.
En un mot, le budget fédéral et les budgets des provinces de l'Atlantique qui ont été équilibrés grâce à des réductions modestes des charges gouvernementales sont fondés en réalité sur l'augmentation des dépenses ou des recettes fiscales. La première chose à faire pour aider l'économie, c'est renverser cette tendance. En fait, si on compare l'exercice 1993-1994 à celui de 1997-1998, les recettes du gouvernement ont augmenté de 27 p. 100 tandis que les dépenses de programmes diminuaient de 11,6 p. 100. Les gouvernements ont donc plus pris qu'ils n'ont donné. C'est une question qui mérite sans doute un examen approfondi et un changement d'orientation.
En vue de réduire les dépenses de programmes, les gouvernements ont décidé d'effectuer des coupures plus ou moins égales dans tous les secteurs, et cela vaut pour les pêches, les subventions, le ministère des Pêches, etc. Ce que nous essayons de faire comprendre à tous les responsables, c'est que le gouvernement doit examiner de façon plus fondamentale ses priorités de dépense et son mode de fonctionnement avec un budget et des effectifs réduits pour les années à venir. Je ne pense pas que l'on puisse simplement demander à un personnel restreint de continuer à faire la même chose avec des ressources réduites et obtenir des résultats aussi efficaces que par le passé. Il y a toutes sortes de gens très compétents qui travaillent 18 heures par jour pour essayer de faire le même travail que faisaient trois employés par le passé.
Il faut que les ministères du gouvernement fédéral modifient fondamentalement leur façon de faire, et il en va de même dans le secteur des pêches. En effet, dans ce secteur, non seulement les produits doivent être concurrentiels à l'échelle internationale, mais en outre le gouvernement et les responsables des pêches doivent l'être également.
• 0945
La première chose que je tiens à signaler, de façon générale,
c'est qu'étant donné le ralentissement des activités de pêche,
étant donné la diminution tant de la demande que du prix des
produits sur les marchés internationaux dont nous sommes
tributaires depuis cinq ans, il va sans dire que pour notre
industrie... Il va sans doute falloir accorder plus d'importance au
marché intérieur, et c'est pourquoi, à notre avis, le gouvernement
doit se focaliser sur la demande intérieure de ressources humaines
et de produits si l'on veut permettre à bon nombre de ces personnes
de continuer à vivre dans les régions où elles se trouvent
actuellement.
En second lieu, j'aimerais parler des cotisations d'assurance-emploi. Je suis tout prêt à reconnaître, tout d'abord, que dans notre secteur, nous sommes de gros utilisateurs de ce programme et il en a toujours été ainsi. En revanche, les charges sociales, surtout les cotisations à l'assurance-emploi, ont représenté un élément de plus en plus important du coût des listes de paye. Il ressort d'une étude de la Banque du Canada, par exemple, que l'augmentation des charges sociales qui ont atteint 14,1 p. 100 du salaire en 1994, contre à peine plus de 10 p. 100 en 1991, a sans doute été à elle seule à l'origine d'une augmentation du taux de chômage de 1 p. 100.
À titre personnel, je dirais que tous ici, nous savons qu'un grand nombre de personnes travaillent maintenant comme consultants auprès des entreprises. Ce n'est pas que ces dernières n'aient pas besoin d'employés ou qu'elles ne soient pas prêtes à verser une rémunération pour faire faire un travail, mais les sociétés n'embauchent plus les gens de façon permanente, car lorsqu'elles le font, il leur faut absorber toutes les autres charges sociales liées à l'emploi. La cotisation à l'assurance-emploi est un élément important dont il faut tenir compte. Comme chacun sait, le fonds de l'assurance-emploi enregistre un excédent de l'ordre de 17 milliards de dollars. Il ne cesse de s'accroître et cet excédent a été versé dans les recettes générales. Ce n'est pas de l'argent auquel les entreprises ont pu avoir accès pour obtenir des capitaux ou élargir leurs activités. En fait, l'excédent de l'assurance-emploi a davantage été une surtaxe perçue auprès des entreprises canadiennes en vue de réduire le déficit. Nous souhaitons vivement que le gouvernement se penche sur cette question et décide de réduire les cotisations à l'assurance-emploi.
Les modifications qui ont été apportées jusqu'ici ont visé à accroître le nombre de travailleurs à temps partiel et à réduire les prestations—le nombre de personnes qui les touchent ou le montant des prestations auxquelles ont droit les travailleurs saisonniers. Tout cela n'a fait qu'élargir l'écart et permettre l'excédent que nous connaissons aujourd'hui. Nous souhaitons que les taux généraux diminuent pour que les entreprises puissent recommencer à employer des gens à long terme, ce qu'elles ne font plus aujourd'hui à cause de toutes ces charges sociales cachées.
Je voudrais également faire suite à ce qu'a dit Jack au sujet du recouvrement des coûts. Si on examine l'ensemble des activités gouvernementales de 1994 à 1995, le recouvrement des coûts au gouvernement fédéral est de l'ordre de 7 milliards de dollars, soit 5 p. 100 environ de l'ensemble de ses recettes. Cela représente un énorme programme global et une énorme source de revenus pour le gouvernement.
Notre conseil appuie sans réserve la politique selon laquelle le secteur privé doit payer les services publics qui lui procurent un avantage très net. Il nous paraît normal de payer un certificat d'inspection si cela est nécessaire pour exporter vers la France, par exemple. Autrement, il nous sera impossible de faire des ventes en France et cela représente donc nettement un avantage pour la société. Par contre, c'est un peu plus douteux lorsqu'on parle de ces secteurs très réglementés où le gouvernement est à la fois celui qui impose la réglementation et celui qui fait payer le coût de celle-ci. Les règlements sont adoptés à Environnement Canada ou au MPO: il y aura des contrôles au quai, il y aura un observateur à bord de chaque bateau—et, soit dit en passant, c'est dans votre intérêt, et cela va donc vous coûter 350 $ par jour pour avoir quelqu'un à bord de votre bateau qui va surveiller ce que vous prenez dans vos filets.
C'est donc une question qu'il faut examiner de très près, qu'il faut surveiller et, je le répète, même si nous ne sommes pas contre le principe lorsque c'est dans l'intérêt de l'entreprise, dans les secteurs très réglementés, il faut prendre garde à ce que les ministères ne tombent pas dans le piège qui consiste à utiliser le système pour répercuter le coût des règlements qu'il adopte, au lieu d'offrir des avantages très nets à ceux qui paient la note.
Notre littoral est vaste, notre secteur compte bon nombre de travailleurs et nous comprenons que le ministère des Pêches doive être important. Toutefois, en tant que gouvernement et que pays, le rapport qui existe au ministère est supérieur à celui de tous nos concurrents dans le secteur de la pêche aux fruits de mer auxquels nous pouvons nous comparer. En conséquence, plus on répercute sur nous ce genre de coûts, moins nous sommes concurrentiels par rapport à la Nouvelle-Zélande, la Norvège et l'Islande. Ce sont ces gens-là qu'il nous faut rencontrer à Tokyo ou à New York pour essayer de vendre nos produits au consommateur final.
• 0950
J'aimerais enfin présenter une demande précise en ce qui a
trait aux modifications à apporter au régime fiscal. Nous avons
déjà fait la demande, mais personne nous a écoutés. Peut-être que
cette année, on ne sait jamais, nous réussirons. En 1996, en vertu
de la Loi sur les océans, le Canada a instauré une zone économique
exclusive de 200 milles. Nous voudrions que la Loi de l'impôt sur
le revenu du Canada applique les crédits d'impôt au titre de la
fabrication et de la transformation à cette zone de 200 milles, et
non pas simplement, comme c'est le cas actuellement, à la zone de
12 milles que représente la mer territoriale.
Je vous ai parlé tout à l'heure de la taille et du coût de l'appareil gouvernemental. Par exemple, le ministère devra se fier de plus en plus à l'industrie pour effectuer des travaux scientifiques et des travaux de recherche; il devra également utiliser les bateaux de pêche commerciaux pour ses travaux de recherche scientifique. Ce travail serait plus simple et en fait plus pratique si on installait des appareils et des systèmes spéciaux à bord des bateaux et si l'on pouvait compter sur un crédit d'impôt pour cet investissement, au même titre que l'amortissement permis pour une installation à terre. Ainsi, l'industrie serait mieux en mesure d'aider le gouvernement en assumant la responsabilité de certains de ces programmes, si elle recevait un traitement fiscal équitable pour les activités qui se déroulent au-delà de la zone de 12 milles mais à l'intérieur de la zone de 200 milles.
Cela serait à l'avantage de l'industrie et ne nuirait certainement pas aux collectivités côtières ni aux usines de transformation à terre.
Monsieur le président, comme je l'ai signalé, nous représentons nombre de compagnies du Grand Nord, du Québec, de l'Ontario, et du Canada atlantique. Nous avons été très heureux des mesures prises par le gouvernement pour équilibrer le budget, mais un certain peaufinage s'impose toujours. Il faut toujours surveiller de très près les coûts du gouvernement et le transfert de ces derniers aux industries du secteur des ressources; ces dernières doivent être en mesure de livrer concurrence à l'échelle internationale et, comme nous le savons tous, les marchés sur lesquels elles cherchent à se trouver une place en 1998 sont beaucoup plus serrés; en fait, les choses seront plus difficiles au cours des prochaines années. Parfait.
C'est la fin de mon intervention. Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Bulmer. Nous passons maintenant à la période des questions. Monsieur Forseth.
M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Réf.): Merci. Ma première question s'adresse à M. Wilkinson de la Fédération canadienne de l'agriculture.
J'ai noté que dans votre document vous parlez des REER et de la réforme des pensions. Vous dites:
-
La FCA demande que la limite de contribution aux REER soit
augmentée à 14 500 et 15 500 $ au cours des deux prochaines années.
Cette demande est conforme aux recommandations de l'Alliance pour
les REER.
En êtes-vous venus à ces chiffres après avoir effectué tous les calculs permettent de déterminer ce qui se produirait si ces montants étaient adoptés, quel serait l'impact sur les particuliers et sur la situation fiscale ou budgétaire du gouvernement? Avez-vous choisi ces chiffres au hasard? S'agit-il simplement d'une chose que vous aimeriez, ou avez-vous des documents qui expliquent pourquoi vous en êtes venus à ces chiffres?
M. Jack Wilkinson: Comme vous le savez, il existe depuis un certain nombre d'années une alliance de groupes et d'organisations de travailleurs autonomes. Et c'est tout particulièrement intéressant dans le secteur agricole. Les familles qui oeuvrent dans ce secteur se trouvent dans une situation particulière. Pendant les premières années elles ont des revenus modestes car elles réinvestissent et élargissent leurs activités. Vers la fin, quand elles commencent à se retirer du secteur, elles peuvent toucher des revenus assez importants. Elles n'ont plus d'investissements à faire et elles commencent à se défaire des actifs. Nous disposons donc habituellement de très peu de temps pour accumuler des gains en capital et constituer le régime de pension nécessaire.
• 0955
Pour ce qui est des calculs de l'impact sur le gouvernement
fédéral, je ne sais pas quel genre de documents l'Alliance a
préparés. Les économistes de la fédération ont récemment été
remplacés. Je peux cependant vérifier et vous faire parvenir toute
analyse disponible. Nous avons probablement consacré plus de temps
à l'analyse des avantages que nous tirerions de cette proposition
que de ce qu'il en coûterait pour le gouvernement. Du au moins
c'est ce que je crois.
M. Paul Forseth: Avez-vous une opinion particulière sur la règle actuelle de 20 p. 100 pour le contenu étranger d'un REER?
M. Jack Wilkinson: Non.
M. Paul Forseth: Dans votre mémoire vous dites également:
-
Pour protéger le secteur des ressources naturelles au Canada, la
FCA demande qu'un financement adéquat soit offert pour mettre en
oeuvre les programmes de soutien, comme le font nos principaux
partenaires commerciaux.
Pourriez-vous nous expliquer comment les principaux concurrents du Canada ont une longueur d'avance sur nous. Je suppose que vous recommandez que le Canada fasse au moins autant que ses principaux concurrents pour ne pas être désavantagé. Vous voulez faire concurrence à armes égales. Pourquoi avez-vous formulé cette recommandation? Vous avez parlé de 550 millions de dollars.
M. Jack Wilkinson: Je ne me souviens pas d'avoir parlé de 550 millions de dollars.
Les programmes de soutien du secteur agricole au milieu des années 80 s'élevaient à environ 2,5 milliards de dollars. Ce montant a baissé, si je ne me trompe, d'environ 850 millions de dollars en 1994—il s'agit de la part du gouvernement fédéral—au niveau actuel qui est de quelque 600 millions de dollars cette année. D'après le protocole d'entente, il doit y avoir un partage 60-40 avec les provinces. Ainsi, les 600 millions de dollars investis par le gouvernement fédéral doivent être accompagnés d'un financement de 400 millions de dollars des provinces; de plus, nombre de ces programmes sont offerts en fonction d'une formule de partage des coûts avec les producteurs.
Les choses se sont compliquées au cours des dernières années—surtout lorsque l'on examine ce que font d'autres gouvernements et la façon dont ils procèdent à leurs calculs pour leurs programmes. Prenons l'exemple des États-Unis. Ils ont un programme important d'aide alimentaire dans le cadre duquel ils achètent des produits sur le marché. Ça ne fait pas partie du budget réservé au secteur agricole, et lorsqu'ils présentent leurs programmes à l'OMC, ça ne figure pas comme programme agricole, même si de notre point de vue cela a un impact marqué sur les prix des principaux produits agricoles aux États-Unis en raison de ces achats importants. De plus, avec le projet de loi appelé le FAIR Act, qui modifie la Loi américaine sur le secteur agricole, ils ont pu vraiment séparer le système de soutien des prix. Pendant cette période, les calculs étaient faits en fonction de la superficie réservée aux produits, selon les données historiques. Même lorsque les prix du blé, il y a un an et demi ou deux, étaient au niveau le plus élevé enregistré au cours des trente dernières années, les producteurs américains recevaient toujours plus d'un dollar le boisseau pour le blé. C'est le type de programme de soutien qui existait aux États-Unis, même au moment où nos producteurs ne recevaient absolument rien pour ce genre de production.
Il s'est produit ce que nous appelons un élargissement. À notre avis, nous avons poursuivi le recouvrement des coûts plus énergiquement que les Américains. Le système est caractérisé par plusieurs types de droits. Si vous étudiez les chiffres de l'OCDE, par exemple, vous constaterez que le Canada se trouve à la quatrième place au bas de la liste. Ainsi ces belles paroles qu'on entend sans cesse disant que nous suivons simplement la tendance internationale en fait ne sont pas vraies. Nous suivons la tendance internationale—on parle souvent de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande, mais très peu d'exemples mentionnent les dépenses de l'Union européenne et d'autres régions. Nous n'avons rien qui se compare à l'appui supplémentaire que l'on voit aux États-Unis.
Le seul problème est que, pour tout ce qui n'entre pas dans la gestion de l'offre, les coûts sont établis au Board of Trade de Chicago et qu'ainsi nous ne pouvons rien ajouter. C'est donc le coût du blé du Midwest moins les coûts de transport. C'est plus élevé qu'aux États-Unis dans la plupart des cas et c'est fonction du Board of Trade de Chicago. C'est comme ça que tout le monde achète. C'est ainsi que nos gars se retrouvent avec un revenu agricole net inférieur. Nous craignons qu'après un certain temps, si l'on n'a pas quelques résultats—par exemple, les prix du porc sont maintenant nettement inférieurs au coût de production. Un éleveur albertain auquel je parlais la semaine dernière me dit qu'avec une exploitation de 300 truies, du naissage à l'engraissage, il perd 40 000 $ par mois. Il est évident que l'on ne reste pas longtemps en affaires, même lorsque l'on a une grande exploitation, avec de telles pertes.
• 1000
Nous estimons donc qu'il faut considérer la nécessité de
soutenir non seulement les familles agricoles elles-mêmes, mais
également les producteurs. C'est là que l'on étaie le secteur
agroalimentaire. Si nous incitons un producteur à construire une
extension à son établissement, par exemple, dans les Prairies, il
nous faut garantir un nombre x de porcs arrivant là chaque semaine,
sans égard pratiquement au prix de ces porcs.
Évidemment, il faut que les gens arrivent à comprendre que si les coûts restent bas pendant longtemps, il faut arrêter cette production parce que le monde, de toute évidence, n'en veut plus. Mais, du même coup, on ne veut pas que les gens abandonnent leur production la semaine suivant une chute des prix ni qu'une usine de transformation commence à mettre des gens à pied, les 1,5 million qui travaillent là-dedans, etc.
Nous estimons qu'il faut étayer le secteur primaire à un taux qui correspond à ce que reçoivent nos principaux concurrents, sinon, nous prenons du retard.
M. Paul Forseth: Merci.
J'aurais une question à poser à M. Bulmer, du Conseil canadien des pêches. Vous dites, dans votre mémoire, que les pêcheurs et l'assurance-chômage ont toujours été une question de politique et que «l'assurance-emploi devrait retrouver son objet initial et fonctionner comme un régime d'assurance». C'est assez intéressant de la part du Conseil canadien des pêches.
Est-ce que vous recommandez ainsi de ne plus faire de l'assurance-emploi un supplément de revenu annuel, qui peut entrer dans la planification économique des intéressés, pour en refaire un régime d'assurance? Incluriez-vous des taux en fonction de l'expérience, des primes variables, etc.? Comment voyez-vous un véritable régime d'assurance, surtout si l'on considère les catégories spéciales qui ont toujours profité aux pêcheurs bénéficiant de l'assurance-emploi?
M. Ronald Bulmer: Tout d'abord, le régime visant les pêcheurs est en fait un régime inférieur à celui qui 'applique à un travailleur dans un contexte commercial normal, en ce sens que les pêcheurs ne peuvent y être admissibles que durant certaines périodes de l'année et pour un certain nombre de semaines. Toutefois, l'essentiel, c'est que la première mesure à prendre est de s'assurer que les montants perçus, que ce soit auprès d'un pêcheur ou d'un ouvrier de l'automobile à Oshawa, correspondent aux besoins du régime, qui affiche un excédent de quelque 17 milliards de dollars. Ce serait certainement la première chose à faire. Les primes pourraient alors refléter les besoins du régime pour l'année ou les deux années suivantes, plutôt que de continuer à récolter chaque année 7 ou 8 milliards de dollars de plus.
Après cela, certainement pour ceux qui travaillent dans les usines de transformation du poisson, ils sont traités comme tout autre travailleur, qu'il s'agisse du secteur automobile, de la sidérurgie ou d'autres. Les gens qui se trouvent en bordure de Moncton, s'ils sont dans une certaine zone, doivent travailler plus de semaines que quelqu'un, par exemple, qui est à Terre-Neuve, où le taux de chômage général est supérieur. Nous ne pensons pas qu'il y ait vraiment d'avantages spéciaux. Certes, je le répète, dans les changements qui ont été apportés précédemment au régime, les travailleurs saisonniers qui perçoivent chaque année des prestations en auront maintenant moins pour chacune des premières années. Certains des changements ont déjà été adoptés. On considère qu'il s'agit d'un régime général pour les ouvriers.
C'est un programme moins généreux pour les pêcheurs. Par contre, les acheteurs sont censés être leur employeur aux fins de ce programme, même dans le cas de bateaux indépendants, et ils doivent payer la prime pour tous ces gens-là. Donc, si j'achète leur poisson, je dois payer l'assurance-chômage de ces pêcheurs et cela entre dans le coût de la matière première. Nous souhaitons que le programme redevienne un régime d'assurance et s'autofinance sans réaliser d'énormes excédents annuels, comme à l'heure actuelle.
Le président: Merci, monsieur Forseth. Monsieur Desrochers.
[Français]
M. Odina Desrochers (Lotbinière, BQ): Ma première question s'adressera à M. Wilkinson. Je poserai ensuite une question à M. Bulmer.
Monsieur Wilkinson, vous avez parlé du Programme de stabilisation du revenu. Vous savez que les règles relatives aux exportations agricoles seront profondément modifiées au cours des prochaines années. On sait qu'il se tiendra des négociations multilatérales à la fin de l'année 1999. Je n'ai pas besoin de vous rappeler qu'un secteur est actuellement fortement touché au Québec par cette baisse des exportations. Compte tenu des surplus budgétaires que le gouvernement fédéral a en main, comment pourrait-il, selon vous, soutenir éventuellement les exportations agricoles dans un contexte d'ententes multilatérales?
[Traduction]
M. Jack Wilkinson: Il y a des règles bien définies qui ont été adoptées à la dernière série de négociations de l'OMC pour limiter les dépenses. On a choisi la période repère de 1986 à 1988. Nous nous sommes engagés à diminuer le soutien à l'exportation de 36 p. 100 sur un certain pourcentage de volume, de 20 p. 100 pour les aides intérieures, alors qu'il n'y aurait pas de diminution pour les écoproduits jusqu'à la prochaine série de négociations.
Nous avons éliminé l'assistance aux exportations plutôt que de la réduire de 36 p. 100. Nous avons une assistance de 15 p. 100 à la production intérieure alors qu'il était demandé de la diminuer de 20 p. 100. Nous pourrions donc avoir 80 p. 100 de la période repère de 1986 à 1987. Nous en sommes à 15 p. 100. En fait, dans le cas des dépenses relevant du programme d'écoproduction—là où on devrait pouvoir normalement recouvrer ses frais, sur l'inspection, l'éducation, tout un éventail d'autres domaines qui étaient des dépenses illimitées, et sur des programmes environnementaux—, nous avons soit vu le programme annulé, comme à la fin du plan vert, soit nous sommes passés à un programme de recouvrement des coûts par lequel le gouvernement a gagné de l'argent pour le secteur agroalimentaire.
Dans nombre de ces domaines, il n'y a donc pas de problème, sinon que nous devons surveiller certaines des définitions dans les règles et les calculs alors que nous mettons ces programmes sur pied. De façon générale, toutefois, nous sommes jusqu'ici en deçà des engagements pris dans le cadre de l'OMC, si bien que les agriculteurs ne s'inquiètent pas des limites de dépenses. Nous pouvons accroître sensiblement les aides au revenu agricole sans que cela ne doive nous inquiéter, tant que les programmes en question ne s'écartent pas des règles et n'entraînent pas des mesures compensatoires.
Par exemple, tant qu'un programme est d'application générale, comme dans le cas de la dernière décision qui doit être rendue sur le porc—c'est-à-dire, d'application générale au pays et pour divers produits—, la loi américaine sur le commerce, qui vient s'ajouter aux règlements de l'OMC, n'entraîne pas des mesures compensatoires. Aussi, nous pourrions avoir un programme de stabilisation du revenu. Nous pourrions avoir un programme de secours en cas de catastrophe. À condition que tous les produits soient considérés et que le programme soit applicable dans tout le pays, nous sommes à peu près certains que ces programmes pourraient exister et prévoir une assistance accrue sans risque de mesures compensatoires.
L'élément clé de l'OMC qui pose des problèmes est que si l'on choisit un produit en particulier—par exemple, le porc—et que parce que les cours sont très bas actuellement pour le porc, on décide de mettre sur pied un programme d'assistance à l'intention des producteurs de porc, ce n'est pas admis. Voilà pourquoi nous travaillons en étroite collaboration avec le Conseil canadien du porc afin de mettre au point un programme qui couvrira en fait tous les producteurs—les céréaliculteurs dans les Prairies, quelqu'un qui serait frappé par la sécheresse ou autre phénomène climatique, ou quelqu'un qui souffrirait d'une forte chute des prix du porc, de sorte que leur revenu soit maintenu à un certain niveau. Ce serait ainsi un programme d'application générale qui, à notre avis, ne poserait pas de problème de contrepartie. Tout ce qu'il nous faut, maintenant, c'est de l'argent.
[Français]
M. Odina Desrochers: Je vous comprends bien. Maintenant, vous avez dit qu'au chapitre des investissements en recherche agroalimentaire, nous sommes à l'avant-dernier rang des pays du G-7, l'Italie étant au dernier rang. Auriez-vous des propositions à nous soumettre afin que nous puissions augmenter notre niveau de recherche? Sur quoi pourrions-nous axer la recherche agroalimentaire actuellement? Est-ce que vous avez identifié des priorités à cet égard?
[Traduction]
M. Jack Wilkinson: Nous estimons que cela nécessite simplement que les gouvernements fédéral et provincial procèdent à certains réinvestissements. C'est un outil. Le deuxième serait d'apporter certains changements au programme de partage des frais pour l'investissement afin de le rendre plus souple. Je vais vous donner un exemple.
Certains d'entre nous, qui viennent de l'extérieur, croient— du moins des gens cyniques comme moi—qu'une partie de cet exercice de délestage entrepris dans le programme de partage des frais pour l'investissement consistait en fait à financer les salaires et les immobilisations du gouvernement fédéral. Nous ne pouvions le faire avec une université ni avec d'autres secteurs privés. Le programme visait des chercheurs du secteur public dans des établissements publics, par exemple. Cela ressemble étrangement à un déchargement des responsabilités du gouvernement fédéral en matière de R-D sur le dos des producteurs, plutôt que d'offrir un programme de partage des frais pour l'investissement afin d'accroître les efforts de recherche.
• 1010
Nous réclamons donc deux choses. Dans une grande mesure, c'est
ce qui s'est passé avec toutes les compressions qui ont été faites
au niveau provincial, presque chaque gouvernement provincial ayant
réduit considérablement ses ressources de recherche en mettant fin
à certaines initiatives et en fermant des collèges et des
universités.
Nous estimons que le gouvernement doit dès maintenant réinvestir dans ce domaine, et qu'il faudrait modifier le programme de partage des frais pour l'investissement afin de le rendre plus souple et de nous permettre d'investir dans d'autres domaines.
On ne semble pas avoir tenu compte du fait que le gouvernement réduit ses effectifs depuis un bon moment. Dans bon nombre des domaines de la recherche fondamentale, les connaissances d'expert nécessaires n'existent plus. Par conséquent, lorsque, en échange d'un certain investissement, on exige que la recherche se fasse au sein du secteur public, ça signifie qu'aucune nouvelle recherche ne se ferait parce que les connaissances nécessaires n'existent plus dans certains ministères.
Le niveau d'exportation du Canada étant considérable, si nous voulons continuer à en tirer des revenus, nous devons rester à l'avant-garde du secteur, et faire nous-mêmes la R-D, concevoir constamment de nouveaux produits, abaisser le coût des produits et le coût des intrants, et ainsi de suite, si nous voulons obtenir le revenu net que nous souhaitons. Cela nous apparaît absolument crucial.
[Français]
M. Odina Desrochers: Merci beaucoup. Monsieur Bulmer, vous avez recommandé que le régime d'assurance-emploi soit modifié. Vous savez qu'on a fixé des taux selon les régions et le chômage qui y sévit. Ne voudriez-vous pas qu'on identifie une région spécifique dans l'Atlantique, où la crise est très forte actuellement? Préféreriez-vous qu'on revienne à l'ancien régime? Comment analysez-vous la situation compte tenu des surplus qui sont disponibles dans la caisse d'assurance-emploi?
[Traduction]
M. Ronald Bulmer: Tout d'abord, le taux régional est le nombre de semaines que vous devez avoir travaillé pour être admissible, en fonction du niveau de chômage. Comme je l'ai dit, il y a des différences: si votre usine est près de Moncton, Moncton aura une incidence sur la région et vous devrez travailler deux ou trois semaines de plus pour avoir droit à l'assurance-emploi.
Mais ce n'est pas cela le problème. Plutôt, c'est le fait que la somme par 100 $ de gain—et je ne fais pas d'exception pour les pêches—représente le point où les entreprises tentent de trouver n'importe quelle autre façon de faire faire le travail, que ce soit par un expert-conseil de l'extérieur engagé à contrat, etc. Les employeurs hésitent à engager des employés à temps plein car ils devront alors payer tous les avantages sociaux.
Toutefois, nous ne croyons pas que le système de taux régionaux qui existe actuellement désavantage le secteur des pêches par rapport aux autres secteurs qui existent ou qui pourraient être créés dans la région de l'Atlantique.
[Français]
M. Odina Desrochers: Est-ce que vous avez déjà entrepris des démarches auprès du ministre du Développement des ressources humaines?
[Traduction]
Le président: Vous avez parlé d'une dernière question?
M. Odina Desrochers: Oui.
Le président: C'était votre dernière question.
Monsieur Szabo.
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Merci, messieurs, de vos remarques, et merci de les avoir présentées aussi par écrit.
Il y a une question que je voudrais soulever car cela m'apparaît comme un aspect, qui est peut-être un peu négligé, car c'est une zone grise qui concerne néanmoins l'agriculture et, bien sûr, les gens.
Monsieur Wilkinson, dans votre exposé, vous avez abordé quelques mesures fiscales s'appliquant aux REER, à l'exemption à vie pour gains en capital, etc. On parle rarement de l'agriculture du point de vue des besoins sur le plan social. Des témoins de grands centres urbains viennent souvent nous voir pour nous parler de garderies et d'autres sujets tout aussi intéressants. Mais j'aimerais savoir si ceux que vous représentez du secteur agricole du Canada vous ont parlé des agricultrices qui sont assujetties à la Loi de l'impôt sur le revenu et qui, parce qu'on ne considère pas qu'elles travaillent, n'ont pas droit, par exemple, à une déduction pour frais de garde d'enfants. Ces femmes se trouvent dans une catégorie à part de toute autre personne qui élève des enfants. Il en va de même pour les agriculteurs. C'est une situation unique au secteur agricole du Canada, qui pourtant est si essentiel pour le pays. Non seulement les agriculteurs produisent des aliments pour nos enfants, mais ils élèvent aussi bon nombre des enfants canadiens.
• 1015
J'ignore si vous avez quelque chose à dire à ce sujet. Étant
donné que vous représentez le milieu agricole, cependant, il est
très important que vous nous disiez ce que vous pensez de l'équité
de la fiscalité pour ce qui est du fait d'élever des enfants sur la
ferme familiale. Avez-vous des recommandations à faire—par
exemple, un avantage quelconque ou une mesure qui égaliserait les
chances—de telle sorte que chacun jouirait pleinement des
avantages pour lesquels nous sommes tous mis à contribution?
M. Jack Wilkinson: Nous avons fait état ici de certaines mesures fiscales très précises, mais je ne veux pas que vous pensiez que ce sont les seuls qui préoccupent notre organisation, les seuls qui exigent des correctifs.
Le problème que vous venez de soulever nous préoccupe particulièrement. Plusieurs exploitations agricoles familiales ont constitué leurs entreprises ou leurs fermes en personne morale afin de contourner ces règlements et de pouvoir verser des salaires. Cela impose une dépense supplémentaire à la famille aussi.
Je me suis lancé dans l'agriculture en 1979 après avoir quitté l'armée. Notre comptable nous a recommandé de constituer la ferme en personne morale parce qu'en vertu des lois fiscales, si vous êtes agriculteur on s'attend à ce que votre femme et vos enfants travaillent pour rien sur la ferme. D'un point de vue fiscal, il est extrêmement difficile de leur verser un salaire sans contestation. Voilà pourquoi nous avons créé un partenariat, une société qui ne suscite aucune question de la part du fisc étant donné que ma femme possède 50 p. 100 des actions. Ce sont là les mesures extrêmes que les fermiers ont été obligés de prendre pour obtenir une certaine forme de traitement égal dans plusieurs domaines. Cette question nous préoccupe donc beaucoup, celle-là ainsi qu'un grand nombre d'autres mesures fiscales.
Nous sommes d'avis que les industries primaires de notre pays sont victimes depuis plusieurs années d'une érosion des mesures de soutien. C'est attribuable à une bande de gens insensibles à toute la valorisation qui se fait au Canada, tant du point de vue de la production que du point de vue de l'emploi, dans une perspective d'avenir. On a vu passer toute une vague de gens qui font des recommandations et qui pensent que si vous n'avez pas d'ordinateur, vous n'existez pas, vous n'êtes pas une entreprise que l'on voudrait avoir dans la localité. Ils ne se rendent pas compte que l'agroalimentaire est une industrie de 90 milliards de dollars; que nous exportons pour 20 milliards de dollars; que nous employons 15 p. 100 de la population—et je ne parle que de l'agriculture, je ne parle pas des autres productions primaires. Le mal est fait et il faudra changer à l'avenir toutes les façons dont on traite ce groupe.
Les problèmes que vous mentionnez sont des exemples typiques des mutations radicales qui s'opèrent dans tout le tissu social du milieu agricole. Ces hommes et ces femmes ne veulent pas traîner leurs enfants sur leurs tracteurs pendant qu'ils cultivent la terre ou dans leurs granges quand ils travaillent. Ils veulent eux aussi avoir accès aux services de garderie et à d'autres choses. C'est important, et il faut que ça se fasse.
Le président: Madame Redman.
Mme Karen Redman (Kitchener—Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.
Monsieur Wilkinson, ce qui est intéressant, c'est que lorsque vous avez répondu à la dernière question, vous avez dit que votre liste n'était pas exhaustive. Je tiens à vous dire que certaines demandes que vous avez adressées à notre comité sont en fait très exhaustives, qu'il s'agisse des mesures fiscales ou des nouvelles subventions. Avez-vous calculé combien coûteraient ces mesures s'il fallait les mettre en oeuvre? Savez-vous combien tout cela coûterait?
On se demande aussi pourquoi l'agriculture devrait constituer une priorité élevée dans le prochain budget du gouvernement. Dans quelle mesure l'aide à l'agriculture se compare-t-elle au financement de la santé publique, à la réduction de la dette ou à la réduction de l'impôt sur le revenu des particuliers? Pourquoi l'agriculture est-elle plus importante que toutes ces autres questions?
M. Jack Wilkinson: L'agriculture est plus importante, à mon avis, mais je ne crois pas que nous fassions d'exclusion... Nous n'avons pas demandé à recevoir tout le surplus budgétaire. Je ne dis pas que l'agriculture est plus importante que tout le reste. Nous savons que l'agriculture ne recevra pas 8 milliards de dollars en crédits nouveaux, que l'on va réinvestir dans la santé, et que l'on mettra en place un programme quelconque pour remédier à la pauvreté rurale. Nous savons aussi qu'il y aura un programme quelconque pour les services de garderie. Et il y a toute une série de secteurs où l'on va réinvestir, dans la santé comme dans tout le reste.
• 1020
Ce que nous disons, c'est que le secteur agricole a souffert
plus que les autres des mesures d'austérité. Le Canada rural a été
le plus durement touché par les réductions dans les soins de santé
à cause de l'élimination des services. Le Canada rural est le
secteur qui souffre le plus des changements qu'on apporte à presque
tous les programmes, qu'il s'agisse de la déréglementation de
l'hydroélectricité, du téléphone et du gaz naturel, ou de
l'augmentation des impôts municipaux qui est attribuable aux
compressions des gouvernements fédéral et provinciaux. La liste est
infinie.
En plus, nous avons perdu 750 millions de dollars à cause de la réforme à la politique du transport et 1,5 milliard de dollars à cause de l'élimination des programmes de soutien au revenu agricole. Et on a allongé considérablement la liste des mesures de recouvrement des coûts appliquées pour multiplier les recettes.
À notre avis, le Canada rural et agricole a fait plus que sa part pour aider le gouvernement fédéral à équilibrer son budget et à produire un surplus. Nous pensons donc qu'on a tellement coupé dans notre secteur que, si nous avons pu survivre avec des prix mondiaux élevés, nous ne pourrons pas tenir le coup avec des prix mondiaux qui n'ont jamais été aussi bas. Si vous voulez conserver l'infrastructure qui se nourrit de la production primaire dans le secteur agricole, il faut réinvestir un peu dans ce domaine. Je ne crois pas que ce soit déraisonnable de vous demander cela.
Par exemple, on pourrait mettre en place au Canada un programme de secours aux sinistrés qui coûterait entre 100 et 200 millions de dollars, ce qui serait beaucoup moins que ce que l'on consacrait à la sécurité sociale il y a à peine deux ou trois ans de cela. C'est un minium absolu.
Du côté environnemental, nous pensons que les consommateurs et les contribuables seraient parfaitement disposés à accorder des ressources supplémentaires au milieu agricole pour qu'il puisse réduire sa consommation de pesticides et de fumigants et ainsi améliorer la qualité de l'eau. Il faut entreprendre quelque chose de ce côté. Mais nous n'avons pas de chiffres sur ça pour le moment.
Nous ne demandons pas des milliards et des milliards, mais il faut réinvestir dans notre secteur. On a trop coupé.
Mme Karen Redman: Si vous le permettez, je vais poser une autre question.
Votre association a-t-elle suivi l'évolution de la ferme familiale vers la grande entreprise? Vous en avez parlé dans votre dernière réponse. Quand je regarde ce qui se fait chez moi, j'ai l'impression que plusieurs petites fermes exploitées par le mari et sa femme sont vendues à de grandes entreprises.
M. Jack Wilkinson: Cela varie considérablement d'une région à l'autre. Nous n'avons pas suivi toute cette évolution. Par exemple, bon nombre de nos membres ont constitué leurs fermes en personne morale pour s'adapter aux mesures fiscales et aux autres mesures dont il a été question ici plus tôt et pour obtenir ainsi certains avantages.
Il existe des chiffres pour ce qui concerne la propriété étrangère. Les organismes provinciaux chargés de l'enregistrement des titres fonciers ont ces chiffres. Ces chiffres sont encore relativement bas.
Étant donné que les profits sont très minces, beaucoup d'exploitations agricoles ont dû prendre une expansion considérable, comme vous le savez fort bien. On voit diminuer le nombre d'exploitations agricoles moyennes qui employaient seulement le mari et la femme et d'autres de la famille, auxquels s'ajoutaient parfois quelques engagés en saison. La tendance à l'expansion des exploitations agricoles est très forte. Bon nombre des éleveurs de bétail d'aujourd'hui ont des exploitations plus grandes que par le passé et ont tendance à employer des gens de l'extérieur.
Il se passe deux choses: comme je l'ai dit, les profits sont très minces, il faut donc cultiver beaucoup plus d'acres qu'avant ou élever beaucoup plus de bétail par unité si l'on veut un revenu raisonnable. Et bon nombre de familles agricoles veulent prendre congé la fin de semaine ou prendre des vacances, d'où le nombre élevé d'éleveurs qui prennent de l'expansion afin d'engager de gens de l'extérieur et avoir ainsi une vie de qualité raisonnable, sans avoir, par exemple, à faire le train sept jours sur sept. On voit ainsi des exploitations où il y avait 20, 30 ou 40 vaches, passer à 80, 90 ou 100 vaches, et une partie de la main-d'oeuvre vient de l'extérieur, même si c'est surtout la main-d'oeuvre familiale qui domine.
Le président: Merci.
M. Gallaway est le suivant, puis ce sera M. Pillitteri et ensuite M. Discepola. Ils poseront chacun une question.
M. Roger Gallaway (Sarnia—Lambton, Lib.): Merci, monsieur le président.
Monsieur Bulmer, vous avez soulevé une question intéressante. En effet, à cette époque de recouvrement des coûts, plusieurs secteurs sont tenus—si je peux m'exprimer ainsi—de payer pour des services qui ne comportent que peu ou pas d'avantages pour eux. À l'époque où le gouvernement finançait bon nombre de ces services ou permis, si c'est ainsi qu'on les appelle, à même le Trésor, cela n'était pas important pour les diverses industries. Mais maintenant qu'on vous demande de les payer, je pense qu'il faut examiner l'opportunité d'un grand nombre de ces services, c'est-à-dire le bien-fondé de ce qu'on pourrait appeler l'appareil administratif trop lourd qui dicte ces exigences.
• 1025
J'aimerais que vous nous en disiez un petit peu plus long là-dessus. Je
voudrais savoir quels permis sont exigés dans votre
secteur et les raisons pour lesquelles il est avantageux ou
désavantageux pour vous de les demander et de les payer car si je
ne m'abuse, ils sont nombreux.
M. Ronald Bulmer: Oui. Le recouvrement des coûts est un facteur important dans le secteur des pêches, et il devient de plus en plus présent. Le coût le plus considérable, bien entendu, est celui du permis de pêche qui donne à son titulaire le privilège de tirer sa subsistance de l'exploitation d'une ressource première qui, à strictement parler, est la propriété de l'ensemble des contribuables canadiens. Il y a quelque 40 milliards qui proviennent directement du groupe d'exploitation primaire. Ainsi, un pêcheur de saumon de la Colombie-Britannique a peut-être un créneau d'une heure et il doit rédiger son premier chèque pour son permis avant de pouvoir sortir en mer pour une heure. Ce genre d'exigence a été extrêmement difficile à avaler pour bien des gens, en particulier cette année. Le système gagnerait peut-être à être plus souple.
Deuxièmement, ce qui nous inquiète énormément, ce n'est pas tellement qu'il faille payer pour obtenir un permis de pêche simplement pour exploiter les ressources halieutiques, mais plutôt l'activité combinée du ministère. Auparavant, il y avait des agents de pêche qui étaient chargés d'appliquer les règlements, mais ils ont disparu dans la foulée des compressions. Or, on vient d'inventer de nouveaux programmes de surveillance à quai en vertu desquels une entreprise privée a maintenant un représentant qui surveille à quai le débarquement. On vient vous dire qu'il y a un coût pour le travail de cette personne et qu'on souhaite aussi qu'un observateur soit présent sur le bateau pour examiner la taille des mailles des filets, savoir ce que vous avez fait des prises rejetées, etc., et que ça coûtera 350 $ par jour.
Nous sommes donc aux prises avec un environnement qui a changé en ce sens que les personnes qui ont adopté les règlements, coincés en termes de budget et de personnel, inventent maintenant des programmes. Mais parallèlement, ils nous refilent la note pour ces programmes. C'est cette partie inacceptable de l'affaire qui nous inquiète énormément.
À sa décharge, le ministère vient de mettre les freins et d'amorcer une étude à la suite de la position adoptée il y a un an par votre comité permanent en matière de recouvrement des coûts dans le secteur de la pêche. En fait, on donne le coup d'envoi à une étude sur l'incidence cumulative de tout cela sur le secteur de la pêche. On veut essayer de maîtriser tous ces coûts imposés par le gouvernement fédéral, qu'il s'agisse des coûts de navigation, des droits de permis ou des coûts d'application de la loi. On veut savoir ce qu'il en est exactement, comment les pêcheurs sont touchés et si cela les mène à la faillite.
C'est donc un sujet de préoccupation, mais si vous me le permettez, j'aimerais offrir quelques félicitations. Après avoir subi certaines pressions de la part de votre comité—et nous vous en remercions—, le ministère a enfin réagi et entrepris d'examiner cela de façon plus systématique, et peut-être que d'ici quelques mois, je pourrai vous donner à cet égard davantage de renseignements. Mais on ne saurait continuer de refiler automatiquement les coûts aux pêcheurs simplement parce qu'il faut changer la façon de procéder.
Le président: Merci, monsieur Bulmer.
Monsieur Pillitteri.
M. Gary Pillitteri (Niagara Falls, Lib.): Merci, monsieur le président.
Monsieur Wilkinson, Jack, vous m'étonnez quelque peu ce matin. Mon collègue vous a demandé pourquoi vous souhaitiez récupérer tout cet argent, et j'aurais été étonné si vous aviez répondu que c'est parce que nous produisons pour les Canadiens les aliments les meilleurs, les moins chers et les plus sûrs au monde. Cela aurait été mon premier argument car bien sûr, c'est ce que notre secteur a fait. Évidemment, les agriculteurs canadiens doivent livrer concurrence aux Européens et aux agriculteurs de partout ailleurs dans le monde, sans compter les Américains, et je sais à quel point ils sont généreusement subventionnés comparativement aux Canadiens. Cela dit, je pense que la plupart d'entre nous sont très sensibles à cela.
• 1030
Permettez-moi de vous poser une question. Vous souhaitez que
les contributions versées par l'entremise du compte de
stabilisation du revenu net soient rétroactives comme le sont les
REER. Est-ce bien ce que vous demandez dans votre exposé? Autrement
dit, vous voulez revenir sept ans en arrière?
M. Jack Wilkinson: Non. En ce qui a trait au compte de stabilisation, il y a deux choses que nous souhaitons. Tout d'abord, que les contributions soient déductibles d'impôt, et nous avons toujours été d'avis qu'elles auraient dû l'être. À l'époque, le ministre des Finances n'a pas permis qu'elles le soient; d'où l'idée logique d'accorder cette prime de 3 p. 100 pour les contributions.
Si nous invoquons ce principe de rattrapage, c'est qu'il peut y avoir d'importantes fluctuations. Il ne s'agit pas de réclamer un mécanisme rétroactif pour remonter sept ans en arrière, mais il peut y avoir des fluctuations considérables pour ce qui est des revenus agricoles et des périodes au cours desquelles les agriculteurs estiment ne pas pouvoir faire de contributions correspondantes. À mon avis, on devrait tenir compte de cela et, à l'occasion d'une bonne campagne, être en mesure de ne pas perdre l'année d'avant. Nous n'exigeons pas maintenant de revenir au moment de la création du compte, mais nous pensons que cela constituerait un changement positif pour aider à atténuer la nature cyclique des exploitations agricoles. Ainsi, les agriculteurs pourraient maximiser leurs contributions lorsqu'ils ont un peu plus d'argent.
Bon nombre des produits que nous vendons sont cycliques par nature. Or, à l'heure actuelle, nous subissons un double coup dur. Nous avons des cycles de production très élevés, notamment pour le boeuf, le porc etc., mais parallèlement, un grand nombre de nos principaux acheteurs asiatiques font face à de graves difficultés économiques. Non seulement nous avons un cycle de surproduction, qui normalement causerait une légère fluctuation et un retour du pendule par la suite, mais aussi il y a la forte diminution des commandes qui a fait plonger le prix du porc. Par conséquent, la situation sera très difficile pour les producteurs, mais nous pensons que dans un cycle normal il serait très utile de pouvoir optimiser les avantages perdus et être en mesure de faire une contribution.
Le président: Merci.
M. Jack Wilkinson: Monsieur le président, je voudrais qu'il soit bien clair que nous ne réclamons pas un retour en arrière maintenant. Nous souhaitons qu'on fasse ce changement maintenant pour que nous puissions procéder de cette façon à l'avenir.
M. Gary Pillitteri: Mais vous dites qu'on peut revenir en arrière, comme on le fait pour les REER, aussi loin que sept ans, car le cycle pourrait être beaucoup plus long qu'un an et dans le cas de la région de l'Asie-Pacifique, il pourrait être de deux, trois ou cinq ans.
M. Jack Wilkinson: Vous avez raison, mais tout ce que je veux vous faire comprendre à l'heure actuelle, c'est qu'étant donné le coût du porc, les agriculteurs ne seront pas en mesure de faire des contributions supplémentaires...
Nous ne voulons certes pas vous effrayer en citant un chiffre et en revenant nécessairement au moment de la création du compte de stabilisation. Si vous apportez ce changement maintenant pour que nous puissions procéder de cette façon à l'avenir et déduire de l'impôt les contributions, nous serions satisfaits.
Le président: Monsieur Discepola.
M. Nick Discepola (Vaudreuil—Soulanges, Lib.): Merci, monsieur le président.
J'apprécie vos commentaires de façon générale, mais je vous demanderais d'être précis car le rôle de notre comité est d'écouter les Canadiens et de faire des recommandations précises au ministre des Finances.
Aucun d'entre vous n'a parlé de ce que nous allions faire de l'excédent. Encore une fois, je tiens à faire une mise en garde. Cet excédent peut disparaître très rapidement. Prenons seulement l'indemnisation des victimes de l'hépatite C, le paiement pour la parité salariale et les investissements dans les soins de santé, et déjà l'excédent disparaît. Par conséquent, lorsque les gens viennent ici pour nous dire qu'ils souhaitent que nous dépensions...
Je voudrais vous poser à tous les deux deux questions. Premièrement, pourquoi n'avez-vous pas recommandé que nous réinvestissions dans la réduction de notre dette? Selon les principes de base de l'entrepreneuriat, dès que l'on a quelque revenu, la première chose à faire est de réduire sa dette car c'est le meilleur investissement possible. En l'occurrence, si nous pouvions réduire notre dette dÂun milliard, nous gagnerions de façon périodique, année après année, plus de 100 millions de dollars que nous pourrions alors dépenser selon notre bon jugement.
Ma deuxième question s'adresse à M. Bulmer. J'aimerais que vous soyez plus précis lorsque vous recommandez une «réduction d'impôt». Devrions-nous cibler les petites entreprises, les grandes sociétés? Devrions-nous opter pour une réduction d'impôt généralisée ou nous concentrer dans certains domaines, comme une baisse de l'impôt personnel?
M. Jack Wilkinson: Pour être franc, notre exposé comporte des recommandations très claires sur ce qu'il convient de faire avec l'excédent. Par conséquent, je ne suis pas d'accord lorsque vous dites que nous ne proposons pas de recommandations précises en ce qui a trait...
M. Nick Discepola: Je parlais de la dette.
M. Jack Wilkinson: D'accord. Vous posiez deux questions. Vous voulez savoir ce que nous devrions faire avec l'excédent? Nous avons des recommandations très claires sur l'opportunité de réinvestir dans diverses initiatives—et je crois que cela figure ici—allant d'un programme écologique à des changements au régime de soutien du revenu agricole...
M. Nick Discepola: Permettez-moi d'être plus précis. Je voulais savoir pourquoi vous n'avez pas accordé la priorité à la réduction de la dette. Aucun d'entre vous n'en a parlé.
M. Jack Wilkinson: La raison pour laquelle nous n'avons pas accordé la priorité à la réduction de la dette est simple. En tant que chef de petite entreprise je suis tout à fait d'accord avec vous et c'est pourquoi pendant dix ans nous avons réduit notre dette et que maintenant notre exploitation agricole est payée. C'est une priorité absolue si l'on veut réduire ses dépenses.
M. Nick Discepola: Cela devrait-il être une priorité pour notre gouvernement?
M. Jack Wilkinson: Une seconde, laissez-moi répondre à la question, je vous prie.
Il est très difficile pour quelqu'un qui meure de faim de prendre le peu d'argent qu'il a en réserve et de le remettre à son banquier. Bien des gens s'arrêtent à l'épicerie sur le chemin de la banque parce qu'ils préfèrent manger en premier.
Ce que nous essayons encore et toujours de vous faire comprendre c'est que compte tenu des coupures et réductions draconiennes pratiquées dans les dépenses agricoles et dans d'autres dépenses liées à l'agriculture, nous considérons qu'il est impératif d'équilibrer le budget. L'étape suivante consiste à réinvestir en raison du cycle actuel des prix que nous traversons maintenant. Si nous étions dans un cycle comme celui d'il y a deux ans, par exemple, et que les revenus agricoles s'établissaient autour des cinq milliards de dollars, il aurait été fort possible que nous fassions les recommandations que vous suggérez. Mais étant donné que les revenus agricoles...
M. Nick Discepola: Autrement dit, la réduction de la dette n'est pas une priorité pour votre secteur à ce stade-ci.
M. Jack Wilkinson: Notre message est très clairement ce que je viens d'exprimer. Les revenus agricoles sont tellement bas à l'heure actuelle que le réinvestissement dans le filet de sécurité et dans certaines mesures environnementales constitue la priorité que nous suggérons au comité permanent cette année, et il y a toute une gamme d'autres recommandations connexes.
Le président: Merci, monsieur Wilkinson. Monsieur Bulmer.
M. Ronald Bulmer: Nous pensons que la réduction des impôts... et c'est pourquoi nous avons écrit en réponse à la question concernant l'affectation du dividende budgétaire. Ce que nous disons, c'est que du point de vue de la région de l'Atlantique et des pêcheurs de l'Atlantique, ce qu'il faut c'est un dividende budgétaire moindre, en enlevant moins d'argent aux gens et aux entreprises pour qu'ils puissent diversifier et créer d'autres genres d'emplois dans la région. Si vous ne le faites pas, l'excédent de main-d'oeuvre qui poirote grâce aux quelque quatre milliards de dollars du gouvernement depuis six ans... c'est fini. Il va donc y avoir un autre exode massif ou une avalanche d'assistés sociaux si on n'arrive pas à stimuler l'économie de l'Atlantique et à donner à ces gens-là un autre emploi.
Pour le budget de 1999, je dirais que percevoir moins d'argent et en laisser davantage entre les mains des habitants de la région de l'Atlantique pour qu'ils puissent bâtir une économie régionale serait plus important pour mes membres qu'une réduction générale du déficit.
Le président: Merci, monsieur Bulmer. Monsieur Riis.
M. Nelson Riis (Kamloops, Thompson et Highland Valleys, NPD): Merci, monsieur le président.
Messieurs, vos exposés de ce matin donnent à réfléchir. Je pense en particulier à la tendance dans le secteur agricole et dans celui des pêches. La situation me paraît bien ténébreuse. J'ai une question de nature générale puis deux ou trois plus précises.
Vous avez parlé de la contraction des marchés étrangers, asiatiques en particulier, et de ses répercussions sur vos secteurs à tous les deux. Pourriez-vous nous parler des pays qui ne sont normalement pas nos concurrents directs et avec lesquels il faut aujourd'hui rivaliser?
Je m'adresse à vous, monsieur Wilkinson. Vous représentez 200 000 agriculteurs. Combien d'entre eux sont constitués en sociétés? Quel pourcentage d'entre eux dépendent de revenus d'appoint? Grosso modo. Vous avez aussi parlé de la Loi sur la protection des espèces en péril. C'est quelque chose qui préoccupe aussi les agriculteurs. D'après vos renseignements, la nouvelle loi prévoira-t-elle des indemnités?
M. Jack Wilkinson: Pour ce qui est de nouveaux concurrents, chacun se préparait à augmenter ses exportations en Asie: l'Amérique du Sud, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, les États-Unis, les Antilles. Vu la croissance dans ces pays, les gens augmentaient leur production pour conquérir ce marché. L'effondrement du pouvoir d'achat de ce marché a fait baisser les cours.
• 1040
Par exemple, l'Australie exportait du bétail sur pied—700 000
têtes par année—pour être transformé en Malaisie. À cause de la
crise en Malaisie, le chiffre est passé à zéro en un mois. Voilà le
cas d'un seul pays qui a cessé d'acheter, et à cause de cela, il
faut trouver un autre marché pour 700 000 têtes de bétail. C'est la
même chose ici. La situation est dure. L'Argentine a augmenté sa
production. Beaucoup de pays avaient augmenté leur production pour
stimuler l'emploi et améliorer le revenu des agriculteurs. Mais ils
se sont aperçus que tout le monde cherche à conquérir le même
marché. Avec son effondrement, nous nous sommes tous mis à chercher
ailleurs dans le monde où nos produits pourraient trouver preneurs.
On se met à consentir des remises, ce qui fait chuter les cours et
vous voyez où ça mène. C'est donc un gros problème.
En ce qui concerne le nombre de nos membres qui se sont constitués en sociétés, je ne peux pas vous donner le chiffre pour la simple raison qu'il y a 19 personnes sur notre conseil d'administration et le simple agriculteur est un membre direct pour eux. Je ne saurais vous dire à brûle-pourpoint quel est le pourcentage; je pourrais seulement me servir des chiffres de Statistique Canada et supposer que nos 200 000 membres sont un sous-échantillon des 280 000 fermes recensées.
Comme vous le savez, pour un nombre considérable d'agriculteurs, l'argent gagné à l'extérieur de l'entreprise agricole représente une part importante du revenu de leur famille. Cela s'explique tout simplement par le fait que les investissements en agriculture n'ont pas un rendement intéressant, certains diraient même qu'ils ont un rendement pitoyable. Nous avons donc provoqué une diminution des petites et moyennes exploitations agricoles et celles-ci, pour survivre, doivent être situées près des zones urbaines, exploiter des marchés de créneau, avoir divers types de production, etc. Quant aux grandes exploitations agricoles, on a assisté à une augmentation énorme des volumes qu'elles doivent produire constamment pour obtenir un revenu raisonnable.
Nous pourrons obtenir la ventilation de ces chiffres auprès de Statistique Canada et les faire parvenir à votre bureau très rapidement. Je ne les ai pas avec moi, et ce ne serait qu'un échantillonnage de l'autre.
Je dois dire que malheureusement, la mesure législative sur les espèces en péril ne comprendra pas de mécanisme d'indemnisation. Nous ne possédons pas de renseignements privilégiés à ce sujet, mais Sally Rutherford, qui est notre directrice exécutive, a assisté à bon nombre de ces réunions. La semaine dernière encore, elle s'est montrée très pessimiste quant au régime d'indemnisation qui était offert, et j'en suis déçu.
Les gens attendent trop des agriculteurs. Par exemple, en conduisant ma voiture pour venir ici à 2 heures du matin, j'ai eu l'occasion d'entendre toutes les nouvelles internationales de Radio-Canada et j'ai appris les dernières nouvelles. Les ministres de l'Agriculture de l'Union européenne se réunissent actuellement en Autriche. Ils discutent de la nécessité de verser aux producteurs agricoles des paiements qui vont au-delà de la production alimentaire. Pour les Européens, les agriculteurs ne s'occupent pas seulement de production alimentaire et il faudra leur verser de l'argent si l'on veut qu'ils s'occupent de l'environnement, s'ils doivent respecter des exigences en matière d'habitat et toutes ces sortes de choses. Il faut leur donner davantage que les 10,9 de revenus nets disponibles. Le Canada est le pays du monde où les agriculteurs sont le plus mal payés pour les aliments qu'ils produisent.
J'espère que toutes ces mesures ne sont pas déjà adoptées. Beaucoup de gens encore aimeraient exprimer que, dans tous ces domaines supplémentaires, il faut trouver le moyen de compenser pour les effets que toutes ces choses-là ont sur l'exploitation d'une entreprise agricole. Nous ne refuserons pas d'être de bons citoyens et de prendre les mesures qui s'imposent, mais il y a une limite à ce qu'une entreprise commerciale peut faire du point de vue social tout en payant les coûts les uns après les autres. Une chose est sûre, en tout cas, les consommateurs ne payent pas les coûts de ces choses-là à l'épicerie.
M. Ronald Bulmer: Monsieur le président, j'aimerais faire écho à presque tout ce qu'a dit mon collègue. Comme je l'ai déjà dit, nous dépendons beaucoup des marchés asiatiques pour la vente de bon nombre de nos produits, en bonne partie ou en totalité. La valeur du dollar canadien a diminué comparativement à celle du yen au cours des derniers mois, de 14 ou 15 p. 100, mais la valeur du dollar australien a diminué encore davantage, ce qui donne aux Australiens un avantage sur le plan des cours. Dans les marchés australiens et les marchés intermédiaires, comme ceux de la Malaisie et du Vietnam, ainsi que chez tous les grands producteurs, on est prêt à exporter à tout prix simplement pour mettre la main sur des devises fortes.
• 1045
Les Russes, par exemple, sont de très grands producteurs de
fruits de mer. Auparavant, ces produits demeuraient sur le marché
intérieur et les Russes les consommaient. À l'heure actuelle, les
Russes vendent des contingents de pêche dans leurs eaux à d'autres
flottilles parce qu'ils ont besoin de devises fortes. Les produits
qui étaient auparavant consommés dans un foyer à Murmansk, se
trouveront dans les mois à venir sur les marchés de Tokyo ou de
New-York.
Ma liste est à peu près la même que celle de mon collègue. Les choses vont mal et elles vont en empirant pour les industries du secteur primaire, surtout celles qui dépendent des marchés asiatiques. Nos ventes augmentent dans ces marchés parce que la classe moyenne prend de l'ampleur en Corée et à Taïwan. C'est cette même classe moyenne qui se trouve à court d'argent actuellement à cause des difficultés que connaissent les systèmes bancaires et de la réduction de leurs investissements, entre autres. Ceux qui achetaient auparavant un homard de l'Île-du-Prince-Édouard se contentent probablement maintenant d'un poisson quelconque et d'un bol de riz. C'est tout un pan de la demande qui s'effondre.
C'est pour cela que notre industrie ne réclame pas des tas de programmes d'appui ou d'autres choses de ce genre. Ce que nous disons, c'est que nous devrons avoir des opérations plus rentables. Cela signifie deux choses. Premièrement, le gouvernement doit cesser de nous refiler allègrement ses frais à lui parce qu'il y voit un bon moyen de conserver un beau gros ministère. Deuxièmement, si nous voulons être plus rentables, nous ne pourrons commencer à recruter, surtout si la main-d'oeuvre coûte cher.
Voilà comment sont les choses. J'essaie simplement d'expliquer au comité la réalité du monde des pêches pour 1999 et peut-être aussi pour les trois ou quatre prochaines années.
Le président: Merci, monsieur Bulmer. Monsieur Brison.
M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Merci, monsieur le président.
Tout d'abord, je vous signale que je représente la circonscription de Kings—Hants, qui inclut la vallée d'Annapolis, en Nouvelle-Écosse. C'est de cette région que vient la moitié de la production agricole de la province, production qui est en fait supérieure à toute la production agricole de l'Île-du-Prince-Édouard. L'agriculture est donc très importante pour les gens de ma circonscription.
En outre, nous avons connu depuis deux ans les pires sécheresses des 100 dernières années. Avant de m'engager en politique, j'étais homme d'affaires. Je dois avouer que je ne comprenais pas les difficultés des agriculteurs. J'ai été élu au début de l'été qui a connu la pire sécheresse des 100 dernières années et, après une deuxième année de sécheresse, je connais maintenant à fond ces programmes.
Dans le cas du CSRN, il me semble extrêmement déraisonnable de croire que chaque agriculteur peut contribuer à ce programme, surtout après deux années de mauvaises récoltes. Il est à peu près impossible à l'agriculteur de profiter de ce programme si les programmes provinciaux ont eu pour effet de faciliter l'endettement des exploitants agricoles. Même si le gouvernement se fait le champion de la réduction de la dette et du déficit, on constate de plus en plus que l'endettement de chaque agriculteur, et même de tout le secteur agricole, augmente considérablement.
Tout d'abord, est-ce une vue exacte des choses?
Nous devons donc nous demander si nous tenons à un secteur agroalimentaire dans notre pays et quel prix nous sommes prêts à payer pour l'avoir. Ce serait à mon avis très naïf et de très courte vue que de penser qu'il s'agit d'un secteur comme tous les autres que nous pouvons laisser à un autre pays, sans qu'il y ait des ramifications à cela.
J'ai également une question pour vous en ce qui concerne le rétablissement du financement public de la recherche et le projet des centres d'excellence, surtout pour les fructiculteurs. Il y a dans la vallée de l'Okanagan un centre d'excellence qui fait la recherche pour tout le pays. La vallée de l'Okanagan est pourtant bien différente de la vallée d'Annapolis, et si l'on se sert de la distance pour calculer les coûts des télécommunications, je ne vois pas en quoi il est plus rentable de concentrer la recherche en un seul point géographique.
Les programmes actuels de sécurité du revenu ne répondent pas aux besoins des producteurs. Avez-vous un plan holistique beaucoup plus détaillé que ce que vous nous avez fourni qui puisse nous donner une idée des types de programmes de sécurité du revenu que vous pourriez nous recommander?
M. Jack Wilkinson: Oui, nous pouvons en tout cas vous fournir de plus amples détails.
Les agriculteurs ne s'attendaient pas au CSRN. En fait, lorsque le dernier protocole d'entente a été signé, ce programme avait un degré de priorité assez faible, mais il présentait certains avantages compte tenu des pressions commerciales pour que les programmes ne soient pas liés à la production de denrées particulières et en raison des revenus qui peuvent en être tirés. Nous étions d'avis que le CSRN présentait certains avantages—et dans le cas de certaines denrées, ces avantages étaient assez considérables—car ils aidaient entre autres à pondérer le cycle normal des prix qu'obtiennent les agriculteurs.
Ce n'est pas une mauvaise idée de cotiser un peu au programme pendant les années de vaches grasses, avec une contribution égale de la part du gouvernement, pour pouvoir en profiter pendant les années de vaches maigres. Cela permet de contrebalancer certaines des pertes que nous avons essuyées, en raison, entre autres, de l'abolition des dispositions d'étalement sur les années suivantes qui faisaient partie du mécanisme d'étalement en bloc si utile aux agriculteurs. Lorsque de telles mesures ont été abolies des régimes fiscaux, le CSRN a aidé à amortir le coût et donné la possibilité de procéder à un certain étalement des revenus.
Mais ce n'était qu'un des éléments d'un programme et nous avons toujours dit que si nous avons à la fois l'assurance-récolte et un programme d'aide en cas de catastrophe naturelle, nous disposerons de quelque chose de plus raisonnable, en sachant parfaitement que le régime d'assurance-récolte ne fonctionne pas bien pour certaines denrées. Dans les Maritimes il y a évidemment un certain nombre de denrées qui entrent dans cette catégorie étant donné les petites superficies et les coûts d'administration. En fait, dans les Maritimes, il y a certaines denrées pour lesquelles la protection est très faible et, en tant qu'organisation nationale, nous savons parfaitement que le système présente certaines lacunes.
Nous avons soutenu la fédération de Nouvelle-Écosse qui, l'année dernière, a tenté d'obtenir un programme d'aide pour les victimes de catastrophes naturelles et qui s'est rendu compte que certains fonctionnaires provinciaux avaient dépensé tout l'argent et qu'il n'y en avait plus pour aider les agriculteurs. Il y avait de l'argent pour les chercheurs, mais pas pour soutenir le revenu des agriculteurs. Nous travaillons très fort pour mettre en place un programme d'aide qui interviendrait en cas de sécheresse ou d'autres calamités entraînant une perte de revenu. Si nous pouvons mettre en place ce genre de programme, cela nous sera très utile pour faire face à un effondrement des prix ou à la sécheresse.
Pour ce qui est des domaines d'excellence, c'est une bonne politique en général. Cela peut s'adapter beaucoup plus facilement à certains produits. Par exemple, pour ce qui est de la production laitière, la volaille et d'autres denrées, il est avantageux de réunir une masse critique de chercheurs. Il n'est sans doute pas aussi efficace de les éparpiller aux quatre coins du pays que de les réunir au même endroit.
Je suis d'accord avec vous lorsque vous dites que, dans le domaine de l'horticulture et des fruits tendres, il faut se garder d'oublier les énormes disparités régionales en ce qui concerne les types de sol, les microclimats et les marchés. Dans ce domaine, il ne serait pas logique de minimiser la recherche et de la disperser. Une certaine masse critique est importante pour tout centre de recherche si l'on veut que les gens travaillent ensemble, mais je peux comprendre votre point de vue. Il faut être très prudent en ce qui concerne l'horticulture étant donné qu'il y a d'énormes variations.
M. Scott Brison: Il est très important que vous soyez ici, au comité, car il faut que ceux qui ne sont pas en contact direct avec l'agriculture de façon régulière reconnaissent que les producteurs agricoles du pays ne sont pas subventionnés à l'excès. En fait, dans le contexte mondial, ils sont sous-subventionnés, si vous voulez, alors que nous profitons de produits alimentaires à très bas prix, comme M. Pillitteri l'a mentionné tout à l'heure. Pour une fois, je suis d'accord avec lui. Les idéologues pourront invoquer Adam Smith tant qu'ils le voudront, mais le fait est que, dans un contexte mondial, l'industrie agricole du Canada est menacée.
M. Jack Wilkinson: Elle est très concurrentielle. Selon une étude du Département de l'agriculture des États-Unis sur le revenu disponible net dans les capitales du monde entier, Ottawa est celle où les coûts représentent le pourcentage du revenu disponible net le plus bas. C'est même nettement en dessous des coûts à Washington. Et nous nous classons presque au dernier rang des pays de l'OCDE pour ce qui est du soutien aux producteurs. Les producteurs sont donc doublement lésés, ce qui a entraîné cette croissance massive de la taille des exploitations agricoles familiales.
L'endettement des agriculteurs atteint un niveau record et c'est attribuable, dans une large mesure, au fait que ces derniers ont dû se contenter de très faibles marges bénéficiaires pendant des années. La seule façon de s'assurer un revenu raisonnable par rapport aux autres secteurs de la société est d'accroître largement sa production d'une année à l'autre.
• 1055
Si vous devez payer une nouvelle moissonneuse-batteuse
250 000 $—car c'est ce que cela coûte—, il vous faut une grosse
superficie. Vous avez besoin de cette machine pour être
suffisamment équipé et vous avez toute une liste de dépenses de ce
genre.
Comme vous l'avez également dit, notre endettement est sans précédent, d'où l'importance pour nous de la fluctuation des taux d'intérêt.
M. Scott Brison: J'ai une question pour vous deux sur le recouvrement des coûts et le fardeau de la réglementation. Je crois que toute cette question du fardeau de la réglementation a été abordée d'une manière beaucoup plus globale aux États-Unis qu'au Canada.
Avez-vous entendu parler de cette initiative budgétaire concernant la réglementation aux États-Unis selon laquelle, pour chaque règlement, le Congrès évalue son coût d'application, d'exécution et, ce qui est peut-être le plus important, son coût d'observation? Généralement c'est le coût que le gouvernement ignore. Dans les programmes de recouvrement des coûts, ce peut être le coût le plus important.
Quoi qu'il en soit, il y a un budget de la réglementation ou une tentative de budget de la réglementation qui permet de déterminer le coût de chaque règlement. Ensuite, il y a une analyse de risques faite par un tiers indépendant qui calcule le coût contre lequel la société est protégée et le compare au coût de l'investissement. Il n'en résulte pas nécessairement le rejet de certains de ces règlements, mais une telle façon de procéder permet d'avoir, ou permettrait d'avoir dans notre cas, pour le Parlement, une série de données pour alimenter concrètement le débat sur les mesures législatives ou les règlements proposés par le gouvernement. Il y a aussi des articles de caducité portant obligation d'évaluation après un certain temps.
Que penseriez-vous d'un budget de réglementation de ce genre au Canada?
M. Jack Wilkinson: J'en connais le principe mais je n'en connais pas suffisamment les détails pour qu'une organisation comme la mienne le recommande automatiquement. Quand vous parlez du coût d'application des règlements et de l'obligation pour le gouvernement de le dévoiler avant toute décision, j'ai l'impression d'entendre un des orateurs qui prendra la parole tout à l'heure pendant la manifestation contre le contrôle des armes à feu.
Permettez-moi de vous donner un exemple spécifique à l'agriculture. L'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, par exemple, coûte au Canada environ 24 à 25 millions de dollars. Elle emploie environ 320 personnes. Quand nous faisons la comparaison avec des pays comme le nôtre, par exemple l'Australie, qui est seulement légèrement plus petite que nous en termes d'intrants agricoles, son agence coûte environ 9 millions de dollars car ils ont décidé en fait d'avoir un débat beaucoup plus ouvert sur ce que leur secteur agricole, de taille moyenne, peut s'offrir. Comment peut-on quand même dans de telles circonstances protéger la santé des consommateurs? Peut-on trouver des moyens de rationaliser et d'harmoniser la collecte de données, etc., sans mettre en danger les consommateurs tout en créant un environnement dans lequel les producteurs continuent d'avoir les moyens d'assumer leur juste part du recouvrement des coûts?
Je reconnais que dans beaucoup de secteurs au Canada, comme Ron en a parlé tout à l'heure, nous nous sommes délestés d'une partie de certains coûts sans en débattre à fond la nécessité, sans déterminer si c'était vraiment pour le bien public ou pour des intérêts privés. Il faut aussi se demander: pouvons-nous honnêtement les faire assumer par un secteur au risque de lui faire perdre sa compétitivité?
Je crois que le Conseil du Trésor craignait que ce serait plus souvent le cas. L'analyse est loin d'être suffisamment complète pour faire des recommandations. À notre avis, tous les ministères concernés devraient procéder à cet exercice, déterminer chaque fois qu'il y a recouvrement des coûts dans quel secteur il est nécessaire de réinvestir, fonctionner sur des bases différentes et ne pas automatiquement imposer aujourd'hui 20 p. 100 puis 30 p. 100 l'année suivante sans la flexibilité nécessaire pour changer le système au besoin.
Je trouve déconcertant d'entendre les groupes de consommateurs critiquer en permanence l'immixtion du secteur privé dans le système de réglementation parce qu'elle mettrait la chaîne alimentaire en danger, alors qu'en fait c'est le gouvernement qui en modifiant les programmes de recouvrement des coûts a insisté sur notre participation pour que nous assumions notre part. Chaque fois que nous suggérons une rationalisation du système de réglementation pour le rendre plus rentable tout en continuant à protéger la santé des consommateurs, d'aucuns crient au renard dans le poulailler.
Par le biais de leurs organisations, il va falloir que les consommateurs décident s'ils veulent que le gouvernement continue à se charger de la réglementation, à leurs frais, directement, ou indirectement sous forme de taxes. Il faudra alors qu'ils nous permettent d'intervenir pour rationaliser le système afin que nous n'y laissions pas nos entreprises.
Le président: Monsieur Bulmer.
M. Ronald Bulmer: Je serai bref et je me contenterai de dire que ce problème devenant de plus en plus sérieux, notre industrie appuiera toute initiative associant une quelconque analyse du coût de la réglementation. Il y a actuellement un énorme gouffre dans lequel s'abîme toutes sortes de règlements sans que personne ne se pose de questions sur leurs coûts ni sur les destinataires de la facture.
Le président: Merci, monsieur Bulmer.
Les deux derniers intervenants seront M. Epp et M. Valeri.
M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Merci.
J'ai trois toutes petites questions. J'aimerais que vous soyez le plus bref possible pour pouvoir répondre aux trois. Elles s'adressent à M. Wilkinson.
J'ai été surpris de ne pas vous entendre dire un mot sur l'étalement des revenus aux fins de l'impôt étant donné qu'en agriculture tout particulièrement on peut très bien avoir un excellent revenu une année suivi d'une ou deux années sans revenus, voire de pertes. Il me semble qu'un étalement à plus long terme des revenus pourrait s'avérer fort utile. Vous n'en avez pas parlé. Pourquoi?
M. Jack Wilkinson: Il y une limite au nombre de sujets que nous pouvons aborder dans un exposé de ce genre, exposé déjà suffisamment long. Mais c'est la raison pour laquelle on constate ces changements énormes dans les ajustements d'inventaire qu'on trouve aujourd'hui dans tous les chiffres agricoles. À cause de pertes au niveau de l'étalement en bloc, les agriculteurs font de plus en plus appel au CSRN et au changement d'inventaire pour solutionner le problème.
Bien entendu, nous aimerions que tous ces problèmes soient réglés, mais comme je viens de vous le dire, il y a des limites aux sujets que l'on peut aborder dans un témoignage de ce genre.
M. Ken Epp: Mais vous y seriez favorables?
M. Jack Wilkinson: Oui.
M. Ken Epp: Votre réponse à ma deuxième question peut être très brève: quel est l'impact de la TPS sur votre industrie?
M. Jack Wilkinson: Dans une grande mesure, c'est un problème de comptabilité qui a une incidence sur nos liquidités disponibles. Sur une base trimestrielle, au minimum, la majorité des agriculteurs dignes de ce nom réclament leur remboursement pour en être débarrassés mais cette comptabilité représente un coût supplémentaire qui vient grever aussi vos liquidités disponibles. C'est un manque qui représente un coût permanent dans votre système. Il y a aussi un nombre non négligeable de petits exploitants qui ne tiennent pas une comptabilité aussi précise et la conséquence est une augmentation supplémentaire directe de 7 p. 100 de leurs frais d'exploitation. Mais comme je viens de le dire, pour les grosses et moyennes exploitations, c'est un fardeau administratif et un manque de liquidités tant qu'elles n'ont pas reçu leur remboursement.
M. Ken Epp: Troisièmement, j'ai toujours personnellement préconisé le partage du revenu, surtout lorsqu'il s'agit d'exploitations agricoles familiales où il y a en vérité deux personnes, parfois plus, qui gagnent un revenu. Dans beaucoup d'exploitations familiales, le mari et la femme travaillent ensemble avec l'aide des enfants. J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Est-ce que cela vous aiderait au niveau de la charge fiscale? Aussi pour ce qui est de la possibilité que les deux, dans ce que vous proposez, puissent séparément cotiser à un REER, ce qui leur permettrait de mettre à l'abri du fisc un peu plus de 30 000 $ par an.
M. Jack Wilkinson: Le seul problème est qu'il faut déjà gagner une certaine somme d'argent avant de pouvoir mettre de côté 30 000 $, puisque c'est fonction du pourcentage...
M. Ken Epp: Je parle des bonnes années.
M. Jack Wilkinson: Plus sérieusement, le partage du revenu devient un problème quand il s'agit d'exploitations qui, plus souvent autrefois qu'aujourd'hui, sont au nom du mari parce que c'était les hommes qui achetaient l'entreprise à leurs parents, etc. Le bien étant inscrit à leur nom aux fins de l'impôt, la Loi de l'impôt sur le revenu rend très difficile de procéder à ce partage du revenu.
Ceux pour lesquels cela représente un avantage considérable se sont soit constitués en associés ou en sociétés afin de répondre aux exigences du fisc. Dans l'exemple que je vous ai donné tout à l'heure, si ma femme détient 50 p. 100 des actions de la ferme, et c'est d'ailleurs le cas, remplir une déclaration commune et partager le revenu de l'exploitation ne posent pas de problème alors que s'il y avait un seul propriétaire, cela causerait un problème majeur.
Une modification de la Loi de l'impôt à ce niveau serait fort utile car se constituer en société pour ce seul avantage coûte cher à cause des frais fiscaux supplémentaires au niveau de la comptabilité.
M. Ken Epp: Merci.
Le président: Monsieur Valeri.
M. Tony Valeri (Stoney Creek, Lib.): Merci, monsieur le président.
Monsieur Bulmer, j'aimerais simplement revenir sur un ou deux points qui se trouvaient dans votre déposition. Vous avez surtout parlé de l'économie de la région de l'Atlantique et vous avez dit combien les réductions d'impôt aideraient l'économie de cette région et permettraient peut-être aussi de freiner l'exode des cerveaux, autre gros problème. Vous avez ensuite parlé de l'assurance-emploi et de l'excédent de 17 milliards de dollars dans la caisse.
Je crois que vous savez ou que vous vous souviendrez peut-être qu'en 1986, le vérificateur général avait indiqué au gouvernement de l'époque qu'il sous-estimait son déficit d'environ 6 milliards de dollars. Il avait demandé au gouvernement conservateur de l'époque d'inscrire le contenu de la caisse d'assurance-emploi dans les revenus consolidés et de l'ajouter au déficit cumulé puisque éventuellement le gouvernement serait tenu pour responsable du déficit se trouvant dans le compte de l'assurance-emploi.
Vous dites que la réduction du compte de l'assurance-emploi pourrait être une solution pour réduire les impôts.
Je crois qu'en fait c'est une position que je veux énoncer. Pour commencer, quand je parle aux chefs d'entreprise et aux compagnies, ils me disent pour l'essentiel qu'ils embauchent du personnel quand ils en ont besoin et qu'en fin de compte, la cotisation d'assurance-emploi n'est pas le véritable facteur qui les convainc d'embaucher ou de ne pas embaucher. Ce sont en réalité les conditions sur le marché et s'ils ont besoin de quelqu'un, ils embauchent pour répondre à la demande.
Les politiciens et les gouvernements aimeraient jouer les messies pour tout le monde. Les gouvernements dans le passé ont essayé de jouer les messies, et nous en subissons les conséquences aujourd'hui. Notre gouvernement a essayé de faire certains choix, a fixé certaines priorités et pris des décisions qui sont le reflet de ces priorités.
Dans un monde où tout se négocie, j'aimerais que vous répondiez à la question suivante. Entre réduire l'impôt sur le revenu des particuliers, qui concernerait quelque 14 millions de Canadiens et toucherait également les travailleurs indépendants et les retraités, et une réduction des cotisations d'assurance-chômage, une réduction de 5c. pour une valeur de 350 millions de dollars, que choisiriez-vous?
M. Ronald Bulmer: Je crois que je commencerais par la réduction des cotisations d'assurance-emploi, car à mon avis, c'est un impôt plus caché qui restreint l'emploi. Vous avez peut-être parlé à des chefs d'entreprise qui disent le contraire, mais il y en a d'autres, tout du moins dans mon secteur, qui font le raisonnement exactement contraire et qui font tout pour éviter d'embaucher. Les prélèvements obligatoires sont un facteur très négatif au niveau de l'emploi.
Si vous deviez faire un choix, entre les deux, et si vous me forciez de le faire à votre place, je dirais qu'il est important de bien comprendre que l'assurance-emploi a une incidence sur tous les employeurs du pays et que c'est là la première étape, et ensuite, s'il reste de l'argent, selon jusqu'où on veut aller, on pourrait réduire les impôts.
Toutefois, dans de nombreux cas, il faudra une économie nationale plus forte. Si l'on continue avec les automobiles et les ventes de poisson et les ventes d'aliments et que sais-je, je pense que cela ira mal du côté exportation de notre balance commerciale. Il faut, comme point de départ, une économie nationale forte.
M. Tony Valeri: Je veux bien comprendre, monsieur Bulmer: vous préconisez une réduction d'impôt qui toucherait huit millions de personnes plutôt qu'une réduction d'impôt qui en toucherait 14 millions et vous préconisez une réduction d'impôt qui n'aura essentiellement aucune incidence sur les Canadiens qui travaillent à leur compte et les personnes à la retraite. Essentiellement, vous préconisez une réduction d'impôt qui profitera plus aux employeurs qu'aux Canadiens dans leur ensemble.
Je veux simplement m'assurer que je comprends ce que vous préconisez.
M. Ronald Bulmer: Oui. Je travaille pour une industrie de fabrication qui emploie des travailleurs et qui tente d'exploiter des usines. Voilà pourquoi je présente cette recommandation.
M. Tony Valeri: Vu la position que vous venez d'afficher, vous ne serez pas trop surpris si en fait les politiciens, pour leur part, proposent une réduction d'impôt qui profitera au plus grand nombre de Canadiens puisque essentiellement, nous travaillons pour l'ensemble des Canadiens et non pas pour les fabricants ou les employeurs.
M. Ronald Bulmer: Après 21 ans, rien ne me surprend des politiciens.
Des voix: Oh, oh.
M. Tony Valeri: Je dois également vous dire...
M. Ronald Bulmer: Écoutez, si vous pensez que l'incidence sur l'économie canadienne représente 100 $ pour 24 millions de personnes et si vous pensez qu'il est préférable pour l'économie de réduire les charges sociales que versent les employeurs de 8 millions de travailleurs, je n'ai aucune difficulté à l'accepter. Je dis simplement que vous devez fonder votre jugement là-dessus et non pas sur ce qu'il faut faire pour appuyer une industrie sociale quelconque dans une localité en particulier, sans vous préoccuper de l'ensemble des Canadiens.
• 1110
Si, en dernière analyse, comme comité permanent, c'est votre
recommandation sur ce qui est bon pour le Canada, alors je vous
appuierai.
M. Tony Valeri: Je ne sais pas au juste d'où vient cette dernière remarque, car nulle part dans ce que j'ai dit ai-je parlé du financement de quelque programme social. Ce que je vous ai demandé, c'est essentiellement, dans un monde où il faut faire des choix, quel choix préconisez-vous?
M. Ronald Bulmer: Permettez-moi d'expliquer. Nous sommes une industrie qu'on a utilisée dans la région de l'Atlantique pour créer des emplois à tout prix aux dépens du rapport coût-efficience. S'il y a des pressions sur les stocks de poisson, si 30 000 personnes attendent des chèques du gouvernement, et si la capacité est de 50 p. 100 supérieure à ce qu'elle devrait être et si 50 p. 100 des usines sont excédentaires, c'est parce que les gouvernements ont considéré que c'était une industrie à manipuler afin de créer artificiellement certaines choses et de garder des gens sur place.
Tout ce que nous disons, c'est que nous nous retrouvons dans les années 90 dans une économie qui ne peut ni soutenir l'infrastructure ni les habitants, et maintenant, nous avons des produits qui ne sauraient être rentables et compétitifs sur les marchés d'exportation. C'est pourquoi nous pensons qu'il faut un changement de direction important et réel. Toutefois, je n'ai pas d'analyse qui me démontre qu'il est préférable pour le Canada d'adopter une voie plutôt qu'une autre.
M. Tony Valeri: Non, je comprends, et c'est pourquoi je tente de vous donner quelques faits pertinents au sujet des deux options.
Malheureusement, essentiellement, nous vivons dans un monde de compromis. Nous devons décider et nous avons l'intérêt des Canadiens à coeur. Essentiellement, c'est la raison d'être de ce comité. C'est pourquoi nous demandons à des personnes telles que vous-même de venir dialoguer avec nous. Merci.
M. Ronald Bulmer: J'essaie de faire quelque chose pour une région donnée et ses habitants et je me retrouve d'un côté de l'équation. Si vous prenez l'ensemble du pays, vous risquez de vous retrouver de l'autre côté à cause d'une augmentation des dépenses en Ontario, par exemple, dans l'éventualité d'une réduction générale des impôts.
M. Tony Valeri: Ce n'est pas vraiment le cas. D'après votre exposé, vous réclamez des réductions d'impôt pour la région de l'Atlantique. C'est pourquoi je vous pose la question.
M. Ronald Bulmer: Bien sûr, je suis comme Jack. S'il y en a assez pour tout le monde, c'est merveilleux. Ensuite on pourra améliorer les soins de santé et tout le reste aussi. Mais nous savons qu'au bout du compte il faut aller le plus loin possible dans la liste et c'est là où on en est, si l'on ne veut pas emprunter davantage et alourdir la dette, parce que nous savons que c'est cela qui nous a mis dans le pétrin.
M. Tony Valeri: Tout à fait. Merci.
Le président: Je voudrais poser une question. Vous venez de parler de la dette. Prenez le cas des agriculteurs, des pêcheurs ou des consommateurs, chacun fait état des besoins de son groupe. Puis il y a la question de l'endettement qui s'applique à toute notre économie. La volatilité des marchés mondiaux ne vous a sans doute pas échappé. Nous en avons tous été témoins. Nous comprenons aussi tous le lien entre la réduction de la dette et la baisse des taux d'intérêt. Nous savons aussi ce que les faibles taux d'intérêt signifient pour la croissance économique.
Quel est selon vous le degré de priorité de la dette? Si l'excédent était de 10 $, comment le répartiriez vous entre la réduction de la dette, l'impôt des particuliers, l'assurance-emploi et les soins de santé? Quelle serait la répartition en pourcentages?
M. Ronald Bulmer: Vous avez une ferme, Jack. Quelle proportion de vos rentrées avez-vous consacrée à la réduction de votre dette?
M. Jack Wilkinson: Il y a deux ou trois choses dont il faut tenir compte.
La réponse variera en fonction de votre situation. Il y a eu des ajustements si considérables au gouvernement fédéral et au gouvernement provincial—en même temps—sans vraiment tenir compte de la capacité d'absorption de chaque secteur, qu'il faut prendre un peu de recul et se demander si les compressions ont été faites au bon endroit. Où s'est-on trompé? Faut-il rééquilibrer les choses avant d'abaisser les taxes et les impôts et de réduire la dette?
• 1115
C'est ce qui se passe actuellement, je crois. Les gens ne se
cachent pas pour vous le dire à propos de la santé et de
l'éducation au niveau provincial. Dans bien des secteurs les gens
vous disent qu'il faut rééquilibrer le financement parce que ces
secteurs ne peuvent pas continuer à subir ce qui leur est arrivé au
cours des cinq dernières années.
Je suis le même raisonnement pour l'agriculture. À cause de ce qui est arrivé aux prix au cours des 18 derniers mois, si vous continuez et commencer à rembourser la dette, par exemple, dès maintenant, sans rééquilibrer les dépenses, sans tenir compte de la situation actuelle, c'est le producteur primaire qui va en pâtir. Si la situation était la même qu'il y a 18 mois ou deux ans, on pourrait sans doute supporter—même si ça ne nous plairait pas—de maintenir la récupération des coûts et le soutien du revenu aux niveaux où ils sont.
Un exploitant agricole doit produire un revenu pour rembourser sa dette parce qu'il faut bien vivre. Tout ce que je vous dis, c'est que je ne m'empresserais pas de payer la dette avant un an ou deux, à moins que l'économie s'accélère, parce qu'il faut rééquilibrer les choses et cela déterminera l'affectation d'une partie des fonds. Si vous prenez une bonne partie de votre argent pour rembourser la dette et ne tenez pas du tout compte des producteurs agricoles dans la situation où ils sont, vous nous causez du tort.
Le président: Vous l'avez déjà dit. C'était dans votre exposé. Je vous ai posé une question très précise.
M. Jack Wilkinson: Je vous ai donné une réponse précise.
Le président: Chacun expose son point de vue, mais je veux aussi que l'on discute de l'intérêt national.
M. Jack Wilkinson: Précisément. Alors, qu'allons-nous faire? Allons-nous faire un sondage, et tout ce qui reçoit plus de 50 p. 100 des voix, on s'en occupe, tandis que le reste ne compte pas? Pour moi, il est de l'intérêt national de conserver la production agricole. Nos exportations vont augmenter de 20 milliards de dollars dans les cinq prochaines années si tout va bien et donneront de l'emploi à un pourcentage encore plus élevé que les 15 p. 100 de la population actuelle. Et ce chiffre monte. Le secteur ne peut pas reculer uniquement parce que ses revenus nets ont baissé. Chaque fois que le taux d'intérêt augmente d'un pour cent, cela coûte 300 millions de dollars de plus aux agriculteurs. En ce qui nous concerne, donc, comme le Canada est un pays exportateur, nous souhaitons que le dollar reste où il est, que les taux d'intérêt restent peu élevés et que l'on conserve suffisamment d'aide financière pour que l'on continue d'exister. Il y aura suffisamment d'emplois, ce qui vous permettra de réduire la dette avec le temps. Mais il faut rééquilibrer les choses maintenant dans l'intérêt national.
Le président: Monsieur Bulmer.
M. Ronald Bulmer: La première chose que je veux dire au nom du secteur que je représente c'est que le gouvernement actuel et les pouvoirs publics en général ont été très sensibles au volet social de l'équation. Soyons honnêtes, la péréquation permet de verser des sommes immenses aux régions de l'Atlantique qui seraient incapables d'offrir des soins de santé et de créer l'infrastructure nécessaire sans l'argent qui vient du centre et de l'ouest du pays. Il faut d'abord que tous les habitants de la région de l'Atlantique le reconnaissent. Dans notre secteur à nous, au cours des quatre dernières années, comme je l'ai dit, le gouvernement a versé quatre milliards de dollars à des pêcheurs qui n'avaient plus rien à pêcher et qui se tournaient les pouces à terre. Je tiens à remercier tous ceux qui ont été sensibles à ce qui se passait dans notre secteur dans notre région. Il fallait bien trouver l'argent ailleurs au pays pour le transférer dans l'Est. C'est la première chose.
Cela dit, ce qui est dommage, c'est que la quasi-totalité de cet argent n'a servi qu'à faire subsister les gens dans l'espoir que le poisson allait revenir et qu'on allait retourner à la situation antérieure du jour où la pêche à la morue allait reprendre. Malheureusement, le programme existe depuis cinq ans et ça n'est toujours pas arrivé. Pour cette raison, il faudra maintenant s'occuper de réduction de la capacité, de dislocation démographique, de gens qui devront quitter les provinces de l'Atlantique parce qu'il n'y a plus rien là pour eux. C'est pourquoi nous disons que si nous voulons continuer d'être sensibles aux besoins des gens, il faut d'abord assainir le climat général des affaires et, dans la mesure du possible, créer d'autres formes d'emploi parce que pour beaucoup de ces gens, ces programmes n'existent plus et c'est fini. Il faudra qu'ils s'expatrient.
• 1120
Ma femme lisait une annonce dans l'Ottawa Citizen pour une
maison de trois chambres à coucher à Terre-Neuve qui appartenait à
une de ces familles de pêcheurs. Vous pouvez obtenir la vidéo. Le
prix était de 6 400 $. Il y a quelqu'un là-bas qui abandonne tout
son confort. Ils essaient d'obtenir 6 400 $ pour une maison de
trois chambres à coucher à Terre-Neuve pour toucher un peu
d'argent. Je suis sensible à cela.
J'estime que le gouvernement a fait beaucoup pour aider la région de l'Atlantique et le secteur de la pêche, mais il y a encore beaucoup de choses douloureuses à traverser. Je veux que vous en soyez conscients. Il y a encore beaucoup de moments pénibles devant nous et nous entrons dans le pire environnement au monde pour les produits que nous offrons. Cela ne va qu'augmenter le niveau de difficulté.
J'essaye de défendre ici une série de mesures qui pourraient servir de solutions de rechange pour le plus grand nombre de gens possible. Cela n'aidera pas tout le monde. Il faut essayer de leur donner la possibilité de rester là où ils vivent et de continuer à gagner leur vie dans la région de l'Atlantique. Je ne veux pas être négatif.
Le président: Merci, monsieur Bulmer.
Monsieur Wilkinson, merci beaucoup de votre exposé. Il montre certainement que nous avons tous des défis à relever, que ce soit dans le domaine de l'agriculture ou celui de la pêche. Nous prendrons les mesures qui s'imposent pour que vos points de vue soient exprimés aussi éloquemment que possible dans notre rapport. Une fois de plus, merci beaucoup.
Nous allons suspendre la séance pour trois à cinq minutes. Nous serons de retour avec les représentants de l'Association des industries de l'automobile du Canada, de la Coalition to Renew Canada's Infrastructure, de la Conférence des associations de la défense, de l'Association des hôtels du Canada, et de Stentor Telecom Policy Inc.
Le président: Nous reprenons nos travaux.
Comme je disais plus tôt, nous recevons maintenant les représentants de l'Association des industries de l'automobile du Canada, de la Coalition to Renew Canada's Infrastructure, de la Conférence des associations de la défense, de l'Association des hôtels du Canada, et de Stentor Telecom Policy Inc.
J'ai le plaisir de vous présenter les personnes suivantes: de l'Association des industries de l'automobile du Canada, le président, M. Dean Wilson; de la Coalition to Renew Canada's Infrastructure, Jim Facette, président; de la Conférence des associations de la défense, le colonel à la retraite Alain Pellerin, directeur exécutif, et le colonel à la retraite Sean Henry, analyste principal à la défense; de l'Association des hôtels du Canada, Anthony P. Pollard; et de Stentor Telecom Policy Inc., Barry W. Pickford, président, Comité de la fiscalité de Stentor.
Nous vous souhaitons la bienvenue. Nous commençons par l'Association des industries de l'automobile du Canada. La parole est à M. Dean Wilson.
M. Dean H. Wilson (président, Association des industries de l'automobile du Canada): Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs. Nous sommes ravis d'être ici et d'avoir la possibilité de présenter nos vues devant votre comité.
L'Association des industries de l'automobile du Canada est une association commerciale nationale représentant les fournisseurs, les distributeurs, les grossistes ainsi que les principaux détaillants de pièces automobiles, d'accessoires, d'outils et de matériel de service et de réparation.
Nous avons 2 000 membres répartis sur l'ensemble du territoire canadien. Notre secteur emploie plus de 200 000 Canadiens et nos ventes au détail se chiffrent à plus de 15 milliards de dollars.
Je traiterai plus particulièrement des quatre questions que pose votre comité. Pour ce qui est de la première question, je tiens à féliciter le gouvernement canadien d'avoir un excédent potentiel ou un dividende budgétaire dont il nous faut discuter. Cela représente certainement un heureux changement par rapport aux années précédentes.
La question est la suivante: le budget étant désormais équilibré, quel message voulez-vous transmettre au gouvernement quant aux priorités qu'il devrait établir pour l'utilisation du dividende budgétaire? Notre recommandation serait que 50 p. 100 de ce dividende servent à la réduction de la dette, ce qui constitue la priorité absolue. L'autre moitié du dividende devrait servir à des réductions fiscales sélectives, que j'aborderai en répondant à la question numéro deux.
• 1130
Pour répondre à la deuxième partie de la première question,
j'estime que le gouvernement canadien devrait établir un plan
triennal de réduction de la dette. Autrement dit, il faut préciser
exactement où vous en êtes à l'heure actuelle et où vous allez être
dans trois ans. Par exemple, si le gouvernement se retrouve avec un
excédent de 10 milliards de dollars en 1999, il devrait prévoir
50 p. 100 de cette somme, soit 5 milliards de dollars, qui seraient
consacrés à la réduction de la dette. Je pense qu'il faut que les
Canadiens soient au courant de vos projets de réduction de la
dette.
La deuxième question est la suivante: quels sont les investissements stratégiques et les changements fiscaux qui permettraient au gouvernement de réaliser ses priorités? Nous avons à ce sujet plusieurs suggestions. Premièrement, il faudrait permettre aux mécaniciens, apprentis et compagnons d'obtenir un allégement fiscal pour les outils essentiels à leur travail. Cela pourrait prendre la forme d'une déduction directe aux fins de l'impôt sur le revenu et de crédits en pourcentage semblables à ce qui se fait pour les dons de bienfaisance. Cela aiderait à rendre les mécaniciens plus compétitifs et on comblerait un besoin technique important, en plus de créer des emplois.
Vous obtiendrez de plus amples détails sur cette suggestion de la part d'une coalition qui présentera un mémoire distinct à votre comité. Cette coalition est dirigée par la Canadian Automobile Dealers' Association, le Conseil du service d'entretien et de réparations automobiles du Canada et nous-mêmes.
Deuxièmement, nous suggérons de porter le plafond de la déduction accordée aux petites entreprises de 200 000 $ à 300 000 $. Cela aiderait à indemniser les petites entreprises pour les coûts structurels qu'elles doivent supporter et auxquels les grosses entreprises n'ont pas à faire face. Le plafond de cette déduction n'a pas été augmenté depuis sa création en 1982, malgré l'inflation. Cela devrait être corrigé.
Troisièmement, nous proposons de réduire l'impôt sur les sociétés, qui est élevé en comparaison de ce qui se fait aux États-Unis. Puisque nous devons rivaliser avec les Américains, nous devrions avoir une structure fiscale concurrentielle par rapport à eux.
Quatrièmement, réduire l'impôt sur le revenu des particuliers de tous les Canadiens. Il me semble que cela pourrait se faire sans efforts. Il suffit de se donner des objectifs et de bien cibler les sommes qui y sont consacrées. Il m'apparaît évident que les Canadiens sont trop imposés.
Nous proposons de rembourser toute la dette étrangère avant de s'attaquer à la dette intérieure, afin que le Canada ne soit plus à la merci des créanciers étrangers. Le déclin du dollar canadien justifie d'autant plus cette mesure.
Nous vous recommandons aussi de réduire le taux de cotisation à l'assurance-emploi à un niveau permettant de maintenir un excédent sûr mais pas exorbitant. L'excédent actuel, qui est de plus de six milliards de dollars, je crois, est excessif. Nous estimons aussi qu'il faut consacrer davantage de fonds à la formation et au recyclage des gens pour réduire le taux de chômage.
Il faut harmoniser la TPS avec les taxes de vente au détail dans le cas des provinces qui ne l'ont pas encore fait. C'est une proposition que nous faisons depuis longtemps. Je sais que le gouvernement y travaille. Il n'est pas facile d'arriver à une entente avec certaines de ces provinces, mais il faut poursuivre les efforts jusqu'à ce qu'on réussisse.
Nous suggérons aussi d'éliminer la taxe de luxe sur les nouveaux véhicules haut de gamme avec air climatisé, car la climatisation n'est plus perçue comme un luxe par les consommateurs.
La troisième question était la suivante: comment pouvons-nous préparer les Canadien à tirer parti des possibilités que leur offre cette nouvelle ère? Premièrement, j'estime qu'il faut réduire les chevauchements entre les règlements à tous les niveaux de gouvernement et le manque d'harmonisation entre les divers ordres de gouvernement. Cela réduirait les coûts pour les entreprises et le gouvernement. Nous suggérons d'utiliser la Loi sur l'efficacité de la réglementation et de mener des consultations régulières avec les entreprises pour simplifier la réglementation. Il faut faire en sorte que la réglementation soit plus facile à respecter, comme dans le cas du SIMDUT. On devrait exiger une fiche signalétique précise. Une révision et des modifications ne seraient nécessaires qu'à la suite d'un changement dans le produit.
Enfin, il faudrait réduire la réglementation et la paperasserie, notamment en ce qui concerne la nécessité de faire rapport à des organismes gouvernementaux. Je vous donne comme exemple le crédit d'impôt pour la R-D. Je peux vous dire que les fabricants de notre secteur n'en veulent pas car il faudrait dépenser des sommes exorbitantes pour présenter une demande. On exige une quantité ridicule de documents pour obtenir ce crédit.
La quatrième question est la suivante: comment le gouvernement peut-il mieux veiller à ce qu'il y ait un large éventail d'occasions d'emploi pour tous les Canadiens dans la nouvelle économie? Je vous recommanderais d'abord de donner suite aux observations formulées au sujet des trois premières questions, car cela réduirait les coûts d'exploitation des entreprises et accroîtrait le revenu disponible des Canadiens, ce qui, du coup, ferait augmenter le nombre d'emplois offerts aux Canadiens.
• 1135
Nous pensons également qu'il faudrait abandonner l'idée de
modifier le Code canadien du travail. On a toujours l'impression
qu'il y a antagonisme entre «nous» et «eux», entre les travailleurs
et le patronat. L'examen actuel du Code canadien du travail ne fait
qu'accentuer cela. Nous pensons que ces modifications législatives
mettraient les entreprises canadiennes dans une situation
désavantageuse sur le plan de la compétitivité.
Je voudrais insister de nouveau sur l'importance d'envisager un allégement fiscal pour les outils dans le cas des techniciens de l'automobile. Je vous ai déjà parlé de cette mesure éventuelle.
Nous pensons également que le fonds d'assurance-emploi devrait servir à financer des projets de formation qui se traduirait par des emplois. J'en ai parlé tout à l'heure mais je voudrais attirer votre attention sur l'oeuvre du Conseil du service d'entretien et de réparation automobiles qui est véritablement exemplaire car un secteur a fait cause commune et formé une organisation qui participe à la formation des techniciens de l'automobile. Il s'agit d'un modèle très positif, un que vous devriez étudier à mon avis, et je préconise qu'on appuie davantage ce genre d'organisation.
Nous pensons qu'on devrait réduire les coûts des entreprises et augmenter le revenu disponible. La croissance de l'économie va permettre de créer des emplois. De façon plus précise, le gouvernement devrait cesser de leur mettre des bâtons dans les roues et laisser les entreprises fonctionner plus efficacement.
En terminant, nous proposons que le gouvernement fasse la promotion des secteurs où il existe une demande, comme dans le cas du secteur de l'automobile, notamment la réparation de carrosserie. Nous exhortons le gouvernement à faire la promotion de la formation industrielle et à permettre des déductions d'impôt pour dépenses de formation après certification.
Voilà ce que j'avais à dire, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Wilson.
Nous entendrons maintenant les représentants de la Coalition pour le renouvellement des infrastructures du Canada.
Monsieur Jim Facette, bienvenu.
M. Jim Facette (président/secrétaire, Coalition pour le renouvellement des infrastructures du Canada): Bonjour, monsieur le président. Merci de me donner l'occasion de comparaître de nouveau devant le comité. À nous aussi, on a demandé de répondre à quatre questions.
Monsieur le président, la CRIC estime qu'on peut trouver une réponse dans une initiative fédérale-provinciale qui permettraient de répondre aux besoins du réseau national routier du Canada.
Il est important que les gouvernements prennent les mesures qui s'imposent pour créer un climat économique propice à l'investissement. La concurrence pour obtenir des investissements aujourd'hui ne se fait plus de la même façon. Le Canada doit offrir un environnement qui reflète les réalités à l'échelle du monde. Les entreprises doivent être disposées à relever le défi de la concurrence d'entreprises du monde entier.
Il devient donc nécessaire de s'assurer que nous pouvons offrir une infrastructure de base car cela est crucial si un gouvernement veut promouvoir la croissance économique et la création d'emplois. Nous nous faisons ici la voie collective d'une coalition dont les adhérences sont largement réparties dans tous les secteurs de notre économie, et nous sommes très inquiets de la détérioration de notre réseau national routier et des effets négatifs que cela suppose pour la croissance économique et la création d'emplois au Canada.
Un groupe de travail fédéral-provincial qui vient de terminer son étude, confirme nos inquiétudes. Malgré l'augmentation dans l'ensemble des dépenses d'immobilisation des gouvernements provinciaux au titre du réseau routier, le réseau routier national canadien s'est détérioré. Pour le remettre à flot, on a évalué qu'il en coûterait de 13 milliards de dollars à 16 milliards de dollars. L'étude signale également la nécessité de nouvelles constructions, les besoins les plus pressants se faisant sentir au niveau de l'élargissement à quatre voies de certains tronçons.
Quand le parti actuellement au pouvoir, le Parti libéral, était dans l'opposition, un groupe de travail libéral étudiant les infrastructures a reconnu l'importance des routes dans notre économie. Il a recommandé que le gouvernement fédéral s'engage à restaurer et à prolonger la route transcanadienne.
Les conclusions du groupe de travail en 1990 sont valables aujourd'hui et je cite:
-
Les conséquences économiques d'un piètre réseau routier sont
renversantes. Des études démontrent que la productivité d'une
région dépend largement de son système de transport. La congestion
sur les routes fait grimper le coût de transport des matériaux, ce
qui réduit la compétitivité, les revenus et le nombre d'emplois
dans l'industrie. Des routes en mauvais état nuisent également au
tourisme, secteur important de notre économie canadienne.
Cette conclusion a été confirmée l'année dernière dans un rapport du Comité permanent des transports de la Chambre des communes où l'on trouve exactement la même conclusion. Je cite le rapport du comité:
-
Un réseau routier compétitif et efficace constitue un des
principaux fondements d'une économie prospère. On n'a plus besoin
de faire la preuve qu'un réseau de transport routier sûr et
concurrentiel est essentiel pour le commerce et le tourisme.
Monsieur le président, notre mémoire décrit les rendements intégrés à cet investissement, sur le plan notamment du tourisme, des vies sauvées, de la productivité unitaire accrue et du commerce. Le projet spécial d'infrastructure mené par Transports Canada en 1996 confirme ces rendements.
• 1140
Bon nombre des accords bilatéraux actuels avec les provinces
n'ont pas été renouvelés. Même si les provinces du Manitoba, de la
Saskatchewan, de l'Alberta et de la Colombie-Britannique versent
chaque année un milliard de dollars à Ottawa en taxes sur
l'essence, elles ne reçoivent rien sous forme d'investissement dans
les autoroutes. En Ontario, on verse plus de 1,5 milliard de
dollars à Ottawa en taxes sur l'essence, mais seuls 15 millions de
dollars seront remis à cette province cette année financière et,
l'an prochain, ce sera rien du tout.
Compte tenu de cette réalité, la CRIC recommande que le gouvernement fédéral adopte une politique sur le réseau routier national qui soit à long terme et qui vise la réfection et, au besoin, le prolongement du réseau routier du pays.
Alors que le gouvernement fédéral perçoit plus de 4 milliards de dollars chaque année en taxes sur l'essence mais n'en investit que 5 p. 100, les États-Unis viennent de s'engager à réinvestir toutes ces recettes fiscales dans l'infrastructure de transport. La Transportation and Equity Act for the 21st Century, qu'on appelle la Loi TEA-21, prévoit un investissement de 217 milliards de dollars dans l'infrastructure de transport, dont 175 milliards de dollars seront consacrés au réseau routier.
Dans le Wall Street Journal du 8 juillet 1998, des économistes déclarent que ce plan de six ans pourrait générer plus de 450 milliards de dollars en activité économique aux États-Unis. De plus, les retombées réelles de ce programme pourraient totaliser le double de son prix. En général, les travaux publics engendrent encore plus d'activité économique que tout autre investissement gouvernemental.
Comme l'a fait remarquer le chroniqueur Jeffrey Simpson dans le Globe and Mail du jeudi 17 septembre 1998:
-
Les trésoriers et ministères des finances du pays n'aiment pas les
impôts spécialement affectés car ils limitent leur marge de
manoeuvre financière; les Américains, eux, préfèrent ces impôts
précisément pour cette raison. Ils ne veulent pas que les
politiques et les bureaucrates consacrent cet argent à d'autres
choses. Les sommes affectées à la réfection des routes doivent
servir à cela et à rien d'autre.
Lorsque les gouvernements se demandent comment investir dans les infrastructures, ils sont souvent tentés d'obtenir l'aide du secteur privé sous forme de partenariats. Les entreprises de cette nature doivent se fonder sur des solutions créatives et la volonté d'être ouverts aux méthodes non traditionnelles. Si on lui demande, le secteur privé participera à la conception et à la mise en oeuvre d'un plan national pour le réseau routier du Canada à l'aide d'outils créatifs et non traditionnels. Toutefois, le gouvernement fédéral doit montrer l'exemple en adoptant un plan à long terme. Comme l'a déclaré le Comité permanent des transports l'an dernier, le gouvernement fédéral doit s'engager à accorder un financement à long terme, fiable et durable pour la réfection et l'entretien de notre réseau routier national.
À maintes reprises, notamment en mai dernier, les provinces se sont dit impatientes d'aller de l'avant. La construction et l'entretien du réseau routier national du Canada par les gouvernements fédéral et provinciaux a été et continue d'être financé à même les recettes fiscales.
La qualité du réseau routier canadien a une incidence sur les décisions que prennent les entreprises concernant l'emplacement, les investissements en capital, les méthodes de production, les relations avec les fournisseurs et les clients, l'emplacement et la disponibilité des stocks et l'accès à la main-d'oeuvre. Un plan à long terme tel que celui qui a été dressé par Transports Canada dans le cadre de l'étude de la politique sur le réseau routier national permettra une réfection hautement efficiente de notre réseau routier et l'élargissement de notre économie.
Pour terminer, je cite l'éditorial du Globe and Mail du 24 août 1996:
-
L'état des routes d'une région est l'un des facteurs qui contribue
le plus à maintenir la prospérité et à attirer des visiteurs et des
investissements; elles doivent donc être entretenues soigneusement.
Je termine là-dessus; je suis impatient de participer à la discussion qui suivra.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Facette.
Nous accueillons maintenant les représentants du Congrès des associations de la défense, le colonel Pellerin et le colonel Henry. Soyez les bienvenus.
Le colonel à la retraite Alain Pellerin (directeur exécutif, Congrès des associations de la défense): Merci, monsieur le président. Bonjour a tous. Je suis heureux de témoigner aujourd'hui au nom du brigadier général à la retraite, Jerry Silva, président du Congrès des associations de la défense, le CDA.
Le Congrès des associations de la défense a été fondé en 1932; son mandat est de conseiller le gouvernement en matière de politique de défense et plus particulièrement les questions touchant l'efficacité des forces armées. Aujourd'hui, il compte quelque 500 000 membres dans toutes les régions du pays. Je tiens tout de suite à préciser que le CDA n'est pas un groupe de pression du secteur de la défense ou de tout autre groupe d'intérêt. Il se compose de gens ordinaires, pour la plupart d'anciens militaires qui souhaitent appuyer la contribution positive des forces armées au bien-être du pays.
• 1145
Le CDA parraine une gamme de programmes d'information du
public et d'études sur la défense. C'est aussi le carrefour
d'autres activités prodéfense. Voilà pourquoi on l'appelle la voix
de la défense. Les membres du CDA se disent très frustrés par tout
le mal qu'ils ont à convaincre leurs concitoyens et leur
gouvernement de la nécessité de fournir un sentier approprié aux
forces armées et, surtout, de leur accorder de l'argent. Pour mieux
faire valoir nos arguments, nous avons rédigé un mémoire intitulé
«Canadian Defence at the Crossroads», qui décrit notre position
prodéfense en détail. Des exemplaires ont été distribués à tous les
membres du comité.
D'importants secteurs des forces armées sont en désarroi et en détresse. D'autres sont en crise et par conséquent ne sont plus en mesure de remplir les missions les plus exigeantes décrites dans le Livre blanc de 1994. Le malaise qui existe au sein des forces armées se manifeste par les scandales et autres problèmes qui ont éclaté au cours des cinq dernières années. Bien que le ministère de la Défense nationale ait déjà pris des mesures exhaustives pour s'attaquer à chacun de ces problèmes, on ne semble pas avoir compris que la source de toutes ces difficultés est le sous-financement grave et prolongé de la défense.
Si on n'augmente pas le budget bientôt, d'autres incidents déplaisants se produiront. Surtout, l'efficacité opérationnelle des forces armées continuera sa dégringolade. En juin dernier, le chef d'état-major, le général Baril, l'a confirmé lors de son témoignage devant le Comité permanent de la défense nationale et des affaires des anciens combattants. Il a alors déclaré que les forces armées ne seraient plus en mesure de remplir leur mission ni d'accorder leur soutien essentiel aux militaires actifs sans des fonds additionnels. Les militaires comme les civils du ministère de la Défense nationale méritent nos félicitations pour le professionnalisme avec lequel ils continuent de faire face à l'adversité; toutefois, le dévouement a ses limites.
Depuis 1993, le budget du MDN a été réduit de 28 p. 100 par rapport aux projections originales, alors que les demandes découlant des nouvelles missions confiées aux forces armées et de la technologie de pointe ont augmenté. Les dépenses du Canada en matière de défense sont passées de 11 p. 100 à 6 p. 100 du budget fédéral total et de 2,2 p. 100 à 1,2 p. 100 du PIB. La moyenne des pays du G-7 est de 2,3 p. 100. La moyenne des pays de l'OTAN est de 2,4 p. 100. Le Canada se classe environ au 133e rang sur les 190 pays membres de l'ONU avec ce pourcentage.
Ces données et d'autres figurent dans les tableaux en annexe de notre mémoire. C'est un scandale et une honte. Les possibilités de défense et les forces armées restent l'un des fondements de notre nation. La plupart des pays reconnaissent ce fait et affectent à la défense les ressources nécessaires. Nos alliés et nos partenaires commerciaux ont déjà commencé à critiquer publiquement les lacunes de notre capacité de défense. En dépit de la fin de la guerre froide, la stabilité et la sécurité internationales restent très menacées. On juge que le Canada tente de se soustraire à ses responsabilités militaires à cet égard. Cette critique est importante car notre pays compte beaucoup sur la stabilité et le commerce international.
La conséquence la plus visible du déclin de nos forces armées est la réduction des effectifs réguliers qui sont passés de 87 000 à 60 000. Ceux qui restent subissent un stress considérable à la limite du désarroi car on leur impose souvent une double tâche et les unités sont créées et démantelées en fonction des besoins. Tous les services en souffrent, mais c'est dans l'armée que le problème est le plus grave car, au départ, les unités ne comptent que 65 p. 100 de l'effectif réglementaire. De même, dans les réserves, la milice accuse une pénurie pouvant aller jusqu'à 4 000 personnes.
• 1150
L'état du matériel varie. La marine est en assez bon état
grâce à ses frégates modernes, mais elle a un besoin urgent de
nouveaux hélicoptères embarqués et de ravitailleurs.
Je vous réfère également à l'article paru hier dans la Gazette à propos du NCSM Toronto, déployé dans le golfe, et les lacunes que les marins ont constatées. Nous allons l'annexer à notre déclaration.
L'aviation va aussi connaître des difficultés lorsqu'elle devra mettre au rancart des éléments essentiels, conformément à la décision récente relative aux appareils d'entraînement à la guerre électronique et les ravitailleurs. Une fois de plus, c'est l'armée qui souffre le plus: elle doit se débrouiller avec des véhicules de combat et même des articles aussi élémentaires que des vêtements qui ont fait leur temps.
Plusieurs facteurs de sous-financement sont critiques: d'abord, la baisse du budget de biens d'investissement, qui est passé de 23 à 17 p. 100, cause de la détérioration du matériel; deuxièmement, le manque critique de fonds pour les opérations et l'instruction, surtout pour l'armée où il y a un manque à gagner de 150 à 200 millions de dollars. Pour cette raison, l'efficacité opérationnelle est en chute libre.
Au-delà des lacunes de biens en capital, des opérations et de la formation, des problèmes plus graves portent sur la qualité de vie. Le Comité de la défense étudie le dossier. Il va sans doute recommander des augmentations justifiées des prestations de cette nature. Toutefois, le plan budgétaire actuel du gouvernement ne prévoit pas ces dépenses dans le budget de la défense.
Le rapport de 1998 du vérificateur général met en évidence l'ampleur et la gravité du sous-financement à la défense. Il déclare sans ambages que le gouvernement devra prochainement faire des choix difficiles à propos de l'avenir des forces armées et de la nature des engagements militaires qu'elles pourront prendre. Il s'agit d'une observation tout à fait juste. Tout compte fait, la question est de savoir si le budget actuel de 9,3 milliards de dollars représente un gaspillage puisque le résultat est une force inefficace.
La situation budgétaire du gouvernement s'est améliorée dans l'année écoulée et, malgré la régression récente de l'économie mondiale, il y aura quand même un excédent. Dans un sondage réalisé en avril 1998, on a demandé aux Canadiens ce qu'ils pensent de la politique de défense et de la sécurité du pays. Les résultats montrent que les citoyens comprennent l'importance des forces armées pour assurer le bien-être du pays et seront en faveur d'une augmentation raisonnable des dépenses de défense.
À la suite de cette analyse, la CAD recommande vigoureusement que jusqu'à 500 millions de dollars de fonds supplémentaires soient inscrits au budget de la défense nationale dans le prochain exercice financier et que par la suite la base du budget de la défense soit relevée pour atteindre le niveau constant de 10,5 milliards de dollars d'ici l'an 2004. C'est d'ailleurs le budget qu'avait recommandé le comité parlementaire mixte en 1994.
Vous trouverez des recommandations détaillées en réponse à vos quatre questions dans le mémoire.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup, colonel Pellerin.
Nous entendrons maintenant l'Association des hôtels du Canada.
Je vous souhaite la bienvenue, monsieur Pollard.
M. Anthony Pollard (président, Association des hôtels du Canada): Merci beaucoup, monsieur le président. C'est un plaisir pour moi de comparaître ici à nouveau. Je suis heureux de l'occasion qui m'est donnée de comparaître devant le comité. Nous attachons tous du prix à ces consultations.
L'Association des hôtels du Canada est la fédération nationale des Associations des hôtels provinciales et territoriales. Nous représentons les chaînes et les fournisseurs d'hôtels. Nous avons pour mandat de représenter nos membres à l'échelle nationale et internationale et d'offrir des services efficaces économiques qui favorisent le secteur du marché libre de l'hébergement touristique.
En un mot, monsieur le président, nous sommes porteurs de bonnes nouvelles. Nous sommes le tourisme d'accueil.
Notre association représente l'ensemble de l'hébergement touristique au pays, composé d'environ 7 500 établissements: hôtels, motels, centres de villégiature et auberges. L'an dernier, nous avons apporté 9,1 milliards de dollars à l'économie canadienne. Nous donnons de l'emploi à 235 000 personnes dans toutes les régions du pays.
Je voudrais d'abord dire combien nous savons gré au gouvernement de l'attention qu'il accorde au secteur des hôtels, du voyage et du tourisme. Nous félicitons en particulier de l'appui qu'il accorde à la Commission canadienne du tourisme. De plus, nous félicitons le Comité des finances d'avoir pris à son compte la recommandation que nous avons faite l'an dernier pour que les aliments et les boissons, et les services de traiteurs, bénéficient de la remise de la TPS/TVH pour les réunions et congrès internationaux tenus au Canada. Ces changements furent annoncés par le ministre des Finances dans son budget de 1998. Nous sommes donc ravis de voir que notre comparution a porté fruit et nous vous en remercions.
• 1155
Nous aimerions vous rappeler deux choses. À tous les niveaux,
les pouvoirs publics aiment le secteur hôtelier. Pourquoi? Nous
créons de l'emploi. Nous sommes l'un des rares secteurs à le faire.
Deuxièmement, les hôtels, les voyages et le tourisme réduisent le
déficit du poste voyages et créent des recettes nettes pour l'État:
32 p. 100 des recettes touristiques aboutissent dans les coffres
des pouvoirs municipaux, aux niveaux fédéral, provincial et
municipal. C'est du bel argent pour l'État.
Nous félicitons le gouvernement d'avoir réduit le déficit. Toutefois, la fiscalité est trop lourde et doit être allégée. Malheureusement, jusqu'à 45 p. 100 des recettes hôtelières brutes sont versées en taxes et impôts.
Avant de formuler nos recommandations, j'aimerais brosser le tableau suivant.
Le tourisme est le secteur qui croît le plus rapidement au monde. D'ici à l'an 2005, ou avant, il sera le plus important. On s'attend à ce que le nombre d'arrivées dans le monde triple pour atteindre 1,6 millions d'ici à l'an 2020, d'après de nouvelles prévisions de l'Organisme mondial du tourisme. En 1996, il y a eu plus de 592 millions de voyages internationaux.
En 1997, le tourisme a apporté 44 milliards de dollars à l'économie canadienne. Environ 31 milliards de dollars de cette somme provenaient de voyages faits par des Canadiens dans leur pays. La montée en flèche des dépenses et l'allongement du séjour des visiteurs américains ont abaissé le déficit du poste voyages du Canada à son niveau le plus bas en 10 ans d'après les résultats préliminaires du poste voyages internationaux. Dans les six premiers mois de 1998, le déficit du poste voyages du Canada est passé de 17,5 à 3 milliards de dollars, ce qui représente une baisse de 3,6 milliards de dollars par rapport à la période correspondante de 1997.
Le secteur canadien du tourisme a reçu 5,5 milliards de dollars en dépenses étrangères rien que dans la première moitié de l'année. Il s'agit d'une augmentation générale de plus de 14,5 p. 100. Par ailleurs, les dépenses globales des Canadiens pour le tourisme à l'étranger sont restées à peu près les mêmes puisqu'elles n'ont progressé que de moins de 1 p. 100 pour s'établir à 8,5 milliards de dollars. Les recettes touristiques en provenance des États-Unis ont augmenté de 30 p. 100. En revanche, les dépenses touristiques canadiennes aux États-Unis ont baissé de 2,3 p. 100. C'est ce qui est explique que le déficit du poste voyages du Canada avec les États-Unis a baissé de 31 p. 100 pour s'établir à 2,1 milliards de dollars.
Le dollar canadien, les faibles taux d'intérêt et un marché boursier robuste jouent tous un rôle déterminant. Nous félicitons le gouvernement fédéral de ses politiques budgétaires, qui ont donné de bons résultats. Nous redoutons que le dollar ait trop baissé, ce qui ferait monter les taux d'intérêt et aurait sur nous des effets négatifs.
Grâce à la création de la Commission canadienne du tourisme, les campagnes de publicité de commercialisation, les promotions et les relations publiques s'effectuent maintenant plus rapidement et avec plus de professionnalisme. Le financement est passé de 15 millions de dollars en 1994 à 145 millions de dollars—d'origine publique et privée—en 1997. Nous félicitons le gouvernement fédéral de l'appui qu'il accorde à la Commission canadienne du tourisme. Cette aide a permis de faire baisser le déficit du poste voyages de plus de 2,5 milliards de dollars en quatre ans. Il s'agit d'investissements hautement productifs.
La signature de l'Accord Ciels ouverts par le Canada et les États-Unis a permis d'offrir aux voyageurs d'affaires et aux vacanciers américains un plus grand nombre d'options lorsqu'ils se rendent au Canada. Il y a maintenant plus de 97 nouvelles liaisons canado-américaines, plus du double qu'avant la signature de l'accord.
L'Association des hôtels du Canada a également conclu un accord de partenariat avec le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Ce programme de développement des marchés aide les hôteliers canadiens à exporter leurs produits, services et expertise en gestion hôtelière. Nos efforts rapportent maintenant un dividende de plusieurs millions de dollars dans plusieurs marchés du monde, comme la Chine, la Roumanie, le Mexique, le Brésil, l'Israël, l'Europe de l'Est, le Moyen-Orient et les Antilles. Nous félicitons le gouvernement de ce partenariat qui aide beaucoup l'ensemble de l'économie canadienne.
Le plus gros problème reste la fiscalité sous toutes ses formes. Les cotisants à l'assurance-emploi doivent verser quelque 6 milliards de dollars par année. Même si l'excédent accumulé de l'assurance-emploi dépassera 30 milliards de dollars d'ici à l'an 2000, le gouvernement n'a prévu aucune diminution des cotisations en 1999 et à peine une réduction de 10 p. 100 en l'an 2000. Au lieu de réduire les tarifs à un niveau plus raisonnable, le gouvernement fédéral se sert des 15 milliards de dollars de l'excédent de la caisse pour équilibrer ses livres. Cette action va à l'encontre de l'objet du programme d'assurance-emploi et fait fi de deux conditions nécessaires à la création d'emplois, à savoir la réduction des charges sociales et l'augmentation des dépenses du consommateur.
• 1200
Les lois sur le salaire minimum, la concurrence du marché et
d'autres restrictions limitent davantage encore notre capacité
d'absorber le coût de ces charges sociales. Nous signalons
également que toute augmentation des droits pour l'exécution
d'oeuvres musicales, comme l'a proposé la Société canadienne des
auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, et des droits voisins
est tout à fait inacceptable.
Le secteur hôtelier canadien a considérablement pâti de la décision du gouvernement de réduire de moitié la déduction pour frais de repas et de représentations. Cette mesure intempestive s'est traduite par une augmentation de 30 p. 100 des taxes à l'exploitation d'une entreprise. Nous recommandons vigoureusement que la déduction soit fixée à nouveau à 100 p. 100 des dépenses, comme c'est le cas pour toutes les autres dépenses d'entreprise.
Pour terminer, monsieur le président, mesdames et messieurs, il y a lieu de féliciter le gouvernement d'avoir enregistré des progrès remarquables dans le rétablissement des finances publiques mais il est maintenant temps d'apporter des changements sélectifs et judicieux.
Je vous remercie beaucoup de votre invitation.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Pollard.
Nous entendrons maintenant le représentant de Stentor Telecom Policy Inc., M. Barry W. Pickford. Je vous souhaite la bienvenue.
M. Barry Pickford (président, Comité des taxes à Stentor Telecom Policy Inc.): Merci.
Bonjour monsieur le président et mesdames et messieurs membres du comité. Je représente ici aujourd'hui l'Alliance Stentor des entreprises de téléphonie de toutes les provinces du pays.
Beaucoup d'entre vous ont sans doute entendu parler de changements survenus récemment chez Stentor. Cela ne signifie pas que Stentor est mort. Cela signifie seulement que nous avons pris de nouvelles dispositions concernant les secteurs ingénierie et R-D ainsi qu'au sujet de certaines opérations de mise en marché auparavant réalisées en commun. Pour ce qui est des grandes orientations, toutefois, Stentor est toujours bien en vie.
Les membres de Stentor représentent une force importante dans l'économie canadienne. Ils rassemblent NewTel sur la côte Est et B.C. Tel sur la côte Ouest ainsi que toutes les entreprises de téléphonie provinciales et leurs affiliées cellulaires entre les deux.
En tout, nous employons plus de 80 000 personnes au Canada et versons quelque 4,6 milliards de dollars en salaire, et consacrons 3 millions de dollars en investissements chaque année. Chose plus importante encore, sans doute, nous versons 1,8 milliard de dollars chaque année en impôt sur le revenu, taxe de vente, taxe sur le capital, taxe foncière et autres, dont une somme varie entre 500 millions et 600 millions de dollars exclusivement en impôt sur le revenu et 500 millions dans les provinces en taxe sur les recettes brutes. De plus, nous effectuons des prélèvements de l'ordre de 1,1 milliard de dollars sur les salaires de nos employés pour le compte de l'État et nous percevons aussi 2 milliards de dollars sous forme de taxe de vente que nous remettons aux autorités.
Comme vous le savez, le secteur des télécommunications courait aujourd'hui de profondes transformations. La technologie est en pleine expansion, la concurrence se multiplie au pays et à l'étranger. Les marchés sont de plus en plus ouverts et il n'y a plus de distance, si bien qu'aujourd'hui la plupart d'entre vous peuvent profiter d'un tarif d'appels interurbains mensuels de 20 $: du jamais-vu.
Le plus gros problème est sans doute l'essor de l'Internet et, parallèlement, du commerce électronique qui continuera de prendre de l'expansion dans l'avenir. L'exemple de ce commerce aujourd'hui est Amazon.com mais dans quelques années cet exemple ne cessera de se multiplier.
Le vrai défi pour nous est donc d'actualiser nos réseaux au moment où le nombre de nos rivaux augmentent et que les recettes baissent. Il nous faut donc un cadre réglementaire axé sur les objectifs et propice à la réussite au pays. C'est à notre avis chose possible si nous collaborons avec les pouvoirs publics pour mettre à profit les atouts que représente notre vaste clientèle et notre technologie de pointe pour offrir aux citoyens un service de haute qualité et conserver notre place de chef de file loin dans le prochain millénaire.
L'économie canadienne reste forte. Il est maintenant très vraisemblable que nous aurons un excédent dès 1999 et, espérons-nous, par la suite. Les bénéfices des sociétés, malgré les pressions qui s'exercent dans d'autres régions du monde, restent relativement bons mais nous continuons d'être préoccupés par l'endettement du pays et nous recommandons d'affecter une partie de cet excédent budgétaire à la réduction de la dette.
• 1205
Un autre sujet nous préoccupe. Le Canada doit se doter de
personnel plus qualifié au moyen de la formation et doit trouver le
moyen de conserver ce personnel qualifié, surtout dans le secteur
de la haute technologie. Il ne doit pas le laisser s'échapper.
Nous pensons donc qu'il faut d'abord de nouveaux programmes, établis de concert avec le gouvernement fédéral, pour former du personnel qualifié et qu'il faut faire des investissements ciblés pour améliorer la qualité des diplômés en technologie, qu'il s'agisse d'ingénieurs électriciens, de diplômés en informatique ou de diplômés du cégep, en mettant vraiment l'accent sur la technologie.
Ensuite, il appartiendra à l'État de trouver des moyens pour qu'ils restent au pays. D'autres témoins ont dit aujourd'hui que nos taux d'imposition pour les particuliers ne soutiennent pas la comparaison internationale. Il faut faire quelque chose si nous voulons nous assurer un approvisionnement stable de personnel qualifié au pays et être capable de les garder.
On parle souvent de l'exode des cerveaux, surtout entre le Canada et les États-Unis. Plusieurs facteurs expliquent ce phénomène et il s'agit parfois simplement de choix personnel, mais les impôts jouent pour beaucoup, surtout lorsque les gens calculent la différence de leur revenu disponible entre le Canada et les États-Unis.
Les chiffres récents montrent que les Canadiens paient aujourd'hui plus d'impôt sur le revenu. En 1996, l'impôt représentait 20,5 p. 100 du revenu familial, à l'exclusion de la TPS, de la taxe de vente provinciale et des impôts fonciers.
Dans le régime actuel, nous sommes assujettis à une surtaxe temporaire après l'autre, aussi bien au niveau fédéral que provincial, ce qui fait que le taux d'imposition marginal maximum s'applique à partir de 60 000 dollars.
À des taux légèrement supérieurs, qu'on entre dans les taux d'imposition provinciaux. Si vous prenez le cas de la Colombie-Britannique, les Canadiens paient maintenant un taux marginal de 54 p. 100 sur le revenu le plus élevé. Le taux est de 52,5 p. 100 au Québec et est légèrement inférieur à 50 p. 100 en Ontario et baisse un peu là-bas. Mais ce sont encore des taux très élevés, surtout par rapport aux États-Unis. Aux États-Unis aujourd'hui, une famille peut toucher un revenu imposable de 278 000 dollars avant de commencer à payer le taux marginal le plus élevé, qui est d'environ 43 p. 100, taxes fédérales et d'État comprises. Ce sont de très grosses différences.
Les Canadiens ont à notre avis besoin de taux d'imposition plus bas pour attirer les entreprises, pour conserver le personnel hautement qualifié et soutenir la concurrence internationale.
Sur cette question, je vous recommande le document publié par le Conseil canadien des chefs d'entreprises, qui est sur le point d'être rendu public—seul un avant-projet a été distribué—dans lequel le Conseil fait des suggestions sur la façon de procéder graduellement à des réductions de l'impôt des particuliers au cours des six prochaines années pour ainsi éliminer les surtaxes et remonter nos fourchettes à de nouveaux niveaux de sorte que l'objectif raisonnable d'ici à l'an 2005 serait que seuls ceux qui touchent 150 000 dollars et plus seraient assujettis au taux d'imposition marginal le plus élevé au pays. Il faut rétablir l'indexation.
Il va sans dire que les provinces devront coopérer avec le gouvernement fédéral ici.
La priorité numéro un est sans doute l'instauration d'un système fiscal neutre pour les entreprises. Le rapport du comité Mintz, le comité technique chargé de la réforme de l'imposition des entreprises, publié beaucoup plus tôt cette année, semble presque avoir été oublié par le gouvernement fédéral. Après y avoir travaillé pendant dix-huit mois, près de deux ans, le comité a laissé entendre que la réforme de l'imposition des entreprises était possible sans faire baisser les recettes de l'État. Nous sommes tout à fait en faveur de l'idée selon laquelle la diminution des taux et l'élargissement de l'assiette fiscale sont nécessaires et correspondent à la tendance internationale en matière de politique fiscale.
À notre avis, le régime fiscal canadien pour le secteur des services se démarque exagérément du régime américain, tandis que celui applicable au secteur de la fabrication et à d'autres secteurs s'alignent beaucoup plus avantageusement sur les normes internationales.
Dans notre secteur, comme dans beaucoup d'autres secteurs de services aujourd'hui, le taux moyen d'imposition des sociétés est de 43 ou 44 p. 100. Dans notre secteur, le taux le plus bas est de 42,4 p. 100. Pour certaines entreprises de l'alliance, il atteint 46 p. 100. Ceci est entre 3,5 et 7 p. 100 de plus que le taux comparable du même genre d'entreprise aux États-Unis, où le taux fédéral combiné varie entre 38 et 39 p. 100.
• 1210
Ce taux élevé dissuade les entreprises d'implanter des
activités autres que la fabrication au Canada. Chose plus
importante, lorsque cela se produit ici, il faut chercher le plus
grand nombre de déductions possibles, sous forme de déductions des
frais d'intérêt en empruntant à l'étranger pour abaisser à un taux
niveau acceptable son revenu imposable.
Chose plus importante encore, étant donné le commerce électronique—et c'est actuel—et la concurrence qu'il suscitera, nos frontières vont commencer à s'estomper. Il sera un peu plus difficile de voir où s'applique l'impôt. Une entreprise américaine peut en réalité vendre au Canada et, si elle n'a pas d'installation permanente ici, ne pas avoir à payer d'impôt canadien. Une compagnie canadienne peut en faire autant aux États-Unis en faisant de la publicité sur l'Internet, mais la différence de taux est considérable, entre 3,5 et 7 p. 100 aujourd'hui.
C'est pourquoi nous appuyons vigoureusement les conclusions du comité Mintz, dans son intégralité. Nous pensons que certaines suggestions concernant l'examen de la DPA pour voir si elles sont justifiées aujourd'hui... On a déjà parlé des règles relatives à la recherche scientifique et au développement. Elles sont complexes, et même si la loi est restée la même depuis dix ans elles sont aujourd'hui interprétées différemment. La plupart des contribuables ne savent sans doute pas avec certitude comment les interpréter.
Il faudra accorder un dédommagement plus important non seulement à ceux qui réalisent des percées technologiques mais aussi qui peuvent les mettre en pratique.
À notre avis, les propositions du comité Mintz concernant le régime fiscal des sociétés constitue un tout équilibré qui offrira de nouvelles possibilités de croissance économique et de création d'emplois. L'alignement de nos taux d'impôt sur les normes internationales encouragera les entreprises à investir et à créer des emplois au Canada tout en protégeant nos recettes fiscales.
Quatrièmement, nous sommes convaincus que la réduction de l'impôt des sociétés et de l'impôt des particuliers peut se faire ensemble. Ce n'est pas une chimère. Une façon de s'y prendre sera peut-être de songer à réduire les cotisations de l'assurance-emploi. Ce serait une façon de mettre de l'argent dans la poche du contribuable. Ce serait aussi une façon d'en mettre entre les mains des entreprises. Ce pourrait être le début d'une réduction.
Pour terminer, il est essentiel d'entreprendre l'harmonisation des diverses taxes de vente au pays. Avec le commerce électronique, il faudra compter avec le risque de la double taxation vu la diversité des systèmes qui existent au pays. Si le gouvernement fédéral n'en prend pas l'initiative, nous n'arriverons jamais à harmoniser la taxe de vente, ce dont on a vraiment besoin.
Merci beaucoup. Je me ferai maintenant un plaisir de participer à la discussion.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Pickford.
Nous avons 45 minutes pour les questions. Nous allons commencer par M. Epp.
M. Ken Epp: Merci, monsieur le président.
Je suis ravi d'amorcer les questions. Je tiens à féliciter tous les témoins de nous avoir brosser un excellent tableau de leurs préoccupations.
Plusieurs d'entre vous ont parlé d'harmonisation fiscale. Êtes-vous vraiment rendus au point où vous êtes prêts à accepter à tout jamais une énorme taxe de vente au Canada? Je m'étonne qu'aucun d'entre vous n'a demandé l'élimination de la TPS/TVH plutôt que son harmonisation. Je vous écoute.
Le président: Monsieur Wilson.
M. Dean Wilson: Je me lancerai volontiers à l'eau.
Dans une certaine mesure, nous avons été obligés d'accepter les taxes de vente. Ce serait évidemment agréable de pouvoir se débarrasser de toutes les taxes de vente provinciales et fédérale. Toutefois, je ne sais si ce serait réalisable du point de vue économique à ce stade-ci. En fait, l'harmonisation de la taxe de vente dans les trois provinces de l'Atlantique a eu pour effet une réduction nette de la taxe harmonisée dans ces trois provinces.
Il est également plus simple pour les entreprises de se conformer à une seule taxe qu'à deux taxes. L'expérience des trois provinces de l'Atlantique et du Québec est certainement positive, puisqu'elle prouve que nous pouvons être plus efficaces en allant dans ce sens.
• 1215
D'ailleurs, le simple fait d'harmoniser la taxe ne signifie
pas pour autant qu'elle doive continuellement augmenter. Même si
elle est actuellement de 15 p. 100 dans certaines provinces, au fur
et à mesure que celles-ci élimineront leur déficit et juguleront
leur endettement, elles pourront peut-être se montrer moins
affamées en matière de taxes de vente. Pourquoi une taxe de vente
harmonisée devrait-elle nécessairement grimper continuellement?
Pourquoi ne pourrait-elle pas diminuer, si les besoins se font
moins ressentir?
Je répète qu'une taxe vaut mieux que deux, cela ne fait pas de doute.
M. Ken Epp: Je voudrais rappeler quelque chose aux membres du comité. La province la plus en santé du point de vue économique est l'Alberta qui, jusqu'à l'apparition de la TPS, était une province franche d'impôt. Or, l'imposition de la TPS a ralenti notre économie provinciale, mais l'Alberta maintient toujours son avance parce qu'elle est exempte de toute taxe provinciale.
Nous n'arrêtons pas de payer une taxe après l'autre. Nous n'arrêtons pas non plus d'affirmer que notre régime fiscal doit s'aligner sur celui des Américains pour empêcher l'exode des cerveaux, pour empêcher les entreprises de se précipiter aux États-Unis et pour en encourager d'autres à venir s'établir au Canada. On dit qu'il faut réduire le taux général d'imposition. Or, vous ne nous faites aucune suggestion concrète sur la façon d'y parvenir. Avez-vous des propositions?
Mais auparavant, je crois avoir entendu M. Pickford mentionner l'harmonisation. Vous pourriez peut-être nous expliquer dans votre réponse pourquoi l'harmonisation vous semble particulièrement utile.
M. Barry Pickford: On vous a déjà répondu en partie. J'aimerais plutôt revenir à la question de savoir si l'on a besoin d'une TPS ou de taxes de vente provinciales. Je crois que nous préférerions tous qu'il n'y en ait aucune, mais nous reconnaissons en même temps que s'il n'y en avait pas, le gouvernement imposerait tout simplement un autre type de taxe.
Avant l'avènement de la TPS, nous avons payé pendant des années une taxe de vente fédérale. Or, la TPS a été perçue comme étant avantageuse, particulièrement pour l'industrie d'exportation. Comme cela fait longtemps que ces taxes existent, elles ne seront pas faciles à faire disparaître.
Cela étant dit, l'harmonisation est considérée par les entreprises comme étant une véritable source d'épargne. L'harmonisation nous permettrait de ne remplir qu'un seul formulaire d'impôt et de n'effectuer qu'un seul paiement. À vrai dire, si nous parvenons à réduire les coûts de la perception de cette taxe, nous pourrions espérer éventuellement réduire la taxe elle-même.
Nous sommes à l'aube du commerce électronique—qui existe déjà dans une certaine mesure. La véritable question, c'est de savoir qui va percevoir la taxe de vente sur des biens qui sont vendus entre Toronto et Vancouver. Ce type de situation donne lieu à une éventuelle double imposition. Or, un système de taxes harmonisé pourrait certainement réduire le risque d'une double imposition.
M. Jim Facette: Monsieur Epp, revenons à ce que vous avez dit sur l'Alberta et sur son niveau de taxes et sur la façon dont cette province a réussi à maintenir une économie saine tout en imposant des taxes au niveau les plus faibles. Outre le fait d'imposer des taxes plus élevées, le gouvernement albertain a également décidé de maintenir son emprise sur certains secteurs tout en se désistant d'autres secteurs encore. Le gouvernement albertain s'est en effet retiré de certains champs d'action.
Du côté des infrastructures, le gouvernement albertain a choisi de se retirer de l'entretien de son réseau routier principal, par exemple. Cela a permis à l'Alberta Transportation and Utilities (à la Compagnie de transport et de services publics de l'Alberta) d'économiser plus de 43 millions de dollars par an. Ces épargnes ont été réinvesties dans l'infrastructure provinciale pour permettre à l'économie de la province de continuer son envol. Ces réinvestissements ont également permis de réinjecter 150 millions de dollars de plus au cours des trois prochaines années dans le réseau routier ainsi que de créer une autoroute à quatre voies, qui part du nord de l'Alberta et qui descend jusqu'aux États-Unis—on l'appelle l'autoroute des exportations—et même jusquÂau Mexique.
Le gouvernement albertain s'est donc demandé quel devrait être son champ d'action et dans quel domaine il excellait, et a ainsi décidé de cesser de se considérer comme une entreprise. L'Alberta a donc réinvesti dans son infrastructure, ce qui lui a permis de garder ses taxes au plus bas niveau et de faire augmenter ses recettes., Voilà un domaine dans lequel il a réussi.
Le colonel à la retraite Sean Henry (analyste de défense principal, Congrès des associations de la Défense): L'une des facettes du problème, c'est qu'il faut comprendre tout ce qu'il faut faire dans certains secteurs donnés d'imposition. La TPS comme les taxes de vente provinciales ont pour caractéristiques d'être relativement stables et prévisibles pour les gouvernements.
• 1220
Soit dit en passant, les deux taxes totalisent 15 p. 100 dans
cette province-ci. Or, si vous vous tournez du côté de l'Europe,
vous constaterez que la taxe équivalente, la TVA, par exemple, peut
aller chercher jusqu'à 19 ou 20 p. 100! Vous voyez que nos taxes
combinées sont peut-être un mal nécessaire.
Notre mémoire explique que vous devriez vous pencher surtout sur la Loi de l'impôt sur le revenu. En effet, cette loi est un horrible fouillis. Il y a beaucoup à faire avec la Loi de l'impôt sur le revenu, pas nécessairement pour réduire les impôts, mais plutôt y faire du nettoyage. En élaguant tout ce qui est inutile, on finira sans doute par aboutir à certaines réductions, et toutes réductions de l'impôt sur le revenu des particuliers pourraient être plus avantageuses pour les Canadiens que beaucoup d'autres mesures. Cela pourrait les encourager à donner un autre coup d'épaule à la roue, car il ne faut pas oublier que le fardeau fiscal des Canadiens est écrasant.
Que faisons-nous en matière de programmes sociaux? Nombre de Canadiens vous répondraient que nous en sommes peut-être arrivés au point où il nous est désormais impossible de les maintenir.
Je vous répondrai que la priorité, c'est d'élaguer la Loi de l'impôt sur le revenu plutôt que de vous attaquer à la TPS.
Le président: D'autres commentaires?
M. Ken Epp: J'aurais une autre question.
Je m'adresse maintenant à M. Facette qui nous parle exclusivement du réseau routier. Il me semble que dans un pays comme le Canada, où le trafic des produits industriels et agricoles sur de grandes distances est considérable, le gouvernement devrait soutenir financièrement le système ferroviaire.
Monsieur Facette, pourquoi n'en avez-vous jamais parlé?
M. Jim Facette: D'abord, je ne travaille pas pour l'Association des chemins de fer du Canada et je ne la représente pas.
M. Ken Epp: Oh, oh.
M. Jim Facette: Deuxièmement, si je n'en ai pas parlé, c'est que notre coalition a choisi de se concentrer sur le réseau routier, ce qui ne veut pas dire pour autant que les autres modes de transport n'ont pas leur importance au Canada. D'ailleurs, mes collègues de l'industrie automobile utilisent considérablement les transports multimodaux, qu'il s'agisse du transport ferroviaire, aérien ou terrestre.
Voyons les choses en face: le gouvernement s'est retiré de l'industrie ferroviaire qui est en grande partie aujourd'hui privatisée—du moins pour ce qui est des lignes ferroviaires sur courte et longue distances, à l'exception notoire de VIA Rail. Le gouvernement remplit bien son rôle en investissant dans les projets d'immobilisation, projets pour lesquels les investissements sont nécessaires et pour lesquels nombre de nos membres travaillent.
Il faut les soutenir financièrement. Peu de produits sont transportés exclusivement par chemin de fer. Au contraire, la plupart des produits canadiens sont expédiés par voie multimodale. Prenez, à titre d'exemple, l'industrie agricole. Comme il existe de moins en moins de silos à grain, on est obligé de se rabattre sur les grands silos à grain en ciment qui sont actuellement en construction. L'agriculteur doit donc expédier ses céréales de sa ferme jusqu'au silo. Comme il expédie ses céréales par la route, et dans des quantités de plus en plus considérables chaque jour, il faut reconnaître que les routes utilisées par les agriculteurs n'ont souvent pas été construites pour pouvoir tenir le coup.
M. Ken Epp: Merci. Désolé de vous couper la parole, mais j'ai une autre petite question à poser, et il ne me reste plus beaucoup de temps.
Je m'adresse au représentant des forces armées. Il se trouve que j'ai dans ma circonscription une grande base militaire que je vais visiter régulièrement. Lors de ma dernière visite, il y a à peine deux semaines, j'ai demandé aux membres des forces armées dans quel état se trouvait leur équipement, c'est-à-dire leurs véhicules, leurs armes, etc. Or, ces gens qui représentaient différents paliers de l'organisation m'ont répondu qu'ils étaient relativement satisfaits de l'état de leur équipement.
Je ne comprends pas d'où viennent vos chiffres à vous; ou est-ce plutôt que ces gens ont voulu me faire plaisir? D'où proviennent vos chiffres?
Col Alain Pellerin: J'imagine que les gens des forces armées sont des gens généreux et aimables, et qu'ils ont peut-être voulu vous faire plaisir. Je dis cela sérieusement.
Lorsque je suis entré dans les forces armées en 1965, nous recevions tout juste à ce moment-là des véhicules blindés de transport de troupes que vous pouvez encore voir sur la base. Les premiers sont arrivés en 1965, et ils sont toujours là. Or, ces véhicules ne devraient plus faire partie de notre inventaire. Mais tous nos régiments d'infanterie en ont encore, même si certains ont été remplacés par des véhicules à roues.
Ce n'est là qu'un seul exemple. Prenons aussi les hélicoptères Sea King qui volent maintenant depuis plus de 30 ans, et qui sont utilisés notamment pour les opérations de recherche en mer, ce qui ne fait qu'ajouter à leur obsolescence.
• 1225
Dès le tournant du siècle, il faudra se demander si l'on veut
moderniser les F-18 ou les remplacer, car nous les avons depuis
presque 20 ans et ce type de véhicule est souvent maltraité.
Je dirais la même chose pour les chars d'assaut qui ont été achetés en 1975. Il s'agit d'ailleurs de la première génération de chars allemands que nous ayons achetés, le Léopard.
Nous avons encore nombre de gros véhicules qui doivent être remplacés mais que l'on ne peut pas remplacer, surtout parce que la partie du budget consacrée normalement à l'achat d'équipement a été réduite et nous ne pouvons donc pas nous permettre d'acheter de l'équipement neuf.
Col Sean Henry: De plus, et je ne sais pas si nous parlons de l'armée ou pas, il y a deux facteurs qui ajoutent encore au caractère artificiel de la situation.
D'abord, lorsque les troupes ont été retirées d'Allemagne, l'Armée canadienne s'est donc vue dotée temporairement d'une grande quantité d'équipement. L'armée continue dans une certaine mesure à utiliser cet équipement, mais il tombe en désuétude.
Mais il y a un autre facteur plus important encore: rappelez-vous ce qu'a dit le colonel Pellerin au sujet des effectifs de l'armée. Au départ, l'armée a subi des compressions comme tout le monde, et elle est donc aujourd'hui à 65 p. 100 de ce que devrait être son effectif normal. Mais la situation a empiré encore très récemment. Certaines sous-unités disparaissent, si bien qu'au lieu d'avoir aujourd'hui quatre compagnies de fusiliers, nous n'en avons plus que deux. Et on pourrait multiplier les exemples.
Pour répondre à votre question, cela ne donne rien d'avoir beaucoup d'équipement si l'on n'a pas le personnel voulu pour le faire fonctionner; voilà le facteur important dont je parlais. En effet, même si certaines unités semblent être riches en équipement, elles ne sont pas plus efficaces pour autant, puisqu'elles n'ont pas le personnel pour utiliser cet équipement.
Le président: Merci.
Col Alain Pellerin: Si vous me permettez d'ajouter un commentaire en qui concerne non pas l'équipement, mais le personnel, je signale que depuis la fin de la guerre froide nous avons réduit les effectifs de plus de 25 000 personnes parallèlement à une extension de nos engagements, notamment pour le maintien de la paix.
Pendant la guerre froide, nous avions des engagements de maintien de la paix, mais ils étaient rares et espacés dans le temps. Le problème actuel des engagements de ce genre, c'est qu'ils concernent principalement l'armée; ce sont de gros contingents qui sont envoyés pour s'acquitter des missions de maintien de la paix. Du fait de la réduction des effectifs, ce sont les mêmes qui doivent participer successivement à toutes ces missions, par exemple en Bosnie. Il ne s'agit pas uniquement des 1 200 militaires qui sont sur place. Il y a aussi ceux qui restent en attente au Canada, qui doivent les relever dans six mois et qui ont déjà été désignés. Compte tenu du roulement, ce sont toujours les mêmes qui participent aux missions de maintien de la paix, et leur famille, qui connaissent parfois des circonstances très difficiles au Canada, en font les frais. Vous devez le savoir, puisqu'il y a une très importante garnison en Alberta.
Il y a donc là aussi un sérieux problème, et nous espérons que le comité permanent va le régler. Malheureusement, les recommandations qu'il formulera devront sans doute être financées à partir du budget du ministère de la Défense, à moins d'une augmentation du budget. Si bien qu'à long terme, le problème ne peut que s'aggraver, au lieu de se résoudre.
Le président: Merci.
Monsieur Valeri.
M. Tony Valeri: Merci, monsieur le président. Je voudrais faire un commentaire d'ordre général que je rapprocherais ensuite de ce que j'ai entendu.
Quelqu'un a dit tout à l'heure que le Canada devait renforcer sa compétitivité. M. Henry a indiqué, je crois, que l'impôt sur le revenu des particuliers devait être beaucoup plus compétitif. On a dit également que toute modification du régime d'imposition des particuliers aurait une incidence sur l'exode des cerveaux. La mondialisation est une réalité et les frontières s'estompent, ce qui entraîne des mouvements de capitaux et de personnes.
Ensuite, quelqu'un a parlé de l'assurance-emploi; je crois que vous avez dit, monsieur Pollard, que le gouvernement se servait effectivement de l'excédent de l'assurance-emploi. Je tiens à répéter publiquement que dès 1986, le vérificateur général a affirmé que le fonds de l'assurance-emploi devait être versé au Trésor public, car il connaissait à l'époque un déficit de 6 milliards de dollars, dont le gouvernement était ultimement responsable. Le gouvernement de l'époque avait minimisé ce déficit et le vérificateur général demandait qu'il en soit tenu compte dans les chiffres du Trésor public.
• 1230
C'est pourquoi les primes de l'assurance-emploi sont versées
directement au Trésor public depuis cette époque, si bien que toute
opération effectuée au compte de l'assurance-emploi doit être
contrebalancée par une autre opération.
On a également signalé, je crois, qu'une réduction des primes d'assurance-emploi favoriserait les perspectives d'emplois. Lorsque je m'entretiens à titre individuel avec des employeurs, je constate souvent que le facteur de l'assurance-emploi n'est pas déterminant dans leurs décisions concernant l'embauche. Ils recrutent généralement lorsque les forces du marché créent une demande et qu'ils éprouvent le besoin de la satisfaire.
Dans la réalité actuelle, les représentants politiques n'ont que des ressources limitées à gérer et ils veulent le faire en fonction des priorités canadiennes. Compte tenu de la nécessité des compromis, je vous demande quels facteurs il faut choisir en priorité entre l'assurance-chômage, l'impôt sur le revenu des particuliers et la TPS, comme l'a signalé M. Epp. Évidemment, il serait très avantageux pour les gouvernements et pour tous les Canadiens d'éliminer toutes les taxes, mais je ne crois pas qu'on puisse raisonnablement s'attendre à une telle éventualité. Pouvez-vous nous aider à faire un choix entre l'assurance-emploi et l'impôt sur le revenu des particuliers, compte tenu du fait qu'une réduction de l'impôt sur le revenu des particuliers vise 14 millions de Canadiens alors qu'une réduction des primes d'assurance-emploi n'en concerne que 8 millions, et que les travailleurs autonomes et les retraités ne bénéficieront nullement d'une réduction des primes d'assurance-emploi, alors qu'ils profiteront d'une réduction de l'impôt sur le revenu des particuliers? À cela s'ajoute encore l'objectif de stimulation des dépenses de consommation, qui a été signalé, je crois, dans les mémoires qui nous ont été remis. Quelle orientation faut-il prendre? Pouvez-vous nous aider? Peut-être pourriez-vous me préciser le raisonnement qui anime vos propositions.
Le président: Monsieur Pollard, voulez-vous intervenir?
M. Anthony Pollard: Non, je voudrais simplement répondre à cette question.
Le président: C'est ce que je voulais savoir. Voulez-vous répondre?
M. Anthony Pollard: Oui.
Le président: Nous allons donc écouter M. Pollard, puis M. Pickford et le colonel Henry.
Col Sean Henry: Vous constaterez que l'un des arguments du CAD...
Le président: Ce n'est pas sûr.
Des voix: Oh, oh!
Col Sean Henry: Excusez-moi.
Le président: Bien, allez-y.
Col Sean Henry: Vous constaterez que l'un des chapitres du Document du CAD concerne précisément vos questions. Il y est dit que les problèmes que connaissent les forces armées, notamment notre collègue de l'organisation d'infrastructure, entre autres, résultent de l'attitude, que je qualifierais de cavalière, adoptée il y a plusieurs années, en 1994-1995, par le gouvernement. Dans le cadre de la révision des programmes, il visait à prendre des mesures tout à fait extraordinaires pour réduire les dépenses de programmes, dans un but évident, c'est-à-dire réduire le déficit annuel, et le faire dans la mesure du possible sans toucher aux programmes sociaux.
Les représentants de ces deux organismes pourront vous dire que le pendule est sans doute allé trop loin et que plusieurs organisations essentielles du pays, comme les forces armées, les services responsables des infrastructures et d'autres services gouvernementaux essentiels ont dû subir des compressions dramatiques. C'est ce qui a permis au gouvernement de se tirer temporairement d'affaire. C'était le jeu des gobelets, en quelque sorte, et je suppose que c'était la seule façon de procéder.
Après ces changements apportés aux infrastructures fondamentales, que l'on réalimente parcimonieusement pour leur maintenir la tête hors de l'eau, on entreprend la révision du régime de bien-être et des programmes sociaux, non pas pour les supprimer totalement, mais pour réaliser des économies. Tout le monde comprend parfaitement que la plupart de ces programmes sont en poste depuis longtemps et qu'on peut s'attendre à trouver des chevauchements, du gaspillage, voire de la fraude, ou autre chose. Je ne pense pas qu'on puisse s'attendre à récupérer les centaines de millions de dollars dont il faudrait disposer pour diminuer l'impôt.
Le président: Merci.
Monsieur Wilson.
M. Dean Wilson: Tout d'abord, je voudrais vous donner une idée de l'exode des cerveaux dans notre industrie. La plupart des compagnies manufacturières de notre secteur sont des filiales de multinationales basées essentiellement aux États-Unis, si bien que les patrons sont américains et bien souvent, ils s'approprient les meilleurs éléments des sociétés canadiennes. On leur propose une promotion et on les invite à venir aux États-Unis. Je ne prétends pas qu'ils se décident uniquement en fonction d'un impôt sur le revenu inférieur aux États-Unis, mais c'est à cause de cela qu'ils ne reviennent pas au Canada; je peux vous l'affirmer. Une fois installés aux États-Unis, ils prennent conscience de l'écart entre les taux d'imposition et d'après notre expérience, ils reviennent rarement au Canada.
• 1235
Il s'agit donc de trouver un juste équilibre. Comme je l'ai
dit, nous considérons qu'il faut consacrer 50 p. 100 du surplus à
la réduction de la dette, point final. C'est la priorité absolue.
Il reste 50 p. 100 du surplus pour les autres objectifs. Voilà
notre point de vue.
Quelle part faut-il consacrer à la réduction de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt des sociétés, ou à d'autres formes d'allégement fiscal? Je n'en sais rien. Vous devrez trouver la bonne formule. On peut proposer un tiers pour l'impôt sur le revenu, un tiers pour l'impôt sur les sociétés et un tiers pour autre chose, notamment pour permettre aux mécaniciens de déduire une partie de leurs achats d'outils, comme on l'a proposé. À notre avis, il faudrait augmenter le plafond des déductions accordées aux petites entreprises pour le porter de 200 000 $ à 300 000 $. L'ensemble de ces différentes mesures pourrait représenter un tiers du total, il y aurait un autre tiers pour la réduction de l'impôt des sociétés et un troisième tiers pour l'impôt sur le revenu; les proportions pourraient être différentes. Mais c'est à vous d'en décider.
Nous vous demandons de consacrer 50 p. 100 du surplus à la réduction de la dette. Il ne faut pas en démordre. Pour nous, il est très important de s'en tenir à cet objectif, à savoir consacrer 50 p. 100 du surplus à la réduction de la dette. L'autre moitié du surplus devrait être partagé selon la formule magique que vous allez devoir recommander au ministre des Finances.
M. Tony Valeri: Permettez-moi de reformuler ma question. Dans un monde où il faut trouver un compromis entre la réduction de la prime d'assurance-emploi, qui coûte environ 350 millions de dollars par chaque tranche de réduction de 5c., et l'impôt sur le revenu des particuliers, qu'est-ce qui aurait, à votre avis, l'effet le plus important en faveur des Canadiens?
M. Dean Wilson: Il faut faire les deux. Il faut consacrer...
M. Tony Valeri: Mais on ne peut pas faire les deux. Malheureusement, nous ne pouvons nous offrir ce luxe.
M. Dean Wilson: Vous avez 6 milliards de dollars à votre disposition dans le fonds de l'assurance-emploi; il faudrait en consacrer une partie à la formation de la main-d'oeuvre...
M. Tony Valeri: Monsieur Wilson, je suis navré de vous interrompre mais en réalité, le défi pour votre comité—et c'est là l'objectif même du présent débat—est de mettre des faits concrets sur la table. Personne ne peut aller chercher un surplus dans le fonds de l'assurance-emploi. Je vous ai dit que les prime d'assurance-emploi sont versées au Trésor public. Si l'on décide d'en diminuer le montant, il faut compenser cette réduction par autre chose. Si l'on diminue les prime d'assurance-emploi, il sera sans doute impossible de réduire l'impôt des particuliers, d'investir dans les soins de santé ou, éventuellement, de réduire l'impôt des sociétés. C'est une question de choix. Je vous pose la question suivante—et je reconnais avec vous que c'est une question difficile; c'est pour cela que je me donne tant de mal: j'aimerais que des gens comme vous m'indiquent, compte tenu de la nécessité d'un compromis, la mesure qui profiterait le plus aux Canadiens.
M. Dean Wilson: Je crois que l'assurance-emploi est très importante pour le Canada; il est essentiel de la préserver et d'y consacrer suffisamment d'argent pour former les travailleurs et leur redonner de l'emploi. C'est très important. Le reliquat devrait servir à réduire l'impôt sur le revenu, l'impôt des sociétés ou d'autres postes fiscaux.
M. Tony Valeri: Vous investiriez donc davantage dans la formation des travailleurs, et le reliquat...
M. Dean Wilson: Absolument. Il faut faire baisser le taux de chômage dans notre pays de façon à remettre les gens au travail et à réduire les fonds publics consacrés au bien-être social ou aux autres programmes sociaux. Il faut remettre les Canadiens au travail. C'est la priorité absolue. Cela me semble évident.
M. Tony Valeri: C'est évidemment un objectif que je partage.
Le président: Monsieur Pollard.
M. Anthony Pollard: Je suis enchanté d'occuper la position centrale à cette table. Je dois dire d'emblée, monsieur le président, pour répondre aux différentes questions, que j'ai déjà comparu devant ce comité à la fin des années 80, je crois, et je me souviens qu'il y a quelques années, on se demandait non pas ce qu'on allait faire du surplus, mais où il allait falloir imposer des compressions. Le problème du surplus est plus agréable. Je conçois que votre comité ait du mal à faire des recommandations, mais ce problème me semble bien préférable à celui qui se posait il y a sept ou huit ans.
Deuxièmement, je comprends parfaitement ce que vous dites, à savoir qu'on a décidé en 1986 que tous les fonds devaient être versés au Trésor public pour que tous les versements puissent être effectués. Je le comprends parfaitement. Cependant, on était alors en 1990 et nous sommes maintenant en 1998. Vous êtes les acteurs de l'ordre législatif et il est sans doute temps de nous en rendre compte et d'apporter les changements nécessaires.
• 1240
En ce qui concerne la part du surplus de l'assurance-emploi
qu'on pourrait consacrer à une réduction d'impôt, même si le groupe
que je représente ne propose que des chiffres arbitraires, je
considère résolument que 75 p. 100 du surplus devrait être consacré
à une diminution des primes d'assurance-emploi, notamment à cause
des effectifs que nous employons, parmi lesquels figurent de
nombreux jeunes de 18 à 25 ans, pour lesquels il faut payer des
primes élevées d'assurance-emploi, et les 25 p. 100 restant
pourraient être consacrés à une réduction de l'impôt sur le revenu.
J'espère avoir répondu clairement à votre question.
M. Tony Valeri: Et votre réponse est essentiellement celle de l'Association des hôtels.
M. Anthony Pollard: C'est exact. C'est l'opinion de toute l'industrie. Comme je l'ai dit dans mon allocution liminaire, c'est une industrie d'une valeur d'environ 9 milliards de dollars qui emploie à peu près 235 000 Canadiens.
Le président: Merci, monsieur Pollard. Monsieur Facette.
M. Jim Facette: Merci, monsieur le président.
Dans ce monde d'échanges, votre question part de l'hypothèse qu'une réduction de l'impôt personnel profiterait à ceux qui ont un emploi rémunéré. Ils ont un revenu. Afin...
M. Tony Valeri: J'ai seulement dit que 14 millions de Canadiens ont essentiellement un emploi...
M. Jim Facette: D'accord, exactement. Mais pour que ces 14 millions de personnes soient employées, elles doivent avoir un emploi, et la meilleure façon de les employer est de créer un environnement où l'entreprise peut les engager. Si l'on veut investir dans les infrastructures et permettre aux entreprises d'investir, et si l'on veut leur donner les ressources qu'il leur faut dans le cadre des échanges dont vous parlez, la réduction des cotisations à l'assurance-emploi serait la priorité, car on créerait ainsi de l'emploi et les gouvernements pourraient percevoir davantage d'impôts, ce qui vous aiderait à long terme à réduire l'impôt sur le revenu.
M. Tony Valeri: D'accord, je vois ce que vous voulez dire, monsieur Pollard. Mais à l'exception peut-être de ces emplois qui se trouvent au bas de l'échelle, et où les cotisations à l'assurance-emploi sont importantes parce que ces gens ne touchent que le salaire minimum, je n'ai jamais rencontré d'employeur qui verse le salaire moyen ou plus et qui m'ait dit: «Je n'engagerai personne aujourd'hui parce que les cotisations sociales dans notre pays sont trop élevées», même si elles sont comparables aux autres pays de l'OCDE. Je n'ai jamais rencontré personne de ce genre, et vous venez de dire que la réduction des cotisations à l'assurance-emploi stimulerait l'emploi.
M. Jim Facette: C'est exact, ça aiderait. Je n'ai pas dit que ce serait la seule motivation pour l'embauche.
M. Tony Valeri: Mais vous ne pensez pas qu'une réduction de l'impôt sur le revenu, qui encouragerait la consommation, stimulerait aussi la demande du marché, ce qui créerait également de l'emploi?
M. Jim Facette: Pour profiter d'une baisse de l'impôt sur le revenu, il faut avoir un revenu. Il faut d'abord avoir un revenu pour bénéficier d'une réduction des impôts. Mes membres embauchent selon le marché et selon le besoin. Et s'il y a du travail à faire, la première chose qu'ils font, c'est embaucher. Et ils sont en affaires pour faire de l'argent; ils ne sont pas nécessairement en affaires pour créer d'abord des emplois.
M. Tony Valeri: Ah, je suis d'accord. Bien sûr.
M. Jim Facette: Donc s'ils se trouvent dans un milieu où les cotisations sociales sont moindres et où il y a moyen de faire des affaires, ils seront plus enclins à embaucher des gens. Voilà pourquoi je dis que la réduction des cotisations à l'assurance-emploi est l'un des facteurs qui les encourageraient à embaucher des gens, mais ce n'est pas le seul.
M. Tony Valeri: D'accord. Et les cotisations à l'assurance-emploi sont versées par ceux qui ont un emploi.
M. Jim Facette: C'est exact.
M. Tony Valeri: D'accord.
Le président: Une dernière observation, monsieur Pickford.
M. Barry Pickford: S'il est difficile de répondre à cette question, c'est entre autres choses parce que nous sommes nombreux ici présents à avoir entendu votre réponse à la personne qui disait que la solution résidait dans la réduction des cotisations à l'assurance-emploi. Permettez-moi donc de vous proposer une approche légèrement différente.
En dépit de la décision qui a été prise en 1986, je ne crois pas que ce soit une opinion qui soit répandue aujourd'hui. La plupart des Canadiens pensent qu'il existe un gros compte quelque part dans lequel ils ont versé beaucoup trop d'argent, et ils voudraient en récupérer une partie sous forme d'une réduction.
Ce qui est plus important, c'est qu'il faut commencer quelque part, et une réduction de l'assurance-emploi aurait un effet plus visible parce que les gens voient combien ils contribuent chaque fois qu'ils reçoivent leurs chèques de paie. Il est très difficile de déterminer dans quelle mesure on profite d'une baisse d'impôt. Mais si l'on réduit vos cotisations à l'assurance-emploi, vous allez le savoir tout de suite. Je pense que cela aurait un effet beaucoup plus considérable.
Je sais qu'il y a beaucoup de gens qui ne cotisent pas à l'assurance-emploi aujourd'hui, mais je pense que ce serait un moyen concret de commencer à réduire les impôts au Canada. Je ne pense pas que cela va s'arrêter là parce qu'il vous faudra aussi réduire l'impôt sur le revenu.
Autre chose: il est évident qu'une telle réduction aurait un effet double. Oui, cette mesure ne touche peut-être que les huit millions d'employés du Canada, mais elle touche aussi les employeurs. Et même si l'on ne crée peut-être pas d'emplois ainsi, ces entreprises se retrouveront avec plus d'argent, ce qui leur permettra de trouver du crédit à meilleur marché et d'investir peut-être dans des immobilisations, ce qui pourrait créer ultimement des emplois dans d'autres industries.
• 1245
Donc même si je sais ce que vous en pensez, je suis favorable
à une réduction des cotisations à l'assurance-emploi.
M. Tony Valeri: Je sais ce que j'en pense, mais si j'ai posé la question, c'est parce que je veux savoir...
M. Barry Pickford: Bien sûr. Absolument.
M. Tony Valeri: ... ce que vous avez à dire à ce sujet: en dépit des faits que j'ai énoncés, j'ai du mal à faire certains raccords quand j'entends des arguments comme les vôtres. Cependant, je vous sais gré de m'en avoir fait part.
Le président: Merci, monsieur Valeri.
Nous allons passer à M. Desrochers. Puis ce sera au tour de Mme Bennett et de M. Brison.
[Français]
M. Odina Desrochers: Je ne sais pas où mon collègue Valeri prend ses renseignements concernant l'assurance-emploi, mais je peux vous dire que le Bloc québécois vient de terminer une tournée du Québec et a appris que patrons et syndicats exigeaient non seulement une baisse des taux de cotisation mais aussi une réforme en profondeur, parce qu'il y a beaucoup de travailleurs et de travailleuses qui sont pénalisés.
On s'interroge aussi sur ce que le gouvernement fédéral fait du surplus. Est-ce qu'il s'en sert pour établir des mesures de création d'emploi ou pour éponger le déficit? On a beaucoup de choses à voir.
J'aimerais dire également que le vérificateur général a demandé à maintes reprises que les fonds de l'assurance-emploi soient dans un compte distinct de façon à ce que les choses soient transparentes et qu'on sache vraiment ce que fait le ministre des Finances.
Ma question s'adresse à M. Pollard. Les coûts de l'assurance-emploi touchent beaucoup de secteurs. Il y a beaucoup de petits hôtels, de restaurants, de petits établissements dans le comté que je représente et un peu partout ailleurs. Savez-vous ce que les gens de ce secteur pensent de l'actuel fonctionnement de l'assurance-emploi?
[Traduction]
M. Anthony Pollard: Merci beaucoup.
En premier lieu, il est très évident que nous recommandons fortement une réduction des cotisations à l'assurance-emploi. En second lieu, nous voulons que l'on cesse de verser ces cotisations au Trésor public. C'est ce que j'ai dit dans mon allocution liminaire, et nous y tenons beaucoup. Nous espérons que votre comité fera une recommandation en ce sens.
[Français]
M. Odina Desrochers: Merci, monsieur Pollard. Selon vous, de combien devrait-on diminuer le taux de cotisation à l'assurance-emploi? Vous dites qu'en l'an 2000, on n'aura que 10 p. 100. Comment verriez-vous cela pour 1999 et l'an 2000?
[Traduction]
M. Anthony Pollard: Tout d'abord, nous ne savons pas à combien se chiffrera le surplus lorsque le budget sera déposé. Donc mon association ne peut pas vous dire aujourd'hui précisément à combien cette réduction devrait se chiffrer. Nous avons vu hier que le gouvernement est aux prises en ce moment avec toute une série de problèmes, y compris l'équité salariale, le financement de la bourse du millénaire et de toute une gamme de programmes. Le gouvernement, comme on l'a dit plus tôt, doit prendre des décisions à caractère politique, et la politique est l'art du compromis, l'art du possible; il doit donc donner remède à une foule de problèmes.
Je peux donc difficilement vous dire quel serait le pourcentage de cette diminution sans connaître les chiffres exacts. Ce qu'on aimerait voir, ce serait une diminution immédiate des cotisations à l'assurance-emploi.
[Français]
M. Odina Desrochers: J'ai une dernière question. Avec l'actuel régime d'assurance-emploi, est-ce que les employés de l'industrie hôtelière, qui est souvent une industrie saisonnière, sont pénalisés par le fait que les règles d'admissibilité à l'assurance-emploi ont été énormément modifiées? Si c'est le cas, avez-vous des recommandations à faire à ce sujet?
[Traduction]
M. Anthony Pollard: Pour commencer, j'aimerais faire deux observations. Le caractère saisonnier de notre industrie s'atténue de plus en plus. Évidemment, nous recevons moins de monde en décembre et en janvier; cependant, au cours du reste de l'année, les choses vont de mieux en mieux. Deuxièmement, en réponse à une observation qu'on a faite plus tôt, je dirai que notre industrie n'emploie pas que des gens au salaire minimum. Ce n'est certainement pas le cas.
• 1250
Quel sera l'effet sur notre avenir, monsieur le président?
Pour en revenir à ce que j'ai dit plus tôt, pour ce qui est des
chiffres, il est difficile de quantifier cela. Cependant, nos
recherches internes indiquent très clairement que le niveau actuel
des cotisations à l'assurance-emploi est un boulet pour la création
d'emplois.
Le président: Merci, monsieur Desrochers.
Madame Bennett.
Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Merci.
Moi, c'est la santé qui me préoccupe le plus, ce qui n'est un secret pour personne. Aucun d'entre vous n'en a parlé. Vous êtes nombreux à avoir des employés, et je crois que l'un des principaux attraits pour nos entreprises, particulièrement celles qui ont une forte densité de main-d'oeuvre, c'est le système de soins de santé qu'il y a au Canada.
Monsieur Wilson, êtes-vous en train de dire que lorsque nous entendrons cet après-midi les groupes qui s'occupent de santé publique, nous devrions leur dire que le système de santé publique au Canada a tous les crédits dont il a besoin?
M. Dean Wilson: Je représente l'Association des industries de l'automobile du Canada, les entreprises qui font partie de cette industrie, et je peux vous dire quelle est notre perspective: les 200 000 personnes et plus que notre industrie emploie ont accès à diverses possibilités en matière d'assurance-santé. Nous avons l'assurance-santé de l'Ontario, bien sûr, mais la plupart de nos entreprises membres offrent aussi un programme d'assurance-santé, qui est géré par le secteur privé, par le secteur de l'assurance. Nous avons pour politique dans notre industrie, du moins dans le cadre de notre association, de payer 50 p. 100 de toute assurance-santé supplémentaire et d'autres choses du même genre. Pour ce qui est des soins de santé, nous ne constatons pas de problèmes majeurs pour les gens qui sont employés dans l'industrie de l'automobile.
Je comprends cependant qu'il se pose un problème plus grand pour ce qui est des Canadiens qui ne sont pas aussi bien servis.
Mme Carolyn Bennett: Ce que nous disons, c'est que si vous deviez tout payer, comme mes patients qui sont allés s'installer à New York et qui ont dû verser 10 000 $ pour leur assurance-santé... On ne considère pas là-bas qu'il s'agit d'une taxe. Mais au Canada, on ne considère pas cela comme une cotisation sociale parce que tout le monde sait que si vous avez besoin d'une greffe du coeur, le système public en assumera le coût. Vos entreprises risqueraient de perdre énormément si les Canadiens cessaient d'avoir confiance au système d'assurance-santé et si chaque syndicat exigeait dans les négociations collectives la mise en place d'un système d'assurance-santé totalement privé. Il vous en coûterait beaucoup plus si les syndicats cessaient d'avoir confiance au système que nous avons maintenant et exigeaient une plus grande protection émanant de l'assurance privée.
M. Dean Wilson: Je dis seulement qu'à notre point de vue, l'assurance-santé au Canada est raisonnable. J'espère qu'elle est meilleure que celle qui existe aux États-Unis. C'est une opinion personnelle. Mais je comprends que nous ne constituons qu'un petit segment de la population canadienne.
Mme Carolyn Bennett: Je dirai à tous nos invités, puisqu'on se plaint tout le temps de payer trop d'impôts, que notre gouvernement n'explique pas très bien à la population qu'étant donné que l'assurance-santé profite à l'employeur et est financée par l'impôt sur le revenu, nous n'avons pas à payer aujourd'hui de notre poche pour l'assurance-santé comme c'est le cas chez nos voisins du Sud. Comment pourrions-nous faire une meilleure pédagogie?
Le président: Qui veut répondre?
Monsieur Pollard.
M. Anthony Pollard: Nous pouvons tous lire les sondages. Au cours de la dernière fin de semaine, avant que vous reveniez tous à Ottawa, nous avons vu que la priorité numéro un pour les Canadiens semble être l'assurance-santé.
Le secteur hôtelier emploie 235 000 personnes. Inutile de vous dire que les avantages sociaux sont essentiels pour les employés. Si vos employés ne sont pas heureux—sans faire trop bébêtes—ils ne travailleront pas aussi bien. Bon nombre d'entre vous logez à l'hôtel ici à Ottawa, et je n'ai pas besoin de vous dire quelles seraient les conséquences pour vous. On a vu l'an dernier à l'émission This Hour Has 22 Minutes un sénateur, que je ne nommerai pas, qui a eu quelques petits ennuis à cause d'une question de service, mais on en reparlera une autre fois.
Le fait est qu'à titre d'employeurs, nous devons nous assurer que nos employés aient accès aux programmes voulus. Le gouvernement explique-t-il bien à la population l'avantage qu'il y a à être citoyen canadien, les avantages d'un système de santé public? Il y a des fois où je crois que ce n'est pas le cas.
Peut-être faut-il mieux illustrer la réalité. J'ai un beau-frère qui habite à Boston. Il est toujours Canadien. Il doit verser de sa poche un certain montant pour assurer sa femme et ses deux enfants. Par contre, la compensation c'est qu'il paie beaucoup moins d'impôts que moi.
• 1255
Il faut songer à faire ici une analyse de rendement. Où sont
les avantages? Qu'est-ce qui marche et qu'est-ce qui ne marche pas?
Vous devez dire les choses simplement, par exemple: d'accord, il
vous voudra payer davantage pour l'assurance-santé, mais vous
paierez moins d'impôt. Donnez des exemples au public pour qu'ils
comprennent la situation un peu mieux.
C'est comme comparé la vie au Canada par rapport aux États-Unis sur le plan du crime et de la sécurité. Nous trouvons ici des tas dÂavantages qui n'existent pas dans d'autres pays du monde. Est-ce qu'on explique bien cette réalité? Il y a des fois où je pense que non.
Mais je ne suis pas ici pour montrer au gouvernement comment faire sa publicité. Je dis seulement qu'il existe des possibilités dont vous pourriez tirer partie.
Mme Carolyn Bennett: Je pense que ma question s'adressait à M. Wilson.
C'est bien de demander cela, mais vous demandez de fait 50 p. 100 pour l'allégement des impôts et 50 p. 100 pour la réduction de la dette, et je ne suis pas sûre que ce soit la situation idéale même pour les gens de votre industrie.
M. Dean Wilson: Je pense que cela serait l'idéal pour les Canadiens, parce que si votre dette est élevée, vous allez payer de gros intérêts. C'est jeté l'argent par les fenêtres.
Mme Carolyn Bennett: Mais nous sommes très fiers au Canada du rapport de la dette au PIB, qui diminue plus rapidement que celui de tous les autres pays.
Col Sean Henry: Ce n'est pas le cas.
M. Dean Wilson: Mais vous devez vraiment éliminer cette dette parce qu'on ne fait que gaspiller de l'argent en payant des intérêts. C'est gaspillé de l'argent. Si vous vous en débarrassez...
Mme Carolyn Bennett: On essaie.
M. Dean Wilson: ... pensez à tout l'argent que vous aurez à votre disposition pour faire les choses dont vous parlez.
Mme Carolyn Bennett: Nous avons équilibré le budget, n'est-ce pas?
J'ai une autre petite question. Colonel Pellerin, le système d'assurance-santé pose un problème au sein des Forces canadiennes. À votre avis, les militaires croient-ils qu'ils n'ont pas accès aux mêmes soins de santé de qualité que les autres Canadiens?
Col Alain Pellerin: Il m'est difficile d'entrer dans les détails. Cela dépend de l'endroit où ils sont postés, par exemple. Certains ont accès aux mêmes services de santé que les autres, mais il y a aussi le cas des localités isolées.
De même, je pense que le problème est lié à la séparation de la famille. Le mari est très souvent absent du pays et la femme, et il s'agit très souvent de jeunes femmes ayant de jeunes enfants, a l'impression qu'elle n'a pas accès à tous les services voulus. C'est le cas entre autres des services de santé, mais il y a aussi plusieurs autres services auxquels elle n'a peut-être pas accès. Et le mari est parti pendant six ou neuf mois.
On a parlé du navire qui vient de revenir. Il avait été en mer pendant plus de six mois. Cela ne se voit jamais dans la plupart des familles normales du Canada, mais dans les forces armées, c'est une réalité quotidienne. Cela arrive tout le temps, et de plus en plus souvent. Je pense que les familles, les femmes qui restent derrière avec un budget réduit...
Mme Karen Bennett: Mais si les gens étaient mieux servis en se faisant soigner en ville, ne serait-ce pas une dépense de moins pour le budget des Forces canadiennes?
Col Sean Henry: Il n'y a que dans les bases éloignées que les personnes à la charge des militaires doivent recourir aux services de santé de l'armée. On songe tout de suite au cas de Cold Lake, mais même là, je ne suis pas sûr que ce soit encore le cas. Dans toutes les autres régions, les familles des militaires ont accès aux services de santé au même titre que tous les autres citoyens.
Cependant, la question est pertinente pour ce qui est du personnel militaire affecté aux services de santé, particulièrement dans les opérations outremer, comme en Bosnie, et sur ce navire, et vous trouverez ici des informations sur ces deux cas. Le système de santé militaire est à bout de souffle, et il y a des gens à la Défense nationale qui vous diront que non, on fournit encore des services suffisants.
Beaucoup d'entre nous ne sont pas convaincus de cela en raison de ce qui s'est passé. Le nombre de travailleurs médicaux a été considérablement réduit, et on donne maintenant les soins médicaux à contrat à des services locaux, etc. La question qui se pose est de savoir si ces services locaux sont à même de répondre aux besoins dans le contexte militaire. Je doute fort qu'ils le soient.
Le président: Nous devons vous interrompre pour passer maintenant à M. Brison.
Merci, madame Bennett.
M. Scott Brison: J'ai bien apprécié tous les exposés de ce matin.
Nous avons pu constater à la table ce matin une assez forte tendance au révisionnisme en ce qui a trait à notre histoire économique. J'ai été conforté dans mon opinion en entendant ce qu'on a dit au sujet des taxes à la consommation par rapport à l'impôt sur le revenu, en entendant les participants dire qu'il nous fallait bien prendre nos recettes fiscales quelque part et que la TPS n'était pas peut-être pas une si mauvaise idée que cela après tout. Je sais que les députés d'en face sont maintenant d'accord avec moi, mais nous aurions sans doute aimé que leur appui se fasse davantage sentir en 1993.
Le président: Vous n'étiez pas là à ce moment-là.
M. Scott Brison: Non, mais en ce qui a trait aux taxes à la consommation, on semble reconnaître ici quelles sont plus équitables et quelles ne sont pas plus neutres que l'impôt sur le revenu ou les charges sociales.
Pour ce qui est de l'assurance-emploi, on semble aussi s'entendre pour dire que les cotisations à l'assurance-emploi et les autres charges sociales sont les plus insidieuses parmi les différentes formes d'imposition en raison de leur incidence directe sur l'emploi. Est-ce là une dépense qui accroît le coût de la main-d'oeuvre? Elle réduit la demande de main-d'oeuvre. Est-ce bien ce que vous constaté dans vos organismes, notamment dans le secteur des services?
M. Barry Pickford: Je crois qu'on a signalé tout à l'heure que, dans notre secteur en tout cas, les employeurs ne vont pas se mettre à embaucher des gens comme conséquence directe d'une réduction des cotisations à l'assurance-emploi. Je ne crois pas qu'il soit justifié de s'imaginer qu'il en serait ainsi, mais pareille réduction aurait toutefois pour effet de mettre plus d'argent dans les coffres de l'entreprise et aussi dans les poches des travailleurs qui sont au service de ces entreprises. Ces travailleurs pourraient donc dépenser plus; les entreprises pourraient aussi consacrer plus de fonds à leurs immobilisations et ces immobilisations auraient des retombées tant pour l'infrastructure de l'entreprise que pour l'ensemble de l'économie canadienne.
M. Scott Brison: Monsieur Pickford, vous avez parlé assez longuement du rapport Mintz, et je suis d'accord avec vous pour dire qu'il est louable de vouloir se diriger vers une fiscalité de l'entreprise qui soit plus juste et plus uniforme et aussi plus neutre. Je soutiens qu'une fiscalité de l'entreprise plus juste et plus uniforme devrait sans doute s'accompagner d'une réduction des charges sociales, étant donné le fardeau disproportionnel qu'assument les entreprises du secteur des services à ce chapitre-là.
Pour ce qui est de l'exode des cerveaux, nous avons entendu les ministériels dire qu'il faudrait consacrer plus d'efforts à convaincre les Canadiens des avantages qu'il y a à rester au Canada. C'est peut-être que les Canadiens se rendent compte que l'écart entre les taux d'imposition américains et canadiens leur permet de s'assurer une certaine qualité de vie et un certain niveau de services de santé aux États-Unis et qu'en personnes intelligentes ils prennent leurs décisions et votent avec leurs pieds.
Nous semblons perdre beaucoup de nos meilleurs talents notamment dans les secteurs de la technologie; 80 p. 100 des diplômés en sciences informatiques de Waterloo s'en vont chez nos voisins du Sud. Quel sera l'effet de cet exode sur le secteur? Je veux parler des télécommunications et de la technologie de l'information. Ce sont là des domaines appelés à croître à l'aube du XXIe siècle. Quel sera donc l'effet sur le secteur si nous ne prenons pas des mesures concrètes sur le plan de la fiscalité pour renverser cette tendance?
M. Barry Pickford: Le plus important, c'est que nous risquons de voir disparaître de notre système ceux qui ont les connaissances les plus actuelles dans le domaine de la technologie. Ou encore, le coût de ces compétences va simplement augmenter radicalement, car si nous voulons les garder au Canada, nous devrons offrir à ces personnes une meilleure rémunération de façon qu'elles aient le même revenu après impôt, celui dont elles pensent avoir besoin...
Bien des raisons peuvent inciter les gens soit à déménager aux États-Unis, soit à demeurer au Canada. La qualité de vie en est une. Pour bien des gens le facteur rémunération est celui qui compte le plus. Ces gens n'hésiteront pas à s'installer aux États-Unis s'ils peuvent trouver dans la banlieue de Denver un endroit où vivre qui sera aussi agréable que Mississauga ou une banlieue de Montréal. Il faudra offrir à cette personne un salaire plus élevé pour l'inciter à demeurer au Canada parce qu'elle voudra le même niveau de vie qu'aux États-Unis.
Par ailleurs—et c'est ce qui est le plus effrayant—il nous faudra acheter ces services des États-Unis parce que c'est peut-être là qu'ils se trouveront. Il faudrait peut-être payer une entreprise américaine pour qu'elle recrute des Canadiens qui travailleront aux États-Unis et qu'on achète ces services auprès de cette entreprise pour que nous puissions continuer de perfectionner notre technologie.
M. Scott Brison: Très bien. Parlons maintenant de l'impôt sur le revenu personnel. Le rapport Mintz propose d'abaisser les impôts versés par les entreprises. Ne pensez-vous pas qu'on devrait faire de même pour ce qui est des impôts sur le revenu personnel?
M. Dean Wilson: De façon générale, je pense qu'il est bon que nous soyons compétitifs par rapport aux États-Unis étant donné le volume des échanges entre nos deux pays. Les États-Unis sont notre principal partenaire commercial et nous sommes le principal partenaire commercial des États-Unis. Voilà pourquoi le taux des impôts sur le revenu des entreprises ainsi que le taux d'impôt sur le revenu des particuliers qui s'applique aux États-Unis revêt autant d'importance pour nous. Nos deux pays sont liés par un accord de libre-échange. Cela ne signifie pas qu'il faut que notre système soit exactement comme celui des États-Unis. Le taux des impôts sur le revenu des entreprises et sur celui des particuliers est beaucoup plus élevé au Canada qu'aux États-Unis. Il faut amenuiser cet écart, mais il ne s'agit pas d'adopter exactement le même modèle qu'aux États-Unis. Voilà mon point de vue.
M. Scott Brison: Permettez-moi de vous poser une question sur les impôts qui est de portée générale. Il est tentant dans le domaine des politiques économiques d'apporter des changements simplement pour la forme. Ainsi, si l'on permettait à plus de gens de déduire leur frais de repas de leur revenu, ce serait une mesure qui serait certainement avantageuse pour l'industrie hôtelière et pour l'industrie de la restauration. Vous avez donné en exemple les outils qu'utilisent les mécaniciens. Toute réduction d'impôt a un effet positif. Ne faudrait-il cependant pas mieux d'abandonner cette tendance à vouloir, par des moyens politiques, susciter une réponse Pavlovienne en encourageant un type de comportement plutôt qu'un autre? Si nous abaissions les taux d'impôt et que nous simplifions le régime fiscal, avec peut-être comme objectif à long terme de faire en sorte que les Canadiens n'aient pas à faire appel à un comptable—je ne m'en prends pas à vous, Paul—pour remplir sa déclaration d'impôt...
M. Paul Szabo: Il s'agit d'offrir une réduction d'impôt aux personnes à haut revenu.
M. Scott Brison: Nous proposons un régime fiscal simple et neutre qui permettra aux Canadiens de prendre leurs propres décisions quant à l'utilisation qu'ils veulent faire de leur argent et des investissements qu'ils veulent consentir. Il s'agirait d'avoir des impôts qui génèrent des recettes au lieu de simplement constituer une mesure par laquelle on exerce un contrôle sur les gens.
M. Dean Wilson: Je doute un peu que le gouvernement puisse vraiment refondre le régime fiscal. Prenons le cas de la TPS dont l'adoption remonte à je ne sais plus quand, mais ça semble déjà un long moment. Seulement quatre provinces ont harmonisé leur taxe avec la TPS. Qu'on songe aux interminables querelles entre les gouvernements fédéral et provinciaux à ce sujet. Si l'on essaie de réformer l'ensemble du système fiscal, ce qui serait une bonne idée... Je crois que ce sera presque impossible. C'est mon point de vue. Ce sera du moins très difficile. Peut-être qu'il serait possible d'obtenir l'aval à long terme des provinces, mais je ne pense pas qu'on puisse les amener à accepter quoi que ce soit très rapidement dans ce domaine comme l'on l'a vu avec la TPS.
M. Anthony Pollard: Il y a deux ou trois choses. Je me souviens—mais pas parce que j'y étais, manifestement—que l'impôt sur le revenu a été instauré en 1916 pour financer l'effort de guerre. Cet impôt devait être temporaire. Je ne sais pas ce qui s'est passé.
Voilà pourquoi je ne suis pas idéaliste au point de croire... Nous souhaiterions tous une réduction, bien entendu. Nous voudrions voir appliquer toutes les recommandations du rapport Mintz, mais au bout du compte, cela ne se produira pas.
Il va sans dire que chacun de nous prêche pour sa paroisse et nous souhaiterions que tous les Canadiens soient traités équitablement. Voilà pourquoi nous sommes venus aujourd'hui monsieur le président, vous faire part de notre point de vue.
M. Barry Pickford: J'aimerais ajouter un dernier mot. Le comité Mintz ne proposait pas réellement un impôt uniforme, si c'est ce que vous suggérez, monsieur Brison. Loin de là. De nombreux éléments qui ajoutent à la complexité seraient maintenus, et notamment l'impôt sur le capital versé aux gouvernements fédéral et provinciaux. Comme je gagne ma vie grâce aux impôts, je ne suis pas convaincu d'aimer l'idée d'un impôt uniforme.
Si jamais on instaurait un tel impôt uniforme, la question est de savoir si le gouvernement saurait s'empêcher d'apporter des changements au régime de temps en temps notamment pour dire que les dons aux organismes de bienfaisance ne sont pas déductibles aux fins de l'impôt ou ne donnent pas droit à un crédit d'impôt. Cela fait apparaître toute une nouvelle série de complications qui ne disparaîtront jamais.
Notre régime fiscal est devenu si compliqué qu'il doit y avoir moyen de le simplifier mais je ne crois pas que la réponse ce soit un impôt uniforme.
Le président: Merci, monsieur Pickford.
Permettez-moi un bref commentaire. Bien sûr, tout le monde préconise des réductions d'impôt. Qui oserait dire le contraire? Or, il faut aussi assurer l'intégrité du processus et par là j'entends qu'on ne peut pas tout simplement réduire l'impôt aujourd'hui et décréter une augmentation deux ou trois années plus tard. Si nous décidons de réduire l'impôt, il faut que cette décision ait une certaine permanence. Autrement, on fait naître des attentes dans l'esprit des Canadiens ou des sociétés et cela risque de créer des problèmes inutiles ultérieurement. Nous devons agir de façon responsable et mettre en place un régime durable.
• 1310
Je vais accorder la dernière question à madame Redman.
Mme Karen Redman: Merci, monsieur le président.
Ma question s'adresse à monsieur Facette et concerne un aspect quelque peu différent. Je vais la poser d'une traite et vous pourrez ensuite y répondre.
J'aimerais savoir plus exactement qui sont les membres de votre coalition. S'agit-il de travailleurs de la voirie ou d'entreprises d'asphaltage? Je ne suis pas certaine de le savoir.
Le vif de ma question c'est de savoir si vous prévoyez davantage de partenariats entre le secteur privé et les gouvernements comme un moyen de faire construire l'infrastructure que vous réclamez. Je pourrais donner l'exemple de l'autoroute 407 à Toronto.
J'aimerais aussi vous demander si vous croyez que les Canadiens sont prêts à accepter des routes à péage et si le gouvernement devrait envisager cette option pour garantir la construction des infrastructures voulues.
M. Jim Facette: Trois bonnes questions.
D'abord, nous représentons les travailleurs de la construction, oui. Nous comptons aussi parmi nos membres des fournisseurs du secteur pétrolier, des travailleurs du secteur de l'automobile, des entreprises de haute technologie, aussi. Nous ne représentons qu'un seul secteur. Nous représentons aussi des producteurs d'asphalte.
Quant aux partenariats entre les secteurs public et privé, si c'est la seule façon d'assurer la construction des infrastructures voulues, la réponse est peut-être. Il n'existe pas une définition universelle de ce qu'est le partenariat public.
Le meilleur exemple que nous avons aujourd'hui de l'utilisation de partenariats entre les secteurs public et privé est probablement dans le secteur des services d'aqueducs et d'égouts. C'est très populaire en Ontario. Beaucoup de résidants de cette province paient leur facture d'eau en fonction de leurs niveaux de consommation. Ils ne paient plus un tarif fixe. Il y a une source de revenu désignée sur laquelle les entreprises peuvent compter dans une certaine mesure. Mais est-ce la panacée? Pas du tout; comme l'ex-président du Comité des transports l'a dit l'an dernier—M. Alcock, je crois—qu'en est-il de la route entre Wawa et Winnipeg? Le tronçon de Wawa à Winnipeg fait partie de la transcanadienne, c'est la route 17. C'est une route importante qui relie l'est à l'ouest, mais sur le plan du volume de circulation, les chiffres sont bien inférieurs à ceux de la route 401 menant à Toronto. Y impose-t-on un péage? Eh bien, non. Ce n'est tout simplement pas réaliste sur le plan commercial.
En ce qui concerne les péages, les gens pensent que lorsqu'on parle de partenariats entre les secteurs public et privé pour les routes, on parle exclusivement de péages. Ce n'est pas le cas. Il s'agit d'un réseau routier national qui existe déjà au Canada et qui est déjà utilisé. Il comprend 25 000 kilomètres de route que nous connaissons fort bien. Nous savons où se trouvent ces routes. Nous savons quelles routes constituent ce réseau. Elles sont utilisées sans qu'on fasse payer directement l'usager.
Dans les entreprises, on dit que les gouvernements sont les propriétaires. En tant que propriétaires de ces routes, voulez-vous légiférer pour y imposer des frais directs, alors qu'il nÂy en a pas présentement? Je n'ai pas encore rencontré d'élu quelle que soit sa stratégie politique, qui réponde oui. La réponse est non. Dans ce cas, d'où l'argent doit-il provenir? En 1994, nous avons comparu devant votre comité et mon président, M. Redford, a dit... on a discuté de la possibilité d'augmenter les impôts. Il était alors question des taxes sur l'essence. Nous avons comparu devant le comité et il a dit que si vous envisagiez d'augmenter les taxes sur l'essence, il faudrait les augmenter d'un cent et affecter directement cette augmentation à l'entretien des routes. On nous a cependant répondu que c'était une idée folle, car la population canadienne n'acceptera jamais d'augmentation des taxes sur l'essence, et on nous a envoyés promener. Eh bien, en février 1995, c'est exactement le contraire qui s'est produit. On a ajouté un cent et demi sur l'essence. À ce moment-là, c'était pour réduire la dette et le public canadien l'a accepté.
Il est possible d'affecter des recettes—et les provinces ont demandé qu'on envisage cette possibilité—à un programme visant à investir dans un réseau routier national.
Alors la réponse est non.
La route 407 est-elle le modèle à suivre pour le réseau national? La réponse est non, parce que la 407 sera très bientôt une route privée; elle finira par ne plus appartenir au gouvernement. Elle lui appartient encore pour l'instant.
Il y a des secteurs du Nouveau-Brunswick où la route sera à péage, mais il faut vous rappeler que les routes continuent quand même d'appartenir au gouvernement.
La route 407 est-elle le modèle idéal? Non. Peut-on appliquer partout le concept du partenariat entre les secteurs public et privé? Pas nécessairement. Il faut tenir compte du projet en question et du réseau. Là où c'est plus avantageux d'utiliser les formes conventionnelles de paiement pour un projet, il est préférable de le faire. Il peut-être préférable de faire une analyse coût-avantage et de choisir cette nouvelle formule, lorsqu'un gouvernement dit qu'il ne veut plus fournir les ressources nécessaires pour construire ou entretenir cette installation. Dans un tel cas, c'est votre meilleure solution.
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Je sais que j'ai pris bien des détours pour répondre à une
question très difficile.
Mme Karen Redman: Je voulais seulement obtenir des précisions. Je ne voulais pas dire que c'était une panacée, mais plutôt un des moyens pour assurer le maintien des infrastructures.
Le président: Merci, madame Redman.
Je tiens à remercier les participants pour leurs excellents exposés. Je peux vous dire que les différents choix que vous nous avez proposés vont provoquer beaucoup de réflexion, mais en fin de compte, nous essayons d'élaborer des recommandations budgétaires en vue d'améliorer la qualité de vie des Canadiens. En fin de compte, c'est le seul test sur lequel repose toute politique d'intérêt public.
Au nom du comité, je vous remercie beaucoup.
Nous reprendrons nos travaux à 15 h 30. La séance est levée.