FINA Réunion de comité
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STANDING COMMITTEE ON FINANCE
COMITÉ PERMANENT DES FINANCES
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le lundi 21 septembre 1998
[Traduction]
Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): Je déclare la séance ouverte. Le Comité des finances poursuit, cet après-midi, son examen du rapport du groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadiens.
Nous accueillons aujourd'hui M. John Cleghorn, de la Banque Royale du Canada. Je pense que vous connaissez la marche à suivre. Vous prononcez votre allocution, après quoi nous vous posons des questions.
M. John Cleghorn (président du conseil et chef de la direction, Banque Royale du Canada): Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, et bon après-midi. Permettez-moi d'abord de vous remercier de me donner cette occasion très opportune de présenter notre réaction au rapport du groupe de travail MacKay.
Je compte aussi que nous engagions un dialogue après ces quelques remarques. L'apport de ce comité est vital pour les délibérations du gouvernement au sujet de l'avenir du secteur des services financiers et, en fait, de notre nation.
Il est clair à mes yeux que Harold MacKay et son groupe de travail ont réalisé l'étude la plus approfondie de toutes les questions auxquelles doit répondre notre secteur et de l'importance cruciale de celui-ci pour tous les Canadiens depuis le rapport de la Commission Porter, il y a plus de trois décennies. C'est un rapport critique qui présente un plan directeur puissant, intelligent, pour permettre au Canada de disposer, pour le XXIe siècle, d'un nouvel environnement de prestation des services financiers qui soit créatif, novateur, souple et concurrentiel.
Le rapport reconnaît sans équivoque que le changement s'accélère. J'en conviens totalement. Le changement est sur nos pas, qu'il soit motivé par la mondialisation, par les exigences des clients, par de nouveaux concurrents ou par une nouvelle technologie. Les derniers mots des points saillants du rapport disent tout. Le groupe de travail écrit:
-
On n'arrête pas le changement, et nous ne pouvons pas faire comme
s'il n'existait pas. Pour les institutions financières comme pour
leurs clients, et les responsables de l'intérêt public, il est
exclu de penser maintenir le statu quo.
Ces forces se manifestent dans les besoins et les préférences de nos clients qui évoluent. Permettez-moi d'illustrer ce propos par quelques exemples.
Il y a quinze ans, 90 p. 100 des opérations bancaires courantes étaient effectuées dans les succursales. Il y a dix ans, 50 p. 100 de ces opérations étaient effectuées dans des succursales, et 50 p. 100 à des guichets automatiques de banque. Aujourd'hui, moins de 15 p. 100 des opérations sont effectuées par notre réseau de succursales, plus de 85 p. 100 étant faits par des moyens électroniques, GAB ou services bancaires par téléphone.
Le service bancaire par téléphone a été lancé en 1995. Au cours de la première année d'exploitation, nos télécentres ont reçu 4,8 millions d'appels. Trois ans plus tard, ce nombre augmentera à 43 millions.
Les cartes de débit n'existaient pas il y a cinq ans. En 1997, les opérations par cartes de débit représentaient 34 p. 100 de toutes les opérations. Cela représente 22 millions d'opérations par an.
Le marché des fonds communs de placement a connu une croissance de 750 p. 100, alors que les dépôts personnels n'ont augmenté que de 16 p. 100. En dollars, entre 1991 et 1996, l'augmentation annuelle moyenne des fonds communs de placement a représenté environ le triple de l'augmentation annuelle moyenne des dépôts personnels. À supposer le même rythme de taux relatifs de croissance, le montant d'épargne des Canadiens détenu dans des fonds communs de placement dépassera celui détenu dans des dépôts personnels d'ici quelques années. C'est déjà le cas aux États-Unis aujourd'hui.
• 1535
Tout cela traduit des tendances irréversibles qui modèlent le
secteur des services financiers au niveau institutionnel dans le
monde entier. Permettez-moi de vous présenter ma vision de
l'avenir. Premièrement, la consolidation et la rationalisation du
secteur bancaire nord-américain sont amorcées depuis quelque temps
déjà et continueront. Ce mouvement est motivé par la nécessité de
gains d'efficacité, d'une plus grande échelle et envergure, par les
besoins technologiques qui augmentent et par la déréglementation.
Cette tendance conduit à d'énormes capitalisations boursières des banques américaines qui donnent à celles-ci un poids considérable pour croître par des acquisitions, ce qui est une importante source de compétitivité. L'écart de capitalisation boursière entre la Banque Royale et la moyenne des 15 plus grandes banques américaines était de moins de 3 milliards de dollars en 1993; aujourd'hui, il atteint 23 milliards de dollars.
Deuxièmement, la mondialisation aura une incidence durable sur les institutions financières canadiennes d'une manière qu'on n'imagine pas encore. Par exemple, le rapport du groupe de travail note que la mondialisation des banques de gros a entraîné la disparition des banques d'investissement au Royaume-Uni, même si Londres reste un important centre financier. Alors que la mondialisation des banques du secteur de détail débute, la survie des banques de détail canadiennes comme établissements offrant tous les services n'est pas garantie si aucune mesure n'est prise rapidement.
Troisièmement, de plus en plus, il se produira une divergence entre les stratégies des différentes banques canadiennes à mesure que chacune choisira des orientations en fonction de ses compétences fondamentales. Cela commence déjà à se manifester dans les différences entre les banques canadiennes en ce qui concerne leurs stratégies et les segments de clientèle et marchés qu'elles visent. Ces différences s'accentueront. Si bien que ce qui pourrait être fondé pour une banque peut ne pas l'être pour une autre.
Quatrièmement, répondre à l'évolution des exigences des clients qui veulent un ensemble de moyens de prestation des services représente un véritable défi. Alors que la plupart des clients ont adopté des moyens électroniques tels que le GAB, les services bancaires par téléphone et les services bancaires sur PC, aujourd'hui, ils veulent garder la possibilité d'un accès face à face dans les succursales. Cela entraîne actuellement un double emploi coûteux. Dans cinq à dix ans, avec un meilleur emploi des moyens technologiques et une meilleure compréhension des besoins des clients, nous serons en mesure de répondre plus efficacement aux préférences diverses des clients.
Enfin, les banques canadiennes doivent aussi répondre aux attentes croissantes des Canadiens qui veulent que les entreprises de services financiers offrent un soutien tangible aux collectivités et se lancent dans plus de partenariats avec les clients et les collectivités.
Ce sont là quelques-unes des orientations qui se dessinent. Elles posent de grands défis et le groupe de travail reconnaît leur importance.
Les propositions comportent d'importants grands thèmes qui concordent avec les défis que nous devons relever et j'y souscris fermement.
Le premier est, à l'évidence, la nécessité d'assurer l'existence d'un secteur de services financiers vital et concurrentiel dans un régime prudentiel solide. Un secteur qui est ouvert à la concurrence des intervenants existants et qui favorise l'arrivée de nouveaux acteurs en levant les barrières non nécessaires. À cet égard, nous saluons les propositions visant à permettre l'ouverture de succursales de banques étrangères, une plus grande concurrence transfrontalière, l'élargissement de l'accès aux systèmes de paiements, l'incitation au lancement de nouvelles banques et l'accroissement de la possibilité pour les coopératives de crédit et caisses populaires de livrer concurrence à l'échelle nationale et de prendre d'autres orientations semblables visant à accroître la concurrence. Le meilleur moyen de servir les Canadiens est d'avoir un système financier vivant, ouvert et concurrentiel.
Le deuxième ensemble de propositions, elles aussi très appropriées, porte sur l'accroissement du pouvoir du consommateur à mesure que notre système financier évolue. Les propositions visant à assurer de solides protections, des mécanismes de recours et la commodité d'accès aux consommateurs sont des éléments importants. Les intérêts de nos clients doivent passer en toute priorité dans tout ce que nous entreprenons et nous saluons la place que fait le rapport à ce domaine.
Troisièmement, le groupe de travail reconnaît le rôle de nos petites entreprises et de nos entreprises axées sur le savoir. La vigueur de ce secteur est vitale pour la création d'emplois et pour atteindre des niveaux de vie élevés. À la Banque royale, nous jouissons d'un bilan solide sur ce plan et nous voulons continuer d'être la banque de choix des petites et moyennes entreprises au Canada. Nous sommes fiers d'être le plus grand créancier du marché des petites entreprises avec plus de 380 000 clients et des prêts dont l'encours frise les 14 milliards de dollars. Entre 1996 et 1997, la Banque royale a augmenté le montant prêté aux petites entreprises canadiennes de près de 1 milliard de dollars.
• 1540
Quatrièmement, le rapport recommande de rendre le secteur plus
sensible aux besoins des collectivités qu'il sert. La Banque royale
reconnaît que nous devons nous engager dans un dialogue encore plus
constructif avec les collectivités que nous servons et bâtir un
nouveau partenariat avec les collectivités et les clients. Le
groupe de travail relève que les Canadiens croient que «les banques
ont de plus grandes responsabilités envers le public que les autres
entreprises... et s'attendent aussi à ce que les banques jouent un
rôle de chef de file dans la collectivité».
À la Banque royale, nous sommes fiers de notre bilan de participation à la collectivité. Par exemple, nous avons des initiatives pilotes dans un certain nombre de secteurs, dont Parkdale et le quartier Jane-Finch de Toronto, ainsi que le quartier Côte-des-Neiges à Montréal, où notre personnel collabore étroitement avec des groupes communautaires pour trouver des manières de mieux répondre aux besoins bancaires de la population locale. Depuis, nous avons une alliance pour le microcrédit avec la fondation Calmeadow, un des plus grands organismes de microcrédit de ce pays. Nous faisons partie des sociétés qui pratiquent le plus activement la philanthropie d'entreprise au Canada et faisons don de plus de 20 millions de dollars cette année à une grande variété de causes louables, dont beaucoup à l'échelle locale.
Mais nous savons que nous pouvons faire plus et nous y sommes tout disposés. Nous sommes d'accord avec la conclusion du groupe de travail selon laquelle la responsabilité de toutes les institutions financières devrait être renforcée. Par conséquent, nous souscrivons à la recommandation du groupe de travail selon laquelle toutes les institutions de dépôt et sociétés d'assurance-vie réglementées au niveau fédéral devraient être tenues de déposer un rapport sur leurs responsabilités envers les collectivités auprès du ministre des Finances et de ce comité pour examen. Nous croyons que cela servira le mieux les intérêts du secteur des services financiers. À l'appui de ce concept de rapport sur les responsabilités envers les collectivités, nous sommes disposés à aider à bâtir un processus ouvert, global et transparent de consultations avec divers groupes communautaires pour élaborer collectivement un bilan des responsabilités concernant les attentes de la collectivité. Nous croyons qu'il est important de bâtir ensemble les éléments de ce rapport.
Comme le relève le groupe de travail, il n'existe aucun moyen généralement accepté de faire connaître les résultats. Nous en convenons. Nous souhaitons aider à créer des procédures de mesure par des consultations avec des collectivités. Nous sommes disposés à le faire en collaboration avec les collectivités et d'autres membres du secteur des services financiers. Nos collègues à la Banque de Montréal soutiennent aussi une telle initiative. De cette manière, le bilan sera réellement adapté aux besoins de la collectivité. Un tel document devra porter sur toute une gamme de sujets, dont ceux évoqués à la page 197 du rapport du groupe de travail. Nous nous attendons à ce que ce processus améliore l'efficacité de la supervision parlementaire sur cette question, ainsi que notre relation avec les groupes communautaires.
En traçant pour le gouvernement une voie claire pour l'entrée dans le prochain siècle, le rapport du groupe de travail prévient que le temps est compté. Il dit par exemple que «... il est important... que ce débat soit bien centré et se traduise rapidement en actes. Retarder les choses ne ferait que nous priver des possibilités qui, à notre avis, peuvent être mises à profit, et rendre plus redoutables les défis qui nous attendent.» Je partage totalement cet avis.
Le groupe de travail note que les institutions financières canadiennes doivent réfléchir à leurs propres stratégies pour relever ces défis. Pour faire face aux concurrents nouveaux et potentiels, elles doivent examiner la manière de mieux se positionner elles-mêmes. Dans ce contexte, le rapport exprime clairement qu'il existe un grand besoin de souplesse. De la souplesse de la part des institutions financières pour pouvoir réagir prestement et s'adapter aux réalités du marché, et de la souplesse de la part de ceux qui définissent les politiques pour leur permettre de le faire. Dans notre cas, nous avons déterminé qu'une fusion avec la Banque de Montréal est la réponse la plus appropriée pour notre institution.
Il faudra, de toute évidence, faire certains choix délicats et prendre certaines décisions difficiles. Mais, je crois que si le gouvernement adopte les recommandations de ce rapport critique, les Canadiens seront clairement les grands gagnants. Cela assurera le maintien d'un secteur de services financiers canadien vigoureux avec plus de concurrence, ce qui entraînera un plus grand choix, de meilleurs tarifs et une plus grande protection des consommateurs.
Merci, monsieur le président, et mesdames et messieurs les membres du comité.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Cleghorn.
Nous allons maintenant passer aux questions. Je donne d'abord la parole à M. Harris.
M. Dick Harris (Prince George—Bulkley Valley, Réf.): Merci, monsieur le président.
Monsieur Cleghorn, je vous remercie d'être venu nous rencontrer aujourd'hui.
• 1545
Je voudrais vous parler d'une question qui m'intéresse au plus
haut point, soit les services bancaires offerts dans les épiceries,
les grands magasins, ainsi de suite. Je pense à la chaîne Safeway
dans l'Ouest. Certains grands supermarchés dans l'Est offrent des
services bancaires. Comment votre banque envisage-t-elle la
prestation de tels services?
M. John Cleghorn: D'abord, il s'agit là, à mon avis, d'une alternative viable. Notre institution a entrepris plusieurs projets-pilotes dans ce domaine. La Banque de Montréal, elle, a annoncé, il y a quelques semaines, la conclusion d'une entente avec la chaîne Safeway, dans l'Ouest.
M. Dick Harris: Dans la partie de son rapport où il traite des risques élevés, M. MacKay parle de l'octroi de prêts à des taux plus élevés aux entrepreneurs qui ont de bons plans d'entreprise, mais qui n'ont pas d'argent pour les réaliser. Il est évident que le gouvernement ne peut dire aux banques à qui elles doivent accorder des prêts. Toutefois, il y a des Canadiens qui, en fait, ont de très bonnes idées pour lancer une entreprise à domicile ou une petite entreprise, les emplois, à certains égards, se faisant de plus en plus rares.
Est-ce que la Banque Royale offre des programmes, ou envisage d'offrir des services aux entrepreneurs qui ont de bonnes idées, mais qui n'ont pas d'argent pour les concrétiser? Comment prévoyez-vous répondre aux besoins de ces personnes?
M. John Cleghorn: Comme l'indique le rapport, les banques assurent environ 60 p. 100 du financement des petites entreprises. Il existe diverses autres sources de financement, y compris les sociétés de crédit. Certaines sont réglementées, d'autres pas.
En ce qui nous concerne, nous offrons divers mécanismes de financement. Nous offrons des prêts bancaires traditionnels par le biais des succursales. Nous avons des programmes de prêts pour les entreprises axées sur le savoir, qui sont différentes des entreprises dont le financement repose sur l'actif, et aussi des programmes de capital de risque. Nous faisons donc affaire avec des entreprises axées sur le savoir, des sociétés à capital de risque, et des entreprises plus traditionnelles. Nous collaborons aussi avec des micro-créanciers—le joueur le plus important au pays étant, comme je l'ai mentionné, Calmeadow.
Nous pensons pouvoir faire plus. C'est ce qu'a laissé entendre M. Barrett il y a quelques semaines. Wells Fargo a fait part de son intention de s'implanter au Canada. Elle offre des prêts à des taux plus élevés. L'offre est là. Vous pouvez améliorer l'accès si, en fait, vous êtes prêt à assumer des risques plus élevés. Certainement, en tant que principal bailleur de fonds des petites entreprises, nous pouvons faire plus dans le cas des entreprises qui présentent des risques supérieurs. Nous ne sommes pas nécessairement obligés de leur accorder des prêts directs. Nous pouvons leur offrir un financement qui se situe entre les capitaux propres et les prêts directs.
M. Dick Harris: Je voudrais poser une dernière question sur les projets de fusion.
D'après un rapport publié la semaine dernière et préparé par l'ancien secrétaire d'État responsable des banques et un collègue, les fusions entraîneraient la perte de 20 000 à 40 000 emplois. Je ne sais toujours pas d'où proviennent ces chiffres. Néanmoins, ce rapport est très inquiétant. J'ai également lu, ailleurs, que les banques allaient préparer des plans pour atténuer les impacts qu'entraînerait toute rationalisation des succursales—de leur infrastructure. Ces plans font état de la réduction naturelle des effectifs, de rachats d'emplois, de l'augmentation du personnel dans les succursales qui resteraient ouvertes. Pouvez-vous nous dire si les chiffres indiqués dans ce rapport sont réalistes?
M. John Cleghorn: Eh bien, à mon avis, ces chiffres sont exagérés. Cela dépend de la façon dont vous analysez la chose.
Nous avons dit qu'il y aura double emploi, mais que toute diminution des effectifs se ferait naturellement, le taux de départs naturels étant d'environ 10 p. 100 par année. Autrement dit, les départs naturels enregistrés au cours d'une année suffiront pour réduire nos effectifs durant les trois à cinq prochaines années. Toutefois, il s'agit là de chiffres statiques qui ne tiennent pas compte du fait que l'entreprise va prendre de l'expansion, améliorer ses services, offrir des produits différents, ainsi de suite.
Dans notre cas, les emplois liés à la technologie de pointe ont augmenté de 130 p. 100 au cours des dix dernières années. Les emplois dans les domaines de la commercialisation, la vente et la gestion ont augmenté d'environ 70 p. 100. Il y a également eu des changements dans d'autres catégories d'emploi, la nature du travail ayant évolué ces dix dernières années à cause de la technologie.
M. Dick Harris: J'ai une dernière question, monsieur le président.
Concernant la vente d'assurance par vos succursales, l'industrie des assurances soutient qu'elle est déjà bien desservie par les joueurs existants, que la concurrence dans le milieu est très vive, que les clients sont en fait bien servis. Cet argument, si j'ai bien compris, est partagé par l'ensemble des joueurs de l'industrie.
Comme les banques souhaitent pratiquer la vente au détail d'assurances dans leurs succursales, contestez-vous le fait que le marché de l'assurance est bien desservi et qu'il n'est pas concurrentiel à l'heure actuelle? Ou êtes-vous en train de dire que si les banques vendaient de l'assurance au détail, les consommateurs seraient beaucoup mieux servis qu'ils le sont actuellement?
M. John Cleghorn: Je préférerais vous renvoyer au rapport du groupe de travail MacKay, qui s'est penché sur cette question au cours des 20 derniers mois. D'après ce rapport, une concurrence accrue dans ce domaine, comme dans d'autres secteurs, avantagerait le consommateur. Il prévoit un délai pour cela, de même que l'adoption de dispositions pour protéger les consommateurs, tous les fournisseurs de services financiers. Les auteurs du rapport utilisent l'exemple du Québec et d'autres pays où les institutions de dépôt vendent de l'assurance aux consommateurs.
J'attire donc votre attention sur ce point. Le groupe d'étude s'est penché là-dessus au cours des 20 derniers mois. La vente d'assurance est déjà assurée dans ce pays par la plus grande institution financière, la plus grande institution de dépôt du Québec, soit la Caisse populaire Desjardins.
M. Dick Harris: Je vais revenir sur ce point plus tard. Merci, monsieur Cleghorn.
Le président: Monsieur Nystrom.
M. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD): Merci, monsieur le président.
J'aimerais souhaiter la bienvenue à M. Cleghorn et lui poser quelques questions sur deux ou trois sujets différents, si vous me le permettez, monsieur le président.
J'ai demandé ce matin à M. MacKay—et je pense que cette question préoccupe également le ministre des Finances, d'après ce qu'on nous laisse entendre—de me dire ce qui arriverait si une de ces nouvelles mégabanques faisait faillite?
Nous avons déjà cinq banques qui affichent un taux de concentration assez élevé, comparativement à ce qui se passe dans d'autres pays. La Banque Royale, la Banque de Montréal, la TD et la CIBC, si elles fusionnent pour ne former que deux banques, deviendront en effet de très grandes institutions.
Qu'arrivera-t-il si une de ces banques fait faillite? Quel impact cette faillite aura-t-elle sur le système financier canadien, le simple citoyen? Il faut s'attendre à tout aujourd'hui. Regardez ce qui se passe en Asie du Sud-Est et en Russie. Quelles seraient les conséquences? Une telle faillite, compte tenu de la taille de l'institution, ne pourrait se faire sans conséquences désastreuses. M. MacKay a dit, ce matin, qu'on pourrait obtenir l'aide de banques étrangères, ainsi de suite.
J'aimerais avoir votre opinion là-dessus, parce qu'il s'agit d'une question qui inquiète beaucoup les gens.
M. John Cleghorn: Absolument. Et ils ont raison de s'inquiéter au sujet de n'importe quelle institution financière qui fait faillite.
Jetons un coup d'oeil sur la feuille de route du Canada, qui a toujours eu des politiques et des règlements solides, un bon système de surveillance, de bonnes pratiques. Depuis 1923, dernière année où nous avons enregistré une faillite bancaire—soit celle de la Home Bank—deux banques ont fait faillite. Il s'agissait de deux petites banques de l'Ouest qui ont fait faillite dans les années quatre-vingt. D'autres institutions ont fait l'objet d'acquisitions, comme la Banque Mercantile et la Unity Bank, tandis que d'autres ont été achetées après avoir été créées.
Les États-Unis, eux, ont enregistré 17 000 faillites bancaires au cours de la même période. Il s'agissait de banques plus petites, ce qui veut dire que le fait d'être une petite banque n'est pas un gage de succès. Et je peux vous dire que si, dans les années quatre-vingt, nous avions été la Banque Royale de la Saskatchewan ou la Banque Royale de l'Alberta, nous ne ferions plus partie du paysage. Nous avons diversifié nos activités, et c'est ce qui nous a permis de rester à flot.
Si vous voulez comparer notre banque et notre système bancaire à ceux de la Russie et de l'Amérique latine, vous devez alors remonter au siècle dernier et analyser la stabilité de ces pays, leur cote de solvabilité, la longue expérience des organismes de réglementation et des joueurs de l'industrie. Il est question ici des débuts du système bancaire de la première génération en Russie.
• 1555
Pour ce qui est de l'Asie et de l'Amérique latine, les
systèmes y sont loin d'être aussi transparents que le nôtre et le
système canadien se rapproche davantage de celui de l'Europe ou des
États-Unis. Même le système japonais que l'on compare souvent au
canadien, avec ses grandes banques, ne présente pas la même
transparence, n'offre pas les mêmes exigences en matière de
réglementation. Le Japon ne s'est pas adapté aux changements des
valeurs de son actif, si vous voulez. Il n'est pas intervenu aussi
tôt qu'il l'aurait dû, comme l'ont fait au début des années 90 les
banques canadiennes, ainsi que les banques américaines et leurs
organes de réglementation.
À mon avis, vous parlez véritablement de deux systèmes tout à fait différents. Le surintendant des services financiers se penchera sur la question, mais l'un des éléments clés du processus d'examen, c'est la stabilité et la solidité des organisations fusionnées. Grâce à mon expérience de travail dans une banque américaine et connaissant les organes de réglementation des deux côtés de la frontière, je sais que nous pouvons tirer fierté du niveau de réglementation et des meilleures pratiques adoptées dans notre pays.
M. Lorne Nystrom: J'aimerais revenir sur la question que j'ai posée à propos des incidences. Bien sûr, nous espérons qu'il n'y aura pas d'échec et il n'y en aura probablement pas, mais il y a toujours un tel risque. On n'a eu de cesse de dire que les banques japonaises étaient assez stables et on disait que le Japon devait servir de modèle au reste du monde.
M. John Cleghorn: J'allais justement dire que je ne pense pas que vous vouliez opter pour le modèle de réglementation ou la structure de services financiers du Japon pour le Canada. Le Japon est actuellement en train d'essayer de rattraper le système canadien.
Je voudrais simplement souligner le système global que nous avons et c'est l'une des considérations que les organes de réglementation prendront en compte: le risque d'une fusion par rapport au statu quo, soit deux organisations distinctes l'une de l'autre. Les problèmes seront réglés à ce moment-là. Vous examinez divers scénarios, mais il faut également se pencher sur la diversité et la composition de deux entreprises. Si les profils sont à risque peu élevé, si les cotes de solvabilité sont élevées et si la culture et la compétence gestionnelle ont été mises à l'épreuve, le gouvernement pourra prendre une décision. Nous avons des procédures pour protéger les Canadiens, mais je crois qu'il faut également examiner la performance des Canadiens.
M. Lorne Nystrom: J'aimerais vous poser une question au sujet des pertes d'emploi. Vous avez parlé de la question de l'emploi en cas de fusion; d'autres ont déclaré que les pertes d'emploi seraient considérables. Doug Peters, ancien économiste en chef de la Banque TD et ministre des Institutions financières jusqu'à il y a un an environ, a déclaré que de 20 000 à 40 000 emplois seraient perdus en cas de fusion. Je me demande ce que vous en pensez. M. Peters jouit, je crois, de beaucoup de crédibilité et il a occupé ce portefeuille avant M. Peterson.
M. John Cleghorn: La même observation a été faite par
quelqu'un d'autre. Je crois que ces chiffres sont exagérés et
qu'ils ne permettraient pas la réussite d'une organisation tant au
pays qu'à l'étranger. D'après l'expérience des États-Unis, on sait
qu'au bout de trois à cinq ans, le nombre d'emplois va en
croissant. Il suffit d'examiner nos chiffres des 10 dernières
années pour s'apercevoir que nous avons quelque 10t
Il suffit d'examiner l'industrie dans son ensemble pour
s'apercevoir que 500 000 Canadiens travaillent dans les services
financiers. On en dénombre quelque 220 000 dans les banques. Si
vous avez une industrie de services financiers vivante,
compétitive... Je travaille pour deux banques et je demande à tous
ceux qui se joignent à notre organisation et qui font partie du
groupe de gestion s'ils ont déjà travaillé pour une autre
institution de services financiers. La plupart d'entre eux lèvent
la main et dans de nombreux cas, nous ne sommes pas la deuxième
institution pour laquelle ils ont travaillé. C'est également ce qui
se passe chez nos clients dont beaucoup font affaire avec nous
alors que près de 75 p. 100 d'entre eux font également affaire avec
une autre institution.
L'industrie est donc très vaste. On note une mobilité de la
main-d'oeuvre et nous avons en moyenne, comme je l'ai dit, une
rotation de 10 p. 100 par an régulièrement, nos employés allant
chez d'autres concurrents, chez un autre employeur ou faisant autre
chose. L'attrition nous donne donc une grande marge de manoeuvre
dans notre industrie, ce qui nous permet de résoudre ces problèmes.
M. Lorne Nystrom: Si les chiffres de M. Peters sont exagérés,
quels sont les vôtres, dans l'hypothèse où ces fusions sont
acceptées?
M. John Cleghorn: Nous sommes prêts à assumer nos chiffres.
M. Lorne Nystrom: Pouvez-vous nous les rappeler?
M. John Cleghorn: Nous avons dit que nous pourrons les
contenir grâce aux taux d'attrition.
M. Lorne Nystrom: Grâce aux taux d'attrition.
M. John Cleghorn: Oui. Je crois que ce processus suppose—et
si je comprends bien, M. MacKay a déclaré qu'il est difficile de
tirer des conclusions d'une annonce de presse ou d'une allocution
faite ici ou là—que si vous pouvez en parler dans un rapport sur
l'incidence sur l'intérêt public, ce que nous avons parfaitement
l'intention de faire, on peut pondérer tous ces facteurs et les
renforcer; tous ceux qui, comme nous, souhaitent se lancer dans une
grande entreprise comme celle-ci, doivent respecter les obligations
qu'ils ont annoncées.
M. Lorne Nystrom: Passons maintenant à la question de la
fermeture des succursales en cas de fusion. Nombreux sont ceux qui
s'inquiètent, dans les régions rurales du Canada en particulier,
mais aussi dans beaucoup de régions urbaines de notre pays, de la
fermeture de nombreuses succursales et du fait que le service ne
sera pas le même qu'auparavant. Je parle de la fermeture de
succursales.
M. John Cleghorn: En contrepartie, d'autres genres de services
seront proposés. Nous en avons parlé il y a quelques instants. Je
crois que nous en sommes aux tout premiers débuts. La TD a annoncé
qu'elle allait installer des points de vente dans les magasins
Sobeys. La Banque de Montréal a annoncé l'ouverture de 100 bureaux
à Safeway. Nous avons l'implantation de la CIBC à Loblaws, annoncée
cette année. Nous allons avoir de nouveaux points de vente CIBC
dans plusieurs magasins—ou services bancaires Choix du Président,
devrais-je dire—et nous avons des points de vente pilotes. Il va
donc y avoir prolifération de divers genres de points de vente,
qu'ils s'ouvrent dans des bureaux de poste ou dans d'autres
magasins. Il s'agit de points de vente dotés de personnel.
Je crois aussi que vous dites, d'accord, il y a 220 000
Canadiens qui travaillent dans les banques et beaucoup travaillent
dans les succursales, mais où travaillent les 280 000 autres?
Beaucoup d'entre eux sont des vendeurs, des courtiers, des agents,
et nous en employons beaucoup aujourd'hui qui vont jusque dans les
exploitations agricoles et dans les collectivités, également dans
les maisons de retraite et les centres de soins infirmiers, pour
traiter directement avec leurs clients. La technologie de
l'ordinateur portatif et du téléphone cellulaire leur permet de le
faire.
Nous sommes donc en pleine évolution; nous avons toutefois dit
qu'aucune petite ville ou zone rurale ne perdra les services de la
succursale. Bien sûr, lorsque nos deux banques sont les deux seules
en ville, nous avons dit que nous maintiendrions les niveaux
d'emploi pendant cinq ans et que nous resterions dans la
collectivité. Au bout de cette période, nous réexaminerons la
question. Là encore, ce sont les engagements que nous devrons
prendre lorsque nous préparerons notre proposition; en ce qui nous
concerne, nous avons fait des déclarations générales au cours des
derniers mois au sujet de ces engagements depuis que nous les avons
annoncés et nous sommes certainement prêts à les respecter; pour ce
qui est des détails toutefois, nous nous proposons de les donner
dans un document public.
M. Lorne Nystrom: La Banque Royale, monsieur le président, a
annoncé une fusion avec la Banque de Montréal. Il est prévu
d'ouvrir une banque de la petite entreprise pour augmenter de
manière considérable les prêts à la petite entreprise. Qu'est-ce
que cette banque vous permettra-t-elle de faire que vous ne pouvez
pas faire maintenant? Je me demande pourquoi vous ouvririez une
autre banque.
M. John Cleghorn: Je vous renvoie au rapport MacKay à ce
sujet. D'après lui, et nous sommes d'accord, le fait d'être de
taille plus importante vous donne, entre autres, la capacité de
courir des risques plus diversifiés. En d'autres termes, un plus
grand intervenant peut en faire plus dans le domaine du capital de
risque, de l'échange d'idées. Une banque plus grosse peut jouer un
plus grand rôle dans le domaine de la biotechnologie, une autre
dans le financement des spectacles, une autre dans le domaine de la
haute technologie et vous pouvez combiner ces talents. Par
ailleurs, si vous avez une grande institution financière qui
fusionne les deux, une filiale ou une banque de la petite
entreprise, l'esprit de corps peut être différent.
L'un des gros problèmes que nous avons aujourd'hui et que nous
connaissons depuis que je suis dans la banque, soit depuis plus de
30 ans, c'est la rotation des directeurs des comptes. J'ai vu des
banques ouvrir—des petites banques qui ne sont plus avec
nous—pour jouer le rôle de comptables et d'avocats, etc., de
manière à garder leurs clients pendant longtemps sans avoir à subir
le même genre de rotation. C'est quelque chose que nous avons
toujours voulu réaliser, je crois. À la banque où j'ai travaillé
pendant neuf ans avant d'arriver à la Royale, la Banque Mercantile,
filiale de Citibank, nous nous occupions essentiellement des prêts
à la petite et à la moyenne entreprise et nous voulions garder nos
directeurs de comptes pendant plus longtemps. C'est très difficile
et c'est un grand défi auquel sont d'ailleurs confrontés tous les
intervenants financiers dans le monde entier. Nous essayons
simplement de faire mieux.
M. Lorne Nystrom: S'agirait-il d'une nouvelle banque et d'une
institution à part ou simplement d'une filiale de la nouvelle
banque que vous créez...
M. John Cleghorn: Eh bien, cela dépend. Cela dépend des règles
relatives aux sociétés de portefeuille. Il y a toutefois des
avantages à ce qu'elle continue de faire partie de la banque pour
ce qui des capacités de levier financier; en d'autres termes, elle
peut réunir des capitaux de façon plus efficace si elle fait partie
d'une banque tout en ayant... Nous avons des filiales bancaires qui
sont, si vous voulez, des entités distinctes aujourd'hui. Il est
possible de fonctionner selon un système de filiales. Le
recrutement peut être distinct, mais vous conservez les avantages
d'échelle de l'institution dans son ensemble.
Le président: Monsieur Brison.
M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Merci, monsieur le
président, et merci, monsieur Cleghorn, de comparaître devant nous
aujourd'hui.
Certaines des questions de taille et d'économie d'échelle ont
été reliées au traitement des données, aux cartes de crédit, etc.,
et au fait que vous pouvez véritablement réduire vos coûts...
M. John Cleghorn: Par client.
M. Scott Brison: Par client, oui. Est-ce à ce niveau-là que
vont se produire les plus grandes économies de coût d'après vous,
dans les domaines du traitement des données?
M. John Cleghorn: Le traitement des données, l'évolution
technologique—la technologie est à la base de pratiquement chaque
produit que nous avons aujourd'hui, y compris nos succursales. Les
clients qui viennent dans une succursale présentent une carte qui
permet de les identifier, leurs comptes arrivent à l'écran et
l'employé a accès à toutes les données du client. Tout ce que nous
faisons est par conséquent commandé par la technologie et bien sûr,
l'économie d'échelle consiste à pouvoir absorber ce coût très élevé
de développement et d'application à l'échelle d'une plus grande
clientèle. Il en est également fait mention dans le rapport.
M. Scott Brison: Ceux d'entre nous qui faisons confiance au
système du marché peuvent faire un acte de foi et voir qu'au bout
d'un certain temps les coûts imposés aux consommateurs seront
allégés grâce au jeu de la concurrence, grâce notamment à une plus
forte concurrence mondiale, aux changements du système de paiements
et aux coûts moins élevés des affaires. Êtes-vous tout à fait prêt
à vous engager à réduire les coûts de ces services pour rassurer
les Canadiens ou pour leur offrir un avantage tangible et plus
immédiat—êtes-vous prêt à dire par exemple, que vous serez
effectivement en mesure de réduire le coût de ces services de tant
ou tant?
M. John Cleghorn: Je pense qu'il en sera fait mention dans
notre étude sur l'incidence du projet sur l'intérêt public. A titre
d'exemple, nous avons dit que si vous avez les guichets
automatiques, qui sont aujourd'hui un élément très important de la
voie d'acheminement, entre les deux organisations combinées... À
l'heure actuelle, les clients de la Banque de Montréal doivent
payer des frais pour utiliser la Banque Royale et vice versa, ce
qui équivaut à quelque 30 millions de dollars. Cela disparaîtrait.
Deux des domaines nous intéressent, celui des cartes de
crédits et celui des fonds communs de placement, mais prenons
l'exemple des cartes de crédit. Comme le souligne le rapport du
groupe de travail, les frais des cartes de crédit aujourd'hui sont
un peu plus élevés qu'ils ne le sont aux États-Unis, tandis que
presque tous les autres services bancaires sont en fait moins chers
au Canada qu'aux États-Unis. Je crois que si vous examinez les
tableaux, vous verrez que nous nous situons probablement dans la
moyenne par rapport à plusieurs pays, mais par rapport aux
États-Unis certainement, les Canadiens jouissent de meilleurs prix,
exception faite des cartes de crédit, dans une légère mesure.
Cela s'explique par le fait que non seulement vous avez des
intervenants locaux dans le domaine des cartes de crédit aux
États-Unis, mais aussi de grandes sociétés monoproduit qui se font
concurrence à l'échelle nationale. Trois d'entre elles se trouvent
maintenant au Canada. Bank One a fait une annonce ce matin. Il
s'agit de l'une des plus grandes sociétés aux États-Unis. Créée à
Columbus, en Ohio, elle s'implante maintenant à Chicago où elle va
fusionner avec First Chicago. Elle va s'implanter ici et propose
d'augmenter sa main-d'oeuvre de plusieurs centaines de personnes au
Canada. Son siège social au Canada sera situé à Ottawa. Vous avez
MBNA qui vient juste d'arriver et vous avez aussi Capital One. Il
s'agit de sociétés de cartes de crédit dont les opérations à la
nord-américaine, à faible coût par client, vont leur permettre de
prendre nos clients; nous devons donc certainement nous assurer que
nos prix sont suffisamment bas pour que nos clients n'aient pas de
raison de changer.
Ce que je veux dire, c'est que d'après l'argumentation du
groupe de travail MacKay au sujet de la concurrence, tous les
Canadiens auront beaucoup de choix pour pratiquement chaque gamme
de produit; reste à savoir alors si cela répond aux besoins des
collectivités en matière de choix et par conséquent, si vous avez
le choix en matière de prix ainsi que de qualité. Maintenant, cela
ne veut pas dire que nous n'allons pas nous intéresser à
d'éventuels secteurs comme les guichets automatiques, mais je
tenais simplement à souligner ce point.
M. Scott Brison: Peu importe si vous ne pouvez pas me
répondre, mais combien de clients de carte de crédit avez-vous?
M. John Cleghorn: Près de 5 millions. MBNA en a 20 millions.
M. Scott Brison: Si les économies d'échelle... D'accord, c'est
alors un avantage évident.
M. John Cleghorn: Ils ont des centres téléphoniques qui
desservent des régions étendues aux États-Unis, et nos centres
téléphoniques desserviraient le Canada. J'imagine qu'au bout du
compte il va y avoir une lutte entre les institutions financières
canadiennes dotées de centres téléphoniques Nord-Sud, tout comme
c'est le cas des institutions financières américaines dotées de
centres téléphoniques à Bangor, dans le Maine, à Atlanta, en
Georgie, au Tennessee, etc., jusque vers le Nord.
M. Scott Brison: Il a été question des nouveaux véhicules de
prestation de services pour les banques. Les franchises des
services financiers Choix du Président de la CIBC, implantées à
Loblaws, en sont un exemple. Nous allons avoir bien évidemment une
gamme plus étendue de tels véhicules au cours des prochaines
années. À titre d'exemple, vous pouvez maintenant retirer de
l'argent dans une épicerie à la caisse. Toutes les caisses d'une
épicerie jouent en quelque sorte le rôle d'une banque.
À l'avenir, envisagez-vous, par exemple, que Loblaws ou Sobeys
puisse ouvrir sa propre banque au lieu de travailler avec l'une
d'elles? L'envisagez-vous?
M. John Cleghorn: C'est envisagé par MacKay. Tant que les
principes de stabilité et de solidité sont respectés avec succès,
divers intervenants peuvent arriver. Il peut s'agir d'ententes
d'agence comme ici. Il est possible aujourd'hui aux États-Unis par
exemple d'utiliser un guichet automatique exploité par le magasin
en question, lequel fait ensuite la liaison avec le système de
paiements.
Il y a un très bon article aujourd'hui dans le journal au
sujet du système américain de compensation et de paiements. Les
États-Unis aimeraient imiter le Canada dans ce domaine. Au Canada,
la compensation se fait le même jour d'un bout à l'autre du pays.
De nouveaux intervenants devraient certainement boucler la boucle,
sinon, on risque de se retrouver dans un système comme celui des
États-Unis où la compensation se fait au bout de plusieurs jours.
Le consommateur n'y trouve pas son compte et il y a des fraudes.
M. Scott Brison: Avec l'assouplissement de la règle des
10 p. 100, il pourrait y avoir au bout du compte une énorme
augmentation du nombre des intervenants dans le domaine des
services bancaires. Est-ce que, d'après vous, c'est ce qui est en
train de se produire? En fait, vous dites qu'il serait possible
pour Sobeys, Loblaws, Sears ou Wal-Mart de...
M. John Cleghorn: Eh bien, on a dit que toute personne
exploitant des fonds communs de placement en instruments du marché
monétaire pourrait aussi offrir des services chéquiers; il
s'agirait alors d'une opération de courtage... Merrill Lynch, dont
les clients peuvent depuis des années avoir de tels services aux
États-Unis, revient maintenant au Canada après être devenue une
société beaucoup plus importante que lorsqu'elle était partie à la
fin des années 80. En fait, Ottawa Citizen d'aujourd'hui indique
que Merrill Lynch va aller puiser dans le bassin des employés des
sociétés de haute technologie d'Ottawa. C'est très bien, c'est plus
de concurrence et cela va nous inciter à faire plus attention.
D'après moi, il faut examiner chaque gamme de produits et
savoir qui va l'offrir. Divers types d'intervenants vont offrir des
services de courtage, de fonds communs de placement ou de dépôts.
Beaucoup de ces produits sont aujourd'hui offerts par des vendeurs
et des agents itinérants qui ne travaillent absolument par
l'entremise de succursales. S'ils vendent, par exemple, un produit
pour un groupe qui n'est pas une banque mais qui offre de
l'assurance et des fonds communs de placement, ils peuvent vendre
de l'assurance et en profiter également pour vendre une hypothèque
ou un prêt personnel par l'entremise de l'une de leurs sociétés.
C'est ce qui se passe actuellement sur le marché.
M. Scott Brison: Si l'on replace la concurrence mondiale dans
le contexte actuel, comment définissez-vous la présence des MBNA et
des Wells Fargos? Leur présence s'est-elle accrue de façon
significative?
M. John Cleghorn: Oh oui. Ils prennent des clients aux
Canadiens, ce qui signifie que la concurrence va être beaucoup plus
vive. Leur publicité arrive tous les jours par le courrier. Je suis
allé un soir voir un match de football entre les Alouettes et
Calgary et, en arrivant au stade Molson, je suis tombé sur un point
de vente MBNA incitant les spectateurs à prendre sa carte de
crédit. Peu importe que ce soit à Montréal, c'est également le cas
à Regina où l'on trouve la carte CFL. Je crois que tous ceux qui
sont allés dernièrement voir un match à Regina ont trouvé un
autocollant MBNA sur leur voiture. Je dirais donc que ces
institutions se font bien connaître.
M. Scott Brison: Vous avez dit plus tôt que vous étiez prêt à
prendre un engagement à l'égard des emplois. Fixez-vous un délai à
cet égard?
M. John Cleghorn: Oui.
M. Scott Brison: Quel est le délai?
M. John Cleghorn: Pour l'instant, nous cherchons à formuler la
proposition globale en vue du processus de l'incidence sur
l'intérêt public.
M. Scott Brison: Est-ce qu'on va s'engager à fournir des
services aux communautés rurales à partir d'une succursale?
M. John Cleghorn: Assurément.
M. Scott Brison: Je crois qu'à bien des égards cet argument
sera moins pertinent dans quinze ans, mais il y a un segment
important de la population, dont fait partie ma mère, qui ne veut
rien savoir des cartes bancaires; ces gens tiennent à faire
estampiller leurs dépôts sur place.
M. John Cleghorn: La Banque Royale a actuellement
460 succursales en région rurale. Les plaintes que vous entendez
sont des cas isolés, les rares causes de mécontentement. Nous
devons, c'est certain, mieux collaborer avec les communautés. Le
rapport MacKay prévoit d'ailleurs des mesures en ce sens.
Nous avons dit qu'aucune petite ville ou communauté rurale...
Tous les engagements que nous avons pris jusqu'à maintenant dans
nos discours, qui sont en principe du domaine public—puisqu'ils
ont été faits dans le cadre de congrès annuels tenus dans tout le
pays et dans le cadre d'autres enquêtes ici même—tous les
engagements pris, donc, seront évidemment intégrés à la proposition
mais, bien sûr, avec plus de précisions.
M. Scott Brison: Dans tout ça, est-ce que la politisation de
la question vous préoccupe, c'est-à-dire la manière dont une
question d'intérêt public est de plus en plus politisée? Et ne
craignez-vous pas que cette politisation prive peut-être les
Canadiens des avantages que présente une mesure d'intérêt public
saine?
M. John Cleghorn: Comme nous fournissons des services
directement à la population, le groupe de travail MacKay mentionne
que les institutions financières et les banques sont dans une
catégorie à part en raison du rôle qu'elles jouent dans la société
et dans les collectivités. C'est donc inévitablement une question
plus politisée, ce à quoi je suppose notre industrie devra
s'habituer. Je ne crois pas, cependant, que ce phénomène soit
unique au Canada; on le retrouve certainement aussi aux États-Unis.
M. Scott Brison: Merci beaucoup.
M. John Cleghorn: Merci.
Le président: Monsieur Gallaway.
M. Roger Gallaway (Sarnia—Lambton, Lib.): Merci, monsieur le
président.
Monsieur Cleghorn, je vais pour la troisième fois cet
après-midi soulever la question des pertes d'emploi ou de la
possibilité qu'il y en ait. M. MacKay nous a dit ce matin que nous
allions entendre les arguments de groupes d'intérêt très divers.
J'écoutais hier soir une émission diffusée par un poste de radio
national, à laquelle l'un de vos employés, M. MacCallum, était
invité. Il a été présenté, il me semble, comme l'économiste en chef
de la Banque Royale du Canada.
M. John Cleghorn: Oui, c'est exact.
M. Roger Gallaway: En réponse à un interlocuteur qui posait
une question à propos des pertes d'emploi, il s'en est sorti en
déclarant «ça vient de la Banque de la Nouvelle-Écosse—à quoi vous
attendez-vous de sa part?» Ça peut passer à une émission de radio,
mais d'un autre côté M. Peters en aurait aussi parlé et un groupe
de travail de la Colombie-Britannique a présenté des chiffres sur
les pertes d'emploi dans la province.
Vous avez parlé aujourd'hui d'une espèce de proposition qui
sera faite aux Canadiens, ce qui est intéressant. Vous nous dites
ici aujourd'hui qu'ils ont tort, et eux affirment avoir raison.
Nous sommes ici aujourd'hui pour tenter de peser les arguments qui
nous sont présentés. J'aimerais vous demander si vous avez effectué
des analyses. Et s'il y a effectivement des analyses pour étayer
votre affirmation selon laquelle il n'y aura pas de perte
d'emplois, auriez-vous l'obligeance de les remettre à notre comité.
M. John Cleghorn: Merci de poser la question.
Là où nous voulons en venir est qu'il y aura sûrement des
chevauchements et des doubles emplois, mais en fait de nombre de
personnes qui devront partir, qui perdront leur emploi pour de
bon... Je crois que nous serons en mesure de faire exactement ce
que le gouvernement a fait, c'est-à-dire de procéder par attrition
et d'offrir une nouvelle formation à nos employés.
Nos deux organisations doivent engager du personnel; l'an
dernier, nous avons embauché environ 7 000 personnes, dont la
plupart au Canada. L'économie était en croissance, nous n'avions
littéralement plus d'endroit où aller et, avec le roulement du
personnel, il nous fallait remplacer des employés. Nous parlons ici
du niveau d'attrition d'une seule année. Normalement, le taux
d'attrition annuel est d'environ 10 p. 100. Nos deux institutions
ont ensemble quelque 84 000 employés. Alors c'est un secteur où il
y a du roulement.
Je vais vous donner un exemple. Une partie des pertes
d'emplois que nous avons subies est attribuable à la vente de notre
section de la paie. Toutes les banques, auparavant, s'occupaient de
paie, et 2 000 à 2 500 Canadiens travaillaient dans les services de
paie des banques du Canada. En deux ans, toutes les banques ont
vendu leurs services de paie à deux compagnies américaines, ADP et
Ceridian. Ça veut dire que tous les Canadiens qui travaillaient
pour les banques sont maintenant employés par ADP et Ceridian.
Supposons que la plupart de ces emplois existent encore, du moins
les emplois des services de soutien et des services des ventes. Les
emplois du siège social, les emplois clés de marketing, les postes
stratégiques, tous ceux-là sont maintenant aux États-Unis. Donc les
emplois importants sont là-bas.
• 1620
En fait, le nombre d'emplois qui seront perdus pendant la
période d'intégration pourrait équivaloir à peu près au taux annuel
d'attrition, et ça se ferait sur une certaine période. Ça
n'arriverait pas en une seule année mais plutôt sur une période de
trois à cinq ans.
Ça veut aussi dire qu'on pourrait investir les économies
réalisées dans la technologie ou dans d'autres secteurs en vue de
réduire les coûts d'exploitation et le prix des services. Ça
constitue donc des avantages pour la communauté et sur le plan de
l'emploi direct.
Sans fusion, les banques sont encore confrontées à la question
du contrôle des coûts de production. Ça signifie que les
changements survenus dans l'emploi au cours des dix dernières
années ne pourront que s'amplifier dans l'avenir, qu'il y ait ou
non fusion.
M. Roger Gallaway: Je sais que vous avez un groupe chargé de
la transition, composé d'employés de la Banque Royale et de la
Banque de Montréal. Vous parlez maintenant de 8 400 emplois la
première année ou sur une certaine période.
M. John Cleghorn: Sur une certaine période. On ne dit pas la
première année, parce que ce n'est pas possible. Je vais vous dire
pourquoi. À cause de l'arrivée de l'an 2000, on ne peut pas
procéder à la fusion des systèmes avant l'été de l'an 2000.
M. Roger Gallaway: Laissez-moi terminer ma question. Peu
importe, c'est encore 8 500 emplois sur une certaine période. Est-ce que
ce chiffre est confirmé par des études qu'a effectuées votre
groupe chargé de la transition, ou est-ce l'estimation d'une
personne? Vous avez dû effectuer des études de fond, examiner la
question.
M. John Cleghorn: Bien sûr. Non seulement ça, mais il s'agit
de postes stables. Nous avons ici deux organisations saines,
capables de croître, de faire des acquisitions, d'augmenter la
gamme de leurs produits, de faire des affaires dans d'autres pays
et au Canada et de créer des emplois de premier plan ici même.
C'est ce que permet une organisation prospère.
Une organisation comme la nôtre est stable. Nous pensons donc
qu'en cinq ans les pertes d'emplois pourraient être compensées par
la création d'emplois. C'est pourquoi nous estimons que ces
déclarations sont d'abord exagérées et qu'elles ne tiennent pas
compte de la croissance ni des perspectives de croissance de chacun
des intéressés.
M. Roger Gallaway: Je vous ai demandé si vous avez une étude
et si vous voulez la remettre au comité?
M. John Cleghorn: Rappelez-vous, nous ne sommes pas autorisés
à entrer dans les détails. Le Bureau de la concurrence nous empêche
d'en faire une précisément pour notre banque. Il faudrait que nous
obtentions une autorisation spéciale du Bureau de la concurrence
pour entrer dans les détails dont parle groupe de travail MacKay.
M. Roger Gallaway: Ma question porte sur ce que j'appellerais
la concurrence. Dans une étude qui a été faite par l'OCDE, je
crois, et qui portait sur les banques américaines, il était
question de concentration dans les marchés locaux, de quelque
manière qu'ils puissent être définis dans les régions
métropolitaines. On y disait que lorsque trois banques détenant
68 p. 100 de l'actif dans un marché, se fusionnaient, ce sont les
petites entreprises qui en souffraient le plus—je ne parle pas des
grandes entreprises. En d'autres mots, dans le cas d'un marché aux
États-Unis où trois banques contrôleraient 68 p. 100 de l'actif,
les répercussions se faisaient le plus sentir sur les petites et
moyennes entreprises. Ces banques ont ce qu'elles appellent le
monopole local.
Si votre banque devait fusionner avec la Banque de Montréal et
si la CIBC devait le faire avec la Banque Toronto Dominion, il
faudrait se demander à quel niveau se situerait la concentration
d'actifs à l'échelle du pays vu que l'on sait que les six
principales banques détiennent 91 p. 100 de l'actif à l'heure
actuelle au Canada.
Permettez-moi de vous demander... Vous faites la comparaison
avec les États-Unis. Si cela fonctionne là-bas et que votre banque
et la Banque de Montréal fusionnent, on suppose que cette nouvelle
banque, peu importe son nom, va atteindre ce seuil dans de
nombreuses régions du pays Qu'est-ce qui empêcherait cette théorie
de fonctionner au Canada?
M. John Cleghorn: L'équipe de travail a examiné cet aspect
pour les petites entreprises et les banques représentent entre 50
et 60 p. 100 de la source de financement de ces dernières. On ne
parle pas de 90 p. 100, mais de 50 à 60 p. 100.
Il y a beaucoup d'autres intervenants non réglementés, y
compris au niveau gouvernemental comme la Banque de développement
du Canada, les succursales du Trésor de l'Alberta, la General
Electric, GE Capital et beaucoup d'autres. Je crois que le groupe
de travail MacKay a bien défini de qui il s'agit. Mais vous avez
dans ce pays des concurrents nationaux et un établissement des prix
à l'échelle nationale. Qu'il s'agisse d'une hypothèque, d'un prêt
personnel ou d'un prêt à une petite entreprise, vous avez des
intervenants nationaux. Aux États-Unis, par contre, vous avez des
systèmes de compensation locaux et des façons locales de faire des
affaires. Ils n'ont pas nécessairement de système national.
Lorsque vous commencez à avoir affaire à certains des plus
grands joueurs nationaux, les sociétés monoproduit par exemple,
vous vous rapprochez de cet établissement des prix à l'échelle
nationale dont je parle. Mais nous considérons notre base
commerciale d'un bout à l'autre du pays, tous les concurrents qui
s'y trouvent et les banques n'en sont qu'une composante.
L'un des problèmes qui se posent pour vous et pour nous, et le
rapport MacKay l'a fait ressortir, c'est l'absence de données
fiables qui nous permettraient de rassembler toute l'information
auprès de tous les intervenants. Une fois de plus, pour assurer
tous les services financiers qui existent aujourd'hui dans ce pays
les banques emploient 220 000 des 500 000 personnes nécessaires.
Les banques représentent aussi un peu plus de 40 p. 100 de tout
l'actif financier au Canada. Ainsi vous obtenez grosso modo la même
ventilation pour ce qui est de l'actif fourni par les banques aux
Canadiens que pour le nombre d'employés de banque qui travaillent
avec des Canadiens. Mais 280 000 autres travaillent pour d'autres
établissements de services financiers qui ne se trouvent pas dans
les six premiers.
Je dis donc que la concurrence... Vous ne pouvez peut-être pas
le constater à une succursale, mais croyez-moi, si c'est à Prince
George, je sais que GE Capital s'y trouve, parce que c'est un de
nos concurrents sérieux.
M. Roger Gallaway: Vous avez soulevé le spectre de la
concurrence étrangère, ce qui est très intéressant. Vous nous avez
aussi dit qu'il y a d'autres pays où il y a de grandes banques,
comme aux États-Unis, en Europe et en Hollande, un pays de huit
millions d'habitants.
M. John Cleghorn: C'est environ quinze millions, je crois.
M. Roger Gallaway: On m'a dit huit millions.
M. John Cleghorn: C'est davantage comme la Suisse.
M. Roger Gallaway: Deux fois plus petit. Supposons qu'il
s'agit de quinze millions.
M. John Cleghorn: Oui.
M. Roger Gallaway: Ils ont une banque beaucoup plus grande que
la vôtre.
M. John Cleghorn: Deux.
M. Roger Gallaway: Oui. ABN AMRO est beaucoup plus grande que
la Banque Royale et je suppose qu'elle le sera encore plus qu'une
Banque Royale fusionnée...
M. John Cleghorn: C'est exact. Il en va de même avec ING.
M. Roger Gallaway: Pourtant 57 p. 100 de leur actif est à
l'extérieur du pays. En d'autres mots, dans un petit pays les
banques sont allées à l'extérieur et ont fait des affaires. Elles
n'ont pas compté sur la domination du marché local ou du pays;
elles ont choisi d'aller à l'extérieur et de soutenir la
concurrence sur le marché. Qu'est-ce qui empêche la Banque Royale
du Canada d'aller à l'extérieur et de soutenir la concurrence?
Pourquoi devez-vous fusionner?
M. John Cleghorn: Rien du tout. Nous faisons 30 p. 100 de nos
affaires à l'extérieur du Canada.
M. Roger Gallaway: Quel pourcentage de votre actif est à
l'extérieur du pays?
M. John Cleghorn: À peu près le même. Parfois vous avez une
base de tarifs et parfois vous avez les biens qui la garantissent,
mais je crois qu'il vaut vraiment mieux regarder du côté de la
source de recettes. C'est d'environ 30 p. 100 et cela peut varier
selon la valeur du dollar canadien.
Nous avons des opérations de détail très actives dans les
Caraïbes. Nous aimerions faire davantage aux États-Unis, mais la
consolidation fait en sorte que cela n'a pas été rentable pour
nous.
La Banque de Montréal, soit dit en passant, est la quatrième
plus grande banque canadienne, pas la troisième. La Banque de
Nouvelle-Écosse est plus grande que la Banque de Montréal
aujourd'hui. La Banque de Montréal détient la Banque Harris et elle
croit qu'elle aimerait s'allier à un partenaire comme nous pour la
développer. Il s'agit là de quelque chose que nous aimerions faire
également.
Ce que nous voulons faire avec la Banque de Montréal n'est pas
la phase finale. Nous préférerions être un intervenant
nord-américain dans les services financiers de détail, y compris la
gestion de l'actif, les fonds communs de placement, le courtage de
même que les services bancaires traditionnels. Il s'agit de choses
que nous voulons faire tandis que d'autres veulent peut-être être
des intervenants plus importants dans d'autres secteurs, les
services bancaires d'investissement ou les titres de créance à
rendement élevé, etc. Ainsi chacun de nous a une stratégie
légèrement différente.
Nous occupons le premier rang au Canada quant aux opérations
sur devises. Nous tenons la barre en matière de financement du
commerce extérieur même si nous n'avons pas le réseau le plus
important à l'échelle internationale. L'un de nos concurrents, qui
est probablement le réseau international le plus important, occupe
le cinquième rang pour ce qui est des opérations sur devises avec
des compagnies canadiennes.
M. Roger Gallaway: Merci.
Le président: Monsieur Pillitteri.
M. Gary Pillitteri (Niagara Falls, Lib.): Monsieur Cleghorn,
certains ont posé des questions aujourd'hui au sujet d'un
assouplissement de la restriction de 10 p. 100 applicable à la
propriété au Canada. Ce n'est pas la première fois que cette
question est posée. Certains présidents de banque ont dit qu'ils
aimeraient qu'on l'élimine. Que pensez-vous de cette restriction de
10 pour cent ici au Canada, et du projet de fusion, si fusion il
devait y avoir?
M. John Cleghorn: Je crois que le rapport MacKay est très
souple. C'est une conclusion intéressante.
Nous avons dit dans notre mémoire au groupe de travail que, à
l'exception des fusions, on devrait peut-être maintenir la
restriction de 10 p. 100 tant que nos institutions n'auront pas la
taille suffisante pour se débrouiller seules. Il pourrait eut-être
alors y avoir un processus, soit une règle soit un pouvoir
discrétionnaire ministériel, qui laisserait au moins cette
souplesse, ce qui est en général la pratique dans d'autres pays. Je
crois que le groupe de travail a répondu à cela.
Je crois qu'ils ont fait preuve de souplesse dans leur
réponse. Le gouvernement serait en mesure de considérer la fusion
comme étant dans l'intérêt national peu importe la structure du
capital social qui pourrait en découler.
Par exemple, dans le système hollandais personne ne peut
détenir plus de 5 p. 100 de l'actif sans obtenir l'autorisation du
ministre des Finances et du chef de la banque centrale, ce qui
laisse un pouvoir discrétionnaire au ministre. Je crois que la
façon suggérée par le rapport MacKay nous donne la souplesse dont
le pays aurait besoin pour s'assurer que la propriété
d'institutions financières importantes serait considérée comme
étant dans l'intérêt public.
M. Gary Pillitteri: J'aimerais poursuivre là-dessus. Vous avez
déjà dit, en réponse à une question antérieure, monsieur Cleghorn,
que, même avec la fusion, elle ne serait pas aussi grande; elle ne
se classerait pas parmi les 15 premières banques du monde. Si cette
règle du 5 p. 100 existe dans d'autres pays, comme vous venez tout
juste de le dire, pourquoi alors devrions-nous en tant que
Canadiens assouplir cette règle ou dire qu'elle pourrait l'être?
Quel avantage les Canadiens en retireraient-ils? Quelle emprise
aurions-nous sur cette règle?
M. John Cleghorn: Je déduis du rapport que les règles seraient
plus souples pour les petites banques. En ce qui a trait aux
établissements plus importants, pour quiconque voudrait en faire
l'acquisition, je crois que la limite était de 20 p. 100, de toute
manière. Le rapport n'a pas éliminé la possibilité que des
propriétaires étrangers se portent acquéreurs d'un de nos
établissements, mais il faudra qu'il soit clairement établi que
cela sert l'intérêt national. Il en est certes question dans le
rapport.
M. Gary Pillitteri: J'ai une dernière question.
Dans deux documents de l'Institut C.D. Howe, Frank Mathewson et
Neil Quigley ont exprimé la déception du public face aux annonces
publiques de projets de fusions faites par des présidents de
banques. Nous savons que certains d'entre eux ont comparu à
d'autres séances. Un président a déclaré qu'il voulait fusionner
parce qu'il est exclu de maintenir le statu quo. Matheson et
Quigley citent trois possibilités: les banques ne savent pas
vraiment pourquoi elles veulent se fusionner ou si elles le savent,
elles n'en donnent pas la raison. Quelle est la véritable raison de
la fusion et pourquoi ne la donnez-vous pas? Croyez-vous que vous
avez établi le bien-fondé de la fusion en communiquant vos
intentions à la population canadienne?
M. John Cleghorn: Il n'y a rien de mal à répéter une histoire
ou à la replacer dans un contexte plus large. Je le répète, nous
comptons le faire dans notre énoncé sur les répercussions sur la
population. Si le gouvernement nous invite à le faire, nous le
ferons avec plaisir. Comme les règles recommandées par le rapport
MacKay sont assez vastes, nous attendons des directives à ce sujet.
De toute évidence, nous songeons à établir une entreprise de
services financiers canadienne, ayant son siège social qui pourra
mieux servir ses clients ici, prendre de l'expansion des deux côtés
de la frontière et être une compagnie nationale pour nos
entreprises qui font du commerce sur les marchés internationaux et
ainsi de suite. En d'autres mots, il s'agit d'une entreprise qui
profitera aux Canadiens qui font des affaires ici avec nous ou à
l'extérieur du Canada.
Nous placerons cela bien sûr dans un contexte plus large vu
que cela s'applique aux diverses collectivités avec lesquelles nous
faisons des affaires, où les gens ne cherchent peut-être pas à
savoir si nous offrons des services internationaux mais plutôt ce
que nous faisons pour eux dans leurs collectivités.
Le président: Merci, monsieur Pillitteri. Madame Bennett.
Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): M. Pratt a dû partir
mais il m'a demandé de poser une question qui inquiète un certain
nombre de ses électeurs. De toute évidence, tout le monde
s'inquiète de la fermeture des succursales mais s'interroge au
sujet des succursales qui se trouvent dans les collectivités.
Celles-ci disent faire affaire avec les banques mais les banques ne
font pas affaire avec elles. En ce qui concerne les achats locaux
et autre chose du genre, y a-t-il quelque chose qui selon vous
serait...?
Le rapport MacKay parle de rapports sur leurs responsabilités
envers la collectivité. Je me demandais simplement si vous ne
pouviez pas faire d'une pierre, deux coups. Comment concevez-vous
le fonctionnement des rapports sur les responsabilités du milieu et
qu'y exigeriez-vous? Que représentent-ils pour vous? Par ailleurs,
répondraient-ils à la préoccupation exprimée par M. Pratt?
M. John Cleghorn: Vous trouverez des exemples à la page 197 du
rapport. Je vous laisse en juger.
Mme Carolyn Bennett: Cependant, il n'y est pas vraiment
question de cette préoccupation au sujet des commerces locaux.
M. John Cleghorn: Non. Cependant, vous parlez de ces commerces
en tant que fournisseurs pour nous. Tout dépend donc de ce que nous
utilisons au sein de cette collectivité. Nous employons certes des
personnes de la collectivité, mais nous sommes aussi tenus d'être
rentables. Il faut donc peser les avantages de fournisseurs qui
nous offrent une qualité et des prix constants partout au pays par
rapport à ceux que nous offrent les fournisseurs régionaux. C'est
un choix auquel sont confrontées toutes les entreprises; nous ne
sommes pas les seuls.
Les institutions financières plus centralisées se contentent
d'avoir recours aux fournisseurs qui se trouvent à proximité de
leur siège social. Leurs agents, courtiers ou vendeurs répartis un
peu partout au pays n'ont pas à satisfaire aux mêmes critères que
nous. Peut-être faudrait-il qu'ils le fassent.
Nous nous pencherons sur chacune de ces questions et, dans la
mesure où nous disposons d'une marge de manoeuvre, nous tenterons
de les régler. Toutefois, c'est là qu'intervient le compromis entre
les intérêts de l'un et les intérêts de l'autre, savoir si le
fournisseur d'une agglomération peut alimenter la personne d'une
autre agglomération. Le commerce interprovincial nous pose le même
genre de problème actuellement, au Canada.
Mme Carolyn Bennett: Une des plaintes que j'entends souvent à
mon bureau et qui a trait à l'impact sur la collectivité, c'est que
l'employé de la succursale locale qui vient tout juste d'adhérer au
Rotary Club ou au Club des optimistes est muté ou que le petit
commerçant qui vient tout juste d'établir des rapports avec son
nouveau directeur de banque voit celui-ci partir. Cela semble avoir
un effet délétère sur la collectivité.
M. John Cleghorn: C'est effectivement une plaie depuis
longtemps. Je puis vous dire que, pour ma part, j'en suis à mon
treizième déménagement. Il n'y a pas qu'au Canada que cela se passe
ainsi.
Si nous voulons nous distinguer, nous allons devoir essayer de
faire mieux à l'égard des petites entreprises. C'est certain. C'est
pourquoi il faudrait peut-être prévoir une entité distincte où il
serait possible de faire carrière et d'avoir une rémunération en
conséquence... Les employés veulent de l'avancement et ils jugent
que les mutations sont avantageuses à cet égard. La pression est
donc exercée des deux côtés à la fois.
Toutes les institutions financières sont aux prises avec ce
problème, comme nous. Si nous voulons nous distinguer, il faudra
faire mieux. C'est certes quelque chose que la nouvelle banque de
la petite entreprise s'efforcera de régler.
Mme Carolyn Bennett: Pour l'instant, si le petit entrepreneur
a une marge de crédit à la Banque de Montréal et une autre marge de
crédit chez vous, a-t-il l'assurance qu'après la fusion, il
continuera d'avoir les deux?
M. John Cleghorn: Je vous répondrai d'abord que, dans le
secteur de la petite entreprise, quintessence du risque diversifié,
le capital ne pose vraiment pas de problème. Selon moi, dans le cas
de la Banque de Montréal qui accorde du crédit depuis
longtemps—qui sait comment équilibrer les risques, comment les
gérer—, vous pourriez presque dire que ce n'est pas du tout un
enjeu. Les deux banques sont relativement similaires à cet égard.
Les deux veulent donner de l'expansion à leur secteur de la petite
entreprise et les deux tiennent vraiment à s'imposer comme la
banque de choix de la petite entreprise au Canada. Elles n'y
arriveront pas en indisposant le client.
Mme Carolyn Bennett: Non. Le client peut donc compter qu'il
aura au moins l'équivalent de ces deux marges de crédit réunies?
M. John Cleghorn: C'est juste.
Mme Carolyn Bennett: D'accord. Je vous remercie.
Le président: Madame Redman.
Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le
président.
Monsieur Cleghorn, quelque chose, dans le rapport du groupe de
travail MacKay, vous a-t-il déplu? Par exemple, sa recommandation
au sujet des ventes liées vous a-t-elle plu?
M. John Cleghorn: La recommandation fait maintenant partie de
la Loi sur les banques. L'Association des banquiers canadiens s'est
dotée d'un code, tout comme nous.
• 1640
Ce dont il est vraiment question, je suppose, c'est de la
vente liée avec coercition. C'est une pratique inacceptable. Si les
règles sont claires pour tous, si tous les concurrents doivent les
respecter, nous les applaudissons certes. Je ne trouve donc rien à
redire du libellé.
Mme Karen Redman: Donc, votre industrie s'est opposée à
l'entrée en vigueur de l'article 459.1 de la Loi sur les banques
pour l'unique raison qu'il s'appliquait aux banques seulement?
M. John Cleghorn: C'est juste. Pourtant, comme nous le savons,
si vous analysez la situation produit par produit, vous constaterez
que nous ne sommes pas les seuls dans presque toutes les
catégories, au Canada. Ainsi, nous représentons à peu près 60 p.
100 des prêts hypothécaires résidentiels. Le pourcentage est à peu
près le même sur le marché des prêts personnels. Enfin, dans le
secteur des prêts aux petites entreprises, comme vous l'a dit
M. MacKay, notre part est d'environ 50 à 60 p. 100.
S'il y avait moyen d'appliquer les règles à tous les autres
joueurs, ce serait fantastique. Non seulement l'industrie y
gagnerait, mais le pays aussi.
Mme Karen Redman: Que pensez-vous de l'affirmation faite dans
le rapport MacKay selon laquelle l'ombudsman du secteur des
services financiers n'est pas aussi efficace qu'il pourrait l'être?
M. John Cleghorn: Je crois qu'en dépit de sa relative
nouveauté, il est efficace. Encore une fois, il faudrait que le
principe s'applique à toutes les institutions de services
financiers tel que le recommande le rapport MacKay. L'idée est
excellente.
Mme Karen Redman: Si vous me permettez de vous poser une
dernière question, il s'agit d'un point avec lequel je me débats
depuis un bout de temps déjà, et nous en avons déjà parlé en dehors
du cadre des audiences. Je m'interroge sur le moment choisi pour
annoncer la fusion, quand les banques ont annoncé qu'elles
envisageaient cette possibilité. Peu de temps après, le groupe de
travail MacKay annonçait qu'il préférait que soit maintenu le statu
quo en attendant qu'il ait fait connaître ce qu'il envisage comme
avenir pour l'ensemble du secteur financier. Ce matin, le comité
s'est demandé à quel point l'annonce était opportune.
Je suppose que j'essaie simplement de faire coïncider tous ces
programmes différents. Je me demande pourquoi vous avez cru bon
d'annoncer la fusion alors que vous saviez que le groupe de travail
MacKay se pencherait sur cette question.
M. John Cleghorn: Le rapport publié est certes une exclusivité
totale, mais il ne parle pas de fusions particulières. C'était une
situation hypothétique, une stratégie parmi d'autres.
Nos deux organismes estimaient qu'une fusion faisait partie de
leur stratégie pour l'avenir et qu'elle permettrait de mieux servir
leurs clients. De toute évidence, nous étions du même avis. Nous
avons donc avancé l'idée, sous réserve de l'approbation du
gouvernement et de nos actionnaires. Nous étions au courant de
l'existence du groupe de travail MacKay, qui en réalité avait été
formé sous une appellation différente en décembre 1996. Le groupe
de travail a respecté son échéance. Il est en réalité allé bien au-delà de
ce que nous avions envisagé quand il a amorcé ses travaux
en 1996, alors qu'il était seulement question d'autoriser les
banques à louer des automobiles ou à vendre de l'assurance. Il
n'était certes pas question de l'avenir des services financiers.
C'est maintenant chose faite. Le débat est maintenant lancé.
Il devrait s'étendre à tout le pays. Je trouve tout le processus
extrêmement instructif.
Entre-temps, le Bureau de la concurrence est en train
d'examiner deux propositions qui, selon moi, contribueront au
débat. Le Bureau de la concurrence n'aurait pas pu entrer en jeu
s'il n'avait pas eu de cas réel à examiner. On peut maintenant
mettre la théorie à l'épreuve, si je puis m'exprimer ainsi, c'est-à-dire
l'appliquer à des cas particuliers.
Pour nous, les possibilités de fusion n'étaient pas très
nombreuses. Nous avons décidé qu'il valait mieux pressentir notre
meilleur choix parce que toutes sortes de bruits circulaient déjà.
Après avoir lu le rapport du groupe de travail MacKay, je puis
vous dire que la grande question aurait été: «Que faisons-nous,
maintenant?» Si les fusions sont l'une des principales options, qui
va-t-on pressentir en vue d'une éventuelle fusion? Les pourparlers
se poursuivaient depuis plusieurs années. Les rumeurs allaient bon
train.
Nous disons simplement que nous avons ici un projet qui peut
être examiné ouvertement. Nous sommes tout à fait disposés à le
soumettre à l'examen public et à voir s'il correspond à l'intérêt
public. Nous avons dit que nous acceptions cela. Nous n'avons pas
fixé d'échéance et nous n'avons pas détourné le processus.
Mme Karen Redman: Une dernière petite observation, si vous le
permettez.
• 1645
M. John Cleghorn: Oui. Les auteurs du rapport commencent par
souligner qu'ils parlent au nom du consommateur et qu'ils cherchent
les moyens de lui donner plus pouvoir sort au Canada. D'où les
discussions au sujet de la concurrence, au sujet de la protection
du consommateur, au sujet d'un meilleur cadre collectif, et tout le
reste—tout est là; nous sommes d'accord avec tout cela. Nous
disons simplement que nous sommes disposés à évaluer notre fusion
en fonction de tous ces critères. M. MacKay a dit, dans le rapport,
qu'il fallait faire porter le débat sur un point central et prendre
des mesures opportunes. Nous serions d'accord avec tout cela.
Mme Karen Redman: Je vous remercie.
Le président: J'ai plusieurs questions à vous poser au sujet
d'un rapport sur les trois C du secteur bancaire canadien, soit la
conduite des affaires, la concurrence et la concentration. Il
s'agit, je crois, de l'étude McCallum, d'après le nom de
l'économiste en chef de la Banque de Montréal. À la page 10 de son
étude, il cite en exemple le modèle néerlandais dont pourrait,
selon lui, s'inspirer le Canada. Cela signifie qu'il faudrait
permettre les fusions et un taux plus élevé de concentration sur
les marchés locaux, ce qui donnerait un secteur financier plus
concurrentiel. Pourtant, selon le rapport MacKay, le Canada a déjà
un ratio de concentration supérieur à celui des Pays-Bas, si l'on
se fie au ratio de concentration des cinq plus grandes banques.
Nous avons aussi des banques plus efficaces. Quel résultat le
secteur néerlandais a-t-il réellement obtenu que nous n'ayons pas
encore obtenu ici, au Canada?
M. John Cleghorn: Tout d'abord, les institutions de là-bas
sont très différentes. L'ING, raison sociale que les Canadiens sont
venus à bien connaître au cours des dernières années, n'est pas
seulement une banque, mais également un énorme groupe d'assurance.
La société vend de l'assurance ici. Je crois d'ailleurs que
M. MacKay l'a mentionné. Elle vend beaucoup d'assurances au Canada
et elle est en train d'y lancer une banque virtuelle. Il ne
faudrait pas oublier non plus ABN AMRO, qui est très présent non
seulement aux Pays-Bas, mais partout dans le monde.
Il y a dix ans environ, les Néerlandais ont décidé qu'ils
souhaitaient bien asseoir la position de leurs banques aux Pays-Bas
et leur permettre de faire le saut sur la scène internationale.
Nous parlons ici d'un pays qui a la moitié de notre superficie. On
y remarque aussi un très fort groupe coopératif, la banque
coopérative Rabobank. C'est certes un modèle que nous pourrions
appuyer, soit de renforcer le mouvement des caisses populaires ou
des coopératives de crédit de manière à en accroître l'efficacité
et de mettre en valeur les meilleures pratiques pour celles qui
souhaiteraient former un groupe national. Je crois que l'exemple
cité ici vise un groupe comme la Rabobank.
Pourquoi les Néerlandais ont-ils fait ce qu'ils ont fait il y
a dix ans? Ils ont vu des sociétés se regrouper en Europe. Ils ont
vu des pays beaucoup plus grands que le leur et auxquels ils
devaient faire concurrence se regrouper et, en fait, d'importantes
institutions financières souhaiter faire l'examen de leurs propres
joueurs dans le secteur.
Il a fallu du temps avant que ces fusions ne s'avèrent
efficaces. Le réseau anglais de la SRC, je crois, a passé un
reportage à ce sujet à l'émission Venture, un soir. On y faisait
état des répercussions des deux fusions sur les frais de service.
Ainsi, au début des années 90, les frais ont augmenté légèrement et
ils se maintiennent à ce niveau depuis lors. Les deux banques se
sont lancées dans les acquisitions à l'étranger étant donné que
leur capital de base est plus important et qu'il est plus largement
réparti. Elles ont donc profité des possibilités d'acquisition et
d'expansion non seulement sur le continent européen, mais aussi au
Royaume-Uni, où ING a acheté la Barings, en faillite.
Naturellement, nous avons vu les nouvelles sociétés comme ING
arriver au Canada.
Le président: Dites-moi, quels ont été les avantages nets pour
l'économie néerlandaise des fusions dont j'ai parlé tout à l'heure?
M. John Cleghorn: Les Pays-Bas comptent maintenant deux
importantes banques dont le siège se trouve là-bas et qui offrent
des emplois très rémunérateurs. On les considère comme étant des
leaders mondiaux. Les deux banques se classent parmi les 10 ou 15
premières du monde en termes de capacité de marché.
Si vous examinez la dernière liste des 50 premières
multinationales au monde, les Néerlandais en comptent trois ou
quatre, dont deux sont des banques. Les Suisses en ont deux aussi.
Le Canada n'en a pas du tout. Notre plus grande multinationale,
BCE, est 136e.
• 1650
Le président: Je vous remercie.
Monsieur Szabo, suivi de M. Discepola.
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Merci, monsieur le
président.
Monsieur Cleghorn, ce matin, lorsque nous avons rencontré
M. MacKay au sujet du rapport du groupe de travail, il a été
question, comme vous le savez, de la définition du statu quo et de
ce qu'il représentait. Cela me rappelle un peu, je suppose, la
situation dans laquelle se trouve actuellement le président
Clinton, qui essaie d'expliquer ce qu'il considère être des
rapports sexuels. Le statu quo, selon Harold MacKay, vise
l'industrie des services financiers tout entière, pas forcément les
fusions bancaires. Pourtant, c'est souvent ce qu'on laisse
entendre.
Je remarque, dans votre exposé, une liste de changements de
toutes sortes survenus au cours des dernières années dans
l'industrie, ce qui prouve que les banques n'ont pas, comme
industrie, été oisives, qu'elles sont dynamiques et qu'il est
essentiel qu'elles continuent d'évoluer.
Je suppose, en un certain sens, que la phrase «il est exclu de
penser maintenir le statu quo» est en règle générale une stratégie
qu'a suivie l'industrie des banques tout au long, de toute façon.
Dans le contexte du rapport MacKay, l'expression n'avait pas
forcément trait aux fusions de banques, mais plutôt à l'industrie
des services financiers.
Je tenais à le préciser, parce que vous avez probablement
entendu souvent les gens dire: «Je n'aime pas les banques; par
contre, j'ai de l'excellent service à ma succursale. Vous savez,
les gens sont gentils», et ainsi de suite. De plus, dans votre
exposé, vous avez mentionné que l'accès face à face dans les
succursales entraînait des dédoublements coûteux parce que vous
offriez aussi les mêmes services aux guichets automatiques.
Le maintien du statu quo pourrait bien comprendre, pour
certains, le service au comptoir parce qu'il contribue à l'image
d'intégrité, de respect, et ainsi de suite. Il faut que les banques
gagnent constamment le respect de leur clientèle. Je me demande à
quel point le courrier électronique, les guichets automatiques ou
les téléservices seront utiles à cet égard.
M. John Cleghorn: Bonne question!
Alors que le service n'existait pas, il y a trois ans,
15 p. 100 de nos clients utilisent maintenant le téléphone pour
effectuer leurs transactions bancaires parce qu'ils trouvent cela
plus commode. Le gros de ces transactions s'effectue les dimanches
après-midi et en soirée, quand les succursales sont fermées. Donc,
cela cadre avec leurs propres habitudes.
J'ai déclaré dans certaines petites agglomérations des
Maritimes, quand nous avons annoncé l'ouverture de notre télécentre
à Moncton, il y a trois ans, que ce service plairait peut-être
davantage à nos clients des grandes villes. Je me trompais. Les
services financiers électroniques sont beaucoup plus commodes pour
ceux qui travaillent dans des institutions, dans des hôpitaux entre
autres et qui ont des heures de travail différentes—ceux qui
travaillent en soirée plutôt que de neuf à cinq, les travailleurs
d'usine, ceux qui font des quarts de relève. Leur notion de
satisfaction du client est très différente de celle du client qui
se présente dans une succursale classique.
Ce que nous disons, c'est qu'il faut que nous offrions des
services à tous, de manière rentable. Il faut s'adapter aux clients
et il faut aussi le faire avec doigté quand les besoins de la
clientèle changent et qu'il faut introduire du changement.
Cela étant dit, nous assurons une présence au sein de 460
agglomérations actuellement. Elles représentent une fort bonne
clientèle. Quelqu'un de l'Ontario demandait à savoir récemment ce
qu'il en était de notre engagement à l'égard des succursales en
milieu rural. Nous avons ouvert, je crois, deux succursales au
cours des trois dernières années en Ontario rural. Nous en avons
aussi fermé deux, de sorte que leur nombre s'est essentiellement
maintenu pendant les trois dernières années.
• 1655
Il est question dans le rapport de cette convergence des
produits et de ceux qui les offrent. La ligne de démarcation est
donc effectivement en train de s'effacer. Certains continuent de
préférer le genre traditionnel de produits offerts à un point de
vente classique; d'autres veulent pouvoir obtenir leurs services
financiers de diverses sources. La banque pourrait ne représenter
qu'un élément de la gamme.
M. Paul Szabo: J'ai une dernière question à vous poser.
Le 15 septembre, en réponse à des commentaires faits par Peter
Godsoe, président de la Banque de Nouvelle-Écosse, Matthew Barrett,
président de la Banque de Montréal, aurait dit, d'après le Globe
and Mail, que les fusions exigeraient probablement de nos banques
qu'elles se dessaisissent de certains biens ou qu'elles réduisent
certains services en raison, notamment, de leur part excessive du
marché, ce qui entraînerait... Je crois qu'il a dit que cela
représenterait l'occasion rêvée pour d'autres banques de gagner une
part du marché en offrant les services que n'offrent plus les
banques fusionnées ou en le faisant à des prix inférieurs. Il a
conclu qu'il faudrait donc que M. Godsoe... Comme il a une
obligation à l'égard de ses actionnaires, il doit soit appuyer les
fusions ou se taire.
Cette déclaration m'a paru un peu inquiétante. Je comprends
qu'en tant que président et chef de la direction de la Banque
Royale du Canada, vous avez une responsabilité importante à l'égard
de vos actionnaires. Cependant, étant donné l'atout dont vous
jouissez en tant que banque à charte, vous avez aussi une
obligation à l'égard du grand public. Il faut trouver un moyen
d'équilibrer l'intérêt des actionnaires et celui des consommateurs,
voire du grand public. La raison pour laquelle j'en parle, c'est
que, comme vous le savez fort bien, Harold MacKay parle du secteur
des services financiers dans son ensemble, pas seulement des
banques.
M. John Cleghorn: Justement.
M. Paul Szabo: Il parle de compagnies d'assurances, de
sociétés de fiducie, de coopératives de crédit, de caisses
populaires, de toute la gamme, y compris des répercussions
éventuelles que cela aurait sur l'industrie de location
d'automobiles, sur les courtiers d'assurance indépendants—pour
n'en nommer que quelques-uns. Vous êtes bien conscient—nous en
avons parlé brièvement tout à l'heure—que ces répercussions
peuvent avoir beaucoup d'ampleur.
J'ai parlé avec M. MacKay, ce matin, de la rapidité du
changement, et nous tentions de décider s'il s'agissait d'une
évolution ou d'une révolution. Si ces changements peuvent avoir des
répercussions sur pratiquement tous les aspects du secteur des
services financiers, voire au-delà, et compte tenu du fait que les
banques ont indiqué que, si le processus s'éternisait ou qu'on
imposait trop de conditions, le projet de fusion pourrait
s'étioler, avons-nous le temps selon vous de bien faire le travail
qui consiste à adapter le cadre de réglementation et le cadre
juridictionnel, etc., en vue de bien évaluer l'impact sur le
public—non seulement sur les actionnaires et les consommateurs,
mais également sur le grand public—sans perdre les avantages
qu'entraîneraient ces fusions bancaires?
M. John Cleghorn: En réponse à votre commentaire—il y a dans
le rapport des déclarations très intéressantes à ce sujet en termes
de responsabilité des dirigeants d'institutions comme la nôtre,
qu'il s'agisse de banques, de compagnies d'assurance ou autres—,
il est impossible de s'engager dans une voie et de prendre soin des
intérêts d'un seul groupe. Manifestement, un organisme comme le
nôtre, qui a une base populaire, se doit de tenir compte de sa
clientèle. C'est donc le point de départ de ce rapport. En toute
franchise, nous n'en serions pas là si nous ne tenions compte que
des intérêts d'une seule clientèle. Nous nous préoccupons aussi des
intérêts des clients, des collectivités—de toute évidence, de nos
actionnaires, car ceux qui ne l'ont pas fait à long terme n'ont pas
survécu—, mais également de nos employés. En réalité, il faut
tenir compte des intérêts de chacun quand nous examinons les
avantages et les désavantages de la fusion.
• 1700
Le président: Monsieur Cleghorn, vous avez probablement déjà
traité des nombreux sujets et domaines qui feraient partie d'un
examen public.
M. John Cleghorn: C'est juste. Il s'agit en fait de non pas
seulement l'inscrire dans un discours prononcé lors de l'assemblée
annuelle ou dans un communiqué de presse, mais de présenter les
renseignements sous forme de bilan qui peut facilement se comparer
à d'autres. C'est en réalité le genre de choses que nous
envisageons et qui s'appliquerait à tous les joueurs du secteur.
Le président: Pour ce qui est des fusions, il me semble que,
alors que le groupe de travail MacKay parle de tout le secteur des
services financiers, quand il est question des fusions, toute notre
attention se concentre sur les banques seulement. Les répercussions
sont donc considérablement amplifiées, car en se concentrant
uniquement sur les banques, on se trouve à dire essentiellement que
tout le reste est en réalité sans rapport avec la question.
J'aimerais bien sûr préciser que je ne suis pas d'accord, car le
système économique et le secteur des services financiers sont très
interdépendants. Ne voir les fusions qu'à travers le prisme des
banques restreint le débat sensiblement, à mon avis.
M. John Cleghorn: De toute évidence, on peut lire dans la
recommandation qu'il faudrait examiner cela—tous les joueurs par
produit, par domaine d'activité. Vous constaterez que, dans
certains domaines, il y a plusieurs joueurs alors que, dans
d'autres, l'offre semble plus concentrée; l'analyse ne résiste pas
toutefois quand on entre en ligne de compte les équipes de vente
itinérantes, les téléservices, et ainsi de suite. Quand je dis
«rapport critique», j'entends que, comme je l'ai dit l'autre jour
à notre principal dirigeant, il faudra que tous lisent le rapport
si l'on veut avoir une vue globale de toute l'industrie des
services financiers à ce moment-ci et se faire aussi une idée de
son évolution future.
Le président: Monsieur Discepola.
M. Nick Discepola (Vaudreuil—Soulanges, Lib.): Merci,
monsieur le président.
Monsieur Cleghorn, dans la déclaration aux actionnaires que
vous avez faite le 5 mars en tant que président, vous avez fait
certaines affirmations auxquelles j'aimerais revenir. J'aimerais
savoir si vous êtes toujours aussi convaincu aujourd'hui de ce que
vous avez dit à ce moment-là.
Vous avez entre autres affirmé que vous souhaitiez protéger
les emplois canadiens et augmenter l'effectif combiné des banques
fusionnées.
M. John Cleghorn: Oui.
M. Nick Discepola: Vous avez ensuite dit, et je cite:
M. John Cleghorn: Effectivement.
M. Nick Discepola: Vous avez répondu par l'affirmative aux
deux questions. Je me demande à ce moment-là comment, en réponse à
la question posée par M. Brison concernant les pertes d'emplois...
À moins que quelque chose ne m'échappe, une perte d'emploi est une
perte d'emploi, que ce soit par attrition ou par mise en
disponibilité. Ai-je raison?
M. John Cleghorn: À nouveau, si vous comparez cela à ce qu'a
fait le gouvernement, les mises à pied seraient minimales. En
d'autres mots, les emplois seraient vraiment éliminés, mais leurs
titulaires se recaseraient ailleurs.
M. Nick Discepola: Le processus d'attrition vous permet de
combler à nouveau les postes de la manière habituelle.
M. John Cleghorn: Oui.
M. Nick Discepola: D'accord. Dans ce cas-ci, vous n'allez pas
combler à nouveau ces...
M. John Cleghorn: Nous disons qu'avec le temps, grâce aux
économies d'échelle, nous estimons pouvoir augmenter notre
efficacité de 10 p. 100. Cependant, étant donné la nature de
l'industrie (qui emploie un demi-million de travailleurs), nous
croyons que les travailleurs peuvent facilement, comme ils le font
déjà, se trouver un autre emploi chez un concurrent ou ailleurs.
Ils le font déjà.
M. Nick Discepola: Vous espérez donc que quelqu'un d'autre les
emploiera.
M. John Cleghorn: Je dis simplement que nous employons aussi
des travailleurs d'autres services financiers. Nos emplois évoluent
au moment même où nous parlons. Qu'il y ait fusion ou pas, la
main-d'oeuvre est très fluide et dynamique.
M. Nick Discepola: Voilà un point sur lequel nous nous
entendons.
Pour ce qui est de toute la gamme des services bancaires,
comment projetez-vous de les offrir dans les collectivités rurales?
M. John Cleghorn: Ce que nous avons dit, c'est qu'en plus
d'avoir les succursales classiques, nous envisageons la possibilité
de bureaux franchisés où l'on trouverait peut-être des services
bancaires et des comptoirs tenus par des tiers. Ainsi, notre
concurrent fait actuellement l'essai d'un arrangement pris avec le
bureau de poste. Il existe au Canada beaucoup de comptoirs qui
pourraient offrir d'autres services et, ainsi, rentabiliser les
pieds carrés dont ils disposent. Avec la technologie actuelle, il
n'est pas nécessaire d'avoir le même genre de succursale que celle
où vous êtes habitués de vous rendre, parce que, en réalité, dans
bon nombre de ces succursales, on n'est pas toujours capable de
répondre aux besoins du client. Nombre d'employés de ces
succursales étaient des cadres supérieurs. Beaucoup de ces emplois
ont été centralisés. La plupart des personnes qui travaillent dans
les succursales sont maintenant affectées aux ventes et au service,
ce que l'on peut aussi faire dans de plus petits points de vente.
M. Nick Discepola: Vous parlez du recours à la technologie,
tout comme M. MacKay l'a fait, ce matin. J'aimerais vous faire part
de certaines données statistiques, parce qu'il y a encore, dans la
circonscription que je représente, des municipalités où il n'existe
pas encore de service 911, encore moins de téléphone à clavier.
M. John Cleghorn: Il faudrait offrir le service autrement.
M. Nick Discepola: Cependant, vous pelletez aussi les
responsabilités ailleurs. Pour pouvoir avoir recours à certains de
vos services, il faudra que quelqu'un achète un ordinateur de
1 500 $ ou 1 600 $, qu'il obtienne un modem et qu'il s'abonne à
Internet, au coût de 20 $ ou 30 $ par mois.
M. John Cleghorn: Non. Ce n'est pas ce que nous proposons.
Seulement 2 p. 100 environ de nos clients sont branchés, et il
faudra bien du temps avant que la situation ne change.
L'utilisation du téléphone est beaucoup plus courante. En fait, nos
clients des petites agglomérations utilisent le téléphone et la
carte de débit un peu plus souvent que le client de la ville, en
dépit des difficultés qu'ils éprouvent avec le service téléphonique
dans certaines agglomérations plus petites...
M. Nick Discepola: Toutefois, si vous examinez les chiffres,
monsieur, vous constaterez que l'accès au genre de technologie
requis correspond pas mal à la situation socio-économique de
chacun. Il existe aussi un clivage entre le milieu urbain et le
milieu rural. Si vous examinez les chiffres, moins de 20 ou
22 p. 100 de ceux qui gagnent entre 25 000 $ et 30 000 $ ont des
ordinateurs, contre 61 p. 100 chez ceux qui ont un revenu de plus
de 70 000 $. Parallèlement, plus de gens des grands centres urbains
ont par exemple accès aux ordinateurs que la population rurale.
Je vous le signale simplement parce que...
M. John Cleghorn: Je vous le concède. Ce n'est pas demain la
veille pour les services bancaires sur PC. Ceux qui aiment cela et
qui savent comment faire n'ont pas de difficulté à les utiliser.
Cependant, 98 p. 100 des autres préféreraient utiliser le
téléphone, le guichet automatique ou se rendre à la succursale.
Nous ne souhaitons pas prendre le pas sur nos clients à cet égard.
Nous avons dit que, là où nous offrons actuellement des services,
les villages ou régions rurales ne perdront pas de services par
suite de la fusion et nous avons bien l'intention de tenir cette
promesse.
M. Nick Discepola: D'accord. Les consommateurs semblent aussi
vivre dans la quiétude, en ce sens que, lorsqu'ils déposent de
l'argent, ils ont l'impression que leur dépôt est en sécurité,
qu'il ne court pas de risques. Les institutions se fient à ce
sentiment de quiétude... au point parfois de l'exploiter en
assumant des risques accrus qu'elles n'assumeraient pas
normalement. M. MacKay l'a mentionné lorsqu'il a parlé du risque
moral. Il a aussi fait allusion au raisonnement selon lequel les
institutions sont trop grandes pour faire faillite. Or, la crise
asiatique nous a montré que nul n'est à l'abri.
M. John Cleghorn: Vous avez raison.
M. Nick Discepola: Voici donc ma question. Si les institutions
fusionnent, si elles deviennent plus grandes, est-ce que le
problème résultant de l'impression que plus elles sont grandes,
moins elles risquent de faire faillite ne s'accentuera pas? La
tendance générale voudrait que soit l'organisme de réglementation,
soit le gouvernement les renfloue de toute façon. En bout de ligne,
ce sont les contribuables qui paient la facture. Par conséquent, ne
vaut-il pas mieux avoir, du point de vue du risque, cinq
institutions plus petites dont l'une fait faillite que d'avoir deux
ou trois grandes institutions dont l'une ferait faillite?
M. John Cleghorn: Il faut examiner le passé pour se rendre
compte que le statu quo est exclu. Vous pouvez au moins constater
à quel point notre cadre réglementaire a évolué et comment nos
banques se sont transformées au fil des ans. Comme nous sommes des
joueurs d'envergure nationale sur la scène canadienne, nous avons
diversifié le risque. Comme nous avons été capables de maintenir
notre compétitivité, nous avons réussi à gérer raisonnablement bien
nos entreprises et à doser les risques.
La plupart des banques canadiennes jouent effectivement sur la
scène internationale et ont traversé certains de ces cycles. Elles
sont des organismes internationaux depuis le siècle dernier et
elles ont établi des contacts et des réseaux dans les régions où
les Canadiens brassent des affaires. Nous avons donc fait partie de
ce mouvement. Par contre, en dépit de tous ces hauts et bas, nous
sommes demeurés forts et nous avons pu continuer de verser nos
dividendes.
• 1710
Il est à espérer que le Canada est bien géré, sur le plan
budgétaire, et qu'il ne se retrouvera donc pas dans le pétrin
qu'ont connu nos amis asiatiques qui... Je ne qualifierais pas
exactement ces économies de transparentes. Je n'irais pas jusqu'à
dire que leur traitement comptable serait le même. Ceux d'entre
vous qui sont experts-comptables le sauraient. Les règlements
visant les banques étaient loin d'être à la hauteur des nôtres. En
fait, quand le ministre des Finances Martin conseille aux nouvelles
économies de marché d'adopter de meilleures pratiques dans le
milieu bancaire, elles l'écoutent parce que le Canada a une
excellente feuille de route en la matière.
Par contre, les banques n'occupent pas seules tout le secteur
des services financiers. En fait, elles n'en représentent que 40 p.
100, toutes banques confondues. Ce tableau est en train de changer.
Les différents produits offerts par les banques sont aussi offerts
par des concurrents, dont certains ont un siège social au Canada,
d'autres pas, et d'autres encore sont réglementés comme nos
banques. Toutefois, il y en a qui ne sont pas réglementés. Ainsi,
le sous-secteur d'activité ayant la plus forte croissance dans le
secteur des services financiers est les fonds communs de placement
dont les dépôts ne sont pas garantis.
Comme le fait remarquer le groupe de travail MacKay, le statu
quo soulève donc d'importantes questions qui vont bien au-delà de
savoir si les banques continuent de faire partie du paysage.
L'essentiel, c'est de faire en sorte qu'elles puissent équilibrer
les intérêts de tous et pratiquer une saine gestion, qu'elles
n'aient pas à s'orienter vers des sources de recettes à risque pour
demeurer rentables. Mieux vaut fusionner que de simplement courir
des risques par souci du risque, car bien souvent les institutions
plus petites qui ont emprunté cette voie ont disparu dans la brume
au premier ralentissement économique.
M. Nick Discepola: Puis-je poser une dernière question?
Le président: Faites, je vous prie.
M. Nick Discepola: Dans ce même discours, vous dites que les
décisions relatives à l'industrie des services financiers devraient
être prises par des Canadiens dans l'intérêt de tous les Canadiens.
M. John Cleghorn: C'est juste.
M. Nick Discepola: Pourriez-vous expliquer aux quelques
milliers peut-être de spectateurs qui verront votre témoignage à
l'écran en quoi les Canadiens seront avantagés par les fusions
bancaires?
M. John Cleghorn: La méthode adoptée par le groupe de travail
jette les bases d'un bon processus. Cependant, ce que cela signifie
essentiellement, c'est qu'on livre une concurrence acharnée en vue
de satisfaire à vos besoins financiers, quel que soit le produit
désiré. Les établissements de services financiers le feront à un
prix ou à une qualité aussi bonne qu'ailleurs en Amérique du Nord
et vous bénéficierez d'un système sécuritaire et sain en raison de
la réglementation qui est proposée dans le rapport.
Le processus de changement recommandé ici est selon moi
transparent. Il y aura donc un débat général qui s'amorce
aujourd'hui par l'examen des conclusions du groupe de travail. Le
Canada peut, à la fin du siècle et au début du prochain, miser sur
les services financiers comme secteur d'intérêt stratégique dont
nous pourrons être fiers et où nous continuerons de nous imposer
comme des chefs de file mondiaux, non pas seulement comme des
importateurs de services financiers, mais comme des leaders, des
fournisseurs dont la base se trouve ici, au Canada.
M. Nick Discepola: C'est le défi que nous avons à relever.
M. John Cleghorn: C'est effectivement le défi que nous avons
à relever. Vous avez raison.
Le président: J'ai une question accessoire.
Quand vous décrivez ainsi l'avenir du pays, tout semble plus
ou moins parfait. La concurrence sera plus vive. Des emplois seront
créés. Nous aurons un secteur des services financiers très solide.
La question que je me pose, c'est ce qui se passe au sein du
grand public? Comment se fait-il que je rencontre de nombreuses
personnes qui ne sont pas encore vendues à l'idée de la
consolidation, des fusions et de cette nouvelle vision de l'avenir?
Quel a été le principal défi que vous avez eu à relever, en tant
que président de la banque, pour faire passer votre message? Il
faudra informer le public, et cela prend du temps.
M. John Cleghorn: Il faut informer le public, faire confirmer
par des tiers qui ont une bonne vue d'ensemble et une vision
objective de tout le secteur, non seulement au Canada, mais à
l'étranger aussi. Le rapport me semble faire une évaluation
impartiale de la situation. Chaque consommateur et chaque
fournisseur de services financiers y trouve littéralement son
compte.
• 1715
On facilitera le processus si l'on sensibilise les Canadiens
au fait qu'ils peuvent obtenir leurs services financiers d'une
entreprise canadienne qu'ils connaissent ou, s'ils hésitent dans
leur choix, qu'il y a beaucoup de concurrence saine et solide, une
concurrence qui sera encore là demain et que le consommateur est
protégé, que nous serons tenus responsables de tout engagement pris
par des personnes comme nous en vue de justifier pourquoi nous
allons adopter une certaine stratégie. À nouveau, ce sont les
processus recommandés dans le rapport MacKay, des processus dont
nous pourrons certes nous accommoder.
Le président: Je vous remercie.
Madame Cohen, suivie de M. Harris.
Mme Shaughnessy Cohen (Windsor—St. Clair, Lib.): Merci,
monsieur le président.
Monsieur Cleghorn, je ne suis pas membre du comité. Je vous
regardais sur la Chaîne parlementaire et j'ai décidé de venir ici
vous poser des questions si le président m'en donnait la
permission, ce qu'il a fait.
Ce n'est pas une question stupéfiante, mais l'été dernier j'ai
eu le privilège de visiter l'Arctique et l'agglomération la plus
nordique du Canada, un petit village appelé Grise Fjord, dont la
population est d'environ 250 habitants et qui se trouve près du
77e parallèle. J'ai aussi passé beaucoup de temps, comme chaque année,
à l'île Pelée, l'agglomération la plus méridionale du Canada, où
j'ai une petit ferme. Ni Grise Fjord ni l'île Pelée n'ont de
succursale bancaire.
Pelée a en réalité une coopérative de crédit, celle de Windsor
ou Motorco, dont le personnel vient une fois par semaine assurer la
prestation de services bancaires. La population est d'environ 250
résidents permanents. Ceux d'entre nous qui y vont durant l'été
veulent en quelque sorte vivre coupés du monde; je ne crois pas que
cela les incommode particulièrement. Par contre, les insulaires qui
y travaillent ne trouvent pas cela drôle.
Nous avons entendu des témoins de Grise Fjord, de Resolute, de
Cape Dorset et d'autres collectivités d'Extrême-Nord nous parler du
terrible sentiment d'isolement de la population, particulièrement
depuis l'avènement des antennes paraboliques qui lui permet
maintenant de voir à la télévision tous les avantages de la vie
dans le Sud.
Je suppose que ma question est dans le même ordre
d'idée que celle de M. Discepola. Quelqu'un n'est-il pas obligé
actuellement, étant donné les commodités de la vie ici, de trouver
un moyen de les offrir à nos agglomérations isolées? Si un coût est
associé à la prestation des services là-bas, peu importe. Ne
faudrait-il pas que quelqu'un le fasse? Si vous êtes d'accord qu'il
existe une pareille obligation, particulièrement dans le domaine
bancaire, qui selon vous devrait le faire?
M. John Cleghorn: Nous offrons des services bancaires dans les
collectivités éloignées, peut-être pas dans celles que vous avez
mentionnées, mais dans d'autres. Notre concurrent, soit la Banque
de Montréal, a quelques succursales au nord du cercle polaire
arctique. Il a aussi mentionné la possibilité d'un partenariat avec
le bureau de poste dans certaines de ces régions où, encore une
fois, les petites agglomérations... C'est la solution qu'il faut
envisager, en réalité, les partenariats.
Vous avez mentionné le satellite. Nous pouvons maintenant
communiquer beaucoup plus facilement, que ce soit par téléphone...
En fait, des employés de banque se rendent périodiquement dans
certaines de ces collectivités par avion pour répondre aux besoins
de la petite entreprise et de particuliers, puis reviennent. On
peut les avoir au bout du fil. On ne demande donc pas simplement à
ces gens de venir dans le Sud pour brasser des affaires. Nous avons
des employés qui se rendent dans le Nord. Je ne parle pas
uniquement de notre banque à nous, mais de toute l'industrie.
Mme Shaughnessy Cohen: La Banque Royale a une succursale à
Iqaluit. Cependant, j'avoue qu'il ne serait pas économique d'offrir
les services à ces autres agglomérations parce qu'elles sont si
isolées. Je suis d'avis, tout comme de nombreux autres
parlementaires, je crois, qu'il existe une obligation d'offrir les
services, qu'elle soit la nôtre ou celle d'autres.
• 1720
Il me semble simplement—et c'est quelque chose dont il faudra
peut-être que vous teniez compte—qu'il faudrait offrir de
meilleurs services aux collectivités éloignées. Peut-être y a-t-il
moyen de conclure à cette fin des partenariats entre le
gouvernement et les banques ou d'autres entités commerciales. Ce
n'est certes pas ce qui se passe en ce moment.
Je vous remercie.
Le président: Monsieur Harris.
M. Dick Harris: Merci, monsieur le président. J'ai une
dernière question à vous poser.
Monsieur Cleghorn, vous nous avez décrit aujourd'hui les
avantages auxquels nous, en tant que consommateurs canadiens de
services financiers, pouvons nous attendre d'une fusion bancaire.
Si, en fin de compte, le ministre des Finances n'approuvait pas les
fusions, quelles sortes de difficultés importantes cela causerait-il à
votre banque, par exemple? Les consommateurs de services
financiers y perdraient-ils? Quel serait le résultat, si les
fusions étaient refusées? Quels seraient les principaux obstacles
qu'aurait à surmonter votre banque? Si la situation comporte des
avantages pour le consommateur canadien, quels seraient-ils?
M. John Cleghorn: Supposons que nous parlons de ce rapport et
que nous n'avons pas réussi à satisfaire au critère de l'intérêt
public—en d'autres mots, si la fusion était refusée—, à moins que
ce ne soit pour une autre raison, comme la concurrence, la sécurité
et le bien-fondé du projet. Disons que, pour diverses raisons, nous
n'avons pas bien défendu notre cause et que notre projet est
carrément rejeté. Je suppose qu'il faudrait que nous revenions à
nos stratégies de deuxième ou de troisième choix. Il faudrait
revoir nos options.
Nous ignorons au juste quand le processus prendra fin. Jusque
là, c'est l'option que nous défendons. Ce n'est pas celle que tous
choisiront. Entre-temps, depuis l'annonce du projet de fusion, Bank
One a annoncé qu'elle se lance dans l'émission de cartes de crédit.
Merrill Lynch a acquis Midland. L'entreprise a un avoir encore plus
important maintenant qu'il ne l'était lorsqu'elle s'est retirée du
secteur vers la fin des années quatre-vingt.
Nous nous attendrions que la concurrence s'intensifie. Il
faudra voir ce que nous pouvons faire pour tenir nos coûts à un
minimum de manière à pouvoir continuer d'offrir le service à nos
clients. De toute évidence, le statu quo n'est pas une option pour
nous, de sorte qu'il faudra que nous continuions d'évoluer.
Essentiellement, il faudra que nous nous concentrions sur les
activités dans lesquelles nous croyons avoir des chances
raisonnables de survie, non seulement par rapport aux concurrents
canadiens actuels, mais par rapport aussi aux nouveaux venus. Étant
donné qu'un virage vers la concurrence pourrait prendre de trois à
cinq ans, il faudra du temps. Il faudra que nous décidions, comme
nous l'avons fait pour nos effectifs, si nous pouvons réussir seuls
ou pas.
Notre division de gestion des fonds de pension, qui est
quelque peu désuète, emploie tout de même 1 000 personnes. Elle
sert en quelque sorte de chien de garde des services financiers.
Vous avez peut-être remarqué, l'autre jour, que les enseignants
viennent de confier la gestion de leurs fonds de pension à la State
Street Bank de Boston. L'autre groupe important de fonds de pension
au Canada est la Caisse de dépôt, qui utilise elle aussi la State
Street Bank.
Bien que nous détenions une part raisonnable du marché de
gestion des fonds de retraite, pour chaque nouveau client de taille
raisonnable qui se présente, un joueur étranger essaie de nous
couper l'herbe sous les pieds. C'est la réalité. Nous allons
continuer d'observer le phénomène dans presque chaque sous-secteur
d'activité à mesure que nous nous rapprochons du prochain siècle.
Nous ferons donc ce qu'il faut pour survivre et fournir les
services aux Canadiens. Cependant, nous le ferons peut-être sous
une forme différente de ce à quoi étaient habitués les Canadiens.
M. Dick Harris: Merci.
Le président: Monsieur Desrochers.
[Français]
M. Odina Desrochers (Lotbinière, BQ):
Bonjour, monsieur Cleghorn.
Depuis deux semaines, c'est la deuxième fois que
j'ai le plaisir de vous
rencontrer puisque vous êtes venu
rencontrer les gens du Bloc québécois le 9 septembre
dernier.
M. John Cleghorn: Oui.
M. Odina Desrochers: À ce moment-là, le rapport
de M. MacKay n'avait pas encore été publié.
Ce matin, lorsque nous
l'avons interrogé sur certaines questions, il nous a
dit qu'avant d'autoriser les fusions bancaires,
le gouvernement fédéral devait réviser toute la
réglementation afin que les choses soient équitables
pour les institutions financières Desjardins,
lesquelles ne seraient pas favorables aux fusions
bancaires.
• 1725
[Traduction]
M. John Cleghorn: Je pense qu'il a probablement une réponse
pour les petits établissements qui veulent emprunter une direction
différente. Si elles estiment en cours de route qu'elles doivent
constituer des partenariats ou des alliances avec des
établissements financiers de plus grande envergure, je crois
qu'elles devront alors examiner la question.
Je ne connais pas exactement la stratégie adoptée par la
Banque nationale à cet égard. Je sais que, étant donné qu'elle
exerce une grande partie de ses activités au Québec, elle a sans
aucun doute senti la pression de concurrence exercée par le groupe
des Caisses populaires Desjardins, qui a pu vendre de l'assurance
tout en offrant des produits bancaires traditionnels comme les
prêts aux petites entreprises, les prêts hypothécaires, les prêts
personnels, les dépôts, les fonds communs de placement, etc. Dans
une certaine mesure, ce rapport apaise leurs craintes pour ce qui
est de leur permettre d'avoir des règles du jeu équitables dans
leur marché privilégié que constitue le Québec.
Je crois qu'elles devraient tenir compte des recommandations
du groupe de travail MacKay.
[Français]
M. Odina Desrochers: Monsieur Cleghorn,
êtes-vous d'accord que le gouvernement
fédéral révise la réglementation étant donné que,
dans le cadre actuel, si on amorce les fusions
bancaires,
ce ne sera pas équitable pour les
autres? D'ailleurs, M. MacKay était d'accord sur la
position du Bloc québécois à cet égard.
[Traduction]
M. John Cleghorn: Tout le monde doit suivre le processus qui
a été mis en branle. On en propose deux l'heure actuelle. Si nous
nous fondons sur le rapport du groupe de travail, ces processus
devraient satisfaire au critère de l'intérêt public, devraient
faire l'objet d'études d'impact, etc. Un très long processus nous
attend.
Lorsque vous employez l'expression «passer avant son tour», il
s'agit là d'un processus assez long pour dire que quelqu'un s'est
emparé de la tête. Cela fait huit mois que nous avons annoncé notre
projet de fusion. Le groupe de travail MacKay vient de déposer son
rapport après vingt mois. Des audiences sont tenues cet automne.
Je pense qu'il vaut mieux poser la question à la Banque
nationale afin de connaître son point de vue. Il s'agit d'un
rapport qui, selon moi, répond aux besoins tant des petites
institutions que des grandes. Les auteurs du rapport reconnaissent
que les fusions sont une stratégie parmi d'autres qui ne convient
qu'à certains, qu'il pourrait y avoir d'autres stratégies
particulières. Les auteurs du rapport acceptent le fait que la
fusion puisse convenir dans un cas et non dans l'autre.
Le président: Merci, monsieur Desrochers. Monsieur Brison.
M. Scott Brison: Merci, monsieur le président.
Pour faire suite à la question de M. Harris, à supposer que
les parlementaires qui se penchent sur les recommandations du
rapport MacKay d'une part souscrivent, par exemple, à
l'accroissement du pouvoir de consommateur, au processus de
création d'un bureau d'ombudsman et aux améliorations à apporter,
aux changements dans le système de paiement, à des éléments comme
un assouplissement de la restriction de 10 p. 100 et un accès accru
des participants étrangers par l'entremise du marché canadien, en
prenant bien soin de procéder à un écrémage et de choisir les
recommandations les plus acceptables du point de vue politique, et,
d'autre part, rejettent les fusions, dans quelle position se
retrouverait alors votre banque en ce qui a trait à la question des
emplois? Nous avons le luxe ici, lorsque nous parlons de statu quo,
de ne pas savoir. Il est très difficile de comparer. J'ai tendance
à convenir avec vous qu'il est exclu de penser maintenir le statu
quo dans le contexte mondial. Dans quelle mesure vos employés
peuvent-ils compter garder leur emploi?
M. John Cleghorn: Comme je l'ai dit, s'il était question de
statu quo et que nous ne parlions pas de fusion, il nous faudrait
tout de même offrir des services à bon marché pour garder nos
clients étant donné que la concurrence pointe à l'horizon. Le
spectre de la concurrence nous menaçait avant que paraisse le
rapport MacKay et nous nous attendons à ce qu'elle s'intensifie.
Nous devons nous préparer maintenant à l'arrivée de participants
qui seront ici dans cinq ans vu qu'il nous faudra tout ce temps
pour repenser nos systèmes et établir en fait de nouvelles
stratégies autour de lignes de produits qui peuvent mener soit à
des acquisitions soit à des cessions forcées.
• 1730
L'important, je crois, c'est que les règles visent à aider le
consommateur, à le protéger. Les auteurs du rapport nous disent que
c'est le consommateur qui profitera au bout du compte d'une forte
concurrence et nous proposent des règles pour protéger le
consommateur étant donné qu'il y aura beaucoup de nouveaux
participants. La sensibilisation joue aussi un rôle. Comment
traitez-vous avec quelqu'un dont vous n'avez jamais entendu parler
auparavant, par exemple? De toute évidence, cela incombe à
l'entreprise. Mais il n'y a pas si longtemps, les Canadiens
n'avaient jamais entendu parler ni de Sprint ni de AT&T ni de la
Compagnie d'Assurance-Vie MIC autant qu'aujourd'hui et de nombreux
Canadiens ont décidé de faire appel à leurs services. Nous nous
attendons donc à ce que la même chose se produise parce qu'à bien
des égards nous sommes un service à valeur ajoutée des
télécommunications vu que tout ce que nous faisons passe par ce
réseau.
Lorsque vous parlez d'écrémage, je crois que c'est dans une
certaine mesure hypothétique. Un rapport a été présenté. La balle
est maintenant dans votre camp et dans celui du gouvernement. Vous
devez être à l'écoute de ce qui se passe et de ce qui se dit d'un
bout à l'autre du pays. Nous devons attendre les conclusions que
vous en tirerez et choisir la direction que nous emprunterons en
conséquence.
M. Scott Brison: Une dernière question. La Banque Scotia a
adopté de toute évidence une position très différente de celle des
autres banques à charte. Sa position semble avoir changé au cours
de la dernière année à cet égard. À quoi attribueriez-vous ce
changement de position? S'agit-il de patriotisme et d'altruisme ou
d'opportunisme?
M. John Cleghorn: L'automne dernier, la banque a fait parvenir
au groupe de travail un mémoire qui, dans une certaine mesure,
différait du point de vue qu'elle exprime aujourd'hui. Elle dispose
d'une stratégie dont elle a discuté avec son personnel de direction
et son conseil d'administration, stratégie qui correspond à une
vision du monde que nous ne semblons pas partager. Par exemple,
nous ne ferions pas les mêmes investissements internationaux. Nous
préférerions d'autres genres d'investissements à ce niveau ou dans
le secteur de la technologie ici ou encore dans la gestion de
l'avoir.
Nous estimons que les fonds communs de placement, par exemple,
sont un produit vers lesquels nos clients migrent à l'heure où on
se parle. En fait, nous voyons cela à l'échelle du secteur tout
entier. La Banque Scotia affirme ne pas avoir peur de la
concurrence étrangère et pourtant elle arrive au 15e rang en ce qui
concerne les fonds communs de placement, deux banques américaines
la devançant. En fait, les activités et les ventes de Fidelity et
Templeton au Canada surpassent déjà celles de cinq des banques à
charte et de la Société Canada Trust.
Je dirais donc que le changement est là et qu'il est bien
enclenché. La concurrence est forte entre les produits qui sont
arrivés sur le marché dans les quelque dix dernières années et qui
deviendront de toute évidence d'une extrême importance alors que
nous entrons dans le prochain siècle. C'est ainsi que nous voyons
les choses. Il se trouve que nous ne partageons pas son point de
vue. C'est très bien.
M. Scott Brison: Merci.
Le président: Monsieur Pillitteri.
M. Gary Pillitteri: Encore une fois merci, monsieur le
président.
Monsieur Cleghorn, d'après le rapport Mackay—et je n'en ai lu
qu'une petite partie—il y a beaucoup de groupes spécialisés sur le
marché canadien. Je crois que vous devriez jeter un coup d'oeil aux
institutions financières que nous avons ici au Canada.
Je ne sais pas s'il en est question dans le rapport ou non
mais il existe un groupe aux États-Unis, une société de prêts
hypothécaires, qui est plus grande que les six banques nationales
canadiennes et qui détient plus d'hypothèques que les six réunies.
Je me pose simplement la question... Vous et moi en avons discuté.
Disons simplement que si la fusion n'est pas dans l'intérêt des
Canadiens, elle ne sera pas autorisée. Je crois que c'est ce que
vous m'avez dit. Voici ma question: s'agira-t-il de cibler
davantage certains services offerts par les groupes ou d'offrir un
plus large éventail de services aux contribuables canadiens, si la
fusion devait se concrétiser?
M. John Cleghorn: Je crois qu'à long terme ce que nous disons
au sujet des fusions c'est que vous aurez un choix canadien viable
et que l'entreprise sera le porte-drapeau des services financiers
en tant qu'un des chefs de file canadiens. Mais lorsqu'il est
question de concentration et de pouvoir, nous devons nous rappeler
que l'économie et la population canadiennes s'apparentent
sensiblement à celles de la Californie. Ainsi, si une compagnie qui
réussit dans le secteur financier aux États-Unis cherche un nouveau
marché fabuleux et qu'elle n'offre pas de service ici, nous nous
attendrions, connaissant nos activités, à ce qu'elle pénètre le
nôtre. Et si les règles l'autorisent à le faire, elle ne tardera
pas à le faire.
Mon collègue de la Banque Scotia affirme qu'il n'a pas peur de
la concurrence des sociétés étrangères au Canada. C'est bien. Cela
veut dire qu'il va apporter de nouvelles améliorations à sa banque
afin d'être en mesure de garder ses clients.
J'ai déjà parlé de deux ou trois participants qui sont déjà
beaucoup plus grands que cinq banques canadiennes, Trust Canada et
les compagnies de fonds communs de placement. Nous avons la société
Merrill Lynch qui dépasse en envergure la Banque Scotia en ce qui
a trait aux activités de courtage. Mais c'est très bien, elles sont
là aujourd'hui et il nous incombe de nous assurer de ne pas perdre
nos clients. Aussi connues qu'elles soient, nous allons devoir nous
attaquer à la lourde tâche de prouver que nous pouvons être là pour
nos clients tout comme le seront ces grandes sociétés
internationales.
C'est ce qui s'est produit dans le secteur des
télécommunications et c'est ce qui se produit dans notre secteur.
Le fait est que nous avons pu voir venir cela il y a plusieurs
années et que nous avons cru qu'il fallait rajuster le tir afin
d'être en mesure de faire ce qui s'imposait pour garder nos
clients. Nous offrons donc des services de grande qualité à faible
coût et nous disposerons d'une compagnie viable basée au Canada qui
continuera d'arborer le drapeau canadien.
Je continue de croire en l'avenir. D'après les recommandations
de ce groupe de travail, nous aurons des porte-drapeau canadiens
sur la scène mondiale, parce que c'est quelque chose que les
Canadiens font bien. J'ai travaillé pour une banque canadienne et
pour une banque américaine. Laissez-moi vous dire que les Canadiens
excellent chez eux et partout dans le monde. Nous ne nous en tirons
pas très bien lorsqu'il s'agit de faire comprendre ce que nous
sommes et ce rapport nous fournira un bien meilleur cadre pour
présenter une fiche qui nous permettra de nous comparer à d'autres
concurrents qui exercent leurs activités ici au Canada.
M. Gary Pillitteri: Monsieur Cleghorn, j'en déduis de
certaines de vos réponses que nous devrions procéder à une
évaluation continue plutôt que de procéder à une analyse des
banques et les institutions financières et oublier le tout pour les
cinq ou dix prochaines années, comme nous le faisions par le passé.
Je crois que nous devrions avoir un processus plus continu...
M. John Cleghorn: Souple.
M. Gary Pillitteri: ...plus souple d'évaluation des
établissements de prêts, maintenant et à l'avenir.
M. John Cleghorn: Oui, si je devais utiliser un seul mot ce
rapport, je dirais qu'on y parle de souplesse. Si nous devons
donner le feu vert à la concurrence et si nous devons protéger les
consommateurs afin de le faire, la seule façon d'y parvenir est de
recourir à un processus souple.
M. Gary Pillitteri: Merci, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup.
Mme Carolyn Bennett: Je me demandais simplement où on voulait
en venir. Croyez-vous que nous pouvons attendre encore cinq ans
pour effectuer une analyse des institutions financières ou est-ce
que les choses vont à un rythme tel que nous devons recourir à un
processus permanent? Je crois que c'est ce que...
M. John Cleghorn: Eh bien! M. MacKay n'a pas recommandé que
nous attendions encore cinq ans et je ne le recommanderais certes
pas.
Mme Carolyn Bennett: D'accord.
Le président: Merci. Vous avez soulevé un point très
intéressant.
En outre, si vous le permettez, il n'y a pas de doute dans mon
esprit que, en tant que membres du comité et aussi en tant que
députés, nous assistons à un changement de paradigme dans le
secteur des services financiers. Cela se passe sous nos yeux.
Certains peuvent prédire un changement du fait peut-être qu'ils
font affaire avec le secteur des entreprises tous les jours. Ils
voient venir les choses, peut-être encore plus rapidement que le
grand public.
Une des choses dont nous pouvons être sûrs c'est que nous
sommes passés des pièces de monnaie aux billets de banque, aux
cartes de crédit, aux cartes de débit et aux cartes à puce. Je
crois que quiconque est témoin de cette transformation constate
qu'elle se dirige dans une direction. La banque virtuelle n'est
peut-être pas une réalité si lointaine. Mais ce qui arrive
aujourd'hui c'est que des arguments solides et authentiques sont
bel et bien une composante du débat aussi bien que le commerce
électronique. Ce sont ces jeux de pression et d'attraction qui
rendront ce débat très intéressant dans les prochaines semaines.
Au nom du comité, monsieur Cleghorn, permettez-moi de vous
remercier de votre excellent exposé. Je vous remercie aussi de ne
pas être simplement venu ici pour insister sur la fusion mais de
nous avoir donné votre opinion sur le rapport du groupe de travail.
M. John Cleghorn: Merci, monsieur le président.
Le président: Merci.
La séance est levée.
Là où je veux en venir, c'est qu'il y a un changement qui se
produit. Il peut y avoir des chevauchements ou cessation de
certaines activités. C'est ce qui se passe actuellement. Des
banques ont vendu leurs services de dépôt de titres. Nous avons
1 000 employés affectés à ces services et nous sommes la dernière
banque appartenant entièrement à des intérêts canadiens. D'autres
ont vendu leurs activités ou se sont associées entre elles. Notre
secteur est donc en évolution.
J'aime bien l'idée de soumettre tous les joueurs du secteur
des services financiers aux mêmes règles. On a affirmé que nous
étions les seuls à pratiquer les ventes liées, alors que j'ai
certes entendu parler de certains concurrents d'autres secteurs
qui... Il est intéressant de suivre le débat sur ce qui représente
une vente liée ou ce que l'on fait pour attirer le consommateur. Le
rapport MacKay cite l'exemple de McDonald's et du résultat, si vous
achetez un produit individuel ou un trio; il établit même des
comparaisons.
L'une des affirmations que nous a faites M. MacKay ce matin et
avec laquelle je suis d'accord, c'est qu'il faut faire un examen
global du secteur financier. Vous étiez manifestement d'accord avec
cela quand il a été question de l'ombudsman et des ventes liées.
Êtes-vous d'accord pour que le processus s'applique également aux
fusions?
Donc, en termes d'ordre mondial et de compétitivité sur la
scène mondiale, les Néerlandais et les Suisses sont nettement vus
comme des joueurs d'importance. Il faudra probablement que les
Canadiens non seulement fassent ce que nous envisageons de faire
avec la Banque de Montréal, mais aussi qu'ils prennent une
importante expansion en Amérique du Nord, c'est-à-dire aux États-Unis, au
cours des dix prochaines années s'ils veulent se classer
dans la même ligue. En fait, si la Banque de Montréal et notre
banque se regroupaient aujourd'hui même, nous nous classerions
23e en valeur boursière.
Voici donc ce que nous pensons du statu quo. La concurrence
n'est pas la même, les exigences de nos clients sont différentes et
l'idée que l'on se fait de la qualité du service a aussi changé. Il
y a dix ou douze ans, on n'allait pas à la banque pour acheter des
fonds mutuels. Aujourd'hui, les fonds mutuels représentent un volet
très important de notre activité. En fait, si vous examinez le
secteur de l'assurance, tout le débat gravite autour des ventes
d'assurance et tout le reste. Cependant, si vous prenez l'exemple
d'une compagnie d'assurance typique ou de l'industrie, 50 p. 100
des recettes viennent de la gestion de l'avoir, ce qui n'a pas
forcément rapport avec la vente d'assurances; il se peut qu'il y
ait un lien, comme pour nous.
J'ai lu très attentivement les suggestions faites par le
groupe de travail en ce qui concerne l'impact sur le public, les
rapports sur les responsabilités envers la collectivité. Nous avons
dit que nous étions disposés à satisfaire à ces exigences et à
contribuer à obtenir des résultats acceptables tant au niveau de la
collectivité que de concert avec le gouvernement. Le fait qu'on
estimait, tant dans le rapport que lors des conférences de presse
et, en fait, au sein de votre comité ce matin—je suis sûr que cela
reposait sur la participation non seulement de sources du secteur
privé mais également de sources gouvernementales qui ont contribué
au groupe de travail MacKay—, que tout cela pourrait se faire
assez rapidement et que certaines études pourraient avoir lieu
simultanément m'encourage également. Jusqu'à indication contraire,
nous demeurons optimistes.
Ensemble, nous voulons continuer d'offrir aux Canadiens toute la
gamme des services bancaires, dans les grandes villes comme dans le
Canada rural.
Comme je l'ai dit, seules deux petites banques ont fait
faillite au Canada depuis 1923. M. MacKay y fait effectivement
allusion. Il dit que les risques sont probablement plus importants
dans les petites banques que dans les grosses, parce que, dans ces
dernières, le risque est diversifié—le pays y est pour quelque
chose aussi.
Je crois qu'après l'examen public effectué par votre comité et
par le Comité sénatorial des banques, ce sera au Bureau de la
concurrence de faire le sien. Nous nous attendons que ces diverses
sources feront rapport vers la fin de cette année, après quoi nous
aviserons.
Il est question de communications. Dans ces collectivités,
pour pouvoir utiliser Internet, il faut faire un interurbain
jusqu'à Iqaluit pour se brancher au serveur. Donc, pour pouvoir
transférer de l'argent d'un compte à un autre par ordinateur ou au
téléphone, il faudrait probablement payer plus que ne vaut le
service.
Que pensez-vous de la position de M. MacKay?
Êtes-vous d'accord sur ce principe-là?
Ça progresse donc. Les choses bougent alors que nous sommes
assis ici et que nous attendons que des décisions se prennent,
qu'elles soient dans le sens des fusions ou de nouveaux pouvoirs
comme la vente d'assurance, le crédit-bail automobile ou que sais-je encore.