FINA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON FINANCE
COMITÉ PERMANENT DES FINANCES
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 4 novembre 1997
Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): La séance est ouverte. Bienvenue à tous ici ce soir.
Conformément à l'ordre de renvoi du comité, nous allons poursuivre notre examen du projet de loi C-2, Loi constituant l'Office d'investissement du régime de pensions du Canada et modifiant le Régime de pensions du Canada, la Loi sur la sécurité de la vieillesse et d'autres lois en conséquence.
J'aimerais souhaiter la bienvenue aux trois premiers témoins, qui représentent l'Association des pompiers professionnels de l'Ontario. Il s'agit de: M. Rick Miller, président du Comité sur les pensions; Sean McManus, directeur national, Association internationale des pompiers; et Dale Kinnear, analyste en travail, Association canadienne des policiers.
Nous sommes heureux de vous revoir. Vous pouvez commencer votre présentation. Je sais que vous avez de l'entraînement. Allez-y, je vous prie.
M. Sean McManus (directeur national, Association internationale des pompiers): Merci, monsieur le président.
Bonsoir. Je m'appelle Sean McManus et je suis directeur national de l'Association internationale des pompiers, un syndicat qui représente plus de 225 000 pompiers professionnels et travailleurs affectés aux urgences médicales au Canada et aux États-Unis. L'AIP représente ici au Canada 17 000 pompiers professionnels.
Comme on vient de vous le dire, m'accompagnent ce soir Rick Miller, président du Comité sur les pensions de l'Association des pompiers professionnels de l'Ontario, l'association membre de l'AIP en Ontario, et qui regroupe plus de 9 800 membres, ainsi que Dale Kinnear, analyste en travail pour l'Association canadienne des policiers, qui représente plus de 40 000 policiers au Canada.
Je suis très heureux d'être ici ce soir pour vous exposer les réactions de l'AIP aux plans du gouvernement visant à modifier, grâce au projet de loi C-2, le Régime de pensions du Canada. Je comparais devant vous aujourd'hui au nom du président de l'AIP, Alfred Whitehead, qui n'a malheureusement pas pu venir ce soir faire l'exposé en personne.
La position de l'AIP est très claire sur la question de la réforme des pensions et elle a maintes fois déjà, depuis les années 70, été exposée au Comité permanent des finances.
L'AIP exhorte le comité à recommander au gouvernement qu'il modifie le Régime de pensions du Canada pendant la ronde de consultations en cours de façon à ce que les pompiers professionnels, les policiers et d'autres agents de la sécurité publique soient admissibles à des prestations du RPC non réduites à l'âge de 60 ans et à des prestations du RPC réduites dès l'âge de 55 ans.
Vous vous demandez peut-être pourquoi nous prenons une telle position. La réponse est simple. Les pompiers et les policiers meurent de plus en plus jeunes par suite de la nature de leur travail, et ils ne sont par conséquent plus là pour profiter des prestations du RPC comme le reste de la population active. Cet état de choses existe en dépit du fait qu'ils contribuent au Régime tout au long de leur carrière.
Les pompiers de partout au pays ont eu l'occasion de répéter la position de l'AIP à leurs députés la semaine dernière, lors de la conférence législative annuelle de l'Association. Les députés—et peut-être même certains d'entre vous—ont appris directement des pompiers que leur retraite a une importance toute particulière pour eux étant donné la triste réalité à laquelle ils sont confrontés relativement à leur espérance de vie. Du fait qu'ils soient régulièrement exposés à des maladies transmissibles, à des produits dangereux et à des combustibles toxiques, ils enregistrent un taux de mortalité supérieur du simple fait de leur profession.
• 1815
Cela est clairement ressorti tout récemment lors de l'incendie
survenu à l'usine de recyclage Plastimet, à Hamilton, pendant
lequel plus de 100 pompiers ont pendant quatre jours été exposés à
la fumée de plus de 200 tonnes de PVC, ou plastique polychlorure de
vinyle, en combustion. Nombre de ces pompiers ont souffert de
problèmes de santé tout de suite après l'incendie, mais un grand
nombre de maladies graves qui pourraient frapper ces mêmes pompiers
ne se manifesteront, sous forme de cancers ou de troubles
cardiaques, qu'au bout de quelques années.
Des incendies du genre de celui survenu à l'usine Plastimet continueront de se déclarer au Canada, ce qui multipliera encore le nombre de morts prématurées chez les pompiers. Étant donné que les pompiers et les policiers sont régulièrement exposés à des conditions dangereuses, les taux de mortalité pour leur catégorie d'emploi continueront d'augmenter. Il est par conséquent inacceptable, mais guère étonnant, que le taux de décès liés à l'emploi enregistré chez les pompiers soit deux fois celui du secteur privé. Les études qui ont été menées font systématiquement ressortir que l'incidence de cancer et de troubles cardiaques mortels chez les pompiers est supérieure à celle que l'on peut attendre pour des groupes semblables dans des métiers différents.
À titre d'exemple, en septembre 1994, le Comité des normes en matière de maladies professionnelles (CNMP), en Ontario, a diffusé un rapport après avoir mené une étude sur la mortalité chez les pompiers de la région torontoise entre 1950 et 1989. L'étude a confirmé ce qu'a toujours dit l'AIP au sujet des taux de mortalité, au fil du temps, des pompiers. Les auteurs de l'étude concluent en effet qu'il y a un lien probable entre le fait de travailler comme pompier et l'incidence de maladies cardio-vasculaires, de cancer du cerveau, de cancer des ganglions, de cancer du colon, de cancer de la vessie et de cancer du rein.
Ces études sur les taux de mortalité font clairement ressortir que pour assurer une application plus juste du RPC, il faudrait que les pompiers et les policiers puissent toucher sans pénalité la prestation de retraite à un âge moins avancé.
On demande souvent aux pompiers, dans le cadre de l'exercice de leurs fonctions, de se dépenser au maximum, surtout lors des phases critiques du travail de sauvetage et d'extinction d'incendies. Les pompiers âgés de plus de 55 ans sont physiologiquement exposés et peuvent être frappés d'incapacité et se trouver dans l'impossibilité de faire leur travail. Leur capacité physique amoindrie expose les pompiers plus âgés à des erreurs coûteuses, susceptibles même de créer des situations de danger de mort. C'est pourquoi la retraite à l'âge de 55 ans est depuis longtemps acceptée comme étant dans l'intérêt et des pompiers et des communautés qu'ils servent. Cela a été confirmé dans de nombreuses décisions en matière de droits de la personne.
Cependant, il n'est ni réaliste ni juste de mettre les pompiers et les policiers à la retraite entre 55 et 60 ans sans également leur verser leurs prestations du RPC. Les pompiers qui prennent leur retraite à l'âge de 55 ans ne peuvent pas cotiser au RPC de 55 à 60 ans, même si cette période de cinq ans cadre avec la définition de leur période cotisable, ce qui augmente d'autant la pénalité qu'ils subissent lorsqu'ils commencent à toucher une pension à l'âge de 60 ans.
Il est temps que l'on corrige enfin un tort qui existe depuis beaucoup trop longtemps. L'AIP défend la même position depuis les années 70, car nous croyons fermement que c'est ce que doit faire le gouvernement pour être juste. J'ai d'ailleurs apporté avec moi une copie du mémoire déposé par l'AIP auprès du Groupe de travail parlementaire sur la réforme des pensions au début des années 80, et notre position n'a pas changé depuis.
Dans le cadre d'une lettre récente du ministre des Finances adressée à M. Miller, de l'Association des pompiers professionnels de l'Ontario, le ministre reconnaît lui-même que les pompiers et les policiers ont des carrières écourtées. Le moment est venu de faire quelque chose de concret pour reconnaître cet état de choses. On a déjà pleuré trop de pompiers et de policiers en attendant que les changements nécessaires soient apportés au RPC.
En conclusion, l'AIP exhorte le comité et le gouvernement à réexaminer le cas des pompiers et des policiers en tant que catégorie professionnelle distincte, exposée au danger, dans le cadre de sa réforme du RPC. La plus courte durée de vie de ces professionnels doit être reconnue dans le cadre de la réforme du RPC afin que les membres de ces deux professions puissent prendre leur retraite à l'âge de 60 ans sans réduction de la prestation et à l'âge de 55 ans avec des prestations réduites.
• 1820
Nous vous sommes reconnaissants de nous avons donné la
possibilité de comparaître devant vous ce soir et sommes prêts à
répondre à toutes vos questions.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur McManus.
Nous allons maintenant passer à la période de questions. Madame Ablonczy.
Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, Réf.): Nous apprécions votre présence ici et votre leadership. Vous tous avez été très assidus. Je sais que la préoccupation dont vous nous avez entretenus a été portée à mon attention deux ou trois fois, et elle est tout à fait légitime. Vous avez le respect et la gratitude de la communauté pour ce que vous faites, et nous savons que cela vous impose des sacrifices personnels.
La question que je me pose, comme toujours, concerne une analyse coût-avantage. Comme vous le savez, de nombreux groupes comparaissent devant le comité: des femmes qui doivent se retirer de la population active pour élever leurs enfants, des néo-Canadiens qui veulent avoir une pension mais ont du mal à établir un long dossier de travail parce qu'ils sont ici depuis moins longtemps que d'autres, etc.
Comme vous le savez, le fonds que nous avons à l'heure actuelle n'est pas capitalisé. En fait, notre passif non capitalisé au titre des services passés s'élève à environ 600 milliards de dollars, et le fardeau—je dis que c'est la deuxième dette nationale du Canada—reviendra largement à nos enfants et à nos petits-enfants, car il n'y a pas d'argent pour payer les prestations qui sont déjà dues.
Je sais que vous comprendrez que si l'on élargit encore les prestations, cela ne fera qu'accroître le fardeau qui sera imposé à ceux qui devront payer à l'avenir. Je suis certaine que vous avez réfléchi à ce problème, et je me demande si vous auriez des solutions particulières à proposer au comité.
M. Sean McManus: J'aurai quelques observations à faire à ce sujet.
Plus tôt cet après-midi, nous avons comparu devant le comité relativement à une disposition qui pourrait être ajoutée à la Loi de l'impôt sur le revenu: il s'agit d'un changement aux règlements qui permettrait aux pompiers et aux policiers de contribuer à un taux supérieur à 2 p. 100, soit à un taux de 2,3 p. 100. Ce serait une façon d'apaiser cette crainte.
L'autre solution serait de reconnaître que le passif non capitalisé tel qu'il existe à l'heure actuelle est un problème qu'il faut régler—nous le reconnaissons—mais de reconnaître également que les membres de certaines professions, du simple fait du travail qu'ils ont à accomplir, continuent de contribuer au RPC mais ne pourront jamais toucher leurs prestations, réduites ou autrement, car ils ne seront plus des nôtres le moment venu. Ce que nous demandons, c'est la possibilité d'avoir accès à ces prestations.
Nous savons que nous faisons une demande que beaucoup d'autres groupes ne pourront pas soumettre, mais c'est du fait du travail que font les pompiers, les policiers et d'autres agents de la sécurité publique.
Mme Diane Ablonczy: Si vous me permettez, j'aimerais vous poser encore une autre question. J'apprécie le fait que vous ayez réfléchi à l'aspect pratique. Votre suggestion est bonne.
L'autre question que j'ai est la suivante. Comme vous le savez, de nombreux pays dans le monde sont en train d'opter pour des comptes de pension individuels obligatoires auxquels les travailleurs versent leurs cotisations. Ils sont propriétaires et gestionnaires de ces comptes de pension. Un tel système permettrait aux membres de professions comme la vôtre d'accéder à ces comptes individuels, si la loi l'autorisait, plus tôt que ne pourraient le faire d'autres citoyens, pour les raisons que vous avez évoquées.
J'aimerais savoir si votre organisation a eu l'occasion d'examiner certaines des mesures que prennent d'autres pays et si vous pensez que ce serait peut-être une autre façon d'aborder le problème.
M. Rick Miller (président, Comité sur les pensions, Association des pompiers professionnels de l'Ontario): Plusieurs départements aux États-Unis, par exemple, reconnaissent l'âge de 55 ans comme étant l'âge obligatoire de la retraite pour les pompiers. Ils ont augmenté le taux d'accumulation des prestations pour les travailleurs qui défendent la sécurité publique afin de leur permettre de verser des sommes supplémentaires pendant leur carrière de 30 ans, de façon à ce qu'ils disposent de suffisamment d'argent à leur retraite et à ce qu'ils continuent de prendre la retraite dans la fourchette d'âge recommandée par les experts médicaux dans ces affaires de droits de la personne. C'est précisément ce que nous avons recommandé cet après-midi comme solution de rechange, reconnaissant les craintes que suscite le passif non capitalisé du RPC.
Mme Diane Ablonczy: Merci.
[Français]
M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ): Je vous remercie de votre présentation. Nous sommes tous sensibilisés à l'importance du métier que vous faites, mais j'aimerais obtenir plus d'information pour pouvoir analyser la recommandation que vous faites. Vous nous avez parlé un peu des conditions qui ont trait aux fonds de pension privés des pompiers. D'après ce que j'en sais, souvent, après 20 ou 25 ans de métier, un policier a la possibilité de prendre sa retraite et de retirer un fonds de pension qui, selon ce que j'en sais, peut lui accorder certains bénéfices que d'autres membres de la société n'ont pas. Pourriez-vous expliciter là-dessus pour qu'on puisse mieux comprendre la situation à cet égard?
Ne trouvez-vous pas que, finalement, la solution à la majorité des problèmes que vous mentionnez dans votre mémoire se trouve plutôt dans un accroissement de la sécurité? Malgré les problèmes inhérents à la fonction que vous remplissez, ne pourrait-on pas diminuer le nombre de mortalités ou d'accidents en mettant l'accent sur la prévention plutôt que sur le fonds de pension comme tel ou le Régime de pensions du Canada?
[Traduction]
M. Sean McManus: Vous avez raison de dire que la santé et la sécurité sont des choses que les pompiers et les policiers s'efforcent sans cesse d'améliorer. Pour vous donner un exemple, l'incendie à Plastimet, dont je vous ai parlé dans mon exposé, est une question dont nous avons discuté avec la plupart des députés la semaine dernière, sous la rubrique amélioration de la santé et de la sécurité au pays. Mais même dans un contexte d'amélioration sur ces plans, l'on ne peut pas minimiser le fait qu'on va être exposé à ces substances cancérogènes etc., ce qui signifie que les pompiers et que les policiers vont continuer de mourir jeunes.
J'espère qu'un jour je n'aurai plus à comparaître devant le comité pour parler de cela parce qu'on aura fait suffisamment de progrès relativement à ces problèmes de santé et de sécurité. Mais à l'heure actuelle, ces problèmes existent, et il s'agit de risques qui font partie du travail de nos membres.
M. Dale Kinnear (analyste en travail, Association canadienne de la police): J'aimerais ajouter quelque chose. Je pense que s'il était possible de régler toutes les préoccupations qu'ont les policiers et les pompiers par voie de simples lois sur la santé et la sécurité ou d'utilisation de matériel supérieur, ce serait déjà fait et il n'y aurait pas eu de décès chez les policiers et les pompiers depuis 10 ans.
Il est certaines circonstances et situations telles que, quelles que soient les précautions prises, qu'on parle de matériel ou de formation, les gens vont mourir, et je songe ici tout particulièrement aux actes de violence à l'endroit des policiers et aux situations où les pompiers doivent pénétrer dans des immeubles où la vie de citoyens est en jeu ou sont placés dans des circonstances où ils n'ont d'autre choix que d'agir. Nous n'avons pas le loisir de choisir où nous irons et où nous n'irons pas, contrairement à certains employés du secteur privé qui peuvent refuser de travailler si les conditions sont dangereuses. Nous n'avons pas ce luxe.
Cela ne va pas suffire pour nous offrir la protection et la sécurité dont nous avons besoin et cela ne ferait pas non plus changer notre position quant à l'admissibilité à un âge moins avancé au Régime de pensions.
Quant à votre préoccupation relativement aux régimes de pensions auxquels nous avons déjà accès, il s'agit là de régimes de pension agréés à prestations déterminées, comme il en existe dans de nombreux secteurs d'activité au pays. Il s'agit là d'une chose qui est négociée avec votre employeur. La moitié des cotisations sont faites par l'employé et la moitié par l'employeur. Si de tels régimes n'existaient pas pour notre groupe professionnel, nous toucherions sans doute des salaires supérieurs.
Je ne pense pas que nous recevions des faveurs spéciales par rapport aux autres citoyens. Il existe dans le secteur privé des régimes de pension qui sont semblables à ce que nous avons. Il y a également des secteurs, des industries, etc. qui n'ont pas choisi d'adopter de régimes de pension enregistrés. Ils prennent leur argent tout de suite. Je ne pense pas que nous jouissions d'un avantage qui n'est pas à la portée d'autres Canadiens.
M. Rick Miller: J'aimerais ajouter quelque chose à votre première question. La Loi de l'impôt sur le revenu, dans son libellé actuel, contient des dispositions particulières visant les catégories de travailleurs qui s'occupent de la sécurité publique. Par exemple, il y a 75 points comparativement à 80 points pour d'autres occupations, ou alors le seuil est de 50 ans au lieu de 55 ans. Ces dispositions sont contenues dans la Loi de l'impôt sur le revenu.
En réponse à votre première question, ce qui est malheureux est que notre taux de constitution est exactement le même que celui de toutes les autres catégories professionnelles. Nous devons donc sacrifier notre santé pour la sécurité publique, et ce sacrifice est reconnu dans la Loi de l'impôt sur le revenu, mais on nous demande malgré tout de mettre fin à notre carrière en même temps que les autres et avec le même montant d'argent.
Le président: Monsieur Nystrom.
M. Lorne Nystrom (Qu'Appelle, NPD): J'aimerais moi aussi vous souhaiter la bienvenue au comité et vous remercier de votre exposé.
J'ai rencontré certains des pompiers de la Saskatchewan la semaine dernière. Je suis très désireux de vous appuyer avec votre idée visant à obtenir des conditions particulières relativement au RPC, à cause de votre espérance de vie, etc.
Cela exigerait d'importants changements au RPC, et il nous faudrait, bien sûr, le consentement des deux tiers des provinces et des deux tiers des citoyens. Pourriez-vous nous fournir un peu plus de renseignements au sujet de l'espérance de vie des pompiers et des policiers. Ces données seraient peut-être utiles. Pourriez-vous nous dire à qui vous songez, dans votre mémoire, lorsque vous parlez des policiers, des pompiers et des autres agents de la sécurité publique? À quelles professions songez-vous exactement?
L'autre question concerne ce qu'il faut faire pour les autres métiers dangereux, comme par exemple celui de mineur. Il serait peut-être utile d'avoir des tableaux, avec une ventilation selon le danger au travail. Je ne suis pas certain, mais peut-être bien que les agriculteurs devraient y figurer aussi.
La dernière chose que j'aimerais vous demander c'est combien de personnes seraient touchées si l'on limitait les changements aux policiers et aux pompiers. Il me semble que quelqu'un a déjà posé une question au sujet d'une étude coût-avantage.
Si vous pouviez nous fournir ces renseignements, cela nous serait très utile. J'aimerais pour ma part beaucoup vous aider dans votre cause.
Ce qu'il nous faut, ce sont des données, après quoi on pourra établir le coût. Le ministère des Finances pourrait peut-être faire certains des calculs. Il dispose des ordinateurs et des experts. Si le Comité des finances en faisait la demande, je suis certain qu'avec la collaboration du président, nous pourrions obtenir que ce soit fait pour vous. Je ne voudrais pas me prononcer à la place du président, mais c'est un type très arrangeant. De toute façon, si vous pouviez nous fournir des renseignements là-dessus, cela nous serait très utile.
M. Sean McManus: Je suis ravi d'entendre que le président est très arrangeant. Dans le but de faire avancer notre cause, ce serait un grand plaisir pour nous de fournir ces taux de mortalité au comité par l'intermédiaire du président. Nous avons en effet ces statistiques. D'ailleurs, lors de réunions précédentes avec des députés, à l'occasion de la conférence législative de l'AIP... Une chose que nous tentons d'obtenir depuis plusieurs années est que le ministère des Finances fasse le calcul des coûts pour voir à combien ils s'élèveraient.
En ce qui concerne votre question portant sur d'autres métiers dangereux, encore une fois, dans le contexte de ce que M. Kinnear a dit tout à l'heure au sujet des deux professions qui nous occupent ici, soit celles de policier et de pompier, les membres de ces professions n'ont pas le droit, en vertu des lois provinciales, de refuser de faire du travail dangereux. Or, n'importe qui peut descendre dans un puits de mine et dire que ça ne va pas et refuser. Vous n'avez pas ce droit lorsqu'une maison est en train de brûler et que la vie d'êtres humains est en danger. C'est là l'une des raisons pour lesquelles nous ne préconisons pas la même chose pour d'autres métiers dangereux.
Pour ce qui est d'autres agents de la sécurité publique, nous avons reconnu qu'étant donné le stress que vivent, par exemple, les agents de correction, il faudrait chercher à obtenir le même genre d'arrangement pour eux. Pour avoir une idée du nombre de personnes qui seraient concernées, l'AIP regroupe 17 000 membres. Il se trouve, je pense, au Québec, environ 8 000 ou 9 000 pompiers. Il y a par ailleurs 55 000 policiers au Canada.
M. Rick Miller: Si vous me permettez d'ajouter quelque chose, la catégorie professionnelle «sécurité publique», telle que définie dans la Loi de l'impôt sur le revenu, regroupe les pompiers, les policiers, les agents de correction, les contrôleurs aériens et les pilotes d'avion commercial. Seules ces cinq professions figurent sous cette rubrique dans l'actuelle Loi de l'impôt sur le revenu.
M. Lorne Nystrom: Cela vous conviendrait-il si elles relevaient toutes de la même catégorie en ce qui concerne le RPC? C'est ce que vous me dites ici ce soir. Ce serait la même chose pour les cinq? Je ne fais pas le difficile.
M. Dale Kinnear: Nous représentons, bien évidemment, les pompiers et les policiers. Mon avis personnel là-dessus est que cela devrait viser également les gardiens de prison et les agents de correction étant donné les circonstances auxquelles ces personnes se trouvent confrontées. Tout récemment, deux agents ont été assassinés au Québec. Étant donné leur travail, l'on ne peut parler que d'assassinat.
• 1835
À ma connaissance, la situation des contrôleurs aériens n'est
pas la même. Je pense qu'ils sont exposés à différents facteurs de
stress, mais je ne pense pas que ce soit les mêmes que ceux que
connaissent les gardiens de prison, les pompiers ou les policiers,
et je pense que les pilotes aériens seraient dans le même cas.
Le président: Monsieur Jones.
M. Jim Jones (Markham, PC): Merci, monsieur le président. Un grand nombre des points soulevés par M. Nystrom ont fait ressortir les renseignements que je voulais obtenir.
Je pense que si l'on va faire quelque chose du genre, il conviendrait d'examiner d'autres catégories. Cela pourrait établir un précédent fort dangereux. Il faudrait examiner le cas des infirmières et d'autres personnes qui peuvent être exposées à des maladies transmissibles, etc. On ne peut pas se limiter au seul cas des pompiers; il faut étudier la situation d'autres personnes qui ont des responsabilités à l'égard du public. L'on pourrait même se pencher sur le cas des enseignants, qui pourraient être victimes de violence ou autre à l'école. Si l'on va se pencher là-dessus, je ne pense pas que l'on puisse se limiter aux seuls pompiers. Il faudrait examiner d'autres professions également.
Le président: Merci, monsieur Jones. Était-ce votre seule observation?
M. Jim Jones: Oui.
Le président: Monsieur Valeri, suivi de M. Cullen.
M. Tony Valeri (Stoney Creek, Lib.): Merci, monsieur le président.
J'aimerais tout d'abord vous remercier de ce que vous avez fait lors de l'incendie chez Plastimet. Ma circonscription se trouve dans la région de Stoney Creek, qui englobe une partie de l'est de Hamilton. Des commettants m'ont dit ce que les pompiers ont fait pour eux, et je tiens en leur nom à vous remercier très sincèrement pour le travail que vous, les pompiers, avez accompli lors de cet incendie, eu égard surtout au danger auquel vous vous y êtes exposés, et que vous côtoyez jour après jour.
J'aimerais tout simplement obtenir quelques éclaircissements au sujet de certaines déclarations que vous avez faites ce soir. Premièrement, vous demandez, en gros, une exception, compte tenu du danger auquel vous êtes chaque jour confrontés dans le cadre de votre travail: essentiellement, ce que vous demandez, c'est la possibilité de verser des cotisations accrues de façon à être admissibles à des prestations réduites du Régime de pensions du Canada à l'âge de 50 ans, puis à la prestation de retraite intégrale à partir de l'âge de 60 ans. J'aimerais tout simplement qu'il soit absolument clair que c'est cela que vous demandez.
L'autre aspect que je vous demanderais de tirer au clair est le suivant: est-ce que vos régimes de retraite professionnels vous donnent droit à l'heure actuelle à des prestations de transition. En d'autres termes, si un pompier prenait sa retraite à l'âge de 55 ans, bénéficierait-il de prestations de transition ou de raccordement en attendant qu'il atteigne l'âge de 60 ans, lorsqu'il commencerait à toucher ses prestations du RPC? Il a également été question de la façon dont la Loi de l'impôt sur le revenu traite les différents métiers dangereux, mais je ne veux pas revenir là-dessus.
Pourriez-vous me dire à quel âge vous commencez à toucher des prestations et s'il existe un mécanisme de transition? Enfin, combien d'argent toucheriez-vous à ce moment-là, en pourcentage de votre salaire?
M. Rick Miller: Je serais ravi de répondre à vos questions. J'ai bien de la chance, car samedi dernier j'ai été nommé membre du conseil d'administration de l'OMERS, et, comme vous le savez, c'est le troisième régime de pension en importance au Canada, avec des avoirs d'environ 30 milliards de dollars.
Quelque 18 500 policiers et pompiers de l'Ontario cotisent à notre régime de pension municipal.
Je vais vous donner un exemple. Vous et moi sommes embauchés le même jour, à l'âge de 27 ans. Vous êtes concierge pour une commission scolaire, et moi, je suis pompier. Si nous avons chacun 30 années de service et prenons notre retraite le même jour, je ne toucherai rien de plus que vous car la Loi de l'impôt sur le revenu stipule clairement que le taux d'accumulation annuel maximal des prestations est de 2 p. 100.
Malheureusement, les régimes de retraite enregistrés comme celui de l'OMERS, ne peuvent pas aller à l'encontre de la Loi de l'impôt sur le revenu. C'est pourquoi nous vous avons cet après-midi proposé une solution de rechange. Comme nous l'avons déjà dit, nous aimerions que le seuil soit porté à 2,3 p. 100 pour les agents de sécurité publique, afin que nous puissions contribuer davantage. En gros, cela nous permettrait de faire la transition si nous prenions notre retraite avant l'âge de 60 ans.
Encore une fois, dans l'exemple du concierge, cette personne peut travailler jusqu'à l'âge de 65 ans. Nous, nous sommes obligés de prendre notre retraite à 60 ans, que nous soyons ou non en bonne santé physique et mentale et que nous soyons ou non en mesure de faire notre travail. Même si nous sommes capables de faire notre travail, ils nous mettent à la porte. Avec l'exemple que je vous ai donné, donc, vous voyez que nous sommes défavorisés sur le plan financier. Nous n'avons par ailleurs pas la possibilité de récupérer ce revenu de retraite perdu grâce à d'autres changements. C'est pourquoi nous avons cet après-midi, et de nouveau ce soir, demandé que le taux d'accumulation de prestations soit changé.
M. Tony Valeri: Y a-t-il une disposition en matière de transition dans vos régimes professionnels?
M. Rick Miller: La réponse à cette question est non.
Le président: Monsieur Cullen.
M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.): Merci, monsieur le président, et merci, messieurs.
J'aimerais souligner la contribution que font au Canada les policiers et les pompiers. Dans ma circonscription, la Division 23 de la police fait un travail formidable dans des circonstances difficiles, et il en est de même des casernes de pompiers. Je peux confirmer qu'on y sert l'un des meilleurs repas en ville.
En ce qui concerne votre proposition, tout changement au RPC exigerait, si j'ai bien compris, le consentement des provinces et territoires, et je sais que le gouvernement fédéral peut jouer un rôle de leader pour amener des changements. J'aimerais savoir si vous avez eu l'occasion de discuter de votre proposition au cours des dernières années, ou plus récemment, avec les différents territoires et provinces, et quel genre de réaction ceux-ci ont eue.
M. Sean McManus: Je peux vous dire que les pompiers, réunis dans leurs associations provinciales, ont tenu des conférences législatives au niveau provincial, et qu'ils prônent cela eux aussi. Les réactions, comme vous l'aurez deviné, ont été partagées, selon le gouvernement provincial du jour. Mais c'est une chose que nous acceptons et nous allons devoir y travailler au niveau et fédéral et provincial.
Le président: Merci de votre exposé fort réfléchi. Nous allons, bien sûr, examiner vos propositions. Soyez assurés que certaines des pensées et idées exprimées... Ce sont là mes observations finales, mais je pense que M. Jones va poser une autre question.
M. Jim Jones: J'ai une question supplémentaire qui découle des observations de Tony.
En réalité, les services de pompiers ne relèvent-ils pas des municipalités? Je pense que ce sont les municipalités qui devraient prévoir les mécanismes de transition dont vous avez parlé. Vous devriez commencer par soumettre vos requêtes aux municipalités. Il me semble que les sociétés, les entreprises, enfin tout employeur dont des membres du personnel prennent leur retraite plus tôt, assurent la transition et le financement, et il s'agit tout simplement là d'un autre coût que devront assumer les municipalités. Si votre demande est valide, alors il faudrait la soumettre également aux municipalités.
Le président: Monsieur Miller.
M. Rick Miller: Les municipalités ne peuvent pas assurer la transition, si l'on utilise ce terme, car cela dépasserait le taux d'accumulation de 2 p. 100 autorisé en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu. Si, par exemple, le seuil de 2 p. 100 était porté au niveau de 2,3 p. 100 que nous demandons, cela permettrait aux municipalités et aux régimes enregistrés de retraite d'offrir cela dans le contexte d'ententes supplémentaires dans le cadre desquelles les parties pourraient négocier les coûts de cet avantage. Si vous donniez votre aval, alors cela serait communiqué aux responsables des régimes de pension enregistrés provinciaux et, en ma qualité de membre du conseil d'administration, j'essaierais de convaincre le conseil—c'est la même chose—de prévoir cela, même si ce ne doit faire l'objet que d'une entente supplémentaire. Cela déboucherait alors sur la situation que vous avez évoquée, c'est-à-dire que la municipalité et les unités de négociation négocieraient le coût et paieraient le coût de ces prestations. Ce qui nous autoriserait à faire cela, c'est la modification à la Loi de l'impôt sur le revenu que nous vous demandons.
Le président: Merci beaucoup, messieurs Miller, McManus et Kinnear. Nous avons beaucoup apprécié vos idées et votre présentation réfléchie.
Nous allons faire une petite pause.
Le président: À l'ordre, s'il vous plaît. Nous allons maintenant accueillir de nouveau devant le comité M. McIver.
Il semble que vous ayez des billets de saison pour le comité. Vous connaissez bien sûr les règles que nous suivons ici. Allez-y, je vous prie.
M. Don McIver (économiste en chef, Compagnie d'assurance-vie Sun Life du Canada; Chambre de commerce du Canada): Merci beaucoup.
Je vous prie de m'excuser de comparaître de nouveau devant ce comité. Cela démontre un manque manifeste d'économistes d'entreprise professionnels dans ce pays, une situation déplorable, je vous l'assure. Cependant, je suis ici aujourd'hui en une capacité différente puisque je représente, cette fois, la Chambre de commerce du Canada. Je vous remercie de nous donner cette occasion de comparaître.
Permettez-moi de commencer par indiquer ma conviction que les mesures contenues dans ce projet de loi contribueront très largement à rectifier l'insuffisance déplorable du financement du Régime de pensions du Canada. J'ai l'impression que ces mesures ne représentent en fait que le premier palier d'un processus de révision qui s'imposera à intervalles réguliers si l'on veut assurer aux Canadiens que leurs contributions leur donneront un revenu de retraite à peu près décent.
Si l'on peut sans doute défendre le bien-fondé des hypothèses actuarielles actuelles, il est probable que les recommandations issues de ces révisions futures iront toutes dans le même sens, soit celui de nouvelles majorations des cotisations ou d'une réduction des prestations.
Je vais limiter mes remarques liminaires à trois sujets: la question de savoir si la cotisation est une taxe ou non; un plaidoyer en faveur d'un régime mieux centré, poursuivant moins d'objectifs concurrents; enfin, quelques observations sur la régie.
Ce n'est pas une interrogation pédante, car si les cotisations représentent une taxe, alors elles ne font qu'alourdir le fardeau fiscal déjà très excessif qui pèse sur les Canadiens, comme le reconnaît explicitement le gouvernement. Le Webster définit une taxe comme un «prélèvement que l'État opère sur les revenus, les valeurs immobilières, les prix de vente, etc., habituellement exprimé en pourcentage». Aussi longtemps que le RCP est appelé à répondre à une multitude de besoins en matière de bien-être social, d'assurance et de retraite, la cotisation répond de très près à la définition du Webster.
De fait, la refonte du RPC représente une majoration considérable des dépenses gouvernementales, se traduisant par une hausse future de la proportion des dépenses publiques par rapport au PIB. Ce fait patent est souvent négligé. Il nous échappe facilement parce que l'on n'annonce aucune prestation nouvelle. Mais ceux d'entre nous qui reconnaissent, et reconnaissent depuis longtemps, que le régime actuel ne pouvait tout simplement pas fournir les prestations promises savent que les mesures prises coûteront beaucoup plus que ce qui était initialement prévu, d'où la nécessité évidente de majorer les cotisations.
Si le gouvernement peut convaincre les cotisants que leurs primes leur garantissent des prestations futures substantielles, similaires à ce qu'ils peuvent espérer d'une épargne et de placements privés, alors le relèvement des cotisations n'aura pas de conséquences économiques plus larges. Mais je pense que l'on pourra pardonner aux Canadiens un certain degré de cynisme car, contrairement aux contrats contraignants du secteur privé, dont l'exécution est en fait régulée et contrôlée par l'État, des mécanismes tels que le RPC peuvent être modifiés unilatéralement par les pouvoirs publics. Par exemple, beaucoup de jeunes Canadiens peuvent être convaincus aujourd'hui qu'ils sont peu susceptibles de toucher une pension du RPC à l'âge de 65 ans. Pour eux et beaucoup d'autres, le relèvement aura l'apparence d'une majoration d'impôt, si bien qu'il présentera nombre des conséquences économiques d'une augmentation d'impôt.
• 1850
La Chambre de commerce du Canada a de longue date fait
connaître sa position sur les conséquences destructrices d'emplois
de cotisations d'assurance-emploi excessivement élevées. Ce
programme est un autre exemple d'un système initialement conçu pour
répondre à un objectif social important, celui d'un soutien du
revenu à court terme, auquel on a par la suite ajouté des objectifs
moins nets—formation professionnelle, stabilisation régionale et
même maintenant, pourrait-on arguer depuis l'apparition d'un gros
excédent dans le compte A-E, la réduction du déficit et de la
dette.
Ces objectifs peuvent bien représenter une politique rationnelle et même souhaitable, mais la question est de savoir s'il convient de les financer par le biais d'une taxe salariale?
Lors des audiences du comité chargé d'examiner la refonte du RPC, la Chambre de commerce a fait valoir que le régime devrait être limité à la fourniture d'un revenu de retraite aux participants. Au lieu de cela, le régime refondu conserve la complexité de la fourniture d'un soutien du revenu à long terme aux personnes handicapées.
La suppression de cette couverture aurait permis de maintenir à un niveau sensiblement plus faible la majoration des cotisations, avec toutes leurs conséquences néfastes sur l'emploi, et bien entendu le coût de prise en charge des intéressés ne disparaîtrait pas pour autant. Leurs besoins pourraient bien être satisfaits plus efficacement au moyen d'autres mécanismes que par la multitude actuelle de fonds et de régimes administrés par divers paliers de gouvernement.
Je songe aux organismes d'indemnisation des accidentés du travail, à l'assurance-emploi, dans une certaine mesure, et à l'assistance sociale pure et simple, selon la situation du travailleur ou de la personne. Ces besoins pourraient même être satisfaits au moyen d'un prolongement d'une assurance-invalidité à long terme privée. Il ne faut pas oublier que ces mécanismes servent déjà très bien une multitude de Canadiens.
Le message important qui se dégage de tout cela est qu'il faut faire preuve d'une prudence extrême avant d'imposer de nouvelles hausses de charges sociales—appelez-les comme vous voulez. Idéalement, la façon de résoudre le dilemme serait de trouver de nouvelles façons de réduire les dépenses publiques.
Je sais combien de fois on vous a déjà rabâché ce message, mais si l'on pouvait trouver des économies additionnelles dans d'autres enveloppes de dépenses gouvernementales, cela nous permettrait de percevoir les charges sociales accrues requises pour le financement du RPC et réduire en même temps les cotisations d'assurance-emploi, de façon à minimiser au moins le fardeau des charges sociales.
La Chambre de commerce salue la mise en place d'une stratégie d'investissement autonome telle que proposée. Il est crucial pour l'intégrité du conseil d'administration qu'il garde constamment à l'esprit son double objectif: gérer les fonds dans l'intérêt des cotisants et des retraités et les placer de manière à en optimiser le rendement sans risque indu.
L'intégrité de cet office doit être préservée à chaque instant contre toute tentative d'introduire dans son mandat d'autres objectifs politiques. Le choix des premiers administrateurs déterminera sa crédibilité et donnera le ton à l'avenir.
La stratégie d'investissement de l'office ne devrait pas être entravée par la règle des 20 p. 100 de contenu étranger. Si cette règle a pu avoir une certaine utilité par le passé, tel n'est plus le cas. Les principes économiques élémentaires nous dictent, face au vieillissement de notre main-d'oeuvre, l'accumulation d'avoirs à l'étranger pour subvenir aux besoins d'une proportion croissante de personnes à charge.
Parallèlement, pourvu que les gouvernements gardent le cap, comme nous l'espérons évidemment, la dette publique diminuera de même que le service de celle-ci. Pour réaliser le taux de rendement réel envisagé, les gestionnaires du RPC devraient jouir de la plus grande flexibilité possible sans nuire à la sécurité.
Voilà mes remarques liminaires. Je vous remercie.
Le président: Merci beaucoup, monsieur McIver.
Nous allons maintenant passer aux questions. Madame Ablonczy.
Mme Diane Ablonczy: Je vous remercie, monsieur le président.
Merci de votre exposé, monsieur McIver. J'ai quelques questions.
Je crois savoir qu'avant de rédiger des exposés tels que celui-ci, votre groupe effectue pas mal de recherches sur le sujet. Je serais intéressée de savoir ce que vous avez découvert dans plusieurs domaines.
• 1855
Au deuxième paragraphe de la page 1, vous dites qu'il y aura
encore d'autres majorations de cotisation ou bien des réductions de
prestations. Pourriez-vous nous dire sur quoi vous fondez cette
conclusion.
M. Don McIver: Je répète que je ne suis pas économiste, ni actuaire, et je ne peux donc pas vous donner une réponse actuarielle. Mais vous avez raison, avant d'adopter notre position, nous avons organisé un groupe de travail l'été dernier, que j'ai coprésidé, et passé beaucoup de temps à ruminer les diverses possibilités, et ce groupe comprenait quelques actuaires.
La raison pour laquelle nous sommes certains que des révisions ultérieures amèneront de nouvelles mesures est que le RPC refondu ne sera que partiellement capitalisé et nous savons—et encore une fois je m'en remets aux chiffres de nos amis actuaires—que les mesures ne règlent que partiellement les facteurs démographiques qui existeront à l'avenir.
Par exemple, nous savons, tout comme vous, que les États-Unis ont dû décider un relèvement graduel de l'âge de la retraite aux fins de la pension publique. Nous pensons que ce sera inévitable chez nous à un moment donné.
Mme Diane Ablonczy: J'en suis consciente.
Vous dites à la page 2, quatrième paragraphe, que la suppression de la pension d'invalidité aurait permis de maintenir la cotisation à un niveau considérablement moindre. Vous dites ensuite qu'il y aurait d'autres façons de verser cette prestation dont les Canadiens ont besoin.
Encore une fois, quelles données possédez-vous sur, premièrement, l'effet réel de la suppression de cette composante invalidité sur le niveau des cotisations et, dans cette éventualité, par quel autre moyen réaliste pourrait-on couvrir les Canadiens souffrant d'invalidité.
M. Don McIver: Je n'ai pas de réponse directe à la première partie de la question, mais je vous renvoie à la brochure d'information distribuée avant les consultations de l'an dernier et qui montre la part de la cotisation que représente la couverture de l'invalidité. Je pense que c'est de l'ordre de 3 à 4 p. 100, mais il vaudrait mieux consulter la brochure.
Désolé, quelle était la deuxième partie de votre question?
Mme Diane Ablonczy: Dans l'alternative, comment les personnes invalides seraient-elles couvertes?
M. Don McIver: Encore une fois, il existe divers programmes de divers paliers de gouvernement qui répondent à peu près au même objectif, selon la situation personnelle de l'intéressé. Si une personne n'a jamais pu travailler pour cause d'invalidité, il est fort probable qu'elle soit admissible à l'aide sociale provinciale. Si l'invalidité résulte d'un accident du travail, la personne peut être couverte par le régime d'indemnisation des accidents du travail.
Nous avons pu constater récemment la complexité de la coordination de deux de ces programmes et les inefficiences qui en résultent pour au moins un palier de gouvernement du fait—au moins dans ce cas particulier—de la double couverture.
Il semblerait donc plus efficient que tous ces programmes destinés aux handicapés soient canalisés, administrés et contrôlés, si nécessaire, par un seul organisme, un seul palier de gouvernement.
Mme Diane Ablonczy: Ma dernière question intéresse le fonds d'investissement qui va être créé. Vous réalisez, bien entendu, qu'il contiendra très vite plusieurs milliards de dollars, dont la plupart devront être investis, aux termes des règles actuelles, sur le marché des capitaux canadiens, qui n'est pas de très grande envergure. Votre étude a-t-elle pu déterminer l'impact que ce fonds aura sur le marché?
M. Don McIver: Non, pas à proprement parler. A mon sens, en tant que membre des milieux financiers, je pense que ce ne sera pas un fonds excessivement important, bien que d'envergure non négligeable.
• 1900
Là où nous pourrions éprouver quelques difficultés à placer un
fonds de cette importance, c'est si certains des instruments dans
lesquels il est autorisé à investir deviennent moins disponibles.
Un de ces instruments, je l'espère sincèrement, sont les
obligations d'État. En effet, il n'est pas déraisonnable de penser
qu'au cours des 10 ou 20 prochaines années, l'offre d'obligations
d'État va sensiblement baisser.
Mme Diane Ablonczy: Monsieur le président, pourrions-nous demander au témoin de déposer ce livret d'information dont il parle. L'avons-nous? J'aimerais y jeter un coup d'oeil.
Le président: Le livret d'information a été publié par le ministère des Finances et distribué à tous les députés.
Mme Diane Ablonczy: Ce n'est donc pas une recherche que vous avez effectuée. D'accord. Avez-vous des études de fonds qui pourraient être utiles au comité? Pour ma part, je serais intéressée à en prendre connaissance.
M. Don McIver: Nous pouvons certainement vous remettre le rapport du groupe de travail. C'est un document public qui a été disséminé, et nous pouvons certainement en remettre un exemplaire au président pour qu'il le distribue.
Le président: Je vous remercie.
[Français]
Monsieur Crête.
M. Paul Crête: J'aurais deux questions. Vous avez fait une remarque ayant trait à la hausse graduelle de l'âge d'admissibilité pour tenir compte de la durée de vie plus longue. Est-ce que cela, combiné aux gains de productivité dans notre société, n'aurait pas, pendant plusieurs années, un impact négatif sur l'emploi pour les jeunes?
Vous parlez d'encourager les gens à travailler plus longtemps à mesure que les baby-boomers commenceront à prendre leur retraite. Si on encourage les gens à travailler plus longtemps, compte tenu des gains de productivité, on augmentera le chômage chez les jeunes.
[Traduction]
M. Don McIver: C'est une question difficile. Si l'on veut assurer le PIB le plus important à notre économie—si vous voulez, c'est la question de l'optimisation maximale globale; il est souhaitable que l'économie ait le PIB le plus important possible—il faut s'efforcer d'abolir les obstacles à l'amélioration de la productivité. Il faut mettre en place des incitations à travailler. Il faut peut-être chercher à éliminer les distorsions régionales qui freinent la migration de la main-d'oeuvre. Mais le résultat final recherché est le PIB le plus important possible, sans se livrer à quelque forme d'exploitation.
Le problème suivant est ensuite de savoir comment distribuer les revenus ainsi produits.
C'est dans cette optique que j'aborderai votre question. Idéalement, je pense que tous les Canadiens devraient travailler plus longtemps, si vous voulez.
J'espère que cela répond à votre question.
[Français]
M. Paul Crête: Vous soulevez une question importante. Dans le fond, le but d'une société n'est pas nécessairement d'avoir le produit intérieur brut le plus élevé, mais plutôt d'avoir une efficacité économique qui permette une meilleure répartition de la richesse dans l'ensemble de la population.
Au XIXe siècle, on faisait travailler les enfants dans des mines, et ce n'est pas nécessairement quelque chose qu'on encouragerait à l'avenir. C'est un débat de fond dans la société.
Sur la question du financement du régime, vous dites que vous êtes d'accord, en principe, sur l'augmentation des cotisations, mais que les augmentations pourraient être moins importantes si vos propositions avaient été suivies dans le passé.
Ne pensez-vous pas qu'une des façons de minimiser l'impact de l'augmentation serait d'abaisser les cotisations à l'assurance-emploi, pas d'un montant équivalent parce que cela n'est pas possible, mais au moins de façon significative, ce qui aurait un effet moindre sur les chèques de paie des employés et sur les contributions des employeurs à l'État? Ce serait là une façon efficace de contrer au moins une partie de l'effet de cette hausse des cotisations.
M. Don McIver: Absolument. C'est certainement une possibilité qu'il faudrait mettre à profit. La nuance que j'apporterais est que, dans l'état actuel des choses, les cotisations d'assurance-emploi représentent une taxe sur les salaires qui contribue à la réduction de la dette.
Or, nous ne voulons pas freiner la réduction de la dette, et c'est pourquoi je dis que l'idéal serait de réduire d'autres dépenses gouvernementales, de façon à pouvoir diminuer les cotisations A-E et donc maintenir à un niveau raisonnable la taxe salariale totale composée des cotisations A-E et CPP.
[Français]
M. Paul Crête: L'effet immédiat de l'augmentation des cotisations sera une diminution du pouvoir d'achat des gens qui paient ces cotisations, surtout que ce sont ceux qui gagnent 39 000 $ et moins qui sont les plus nombreux à cotiser à l'assurance-chômage.
On peut considérer qu'il faut un surplus raisonnable dans la caisse d'assurance-emploi, mais n'y aurait-il pas moyen d'aller chercher cet argent ailleurs? Actuellement, c'est peut-être la façon facile pour le gouvernement de faire la lutte au déficit, mais ce n'est pas nécessairement la meilleure par rapport aux cibles à viser.
[Traduction]
M. Don McIver: Je suis d'accord avec vous. Je pense que tout le problème est là. La question est de savoir si le prélèvement d'une taxe sur les salaires est la meilleure façon de financer ces services.
Il faut aussi se demander dans quelle mesure ces services doivent être fournis en premier lieu. Je reconnais que c'est là un sujet de débat public et non d'analyse économique pure, mais il faut d'abord décider ce que doivent être les programmes, puis quelle manière de les financer déforme le moins notre économie.
[Français]
Le président: Merci, monsieur Crête.
[Traduction]
Monsieur Jones.
M. Jim Jones: Je vous remercie, monsieur le président.
J'ai plusieurs questions. Dans votre mémoire, vous parlez de l'intégrité de l'office. Que faut-il faire pour garantir l'intégrité totale de l'office, comment faire pour qu'il serve l'intérêt général?
M. Don McIver: Tout d'abord, il faut choisir des gens—et la première série de nominations est probablement la plus déterminante—d'une compétence inattaquable—et cela semble aller pas mal de soi—dans le domaine où ils vont travailler. Il faut nommer initialement des personnes hautement compétentes et jouissant de l'estime de leurs pairs, qu'ils soient reconnus par leurs pairs des milieux financiers comme intègres, avisés et professionnels.
Les nominations suivantes seront forcément influencées par la composition initiale de l'office. Si l'office a bonne réputation, il sera beaucoup plus facile d'attirer des gens compétents à ces postes de très haute responsabilité.
M. Jim Jones: Pour ce qui est de la règle de 20 p. 100 de contenu étranger, avez-vous des données prouvant que si cette limite était majorée nous aurions un meilleur rendement sur l'investissement? Dans l'affirmative, à quel pourcentage faudrait-il porter le contenu étranger?
M. Don McIver: Non, je n'ai pas de données. En toute probabilité—et je parle là de l'ensemble des placements financiers—même si l'on éliminait aujourd'hui la règle des 20 p. 100, vous ne verriez pas 20 p. 100 des actifs se placer à l'étranger. Cependant, cela permettrait à ces personnes—et je regarde au-delà du RPC, bien entendu, car la règle s'applique à tout le monde—et aux régimes qui le veulent de suivre la meilleure stratégie pour eux, sans être entravés par un règlement.
L'autre raison pour laquelle je pense qu'il est crucial de supprimer cette règle dérive de la théorie économique pure. Si je puis vous donner un exemple extrême, supposons que tous les Canadiens soient retraités. Ils ont en main un ensemble d'avoirs financiers, mais ces avoirs, s'ils reposent sur la production de l'économie canadienne, ne vaudront rien car il n'y aura pas de production puisque tout le monde est retraité.
Voilà l'exemple extrême. Évidemment, plus la proportion des inactifs augmente et plus on se rapproche de cette situation. Donc, plus ce processus se poursuit et plus vous mettez sous tension la distribution du PIB annuel, la production annuelle de l'économie canadienne.
Une des solutions est de faire en sorte que les actifs que nous tenons en main soient ceux d'économies dont la population a peut-être un profil démographique entièrement différent du nôtre. Ainsi, en substance, nous leur prêtons donc des capitaux aujourd'hui, nous investissons dans leur économie afin qu'elles puissent produire pour nous et nous restituer des fonds dans les années où nous sommes collectivement partis à la retraite et avons besoin de cet influx. C'est la justification économique fondamentale de la suppression de la règle des 20 p. 100.
Le président: Avez-vous d'autres questions, monsieur Jones?
M. Tim Jones: Oui, encore une.
Ce fonds ne sera pas très important initialement. On me dit qu'il tournera entre 57 et 75 milliards de dollars au cours des 10 prochaines années. Mais ensuite, il pourrait gonfler très rapidement et c'est confier beaucoup de pouvoir aux administrateurs d'un seul fonds.
Comment réagissez-vous à l'idée de le scinder en quatre fonds, un pour les Maritimes, un pour l'Ontario, un pour les Prairies et un pour la Colombie-Britannique? Y aurait-il des avantages du point de vue de l'administration et du rendement? Et aussi, quelles seraient les répercussions sur le marché?
M. Don McIver: Je ne suis pas en faveur de cette idée, pour la simple raison—et nous l'avons évoqué dans notre mémoire—que ces fonds devraient avoir pour seul mandat et objectif de servir les intérêts des bénéficiaires, c'est-à-dire de maximiser le rendement.
Si vous le scindez en fonds régionaux, la tentation sera de poursuivre des politiques d'investissement régional—en d'autres termes, servir des politiques gouvernementales, au détriment peut-être des objectifs simples énoncés dans le mandat.
Le président: Je vous remercie, monsieur Jones. Monsieur Valeri.
M. Tony Valeri: Je vous remercie, monsieur le président.
Je veux aborder plusieurs points, monsieur McIver.
Vous dites dans votre mémoire que la suppression de l'élément invalidité du RPC permettrait de tempérer considérablement la majoration des cotisations. La part de l'invalidité représente, en gros, 1,1 p. 100 du taux de cotisation.
Est-ce que vous ou votre groupe avez effectué des recherches sur l'avantage qui résulterait si l'on retranchait cet élément du régime pour le confier au secteur privé, comme vous l'avez suggéré, ou si l'on couvrait les prestations d'invalidité par quelque autre mécanisme.
M. Don McIver: Non, nous n'avons pas d'évaluation quantitative.
Évidemment, nous en avons débattu d'un point de vue qualitatif et, pour les économistes, il va plus ou moins de soi que si vous réduisez le nombre de prestateurs d'un service, il y aura forcément des gains d'efficience. Il est à peu près évident aussi que le contrôle des prestations d'invalidité sera beaucoup plus efficient s'il est assuré par un seul et même organisme.
• 1915
Vous ne verriez pas non plus alors le genre de situation qui
vient de se produire, où une province a modifié sa politique en
matière d'indemnisation des accidentés du travail de façon à
réduire ses propres dépenses en poussant les intéressés à
s'adresser d'abord au RPC. Ce genre d'inefficience ne semble tout
simplement pas justifié.
M. Tony Valeri: À cet égard, les régimes privés s'appuient également sur le Régime de pensions du Canada. On dit toujours que si le Régime de pensions du Canada n'avait pas de composante invalidité, alors il faudrait payer des cotisations beaucoup plus importantes à un régime privé. Il est admis que le Régime de pensions du Canada est à toutes fins pratiques le fondement sur lequel tous ces autres programmes ont été édifiés.
Je ne sais pas si vous êtes au courant—et vous pouvez peut-être me donner votre avis—que pour 175 $ par an un Canadien achète la composante invalidité du Régime de pensions du Canada. Est-ce que vous pourriez prendre ces 175 $ et obtenir l'équivalent dans le secteur privé, pour ce montant de prime?
M. Don McIver: Si c'est le chiffre véritable, je pense que nos actuaires diraient: Oui, laissez-nous essayer. Mais je n'ai pas ces chiffres. Je ne peux répondre.
M. Tony Valeri: Vous pensez que vos actuaires voudraient essayer?
M. Don McIver: Pourvu que ces chiffres reflètent bien le coût réel du régime public et ne fassent pas l'objet d'une subvention excessive ou indirecte, oui.
J'ai l'impression qu'il y a beaucoup de mécanismes de subvention qui permettent à ce chiffre d'être...
M. Tony Valeri: Le pourcentage qui est alloué exclusivement à la prestation d'invalidité.
M. Don McIver: Oui.
M. Tony Valeri: Il ne met en jeu aucune autre prestation et il est actuariellement juste. Cela couvre le coût de la prestation. Je serais surpris qu'une compagnie privée puisse offrir ce produit au coût de 175 $ par an, n'étant pas en mesure d'étaler ce risque sur l'ensemble de la population active.
M. Don McIver: Je ne me souviens pas combien je paie pour l'invalidité à long terme, mais je ne...
M. Tony Valeri: J'ai l'impression que c'est beaucoup plus.
M. Don McIver: Je n'en suis pas sûr. Je ne le pense pas, mais je n'ai pas lu...
M. Tony Valeri: Si vous pouviez nous trouver certains de ces renseignements, je serais très intéressé de les avoir.
M. Roy Cullen: Je cède ma place aux membres réguliers du comité—si vous avez une question.
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Tout dépend du sujet que vous allez aborder.
M. Roy Cullen: D'accord, je vais scinder le temps.
Passons tout de suite aux choses sérieuses. Je dois contester le quatrième paragraphe de votre mémoire, où vous posez la question de savoir si les cotisations au RPC sont une taxe. Vous citez la définition du Webster's, qui dit qu'une taxe est un prélèvement obligatoire, habituellement en pourcentage, sur le revenu, les valeurs immobilières, les prix de vente... Jusque-là, je veux bien admettre qu'il s'agit d'une taxe. Mais ensuite, la définition précise: pour le soutien d'un gouvernement. Or, les cotisations d'employeurs et d'employés au RPC vont dans un fonds administré séparément. Le Trésor n'en voit pas la couleur. Je suppose que votre thèse est que c'est une taxe parce que le RPC recouvre d'autres programmes, mais je tiens à faire savoir que je ne suis pas d'accord.
Si nous parlons de cotisations ou de prélèvements opérés sur les salaires—et j'utilise ce terme par opposition à «taxe salariale», particulièrement dans le contexte du RPC—je me demande dans quelle mesure ce type de prélèvement ou de cotisation se répercute sur la création d'emplois. J'ai étudié cela d'assez près et les recherches que j'ai pu me procurer, sur la foi d'éléments empiriques et non d'arguments théoriques ou intuitifs... En d'autres termes, il y a des instances qui se sont penchées sur l'effet des charges sociales sur l'emploi. Les résultats que j'ai vus sont assez peu probants. Possédez-vous des indications établissant que ce type de cotisations ou de prélèvements sur les salaires retentit sur le niveau d'emploi?
M. Don McIver: Vous avez tout à fait raison, les études ne sont pas probantes. Certaines sont invoquées pour défendre toutes sortes de points de vue, dont certains très extrêmes, qui donnent la tentation de les ignorer complètement. Néanmoins, c'est une interrogation valable. En fin de compte, on peut dire que l'impôt détruit l'emploi. Mais, l'impôt est nécessaire dans notre société. S'il n'y avait pas d'impôt, nous n'aurions probablement pas d'emploi du tout, car il n'y aurait pas d'économie ou de société pour les fournir.
• 1920
Quelle est la meilleure façon de percevoir les revenus
nécessaires à la fourniture des programmes essentiels? Voilà la
question réelle qu'il faut se poser. La Chambre de commerce a
constaté, en parlant à ses membres, que l'une des choses qui les
découragent d'employer davantage de travailleurs, ce sont les
charges sociales. L'un des problèmes les plus insidieux, c'est que
ces charges tendent à imposer un fardeau substantiel aux plus
petits salariés. Si vous allez embaucher quelqu'un et payez pour
cette personne les cotisations A-E et RPC et qu'elle a un salaire
de 30 000 $, les charges représentent une portion très
substantielle de son revenu. Si vous engagez quelqu'un à 200 000 $,
avec le plafonnement des cotisations, la proportion est bien
inférieure. Les charges sociales posent donc un problème réel. Il
faut trouver la meilleure solution fiscale à ce problème.
M. Roy Cullen: Je vous remercie.
Le président: Monsieur Szabo.
M. Paul Szabo: Je vous remercie, monsieur le président. J'ai plusieurs questions brèves.
À mon avis, toute la question de savoir si le RPC est une taxe est de nature politique. On peut en faire un enjeu politique ou considérer que c'est nécessaire, mais pour le Canadien ordinaire, peu importe. D'une façon ou d'une autre, l'argent sort de sa poche. C'est une question politique. Elle touche les Canadiens, par quelque bout qu'on la prenne.
La question de l'âge de la retraite semble contreproductive du point de vue de l'équité intergénérationnelle, car cela déplace le fardeau sur les générations futures. Or, nous essayons d'aller dans l'autre sens. Je suis surpris que vous soyez en faveur du relèvement de l'âge à ce stade, même si cela peut-être une option pour l'avenir. Mais à ce stade, cela ne règle pas le problème intergénérationnel.
L'idée d'éliminer la prestation d'invalidité et de se décharger sur l'indemnisation des accidentés du travail... Tout le monde ne va pas entrer dans le même panier. Il est probable qu'il sera très difficile de trouver autre chose qui puisse couvrir tous ceux qui ne bénéficient pas de l'indemnisation des accidents du travail, et que le tout soit harmonisé, équitable et juste.
Il y a l'idée d'utiliser l'excédent théorique de l'A-E pour éponger certains des coûts du RPC. On tourne en rond, car si vous dites au gouvernement de prendre 10 milliards de dollars et de les donner à cet office d'investissement, cela va accroître le déficit de 10 milliards de dollars. Nous aurons cet argent de côté, qui sera investi. Mais cela signifie aussi que la possibilité de cibler des réductions d'impôt et d'accorder des incitations aux entreprises, etc., diminuera d'autant. C'est donc un argument circulaire: si je fais cela, il y un effet égal et opposé, dans la direction contraire de l'objectif poursuivi.
Bien que nous ayons réduit la cotisation A-E à hauteur de 4 milliards de dollars depuis 1993, cela ne s'est guère traduit par beaucoup d'emplois, au regard de l'importance de la somme. Il y a eu des améliorations, mais si l'on suit ce que beaucoup d'intervenants réclament et procède à des réductions massives, on aura le double impact négatif d'une baisse des taux et, en période de ralentissement économique, une augmentation du nombre des chômeurs. Cet excédent... J'aimerais avoir votre avis sur la taille de l'excédent et sur la question de savoir si la prudence n'exige pas un tel niveau jusqu'à ce que nous sachions un peu mieux où nous allons.
M. Don McIver: Il me semble que l'actuaire a examiné le fonds A-E dans une perspective cyclique et déterminé qu'il est excessif par rapport aux risques économiques d'un ralentissement. En d'autres termes, nous avons une cagnotte suffisante. Comme nous le savons tous, tout cela reste très théorique, mais nous avons des ressources suffisantes pour faire face aux dépenses qui résulteraient vraisemblablement d'un ralentissement économique.
Je suis bien votre argumentation et j'admets que le résultat final, en l'état actuel des choses, est que l'excédent du compte A-E passe directement dans la réduction de la dette, si vous voulez. Nous sommes au stade où nous n'avons plus besoin de parler de déficit, nous pouvons parler de réduction de la dette; et cette baisse est hautement souhaitable. C'est parce que j'y suis très sensible que j'ai indiqué dans mon exposé que, si l'on va réduire le montant global des charges sociales, soit RPC et A-E combinés, la meilleure façon serait de trouver des économies dans d'autres postes de dépenses pour pouvoir réduire quand même la dette globale.
La deuxième méthode serait certainement d'examiner l'ensemble du système fiscal et de voir s'il n'y a pas—et cela nous ramène à votre question—une meilleure façon de financer... La pension devrait certainement faire l'objet d'un prélèvement salarial, mais pour ce qui est de l'assurance-emploi, ou de cette partie qui est consacrée à la réduction de la dette, n'y aurait-il pas une meilleure façon de trouver cet argent, soit sous forme d'une diminution des dépenses ou sous forme d'un autre impôt qui retentirait moins sur la création ou le maintien des emplois?
Le président: Monsieur McIver, je tiens à vous remercier personnellement, au nom du comité, non seulement de votre contribution ce soir à notre étude du projet de loi C-2, mais aussi de votre participation à nos consultations prébudgétaires. Vous vous êtes montré très généreux avec votre temps, et le comité apprécie grandement.
M. Don McIver: Merci beaucoup. Je suis impressionné de voir les longues heures que le comité consacre à ce travail. Je reconnais que c'est un fardeau que de devoir écouter les économistes si souvent et pendant si longtemps.
Le président: En fait, vous êtes plus intéressant que vous ne le pensez.
Je vais suspendre la séance quelques minutes.
Le président: Nous reprenons la séance.
J'ai le plaisir de vous présenter M. David Perry, de l'Association canadienne d'études fiscales, que les membres du comité connaissent déjà, bien entendu. Soyez le bienvenu, monsieur Perry.
M. David Perry (chargé de recherche principal, Association canadienne d'études fiscales): Mesdames et messieurs, c'est un honneur que de me retrouver dans une assemblée aussi auguste. Je crains d'être un économiste de plus qui va mettre de nouveau à l'épreuve votre endurance.
Je dois préciser que l'Association canadienne d'études fiscales n'est pas une organisation militante ou qui prend position sur des enjeux publics. Mes observations ne sont rien d'autre que mes réflexions personnelles sur le sujet qui vous occupe.
Le projet de loi C-2 concrétise un engagement du gouvernement fédéral et de la plupart des gouvernements provinciaux, si bien que ses grandes lignes ne peuvent probablement plus être modifiées. Cependant, cet engagement revêt une importance pour de nombreux Canadiens et traduit une façon bien canadienne de faire les choses. Nous ne privatisons pas le Régime de pensions au profit de REER obligatoires, comme d'aucuns l'avaient préconisé. Nous n'avons pas, contrairement à ce qui a été fait au cours des décennies précédentes, élargi et enrichi le programme. Conformément à l'esprit d'austérité qui prévaut actuellement, nous avons simplement assuré la pérennité du RPC. Mais il importait d'asseoir le régime comme une présence continue et une partie essentielle du système global de retraite du Canada.
Ce n'est pas au RPC lui-même qu'en veut le secteur privé. Du point de vue macroéconomique, les changements proposés se répercutent certainement sur la politique financière et limitent les options budgétaires disponibles avant le millénaire et quelques années après. En effet, étant donné l'augmentation des cotisations au RPC et l'aversion du public aux majorations d'impôts en général, ces changements signifient à toutes fins pratiques qu'il n'y aura pas d'autres relèvements fiscaux au cours des deux ou trois prochaines années.
Cependant, cela n'est évidemment pas bien grave. En effet, l'amélioration de la situation budgétaire au niveau fédéral signifie qu'au lieu de majorer les impôts, il faudrait plutôt les réduire. Cette mesure a donc pour effet de transférer l'excédent budgétaire ou la réduction du déficit d'Ottawa et des provinces vers le fonds RPC. Cet excédent, qui est conçu de façon à grandir rapidement pour constituer le fonds d'investissement du RPC, aura un effet de frein sur l'économie qui pourra être contrebalancé par des réductions d'impôt ou des majorations de dépenses aux niveaux fédéral et provincial aux dépens, à mon sens, de la réduction de la dette. Par exemple, la diminution des cotisations d'assurance-emploi serait le contrepoids le plus direct de la majoration des cotisations au RPC, mais cela rejetterait sur Ottawa l'entière responsabilité d'apaiser le contribuable et de niveler les effets économiques. Cela pourrait devenir tout autant une camisole de force pour la politique financière fédérale que la crise du déficit l'a été au cours des dernières années.
Alors que le pourcentage de hausse des cotisations au RPC, soit 65 p. 100, semble exorbitant, il ne représente qu'une majoration équivalente à 2 p. 100 du revenu des salariés et à 4 p. 100 de celui des travailleurs indépendants—et ce jusqu'au seuil de 35 000 $ et sans tenir compte des déductions compensatoires d'impôt sur le revenu.
Pour les employeurs, le changement représente moins de 2 p. 100 de la masse salariale, toujours avant impôt. Avec un étalement dans le temps, cette majoration peut être compensée par des hausses salariales moindres que celles qui interviendraient autrement, ce qui revient à transférer le fardeau sur les travailleurs—je dois ajouter ici entre parenthèses sur les travailleurs à faible revenu, car cela ne s'applique qu'à ceux gagnant moins de 35 000 $.
Comme le constat en a été fait il y a quelques semaines à Toronto, dans la perspective internationale, nos prélèvements pour la sécurité sociale sont faibles comparativement à la plupart de nos partenaires commerciaux. Cela signifie que la majoration projetée pourra être absorbée sans répercussions graves sur notre compétitivité.
Cependant, si l'on juge excessif le fardeau des charges sociales, la solution pourrait être de considérer le tableau d'ensemble: assurance-emploi, Régime de pensions du Canada, indemnisation des accidents du travail et charges sociales provinciales. Des mécanismes destinés à amoindrir l'effet de ces prélèvements sur les nouveaux salariés et ceux à faible revenu pourraient être plus efficaces que de simplement reporter la réforme du RPC.
• 1935
De quelles options disposions-nous réellement pour rétablir la
stabilité du RPC? La première était évidemment le passage à un
système mieux capitalisé. C'est là l'option qui a été retenue et
elle reflète un compromis qui minimise les effets à long terme sur
les travailleurs jeunes. Elle suppose des hausses de cotisations
plus élevées à court terme pour bâtir le fonds.
La décision de confier le placement des fonds accumulés à une entité distincte plutôt que de simplement les prêter au gouvernement fédéral ou aux gouvernements provinciaux ouvre la perspective de rendements plus élevés, doublés de risques proportionnellement plus grands. Cependant, le régime garantit les pensions sans égard à ces risques et cela déplace le coût du risque des retraités vers les actifs.
L'option retenue implique que les jeunes cotiseront davantage au régime qu'ils n'en retireront de prestations. Cela revient donc à postuler qu'il y a un intérêt, même pour les jeunes, à pouvoir compter sur un revenu de retraite minimal en rapport avec l'expérience de travail et à l'abri des fluctuations économiques et boursières.
La question se pose aussi de savoir si les augmentations d'impôt sont supportables. C'est beaucoup une question d'optique. Il n'y a pas d'argument convaincant pour conclure que les majorations de cotisation vont paralyser l'économie, surtout si l'on prend en compte la possibilité de réduire d'autres prélèvements, en particulier les cotisations d'assurance-chômage.
Il ne fait aucun doute qu'à court terme la moitié de la majoration des cotisations pèsera sur les employeurs, avec un effet négatif sur la compétitivité internationale de nos coûts de main-d'oeuvre. L'expert canadien en matière de charges sociales, Jonathan Kesselman, de l'UBC, soutient que l'ajustement automatique des taux de change pourra régler et réglera le problème de la compétitivité internationale.
À plus long terme, Kesselman fait remarquer, suivant en cela beaucoup d'autres économistes du monde développé, que la plus grande part du fardeau des charges sociales pesant sur les employeurs est supportée, en fin de compte, par les travailleurs eux-mêmes sous forme de salaires inférieurs.
Encore une fois, l'étalement dans le temps permet à cette sorte d'ajustement de s'opérer, puisque la mesure revient à toutes fins pratiques à geler les premiers 35 000 $ de salaire.
Chacune des deux autres options qui s'offraient aurait certainement entraîné des coûts d'ensemble supérieurs, avec des moments d'apparition et des victimes différentes. Si nous avions opté pour un régime par répartition, nous aurions pu bénéficier de taux de cotisation moindres à court terme, mais une fois que la vague démographique parviendrait à l'âge de la retraite, les taux devraient être considérablement plus élevés, atteignant un niveau inacceptable pour nombre de nos jeunes gens.
Le maintien d'un système par répartition présenterait un autre problème encore. La crise du RPC a engendré le cynisme et amené le pays à douter que le Régime existera encore lorsque les jeunes en auront besoin. La crainte d'une faillite résultant de l'épuisement rapide du fonds RPC a amené beaucoup de gens à craindre l'effondrement du Régime. En restaurant un fonds stable, l'intention du gouvernement de préserver le RPC devient crédible.
Il y a encore l'option d'abandonner entièrement le Régime, mais pour résumer très brièvement celle-ci, elle présente le même problème de protection des actifs actuels et de ceux possédant un avoir considérable dans ce régime contre son effondrement total.
Et je dois déclarer ici un conflit d'intérêts car j'ai cotisé pendant 30 ans, si bien que...
Des voix: Oh, oh.
M. David Perry: J'insiste sur cette nécessité de protection.
Les jeunes devraient non seulement payer notre retraite, à nous les anciens, mais aussi travailler dur pour édifier leur propre fonds de pension pleinement capitalisé pendant la durée de leur vie active. Il y a une double pénalité pour les jeunes quelle que soit la solution que l'on retienne.
Il y a là une leçon à tirer, je pense. L'absence de réaction nationale passionnée à la refonte du RPC ne doit pas être interprétée comme un signe de satisfaction à l'égard de tout le système des retraites. La prestation de personne âgée actuellement proposée inflige une ponction fiscale très forte aux Canadiens à revenu moyen et peut avoir la conséquence perverse de décourager l'épargne privée sous forme de REER dans ce groupe. La prestation de personne âgée a manifestement besoin d'être revue, et je crois savoir que cela est en cours.
En outre, les limites de cotisation à un régime de pension enregistré et à un REER sont devenues un problème pour de nombreux Canadiens et employeurs canadiens. La préoccupation première du gouvernement fédéral était de minimiser le coût des pensions de sécurité de vieillesse tout en assurant un revenu de retraite minimal à tous. La prestation de personne âgée, bien que n'étant pas dénuée d'inconvénients, accomplit cela. Les changements au RPC assurent que ceux qui gagnent le salaire industriel moyen bénéficieront d'un soutien additionnel dans leur âge d'or.
Les déductions d'impôt sur le revenu au titre des RPE et REER permettent à ces mêmes actifs d'épargner pour se constituer une retraite davantage en rapport avec leur revenu d'actif. Mais les Canadiens à revenu supérieur jugent que les limites de cotisation ne permettent pas d'assurer un revenu de retraite suffisant sans devoir recourir à une épargne après impôt et sans devoir payer l'impôt sur le revenu de cette épargne.
• 1940
Les changements initialement envisagés aux limites de
cotisation aux REER et aux RPE auraient évité que les cadres et
scientifiques se retrouvent sans assistance de l'État pour leur
épargne-retraite. Cependant, une succession de crises budgétaires
a amené à reporter ces modifications. Il en résulte que ceux qui
paient des taux d'impôt marginaux de 50 p. 100 ou plus, soit
habituellement les plus gros épargnants, ont peu d'incitation à
économiser et souvent très peu d'incitation à rester au Canada. Le
traitement fiscal des revenus de placement, dont l'épargne-retraite
n'est qu'un élément, pourrait bientôt devenir un problème grave
dans notre pays.
Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Perry.
Nous allons maintenant passer à la période des questions. Madame Ablonczy.
Mme Diane Ablonczy: Je vous remercie, monsieur Perry. Nous apprécions que vous soyez venu, ainsi que vos avis experts.
À la page 2 de votre mémoire, vous dites que la majoration des taux de cotisation au RPC est de 65 p. 100. En réalité, elle est de 73 p. 100. Je serais curieuse de connaître les raisons de cet écart dans votre chiffre.
M. David Perry: C'est peut-être une calculette qui n'a pas bien...
Mme Diane Ablonczy: Elle a eu des ratés.
M. David Perry: Oui. Désolé.
Mme Diane Ablonczy: Cela m'arrive aussi.
À la page 3, sous le titre «Passage à un système mieux capitalisé», je lis: «L'option retenue implique que les jeunes contribueront davantage au régime qu'ils n'en retireront». Pourriez-vous nous expliquer comment vous êtes parvenu à cette conclusion? Soit c'est implicite, soit c'est réel.
M. David Perry: À ma connaissance, ayant examiné plusieurs analyses du projet, étant donné la structure du nouveau régime, quelqu'un âgé de 25 ans cotisera plus au régime qu'il n'en retirera sous forme de retraite. Là est le problème. C'est dû à la difficulté de réparer la conception initiale fautive du RPC tout en assurant une meilleure capitalisation des prestations futures.
Mme Diane Ablonczy: Je pense que cette conclusion est confirmée par le rapport des actuaires, qui dit que le taux de rendement réel pour les enfants serait de 1,8 p. 100, soit évidemment moins que la valeur de leur contribution.
Cela étant, votre organisation a-t-elle tiré des conclusions quant à la viabilité de cette proposition? En d'autres termes, à un moment donné, les jeunes de 20 ans vont s'apercevoir qu'ils retirent moins que la valeur de leur contribution et ne seront peut-être pas trop d'accord pour continuer à porter le système à bout de bras.
M. David Perry: Comme je ne cesse de le rappeler à mon fils adolescent, les jeunes ne peuvent pas oublier qu'ils ont quelques obligations envers les générations précédentes.
Le problème, c'est qu'avec les autres options, les transferts de fardeau sont encore pires. Le passage à un système de répartition stricte, où les cotisations grimperaient en flèche à 14 p. 100 et plus d'ici 2010, ou quelque chose du genre, serait encore plus injuste, me semble-t-il, et encore plus inacceptable pour ceux qui entrent seulement dans la vie active.
Mme Diane Ablonczy: J'espère sincèrement, soit dit en passant, que vos admonestations suffiront à convaincre votre jeune de 20 ans de payer ma retraite, bien que celle-ci sera considérablement plus élevée que celle qu'il touchera. Je doute un peu que ce degré de générosité soit très répandu dans 20 ans.
Votre association a-t-elle étudié d'autres options ou idées de solution de ce problème particulier, qui me paraît réellement déterminant pour la viabilité de cette réforme?
M. David Perry: Malheureusement, nous ne sommes pas des experts en actuariat; nous avons simplement pris connaissance de certaines des études publiées. Nous n'avons pas fait de recherches propres, désolé.
Mme Diane Ablonczy: Bien sûr. Vous aussi avez votre vie à mener. Je pensais simplement que cela aurait été intéressant.
• 1945
Mon autre question est celle-ci. À la page 5, vous mentionnez
que si les particuliers géraient leur propre fonds de pension—et
comme vous le savez, c'est ce pour quoi beaucoup de pays ont opté—ce
serait assez risqué. Est-il moins risqué que cette même sorte de
placement soit géré par le gouvernement plutôt que par les
particuliers?
M. David Perry: Dans un système à gestion publique comme celui qui est proposé, il y a un transfert de risques. Dans le cas d'un fonds géré par soi-même, le risque est supporté par le retraité, sous la forme du rendement qu'il retire à sa retraite, dans le cas de ceux qui ne peuvent modifier leurs revenus de leur propre chef. Le risque, dans un régime de mise en commun comme celui proposé pour le Régime de pensions du Canada, consiste à garantir les revenus de retraite et à combler la différence, s'il y en a une, en imposant des taux de cotisation plus élevés aux actifs.
Mme Diane Ablonczy: Je comprends cela. Il m'apparaît simplement qu'un placement est un placement, quel que soit le nom du titulaire du compte. S'il y a une perte, quelqu'un doit l'assumer, comme vous le dites. Si le fonds de retraite public enregistre une grosse perte, vous dites que les retraites sont garanties, mais elles sont réellement garanties par nous, par ceux qui travaillent. Donc, d'une façon ou d'une autre, nous essuyons la perte, quel que soit le nom figurant sur le compte.
Je pense que vous êtes d'accord avec cette conclusion.
L'autre aspect que j'ai trouvé intéressant, et je vous en félicite, est que vous avez regardé au-delà du seul RPC pour considérer l'ensemble des prestations de retraite. Autrement dit, le RPC n'est qu'un petit élément, au mieux, de la sécurité du revenu de retraite. Dans le meilleur des cas, nous toucherons moins de 8 600 $ par an à notre retraite; et je ne pense pas que beaucoup d'entre nous ici, ou n'importe où ailleurs, seraient ravis de vivre avec 8 600 $ par an. Donc, comme vous le faites remarquer à juste titre, il faut considérer aussi la prestation de personne âgée, les pensions privées et les REER. Je pense réellement qu'il faut considérer le tableau d'ensemble et je vous félicite de l'avoir fait.
Vous mentionnez en particulier cette récupération de 50 p. 100 de la prestation de personne âgée sur les premiers 12 000 $ de revenu. En quoi cela va-t-il se répercuter sur les prestations de RPC versées aux contribuables retraités?
M. David Perry: Si j'ai bien saisi, le RPC sera assujetti à la récupération, tout comme tout autre revenu, et cela réduira certainement les retraites en conséquence.
Il importe de remonter aux origines du RPC, où l'on considérait que la prestation de sécurité de la vieillesse couvrait un quart d'une retraite adéquate pour un travailleur industriel moyen, la pension RPC un autre quart, l'individu étant responsable des 50 autres p. 100 pour atteindre un revenu de pension adéquat. Les limites de RPE et de REER fixées pour le travailleur industriel moyen permettaient d'épargner un complément raisonnable.
Maintenant que la prestation de personne âgée a été modifiée, il y une érosion de ces 25 premiers p. 100 dans les éléments constitutifs d'un revenu de retraite. Il faut déplorer qu'il n'y ait pas eu un examen global du système de revenus de retraite comme on l'avait promis il y a quelques années, ce qui aurait permis d'intégrer la prestation de personne âgée, c'est à dire la pension de base non conditionnelle, de type semi-subvention, avec la pension publique de travailleur et le soutien fiscal à l'épargne-privée.
Mme Diane Ablonczy: J'apprécie ces renseignements.
Le président: Monsieur Crête, je vous prie.
[Français]
M. Paul Crête: On vous félicite pour votre mémoire. C'est une vulgarisation de très grande qualité de toute l'opération. Je pense que beaucoup de contribuables auraient intérêt à le lire pour mieux comprendre l'enjeu quant au Régime de pensions du Canada.
• 1950
À la page 2 de votre document, vous dites que
réduire les cotisations à l'assurance-emploi serait le
contrepoids
le plus direct, mais que cela rejetterait sur le gouvernement
fédéral l'entière responsabilité d'apaiser le
contribuable, etc., et qu'agir de la sorte risquerait d'être
aussi contraignant pour la politique budgétaire que la
crise du déficit l'a été au cours de la dernière
décennie.
Dans un contexte où on voudrait procéder à une baisse des cotisations d'assurance-emploi très significative, cela serait raisonnable, mais dans l'hypothèse où le gouvernement fédéral déciderait d'un surplus acceptable pour la caisse d'assurance-emploi, un niveau de surplus qui assurerait la sécurité dans les périodes futures dans l'éventualité d'une crise économique, et procéderait à une baisse relative pour s'assurer d'avoir un surplus suffisant, votre mesure conserverait-elle toute son acuité? Ne serait-elle pas la seule façon de diminuer l'impact négatif de cela sur la consommation?
[Traduction]
M. Davis Perry: Désolé, je n'ai pas bien suivi la traduction.
[Français]
M. Paul Crête: Voulez-vous que je reprenne?
Si la baisse des cotisations à l'assurance-emploi n'était pas équivalente à la hausse, vos arguments demeureraient-ils les mêmes? Cela risquerait-il d'être aussi contraignant pour la politique budgétaire que la crise du déficit l'a été au cours de la dernière décennie? Ce que vous dites est, quant à moi, un peu démesuré si la baisse des cotisations n'est pas trop élevée.
[Traduction]
M. David Perry: Oui, Je vois où vous voulez en venir. C'est une question de degré. Si les cotisations d'assurance-chômage étaient réduites simplement à hauteur de l'augmentation des cotisations au Régime de pensions du Canada, l'effet serait moins prononcé sur l'excédent ou le déficit budgétaire qu'une baisse des cotisations d'assurance-chômage jusqu'au niveau d'autoviabilité du fonds A-E. Cela minimiserait les restrictions imposées à la politique budgétaire fédérale, mais amputerait néanmoins une part de la marge de manoeuvre sur le plan des allégements d'impôt. Quoi qu'en disent les sondages d'opinion, des pressions continueront de s'exercer de diverses parts sur les cotisations d'assurance-emploi.
[Français]
M. Paul Crête: Au départ, vous émettez l'hypothèse que la caisse de l'assurance-emploi peut être considérée comme un outil pour réduire le déficit et pas simplement comme une caisse de régime d'assurance pour assurer un revenu entre deux périodes de chômage.
Vous faites cet énoncé dès le départ. Pour qu'on puisse faire une gestion adéquate de ces deux outils-là, ne serait-il pas pertinent qu'on dispose d'études actuarielles tant sur l'avenir du régime d'assurance-emploi que sur celui du Régime de pensions du Canada, comme c'est déjà prévu dans la loi actuelle, au moment de prendre des décisions à cet égard?
[Traduction]
M. David Perry: Oui, je suis d'accord. Les données que nous avons vues sur le fonctionnement de l'assurance-emploi et les prévisions en la matière sont assez peu solide. Je n'ai vu que quelques articles de fonds dans les journaux.
La question de savoir si les cotisations d'assurance-chômage devraient être uniquement reliées au coût de l'assurance-chômage ou bien si elles représentent un impôt général est difficile à trancher. Certes, à l'heure actuelle, les cotisations d'assurance-chômage servent à réduire le déficit fédéral. Le résultat inévitable de toute modification des cotisations, quel qu'en soit le but officiel—qu'il s'agisse de placer le fonds A-E sur une base actuarielle plus saine ou qu'il s'agisse d'un contrepoids explicite au Régime de pensions du Canada—sera de minimiser la marge de manoeuvre fiscale du ministre des Finances.
• 1955
Est-ce que cela répond à votre question?
[Français]
M. Paul Crête: C'est bon.
[Traduction]
Le président: Je vous remercie, monsieur Crête.
Monsieur Nystrom et monsieur Jones. Vous avez droit à une brève question chacun.
M. Lorne Nystrom: Bienvenue au comité, monsieur Perry.
Je partage votre point de vue sur les options de l'abolition du RPC et du passage à des super-REER. Vous dites que ces options comporteraient un coût considérable pour les actifs, qui devraient remplir les obligations envers ceux qui ont cotisé au RPC tout en construisant en même temps leur propre fonds.
Lorsque vous dites que ce coût serait considérable, pouvez-vous nous le chiffrer? Si l'on abolissait le RPC, comme le demande le Parti réformiste, je sais qu'il en coûterait beaucoup plus aux jeunes. Avez-vous des chiffres susceptibles d'éclairer mes collègues de l'extrême droite?
M. David Perry: J'aimerais bien. Malheureusement, lorsqu'on sort de son champ d'expertise, on doit s'en remettre, dans une certaine mesure, à des informations de deuxième main. Intuitivement, on sait qu'il y aura un problème, mais pour ce qui est d'en chiffrer l'ampleur, nous n'avons pas fait de recherche là-dessus.
M. Lorne Nystrom: C'était ma courte question.
Le président: Vous êtes trop obligeant ce soir.
M. Lorne Nystrom: Je pourrais changer cela.
Le président: Monsieur Jones.
M. Jim Jones: Je vous remercie de votre mémoire, monsieur Perry.
J'ai trouvé que vous étiez pas mal politique avec votre explication concernant les cotisations d'assurance-chômage. Les cotisations d'assurance-chômage étaient assurément censées servir à l'indemnisation des chômeurs, et non pas à combattre le déficit, d'autant que le discours du trône introduit 29 taxes nouvelles qui vont toutes être prélevées sur l'excédent du compte d'assurance-chômage.
J'aimerais juste une explication sur un passage de votre première page: «Les changements proposés aux cotisations au RPC se répercutent sur la politique financière». Lorsque vous dites qu'ils limitent les options budgétaires futures, qu'entendez-vous par là?
M. David Perry: Simplement parce que vous majorez les prélèvements fiscaux à un moment où les gens recherchent des réductions d'impôt ou des augmentations de dépenses ou une réduction de la dette, vous disposez d'un bassin financier, ce que les gens appellent le dividende financier. Aux yeux de l'homme de la rue et du point de vue de la politique macroéconomique—les agrégats nationaux—vous réduisez automatiquement ce dividende financier lorsque vous onctionnez une partie pour la placer dans le Régime de pensions du Canada.
Tout d'abord, les provinces verront leur marge de manoeuvre fiscale limitée tout autant dans l'éventualité peu probable qu'elles veuillent majorer leurs impôts. Elles aussi seront appelées à offrir une certaine compensation. Si le Régime de pensions du Canada est un programme mixte fédéral-provincial et si Ottawa apporte des allégements fiscaux en compensation de la majoration du RPC, il pourrait bien attendre des provinces qu'elles en fassent autant.
Donc, dans l'ordre actuel des choses, cela va à l'encontre de l'orientation générale de la politique fiscale pour les prochains budgets. Ainsi, cela limite les options aux paliers fédéral et provincial.
M. Jim Jones: Je vous remercie.
Le président: Monsieur Valeri suivi de M. Cullen et de M. Szabo, s'il a une question aussi.
M. Tony Valeri: Je serai très bref, monsieur le président. J'aimerais faire plusieurs remarques.
Quelqu'un a dit que votre calculateur ne marchait pas bien lorsque vous avez chiffré à 65 p. 100 la majoration des taux du RPC. Il importe de signaler que le calcul effectué par le Parti réformiste indique une hausse de 73 p. 100 du taux. On obtient ce chiffre en comparant le taux de 1987 au taux proposé pour 2003. Mais si l'on ne changeait rien à ce régime de pensions, et que l'on compare ce que sera le taux en 2003 selon le barème actuel avec le taux proposé pour 2003, l'augmentation n'est que de 38 p. 100. Il y a donc un autre calcul à effectuer si l'on veut comparer le barème proposé au barème actuel.
• 2000
Une autre remarque encore. Vous dites que la réduction des
cotisations d'assurance-chômage serait à ce stade la compensation
la plus directe. Pour l'année 1997-1998, la réduction de la
cotisation A-E fait plus que contre-balancer la majoration de la
cotisation au RPC, si bien que la politique actuelle va déjà dans
ce sens.
Ce n'était là que quelques remarques que je voulais faire tant en guise d'éclaircissements que pour votre gouverne. Je vous remercie.
Le président: Monsieur Cullen.
M. Roy Cullen: Merci beaucoup de votre exposé, monsieur Perry.
Vous avez lancé l'appât et je vais mordre à l'hameçon. Dans la dernière phrase de votre mémoire, vous dites: «Le traitement fiscal du revenu de placement, dont l'épargne-retraite n'est qu'un élément, risque de devenir prochainement un problème sérieux au Canada». Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet, brièvement?
M. David Perry: C'est la préoccupation des économistes de voir l'épargne imposée deux fois. Elle est taxée une première fois au moment où vous gagnez vos revenus et tentez de mettre de côté quelques économies. Cette épargne est prélevée sur un revenu après impôt, c'est-à-dire que le revenu correspondant a déjà été imposé une fois. Si vous avez la chance d'obtenir un rapport sur ces placements, ce revenu est de nouveau taxé. L'imposition de l'épargne représente donc une sorte de double ponction fiscale.
Il est intéressant de voir que certains pays européens envisagent d'autres façons de régler ce problème. La Suède ou la Norvège—désolé, j'ai un trou de mémoire qui est de la faute d'Air Canada—a introduit un système d'imposition à taux fixe des revenus de placements, ce taux étant considérablement moindre que le taux marginal pesant sur les revenus du travail. Au lieu d'être imposé au taux marginal supérieur de 55 ou 60 p. 100, comme les revenus du travail, les revenus de placements sont assujettis à un impôt fixe de 28 à 30 p. 100. Il n'y a pas d'exemptions, pas de déductions, ni rien. Mais on reconnaît ce faisant le problème que dans un système comme le nôtre, l'épargne est imposée deux fois.
C'est la raison pour laquelle le REER, par exemple, est si intéressant. Non seulement bénéficiez-vous de la déduction immédiate, mais tous les revenus dérivés de cette épargne sont exonérés d'impôt jusqu'au moment de leur retrait du compte.
M. Roy Cullen: Juste une petite question complémentaire. J'allais vous demander si dans les pays en question il existe un système analogue à nos REER.
M. David Perry: Généralement oui, mais la générosité varie d'un pays à l'autre. Nous pensions être mieux lotis que les États-Unis parce que le système IRA y était très restrictif, alors que nous avions le système de REER très extensif et beaucoup plus généreux, mais les Américains ont mis en place des instruments similaires ayant élargi le concept de l'IRA. Dans bien des cas, les États-Unis ont maintenant un régime fiscal plus favorable à l'épargne que le Canada.
M. Roy Cullen: Je vous remercie.
Le président: Monsieur Szabo.
M. Paul Szabo: Monsieur Perry, combien de contribuables canadiens, en pourcentage, gagnent-ils plus que 75 000 $ par an?
M. David Perry: Je crois que c'est moins de 10 p. 100. Je dirais que c'est de l'ordre de 5 à 7 p. 100.
M. Paul Szabo: Oui, je crois aussi. Dix pour cent gagnent plus de 50 000 $, et la proportion diminue au-delà. J'évoque cela parce qu'il faut gagner 75 000 $ par an pour pouvoir verser 13 500 $ dans son REER. Vous en avez fait état dans votre mémoire et je voudrais savoir si vous considérez que le relèvement des limites de cotisation à un REER doit être une priorité, connaissant la condition des autres 95 p. 100 de Canadiens.
M. David Perry: Pour beaucoup de Canadiens, la possibilité d'accumuler les droits de cotisation pour verser de gros montants dans leur compte en fin de carrière leur donne une marge de manoeuvre qui leur permet de grossir leur fonds de retraite une fois que leur hypothèque est remboursée, que les enfants ont fini leurs études, ce genre de choses.
Le problème c'est que, outre les avocats, les comptables, les médecins, etc., nous avons une classe de cadres et de scientifiques qui sont hautement mobiles. Ils gagnent plus de 75 000 $ mais moins de 500 000 $. Je ne parle pas là de présidents de banque.
Ils trouvent le fardeau fiscal actuel trop lourd. On leur enlève les uns après les autres les véhicules permettant de minimiser ou de réduire l'impôt. L'épargne-retraite qu'ils peuvent accumuler est limitée dans leur cas, ce qui rend d'autant plus attrayante la carte verte.
Regardez les taux d'imposition marginale qu'ils connaissent au Canada, qui vont de 46 à 53 ou 54 p. 100. Comparez-les aux taux marginaux américains, de 45 à 47 p. 100, et à ceux du Royaume-Uni, de 40 p. 100. Ce sont là nos plus gros concurrents sur le marché des cadres et scientifiques brillants.
M. Paul Szabo: Une dernière question, si vous le permettez, monsieur le président. Lorsque je songe à la valeur croissante du report d'impôt et au potentiel d'accumulation de revenus de placements qui en résulte, j'ai un peu de mal à voir la gravité du problème, d'autant que nous avions cette exemption à vie pour gains en capitaux de 100 000 $ qui, lorsqu'elle a été introduite, ne s'appliquait pas seulement aux plus-values futures mais aussi aux plus-values déjà accumulées. Un très grand nombre de Canadiens qui avaient déjà accumulé 100 000 $ de plus-value sont passés à la caisse presque immédiatement et ont joui de ce cadeau fiscal énorme, qui n'est plus offert au restant des Canadiens. Je me demande dans quelle mesure l'absence de petits coups de pouce de ci et de là n'est pas secondaire par rapport aux allégements fiscaux, actuels et passés, qui ont bénéficié principalement à cette catégorie de 5 p. 100 des contribuables.
M. David Perry: Est-ce la catégorie des 5 p. 100 ou celle des 1 p. 100?
M. Paul Szabo: C'est peut-être bien la catégorie des 1 p. 100.
M. David Perry: L'exemption des gains en capital a profité à une catégorie particulière de contribuables, si l'on exclut les familles possédant une résidence secondaire, qui étaient nombreuses en Ontario.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Perry, de votre exposé, qui était très intéressant comme toujours.
Je vais suspendre la séance pendant quelques minutes.
Le président: Nous reprenons la séance. Comme vous le savez, nous étudions le projet de loi C-2, Loi constituant l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada et modifiant le Régime de pensions du Canada, la Loi sur la sécurité de la vieillesse et d'autres lois en conséquence.
Les prochains témoins sont MM. Norman Gendron et Christopher Moore de l'Institut canadien des actuaires. Soyez les bienvenus, messieurs. Je pense que vous connaissez la procédure. Vous avez 10 ou 15 minutes pour faire votre exposé et nous aurons ensuite une période de questions.
M. Christopher S. Moore (ex-président, Institut canadien des actuaires): Je vous remercie. Je vais commencer. Je suis Kit Moore et je suis accompagné de Normand Gendron. Nous représentons tous deux l'Institut canadien des actuaires.
Entre 1993 et 1996, l'ICA a organisé trois groupes d'étude traitant directement ou indirectement de l'avenir du Régime de pensions du Canada. J'ai présidé l'un de ces groupes en 1996, un groupe d'étude sur l'avenir du RPC et du RPQ, et nous sommes intervenus lors des consultations publiques du gouvernement en mai 1996. Normand Gendron était également membre de ce groupe de travail et c'est la raison de sa présence aujourd'hui.
À notre sens, le projet de loi C-2 répond à la plupart des préoccupations principales que nous avons exprimées dans le rapport de ce groupe d'étude, rapport qui traduit les vues des actuaires de tout le Canada. À quelques détails près, maintes dispositions du projet de loi C-2 sont conformes aux recommandations clés du rapport de 1996.
Nous avons d'abord insisté sur la nécessité de conserver le RPC, étant donné sa place importante au sein de notre système de retraite global, composé de la pension, des REER et des prestations sociales, et étant donné les engagements à hauteur de 600 milliards de dollars pris envers les cotisants et retraités depuis 1966.
• 2015
Le projet de loi C-2 donne acte de cet impératif en maintenant
le RPC sensiblement dans sa forme actuelle, c'est-à-dire en ne le
supprimant pas et en ne le remplaçant pas par un programme REER
distinct.
Comme nous le faisions valoir dans nos interventions de l'an dernier, le RPC a besoin d'être réparé et non remplacé. De fait, les actuaires—individuellement et collectivement—ne cessent de le dire depuis déjà 20 ans, sans guère obtenir de réaction de la part des gouvernements précédents, en dépit de l'évolution économique intervenue depuis la création du RPC en 1966.
Au cours de ces 20 années, le coût des prestations de RPC n'a cessé d'augmenter plus vite que les taux de cotisation, si bien que la situation financière du régime est allée en empirant, au lieu de s'améliorer.
Certains d'entre vous connaissent peut-être cet ouvrage de l'actuaire Geoff Calvert, publié en 1977. Il s'intitule Pensions and Survival—The Coming Crisis of Money and Retirement. Il y insiste sur la nécessité d'accroître le financement du RPC, sous peine de voir le fonds décliner en 1995—ce qu'il a effectivement fait, pour la première fois—et disparaître au début du XXIe siècle, ce qui serait bien le cas en l'absence du projet de loi C-2 ou du type de modifications introduites par celui-ci.
Le deuxième thème de notre rapport était le déséquilibre dans la répartition des cotisations entre différentes générations de cotisants.
Il y a eu tout d'abord ce que nous appelons les «générations gagnantes», soit les premiers retraités et en particulier les chanceux qui ont pris leur retraite en 1976 après n'avoir cotisé que pendant dix ans. Les groupes ultérieurs de retraités n'ont pas eu autant de chance mais il ne fait aucun doute qu'eux aussi bénéficient d'une aubaine et la génération actuelle des retraités retirera plus que sa juste part du RPC.
Notre groupe de travail souhaitait une accélération sensible de la majoration des cotisations afin que les cotisants d'aujourd'hui paient une part plus grande et que ceux de demain—nos enfants et les enfants de nos enfants—aient à assumer une part moins grande du fardeau et touchent une part plus équitable des prestations du RPC.
Le projet de loi C-2 va en ce sens en disposant que les taux de cotisation passeront à 9,9 p. 100 au cours des six prochaines années, soit à peu près ce que nous avions préconisé dans notre rapport, mais selon une formule un peu différente, ce qui m'amène au point numéro quatre de notre résumé d'une page.
Le troisième thème de notre rapport n'a pas été explicitement suivi par le projet de loi C-2, en ce sens que nous avions prôné une formule de financement du RPC plus dynamique, telle que les taux de cotisation varieraient directement avec la conjoncture économique. C'est ce que nous appelions le «financement intelligent»—non que les autres formules ne soient pas intelligentes, c'est simplement le terme que nous avons retenu pour décrire la nôtre.
En revanche, le projet de loi C-2 prévoit effectivement un contrôle plus fréquent du financement, par le biais de la périodicité triennale, et non plus quinquennale, des rapports actuariels, et l'actuaire en chef du RPC connaît bien la méthodologie qui sous-tend notre concept du financement intelligent.
Ces éléments, conjugués au niveau supérieur de financement du RPC qu'autorise à l'avenir le projet de loi C-2, signifieront que l'actuaire du RPC aura amplement l'occasion de mettre en oeuvre les notions qui sous-tendent le financement intelligent. Il n'est pas nécessaire de les afficher en vitrine, elles peuvent être mises en oeuvre dans l'arrière-boutique.
Nous entrevoyons nettement la possibilité que certains de ces concepts soient appliqués aux évaluations actuarielles qui seront effectuées tous les trois ans.
Un quatrième thème de notre rapport consistait en certains changements limités aux prestations du RPC afin d'aligner les coûts davantage sur les cotisations. À cet égard, nous avons fortement insisté sur la nécessité de resserrer l'administration des pensions d'invalidité et les critères d'admissibilité à celles-ci. Nous insistions sur la nécessité de maintenir ce cap jusqu'à ce que les coûts d'invalidité retrouvent un niveau raisonnable.
• 2020
En effet, nous avons examiné le RPQ et constaté une différence
sensible à cet égard et conclu que les coûts du RPC devraient être
alignés sur ceux du RPQ. Le projet de loi C-2 suit presque
exactement notre proposition et nous en sommes très heureux.
Nous avions préconisé aussi d'éliminer ou de ramener graduellement à zéro le salaire plancher, c'est-à-dire la première tranche de 3 500 $ de revenu exemptée de cotisation. Le projet de loi C-2 gèle le salaire plancher à 3 500 $, ce qui revient à une élimination graduelle sur une période beaucoup plus longue. Ce n'est pas un changement aussi net que nous le préconisions, mais c'est un pas dans la bonne direction. En outre, le projet de loi C-2 gèle la prestation de décès au plafond de 2 500 $, ce qui représentera encore des économies.
Si le financement intelligent ne pouvait être adopté ou utilisé même indirectement pour accroître les revenus du fonds, ce qui était son but, nous avions recommandé que le gouvernement envisage de majorer de 65 à 67 ou 68 ans l'âge de la retraite avec prestation intégrale. Cela a été fait aux États-Unis et est à l'étude dans d'autres pays.
Au lieu de cela, le projet de loi C-2 modifie la formule de calcul des prestations, passant du salaire moyen des trois dernières années au salaire moyen des cinq dernières années, ce qui est plus conforme à la formule utilisée par les régimes de pension privés. Étant donné le rythme plus lent des hausses salariales actuelles, cela suscitera probablement une opposition moindre des cotisants car c'est équivalent à une majoration nettement inférieure à un an de l'âge de la retraite et donc une mesure moins radicale que ce que nous préconisions. C'est en fait une très bonne solution de remplacement.
Notre dernier thème était de haute importance vu l'accroissement des capitaux disponibles après la majoration des cotisations. C'est la question du placement de ces capitaux. J'aimerais demander à Normand Gendron de couvrir cette partie de notre rapport et notre réaction au projet de loi C-2.
[Français]
M. Normand Gendron (vice-président du conseil, Institut canadien des actuaires): Je voudrais parler de ce qu'on avait dans la section 4 du rapport du groupe de travail sur le Régime de pensions du Canada et le Régime des rentes du Québec, qui avait trait aux placements.
Nous avions dit que le rendement de la caisse du Régime de pensions du Canada était plus ou moins important selon le degré de capitalisation du Régime. Si le Régime demeurait sur une base de répartition ou de quasi-répartition, comme c'est le cas actuellement, l'actif serait relativement peu important et, évidemment, le rendement qu'il pourrait générer serait également peu important.
Par contre, sur une base capitalisée, et notre rapport présentait une des approches qui pouvait mener éventuellement à une capitalisation complète du Régime, le rendement devient capital.
Les dispositions du projet de loi C-2 vont amener une capitalisation plus grande, quoique pas aussi élevée que ce qu'on avait anticipé dans notre rapport. Donc, dans ce contexte-là, la gestion de l'actif du Régime prend de l'importance.
Deuxièmement, comme les fonds proviennent des travailleurs, les fonds accumulés doivent servir à leur garantir les meilleures prestations possibles et le meilleur niveau de cotisation possible.
Nous recommandions que le fonds soit géré prudemment, mais en cherchant à maximiser le rendement au profit des travailleurs. À cet égard, on suggérait un portefeuille diversifié en vue d'atteindre les objectifs. Les dispositions qui figurent au projet de loi C-2 prévoient que la gestion va se faire sur une base de portefeuille diversifié. Cela rencontre essentiellement nos recommandations, ce qui devrait permettre d'obtenir de meilleurs rendements pour le fonds à long terme.
On soulignait également, dans notre rapport, la notion de mettre à l'abri des pressions politiques et sociales les décisions en matière d'investissement. Le seul but doit être de maximiser le rendement pour les cotisants, tant passés que présents et futurs.
• 2025
Il est prévu, dans le projet de loi C-2, que le comité de
placement sera indépendant des pressions politiques du
gouvernement. Dans le document anglais, on parle de
[Traduction]
indépendance.
[Français]
Donc, il faudra surveiller, à moyen et long terme, jusqu'à quel point cette indépendance va être préservée.
Nous suggérions également dans notre rapport l'utilisation de fonds indiciels, la raison étant que ceux-ci sont préférables afin d'éviter toute ingérence politique ou sociale dans le choix des titres. On ne place donc pas dans une compagnie donnée, mais plutôt dans le marché en général.
Cela peut aussi minimiser l'impact de ces achats sur le marché. Si on se mettait à acheter des titres individuels, avec les centaines de milliards de dollars qui vont s'accumuler éventuellement dans la caisse du Régime de pensions du Canada, on se retrouverait avec des mouvements qui pourraient influencer les marchés pour différents titres donnés.
Les fonds indiciels ont été retenus dans le projet de loi C-2, mais seulement pour les actions. Pour les obligations, on garde actuellement une approche transitoire avec les provinces qui vont pouvoir renouveler leurs obligations à long terme. Ensuite, pour les trois premières années, le comité de placement va devoir acheter jusqu'à 50 p. 100 de ses actifs dans les titres des provinces participant au Régime de pensions du Canada.
Éventuellement, on va se retrouver avec un portefeuille diversifié, mais cela prendra quand même un certain nombre d'années, compte tenu des mécanismes qui ont été mis en place initialement.
Finalement, nous avions émis le commentaire que si les fonds devenaient trop importants, si les fonds atteignaient plusieurs centaines de milliards de dollars, les marchés canadiens seraient peut-être trop petits pour permettre d'obtenir un rendement adéquat sur le capital. Nous avions suggéré que dans le cas où cette situation-là se produirait, il faudrait aller sur les marchés étrangers, possiblement dans une proportion plus élevée que celle de 20 p. 100 qui est actuellement permise aux caisses de retraite.
Le projet de loi C-2 prévoit que les placements étrangers seront limités à 20 p. 100 de l'actif, compte tenu du niveau prévisible de l'actif pour les prochaines années. C'est probablement un niveau adéquat, mais on prévoit qu'il pourrait y avoir nécessité d'élargir cette limite à long terme.
Ce sont là mes commentaires en ce qui a trait à la gestion de l'actif. Je demanderais à M. Moore de compléter notre exposé.
[Traduction]
M. Christopher Moore: Étant donné ce que nous venons de dire, vous pouvez voir que nous sommes très satisfaits de la direction empruntée par le projet de loi C-2 en vue de réparer le RPC, et ce rapidement, sans retard. Nous appuyons le projet de loi.
Le président: C'est très clairement ressorti.
Madame Ablonczy.
Mme Diane Ablonczy: Je vous remercie, monsieur le président.
Nous sommes très heureux de vous voir ici, messieurs. Il semble que vous ayez rendu service au pays en signalant les faiblesses du Régime de pensions du Canada, en préconisant une réforme et mettant en oeuvre vos connaissances professionnelles pour contribuer à la façonner. Au nom des Canadiens, je vous en suis très reconnaissante.
J'ai plusieurs questions auxquelles vous êtes seuls à pouvoir répondre. La première est réellement de savoir avec quelle certitude nous pouvons compter sur les taux de cotisation au RPC. Comme vous le savez, on nous a affirmé qu'ils n'excéderont pas 9,9 p. 100, mais je pense que beaucoup de Canadiens s'interrogent sur la fiabilité des projections actuarielles, particulièrement à court terme mais aussi à plus long terme.
Par exemple, dans le seizième rapport annuel de l'actuaire en chef du RPC, on lit que le fonds contiendra 135 milliards de dollars en 2007. Aujourd'hui, l'estimation a été réduite à 94 milliards de dollars, soit 40 milliards de dollars de moins, et ce en l'espace d'un mois à peu près. Nous voulons quelques assurances quant à la fiabilité de ces projections. Quelle foi pouvons-nous accorder à ces chiffres? Que pouvez-vous nous dire à ce sujet?
M. Christopher Moore: Cela a certainement été un souci au cours des 20 dernières années, le fait que les projections n'aient pas nécessairement été aussi réalistes qu'elles l'auraient dû à long terme. Il y aura des hauts et des bas à courte échéance, cela ne fait aucun doute.
Je pense que les projections effectuées par l'actuaire en chef du RPC collent avec celles que nous avons utilisées dans notre rapport. Il utilise maintenant, dans son dernier rapport, un taux de rendement réel légèrement plus élevé; je pense que c'est un taux de 3,8 p. 100, par opposition à un taux de rendement réel de 2,5 p. 100, ce qui reflète le placement de l'actif à la bourse.
• 2030
Vu les fluctuations boursières des derniers mois, la confiance
en l'avenir à long terme n'est pas aussi grande. Mais je pense
qu'il a visé juste à plus long terme et c'est conforme aux
résultats que nous avons obtenus dans notre travail sur les
placements de la caisse. Nous avons montré que le rendement des
placements du RPQ était sensiblement supérieur à ceux du RPC. Nous
avons également comparé les rendements du RPC à ceux du marché, le
rendement médian des fonds de pensions placés sur le marché.
Pour ce qui est des projections, je pense que la solution établie par le projet de loi C-2 consiste à effectuer des vérifications fréquentes de la situation actuarielle du Régime. Je pense que les évaluations triennales—plutôt que quinquennales—seront certainement un atout.
Mme Diane Ablonczy: Si je vous suis bien, quelques rajustements de la cotisation de 9,9 p. 100 pourraient bien s'imposer.
M. Christopher Moore: C'est juste. Mais ce qu'il faut faire, et ce que je compte voir l'actuaire en chef du RPC faire, c'est considérer le long terme. Il faut considérer les 30 prochaines années, et non pas l'année prochaine ou le trimestre prochain.
Mme Diane Ablonczy: Ma deuxième question intéresse le passif non capitalisé du Régime. Vous avez dit qu'il est de 600 milliards de dollars et je crois savoir que ce chiffre devrait encore augmenter. Selon vos projections, quel sera le rythme de hausse?
M. Christopher Moore: Nous n'avons pas effectué de projections à ce sujet. Nous nous sommes penchés sur le coût du remboursement de cette dette. Bien entendu celui-ci dépend du nombre d'années sur lequel vous l'étalez, selon que c'est 30 ans, 35 ans ou 100 ans. Si c'est sur 30 ou 35 ans, vous parlez d'une cotisation se situant aux alentours de 7 ou 8 p. 100 par an. C'est là une période plus longue que ce qu'un régime de pension normal serait autorisé à...
Mme Diane Ablonczy: Je parle du montant du passif non capitalisé.
M. Christopher Moore: Nous n'avons pas établi de projections au-delà du chiffre actuel de 600 milliards de dollars.
Mme Diane Ablonczy: J'ai une question au sujet du RPQ. Comme vous le savez, un certain nombre de Canadiens touchent les prestations du RPQ, mais vous avez indiqué aussi que ce dernier jouit d'un meilleur taux de rendement que le Régime de pensions du Canada, sans doute grâce à une meilleure gestion. Pourtant, les cotisations au RPQ vont également passer à 9,9 p. 100. Or, l'équilibrage du RPQ n'exigera évidemment pas une cotisation de 9,9 p. 100. Pouvez-vous nous dire, d'après votre étude, pourquoi la majoration des cotisations est la même.
M. Normand Gendron: Je peux répondre à cela. Il y a deux raisons principales. Premièrement, comme je l'ai indiqué, le Régime de pensions du Québec a un taux de capitalisation un peu meilleur, mais c'est très marginal, et de toute façon la réserve accumulée ne représente que très peu d'années de prestations. Évidemment, plus faible est l'actif et moindre est le rendement. Si vous dégagez un rendement de 10 p. 100 sur votre actif, même si vous faites des placements très judicieux et gagnez 2 p. 100 de plus que le marché, vous n'aurez réduit votre passif réel que de 0,02 p. 100.
Une autre raison est le fait que les prestations du Québec ont été un peu plus généreuses au fil des ans. Ce chiffre de rendement additionnel a servi à financer certaines de ces prestations au fil des ans.
Mme Diane Ablonczy: D'accord.
J'ai encore une dernière courte question, si vous le permettez. Vous avez soulevé dans votre mémoire la question de l'équité intergénérationnelle, un sujet qui nous préoccupe tous. L'actuaire en chef estime que le taux de rendement réel pour nos enfants et petits-enfants, après ces changements, sera de 1,8 p. 100. Jugez-vous cela équitable et pensez-vous que le régime sera viable avec un rapport coût-avantage aussi faible pour eux.
M. Christopher Moore: C'est une question à laquelle il est difficile de répondre, car chacun a des attentes différentes pour ce qui est du taux de rendement sous différentes conditions. Le RPC est certainement un régime plus sûr que la plupart des régimes de pension, l'État étant moins exposé aux risques qu'un employeur privé. C'est également un régime à très faible coût. Le coût d'administration du RPC est bien plus faible que celui d'un régime de pension ordinaire.
• 2035
Si vous tenez compte de ces facteurs, le taux de 1,8 p. 100
pourrait peut-être grossir un peu, mais il ne sera toujours pas
bien supérieur à 2 p. 100 de rendement réel. C'est mieux que le
rapport que j'ai réalisé sur certains «investissements», mais ce
n'est quand même pas un taux très élevé. Mais comme fondement pour
quelqu'un, c'est quand même un rendement solide. Je parle là du
taux à long terme du régime actuel.
Est-ce beaucoup ou peu, cela dépend du point de vue de chacun. Quelqu'un qui est accoutumé à toucher un rapport réel de 15 p. 100 sur ses placements ne sera pas satisfait de 2 p. 100. Quelqu'un qui a vu pire par le passé trouvera que c'est raisonnable. Mais nous parlons là réellement d'un régime de pension de base pour le pays. Ce n'est pas un compte d'épargne. Le côté positif, c'est que c'est toujours bien meilleur que ce que d'aucuns ont annoncé, prédisant que les cotisants ne retireront jamais autant que ce qu'ils ont placé dans le Régime de pensions du Canada. Ce n'est pas vrai.
Le président: Monsieur Crête.
[Français]
M. Paul Crête: J'aimerais savoir si vous avez fait des études sur les effets de la hausse des cotisations sur l'économie. Comme la science actuarielle vous permet de faire des prévisions, je voudrais savoir si vous avez évalué les effets de cela sur la baisse de la consommation, sur l'économie en général.
Deuxièmement, vous dites que si les fonds deviennent trop importants, la limite de l'actif pouvant être investi dans les fonds étrangers pourrait devoir être augmentée.
Considéreriez-vous pertinent que tout de suite, dès l'adoption de la loi, on prévoie que cette limite pourrait être 20 p. 100 jusqu'à ce que que l'actif atteigne tant de milliards de dollars? Pour vous, serait-il pertinent qu'il y ait dans la loi une disposition qui prévoie déjà les règles futures d'investissement sur le marché extérieur? Pour vous, serait-il pertinent qu'on prévoie déjà cette possibilité-là? Quel serait le montant à partir duquel le pourcentage devrait être augmenté, selon vous?
[Traduction]
M. Christopher Moore: C'était certainement une des recommandations de notre rapport.
Je répondrai d'abord à la deuxième question, celle des placements étrangers. Nous estimons que l'un des avantages d'avoir un fonds de pension réel, qui soit investi sur les marchés réels, est la possibilité d'accroître la valeur de l'actif du RPC, l'un des moyens étant de placer les capitaux sur les marchés internationaux et de transférer ainsi au Canada des revenus supplémentaires. Nous n'avons pas recommandé de limite particulière, mais nous songions à un pourcentage similaire à celui applicable aux régimes de pension privés et aux REER, soit actuellement 20 p. 100 de la valeur comptable. Bien entendu, des pressions s'exercent dans le sens d'un relèvement de ce plafond de 20 p. 100, mais il reste à voir ce qu'il en adviendra.
Nous souscrivons à l'idée d'investir à l'étranger une partie des capitaux.
Cela répond-il à votre question?
[Français]
M. Paul Crête: J'avais cru comprendre, d'après le point 6 du texte français de votre document, que si les fonds devenaient trop importants, il faudrait faire sauter la limite. Cette recommandation ne signifie-t-elle pas qu'on peut prévoir tout de suite que, lorsqu'on atteindra tel montant, il sera bon qu'on puisse dépasser cette limite, et également qu'on doit prévoir tout de suite qu'on pourra réviser cette loi à toutes les x années? Je voudrais savoir s'il est pertinent pour vous, en termes de politique d'investissement, que les investisseurs sachent dès le départ que la limite pourra un jour dépasser 20 p. 100.
M. Normand Gendron: Plus tôt, j'ai dit que la limite actuelle de 20 p. 100 nous apparaissait quand même correcte, compte tenu du niveau d'actif que le Régime aura à investir. Par contre, le marché des capitaux canadiens représente seulement 2 p. 100 du marché mondial.
• 2040
C'est une limitation qui, possiblement,
va devenir importante avec le temps. On prévoit qu'en même
temps, les baby-boomers canadiens accumuleront de l'argent
pour leur retraite et qu'eux aussi vont devoir investir
sur le marché canadien, qui est relativement petit, avec
une limite de 20 p. 100 à l'étranger.
Il est probable que les limites, tant pour les fonds de pension que pour le Régime de pensions du Canada, devront être augmentées. Si la loi prévoit lier le pourcentage à celui des régimes de retraite, c'est probablement une mesure adéquate qui sera suffisante lorsque les marchés seront rendus trop petits pour une diversification valable.
M. Paul Crête: Avez-vous fait une évaluation de l'impact économique de cette hausse sur le marché de l'emploi ou sur la consommation?
[Traduction]
M. Christopher Moore: Nous avons examiné le taux de cotisation davantage d'un point de vue actuariel. Nous nous sommes demandé de quelle cotisation le fonds RPC avait besoin pour pouvoir distribuer les prestations promises. À nos yeux, il y avait là deux grands facteurs. Premièrement, il y avait le fait que les taux de cotisation n'ont pas été augmentés au cours des 20 dernières années comme il l'aurait fallu. Évidemment, cette majoration aurait été beaucoup plus faible si on avait commencé il y a 20 ans.
Deuxièmement, nous étions sensibles à cette projection de 14,2 p. 100 pour l'an 2030, qui nous paraissait excessive et que risquaient de refuser les générations appelées à payer 14 p. 100 de cotisation ou plus. Nous recherchions des façons de maintenir à un niveau plus bas le taux de cotisation total des employeurs et employés. Nous visions entre 8 et 10 p. 100. Nous sommes satisfaits par le compromis proposé dans le projet de loi C-2. Nous n'avons pas fait d'évaluation économique de l'impact de ces majorations, mais nous cherchions un taux qui puisse rectifier les erreurs du passé et atténuer les projections pour l'avenir.
M. Jim Jones: Pouvez-vous nous expliquer ce que vous entendez par «financement intelligent»? Je ne connais pas cette notion.
M. Christopher Moore: C'est un concept que nous avons décrit dans notre rapport. Nous en avons quelques exemplaires ici si vous voulez y jeter un coup d'oeil. Il contient un graphique très simple, avec quelques exemples simples.
Nous faisions valoir que lorsque les taux de rendement réels sont élevés, comme aujourd'hui, l'argent cotisé au RPC, une fois qu'il est placé sur les marchés réels, va rapporter plus au fonds. Lorsque les taux de rendement réels sont très faibles, comme ils l'étaient lorsque le RPC a été créé en 1966, il est plus intéressant de procéder par répartition, c'est-à-dire d'avoir une formule de faible coût et faibles cotisations. Nous avons donc conçu, très grossièrement et à titre d'illustration, une formule où les cotisations seraient plus élevées lorsque les taux de rendement réels sont élevés et des cotisations moindres lorsque les taux de rendement réels sont bas.
Le facteur intéressant dans un régime de pension, c'est que vous avez d'un côté le passif. Ce passif chute, en fait, lorsque les taux de rendement sont élevés, et en même temps vous bénéficiez d'un meilleur rapport. La résultante de l'effet sur le passif et du rapport que vous obtenez dans ces différentes conditions produirait en fait un taux qui ne varierait guère dans le temps. Dans les exemples que nous donnons, nous avons utilisé un objectif de capitalisation à l'horizon de 30 ans. Cet objectif de capitalisation serait augmenté lorsque les taux de rendement réels sont élevés, et ramenés à zéro—c'est-à-dire un régime de répartition comme l'est plus ou moins le RPC à l'heure actuelle—si les taux de rendement réels sont faibles.
Les taux variaient entre 7 et 10 p. 100 sur une période de 30 ans avec différents exemples extrêmes. Vous pouvez jeter un coup d'oeil sur le graphique. Je peux facilement comprendre pourquoi la méthode n'a pas été adoptée comme politique officielle, car elle sera très difficile à mettre en oeuvre. Mais en tant que concept pour sous-tendre l'approche suivie par les actuaires du RPC, elle me paraît intéressante. J'espère qu'elle sera utilisée au moins implicitement, indirectement.
• 2045
Jetez-y donc un coup d'oeil, si vous voulez. Il y a un
chapitre du rapport consacré au financement intelligent.
Personnellement, je pense que c'est un concept utile, mais j'admets
qu'il n'est peut-être pas d'un maniement très pratique,
directement.
Le président: Je vous remercie, monsieur Jones. Monsieur Szabo.
M. Paul Szabo: Pourriez-vous m'aider avec un peu d'arithmétique? Je sais qu'il est tard, mais cela me serait utile.
J'aimerais avoir une estimation de la valeur actuelle d'une rente de 24 000 $ pendant 17 ans. Vous pouvez postuler un taux à long terme raisonnable de, mettons, 5 p. 100. Je n'ai pas apporté mon ordinateur, mais vous êtes probablement capable de faire ce calcul de tête.
Pendant qu'il fait le calcul...
Le président: Voulez-vous que je suspende la séance pendant que vous faites ce calcul?
Des voix: Oh, oh.
M. Paul Szabo: Voilà le premier terme de l'équation. Voyons maintenant le deuxième.
Je regardais l'évolution du RPC depuis 1966, l'année de sa création. La cotisation payée par un employé la première année était d'environ 74 $ par an. C'était très peu comparé à aujourd'hui.
M. Christopher Moore: Sur la base de 1,8 p. 100 du salaire cotisé par l'employé.
M. Paul Szabo: C'est juste.
Si je totalise la colonne jusqu'en 1995, la cotisation cumulative—et je laisse de côté le rendement sur les placements, etc., je parle uniquement de la valeur effective, absolue, des cotisations—j'arrive à moins de 10 000 $. Trente années de cotisations représentent moins de 10 000 $.
Si j'avais pris ces cotisations, combien vaudraient-elles aujourd'hui? C'est à peu près 10 000 $ en valeur absolue, mais si vous considérez la valeur temporelle de l'argent et les placements, que seraient devenus ces 10 000 $ si je les avais investis, mettons, au taux du marché—un taux de rendement raisonnable sur le marché—en supposant que j'avais aussi la part de l'employeur?
J'ai donc 20 000 $. Je pense que j'aurais pu tripler la valeur, si bien que je disposerais aujourd'hui de 60 000 $, 70 000 $, peut-être même de 100 000 $ en valeur d'aujourd'hui. Si j'avais investi toutes ces cotisations, celles d'employeur et celles d'employé, pendant les 30 dernières années au taux du marché, je pourrais avoir aujourd'hui 100 000 $ pour acheter une rente.
Je vous ai demandé quelle est la valeur d'une rente sur 17 ans de 24 000 $ par an, avec un discompte de 5 p. 100. Quel est le chiffre approximatif?
M. Normand Gendron: À 5 p. 100, c'est environ 270 000 $.
M. Paul Szabo: Bien; 270 000 $. C'est très utile. Le premier jour du débat à la Chambre des communes, le chef de l'opposition s'est levé et a déclaré: «Monsieur le président, si j'avais pris toutes ces cotisations et les avais placées dans un REER, je toucherais 24 000 $ par an au lieu de seulement 8 800 $».
Vous m'avez dit, en gros, qu'il est impossible, en ayant investi les cotisations annuelles, celles d'employeur et celles d'employé, à un taux de rendement raisonnable de dégager 24 000 $ par an. Est-ce vrai?
M. Normand Gendron: N'ayant pas effectué des calculs, je ne peux donner de réponse ferme dans un sens ou un autre. Mais le chiffre que je vous ai donné, est à peu près le montant qu'il faudrait pour payer cette pension si elle est indexée...
M. Paul Szabo: Donc, même si je suppose que ces 10 000 $ seraient devenus 100 000 $ aujourd'hui, je ne pourrais pas acheter une rente de 24 000 $ jusqu'à l'âge de 82 ans.
M. Christopher Moore: En fait, c'est intéressant; je ne veux pas vous détourner de ce raisonnement, mais il sera très difficile de vous donner une réponse ferme. Mais il y a une réponse ferme à une question apparentée dans le rapport actuariel du RPC, que vous pouvez certainement vous procurer. Nous avons également reproduit ce tableau à la page 5 de notre rapport. Si vous en avez un exemplaire, vous pourriez y jeter un coup d'oeil.
• 2050
Il montre le taux de rendement interne réel du RPC pour chaque
année de naissance. C'est intéressant; les cotisants nés en 1911
représentent le groupe le plus chanceux. Ils ont pris leur retraite
en 1976 après n'avoir cotisé que pendant 10 ans. Ils ont un taux de
rendement réel—un rendement réel—de 22,4 p. 100 sur leur argent.
C'est parce que les prestations étaient très lourdement
subventionnées.
Beaucoup de gens reconnaissent que le RPC a beaucoup fait pour réduire la pauvreté chez les personnes âgées pendant les années 70 et 80. C'est admis un peu partout, en fait.
Ce taux de rendement sera même un peu plus élevé dorénavant, car on prévoit des taux légèrement meilleurs pour le fonds. On a cité tout à l'heure un taux de 1,8 p. 100 pour les générations ultérieures. Il s'agit là des cotisants nés en 2012. Entre les deux, si vous êtes né en 1948, vous avez un taux de rendement réel de 5 p. 100 et plus, en sus de l'inflation.
Je trouve donc que c'est là un tableau précieux que l'actuaire du RPC englobe dorénavant dans son rapport.
M. Roy Cullen: Et pour 1944?
M. Christopher Moore: Eh bien, 1924...
M. Roy Cullen: Non, 1944.
M. Christopher Moore: Oh, vous parlez de vous-même. Désolé, pour 1944, c'est entre 5 et 6 p. 100.
Le président: Et 1960?
Des voix: Oh, oh.
M. Christopher Moore: C'est 3 p. 100.
Quoi qu'il en soit, c'est là un complément d'information très utile dans ce rapport, car il donne au lecteur une idée du rendement qu'il obtient. Ce régime n'est pas un régime d'épargne. C'est un régime de pension. Mais il comporte un élément d'épargne implicite.
Le président: Je dois dire, au nom du comité, que votre présentation est très intéressante. Vous avez manifestement fait beaucoup de travail dans ce domaine. Cela ressort très bien du genre d'analyses que vous nous avez communiquées. Ces renseignements nous seront très utiles pour notre étude du projet de loi C-2, une mesure très importante.
M. Christopher Moore: Nous sommes heureux d'avoir pu vous être utiles.
Le président: Merci beaucoup.
La séance est levée...
M. Jim Jones: Monsieur le président...
Le président: Désolé, monsieur Jones. J'ai failli recommencer, n'est-ce pas?
M. Jim Jones: Oui.
J'ai déposé la semaine dernière une liste de questions auxquelles j'aimerais la réponse de l'actuaire en chef jeudi. J'ai modifié les questions de façon à obtenir plus précisément les réponses que je souhaite. J'ai aussi cinq questions supplémentaires. J'aimerais les déposer. J'ai des copies pour tous ceux qui veulent les voir.
Le président: Je vous remercie, monsieur Jones.
Y a-t-il d'autres interventions, des questions de nature administrative?
Passez une bonne soirée. La séance est levée.