JURI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS
COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mercredi 4 février 1998
[Traduction]
Le vice-président (M. John Maloney (Erie—Lincoln, Lib.)): Je déclare la séance ouverte.
Nous avons avec nous aujourd'hui l'honorable Andy Scott, solliciteur général du Canada. M. Scott est accompagné de Paul Dubrule, directeur des Services juridiques; Jean Fournier, solliciteur général adjoint, Yvette Aloisi, directrice générale, secteur de la police; et Barry Gaudette.
Monsieur le ministre, si vous voulez bien faire votre présentation.
L'honorable Andy Scott (solliciteur général du Canada, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.
L'expert scientifique en chef, biologie, de la GRC, M. Gaudette ainsi que M. Dubrule, M. Fournier et Mme Aloisi vont me prêter main-forte.
Tout d'abord, monsieur le président, j'aimerais lire une déclaration préparée.
Monsieur le président, membres du comité, je suis heureux de comparaître devant le comité aujourd'hui pour lui fournir certaines précisions quant au projet de loi C-3, Loi sur l'identification par les empreintes génétiques.
• 1530
J'aimerais pour commencer vous donner un aperçu du texte
proposé, avant de concentrer mon exposé sur quatre grandes
questions qui ont été soulevées depuis le dépôt du projet.
Il s'agit du moment où les échantillons de substances corporelles seront prélevés; des personnes qui prélèveront les échantillons; de la conservation des échantillons; et enfin, de l'accès à la banque de données.
Comme vous le savez, la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques que nous proposons représente la deuxième phase de l'action gouvernementale en matière d'analyse génétique. La première a consisté, il y a deux ans et demi, à apporter au Code criminel des modifications permettant le prélèvement d'échantillons de substances corporelles et leur analyse à des fins médicolégales.
[Français]
Les dispositions alors adoptées donnaient à un juge d'une cour provinciale le pouvoir de délivrer un mandat autorisant la police à effectuer un tel prélèvement sur une personne soupçonnée d'avoir commis une infraction désignée. Ces dispositions ont été utilisées avec succès dans tout le Canada pour identifier des auteurs de crimes graves et violents. Cette première phase de l'action du gouvernement a été bien accueillie par les responsables de l'application de la loi.
[Traduction]
Les intervenants de première ligne nous disent que l'analyse génétique constitue un précieux instrument d'enquête. Elle s'est révélée une des méthodes permettant le mieux d'obtenir des preuves solides dans les enquêtes criminelles.
Les nouvelles mesures proposées démontrent de nouveau la volonté du gouvernement de lutter contre le crime, et particulièrement contre le crime de violence, dont notre programme sur la sécurité dans les foyers et dans les rues est l'expression. Comme il est dit dans le discours du Trône, une des marques distinctes de l'identité canadienne est le fait que nous vivons en sécurité dans nos collectivités.
La banque nationale des données génétiques dont nous proposons la création comprendra deux fichiers: un fichier de criminalistique qui contiendra les profils d'identification génétique établis à partir de substances corporelles trouvées sur le lieu d'un crime, et un fichier des condamnés où seront enregistrés les profils établis à partir des substances corporelles prélevées sur des personnes reconnues coupables d'infractions désignées.
Chacun de ces profils sera propre à la personne ayant fourni la substance corporelle soumise à l'analyse génétique. Il sera ainsi possible de comparer l'information contenue dans la banque aux données génétiques obtenues à partir de substances corporelles recueillies lors d'une infraction, ce qui aidera tous les corps policiers du pays à identifier les auteurs de crimes graves.
Le projet de loi C-3 précise dans quelles circonstances peut être autorisé le prélèvement d'échantillons de substances corporelles en vue d'une analyse génétique dont les résultats seront déposés dans la banque. Lorsqu'une personne aura été reconnue coupable d'une infraction primaire désignée, le juge rendra—sauf dans des cas très exceptionnels—une ordonnance obligeant cette personne à fournir des échantillons de substances corporelles pour analyse génétique.
Dans le cas d'une personne reconnue coupable d'une infraction secondaire désignée, le juge pourra, si la Couronne en fait la demande au tribunal, rendre une ordonnance aux mêmes effets.
Il faut dans ce cas que le juge soit convaincu que cela servira au mieux l'administration de la justice.
Je voudrais préciser pourquoi certaines infractions ont été rangées parmi les infractions secondaires et non parmi les infractions primaires. Ce n'est pas que les infractions dites secondaires soient considérées comme moins graves. Nous savons que toutes les infractions en question sont très graves.
La liste d'infractions primaires comprend deux types d'infractions: les infractions sexuelles et les plus graves des infractions de violence. Dans des cas de ce genre, par exemple lorsqu'il y a eu meurtre ou agression sexuelle, il y a de fortes probabilités que l'on trouve des substances corporelles sur le lieu du crime.
La seconde liste regroupe des infractions pour lesquelles il est moins probable, quoique encore possible, de trouver sur le lieu du crime des substances se prêtant à l'analyse génétique. Par conséquent, il a été prévu que le juge puisse également ordonner le prélèvement d'échantillons de substances corporelles dans ce deuxième genre de cas.
Donc, le prélèvement d'échantillons en vue de l'établissement de profils d'identification génétique destinés à la banque de données a une double justification: la gravité de l'infraction et la probabilité que des substances corporelles soient trouvées sur le lieu du crime.
Comme vous le savez, le prélèvement d'échantillons de substances corporelles pour analyse génétique et le dépôt des résultats dans une banque de données soulèvent des problèmes éthiques et juridiques complexes. Les dispositions que nous proposons sont sans précédent dans le système canadien de justice pénale. Il importe donc que nous trouvions une juste mesure et que nous faisions preuve de prudence. Un examen approfondi de tous les aspects de la banque de données projetée s'impose donc à l'étape présente. C'est pour cela que le projet a été renvoyé au comité avant la deuxième lecture.
Je voudrais maintenant évoquer brièvement le processus de consultation dont le projet de loi C-3 est l'aboutissement, avant de passer à quelques questions clés.
En 1996, le gouvernement fédéral a mené une vaste consultation au sujet de la création d'une banque nationale de données génétiques. Des séances se sont tenues dans tout le pays et plus de 70 intervenants ont fait parvenir leurs observations par écrit.
Les résultats de la consultation ont été résumés dans un rapport rendu public il y a un an. Ce processus a été riche d'enseignement et a permis de constater que le projet recueillait un appui solide.
• 1535
Depuis le dépôt du projet de loi C-3, plusieurs provinces ont
manifesté leur soutien à l'égard de celui-ci, dont elles ont loué
le caractère équilibré et pragmatique. Toutefois, un certain nombre
de groupes ont souligné la nécessité d'assurer comme il se doit le
respect de la vie privée et d'autres principes. Permettez-moi
d'aborder, l'une après l'autre, les quatre grandes questions que je
vous ai mentionnées plus tôt.
La première, soulevée par certains groupes, concerne le moment auquel seront prélevés les échantillons de substances corporelles. Le projet de loi C-3 prévoit que cela se fera après qu'un délinquant aura été déclaré coupable. Cependant, certains estiment que les échantillons devraient, comme les empreintes digitales, être pris au moment de l'arrestation. Les opinions sont partagées sur ce point, et bien arrêtées d'un côté comme de l'autre, nous le savons.
Nous sommes quant à nous d'avis que l'approche adoptée dans le projet de loi est solide. Prélever de tels échantillons après qu'un délinquant a été reconnu coupable d'une infraction désignée permet de concilier le souci de la sécurité de tous les Canadiens et la nécessité de respecter les droits garantis par la Charte canadienne des droits et libertés. Nous ne pouvons ne pas tenir compte du fait que l'accusé a le droit d'être présumé innocent et d'être protégé contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives.
Après avoir soigneusement étudié les décisions récemment rendues par la Cour suprême, le ministère de la Justice nous a informés que les tribunaux ne considéraient pas le prélèvement d'échantillons de substances corporelles pour analyse génétique de la même manière que la prise d'empreintes digitales. Celle-ci n'a pas la même incidence quant à la vie privée. En fait, le principe du respect de la vie privée a été affirmé et inscrit dans la loi lorsque les dispositions permettant le prélèvement d'échantillons de substances corporelles en vertu d'un mandat ont été adoptées en 1995.
Le comité souhaitera peut-être interroger les représentants du ministère de la Justice sur ces questions juridiques lorsqu'ils comparaîtront devant lui. Comme vous le savez, la pratique instituée par la loi de 1995 est maintenant bien établie. Elle s'est révélée efficace et elle a résisté aux contestations fondées sur la Constitution. Les policiers ont souvent recours aux dispositions qui leur permettent de prélever des échantillons de substances corporelles pour analyse génétique, au cours d'une enquête lorsqu'il existe des motifs raisonnables de croire qu'une infraction désignée a été perpétrée. Autrement dit, les dispositions actuellement en vigueur permettent déjà de prélever des échantillons au moment de l'arrestation si un juge l'estime justifié.
Les avis sont également partagés sur une deuxième question, à savoir qui doit prélever les échantillons. Certains estiment que ce rôle revient à des policiers ayant reçu une formation appropriée, tandis que d'autres pensent que des professionnels de la santé seraient mieux placés pour le faire. Afin de laisser autant de latitude que possible à cet égard, le projet de loi C-3 prévoit que les échantillons seront prélevés par un agent de la paix ou une autre personne agissant sous l'autorité d'un agent de la paix. Il précise aussi que la personne procédant au prélèvement doit en être capable du fait de sa formation ou de son expérience.
Ces exigences sont conformes à celles que la loi de 1995 a inscrites dans le Code criminel. Je voudrais souligner que ces dispositions ont été conçues de façon à laisser un choix aux provinces, à qui il reviendra de déterminer qui sera chargé d'effectuer les prélèvements.
La troisième question qui suscite des inquiétudes est celle de la conservation des échantillons eux-mêmes. Les policiers et les scientifiques nous ont présenté des arguments solides à l'appui de la conservation des échantillons de substances corporelles. La technologie de l'analyse génétique évolue rapidement. Les experts nous ont dit que les profils d'identification génétique établis aujourd'hui risquent fort de devenir inutilisables dans l'avenir. Si les échantillons sont conservés, on pourra les soumettre à de nouvelles analyses, selon la nouvelle technologie, ce qui permettra à la banque de données génétiques du Canada de rester à la pointe du progrès.
Le dernier sujet de préoccupation est celui de l'accès à la banque de données. Les dispositions sur la communication de renseignements actuellement en vigueur dans le système de justice pénale assurent déjà la protection du droit à la vie privée. Une protection supplémentaire est prévue en ce qui concerne la banque de données génétiques. Ceux qui auront besoin de savoir si un certain profil d'identification génétique est déjà enregistré dans la banque recevront uniquement les renseignements ayant trait à ce profil, et non le profil lui-même.
Le projet de loi limite strictement l'accès à la banque de données. Il interdit toute utilisation de l'information contenue dans la banque autrement qu'aux fins prévues et il réserve l'accès à cette information aux personnes assurant directement le fonctionnement et l'entretien de la banque. Il est bien précisé que les substances corporelles prélevées ne peuvent être utilisées à rien d'autre qu'une analyse génétique à des fins médicolégales.
Le projet de loi prévoit des peines bien définies en cas d'infraction à ces dispositions. Une utilisation interdite de l'information contenue dans la banque de données est punissable d'un emprisonnement d'une durée maximale de deux ans moins un jour.
Monsieur le président, vous savez sans doute que les discussions se poursuivent entre le gouvernement fédéral et les provinces pour ce qui est du financement de la banque. Le processus de consultation mené par notre gouvernement et le dialogue que nous avons ensuite engagé avec nos collègues des provinces ont eu pour objet, entre autres, de déterminer la possibilité de contributions financières. J'espère bien que ces discussions déboucheront prochainement sur une solution acceptable pour toutes les parties.
Je voudrais souligner que depuis son introduction dans notre système de justice pénale, l'analyse génétique s'est révélée précieuse pour la police et pour les tribunaux. Cependant, afin de situer la banque de données dans son véritable contexte, il me semble important de rappeler qu'elle ne constituera qu'une des armes mises à la disposition des policiers pour mener leurs enquêtes, et non pas la solution universelle en matière d'application de la loi.
• 1540
Ce contexte inclut les préoccupations de ceux qui n'appuient
pas entièrement l'initiative ou certains aspects de celle-ci. Il
s'agit, par exemple, de ceux qui estiment que les ressources
destinées à la banque de données génétiques seraient mieux
employées si on les consacrait à des programmes de lutte contre la
violence familiale ou à des refuges pour femmes battues.
Je reconnais l'importance d'un effort financier dans ces domaines. Les gouvernements et la société en général doivent intensifier leur lutte contre la violence familiale et la violence faite aux femmes. Mais il est en même temps clair, à mes yeux, qu'une banque nationale de données génétiques aidera à mieux assurer la sécurité de tous les Canadiens. Elle mettra à la disposition des policiers, dans leurs enquêtes sur les crimes les plus violents et les plus dévastateurs, un outil essentiel.
En conclusion, monsieur le président, je voudrais rappeler que voilà bientôt dix ans que l'analyse génétique à des fins médicolégales est en usage dans notre système de justice. Au cours de ces années, elle a révélé son efficacité, tant pour faire condamner des auteurs de crimes que pour faire remettre en liberté des personnes accusées ou condamnées à tort. Étant donné que vous avez décidé d'examiner les dispositions législatives sur le prélèvement de substances corporelles à des fins médicolégales, l'ancien projet de loi C-104, en même temps que le projet de loi C-3, certains témoins vous présenteront leurs points de vue sur la première phase de la stratégie en matière d'analyse génétique.
Ma collègue, la ministre McLelland, et ses collaborateurs vous parleront des dispositions du projet de loi C-104 et pourront expliquer les effets que cette législation a eus depuis son adoption en 1995, appuyée par tous les partis.
L'adoption du projet de loi C-3 fera entrer le Canada dans le petit groupe de pays qui se sont dotés d'une banque nationale de données génétiques. Celle-ci constituera un précieux instrument d'enquête qui contribuera à protéger les Canadiens de la menace que représentent les criminels violents récidivistes. On ne peut pour autant se dissimuler que le recours à l'analyse génétique dans les enquêtes criminelles pose des problèmes juridiques et éthiques complexes. Vu le caractère novateur des dispositions proposées par rapport au système canadien de justice pénale, et les opinions bien tranchées qui s'expriment quant à la façon dont devrait fonctionner une telle banque de données, de nombreux aspects du projet demandent un examen approfondi.
Personnellement, j'estime très important que les Canadiens aient la possibilité de faire part de leurs vues et participent au processus du gouvernement. Et il est important que les mesures proposées permettent de concilier le recours à un instrument d'enquête efficace et le respect des droits garantis par la Charte à tous les citoyens.
Je vous remercie, monsieur le président.
Le vice-président (M. John Maloney): Merci, monsieur le ministre.
Monsieur Ramsay, nous aurons des interventions de sept minutes. Monsieur Thompson, si vous voulez bien commencer.
M. Myron Thompson (Wild Rose, Réf.): Sept minutes. C'est beaucoup moins qu'avant. Auparavant, on nous accordait 10 minutes. Je vous remercie, monsieur le président.
Mme Eleni Bakopanos (Ahunstic, Lib.): Nous sommes plus nombreux maintenant.
M. Myron Thompson: Je tiens à vous remercier, monsieur le ministre, d'être venu ici aujourd'hui présenter votre proposition en vertu du projet de loi C-3.
Il y a une chose que j'aimerais préciser dès le départ. Depuis quatre ans que je suis ici—et j'ai fait partie de différents comités, dont celui-ci—j'ai eu l'occasion de constater bien des fois qu'un projet de loi qui arrive ici fait l'objet d'instructions comme quoi il doit en ressortir tel quel, sans amendement ou changement. Ce sont les instructions que nous avons reçues. Je sais que cela est déjà arrivé. Je sais que nous le savons tous.
Le ministre a déclaré publiquement qu'il accueillerait avec plaisir des propositions permettant d'améliorer le projet de loi. Dans la pratique, nous savons que cela ne se passe pas toujours ainsi. Donc ma question, pour l'information de tous les députés libéraux et le reste d'entre nous ici présents, est simplement celle-ci. Les améliorations au projet de loi que nous allons proposer seront-elles prises au sérieux par le ministre?
M. Andy Scott: Je débute dans ce travail, monsieur Thompson, mais personne ne m'a dit que j'étais censé donner des instructions à qui que ce soit pour faire quoi que ce soit. En fait, comme je l'ai dit, je pense, dans ma déclaration préliminaire, je suis convaincu de la capacité du Canada de se gouverner, et cela inclut tous les Canadiens. Je pense que ces Canadiens sont représentés ici par les députés.
J'ai passé quatre ans à faire ce que vous faites et je l'ai fait très sérieusement. Je prends ce processus très au sérieux, je prends votre travail très au sérieux et je me fais un plaisir d'entendre ce que vous avez à dire.
M. Myron Thompson: Je vous remercie de cet engagement. Je vous en suis très reconnaissant. Je sais que nous pouvons nous attendre à de très bonnes discussions et à de très bonnes propositions que vous prendrez en considération, comme vous l'avez dit.
Je vous suis reconnaissant d'avoir présenté un tel projet de loi. Il est d'une importance capitale. Je pense qu'il s'agit d'une mesure essentielle, comme l'a d'ailleurs déclaré la police à maintes reprises.
• 1545
Il y a plusieurs aspects mineurs du projet de loi sur lesquels
je m'interroge et je vais y venir. Mais l'aspect qui me dérange le
plus—et vous avez d'ailleurs indiqué que les opinions sont
tranchées à ce sujet dans un sens ou dans l'autre—, je n'arrive
pas à comprendre pourquoi on ne peut pas prélever d'échantillons au
moment de l'arrestation. C'est la grande question. J'hésite à
appuyer ce projet de loi à cause de ce seul aspect. Si vous pouviez
faire en sorte qu'il soit modifié, je n'insisterais peut-être pas
pour faire modifier certains autres aspects.
J'aimerais savoir si c'est une question de coût ou si c'est à cause du risque de contestation du projet de loi en vertu de la Charte?
M. Andy Scott: En fait, des échantillons peuvent être prélevés au moment de l'arrestation. Il faut simplement établir auprès du tribunal l'existence d'un motif raisonnable de le faire. Par conséquent, comme vous vous dites prêt à appuyer le projet de loi s'il permet de prélever des échantillons au moment de l'arrestation, je me réjouis de votre appui.
M. Myron Thompson: Monsieur le ministre, faut-il obtenir la permission du tribunal pour prendre des empreintes digitales au moment de l'arrestation?
M. Andy Scott: Je crois que l'on a discuté assez à fond de cette question. Ici encore, en ce qui concerne ce genre de dialogue, je tiens à assurer au député que nous sommes en train d'approfondir la question. Ce genre de discussion peut donner l'impression qu'on cherche à se défendre mais le fait est que les tribunaux se sont prononcés à maintes reprises sur la question. Il me semble qu'il existe des différences distinctes entre le prélèvement d'empreintes digitales et ce qu'elles révèlent et le prélèvement d'empreintes génétiques.
M. Myron Thompson: Laissez-moi vous poser la question une autre fois. Si ce n'est pas une question de coût, ce doit être alors à cause du risque de contestation en vertu de la Charte. Est-ce le cas?
M. Andy Scott: Mais cela suppose que nous ne voulons pas refléter les mêmes valeurs que celles inscrites dans la Charte. Autrement dit, il ne faudrait pas considérer que la seule raison pour laquelle le gouvernement agit comme il le fait, c'est par crainte que ses décisions soient déclarées anticonstitutionnelles. Il est fort possible que le gouvernement considère que le prélèvement d'empreintes génétiques au moment de l'arrestation constituerait en fait une intrusion inacceptable aux yeux des Canadiens. Et le fait que la Charte reflète la même chose semble correspondre au débat en cours en matière de politique publique.
M. Myron Thompson: Mais vous êtes en train de dire que cela est inacceptable pour qui? Vous ne me donnez pas la vraie raison pour laquelle on ne peut pas le faire au moment de l'arrestation.
M. Andy Scott: Je pense que, pour bien des Canadiens et pour les tribunaux, le prélèvement d'empreintes génétiques est considéré comme une mesure plus intrusive que le prélèvement d'empreintes digitales, ce qui est fondamentalement votre question. J'ai eu d'ailleurs l'occasion de le constater personnellement lorsque je me suis rendu dans les différentes régions du pays pour examiner la question de la protection de la vie privée et de la technologie lors de la dernière législature, et cet aspect a fait l'objet de nombreux débats. Donc, je ne crois pas que ce soit nécessairement par crainte d'une contestation devant les tribunaux mais plutôt parce que les gens se rendent compte qu'il faut trouver un juste équilibre entre l'application de la loi d'une part et le respect de la vie privée et la présomption d'innocence d'autre part.
M. Myron Thompson: Donc vous partez du principe que c'est la conviction de tout le monde. Cela ne s'appuie pas sur une analyse juridique indiquant l'existence de motifs juridiques qui interdisent ce genre de choses?
M. Andy Scott: Non. Nous recevons des conseils, comme cela est l'usage lorsque nous préparons des lois, quant à la conformité avec la Charte et ainsi de suite. Là où je veux en venir, c'est que le fait que le gouvernement rédige des lois conformes à la Charte ne signifie pas qu'il n'agirait pas ainsi de toutes façons.
M. Myron Thompson: Pourrait-on nous fournir les décisions juridiques prises à cet égard pour nous permettre de les analyser et de déterminer comment vous êtes arrivés à cette décision?
M. Andy Scott: En fait, je crois comprendre que les représentants du ministère de la Justice comparaîtront devant vous pour aborder ces aspects en particulier, ce qui devrait réjouir tout le monde. Cela me semble un moyen approprié d'approfondir ces aspects du débat.
Le vice-président (M. John Maloney): Dernière question, monsieur Thompson.
M. Myron Thompson: Ma dernière question? Eh bien, je vais essayer de faire en sorte qu'elle soit bonne.
Comme à l'heure actuelle la loi permet de soumettre les détenus en libération conditionnelle, par exemple, au moment de leur départ, à un test d'ivressomètre et à un prélèvement d'échantillon d'urine—c'est obligatoire—pourquoi ce projet de loi restreint-il le prélèvement d'empreintes génétiques aux contrevenants dangereux et aux violeurs récidivistes? Pourquoi cela ne s'applique-t-il pas à l'ensemble des détenus en libération conditionnelle?
M. Andy Scott: Je pense que c'est une question d'établir la probabilité de récidive. Les autorités n'accordent pas la libération conditionnelle si elles estiment que le détenu est susceptible de récidiver. Donc, c'est entre autres en fonction du risque de récidive que l'on demande à ces gens de se soumettre à un test d'empreintes génétiques. Et par définition, s'ils sont en libération conditionnelle, c'est parce que le système a jugé qu'il est peu probable qu'ils récidivent.
M. Myron Thompson: C'est une hypothèse contestable.
Le vice-président (M. John Maloney): Monsieur Marceau.
[Français]
M. Richard Marceau (Charlesbourg, BQ): Merci d'être ici aujourd'hui. Cela me fait plaisir de vous revoir cette année.
Monsieur le ministre, on a en général les mêmes préoccupations que vous, mais malheureusement, on n'a pas toujours les mêmes solutions. J'ai cinq points à énumérer.
Ma première question a trait à la prise de l'échantillon. Dans votre exposé, vous parliez en anglais de flexibility et en français de «latitude». J'aimerais savoir en quoi la prise de l'échantillon par un professionnel de la santé, que ce soit une infirmière ou un médecin, enlèverait de la flexibilité ou de la latitude aux forces de l'ordre.
Vous dites, et je crois que c'est ce qui sous-tend l'ensemble de votre projet de loi, qu'on touche ici à une question d'équilibre entre le droit à la protection de la vie privée et la lutte contre le crime. Pour minimiser l'ingérence corporelle possible pour une personne, pourquoi ne pas laisser au délinquant le choix de la méthode de prélèvement, celle par laquelle il se sentirait le moins touché? Ne pourrait-on pas lui donner ce choix?
J'ai bien écouté, mais je ne comprends toujours pas pourquoi on garde les échantillons eux-mêmes. Une fois qu'on a l'information, une fois qu'on a sorti de l'ADN les informations génétiques nécessaires, pourquoi garder les échantillons corporels? Pourquoi laisser à d'autres la possibilité d'utiliser plus tard ces échantillons à d'autres fins? Vous savez aussi bien que moi, car vous êtes aussi avocat, qu'on peut changer une loi et qu'on pourrait adopter demain matin une autre loi qui ferait que les échantillons pourraient être utilisés pour d'autres tests.
Le projet de loi donne la possibilité de communiquer l'information à un État étranger ou à une organisation internationale. Qu'est-ce qui nous garantit qu'une fois qu'on aura transmis cette information, cet État étranger ou cette organisation internationale respectera les balises que nous, parlementaires canadiens, nous sommes données en ce qui a trait à la protection à la vie privée? Existe-t-il des ententes avec des États ou des organisations qui, comme le projet de loi en donne la possibilité, garantiraient la destruction des échantillons? Qu'est-ce qui nous garantirait que la même chose pourra être faite ailleurs, une fois qu'on aura transmis l'information?
Finalement, en ce qui a trait à l'accès à la banque ou au laboratoire, toujours dans le but d'assurer la protection à la vie privée, serait-il possible de consulter le commissaire à la vie privée afin de mettre des balises un petit peu plus strictes?
Voilà les cinq questions que j'avais à vous poser. Il me fera plaisir d'entendre vos réponses.
[Traduction]
M. Andy Scott: Je vais essayer de répondre à chacun de vos points, dans l'ordre.
Tout d'abord, parlons du concept de latitude qui serait prévu dans le projet de loi et du fait que ce soit les professionnels de la santé ou les forces de l'ordre qui seraient chargés du prélèvement des échantillons; nous avons décidé d'une norme minimale de formation obligatoire si bien qu'un plus grand nombre de personnes seraient en mesure de procéder à ces prélèvements, offrant ainsi une certaine latitude. Nous laissons aux provinces le soin de perfectionner ce système.
• 1555
Vous demandez pourquoi les échantillons sont conservés et non
pas seulement les profils; c'est simplement parce que la science et
la technologie dont nous parlons progressent. Par conséquent, nous
avons voulu nous assurer qu'une fois le prélèvement effectué et,
compte tenu de l'évolution de la technologie, nous pouvions
procéder à une autre analyse au cas où les progrès techniques le
justifieraient.
En ce qui concerne les États étrangers, on m'a donné l'assurance que nous n'allons pas donner ces renseignements à un pays n'offrant pas la même protection que celle qui a cours dans notre État souverain.
Pour ce qui est du commissaire à la vie privée, je demandais s'il avait comparu la dernière fois; je ne le pense pas; j'imagine que la sélection des personnes souhaitant comparaître à titre d'experts se fait à la discrétion du comité.
[Français]
M. Richard Marceau: Le commissaire à la vie privée pourrait-il être consulté avant qu'on donne à quiconque l'accès à la banque d'échantillons?
[Traduction]
M. Andy Scott: Comme je l'ai dit, il me semble que le comité a le pouvoir de choisir les témoins qu'il souhaite entendre.
[Français]
M. Richard Marceau: Ce n'est pas tout à fait cela. Le commissaire a le pouvoir discrétionnaire de permettre à Andy Scott, par exemple, l'accès au laboratoire. Serait-il possible, avant qu'il ne permette à Andy Scott, à Richard Marceau, à Peter Mancini ou à n'importe qui d'autre d'avoir accès au laboratoire, que ce commissaire soit tenu de consulter le commissaire à la vie privée, afin que ce ne soit pas n'importe qui puisse y avoir accès à la discrétion du commissaire responsable de ces banques?
[Traduction]
M. Andy Scott: Je vais m'assurer d'en discuter avec le commissaire à la vie privé.
[Français]
M. Richard Marceau: Il y a une question à laquelle vous n'avez pas répondu. Elle a trait à la possibilité pour le délinquant de choisir la méthode de prélèvement. Il pourrait choisir de donner un échantillon de sang, de cheveu ou de liquide corporel, peu importe lequel. Ne pourrait-on pas laisser au délinquant le choix de la méthode de prélèvement?
[Traduction]
M. Andy Scott: On me dit que M. Gaudette pourrait répondre à cette question.
M. Barry Gaudette (expert scientifique, Laboratoire judiciaire central d'Ottawa, Gendarmerie royale du Canada): Si le projet de loi C-104 permettait trois types d'échantillons, c'était pour offrir un choix. Toutefois, du point de vue des laboratoires, c'est l'échantillon de sang que l'on préfère, car il est plus facile à analyser et permet d'obtenir les meilleurs résultats possibles.
L'échantillon de cheveux et l'échantillon prélevé par écouvillon—à l'intérieur de la joue—étaient prévus comme échantillons de secours en quelque sorte ou pour permettre à la personne... Nous comprenons que pour des raisons de religion ou en cas d'hémophilie—ce genre de choses—certains pourraient ne pas vouloir donner d'échantillon de sang. Je crois que la loi prévoit une certaine forme de choix.
[Français]
M. Richard Marceau: Le choix par l'individu ou par le policier, par celui qui prend l'échantillon?
[Traduction]
M. Barry Gaudette: Je crois que le choix se fait en consultation entre les deux. Je pense que c'est la police qui prend la décision, mais je vais demander à M. Dubrule ou à l'un des représentants juridiques de le préciser.
En général, je pense que cela se fait en consultation et que la police tiendrait probablement compte des préoccupations de l'accusé.
[Français]
M. Richard Marceau: Je suis tout à fait satisfait, mais on aura l'occasion d'y revenir, monsieur le président.
[Traduction]
Le vice-président (M. John Maloney): Merci.
Monsieur Mancini.
M. Peter Mancini (Sydney—Victoria, NPD): Monsieur le ministre, merci d'être venu aujourd'hui. Vous êtes novice—vous avez dit que vous êtes nouveau au ministère—j'en déduis donc que vous allez nous écouter.
Je fais partie de ceux qui seraient très contrariés si les échantillons étaient prélevés au moment de l'arrestation et non au moment de la déclaration de culpabilité. Alors que je reconnais l'importance d'un tel outil pour la police, il me semble qu'il faut aussi protéger de très près les libertés civiles des Canadiens.
• 1600
Je suis l'un des avocats qui a prétendu qu'il ne fallait pas
prendre les empreintes digitales au moment de l'arrestation. Cela
m'amène à la question que je souhaite poser.
Selon certaines parties de cet article, tout renseignement doit être inaccessible au moment d'un acquittement, d'une absolution sous conditions ou d'une absolution inconditionnelle. Une fois la personne acquittée—notamment en ce qui concerne l'acquittement par opposition aux absolutions—pourquoi ne détruirait-on pas les renseignements?
Je veux parler de l'article 9. Peut-être y a-t-il quelque chose que je n'ai pas vu, mais...
M. Andy Scott: Cela sera détruit.
M. Peter Mancini: Les renseignements, le fichier lui-même, rien ne sera conservé?
M. Andy Scott: C'est cela, l'échantillon serait détruit.
M. Peter Mancini: C'est entendu, l'échantillon serait détruit; est-ce que les renseignements relatifs à l'échantillon seraient également détruits?
M. Andy Scott: Oui.
M. Peter Mancini: Très bien, c'était mon premier sujet de préoccupation.
Le deuxième est relatif au traitement des échantillons; cette loi prévoit sans aucun doute que la GRC et le gouvernement ont un rôle à jouer à cet égard; cependant, nous ne savons pas ce qui peut finir par arriver; je pense en particulier à d'éventuelles privatisations.
Pourrait-on inclure dans le préambule de la loi, là où il est question des protections, des renseignements personnels...? Pour éviter les conséquences d'une sous-traitance éventuelle, ne serait-il pas possible d'inscrire dans la partie des principes qu'il revient au gouvernement de prélever et d'assurer le traitement des échantillons génétiques?
Jamais nous n'aurions pensé que dans notre pays certains services seraient donnés en sous-traitance ou privatisés et c'est pourtant ce qui est arrivé, pour diverses raisons dont on peut débattre. Comment alors nous assurer qu'en vertu de cette loi ce rôle restera celui du gouvernement et qu'aucun service ne sera privatisé et avons-nous pensé à prendre une telle précaution?
M. Andy Scott: Vos points de vue seront certainement pris en compte. Il me semble tout à fait inconcevable que ces services soient jamais privatisés, mais je vois ce que vous voulez dire.
M. Peter Mancini: On pourrait donc indiquer dans le préambule que c'est le rôle et la responsabilité du gouvernement?
M. Andy Scott: À moins qu'il n'y ait déjà des dispositions—aucune ne me vient à l'esprit pour l'instant—qui nous en empêcheraient.
M. Peter Mancini: J'en arrive à ma deuxième question: Comment avons-nous décidé de la peine prévue en cas d'infraction de la loi? Autant que je sache, il s'agit d'une peine de deux ans moins un jour pour quiconque contrevient aux articles de la loi.
Compte tenu de l'importance des renseignements que nous aurons entreposés, comment en est-on arrivé à cette décision? Pourquoi n'avons-nous pas envisagé cinq ans, par exemple, ou dix ans?
M. Andy Scott: J'imagine qu'il n'y a pas de secret ni de réponse magique. Nous avons eu beaucoup de discussions à ce sujet et reçu beaucoup de suggestions de diverses sources, comme cela l'a déjà été dit. Collectivement, on a jugé qu'une peine de deux ans moins un jour serait pertinente.
M. Peter Mancini: Vous seriez donc prêt à augmenter la peine?
M. Andy Scott: Comme je le dis, je suis ouvert à toutes les suggestions qui me seront faites aujourd'hui. J'imagine que l'on pourrait faire une comparaison des peines prévues pour d'autres infractions du même genre, etc.
M. Peter Mancini: J'ai une dernière question. Corrigez-moi si je me trompe, mais la loi prévoit le prélèvement d'échantillons génétiques sur les lieux du crime. Si l'échantillon génétique prélevé sur les lieux du crime ne correspond pas aux empreintes génétiques de la victime ou de l'accusé, est-il prévu de détruire les autres échantillons?
Il pourrait fort bien s'agir de substances corporelles d'autres personnes—autres que la victime, autres que l'accusé—qui se trouvent sur les lieux du crime et qui n'ont absolument rien à voir avec l'infraction en question.
D'après mon interprétation de la loi, ces échantillons doivent être prélevés et testés afin d'en déterminer la provenance. Il faudrait certainement prévoir leur destruction subséquente dans la mesure où ils ne sont pas utiles. Y a-t-on pensé?
M. Barry Gaudette: Les échantillons prélevés sur les lieux du crime et qui ne sont pas identifiés seraient alors versés dans le fichier de criminalistique de manière qu'ils puissent... En supposant bien sûr qu'aucun rapprochement n'est possible. Le crime ne serait alors pas élucidé.
Les échantillons seraient versés dans le fichier de criminalistique et pourraient servir à établir des comparaisons avec d'autres suspects ou d'autres lieux de crime, révélant ainsi qu'il existe un lien entre les deux lieux de crime et que le contrevenant en question est un contrevenant en série.
M. Peter Mancini: J'aimerais vous donner un exemple. Imaginons que je prends le thé avec une personne et que deux jours plus tard, elle soit victime d'un crime; si j'ai laissé des échantillons de mes cheveux ou d'autres choses, mes empreintes génétiques seraient alors... elles seraient versées dans un fichier. Elles ne seraient pas rattachées à moi, puisque bien sûr vous ne sauriez pas qui je suis, mais elles resteraient dans la banque de données.
M. Barry Gaudette: Oui, parce que d'après nous, cela aurait un rapport avec le crime. Il est fort probable que la police demanderait à quiconque se trouvant dans une telle situation hypothétique de donner volontairement un échantillon de manière à pouvoir l'éliminer de la liste des suspects. Dans ces conditions, si l'on arrivait à établir une correspondance, il ne s'agirait plus d'un crime non élucidé et l'échantillon serait alors détruit.
M. Peter Mancini: En cas de déclaration de culpabilité à l'égard d'un tiers, êtes-vous en train de me dire que mon échantillon et les renseignements seraient détruits?
M. Barry Gaudette: C'est exact.
M. Peter Mancini: Je n'ai plus de questions.
Le vice-président (M. John Maloney): Merci.
Monsieur Discepola, je vais vous céder la parole en premier lieu, ce sera ensuite le tour d'Eleni Bakopanos et enfin, celui de M. Lee.
M. Nick Discepola (Vaudreuil—Soulanges, Lib.): Je passe mon tour, monsieur le président, par solidarité.
Le vice-président (M. John Maloney): Monsieur Lee, allez-y.
M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.): Je cède la parole à l'autre secrétaire parlementaire.
Le vice-président (M. John Maloney): Elle vous laisse la place, monsieur Lee.
Mme Eleni Bakopanos: Nous vous cédons la parole pour le moment, Derek. Allez-y.
Le vice-président (M. John Maloney): Vous avez la parole, monsieur Lee.
M. Derek Lee: D'accord. J'ai deux questions à poser au ministre.
J'aimerais que le ministre nous indique comment seront établis les profils d'identification génétique qui vont être versés dans ce que l'on appelle le fichier des condamnés. Comment seront-ils établis?
M. Andy Scott: Monsieur Gaudette.
M. Barry Gaudette: Vous demandez comment seront établis les profils du fichier des condamnés?
M. Derek Lee: Oui, le fichier des condamnés.
M. Barry Gaudette: Il s'agira des profils de ceux qui sont déclarés coupables des crimes qualifiés d'infractions désignées dans le projet de loi ainsi que des profils de ceux figurant sur la liste des infractions secondaires, en cas d'autorisation judiciaire. Ce seront les profils de contrevenants connus qui ont été déclarés coupables.
M. Derek Lee: Il s'agira donc uniquement de ceux qui ont été déclarés coupables ou absous d'une infraction désignée?
M. Barry Gaudette: C'est exact.
M. Derek Lee: Il n'y aura pas d'autre point d'entrée?
M. Barry Gaudette: Non.
M. Derek Lee: Comment seront établis les profils du fichier de criminalistique?
M. Barry Gaudette: Ce seront les profils établis à partir de ce que l'on aura trouvé sur les lieux du crime. Il pourrait s'agir d'un élément matériel découvert sur les lieux du crime, sur une victime, à l'intérieur de son corps ou près d'elle. Il y a toute une liste.
Tout serait lié à un crime et non pas à une personne en particulier à ce moment-là.
M. Derek Lee: Les profils n'auraient absolument aucun rapport avec une personne identifiable? Ils ne porteraient aucun nom?
M. Barry Gaudette: C'est exact.
M. Derek Lee: J'aimerais poser une question hypothétique. Qu'arriverait-il si le Parlement et le gouvernement avaient l'intelligence de...? Je sais que ma question est hypothétique, mais qu'arriverait-il si l'on décidait qu'à partir de maintenant, l'identification ne se ferait plus au moyen des empreintes digitales? On ne les prélèverait plus; ce serait démodé et rétrograde en ce qui a trait à l'identification des criminels ou à l'analyse judiciaire et on ne s'en servirait plus. Se rabattrait-on alors simplement sur les empreintes génétiques?
Je pense qu'il faudrait choisir un moyen d'identification; imaginons que l'on choisirait l'identification par les empreintes génétiques. Je comprends que c'est hypothétique, mais pensez-vous que cela soit éventuellement possible?
M. Andy Scott: Tout d'abord, il est clair que ces deux outils d'application de la loi sont complémentaires et non concurrentiels.
J'imagine que, compte tenu de l'équilibre recherché entre le désir des Canadiens de donner aux organismes chargés de l'application de la loi tous les outils disponibles et la volonté de fonctionner de la façon la moins importune possible, il semble que chacune des deux méthodes a son importance.
• 1610
Bien sûr, les empreintes digitales permettent
l'identification, et rien de plus, tandis que les empreintes
génétiques donnent beaucoup plus de renseignements. Par conséquent,
tout semble indiquer qu'il y a place pour les deux méthodes.
M. Derek Lee: D'après moi, le prélèvement d'empreintes digitales est moins importun, mais il est superflu et inutile si on procède parallèlement au prélèvement d'empreintes génétiques à des fins d'identification.
Si nous changeons de tactique à l'avenir—cela pourrait fort bien arriver—le système que vous proposez, soit la banque de données, ne permet pas d'avoir recours aux empreintes génétiques pour identifier ceux qui sont accusés d'infractions et qui ne sont pas encore déclarés coupables. Bien sûr, la police utilise déjà largement ce système d'identification dans le cas des personnes accusées. Cela fait maintenant partie du programme.
Croyez-vous que ce que vous proposez actuellement pourrait permettre de passer à un nouveau système dépendant entièrement des empreintes génétiques en matière d'identification?
M. Andy Scott: Franchement, il me semble que vous partez du principe que nous ne prélèverons plus les empreintes digitales. Je ne me demande pas si cela peut arriver ou non car, d'après moi, il s'agit d'outils complémentaires.
Je comprends votre prémisse; au cas où l'on n'aurait plus accès aux empreintes digitales, et du fait que l'on ne prélèverait pas d'échantillons génétiques au moment de l'arrestation, ce groupe de personnes passerait entre les mailles du filet. Toutefois, je dois vous rappeler qu'avec un mandat, il est bien sûr possible de prélever un échantillon génétique avant toute déclaration de culpabilité. Par conséquent, je ne peux tout simplement pas accepter la prémisse selon laquelle il faudrait en quelque sorte envisager d'abolir le recours aux empreintes digitales.
M. Derek Lee: On n'a donc pas parer à ce genre d'éventualité dans le contexte de la banque de données?
M. Andy Scott: Non.
Je crois que Barry aimerait prendre la parole quelques instants si...
M. Barry Gaudette: Je voulais simplement souligner le fait que, comme l'a dit le ministre, les empreintes digitales et les empreintes génétiques sont complémentaires. On tend le plus souvent à trouver des empreintes digitales dans le cas d'infractions contre les biens, et des empreintes génétiques dans le cas de crimes de violence contre la personne.
L'expérience de la Grande-Bretagne—pays qui a la plus vaste expérience en matière de banques de données génétiques—montre que les deux méthodes d'identification vont de pair. On a découvert dans ce pays que dans le cas de crimes non élucidés, il est possible de tomber sur une série de cambriolages que l'on peut lier les uns aux autres grâce aux empreintes digitales. Il peut aussi arriver que lors d'un cambriolage, le cambrioleur se coupe, ce qui permet de lier une autre série de crimes entre eux grâce aux empreintes génétiques.
Le recours à ces deux méthodes permet d'élucider beaucoup plus de crimes qui ont des liens entre eux; ces deux méthodes fonctionnent donc très bien ensemble.
M. Derek Lee: Dans ce cas-là, les empreintes digitales ne sont absolument pas superflues.
M. Barry Gaudette: Effectivement. Il s'agit d'un outil supplémentaire...
M. Derek Lee: Merci.
Merci, monsieur le président.
Le vice-président (M. John Maloney): Monsieur Ramsay, vous avez cinq minutes.
M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Merci.
Monsieur le ministre, merci d'être venu. Je commencerais en disant que, selon certains rapports, la technologie est arrivée à un point où des pays—comme la Nouvelle-Zélande, apparemment—peuvent prélever des échantillons génétiques de la même façon que des empreintes digitales, réduisant ainsi la nature importune de la prise d'échantillons génétiques, sans pour autant en modifier les résultats.
Je tiens à le souligner. J'espère que nous pourrons obtenir plus de renseignements là-dessus avant que notre examen ne soit terminé.
Ma question est la suivante: le projet de loi prévoit le prélèvement d'échantillons de substances corporelles d'une personne qui a uniquement été déclarée coupable de plusieurs infractions sexuelles ou qui a été désignée délinquant dangereux. C'est ce que propose l'article 487.055.
Si mon interprétation est bonne, est-ce que votre ministère est disposé à modifier cet article parce qu'il est évident que, en vertu de cette loi, les personnes comme Clifford Olson ne pourraient être soumises à une analyse génétique?
M. Andy Scott: D'abord, si j'ai bien compris la première partie de votre question, je pense que votre interprétation est fausse. D'après la définition des infractions primaires et secondaires, toutes les personnes reconnues coupables d'une infraction primaire seraient automatiquement soumises, dès leur condamnation, à une analyse génétique dont les résultats seront déposés dans la banque de données.
M. Jack Ramsay: Eh bien, permettez-moi de vous lire l'article en question. Voici ce qu'il dit:
-
487.055 (1) Sur demande ex parte présentée selon la formule 5.05,
le juge de paix peut autoriser par écrit—en utilisant la formule
5.06—le prélèvement, pour analyse génétique, du nombre
d'échantillons de substances corporelles d'une personne jugé
nécessaire à cette fin, dans le cas où celle-ci, selon le cas:
-
a) avant l'entrée en vigueur du présent paragraphe, avait été
déclarée délinquant dangereux au sens de la partie XXIV;
-
b) avant cette entrée en vigueur, avait plus d'une fois été
déclarée coupable d'une ou de plusieurs infractions sexuelles au
sens du paragraphe (3)
M. Andy Scott: Vous êtes en train de lire un article qui s'applique aux personnes qui ont déjà commis des infractions. Cet article a un effet rétroactif.
M. Jack Ramsay: Je m'excuse. Je n'ai pas bien formulé ma question. C'est exactement ce que je veux savoir—le pouvoir de prélever des échantillons sur des personnes qui ont déjà été condamnées, qui se trouvent déjà en prison. Ce projet de loi empêcherait les corps policiers de soumettre à une analyse génétique des personnes comme Clifford Olson parce qu'il n'a pas été désigné délinquant dangereux et qu'il n'a pas été déclaré coupable de plusieurs infractions sexuelles. Il a été reconnu coupable de meurtre.
Cette disposition est très restrictive parce qu'elle ne donne pas aux corps policiers les outils dont ils ont besoin pour résoudre des crimes à partir d'échantillons de substances corporelles trouvées sur les lieux du crime. Autrement dit, les policiers peuvent uniquement soumettre à une analyse génétique les personnes déjà désignées délinquants dangereux et celles qui ont été déclarées coupables non pas d'un viol, mais de plusieurs infractions sexuelles.
Si mon interprétation est exacte, alors je trouve cela très inquiétant. Je me demande si vous accepteriez de modifier cette disposition pour autoriser le prélèvement d'échantillons sur des personnes qui ont commis des crimes violents, afin que nous puissions élucider des crimes non résolus à partir d'échantillons de substances corporelles trouvées sur les lieux du crime.
M. Andy Scott: Nous sommes prêts à modifier cette définition pour faire en sorte que la loi s'étende à tous les criminels condamnés sur lesquels il serait utile d'avoir ces renseignements. Mais je tiens à vous rappeler que ce qui importe ici, c'est la gravité du crime, la probabilité que des substances corporelles puissent être trouvées sur les lieux du crime.
Je tiens également à signaler que les personnes qui ont commis plusieurs infractions sexuelles ou les personnes qui, dans d'autres circonstances, sont déjà visées... si elles ne le sont pas, vous pouvez toujours, si vous avez des motifs raisonnables de croire qu'une infraction a été perpétrée, obtenir un mandat. Je tiens à vous rappeler que le prélèvement d'échantillons se fera de façon automatique s'il existe des motifs raisonnables de croire qu'une infraction a été commise. Par conséquent, même dans les cas où le prélèvement ne pourra être effectué automatiquement, il suffira tout simplement de convaincre un tribunal que cette mesure serait raisonnable.
M. Jack Ramsay: J'ai une autre question, monsieur le président. Il s'agit d'une question supplémentaire.
Comme le projet de loi autorise le prélèvement d'échantillons sur des personnes qui ont été déclarées coupables et emprisonnées avant l'entrée en vigueur du projet de loi, pourquoi en limiter la portée? Il y a de nombreux crimes qui ne sont toujours pas élucidés. Un échantillon ne peut être prélevé sur une personne qui a commis seulement un viol, même s'il y a de bonnes raisons de croire qu'elle a laissé des substances corporelles sur les lieux où d'autres infractions sexuelles ont été commises. Pourquoi limiter la portée de la loi? Je veux savoir si vous accepteriez d'en élargir la portée.
M. Andy Scott: Comme je l'ai dit en réponse à la première question, oui, nous sommes prêts à le faire, parce que nous voulons être en mesure d'avoir accès à tous les renseignements qui pourraient être utiles, en tenant compte de la gravité de l'infraction et de la probabilité que des substances corporelles puissent être trouvées sur les lieux du crime ou puissent contribuer à la condamnation d'une personne. Nous devons également tenir compte du fait que, si vous avez des motifs raisonnables de croire qu'une personne a commis un crime, vous pouvez effectuer des prélèvements. Nous sommes donc prêts à faire en sorte que la loi s'étende à tous ces délinquants, à tous ces types de crimes, en respectant les principes que j'ai mentionnés plus tôt.
Le vice-président (M. John Maloney): Merci, monsieur Ramsay.
Monsieur Marceau.
[Français]
M. Richard Marceau: Monsieur le ministre, à l'article 9 du projet de loi, on dit que les renseignements contenus dans le fichier des condamnés sont conservés pour une période indéterminée et on cite des exceptions à cela. On parle d'inaccessibilité lorsque la déclaration de culpabilité est annulée, lorsque la personne est absoute ou encore dans le cas d'un jeune contrevenant après 10 ans de détention, c'est-à dire 10 ans après l'exécution des décisions relatives à ce non-adulte.
Pourquoi ne détruirait-on pas ces renseignements au lieu de simplement les rendre inaccessibles?
[Traduction]
M. Andy Scott: Je crois comprendre que Barry a un commentaire à faire là-dessus.
M. Barry Gaudette: Ce que nous avons l'intention de faire, c'est de faire disparaître tout lien entre l'identificateur et les renseignements recueillis. Je ne suis pas un informaticien, mais on nous dit que la destruction des bandes et des copies de sauvegarde—tout se fait en lots—constituerait une opération d'envergure. En faisant simplement disparaître tout lien qui pourrait exister, nous ne pourrions plus avoir accès à ces renseignements. Ils seraient, en fait, détruits.
[Français]
M. Richard Marceau: J'ai personnellement de la difficulté à accepter que la raison en est simplement que les employés peuvent difficilement prendre le temps de le faire. Si j'étais accusé demain matin de quelque chose et qu'on se rendait compte qu'il y a eu une erreur judiciaire, mais qu'on avait pris de l'information génétique de ma personne, je ne voudrais pas que cela reste quelque part, on ne sait où, dans les banques de données du gouvernement. Pourquoi ne détruirait-on pas cela? On n'aurait qu'à prendre l'information sur Marceau, Richard et à la détruire. Si on a un index, un casier judiciaire ou une banque, je suppose qu'il y aura des références et des contre-références dans cette banque. Si la personne était absoute, pourquoi serait-il si difficile de détruire ces renseignements au lieu de les laisser là? Je ne comprends pas.
[Traduction]
M. Barry Gaudette: Si j'ai bien compris, non seulement cette opération prendrait beaucoup de temps, mais il serait impossible, théoriquement, de détruire tous les renseignements.
L'autre point qu'il convient de signaler, c'est que la banque de données—la banque qui contient le plus de renseignements sur une personne—contient des échantillons biologiques, les échantillons de sang ou autres qui ont été prélevés. Ces échantillons sont détruits dans ces cas-là. Les renseignements que nous versons dans la banque de données sont sélectionnés dans la région non codante de l'ADN. Autrement dit, ces renseignements ne font aucunement état des maladies ou autres caractéristiques de la personne. Même si, dans l'exemple hypothétique que vous donnez, ces renseignements tombaient entre les mains d'une personne, celle-ci ne pourrait pas s'en servir.
[Français]
M. Richard Marceau: Si c'est le cas, pourquoi ne pas tout simplement la détruire? Peut-être que je ne comprends pas. C'est sûrement ma faute, mais ce point-là n'est pas clair.
[Traduction]
M. Barry Gaudette: Vous devriez peut-être consulter un informaticien.
[Français]
M. Richard Marceau: Ce serait important.
[Traduction]
M. Andy Scott: Cette question est très technique. Nous cherchons à éliminer tout lien existant entre vous et ces renseignements. C'est l'objectif que nous visons. Vous avez été acquitté, vous avez été déclaré coupable il y a plus de dix ans de cela sous le régime de la Loi sur les jeunes contrevenants—il n'y a plus de renseignements à votre sujet dans cette banque de données. C'est l'élément essentiel.
• 1625
Je suppose que le problème ici, c'est qu'il y ait encore des
données génétiques dans le système qui ne soient reliées à aucune
personne. Ce ne sont pas les échantillons, mais les profils
d'identification génétiques qui sont versés dans la banque de
données.
Vous pourriez peut-être demander aux spécialistes de vous expliquer comment fonctionne la base de donnée à cet égard.
[Français]
M. Richard Marceau: J'ai une autre question. Ai-je assez de temps?
Je reviens à la question de l'État étranger et d'une organisation internationale. Vous dites qu'on s'assurera qu'ils ont les mêmes balises que nous en regard de l'application d'un tel projet de loi. Comment choisira-t-on les États qui auront le droit d'obtenir cela? Comment choisira-t-on les organisations qui auront accès à ces banques ou à qui on transmettra ces données? Des ententes ont-elles déjà été prises? Prévoit-on en prendre?
[Traduction]
M. Andy Scott: De nombreuses ententes, qui ne portent pas nécessairement sur l'ADN, ont été conclues avec d'autres pays. Il est normal que les corps policiers collaborent ensemble, que les pays appliquent différentes règles pour ce qui est de la protection de la vie privée. Il est souvent très difficile de faire la part des choses. Ce n'est pas que j'accorde peu d'importance à la protection de la vie privée. Le Canada jouit d'une bonne réputation à cet égard, ses lois étant jugées solides. Nous veillons à ce que les organismes avec qui nous partageons des renseignements respectent les lois et les normes que nous appliquons.
Le vice-président (M. John Maloney): Je vous remercie monsieur Marceau.
Monsieur Mancini, la parole est à vous.
M. Peter Mancini: Merci.
Je remercie mon collègue M. Marceau d'avoir abordé le sujet parce que ma première question porte sur l'inaccessibilité des échantillons ou des renseignements. En effet, je me demande pourquoi on ne peut les détruire. Je suppose que nous argumentions sur des questions de sémantique. On m'a dit qu'on pouvait les détruire et j'ai pensé que je n'avais peut-être pas lu le texte attentivement. Je constate maintenant qu'on ne peut les détruire; on peut les rendre inaccessibles. Je crois que vous avez raison. Cela me préoccupe et j'aimerais parler à un spécialiste capable de me donner des explications.
Je passe maintenant à ma deuxième question. Pouvez-vous me dire pourquoi, dans le cas d'une personne qui est acquittée ou qui a obtenu une absolution inconditionnelle, il est possible de rendre les renseignements inaccessibles mais qu'il n'en va pas de même pour une personne qui a bénéficié d'une réhabilitation? La disposition prévoit que, dans le cas où les renseignements proviendraient d'une personne ayant bénéficié d'une réhabilitation, les substances et les renseignements entreposés doivent être conservés à part et qu'il est interdit d'en révéler l'existence ou de les utiliser pour analyse génétique. Pourquoi procéder ainsi et non les détruire ou les rendre inaccessibles, ce que je préférerais?
M. Andy Scott: J'aimerais répondre, mais j'invite Paul à me corriger si je me trompe.
Selon moi, comme le solliciteur général peut révoquer une réhabilitation et parce que les fichiers sont conservés—ils ne sont tout simplement pas disponibles de la même manière—les mêmes dispositions s'appliquent. Par conséquent, comme le solliciteur général peut révoquer une réhabilitation, les mêmes règles s'appliqueraient dans ce cas. Ces renseignements redeviendraient publics. Je veux être bien sûr que c'est exact.
M. Paul Dubrule (directeur, Services juridiques, ministère du Solliciteur général du Canada): Cette disposition s'apparente à une autre qui se trouve dans la Loi sur le casier judiciaire stipulant que, si le solliciteur général juge opportun de divulguer un dossier de réhabilitation, il existe bel et bien. En ce qui concerne les profils génétiques, ils doivent être conservés à part. Cela signifie qu'ils ne font partie de la même banque de données et qu'ils ne sont pas accessibles normalement, mais seulement dans les circonstances exceptionnelles approuvées par le solliciteur général.
M. Peter Mancini: Je vous remercie. J'ai appris quelque chose.
Je peux peut-être en apprendre davantage parce que je vais revenir à l'autre point que j'ai soulevé au sujet de l'article 5 qui porte sur les profils d'identification génétique établis à partir de substances corporelles trouvées sur la scène du crime.
• 1630
Vous m'avez dit plus tôt que si la substance n'a pas été
prélevée sur la victime ou sur l'auteur du crime mais sur moi,
parce qu'il s'est trouvé que j'ai visité le lieu du crime, cet
échantillon ne serait pas détruit, ni rendu inaccessible, qu'il
pourrait simplement être conservé sans être identifié. Qu'en
serait-il?
M. Barry Gaudette: L'échantillon prélevé sur une personne qui a été tenue pour suspect ne serait tout simplement pas versé dans la banque de données. Il faudrait que vous ayez été condamné pour qu'un échantillon principal se trouve dans la banque.
M. Peter Mancini: Je ne veux pas être pointilleux, mais voici ce que dit la disposition:
-
(3) Le fichier de criminalistique contient les profils
d'identification génétique établis à partir de substances
corporelles trouvées:
Rien ne dit que les échantillons seraient détruits s'ils ne correspondaient pas aux substances prélevées sur la victime ou sur l'accusé. Il existerait donc un fichier contenant ces profils, n'est-ce-pas?
M. Barry Gaudette: Oui, il y aurait un fichier contenant les profils d'identification génétique établis à partir de substances trouvées sur la scène du crime.
M. Paul Dubrule: L'index contiendrait des profils sans les rattacher à qui que ce soit.
M. Andy Scott: Finalement, nous ne savons pas de qui il s'agit. Nous savons qu'il y a eu un crime et que des données ont été recueillies sur la scène du crime. Ce n'est pas identifié à qui que ce soit.
J'aimerais approfondir cette question qui pique ma curiosité. Si les données prélevées sur la scène du crime ne sont rattachées à personne, elles pourraient servir un moment donné.
M. Peter Mancini: Oui, mais ce qui m'inquiète c'est le fait qu'elles sont là quelque part sans raison. Que se passe-t-il si cette substance n'appartient pas à un complice? C'est plutôt cela qui me préoccupe.
Je sais que je n'ai plus grand temps, mais j'ai une dernière question.
Pour ce qui est du prélèvement d'échantillons sur des personnes qui ont déjà été condamnées pour des infractions désignées—je crois que M. Lee a abordé cette question—quelle est la procédure prévue pour les rappeler? Allons-nous émettre des mandats pour les rappeler et prélever des échantillons?
M. Barry Gaudette: Parlez-vous des gens qui purgent des peines pour des infractions antérieures?
M. Peter Mancini: Oui, c'est ça.
M. Barry Gaudette: Je crois qu'il y a une formule prévue dans le projet de loi et que la demande devrait être faite à l'aide de cette formule.
M. Peter Mancini: D'accord.
M. Paul Dubrule: Au paragraphe 487.055(1) du projet de loi, sur demande ex parte, un juge peut autoriser qu'on les fasse venir pour prélever des échantillons.
M. Peter Mancini: D'accord.
Je vous remercie, monsieur le président.
Le vice-président (M. John Maloney): Je vous remercie, monsieur Mancini.
Monsieur Discepola, la parole est à vous.
M. Nick Discepola: Par solidarité, on m'autorise à poser des questions au ministre une fois que tout le monde l'a fait. Par conséquent, si tout le monde a posé des questions, je vais poser les miennes.
Mme Eleni Bakopanos: J'ai une courte question. Dans une cause récente, je crois que c'était l'affaire Milgaard, les échantillons, si je ne m'abuse, ont été analysés à l'extérieur du Canada. Par simple curiosité, combien de laboratoires judiciaires avons-nous au Canada?
M. Barry Gaudette: Au Canada, nous avons le réseau des laboratoires judiciaires de la GRC qui consiste en six laboratoires répartis d'un bout à l'autre du pays. Il y a aussi deux laboratoires provinciaux en Ontario. À cela vient s'ajouter le Centre of Forensic Sciences de Toronto, de même qu'un laboratoire satellite à Sault Ste. Marie. Il existe un laboratoire provincial d'analyse judiciaire à Montréal de même qu'un certain nombre de laboratoires privés qui effectuent le même travail. Le plus connu et le plus ancien est le laboratoire Helix Biotech qui est situé à Richmond, en Colombie-Britannique.
Mme Eleni Bakopanos: Si j'ai bonne mémoire en ce qui a trait à cette affaire, l'échantillon a été confié à un laboratoire privé en Angleterre.
M. Barry Gaudette: L'échantillon a été envoyé au laboratoire judiciaire central d'Angleterre. C'est un organisme gouvernemental maintenant.
Mme Eleni Bakopanos: Je pose la question parce que, si nous adoptons les parties du projet de loi sur les laboratoires judiciaires, je suppose qu'il faudra en ouvrir d'autres. Si, en tant qu'avocat de l'accusé, je décide pour une raison quelconque de ne pas accepter la preuve trouvée ici, la loi me permettra-t-elle de m'adresser à des laboratoires aux États-Unis ou en Angleterre. Allons-nous prévoir des limites?
M. Andy Scott: Je crois que la défense a toujours le choix de contester, mais il lui reviendrait de décider.
Quant à l'infrastructure nécessaire pour répondre à la demande accrue qu'entraînera ce projet de loi, nous l'avons prévu. Nous avons déterminé qu'il faudrait à peu près un an et demi pour mettre en place tous les mécanismes. La GRC a accepté de s'en occuper pendant les deux premières années et nous nous engageons auprès des provinces à absorber les coûts supplémentaires, dans l'espoir d'en arriver à une entente avant longtemps.
Mme Eleni Bakopanos: Ce que je veux savoir, c'est si nous devons songer à une disposition qui reconnaîtrait la primauté de la technologie canadienne, si vous voulez—il s'agit d'une question hypothétique—sur toute autre considération, ou technologie en Angleterre et aux États-Unis. En tant qu'avocat de la défense, je pourrais décider de faire analyser l'échantillon à trois ou quatre reprises, aux quatre coins du monde.
M. Andy Scott: Je crois que les tribunaux finiront par trancher ce qui prime.
Mme Eleni Bakopanos: D'accord. Je vous remercie.
Le vice-président (M. John Maloney): Monsieur DeVillers.
M. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.
Monsieur le ministre, je crois que vous avez décrit cette mesure législative comme une tentative visant à trouver une juste mesure entre l'impact sur la vie privée, la sécurité des personnes et l'intérêt public. Je sais qu'on a fait allusion à des contestations fondées sur la Charte, et des fonctionnaires du ministère de la Justice comparaîtront devant notre comité pour que nous examinions la question. Mais du point de vue de l'intérêt public, quand il a rédigé le projet de loi, le ministère a-t-il tenu compte d'autres critères objectifs, opinions ou études que le comité pourrait examiner.
M. Andy Scott: Oui. Avant de présenter le projet de loi, nous y avons consacré de longues délibérations. Un rapport a été préparé il y a un an je crois. Je l'ai vu et, en fait, j'avais demandé que le ministère s'occupe d'en faire parvenir un exemplaire à tous les membres du comité. Le rapport s'intitule Une banque de données génétiques, Résumé des consultations. Si vous ne l'avez pas encore reçu, je m'en excuse. Vous l'aurez sous peu. Toutes les consultations y sont incluses.
C'est un sujet dont on a beaucoup parlé, à d'autres tribunes. Comme je l'ai dit, le Comité des droits de la personne de la dernière législature a passé quatre ou cinq jours à discuter, non pas de la Loi sur la banque de données génétiques mais de la technologie en général et du respect de la vie privée. Il a aussi consacré une bonne partie de son temps à parler plus particulièrement de l'analyse génétique.
Je pense que l'information a bien circulé et, depuis le dépôt du projet de loi à l'automne, j'ai fait quelques interventions en tant que parrain du projet de loi et je compte bien continuer de faire. Je crois que nous touchons ici aux valeurs fondamentales des Canadiens et des Canadiennes. Je crois que nous avons bien expliqué que nous voulions aider ceux qui appliquent la loi et leur fournir les outils dont ils ont besoin à cette fin en tenant compte du fait qu'il est important dans notre pays de respecter la vie privée et, bien sûr, la présomption d'innocence.
M. Paul DeVillers: Je vous remercie.
Le vice-président (M. John Maloney): Cela met fin à notre ronde de questions, à moins que quelqu'un en ait une courte à poser.
M. Jack Ramsay: J'en ai une.
Le vice-président (M. John Maloney): La dernière fois vous n'avez pas été bref, monsieur Ramsay.
M. Jack Ramsay: Eh bien! Vous n'avez qu'à me couper la parole, monsieur le président. C'est votre prérogative.
Premièrement, si vous en avez entendu parler, j'aimerais que vous disiez au comité ce que vous pensez de l'affaire dans laquelle le juge a statué que le prélèvement d'un cheveu contrevenait à la Constitution. La question que j'aimerais poser porte sur le paragraphe 487.051(2) du projet de loi qui se lit comme suit:
-
(2) Le tribunal n'est pas tenu de rendre l'ordonnance en question
dans le cas d'une infraction primaire s'il est convaincu que
l'intéressé a établi qu'elle aurait, sur sa vie privée et la
sécurité de sa personne, un effet nettement démesuré par rapport à
l'intérêt public en ce qui touche la protection de la société et la
bonne administration de la justice, que visent à assurer la
découverte, l'arrestation et la condamnation rapides des
contrevenants.
Ce paragraphe confère aux tribunaux un pouvoir de réserve en ce qui a trait au prélèvement d'échantillons servant à l'analyse génétique si, à leur avis, les conditions énoncées dans ce paragraphe sont remplies.
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J'ai d'énormes réserves relativement à cet article étant donné
la condamnation à l'emprisonnement avec sursis prévue dans le
projet de loi C-41, surtout lorsque les tribunaux ne l'utilisent
pas comme l'avait prévu le Parlement. Ne craignez-vous pas qu'il
s'agisse d'un article parallèle qui autoriserait, ou à tout le
moins permettrait aux tribunaux d'empêcher le prélèvement
d'échantillons sans véritable justification, ce qui entraverait
l'application de la loi?
M. Andy Scott: J'ai dit dans ma déclaration préliminaire que la possibilité s'appliquerait à des cas très rares... très exceptionnels. Les mots «nettement démesuré» sont les plus forts que nous avons trouvé pour exprimer cette réserve, mais nous voulions aussi nous assurer que, dans des circonstances imprévues et dans le cas où il voudrait exercer cette option extrême, le tribunal pourrait le faire.
La deuxième question portait sur un cas particulier.
Paul, pouvez-vous répondre?
M. Paul Dubrule: Je ne comprends pas bien de quel cas il s'agit.
M. Jack Ramsay: Le juge a décidé que le prélèvement d'un cheveu chez un accusé à des fins d'analyse génétique contrevenait à la Charte des droits. Connaissez-vous ce cas?
M. Paul Dubrule: Sans autres informations, j'hésiterais à en parler. Je connais un certain nombre de cas concernant des questions d'analyse génétique, mais je ne veux pas les rapporter incorrectement. Je ne manquerai pas de communiquer avec vous à ce sujet.
M. Jack Ramsay: D'accord.
Le vice-président (M. John Maloney): M. Discepola a une petite question.
M. Nick Discepola: J'aimerais poser une ou deux questions à M. Gaudette. Je crois comprendre qu'il y a deux types d'analyses génétiques ou de technologies utilisées. Je ne connais pas la terminologie. C'est un mot très long.
Voici ce qui m'inquiète. Si nous devons partager les renseignements dans certains cas, avec les États-Unis par exemple, allons-nous utiliser le même genre d'analyses ou le même genre de mécanismes pour l'entreposage des données, pour pouvoir s'échanger des informations d'un pays à l'autre?
Deuxièmement, je suis informaticien—c'est mon domaine—et je ne comprends pas ce qu'on nous a dit. Je crois donc, monsieur le président, qu'il faudrait faire venir la personne à qui vous avez parlé étant donné que la question de la sauvegarde ou de l'archivage des bases de données qui seront entreposées pourrait poser un problème. Je crois que c'est une question qu'il faudrait examiner.
Je voudrais avoir une réponse à ma première question. Voici ma deuxième question: à part le fichier des condamnés, existe-t-il un mécanisme auquel nous pouvons recourir pour inclure les échantillons de substances corporelles que nous pouvons avoir en notre possession, que ce soit par l'entremise des mandats que nous utilisions par le passé, ou d'autres échantillons que pourraient avoir les agents de la GRC?
Le vice-président (M. John Maloney): Il vaudrait mieux que nous obtenions une réponse à cela.
M. Barry Gaudette: Je vais répondre à la première question. Vous parlez des échanges d'informations entre pays. Nous travaillons en étroite collaboration avec le FBI et les Britanniques pour mettre au point cette technologie. Nous nous sommes entendus sur une série normalisée d'emplacements—le terme technique est loci—sur la molécule de l'ADN où nous entreposerons l'information. Nous pourrons ainsi partager les renseignements en tout ou en partie avec ces deux pays qui, de concert avec nous, établissent les normes à l'échelle mondiale. Nous devrions être en mesure de partager l'information avec pas mal de pays dans le monde.
M. Nick Discepola: Est-ce que cela inclurait les échantillons qui se trouvent déjà dans la base de données?
M. Barry Gaudette: Les échantillons que nous pourrions avoir maintenant?
M. Nick Discepola: Exact.
M. Barry Gaudette: Je ne pense pas qu'il y ait quoi que ce soit... Je crois qu'il n'en est pas question dans le projet de loi. Paul peut peut-être vous répondre là-dessus.
M. Nick Discepola: Y a-t-il une raison pour laquelle on ne pourrait pas le permettre?
Le vice-président (M. John Maloney): Monsieur Gaudette, je crois qu'il nous faut lever la séance. On me fait signe ici.
Monsieur le ministre, je vous remercie. Nous avons été heureux d'entendre vos réponses de même que celles des invités.
M. Andy Scott: Je vous remercie.
Le vice-président (M. John Maloney): Membres du comité, nous reprendrons nos délibérations ici après le vote pour discuter des travaux futurs du comité.