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JURI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS

COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 10 février 1998

• 1012

[Traduction]

La présidente (Mme Shaughnessy Cohen (Windsor—St. Clair, Lib.)): La séance est ouverte.

Nous commençons aujourd'hui notre examen du projet de loi C-3, Loi concernant l'identification par les empreintes génétiques et modifiant le Code criminel et d'autres lois en conséquence, ainsi que les dispositions du projet de loi C-104, sur l'analyse génétique à des fins médico-légales, qui a été adopté pendant la dernière législature.

Nous accueillons un habitué, le représentant de la Criminal Lawyers Association, Irwin Koziebrocki.

Soyez le bienvenu, Irwin.

M. Irwin Koziebrocki (trésorier, Criminal Lawyers Association): Bonjour.

Au nom de la Criminal Lawyers Association, je vous remercie de nous avoir invités à témoigner. C'est toujours un privilège pour moi que d'être invité à exprimer le point de vue de la Criminal Lawyers Association sur les divers projets de loi dont vous êtes saisis.

Nous avons reçu le projet de loi il y a environ dix jours, pendant que je déménageais mon bureau. J'ai quand même eu l'occasion d'y jeter un coup d'oeil et d'en discuter avec plusieurs de mes collègues du comité législatif de l'association. Ce comité étudie les nouvelles mesures législatives et fait ensuite des représentations auprès de gens comme vous.

J'ignore si vous en avez reçu des exemplaires, mais nous vous avons envoyé notre mémoire hier. J'en ai des copies ici, si vous en voulez. Entre-temps, je vous décrirai la position de la Criminal Lawyers Association concernant ce projet de loi.

Je voudrais dire essentiellement deux choses. Premièrement, la Criminal Lawyers Association reconnaît qu'il est nécessaire de créer une banque de données génétiques, selon un processus approprié, pour protéger la société. Deuxièmement, notre association est d'avis que le processus adopté par le Parlement pour ce faire devrait être conforme à la Charte canadienne des droits et libertés et protéger le droit des personnes à la vie privée. C'est la position qu'a adoptée la Cour suprême du Canada dans une de ses récentes décisions. Il importe de tenir compte de cette décision lorsqu'on examine un projet de loi de ce genre et de se rappeler que la Cour suprême du Canada a décrit le prélèvement d'échantillons de substances corporelles, y compris de cheveux, de salive et de sang, comme constituant une intrusion grave et une violation du caractère inviolable du corps, qui est essentiel à la dignité humaine. C'est la plus grande ingérence dans la vie privée d'un accusé. J'estime que vous devriez garder cela à l'esprit pendant votre étude de ce projet de loi.

• 1015

Dans mon examen du projet de loi, j'ai tenté de relever les aspects des principes énoncés à l'article 4—des principes louables pour ce projet de loi en particulier—qui ne sont peut-être pas conformes à la Charte des droits et libertés. J'aimerais aborder brièvement plusieurs de ces aspects.

Commençons par l'effet rétroactif du projet de loi. C'est aux articles 487.052 à 487.055.

À mon avis, il ne faudrait pas que cette mesure législative ait un effet rétroactif qui contreviendrait la charte, en ce sens qu'elle permettrait l'analyse d'échantillons dans le but de résoudre des crimes non encore élucidés et non pas dans le but exclusif de constituer une banque de données. Il pourrait en résulter une forme d'auto-incrimination, ce qui est contraire à la Charte, comme l'a indiqué la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Stillman.

Le projet de loi impose l'obligation de fournir certaines preuves pour fins de stockage dans une banque de données génétiques. Si on demande non seulement à ceux qui ont été reconnus coupables et reçu leur peine mais aussi dans certains cas—comme le prévoit par exemple le paragraphe 487.055(4)—à ceux qui ont été remis en liberté sous condition de fournir un échantillon de substances corporelles, on ne peut que conclure que la police ou les autorités analyseront ces échantillons en vue d'élucider les crimes non encore résolus.

Ainsi, des gens ayant subi leur procès et ayant parfois même purgé leur peine ou une partie de leur peine d'emprisonnement seront tenus de fournir un échantillon afin qu'on puisse déterminer s'ils n'auraient pas commis d'autres crimes.

Dans une telle situation, la protection conférée par la Charte contre les violations de la vie privée pourrait fort être enfreinte, ce dont vous voudrez probablement tenir compte dans le cadre de cette mesure législative.

De plus, si ce projet de loi a un effet rétroactif il se pourrait bien qu'on fasse du don d'échantillons de substances corporelles une condition facile de libération conditionnelle tacite.

Ce n'est pas dans le projet de loi comme tel, mais c'est le genre de chose qu'on pourrait fort bien imposer comme condition de libération conditionnelle, tout comme on dit maintenant aux contrevenants sexuels qui veulent être remis en liberté qu'ils doivent d'abord subir des traitements. Il est peut-être indiqué pour la Commission des libérations conditionnelles de tenir compte de telles considérations, mais on risque d'aller beaucoup plus loin si ce projet de loi est adopté.

L'autre aspect qui me préoccupe est celui du stockage d'information. Il faudrait justifier les distinctions qui existent dans le projet de loi. Ainsi, les alinéas 9(2)a) et b) prévoient la conservation des renseignements sur les personnes faisant l'objet d'une libération inconditionnelle et sous condition en vertu de l'article 730 du Code criminel. Pourquoi?

Lorsqu'un tribunal accorde une libération inconditionnelle ou sous condition, c'est que l'accusé n'a pas été reconnu coupable; de plus, le tribunal, en rendant sa décision, déclare que cette personne n'est pas un danger pour le public. Il faudra alors se demander pourquoi on envisage de conserver les informations sur ces personnes. De toute façon, il faut que l'infraction ne soit pas très grave s'il y a libération inconditionnelle ou sous condition.

• 1020

L'alinéa 9(2)c) traite des jeunes contrevenants. Pourquoi les jeunes contrevenants doivent-ils attendre dix ans avant qu'on interdise l'accès aux informations qui les concernent, alors que l'alinéa 9(2)b) impose une période d'attente de seulement de trois ans aux adultes? Pourquoi cette dichotomie, surtout lorsqu'il s'agit d'adolescents?

Pourquoi permettre à l'alinéa 9(2)b la conservation des renseignements dans le cas de déclarations de culpabilité par procédure sommaire en vertu de la Loi sur les jeunes contrevenants? Il est fort peu probable qu'un jeune contrevenant ayant commis une telle infraction présente une menace pour la communauté; il n'est donc pas nécessaire de conserver les renseignements à son sujet. C'est là le genre de dispositions qu'il faut examiner attentivement afin de déterminer si elles sont conformes à Charte.

L'alinéa 10(7)a) sur l'acquittement définitif soulève aussi des questions. Le commissaire est tenu de détruire les substances corporelles dès qu'un verdict d'acquittement définitif est prononcé. Qu'en est-il de ces substances, des données qui proviennent de leur analyse et de leur utilisation entre la déclaration de culpabilité et l'acquittement?

Nous savons que, même après avoir été déclaré coupable, celui qui interjette appel jusqu'à la Cour suprême du Canada peut un jour être acquitté. Ce processus peut prendre un an, deux ans, ou trois ans, selon les circonstances. Si on peut se servir de ces échantillons dans l'intérim, les droits de l'accusé à la vie privée seront peut-être violés et il en résulterait peut-être une forme d'auto-incrimination qui ne se serait pas produite si l'accusé n'avait pas été au départ reconnu coupable à tort.

L'alinéa 9(2)a) sur la réhabilitation soulève des questions. On y stipule que le commissaire doit conserver à part les substances corporelles de ceux qui ont bénéficié d'une réhabilitation et que ces substances ne peuvent plus faire l'objet d'une analyse génétique. On est en droit de se demander ce qu'on fera donc de ces substances? Pourquoi sont-elles conservées à part et qu'en fera-t-on? Est-ce qu'elles seront tout simplement entreposées dans une pièce? S'en servira-t-on de nouveau? Si elles ne feront l'objet d'aucune autre analyse, elles devraient être détruites. Encore une fois, lorsqu'une personne est réhabilitée, c'est que sa Majesté et le gouvernement reconnaissent qu'elle ne représente plus une menace pour la collectivité et qu'elle est maintenant une personne respectueuse des lois.

La liste des infractions désignées soulève aussi des questions. Il existe une liste des infractions primaires et une liste des infractions secondaires. Le choix de ces infractions et de la catégorie où elles se trouvent soulève des préoccupations.

On reconnaît qu'il est tout indiqué d'obtenir des échantillons génétiques lorsque certaines infractions ont été commises. Étant donné que les infractions primaires sont généralement celles qui entraînent le prélèvement obligatoire d'un échantillon, il faudrait tenir compte de la gravité de l'infraction pour déterminer si elle devrait figurer sur cette liste. Respectueusement, je suis préoccupé par l'inclusion d'au moins deux infractions, dont la première est au sous-alinéa 487.04a)(xii), à savoir l'article 271 portant sur l'agression sexuelle.

À première vue, on n'hésiterait pas à dire que l'agression sexuelle devrait être une infraction primaire. Toutefois, si vous connaissez l'application de la disposition sur l'agression sexuelle, vous savez qu'on inclut à cette infraction tout ce qui va d'un simple attouchement jusqu'aux relations sexuelles sans consentement. Celui qui donne une petite tape sur les fesses peut être reconnu coupable d'agression sexuelle, tout comme s'il avait commis un viol. C'est une infraction mixte qui peut être punissable par voie de déclaration de culpabilité par procédure sommaire ou par voie de mise en accusation. La peine maximale en cas de procédure sommaire est de 18 mois, alors qu'elle est de 10 ans pour l'acte criminel.

• 1025

En raison de la nature de cette infraction et des très nombreuses situations qui peuvent être assimilées à l'agression sexuelle, je vous propose une alternative: désigner comme infraction primaire les seules agressions sexuelles qui sont des actes criminels, ou faire de l'agression sexuelle une infraction secondaire, ce qui donnerait au juge toute la discrétion voulue pour ordonner ou non le prélèvement de substances corporelles en fonction des circonstances.

L'autre infraction qui me préoccupe est celle prévue au sous-alinéa b)(ii), l'article 146 de l'ancien Code criminel. Il s'agissait des rapports sexuels avec une personne du sexe féminin âgée de moins de 14 ans ou âgée de 14 à 16 ans. Ces infractions ont été révoquées lorsqu'on a reconnu que les adolescents ont des relations sexuelles consensuelles. On les a remplacées par d'autres infractions qui impliquent la domination ou le contrôle, mais dans les causes qui ont été entendues par les tribunaux et dans les lois du Parlement, il est implicitement reconnu que les relations sexuelles entre adolescents ne constituent plus une infraction.

Par conséquent, on a essentiellement décriminalisé cet acte. Je fais donc valoir respectueusement qu'il n'est pas logique d'exiger des échantillons aux fins d'analyse génétique pour une infraction qui, aujourd'hui, n'en serait pas une au regard de la Charte.

Ce sont là les principales infractions primaires qui m'apparaissent problématiques.

En ce qui concerne les infractions secondaires, les tribunaux ont là une certaine discrétion leur permettant de décider si un échantillon devrait être exigé, mais j'estime qu'il doit y avoir corrélation entre l'infraction désignée et la nécessité de fournir un échantillon. À mon avis, dans certains cas, il n'y a pas de corrélation ou de lien.

Je vous donne comme exemple le sous-alinéa b)(viii) de cet article, l'article 252, à savoir le défaut d'arrêter lors d'un accident. C'est une infraction qui est punissable par procédure sommaire ou par mise en accusation et qui entraîne une peine maximale de six mois d'emprisonnement. À mon avis, ce n'est pas une infraction pour laquelle l'analyse génétique serait nécessaire. Que quelqu'un quitte le lieu d'un accident, un accident de la route ou autre, ne justifie pas qu'on prélève un échantillon de substances corporelles et qu'on conserve les résultats de l'analyse génétique dans une banque de données.

Le sous-alinéa a)(ix), lui, porte sur l'article 266, les voies de fait. Les voies de fait comprennent, comme l'agression sexuelle, une vaste gamme d'infractions. Ce peut être pousser ou bousculer quelqu'un, ou lui donner un coup de poing à la figure. Il arrive que les procès pour voies de fait se soldent par une absolution conditionnelle ou sous-condition. On est en droit de se demander pourquoi on devrait permettre à un juge d'ordonner le prélèvement d'échantillons génétiques qui seront stockés dans une banque tout simplement parce que vous avez été impliqué dans une mêlée.

J'ai aussi des inquiétudes au sujet du sous-alinéa a)(xi) qui traite de l'alinéa 270(1)a), voies de fait contre un agent de la paix. Malheureusement, les personnes qu'on arrête sont souvent accusées de voies de fait contre un agent de la paix parce qu'elles ont refusé de suivre le policier et qu'il y a alors eu bousculade. En invoquant cette disposition, on pourrait forcer les personnes condamnées pour voies de fait contre un agent de la paix à donner un échantillon d'ADN qui serait conservé dans une banque peut-être à jamais.

• 1030

Je vous recommande donc d'examiner attentivement ces infractions afin de déterminer si leur assimilation à des infractions désignées est justifiée.

Une autre chose m'a tout de suite frappé lorsque j'ai lu le projet de loi. Le projet de loi comporte un droit d'appel, et cela nous apparaît comme une bonne chose. Cela permet, dans une certaine mesure, de protéger le droit à la vie privée concernant la décision de conserver des informations génétiques dans une banque de données.

Cela soulève deux préoccupations. Premièrement, en ce qui a trait aux infractions primaires, il incombe à l'accusé de prouver qu'il n'est pas nécessaire pour lui de fournir un échantillon. À mon avis, il est injustifié d'imposer ce fardeau à l'accusé; il devrait plutôt incomber à un juge de première instance de déterminer s'il est indiqué, dans les circonstances établies par le Code criminel, de conserver un échantillon d'ADN, et non pas à l'accusé de justifier le contraire.

Je suis inquiet de constater qu'on confère un droit d'appel à la poursuite. Je comprends qu'on donne un droit d'appel à l'accusé, car ce sont ses empreintes génétiques qu'on veut stocker dans une banque. Mais pourquoi conférer ce droit à la poursuite? Dans la plupart des cas, cette décision en est une de fait, et le juge de première instance décidera, en fonction de toutes les circonstances entourant la perpétration de l'infraction et des antécédents de l'accusé, s'il est indiqué ou non de conserver les empreintes génétiques de cette personne. Pourquoi la Couronne aurait-elle le droit d'en appeler d'une décision de fait? Cela m'apparaît injustifié et contraire au cadre général du Code criminel.

Vous pourriez prévoir un droit d'appel de la Couronne relativement aux questions de droit, le droit pour la Couronne d'en appeler des fondements juridiques ayant mené à la décision ou des paramètres juridiques du prélèvement d'échantillons aux fins médico-légales, mais j'estime qu'il serait injustifié de conférer à la Couronne le droit d'en appeler de quelque conclusion que ce soit.

Le dernier point que je voudrais aborder brièvement est le suivant: aux paragraphes 487.055(4) à (10), on traite de la sommation exigeant d'un accusé qu'il se soumette à un prélèvement.

Voici ce qui me préoccupe. Le projet de loi prévoit une procédure par sommation selon laquelle on signifie à l'accusé une sommation exigeant qu'il fournisse un échantillon aux fins médico-légales. Le problème, c'est qu'on permet la signification indirecte. Or, il importe ici de protéger la vie privée de l'accusé. Pourtant, on permet la signification de la sommation à quiconque est âgé de 16 ans ou plus, et on présume que l'accusé se présentera à l'endroit indiqué pour se soumettre à un prélèvement. Si on veut véritablement protéger la vie privée de l'accusé, on devrait exiger une signification à personne; si l'accusé ne se présente pas pour le prélèvement, il suffira d'émettre un mandat. Une sommation comme celle-ci ne doit pas traîner n'importe où; ce n'est pas comme une citation à témoigner devant un tribunal. Se soumettre à un prélèvement à des fins médico-légales est une chose sérieuse.

Ce sont là les points que je vous demanderais d'examiner. La dernière chose que je voudrais soulever—ce n'est pas dans le projet de loi, mais c'est presque sous-entendu—c'est qu'on considère l'analyse génétique comme les empreintes digitales et l'alcootest. Je tiens à vous rappeler qu'on n'en est pas encore là. Ce sera peut-être le cas un jour, mais ça ne l'est pas encore. Il suffit de lire les journaux ou de regarder la télé pour constater que l'analyse génétique est vulnérable à toutes sortes de choses, dont la contamination et tout ce qui peut se passer pendant le processus de collecte des preuves. Ce sont là les facteurs que vous devriez prendre en compte pour l'élaboration d'un régime législatif de ce genre.

• 1035

Adopter ce projet de loi sans reconnaître que le processus de collecte et de stockage de ce genre d'information n'est pas encore suffisamment perfectionné n'aiderait pas le système de justice pénale.

Cela met fin à mes remarques, madame la présidente.

La présidente: Merci.

Qui voudrait commencer? Monsieur Thompson.

M. Myron Thompson (Wild Rose, Réf.): De combien de temps disposons-nous?

La présidente: Je crois pouvoir vous donner environ huit minutes.

M. Myron Thompson: D'accord. Je partagerai probablement mon temps avec mon collègue. Je sais qu'il a aussi des choses à dire.

Il y a une chose que je tiens à souligner d'emblée. J'en ai souvent entendu parler. Vous nous avez dit que nous avons des alcootests, des tests sanguins, des empreintes digitales, des empreintes de pied et de dents. Il semble que toutes ces méthodes sont jugées conformes à la Charte, car nous les utilisons régulièrement dans notre lutte contre le crime.

Il y a maintenant cette nouvelle technologie des empreintes génétiques qui, si j'ai bien compris, ne nécessitent qu'un échantillon de cheveu ou l'écouvillonnage de l'intérieur de la bouche. Certains semblent craindre—et vous avez vous-mêmes exprimer cette crainte à plusieurs reprises ce matin—que cette méthode soit considérée contraire à la Charte. Or, il est injuste pour nos services de police qu'ils ne puissent recourir à cette technologie moderne pour faire ce que nous souhaitons tous, à savoir, garantir la sécurité des Canadiens.

Si nous donnons cet outil à la police, ne devrait-on pas avoir des avis juridiques concernant sa légalité en vertu de la Charte? Nous, de ce comité, ne devrions-nous pas disposer de ces avis juridiques afin de les étudier et d'en discuter et de déterminer une fois pour toutes si le prélèvement de substances corporelles pour analyse génétique est une autre méthode semblable à celles qui ne violent pas la Charte? Est-ce que ce ne serait pas plus avantageux, pour la sécurité des Canadiens, que nous tranchions cette question une fois pour toutes plutôt que de continuer à se demander si ce projet de loi est constitutionnel?

Je vous ai entendu dire une douzaine de fois que ce projet de loi sera peut-être jugé contraire à la Charte. Combien de fois l'avez-vous dit? Pourquoi n'obtenions-nous pas des avis juridiques? C'est à nous de les étudier. Nous sommes les parlementaires. Nous sommes ici pour prendre ce genre de décision. Tranchons la question une fois pour toutes plutôt que de continuer à en débattre.

M. Irwin Koziebrocki: Est-ce une question?

M. Myron Thompson: C'est votre question. Pourquoi ne pas faire cela? Pourquoi ne faisons-nous pas cela?

M. Irwin Koziebrocki: Je ne crois pas qu'on prétende que l'analyse génétique soit contraire à la Charte. C'est plutôt le processus de prélèvement des échantillons qui pose problèmes. C'est ce processus qui enfreint peut-être la Charte.

La Cour suprême du Canada, dans l'arrêt Stillman et d'autres, a parlé de preuves menant à l'auto-incrimination. Les preuves découlant d'alcootests, d'échantillons de sang, d'échantillons de salive, d'impressions dentaires, d'empreintes génétiques; toutes ces preuves se trouvent dans cette catégorie. Il en va de même pour les déclarations et les aveux. Ce sont des preuves qu'on a obtenues en mobilisant l'accusé contre lui-même.

C'est la même chose pour l'ADN à cet égard. Il s'agit en fait de savoir comment on prélève cela. Est-ce qu'on protège les droits d'un accusé quand on fait un prélèvement? Il y a des problèmes quand quelqu'un arrive devant un accusé et va lui piquer ou lui tirer les cheveux sans demander la permission ou sans avoir l'autorisation judiciaire de le faire. C'est là que se posent les problèmes.

Ce qu'il faut savoir, c'est si l'autorisation judiciaire que vous prévoyez ou que vous allez prévoir dans ce projet de loi suffit pour protéger ces droits et respecter la Charte.

Si vous voulez entendre davantage de spécialistes de la Charte, je n'y vois pas d'inconvénients.

M. Myron Thompson: Êtes-vous en train de me dire qu'il faut une permission pour prendre des empreintes digitales?

• 1040

M. Irwin Koziebrocki: Oui. Le Code criminel et la Loi sur l'identification des criminels exigent une permission. Mais quand je parle de «permission», je ne parle pas de la permission que donnerait l'accusé. Je dis qu'il y a un texte législatif qui l'autorise et que l'agent de police ne peut pas de lui-même dire: «Arrivez, je vais prendre vos empreintes digitales, prélever des cheveux et vous mettre une aiguille dans la peau parce que je crois que j'ai besoin de ces différents éléments pour finir mon enquête.».

M. Myron Thompson: Vous dites qu'il y a une loi pour les empreintes digitales mais que cela n'existe pas pour l'ADN.

M. Irwin Koziebrocki: Oui. Cela commence seulement.

M. Myron Thompson: Cela commence mais comment fait-on pour que cela existe? C'est une technologie précieuse. Que faut-il faire pour que cela existe? Faisons-le.

La présidente: Ma foi, c'est ce que nous faisons. C'est justement cela.

M. Myron Thompson: Mais on ne peut pas le faire sans avis juridique. On ne peut pas continuer à dire peut-être ou peut-être pas. Il faut des avis juridiques. Je voudrais savoir pourquoi on n'a pas soumis ce projet de loi à des juristes.

La présidente: Nous entendrons les témoins. C'est ce que nous faisons.

Monsieur Ramsay, allez-y.

M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): J'ai une petite question dans la même veine à propos d'une contestation fondée sur la Charte. Si nous adoptons le projet d'article 487.055, cela permet de prendre des échantillons d'ADN à ceux qui ont été condamnés et déclarés criminels dangereux et à ceux qui ont été condamnés d'au moins deux infractions sexuelles. Pensez-vous que cela sera considéré conforme à la Charte?

M. Irwin Koziebrocki: Je ne le crois pas.

M. Jack Ramsay: Pourquoi?

M. Irwin Koziebrocki: Parce que vous le faites rétroactivement. Ce n'est pas comme si quelqu'un venait pour cela et savait que vous alliez prélever un échantillon sÂil ou elle est déclaré(e) coupable de ces infractions.

Voilà ce qui se produira certainement dans ce genre de situation. Quelqu'un prélèvera un échantillon au terme des dispositions de cet article. Prenez quelqu'un qui est en prison depuis 10 ans comme criminel dangereux. Vous vous présentez devant un juge et vous dites: «Donnez-moi l'autorisation de prélever un échantillon sur cette personne parce que c'est un criminel dangereux au terme des dispositions de l'alinéa 487.055(1)a). Voici un certificat de condamnation. Il est actuellement au pénitencier de Kingston et je voudrais aller prélever un échantillon sur lui.»

Le juge de paix signe ce document et vous partez lui faire une piqûre. Ensuite, vous prenez cet échantillon et analysez l'ADN puis vous vous reportez à vos dossiers inactifs ou à votre collection de dossiers classés et vous les passez en revue et, au fur et à mesure, vous déclarez que le bonhomme a commis ceci, ceci et cela. C'est bien cela? Il ne vous reste plus qu'à l'accuser de tous ces crimes.

L'intéressé va contester en disant: C'est de l'auto-incrimination. On ne m'avait pas demandé un tel échantillon avant. Tout d'un coup, il faut que je le fournisse et on m'a obligé à fournir des preuves qui font que je me vois condamné pour des infractions que l'on n'aurait jamais pu prouver auparavant.»

M. Jack Ramsay: Je vous demande pardon, mais cela n'existe-t-il pas déjà aujourd'hui pour les empreintes digitales? Si quelqu'un ne s'est pas fait prendre les empreintes digitales et se retrouve condamné pour un acte criminel, les autorités de police n'ont-elle pas le droit maintenant d'aller obtenir ces empreintes digitales pour les comparer à celles que l'on a trouvées sur le lieu de crimes non résolus?

M. Irwin Koziebrocki: Elles le font.

M. Jack Ramsay: Quelle serait la différence si l'on invoquait la Charte?

M. Irwin Koziebrocki: La différence est le degré d'importunité.

M. Jack Ramsay: Il ne s'agit que du degré d'importunité. Si donc notre technologie devient moins importune, cela deviendra possible?

M. Irwin Koziebrocki: Ma foi, c'est un élément, il y a l'importunité et le fait qu'il s'agit dans une certaine mesure d'auto-incrimination.

M. Jack Ramsay: D'accord.

La présidente: Merci, monsieur Ramsay.

Monsieur Forseth, je reviendrai à vous. Vous avez eu environ neuf minutes mais je ne vous oublierai pas.

• 1045

[Français]

Monsieur Marceau.

M. Richard Marceau (Charlesbourg, BQ): Merci d'être venu aujourd'hui. J'ai d'abord une précision à vous demander concernant l'appel. Vous mentionniez qu'il y avait possibilité d'appel et qu'il faudrait dans ce cas que la Couronne, et non la personne, ait le fardeau de prouver la nécessité de prélever des échantillons. On prend-on ce problème du fardeau de la preuve? Est-ce que c'est à 487.054?

[Traduction]

M. Irwin Koziebrocki: Je parlais de l'article où il est question d'infraction primaire et d'infraction secondaire. Pour l'infraction primaire, il stipule que le juge ordonnera de prendre un échantillon à moins que l'accusé prouve que les dispositions particulières ne s'appliquent pas—projet d'article 487.051.

M. Richard Marceau: Mais où est l'appel?

M. Irwin Koziebrocki: Le processus d'appel est énoncé dans le projet d'article 487.054.

M. Richard Marceau: D'accord.

M. Irwin Koziebrocki: Cela donne au contrevenant et au procureur le droit d'appeler de la décision de prendre des échantillons aux termes des dispositions de l'article 487.051. Donc, pour une infraction primaire, le juge est tenu de rendre une ordonnance pour prendre un échantillon à moins que l'accusé—c'est le paragraphe 2(2)—montre que l'incidence que cela pourrait avoir sur cette personne ou sur la vie privée de l'adolescent et sa sécurité est tout à fait disproportionnée par rapport à l'intérêt public, la protection de la société et la bonne administration de la justice. La responsabilité revient donc à l'accusé en cas d'infraction primaire.

Pour l'infraction secondaire, c'est à la discrétion du juge. L'article dit: «peut rendre une ordonnance» si l'on est convaincu que c'est dans l'intérêt de l'administration de la justice. Ces deux décisions peuvent faire l'objet d'un appel soit de la part du procureur soit de la défense aux termes des dispositions de l'article 487.054.

M. Richard Marceau: D'accord.

[Français]

Au tout début, vous mentionniez que le droit à l'intégrité de la personne était un droit fondamental et que dans le cas de toute contravention à ce droit, on pouvait avoir un problème avec la Charte.

Si, contrairement à ce qu'on trouve dans le projet de loi tel qu'il est à l'heure actuelle, on donnait à la personne le choix de la méthode de prélèvement, est-ce que cela serait mieux et est-ce que ça empêcherait une cause basée sur la Charte?

[Traduction]

M. Irwin Koziebrocki: Il existe actuellement trois méthodes. D'une part prélever du sang, d'autre part prélever des cheveux pour avoir la racine et, troisièmement, prélever de la salive ou un autre fluide corporel.

• 1050

Je ne sais pas si la Cour suprême du Canada fait une distinction entre ces diverses méthodes mais, de toute évidence, il y a des méthodes qui sont plus importunes que d'autres. Prélever un échantillon de salive sur un tampon est moins important qu'arracher des cheveux ou faire une piqûre. Je vous dirais que cela ne change rien parce que la Cour suprême du Canada dit que c'est la même chose. Mais si vous me demandez mon avis personnel sur ces différentes méthodes, je crois que l'on peut dire qu'il y en a qui sont plus importunes que d'autres.

[Français]

M. Richard Marceau: Oui, mais je vous demande si on ne devrait pas permettre à la personne de choisir la méthode la moins pénible pour elle.

[Traduction]

M. Irwin Koziebrocki: Là encore, nous revenons à une question plus fondamentale. Certes, on pourrait donner ce choix à l'intéressé et cela rendrait la chose moins importune parce qu'il est prévu dans la loi que l'on puisse offrir de fournir ce genre d'échantillon. Je pense que dans certains cas, il y a des gens qui le proposeront, surtout s'ils estiment que c'est dans leur intérêt, que cela peut leur permettre d'être relâchés ou de voir diminuer leur peine. Toutefois, tout bien considéré, je ne pense pas que l'on puisse faire de distinction entre les méthodes retenues pour prélever ce type de substance corporelle. C'est la nature de la substance, le fait de l'obtenir et le fait que ces renseignements sont conservés. C'est cela qui est important.

[Français]

M. Richard Marceau: Je me posais la même question que vous concernant le paragraphe 9(2), qui fait qu'on peut garder les échantillons après une annulation de déclaration de culpabilité ou une absolution. Je voudrais vous dire qu'on nous a répondu qu'il était impossible de détruire l'échantillon et qu'une fois qu'on avait enlevé le nom et que les échantillons étaient inaccessibles, il n'y avait plus de danger. On nous a dit qu'il n'existait pas de technologie permettant de détruire les informations dans la banque de données. On a trouvé cela un peu particulier. Si on a la technologie pour prendre l'échantillon...

M. Nick Discepola (Vaudreuil—Soulanges, Lib.): Ce n'est pas l'échantillon. C'est autre chose qu'on ne peut pas éliminer.

M. Richard Marceau: C'est donc le profil. On nous a dit qu'on n'avait pas la technologie pour effacer des informations. Cela nous paraît particulier, et je voudrais avoir votre point de vue là-dessus.

[Traduction]

M. Irwin Koziebrocki: Je ne suis pas un scientifique... J'ai vu les profils d'identification génétique qui ont été préparés pour les dossiers sur lesquels j'ai travaillé. On prépare une pellicule sur laquelle on voit des marques et des lignes. Je suppose que ces profils seraient faciles à détruire étant donné qu'en les créant on détruit déjà une partie de l'information de base. Je ne peux cependant pas vous dire s'il serait possible de les supprimer d'une base de données informatique.

Ce qui m'inquiète, ce n'est pas tant qu'on puisse supprimer, détruire, déchirer ou altérer d'une façon quelconque le profil d'identification génétique, mais qu'on n'a pas prévu ce qu'on ferait de ce profil entre le moment de la condamnation et l'acquittement. Il faut régler cette question. Qu'arrive-t-il lorsqu'on consulte sa banque de données et qu'on trouve trois autres infractions qui correspondent à ce profil? Or, vous n'avez plus le droit d'accès à ce profil depuis l'acquittement de l'accusé. Que fait-on donc avec ce profil entre temps? Devient-il inadmissible en preuve dans d'autres procès? C'est une question qu'on ne semble pas avoir réglée.

• 1055

La présidente: Je vous remercie, monsieur Marceau.

Monsieur MacKay.

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): J'aimerais poursuivre dans la même veine. Tout cela me rappelle beaucoup une cause qui avait été portée devant la Cour suprême du Canada.

Je suis sûr que vous connaissez l'affaire Josh Randall Borden. Ce Néo-Écossais avait été accusé de viol. La police l'a interrogé. La Cour suprême a statué qu'on avait essayé de le piéger parce que la déclaration qu'on lui avait fait signer mentionnait «des» enquêtes, donc plus d'une.

La police s'est servi du profil d'identification génétique établi dans la première affaire pour essayer de faire la lumière sur une autre affaire en instance. On a constaté que le profil de M. Borden correspondait à celui de la personne qu'on recherchait dans l'affaire en question. Quels qu'aient été les doutes qu'on ait pu avoir au sujet de l'exactitude du profil, on a jugé qu'il correspondait à celui de M. Borden qui fut alors condamné tant en première instance qu'en appel. La Cour suprême du Canada a cependant jugé la preuve inadmissible parce que la police l'avait obtenue de façon irrégulière en cachant au prévenu qu'on s'en servirait dans le cadre de plus d'une enquête. Or, il croyait donner un échantillon dont on ne se servirait que pour une seule enquête.

Le projet de loi semble régler ce problème. Cela revient sans doute à une question de principe. Qu'une personne soit condamnée ou non pour un crime, si les preuves recueillies l'ont été de façon irrégulière ou si la cause est toujours en instance, elles ne devraient pas servir à une autre enquête visant à élucider un crime non résolu, qu'il s'agisse d'un viol, d'un meurtre ou de quoi que ce soit d'autre.

M. Irwin Koziebrocki: Ce qui importe, c'est de s'assurer qu'une personne ne sera pas condamnée pour un crime sur la foi de preuves qui auraient été obtenues de façon irrégulière. On décidera peut-être qu'à partir d'un certain moment, ces preuves auront été obtenues de façon irrégulière. La cour estimera peut-être que le problème ne se pose pas, mais il faudrait que le projet de loi établisse si un profil d'identification génétique a été préparé de façon régulière ou non et s'il peut être utilisé pour solutionner d'autres crimes. C'est une question qui doit certainement préoccuper tous ceux qui se trouveraient dans cette situation.

Prenons l'exemple de quelqu'un qui soutient ne pas avoir commis le crime qu'on lui reproche. Supposons qu'on découvre qu'il est effectivement innocent. On peut cependant, entre-temps, s'être servi de l'analyse génétique pour solutionner d'autres crimes. On se retrouverait dans le même cas que dans l'affaire Borden. Je ne peux pas l'affirmer avec certitude, mais c'est certainement une possibilité.

M. Peter MacKay: On peut aussi faire l'analogie avec l'affaire Feeney. Il s'agit d'évaluer l'importance relative des droits individuels par rapport à la protection communautaire des droits de propriété ou des droits publics.

J'aimerais attirer votre attention sur le fait qu'il me semble que nous insistons surtout sur l'éventualité d'un recours abusif aux empreintes génétiques. N'est-il pas vrai que cette technologie est aussi utile pour la défense? Ne s'en est-on pas servi pour prouver irréfutablement l'innocence de MM. Morin et Milgaard, par exemple? Le fait pour une personne d'accepter volontairement de donner un échantillon peut beaucoup l'aider. Quelqu'un qui se dit innocent d'un crime dont on l'accuse et qui est prêt à donner volontairement un échantillon ou qui est contraint par un tribunal de le faire, peut ainsi avoir un moyen de prouver son innocence.

J'aimerais vous poser une autre question. Vous avez dit qu'on devrait avoir le droit de contester le fait qu'on crée des banques de données, et vous avez dit craindre qu'il y ait dans ce cas inversion du fardeau de la preuve. Cela ne vaut-il pas aussi pour l'article 100 en vertu duquel un juge peut rendre une ordonnance d'interdiction? Vous avez également donné l'exemple d'un juge qui imposerait un traitement obligatoire avant la libération ou comme condition d'une libération conditionnelle. N'y a-t-il pas similitude entre ces dispositions exécutoires?

• 1100

M. Irwin Koziebrocki: Je ne dis pas que c'est la seule disposition du Code criminel dont on peut dire qu'il y a inversion du fardeau de la preuve. Il y en a beaucoup d'autres. La Cour suprême du Canada a cependant invalidé un certain nombre d'entre elles parce qu'il n'y avait pas un véritable lien de cause à effet entre le délit et l'interdiction. D'autres dispositions ont été maintenues aux termes de l'article 1 de la Charte.

À mon avis, dans un cas semblable, la décision devra être laissée au juge. C'est au juge de décider si les circonstances justifient le recours à cette disposition. En particulier, si l'on compte faire de l'agression sexuelle un délit primaire, il convient de laisser aux juges le soin de prendre cette décision et non pas de demander à l'accusé de se plier à une disposition à laquelle il est assez difficile de se conformer.

La personne qui refuse de donner un prélèvement de sang devra d'abord prouver qu'elle est hémophile, celle qui refuse de donner un cheveu, qu'elle aura une crise cardiaque et, celle qui refuse de donner un prélèvement de salive devra trouver une autre raison. Dans ces circonstances, je crois qu'il sera presque impossible d'invoquer cet article.

À mon avis, ce sera très rare. On le permettra peut-être à quelqu'un de 85 ans qui termine ses jours. Cette personne pourra dire faites votre prélèvement si cela vous chante, mais vous risquez de causer ma mort.

À mon sens, on rend donc les prélèvements obligatoires. À mon humble avis, il vaudrait mieux laisser cette décision à la discrétion du juge de première instance lorsque les circonstances le justifient, comme c'est le cas des circonstances énumérées à l'alinéa b).

J'aimerais revenir sur ce que vous avez dit au sujet de l'analyse génétique. Je conviens avec vous que ces analyses sont, à certains égards, très utiles pour la défense. Nous savons à tout le moins que cette technologie permet beaucoup mieux d'exclure que d'inclure certaines personnes au nombre des suspects. En effet, une analyse génétique ne permet pas toujours de conclure qu'une personne a bien commis le crime qu'on lui reproche, mais elle permet par contre de prouver que quelqu'un n'a pas commis un certain crime.

Personne ne conteste donc l'utilité et la nécessité des analyses génétiques en droit pénal. En fait, je crois avoir insisté là-dessus dès le départ.

M. Peter MacKay: Compte tenu de ce que vous avez dit au sujet de l'inversion du fardeau de la preuve, vous pensez donc qu'on devrait confier au juge le pouvoir discrétionnaire de décider quand les prélèvements seront obligatoires.

À cet égard, ne convenez-vous pas que dans bien des cas, le prélèvement sera inévitable? Il suffit de lire le hansard pour voir ce qui a été dit lorsqu'on a commencé à recourir aux empreintes digitales et à l'ivressomètre. Les avocats vont faire leur métier et les tribunaux vont mettre du temps à rendre leurs verdicts.

La loi ne peut pas prévoir tous les cas. C'est une partie intégrante du métier d'avocat. Je le dis parce que...

M. Irwin Koziebrocki: Voudriez-vous que je réponde à la question?

M. Peter MacKay: Oui.

La présidente: On veut évidemment aussi créer des emplois.

M. Peter MacKay: Étant donné que M. Thompson a dit qu'il fallait essayer—et je suis sûr que c'est ce qu'on essaie de faire—de trouver un juste équilibre entre la protection des droits individuels et la protection du public... On ne peut pas s'attendre à ce qu'il n'y ait jamais de recours à la Charte. Je crois donc que nous n'avons pas à craindre que le projet de loi aille trop loin.

M. Irwin Koziebrocki: À première vue, il est assez simple, en vertu de la loi, d'exiger que quelqu'un doive souffler dans l'ivressomètre si l'on soupçonne qu'il conduit sa voiture en état d'ébriété. Or, le recours à l'ivressomètre a donné lieu à beaucoup de contestations, et vous avez raison de souligner que les avocats vont compliquer à loisir quelque chose qui est très simple.

• 1105

M. Peter MacKay: J'ai une dernière question très précise. Vous avez parlé des délits primaires et des délits secondaires. J'aimerais savoir ce que vous pensez comme avocat de l'article 163.1 sur la pornographie juvénile. Compte tenu de l'intention visée par la loi, pensez-vous que la pornographie juvénile doive être un délit primaire?

M. Irwin Koziebrocki: À quelle disposition faites-vous allusion?

M. Peter MacKay: À l'article 163.1 du Code criminel. Ce n'est pas dans le projet de loi.

Devrait-il s'agir...

La présidente: Il vous demande si la possession de pornographie juvénile devrait être considérée comme un délit primaire.

M. Peter MacKay: Vous avez donné des exemples de délits pour lesquels vous ne voyez pas de lien. C'est peut-être un de ceux qu'on a oubliés dans le projet de loi.

M. Irwin Koziebrocki: Je n'en ai vu aucune mention dans le projet de loi. S'il en avait été fait mention dans le projet de loi, je vous aurais dit que ce ne devrait pas être un délit primaire.

De quoi s'agit-il? D'images qu'on télécharge depuis l'Internet par ordinateur, c'est-à-dire un délit de possession et non pas de fabrication. À mon sens, l'analyse génétique ne servirait pas à grand-chose dans ce genre de cas. Il n'y a pas de lien de cause à effet. Je vois un meilleur rapport entre l'analyse génétique et le fait de quitter la scène d'un accident que lorsque quelqu'un qui subit un accident laisse derrière lui des substances corporelles. Je ne pense pas que cela se produise dans ce genre de cas, bien que je puisse songer à des situations...

M. Peter MacKay: Ce serait assez évident. Nous n'allons pas nous étendre là-dessus.

M. Irwin Koziebrocki: Je m'y attendrais

La présidente: Madame Finestone.

L'honorable Sheila Finestone (Mont-Royal, Lib.): Je vous remercie beaucoup, madame la présidente. Le témoin nous a donné un très bon aperçu d'une nouvelle technologie de pointe—c'est bien ce dont il s'agit—et de ses conséquences morales et juridiques dans un monde où il nous semble parfois que rien n'a plus de sens.

Nous discutons ici du type de renseignement le plus intime et le plus personnel qui soit, et la communication de ce genre de renseignement comporte un aspect moral. Or, la technique présente de grands avantages.

J'aimerais vous faire part de deux préoccupations. La première a trait aux questions qui ont été posées par MM. Ramsay et Thompson et aux sujets qui ont aussi été abordés par d'autres intervenants. Je fais allusion à la rétroactivité, à l'inversion du fardeau de la preuve et au caractère intrusif de la technologie.

J'aimerais d'abord que nous discutions de la question des empreintes digitales. Nous n'avons jamais auparavant eu accès à des renseignements numérisés. Nous pouvons maintenant avoir accès à des empreintes digitales numérisés.

Nous avons tous accepté le fait qu'on pouvait utiliser CANPASS dans les aéroports de Vancouver et de Toronto. Ce laissez-passer vous permet d'avoir rapidement accès à l'aéroport, et il suffit de donner très peu de renseignements. On a donc décidé volontairement de permettre qu'on numérise les empreintes digitales sur ce genre de cartes.

Je m'élève cependant contre le fait qu'on utilise ce genre de renseignements à d'autres fins que celles qui avaient été prévues à l'origine. Ainsi, Revenu Canada peut faire la corrélation entre certaines données et savoir si vous avez acheté un produit ou non ou si vous avez dit ceci ou cela. Le problème que cela soulève a trait à l'utilisation qui est faite de l'information obtenue.

Le même problème se pose en ce qui a trait à cette technologie. Autrefois, on n'avait pas à prélever du sang, des cheveux ou de la salive. Maintenant il faut le faire si l'on veut obtenir certains renseignements.

Faut-il considérer que cette technologie est tellement intrusive que, malgré ces avantages, il faudrait l'interdire? J'estime que la nouvelle technologie comporte de véritables avantages et ce projet de loi ne me déplaît pas. Je me demande cependant combien de temps il faudra attendre pour que la Cour suprême ait établi dans quel cas cette technologie sert vraiment l'intérêt de la société.

• 1110

Pensez-vous que nous devrions demander aux tribunaux ce qu'ils pensent de ce projet de loi. Faudra-t-il attendre que les avocats contestent la loi... Comme je compte beaucoup d'avocats dans ma famille, je ne pense pas qu'ils aimeraient beaucoup m'entendre dire qu'ils vont pouvoir se remplir les poches grâce à cela.

Plus sérieusement...

M. Irwin Koziebrocki: Je ne pourrais pas vous assurer que ce n'est pas le cas, du moins dans le domaine pénal.

La présidente: Tenons des audiences là-dessus.

L'hon. Sheila Finestone: Pensez-vous qu'on devrait donc soumettre la question à la Cour suprême ou cela prendrait-il trop de temps?

La possibilité que nous offre cette technologie moderne de découvrir qui a commis un crime répugnant—en fait c'est plutôt un crime horrible—un meurtre, un viol, une agression sexuelle...?

Je ne partage pas votre avis au sujet des agressions sexuelles, mais je m'écarte du sujet.

Si cette technique permettait d'isoler ces cas ou de les traiter, on pourrait ainsi prévenir des agressions et des pertes de vie. Je pense donc qu'elle est utile.

M. Irwin Koziebrocki: Est-ce une question?

L'hon. Sheila Finestone: Oui, je vous ai posé deux questions.

M. Irwin Koziebrocki: Voici ma position. Je ne dis pas qu'il faut demander l'avis de la Cour suprême du Canada avant d'adopter une loi sur les analyses génétiques. En fait, je pense vous avoir dit que cette loi est utile et importante. Il faut cependant faire en sorte qu'elle soit valide. Vous demandez s'il conviendrait de renvoyer l'affaire devant la Cour suprême du Canada. La Cour suprême du Canada a déjà statué que le fait de faire des prélèvements de substances corporelles à l'insu ou contre le gré de quelqu'un, ou sans obtenir son consentement au préalable, contrevient à la Charte... Les renseignements ainsi obtenus ne seraient donc pas admissibles en preuve.

Il faudrait donc s'assurer que la loi ne contrevient pas à la charte. Il ne m'appartient pas vraiment de vous dire comment il faut le faire. Les tribunaux en jugeront un jour, ou vous le ferez sur le plan législatif, de sorte que la loi ne sera pas contraire aux principes fondamentaux exposés dans la Charte des droits et libertés.

L'hon. Sheila Finestone: Si cette nouvelle loi permettait d'utiliser les renseignements obtenus de façon légitime pour résoudre certains crimes non résolus, je ne vois pas en quoi cela contreviendrait à la Charte. C'est cela que je ne comprends pas.

J'estime qu'il faut respecter la Charte—le Canada est d'ailleurs un pays respectueux de la loi—, mais je ne vois pas pourquoi cela nous empêcherait d'utiliser une information obtenue de façon légitime aux termes de cette nouvelle loi... Pourquoi faut-il préciser dans la loi que ces analyses peuvent être utilisées rétroactivement?

M. Irwin Koziebrocki: Je ne vois rien qui s'oppose à ce qu'on prévoie dans la loi que l'empreinte génétique d'une personne reconnue coupable d'un crime soit versée à une banque de données. Je m'oppose cependant à ce qu'on demande à des gens qui ont été condamnés il y a dix ans de fournir un prélèvement pour qu'on puisse voir s'ils n'ont pas commis des crimes qui n'ont pas été résolus. Ce serait de l'auto-incrimination. Voilà le problème que pose le projet de loi.

L'hon. Sheila Finestone: Cela ne répond toujours pas à ma question. J'ai compris ce que vous avez dit. Je suis tout à fait d'accord avec vous, mais cela importe peu.

• 1115

L'affaire dont a parlé M. MacKay remonte à 1994. Si cette loi avait existé et si elle avait permis l'utilisation rétroactive d'une analyse génétique, la Cour suprême aurait-elle rendu un autre verdict dans l'affaire Borden? Supposons que l'analyse ait été faite en vertu de la loi proposée et que celle-ci ait permis la rétroactivité.

Cela réglerait-il le problème? Une loi ne doit pas être éphémère, elle doit toujours être valable 20 ou 30 ans plus tard.

Cela se serait-il passé si cette loi avait été en vigueur? Si la rétroactivité était permise et s'il n'y avait pas de doute quant à l'inversion du fardeau de la preuve, cette affaire se serait-elle néanmoins retrouvée en Cour suprême? J'aimerais savoir s'il faut retirer ou ajouter quelque chose au projet de loi.

M. Irwin Koziebrocki: À mon avis, le résultat aurait été le même.

L'hon. Sheila Finestone: Il n'y a donc pas moyen de...? Je crois que l'intérêt de la société exige qu'on puisse utiliser ces renseignements.

M. Irwin Koziebrocki: Vous avez peut-être raison dans la mesure où il peut effectivement y aller de l'intérêt de la société de pouvoir utiliser ces renseignements, mais cela ne signifie pas que cette pratique serait conforme aux articles 1 ou 24 de la Charte. Il y a bien des choses qu'un comité peut souhaiter vouloir faire.

On ne peut que se demander ce qui se produirait maintenant. Plusieurs personnes vivent dans la région de Kingston. Si une utilisation rétroactive des analyses génétiques était permise, je m'attendrais à ce que dès le lendemain, les policiers demandent à une foule de gens de fournir des prélèvements pour essayer de résoudre tous les crimes non résolus commis le long de la 401 entre Toronto et Windsor.

La présidente: Non. Je viens de Tilbury, et cela ne va jamais jusqu'à Windsor.

M. Irwin Koziebrocki: Vous avez raison.

Vous savez cependant ce que je veux dire. C'est exactement ce qui se produirait.

Quant à savoir si ce serait une bonne chose pour la société, sans doute. L'intérêt de la société est cependant une chose et la Charte en est une autre. Je ne pense pas que des preuves obtenues de cette façon seraient considérées comme des preuves admissibles.

La présidente: Je vous remercie, madame Finestone.

Monsieur Forseth, je vous demanderais d'être bref.

M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Réf.): Je vous remercie. J'aimerais aborder deux points secondaires.

Vous avez soulevé plus tôt la question des pardons et des banques de données. Vous avez demandé pourquoi on ne détruirait pas ces dossiers en cas de pardon, n'est-ce pas?

M. Irwin Koziebrocki: Oui.

M. Paul Forseth: Comme vous le savez, un casier judiciaire est scellé au moment d'un pardon, mais il n'est pas détruit parce qu'on peut le rouvrir si la personne qui a obtenu son pardon commet de nouveau un crime grave. Voilà pourquoi on ne les détruit pas.

On ne peut donc plus avoir accès aux empreintes digitales ou aux autres renseignements concernant une personne qui a obtenu un pardon, mais à l'occasion, on peut rouvrir son casier. Les analyses génétiques qui feraient partie d'une banque de données n'appartiennent-elles pas à cette catégorie de renseignements?

M. Irwin Koziebrocki: Peut-être, mais le projet de loi ne précise rien à cet égard. Tout ce que le projet de loi dit, c'est que les prélèvements doivent être conservés à part et ne pas être utilisés dans des analyses.

Si c'est le cas, on les conserve dans un local quelque part et on ne s'en sert pas. Si c'est ce qu'on veut...

M. Paul Forseth: Très bien. Dans ce cas, je suppose qu'on devrait préciser que les empreintes génétiques des personnes qui ont obtenu un pardon devraient être traitées comme tous les autres renseignements se rapportant à ces personnes, et on devrait pouvoir y avoir accès au besoin ultérieurement.

Vous avez aussi dit que l'ivressomètre, les empreintes digitales et les analyses génétiques étaient comparables. Je crois que vous avez dit que la technique n'était pas encore parfaite. Je pense que vous faisiez allusion à l'aspect scientifique. Pour notre gouverne, pourriez-vous nous dire s'il existe des rapports ou des articles qui confirment votre opinion? Vous pourriez peut-être nous les faire parvenir. Pourriez-vous simplement nous dire quelles sont les sources d'information que nous devrions consulter?

• 1120

M. Irwin Koziebrocki: Plusieurs rapports ont été soumis récemment à divers tribunaux de la région de Toronto, notamment des rapports provenant du Centre des sciences judiciaires, qui traitent en particulier de la contamination de diverses substances.

Je me permettrai une observation d'ordre général puisque je ne peux pas vraiment être plus précis là-dessus. La technique de l'analyse génétique n'existe vraiment que depuis dix ans. Ce n'est qu'à partir de 1988 qu'on a commencé à faire régulièrement des analyses génétiques. En fait, ce n'est que depuis les années 90 qu'on a commencé à en faire au Canada. Je crois que le laboratoire à Toronto a ouvert en 1992. Il met plusieurs semaines à faire une analyse génétique.

Il ne s'agit donc pas simplement de prendre un prélèvement sanguin, de l'agiter un peu, de le mettre sous un microscope et de transcrire l'information obtenue sur ordinateur. Ce n'est pas ainsi qu'on procède pour une analyse génétique.

Plusieurs laboratoires en Angleterre et aux États-Unis ont mis au point une méthode plus efficace et ils peuvent même faire des cultures d'ADN. Lorsque l'échantillon n'est pas suffisant, ils peuvent donc en produire davantage.

La technologie évolue. J'ai lu qu'il serait bientôt possible de faire une analyse génétique en quelques heures plutôt qu'en quelques semaines. Je suis sûr que la technologie sera beaucoup plus avancée dans quelques années.

N'oubliez pas qu'en adoptant cela, vous vous retrouverez avec ce que nous avons maintenant. Vous pourriez avoir des salles pleines de toutes sortes de choses dont il vous faudra jeter une grande partie en fin de compte, parce que ce dont vous avez besoin ne s'y trouvera pas.

Vous devriez peut-être parler à un scientifique plutôt qu'à un avocat.

La présidente: Merci, monsieur Forseth.

Monsieur Discepola.

M. Nick Discepola: Je serai très bref, madame la présidente. J'aimerais savoir si j'ai bien compris.

Ce que vous dites, c'est que le processus de prélèvement d'échantillons et l'échantillon lui-même contreviennent à la Charte, n'est-ce pas?

M. Irwin Koziebrocki: Cela fait partie du problème.

M. Nick Discepola: Je vais vous poser la question différemment, puisque vous ne semblez pas répondre aux questions de façon précise. Peut-être pourriez-vous exprimer votre opinion de temps à autre.

Je ne comprends pas la différence. Si je comprends bien ce que vous dites, le fait de prendre ne serait-ce que des empreintes digitales contrevient à la Charte, mais il existe une loi spéciale pour éviter cet écueil.

M. Irwin Koziebrocki: Ce que je dis, c'est qu'il existe des moyens de prélèvement légitimes. L'un des effets de ce projet de loi est d'offrir des moyens légitimes de recueillir des échantillons de substances corporelles.

Mais permettez-moi de revenir à la question des empreintes digitales. S'il n'existait pas de moyen légitime dans le Code criminel et la Loi sur l'identification des criminels, dont la légitimité a été confirmée par la Cour suprême du Canada, pour recueillir...

M. Nick Discepola: Comment alors faudrait-il modifier ces deux mesures législatives pour permettre que soient recueillis des échantillons d'ADN?

M. Irwin Koziebrocki: C'est ce que vous tentez de faire à l'heure actuelle.

M. Nick Discepola: J'aimerais connaître votre opinion.

M. Irwin Koziebrocki: Vous êtes sur la bonne voie. Il pourrait toutefois y avoir quelques améliorations.

M. Nick Discepola: J'ai l'impression, d'après votre témoignage, que c'est peut-être le travail des avocats que vous voulez limiter. Pour ma part, si vous voulez que cette banque soit efficace et utile... En la limitant, vous la rendrez à peu près inutile parce qu'il n'y aura pas suffisamment d'échantillons aux fins de vérification.

Il vaudrait mieux enrichir la banque de données dans toute la mesure du possible sans pour autant commettre d'intrusion, sans contrevenir à la Charte.

Pour revenir à la question de la rétroactivité par exemple, je ne vois pas ce qu'il y aurait d'auto-incriminant à demander à quelqu'un de fournir un échantillon. Et pourtant, si on demande à un criminel déjà condamné de fournir des échantillons, cela ne peut pas servir à l'incriminer. Sous le régime des lois qui régissent les mandats, le fait de demander un échantillon n'est pas contraire à la Charte.

• 1125

Je n'y comprends plus rien.

M. Irwin Koziebrocki: Il y a trois éléments dans cette mesure législative. Premièrement, elle permet le prélèvement d'échantillons sur la scène d'un crime.

M. Nick Discepola: Cela qui ne saurait contrevenir à aucune charte.

M. Irwin Koziebrocki: Effectivement, cela ne me pose pas problème.

Deuxièmement, vous avez mis en place un régime législatif en matière de mandats. Vous ne nous avez rien demandé à ce sujet, vous l'avez fait. Les tribunaux traitent actuellement des contestations à ce sujet sous le régime de la Charte. Nous verrons quels en seront les résultats.

Si vous voulez en discuter, d'accord, mais vous avez déjà pris cette mesure que je sache.

Troisièmement, vous voulez instituer une banque de données pour pouvoir comparer les échantillons qui seront prélevés à l'avenir, qui se fait déjà dans le cas des empreintes digitales. Je ne dis pas que ce soit mauvais. Je dis simplement que vous devez tenir compte de certaines choses, et je vous ai donné une liste de certaines d'entre elles...

M. Nick Discepola: Dans ce cas, j'ai une dernière question pour vous. Votre opinion serait-elle la même si nous ne gardions que les profils et si nous détruisions les échantillons une fois le profil établi?

M. Irwin Koziebrocki: Que l'on garde l'un ou l'autre, il n'y a aucune différence.

La présidente: Merci, Nick.

Jack, vous avez deux minutes.

M. Jack Ramsay: Permettez-moi de revenir au projet d'alinéa 487.055(1). C'est cette disposition qui permettra à un agent de police d'obtenir un échantillon d'un condamné déclaré délinquant dangereux ou d'une personne qui a commis au moins deux infractions sexuelles.

Maintenant que nous avons ouvert la voie dans ce domaine, si cette disposition est incontestable sous le régime de la Charte, il serait avantageux à mon avis d'étendre cette mesure à d'autres actes criminels.

Lorsque nous avons rencontré le ministre, nous avons discuté le fait que, sous le régime de ce projet de loi, les policiers ne pourront obtenir d'échantillons d'ADN de gens comme Clifford Olson. J'ai aussi une longue liste d'autres personnes qui ont commis des viols mais n'ont pas été condamnés.

Les preuves montrent clairement que, dans le cas de Clifford Olson, ces jeunes enfants ont bel et bien été violés. Mais puisque la mesure législative ne permet de ne recueillir des échantillons d'ADN que des gens qui ont été déclarés délinquants dangereux ou qui ont été condamnés pour avoir commis au moins deux infractions sexuelles, les policiers ne pourront pas recueillir d'échantillons de gens comme Clifford Olson.

Une voix: Pourquoi pas?

M. Jack Ramsay: Ce ne serait pas permis, parce que Clifford Olson a été condamné pour meurtre. Il n'a pas été déclaré délinquant dangereux ni condamné pour au moins deux infractions sexuelles.

Nous avons rendu cela possible. Notre comité pourrait augmenter le nombre et les catégories de délits permettant le prélèvement d'échantillons d'ADN après la condamnation.

J'aimerais avoir des précisions sur cette question, l'approfondir davantage et aller plus loin que lorsque je vous ai interrogé à ce sujet la première fois. Je voudrais savoir si vous craignez l'auto-incrimination qui en résulterait, la rétroactivité, ou les deux?

Qu'est-ce qui vous préoccupe dans ce domaine, dans la perspective des contestations sous le régime de la Charte?

M. Irwin Koziebrocki: Les deux éléments m'inquiètent: la rétroactivité dans le sens légaliste et la question de savoir si vous pouvez adopter une mesure législative qui soit rétroactive.

Deuxièmement, le fait de recueillir des échantillons est, par sa nature même, auto-incriminant puisque le condamné se trouve dans une situation qui n'existait pas avant qu'il soit reconnu coupable d'un acte criminel.

M. Jack Ramsay: D'accord. Puis-je alors répéter ma question précédente puisqu'on fait la même chose dans le cas des empreintes digitales et qu'on ne considère pas que cela soit auto-incriminant...? Autrement dit, si les autorités n'ont pas les empreintes digitales d'un criminel incarcéré pour meurtre, elles peuvent maintenant aller les prendre et les comparer aux empreintes digitales prélevées sur les lieux de crimes non résolus.

• 1130

Puisque cela se fait déjà et que l'on ne considère pas que ce soit auto-incriminant, pourquoi estimez-vous que ce serait différent dans le cas des échantillons d'ADN?

M. Irwin Koziebrocki: Parce qu'il s'agit d'une technique plus intrusive.

M. Jack Ramsay: D'accord. Pourrions-nous discuter de cette question de l'intrusion?

La présidente: Permettez-moi de donner la parole à M. McKay. Nous avons encore d'autres questions à discuter aujourd'hui.

M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): J'aimerais revenir aux représentations faites à la cour après un verdict de culpabilité dans le cas d'un acte criminel. Elles portent entre autres sur la question de la conservation du dossier de la poursuite. Ma question est la suivante: quels sont vos trois arguments principaux contre la conservation de ces éléments? Que diront les avocats de la défense pour éviter qu'ils soient conservés?

M. Irwin Koziebrocki: Ils examineront d'abord la nature de l'acte criminel. Si c'est un acte de moindre gravité, si cet acte a été commis sans violence, ils feront valoir qu'il n'est pas nécessaire de conserver le dossier.

Lorsqu'il s'agit d'actes criminels qui ne dépendent pas du tout du caractère de l'accusé, si l'accusé n'est pas le genre de personne qui se trouve normalement dans ce genre de situation, les avocats s'en serviront également comme argument. Malheureusement, il y a des gens qui se trouvent dans des situations qui ne se reproduiront plus jamais. Les jeunes, en raison même de leur jeunesse, commettent parfois des actes qu'ils regrettent ensuite et souvent, ils n'auront plus jamais maille à partir avec la justice. C'est aussi un facteur.

Le troisième facteur serait de savoir si le profil ou l'échantillon d'ADN pourrait être nécessaire à l'administration de la justice.

M. John McKay: Ce sont à peu près les mêmes arguments que pour la détermination de la peine...

M. Irwin Koziebrocki: Ce sont exactement les mêmes arguments.

M. John McKay: L'ADN est un élément de preuve beaucoup plus puissant par son caractère exclusif que par son caractère inclusif. Compte tenu de cela, les arguments que vous venez de mentionner n'iraient-ils pas plutôt à l'encontre de l'intérêt de votre client? Autrement dit, si votre client se trouvait dans une situation exceptionnelle, n'apprécierait-il pas beaucoup que son échantillon d'ADN soit conservé afin que soient éliminés les soupçons qui pourraient peser contre lui dans d'autres affaires?

M. Irwin Koziebrocki: C'est possible, mais à mon avis, la plupart des Canadiens voient les choses autrement. Les gens n'aiment pas qu'on prenne leurs empreintes digitales. Ils n'aiment pas être photographiés. Ils n'aiment absolument pas se faire piquer ou que sais-je encore pour donner des échantillons de tissus qui se retrouveront Dieu sait où. Les gens n'aiment pas que les agents du fisc leur demandent des comptes sur telle ou telle partie de leur vie. Nous voulons protéger notre vie privée. De par la nature même d'une société démocratique, il est possible de vivre en société sans que nos empreintes digitales soient conservées quelque part ou que l'on ait à toujours avoir avec soi une carte d'identité. Je ne voudrais pas que n'importe qui puisse m'arrêter dans la rue pour me demander mon identité. C'est ainsi que nous sommes.

M. John McKay: Mais il fait partie de vos obligations professionnelles de demander à ceux de vos clients qui sont condamnés s'ils veulent que les échantillons soient conservés ou non.

M. Irwin Koziebrocki: Tout à fait. Pour certains clients, l'avocat demandera plutôt à ce que les échantillons soient conservés.

M. John McKay: La loi devrait-elle vous obliger de le faire?

• 1135

M. Irwin Koziebrocki: La loi nous oblige toujours à assumer nos responsabilités professionnelles. Nous devons informer nos clients de ce qui les attend, sans quoi nous risquons d'être cités devant le barreau.

La présidente: Merci, monsieur McKay.

Monsieur Koziebrocki, je vous remercie encore une fois de cette heure et demie intéressante et divertissante. Nous aimons beaucoup cela.

Nous allons faire une pause de quelques minutes, puis nous traiterons la motion de M. McKay.

• 1136




• 1149

La présidente: Nous sommes de retour, et nous avons devant nous la motion de M. MacKay.

Peter, allez-y.

M. Peter MacKay: Merci, madame la présidente.

La motion que je présente porte précisément sur deux événements qui se sont produits récemment au Canada. Il s'agit de deux détenus qui étaient en liberté conditionnelle, l'un condamné pour meurtre, l'autre pour des crimes graves dont vol à main armée et utilisation d'armes à feu.

• 1150

L'un, Michael Hector, avait reçu sa pleine libération conditionnelle; il a commis trois meurtres alors qu'il était en liberté conditionnelle. L'autre, un certain M. Russell—et j'utilise le mot «monsieur» probablement à tort—a tué le propriétaire de son logement alors qu'il était en liberté conditionnelle. Je ne vais pas entrer dans les détails de ces deux cas, mais dans l'un et l'autre, la commission d'enquête a conclu dans ses rapports qu'il y avait des lacunes graves dans l'information donnée aux principaux intervenants chargés d'analyser les dossiers de ces délinquants dangereux et de décider de leur libération.

Ces rapports montrent qu'il y a, semble-t-il, absence criante d'échange de renseignements entre la Commission, les services de police, les juges, les agents des libérations conditionnelles qui supervisaient ces personnes et, peut-être plus encore, les personnes touchées, c'est-à-dire les victimes. Dans l'affaire Russell, la victime était une propriétaire de logement qui avait rencontré l'accusé dans des cours de formation professionnelle. Elle ignorait qu'il s'agissait d'une personne dangereuse. On peut se demander si elle lui aurait ouvert la porte de son domicile, où elle a été abattue, si elle l'avait su.

D'après les psychologues et les rapports psychologiques, il était très clair, dans le cas de Michael Hector, que l'oisiveté le ramènerait directement au crime. Michael Hector a une propension à retomber dans ses ornières, lorsqu'il n'est pas occupé ou qu'il ne travaille pas. Ce renseignement n'a pas été transmis à la Commission des libérations conditionnelles.

Il semble que l'on s'interroge encore sérieusement quant aux raisons de l'échec du système. Cela nous amène à nous poser d'autres questions, dont comment nous pourrions mettre en place un système garantissant la communication des renseignements. Ne l'ont-ils pas été parce que les personnes en cause avaient trop de travail, qu'elles traitaient trop de cas, ou simplement parce qu'elles n'ont pas consulté l'information qui était à leur disposition? Toutes ces questions se posent dans ces deux cas où les victimes ont perdu ce qu'elles avaient de plus précieux: leur vie.

Voilà ce quÂil en est. Le Comité de la justice devrait-il traiter ces questions en temps opportun? Devrions-nous examiner ces deux exemples pour voir, d'une façon plus générale, quelles sont les lacunes de notre Commission des libérations conditionnelles? Pourquoi les organismes en cause ne se communiquent-ils pas entre eux les renseignements dont ils disposent afin de prévenir de tels crimes—et c'est uniquement le recul qui nous faire croire que ces crimes auraient pu être prévenus?

Il y a toutes sortes d'exemples. Je ne dis pas que ces deux-là sont les seuls cas. Mais à mon avis, ces deux exemples nous obligent à faire tout ce que nous pouvons pour éviter que de tels cas se reproduisent et à intervenir auprès des commissions de libérations conditionnelles afin que des changements soient apportés pour rehausser les normes ou les exigences auxquelles doivent répondre les gens qui oeuvrent dans le régime. Je ne dis pas qu'il faille pointer du doigt ceux qui ont travaillé directement à ces dossiers, mais quels exemples peut-on tirer de telles situations?

Je suis venu ici à Ottawa et je travaille au sein du Comité de la justice en pensant que c'est là notre tâche, que nous sommes ici pour essayer d'améliorer le système et de protéger la population. Il semble que les victimes soient ici laissées pour compte.

À mon avis, cette tâche correspond bien au mandat que le comité s'est donné, c'est-à-dire l'élaboration d'une déclaration des droits des victimes. J'estime que ces deux affaires nous donnent une bonne occasion de nous atteler à cette tâche. Créons un sous-comité. Étudions ces deux dossiers et, s'il le faut, élargissons le mandat pour trouver des réponses et des solutions.

• 1155

Quant à ma motion elle-même, elle est très simple:

    Attendu que des questions sérieuses ont été soulevées suite à deux rapports récents du tribunal d'enquête de la Commission nationale des libérations conditionnelles et du Service correctionnel du Canada; et

    Attendu que les deux rapports en question ont analysé les affaires impliquant des individus ayant commis des meurtres pendant leur période de libération conditionnelle; et

    Attendu que les deux rapports ont posé des questions sérieuses au sujet des opérations de la Commission nationale des libérations conditionnelles et du Service correctionnel du Canada;

    Il est résolu que le Comité permanent de la justice et des droits de la personne effectue une analyse indépendante des deux rapports dans le but de prévenir des drames semblables aux cas cités dans les deux rapports.

J'aimerais également parler brièvement de l'un des autres intervenants, c'est-à-dire la John Howard Society. Je ne veux pas blâmer cet organisme. J'estime qu'il fait un excellent travail, mais il faudrait vérifier son mandat et son objectivité lorsqu'il fournit des renseignements à diverses organisations. Dans bien des cas, cette société défend les droits des deux parties, c'est-à-dire les victimes et les condamnés qui pourraient être libérés. J'estime que dans certains cas, et les deux dossiers dont j'ai parlé en sont peut-être, la John Howard Society ne peut être objective. Elle travaille à contrat pour la Commission des libérations conditionnelles, qui compte sur elle dans bien des cas pour obtenir des renseignements extrêmement importants. S'il y a des lacunes dans ces renseignements ou s'ils ne sont pas objectifs, le résultat pourrait être une question de vie ou de mort.

Voilà en bref les renseignements que je puis vous fournir. Les rapports sont disponibles et je tiens à remercier la présidente de nous les avoir procurés. Il ne s'agit pas des versions intégrales. Je crois savoir qu'elles ont été quelque peu abrégées et que les renseignements ne sont pas complets. Toutefois, il y a à la fin de ces rapports des questions que nous devrons peut-être traiter.

Je demande à ce que la motion soit mise aux voix.

Merci, madame la présidente.

La présidente: Merci.

Monsieur Ramsay, s'il vous plaît.

M. Jack Ramsay: Merci, madame la présidente.

J'appuie cette motion. Le grand public réjouirait de savoir que le Comité de la justice réagit à ces incidents malheureux en faisant un examen indépendant des erreurs qui se sont produites et qui pourraient être corrigées pour mieux protéger à l'avenir les innocentes victimes des décisions du Service correctionnel du Canada et de la Commission nationale des libérations conditionnelles.

Je ne crois pas non plus que ce soit une question partisane. Nous avons tous intérêt à essayer d'améliorer notre régime des libérations conditionnelles et la politique sur laquelle il se fonde.

C'est pourquoi j'appuie la motion, l'orientation que prendront peut-être les membres du comité s'ils approuvent la motion et le fait que notre comité a la responsabilité, dans ce domaine, d'étudier de façon non partisane un élément essentiel de la sécurité de la population.

À mon avis, ce serait un soulagement, et même un grand soulagement, pour la société de savoir que le Comité de la justice est prêt à étudier ce régime et à faire des recommandations pour l'améliorer et accroître la sécurité publique.

La présidente: Merci.

Monsieur Forseth, s'il vous plaît.

M. Paul Forseth: Merci beaucoup.

Tout comme John, j'appuie l'esprit de la motion, mais j'aimerais que M. MacKay l'améliore en la précisant davantage. Certaines questions me viennent à l'esprit.

Compte tenu du libellé de la motion, dit-il que l'examen devrait être fait par tout le comité, ou par un sous-comité? Si c'est par un sous-comité, combien de gens le composeraient? Quels seraient ses pouvoirs? Aurait-il un budget pour faire son travail? Quel échéancier lui imposerait-on? S'agirait-il d'une enquête sur une période illimitée ou devrait-il présenter un rapport à une date précise? Que ferait-on du résultat final? Que ferait-on ensuite? Si le comité rédige un rapport de 15 pages, qu'en fera-t-on ensuite?

J'aimerais avoir davantage de détails quant à la forme et au fond, et j'aimerais savoir ce qu'il convient de faire, même si j'appuie en principe l'idée proposée.

• 1200

La présidente: Pour votre gouverne, le comité dépose généralement ses rapports à la Chambre et demande au gouvernement d'y répondre. Voilà une question qui a déjà sa réponse.

J'ai une note de service de M. Mancini, dans laquelle il m'indiquait qu'il ne pouvait participer à cette réunion et qu'il avait peu de chance de se trouver un suppléant. M. Mancini souhaitait manifester son appui à la motion de M. MacKay. Je voulais le signaler aux fins du compte rendu, afin que M. Mancini sache que j'ai donné suite à sa lettre.

Monsieur de Savoye.

M. Pierre de Savoye: Merci, madame la présidente.

Tout d'abord, j'aimerais soulever une question de privilège. Je crois savoir qu'il faut donner un préavis de 48 heures avant de déposer une motion et qu'il s'agit là d'une marque de respect pour les autres membres du comité. Pour ma part, tout comme au moins un autre membre du comité, j'ai reçu cette motion ce matin à 10 heures. Il faudrait à l'avenir prendre les mesures nécessaires pour que le préavis de 48 heures soit respecté et que nous recevions tous copie des motions 48 heures avant qu'elles soient débattues en comité.

Mais permettez-moi de discuter de la motion. Je suis essentiellement du même avis que M. Forseth. Même si M. MacKay, dans son préambule... un très grand nombre des questions qu'il soulève dépassent la portée de la motion. Ce que propose la motion, en fait, c'est de créer un sous-comité—même si le terme sous-comité ne s'y trouve pas—pour examiner les deux rapports en cause, mais la motion soulève un très grand nombre de questions qui dépassent, pour les membres du comité, la simple analyse des deux rapports.

À mon avis, il serait redondant de créer maintenant un sous-comité. En avril, notre comité devra examiner toute la loi sur les libérations conditionnelles. Le comité peut décider si cet examen sera fait par tout le comité ou par un sous-comité. Il me semble que créer un sous-comité pour examiner le contenu de deux rapports, qui montre, nous en convenons tous, qu'il y a des lacunes dans le système... Je ne vois pas comment ce sous-comité, s'il s'en tenait à ce mandat limité, pourrait en arriver à d'autres conclusions que celles qui se trouvent déjà dans le rapport.

C'est pourquoi je dis qu'il vaudrait mieux faire l'examen de toute la Commission des libérations conditionnelles dans le cadre de notre examen de la Loi sur les libérations conditionnelles. Cela répondrait à bien des questions que se pose M. Forseth.

Entre-temps, madame la présidente, je propose au comité d'entendre le commissaire Ingstrup et le président de la Commission des libérations conditionnelles, M. Gibbs, le plus tôt possible. Je propose que nous tenions deux audiences, l'une publique, l'autre privée ou à huis clos.

Dans la séance à huis clos, nous traiterions du rapport dans sa version intégrale, pas de celui qui vous a été distribué. Compte tenu des exigences de l'accès à l'information, nous proposons que seuls les membres permanents du comité participent à cette audience. Nous vous transmettrions le rapport en entier, qui nous serait remis après la séance. Le comité pourrait alors au moins poser les questions à deux des principaux intervenants. Il me semble que ce serait plus logique de jeter ainsi les bases du travail que nous devrons faire en avril dans le cadre de notre examen de la loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, plutôt que de créer un sous-comité pour deux semaines.

Je suis d'accord avec M. Forseth. Si nous voulons que le travail de ce sous-comité ait des répercussions, il faudra élargir son mandat, qui correspondra probablement de toute façon à celui de l'examen de la loi sur le système correctionnel et de la mise en liberté sous condition.

La présidente: Monsieur Lee.

M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.): Merci. Je ne peux m'empêcher d'avoir un sentiment de déjà vu.

La présidente: Cela ne m'étonne pas.

M. Derek Lee: Le Comité de la justice a entrepris un vaste examen des questions correctionnelles et des libérations conditionnelles vers 1986 ou 1987, au terme duquel il avait présenté un rapport. Je n'étais pas député à cette époque, puisque j'ai été élu en 1988.

En 1988, deux incidents malheureux se sont produits dans deux parties différentes du pays. Les détenus Legere et Gingras s'étaient évadés durant une sortie sous surveillance. Ils ont commis des meurtres. Après ces deux affaires, il y a eu un autre incident, celui des détenus Foulston et Crewes, qui étaient en liberté conditionnelle.

• 1205

Le comité a pris ces incidents très au sérieux et les a examinés à fond. Il nous a fallu deux ans pour cela, je crois. S'il nous a fallu deux ans, c'est que le ministère refusait de nous transmettre une version non expurgée des rapports. Ce refus a été débattu à la Chambre des communes et, finalement, une décision a été prise.

La Chambre a discuté et accepté le procédé que propose maintenant M. Discepola. Plutôt que de continuer la lutte, on a accepté ce qui semblait être une solution raisonnable. Nous avons obtenu les documents, fait notre travail puis déposé notre rapport.

Il serait très utile aux membres du comité de lire ce rapport, ou du moins ses conclusions. En tout cas, je n'entreprendrais pas un autre exercice de ce genre sans savoir où nous en étions restés.

En fait, les choses n'en sont pas restées là. Le Service correctionnel du Canada a fait l'objet d'un examen très intense au cours de cette période, et le comité avait même demandé au commissaire de prêter serment devant lui, publiquement. Cela ne se fait pas très souvent.

Tout cela a abouti en 1994, par la démission du président de la Commission nationale des libérations conditionnelles. Sa démission était une conséquence des quelques années qui l'avaient précédée.

En tant que députés, à la Chambre et en comité, notre travail est d'obtenir des explications de toutes les instances du gouvernement. Quels que soient les services financés par les contribuables, ils doivent rendre des comptes. Les Services correctionnels du Canada et la Commission des libérations conditionnelles s'occupent essentiellement de produits dangereux et nous voulons assurer ici des justifications rigoureuses.

Je suis tout à fait disposé à examiner la question de nouveau. Si nous devons le faire tous les 10 ans, nous continuerons de le faire jusqu'à ce que nous ayons réussi. Malheureusement, des erreurs se produisent.

Pour ce qui est de la façon de faire, je pense que certains députés auraient avantage à consacrer quelques heures à la question, pour apprendre comment fonctionne le système—même si je suppose qu'il n'est pas si complexe—et comprendre comment le détenu entre dans le système correctionnel et en sort, comment les libérations conditionnelles sont traitées, etc.

N'oubliez pas que notre étude sur la question a donné lieu à la nouvelle loi, la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Il y a eu de nombreux autres éléments qui ont contribué à produire cette loi, mais les travaux de notre comité ont certainement contribué à faire en sorte que la LSCMSC soit introduite à la Chambre et adoptée.

Donc, peu importe ce que nous faisons ici, cela devrait renforcer l'obligation de rendre compte aux termes de la LSCMSC. La courbe d'apprentissage est... et je ne sais pas comment nous allons y arriver, mais nous ne pourrons pas avoir une bonne méthode de travail à moins d'apprendre le fonctionnement du système.

Si le processus est court, alors il n'y a aucune raison pour que le comité permanent ne puisse rien changer. Si le processus est plus long, peut-être qu'un sous-comité serait mieux placé pour le faire. S'il s'agit d'un processus plus court, alors je pense qu'on devrait d'abord tenir une séance à huis clos. C'est moins formel et cela permet d'aller chercher toute l'information à partir de la version non censurée. Il y aura ensuite une séance publique au cours de laquelle on pourra faire notre travail de député.

Ce que nous faisons à huis clos n'est pas vu par le grand public. Le seul problème que certains d'entre nous avons eu, c'est qu'une fois que les versions non censurées sont disponibles, nous sommes constamment obligés de ne pas rendre public ce qui devait rester confidentiel. Donc, lors d'une séance publique avec le président de la Commission des libérations conditionnelles et celui du Service correctionnel du Canada, il y aurait certains éléments qui ne... Il y a deux catégories de renseignements qu'ils ne veulent pas divulguer au public, et c'est quelque chose que nous acceptons dans la plupart des cas. Il s'agit des renseignements personnels et des questions concernant le fonctionnement et la sécurité des institutions.

• 1210

Je suis donc en faveur de la version abrégée, avec une séance à huis clos d'abord. Je pense le personnel peut sans doute nous aider. Je pense que vous étiez tous les deux là pendant cette période et que vous pourriez nous aider considérablement à nous préparer à étudier la version abrégée. Naturellement, nous n'avons aucune objection à ce que le ministère obtienne l'information. Si c'était le cas, j'aurais une attitude différente, mais la moitié de la bataille ici est une question d'attitude.

Merci.

La présidente: Au cours de la dernière législature, nous avons pu constater à quelques reprises quelle était l'attitude de M. Lee sur ce genre de choses, alors nous ne voulons pas l'irriter.

En ce qui concerne la première question que vous avez soulevée, monsieur Discepola, je viens de parler au greffier. Ce qui est arrivé, c'est que la motion a été déposée d'abord... Nous avons les motions depuis une semaine...

M. Peter MacKay: Le 30 janvier, madame la présidente, je vous ai avisée...

La présidente: Nous l'avons donc présentée au comité de direction le lendemain ou le surlendemain de notre retour, la semaine dernière. Le comité de direction en a parlé à ce moment-là. Le mercredi après-midi, je pense, la motion a été présentée au comité permanent, mais vous et votre adjoint étiez peut-être déjà partis à ce moment-là. Cela s'est fait au cours des 10 minutes de la séance de mercredi dernier.

Ce dont Luc et moi avons parlé, c'est que chaque fois qu'une motion nous est donnée—nous en avons une aujourd'hui de M. Ramsay—nous nous engageons à vous la faire parvenir directement plutôt que d'attendre une séance de comité.

Nous avons donc éclairci cette question. Ça va?

Monsieur MacKay.

M. Peter MacKay: C'était le premier point, madame la présidente—pour ce qui est du préavis, je ne crois pas qu'il y ait de problème. Je ne voulais certainement pas prendre qui que ce soit au dépourvu...

La présidente: Cela ne fait aucun doute.

M. Peter MacKay: La question qu'a soulevé M. Discepola et le député réformiste au sujet de la préoccupation centrale, faute de terme plus juste—j'ai choisi intentionnellement un terme général, le but étant d'éviter d'autres drames. J'ai écouté très attentivement les commentaires de M. Lee et il sait ce dont il parle. Je sais qu'il faisait oeuvre de pionnier dans l'affaire Gilchrist, je crois, où des rapports semblables avaient été modifiés avant d'être publiés, et il existe maintenant un processus qui permet aux membres du comité de voir le rapport intégral, à certaines restrictions près.

Ce que je veux dire, c'est que si nous commençons ce processus maintenant, avec ces deux cas particuliers comme préoccupation centrale, nous pourrons l'incorporer à l'étude plus générale lorsque nous ferons l'examen obligatoire de la LSCMSC. Je tiens compte également des commentaires fait par mon collègue du Parti réformiste, qui dit qu'il s'agit d'une question non partisane. C'est une question cruciale pour notre système juridique et nous n'avons aucun sous-comité qui siège à l'heure actuelle.

Je sais que le comité est occupé et qu'il se penche sur un très grand nombre de questions extrêmement compliquées et importantes, mais ce genre de cas est absolument fondamental. M. Lee a dit que cela s'est produit il y a 10 ans, mais de toute évidence il y a toujours des problèmes lorsque cela se produit et c'est une question de responsabilité. S'il faut des démissions, des remplacements ou des changements de personnel, eh bien il le faudra peut-être! C'est brutal, mais c'est peut-être nécessaire. Si les gens ne veillent pas au grain, qu'ils en assument la responsabilité.

La présidente: Merci.

M. Telegdi, M. Maloney, Mme Finestone et M. MacKay veulent tous prendre la parole.

Monsieur Telegdi.

M. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.): Merci, madame la présidente.

Il ne fait aucun doute que, comme M. MacKay l'a dit, nous voulons éviter d'autres drames. C'est quelque chose qui nous intéresse tous beaucoup. Je pense qu'il serait extrêmement utile pour nous d'examiner ces deux cas. Je ne serais pas très à l'aise d'entendre seulement le commissaire Ingstrup et M. Gibbs, car ils ne connaissent pas vraiment les détails de ces cas. Ils nous donneraient de l'information qu'ils ont obtenue de quelqu'un d'autre. Si l'une des questions que nous voulons examiner est le nombre de détenus en liberté conditionnelle sous surveillance, de toute évidence, nous aurons tendance à défendre le statu quo.

• 1215

Pour vous donner de bonnes nouvelles au sujet de la société John Howard, il est tout à fait possible de défendre les droits des prisonniers, des détenus en liberté conditionnelle ou autres. Ce n'est pas incompatible avec des fonctions d'application de la loi. Je pense qu'il est important de ne pas l'oublier car c'est le cas pour la plupart des gens qui travaillent dans le système. Je ne pense pas qu'ils se compromettraient davantage qu'un agent des délibérations conditionnelles lorsque ce dernier remplit des fonctions autres que des fonctions de libération conditionnelle.

Madame la présidente, il ne fait aucun doute que toute la question de la façon dont la société traite les détenus en libération conditionnelle et les contrevenants est un problème frustrant qui a évolué avec le temps. Je me rappelle une grosse conférence au Royal York à Toronto. Je pense que c'est là où j'ai rencontré M. Lee pour la première fois. C'était une conférence sur la sécurité communautaire et la prévention du crime. De nombreuses idées et stratégies ont été présentées lors de cette conférence. C'était en 1993. Lors de cette conférence à laquelle participaient des juges, des avocats de la Couronne, des agents de police et des gens qui travaillent dans le système, il y a eu entente unanime sur façons de remédier à la situation. Le programme de sécurité communautaire et de prévention du crime qui sera mis en place découle de cet accord unanime

J'appuie donc l'examen de ces cas, mais je pense que cela aura une application beaucoup plus large lorsque nous examinerons tout le système en général. L'une des choses que nous ne devons pas oublier lorsque nous nous penchons sur la tragédie des victimes d'aujourd'hui, c'est que trop souvent ces victimes deviennent les contrevenants de demain. Comment pouvons-nous briser ce cycle et le renverser, et comment pouvons-nous d'une part protéger le plus efficacement possible la société et d'autre part nous assurer de réduire le nombre de victimes? Nous devons nous rappeler qu'il y a ici une corrélation très complexe.

Je pense qu'il serait utile pour nous de faire le genre d'examen que l'on propose. Cela nous sera très utile.

Merci, madame la présidente.

La présidente: Merci.

Pour que ce soit bien clair—il y a toujours trois députés ministériels qui veulent prendre la parole—il semble que nous soyons tous d'accord. Il ne semble pas y avoir de désaccord sur l'opportunité d'examiner la question. Le problème est la méthode, n'est-ce pas? Une difficulté de moins, donc.

M. Peter MacKay: M. Telegdi devrait savoir que c'est M. Ingstrup et M. Gibbs qui ont demandé ces rapports, alors que je pense qu'ils devraient les connaître assez bien...

La présidente: Ce sont également eux qui sont ultimement responsable.

M. Peter MacKay: Oui, je suppose que cela fait ressortir leur responsabilité, mais ce sont eux qui ont demandé ces rapports, chacun à titre de président.

La présidente: Pour que ce soit bien clair, y a-t-il quelqu'un ici qui pense que nous ne devrions pas examiner cette question?

Très bien, nous sommes donc tous d'accord.

M. Peter MacKay: Pourrions-nous avoir un vote par appel nominal?

La présidente: Oui. C'est votre motion et c'est essentiellement ce dont nous sommes saisis à l'heure actuelle. Nous devons trouver une façon de procéder. J'essaie seulement de mettre les choses en ordre dans mon esprit.

Monsieur Maloney.

M. John Maloney (Erie—Lincoln, Lib.): Je suis d'accord avec vos remarques, madame la présidente. Je ne suis pas en désaccord sur le fond de la motion. En fait, j'y suis très ouvert.

• 1220

Cependant, étant donné notre calendrier de travail pour le mois d'avril, l'examen de la LSCMSC, si nous respectons ce calendrier... Les commentaires de M. Forseth et le commentaire et l'engagement de M. Discepola, ainsi que la mise en contexte fort intéressante de M. Lee... Je me demande s'il n'est pas prématuré ou redondant de mettre sur pied un sous-comité. Je pense que les sous-comités sont certainement utiles, mais j'aimerais participer le plus possible au plus grand nombre d'études possible. Trouver le moment opportun, voilà le problème. Je ne sais si dans un mois et demi environ cela posera vraiment un problème, mais je pense qu'il est important d'examiner tout le problème, le problème en général.

La présidente: Merci, monsieur Maloney.

Madame Finestone.

L'hon. Sheila Finestone: Merci beaucoup, madame la présidente.

Je crois que vous avez donné un aperçu d'une façon de procéder, comme l'a fait M. Discepola, mais je suis le seul membre du comité qui ne soit pas avocat et qui ne...

Des voix: Non, vous n'êtes pas la seule.

L'hon. Sheila Finestone: ... connaît pas bien la façon dont le système judiciaire fonctionne dans ce domaine précis. Je sais comment fonctionne la protection de la jeunesse, mais je ne sais pas comment fonctionne ce système. Je n'aime pas beaucoup siéger à un comité—ou à un sous-comité, peu importe—tant que je ne sais pas exactement comment le système fonctionne pour pouvoir écouter un peu plus intelligemment. Je pense que cela fait partie de notre travail lorsque nous siégeons à un comité.

Pour ceux de nous que cela intéresse, je propose que nous fassions au moins une visite pour voir ce que c'est et comment le système fonctionne, de façon à ce que nous puissions mieux comprendre le genre d'information qu'on nous donnera. Ma réaction à M. Telegdi, c'est que si ces deux messieurs n'ont pas les réponses, alors ils devraient partir avant même de comparaître devant le comité.

La présidente: Très bien, monsieur McKay.

M. John McKay: Vous avez raison, madame la présidente. Il ne s'agit pas d'une question de fond mais d'une question de méthode, et mon instinct me dit d'approuver ce que M. Discepola propose. Je présume qu'il parle avec l'autorité du gouvernement et qu'il peut faire venir ces témoins devant le comité.

Je demanderais à M. McKay non pas de laisser tomber sa motion mais de la différer. Plutôt que de la présenter aujourd'hui, je lui demanderais de le faire plus tard lorsque nous aurons entendu ces témoins. La motion pourrait peut-être être modifiée pour parler d'un sous-comité ou d'audience en bonne et due forme selon l'information que nous aurons obtenue soit des rapports soit des témoins eux-mêmes.

Enfin, si nous allons entendre ces témoins, si on nous donne un rapport de 40 ou 80 pages, je voudrais bien avoir la chance de le lire avant d'entendre les témoins plutôt que de le lire pendant que je les écoute.

La présidente: Vous en avez maintenant une version non expurgée dans votre bureau.

M. John McKay: Très bien.

La présidente: Je ne parle ici que de méthode. Ce qui n'est pas mon sujet favori.

Nous pouvons mettre la motion aux voix, Peter. Tout d'abord, il me semble que nous savons que la décision sera unanime, que nous serons tous en faveur de votre motion. C'est ce qu'il me semble à l'heure actuelle. Ensuite, il faut déterminer une façon de procéder pour donner suite à votre motion. Je propose que le comité de direction se penche sur la question jeudi matin. Nous aurons le temps de le faire. Nous pourrons ensuite nous attaquer à la question. Nous avons donc une motion qui a été proposée et le début d'une autre, qui porte sur la façon de procéder. Est-ce que cela vous convient aujourd'hui.

M. John McKay: Certainement, si nous avons un vote par appel nominal.

La présidente: Nous aurons un vote par appel nominal.

Le greffier du comité: Vous voulez un vote par appel nominal pour tout?

M. John McKay: Oui.

La présidente: Nous allons donc mettre aux voix la motion qui a été présentée, c'est-à-dire que le Comité permanent de la justice et des droits de la personne effectue une analyse indépendante des deux rapports dans le but de prévenir des drames semblables aux cas cités dans les deux rapports.

Nous n'avons pas de motion sur la façon de procéder. Nous n'avons qu'une résolution à cet effet.

Monsieur Discepola.

M. Nick Discepola: Si nous votons sur la motion telle qu'elle, madame la présidente, vous êtes obligée de faire une analyse indépendante. Est-ce que cela signifie que le comité ne peut pas le faire s'il s'agit d'une analyse indépendante.

• 1225

La présidente: Je pense que cet adjectif signifie que nous sommes indépendants, n'est-ce pas, Peter?

M. John McKay: Nous n'avons aucun lien de dépendance avec ces deux organismes.

La présidente: Le comité fera l'analyse. On va biffer le mot «indépendante». La motion dit maintenant que nous effectuerons une analyse des deux rapports dans le but de prévenir les drames semblables aux cas cités dans les deux rapports. Est-ce que cela vous convient?

L'hon. Sheila Finestone: À titre d'information, n'allez-vous pas ajouter la recommandation de M. Discepola?

La présidente: Pour faire avancer les choses et avoir une méthode qui nous convienne tous, je voudrais donner à M. McKay l'occasion de participer. Nous avons une proposition qui donnera à M. McKay la possibilité peut-être de parler à M. Lee sur la façon dont on a procédé par le passé. Nous n'aurons tout simplement pas résolu la question de la méthode, c'est tout, tant que le comité de direction n'aura pas pris de décision.

M. John McKay: Je ne comprends pas ce que vous voulez faire avec cela, madame la présidente. Si je vote contre la motion, on présumera que je suis l'analyse des rapports pour prévenir d'autres drames. Tout ce que je dis, c'est que je ne sais pas si c'est approprié, et je ne le saurai pas tant que je n'aurai pas entendu les témoins et lu les rapports.

Je pense que M. MacKay a vraiment une bonne idée ici, mais qu'il agit prématurément. C'est pour ça que je voterai contre sa motion.

La présidente: Très bien, arrêtons-nous ici quelques minutes.

Ce que j'ai entendu tous les membres du comité dire, c'est qu'ils voulaient examiner le problème. Ce que je n'ai entendu personne dire, c'est qu'on s'entendait sur la façon dont on devait procéder. Je vais tout simplement essayer d'en arriver à un consensus. Nous vous voulons examiner le problème, alors votons pour savoir si nous allons ou non examiner le problème, puis nous laisserons le comité de direction, qui est un groupe plus petit, essayer de trouver une façon de faire qui conviendra à tout le monde.

M. John McKay: Examiner le problème et voter sur le fond de la motion sont deux questions différentes. J'ai des réserves pour ce qui est d'examiner le problème, mais ce n'est pas ce que dit la motion.

La présidente: C'est ce que dit la motion.

M. John McKay: La motion parle d'effectuer une analyse.

La présidente: C'est la méthode qui déterminera l'ampleur de l'analyse. C'est tout.

M. Nick Discepola: Pourquoi est-ce qu'on ne le ferait pas dans le cadre de l'examen de la LSCMLC?

M. Peter MacKay: Qu'est-ce qui nous empêche d'incorporer cette information lorsque nous ferons l'examen de la loi? Commençons tout de suite, voilà ce que je veux dire.

La présidente: Exactement. Tout ce que nous disons aux Canadiens, c'est que nous constatons qu'il y a un problème grave et que nous voulons l'examiner. Nous n'avons pas dit ni quand ni comment, et je pense que Peter...

M. Peter MacKay: Nous réglerons les détails de la façon de procéder, nous établirons les échéanciers et répondrons à certaines des questions qu'a posées M. Forseth.

M. Nick Discepola: J'aimerais proposer:

    Il est résolu que le Comité permanent de la justice et des droits de la personne inclue dans le cadre de son examen de la LCMLC une analyse de ces deux rapports dans le but [...]

La présidente: Eh bien, si vous faites cela, vous allez à l'encontre du but de votre proposition.

M. Nick Discepola: Non. Notre proposition peut se tenir toute seule. Nous pouvons inviter des témoins à comparaître à n'importe quel moment si nous le voulons. Ils sont prêts à venir témoigner n'importe quand si nous le voulons.

Je ne suis pas d'accord pour que l'on mette sur pied un sous-comité uniquement pour examiner ces deux rapports.

La présidente: Ce n'est pas exactement ce que nous avons fait, Nick. Écoutez, la plupart des membres du comité, y compris les députés ministériels et même vous, j'en suis certaine, estiment que c'est une question importante, qu'il faut examiner. C'est tout ce que nous disons pour l'instant. Ensuite, le comité directeur déterminera comment nous allons procéder.

Lorsque le comité directeur aura examiné toutes nos obligations, il se peut que nous en arrivions à la conclusion que nous ne pouvons examiner cette question avant de faire l'examen de la LSMC de toutes façons. Il se peut que nous décidions de mettre sur pied un sous-comité, ce qui, à mon avis, est franchement problématique pour notre comité étant donné notre charge de travail. Il se peut cependant que nous décidions que nous ne pouvons examiner cette question avant la semaine des quatre jeudis, ou que nous voulons entendre les deux témoins pour en apprendre un petit peu au sujet du processus des libérations conditionnelles et du service correctionnel avant de faire l'examen de la loi.

Il y a une multitude d'options, mais si vous les limitez encore davantage, vous allez vous retrouver avec un comité où personne n'est satisfait, tandis que si nous attendons à jeudi matin pour essayer d'en arriver à une solution, nous y arriverons peut-être.

M. Jack Ramsay: Je suis d'accord avec cela. Sans vouloir vous contredire, je pense que la motion proposée par Nick portait sur la méthode de travail, et nous ne voulons pas régler cette question maintenant. Prenons le temps d'y réfléchir...

La présidente: Je pense que nous avons besoin de temps pour y penser.

M. Jack Ramsay: Naturellement, je ne veux pas discuter de la méthode, mais nous le faisons en quelque sorte malgré nous. Je veux éviter cela. J'aimerais mettre aux voix la motion telle qu'elle a été modifiée pour décider si ou non nous avons l'appui du comité pour analyser ces deux rapports. Il se peut qu'en fin de compte cela rejoigne ce dont M. Discepola parlait, mais nous ne devrions pas décider de cela aujourd'hui. Nous devrions examiner strictement la motion qui a été présentée au comité.

• 1230

La présidente: Allez-y, John.

M. John McKay: Si c'est ce que vous faites, alors la motion serait la suivante:

    Il est résolu que le Comité permanent de la justice et des droits de la personne renvoie au comité directeur la question d'effectuer une analyse des deux rapports dans le but de prévenir des drames semblables aux cas cités dans les deux rapports.

C'est ce que vous faites. Vous présentez la motion au comité et vous nous revenez jeudi matin en disant: «Nous suggérons que la question soit examinée, etc.». C'est ce que vous faites. C'est une motion pour renvoyer la question au comité directeur, non pas pour nous engager à effectuer une analyse de ces deux rapports.

La présidente: John, sans vouloir vous contredire, comme présidente, mon interprétation de la motion serait la suivante: nous nous engageons à examiner ce qui est arrivé à ces deux détenus en libération conditionnelle qui ont tué tout un groupe de gens. Nous nous engageons à faire cela dans cette motion. Ensuite, en tant que présidente, je pense que nous devrions la présente au comité directeur qui déterminera la marche à suivre, car nous avons beaucoup de travail à faire. C'est tout.

Si cette motion est adoptée, je vous garantis que Peter MacKay sera tout de suite prêt à déclarer aux fins du compte rendu que nous ne sommes pas engagés, ni lui d'ailleurs, à adopter une démarche particulière pour nous pencher sur la question.

M. Peter MacKay: C'est exact. Absolument.

La présidente: Et cela reste toujours à faire, car le comité a toujours à décider comment il va s'y prendre. À moins que vous vouliez rester ici pendant l'heure du déjeuner et pendant la période des questions pour voir comment nous allons nous y prendre. Le comité directeur est mieux placé pour le faire; c'est tout.

Allez-y, Nick.

M. Nick Discepola: Que va-t-il se passer si le comité directeur n'arrive pas à un consensus.

La présidente: La question devra alors revenir devant le comité et il faudra démêler tout cela.

Une voix: Alors nous le ferons pendant la période du déjeuner.

La présidente: Oui, c'est ce que nous ferons. Il faut cependant essayer d'abord d'en arriver à un consensus sur une ou deux choses.

M. Andrew Telegdi: Nick sera au comité directeur.

La présidente: Oui, Nick fait partie du comité directeur.

M. Andrew Telegdi: Pouvons-nous passer au vote? Pouvons-nous mettre la motion aux voix, madame la présidente?

La présidente: Très bien. Je demande le vote, c'est-à-dire la motion telle qu'elle a été modifiée pour biffer le mot «indépendante».

M. Peter MacKay: Oui.

La présidente: La motion est donc la suivante:

    Que le Comité permanent de la justice et des droits de la personne effectuer l'analyse des deux rapports récents de la Commission nationale des libérations conditionnelles et du Service correctionnel du Canada dans le but de prévenir les drames semblables aux tragédies comme cas cités dans les deux rapports.

Nous allons d'abord mettre aux voix le premier amendement dans lequel on supprime le mot...

M. Peter MacKay: L'amendement est unanime.

La présidente: Très bien, la décision est unanime au sujet de l'amendement. Nous aurons un vote par appel nominal pour la motion principale.

(La motion telle que modifiée est adoptée par onze voix pour et une voix contre)

La présidente: Le comité directeur se réunira jeudi et ce sera le seul point à l'ordre du jour. Nous enverrons un préavis.

M. Nick Discepola: J'aimerais une précision.

La présidente: Oui.

M. Nick Discepola: Je ne suis pas membre permanent du comité directeur mais je crois avoir été invité.

La présidente: Vous serez là pour cela. Vous remplacerez Mme Bakopanos pour cela.

M. Nick Discepola: D'accord. Merci.

La présidente: La séance est levée.