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JURI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND LEGAL AFFAIRS

COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES QUESTIONS JURIDIQUES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 5 novembre 1997

• 1901

[Traduction]

La présidente (Mme Shaughnessy Cohen (Windsor—St. Clair, Lib.)): Nous reprenons la séance publique.

Il y a un amendement ministériel. Pendant qu'on le fait circuler, je voudrais faire deux choses. D'abord, nous avons reçu un mémoire du Barreau du Québec et je regrette que M. Marceau ne soit pas ici parce qu'il est exclusivement en français. Je veux quand même qu'il sache que nous en avons accepté un qui était exclusivement en français.

Par ailleurs, Jack Ramsay et moi-même avons tous les deux reçu un appel téléphonique d'une dénommée Sandra Teves. Elle m'a fait parvenir une lettre dans laquelle elle me disait vouloir venir témoigner. Elle n'est pas venue, mais après avoir parlé avec elle, j'ai décidé de demander le consentement unanime du comité pour déposer une lettre d'elle comme pièce au dossier.

Je vais vous en lire deux paragraphes pour qu'ils soient consignés au compte rendu et qu'elle sache que les membres du comité et les représentants du ministère de la Justice ici présents en ont pris connaissance. Je ne vous cacherai pas qu'elle était bouleversée par le meurtre de son frère et de ses deux amis. Je la cite:

    Pour les raisons suivantes et pour des considérations éminemment personnelles. Le 12 juillet 1997, Kitimat en Colombie-Britannique a ressenti pour la première fois les conséquences de la décision de la Cour suprême dans l'affaire Feeney. Mon frère de 20 ans et ses amis David Nunes et Michele Mauro ont été victimes d'un affrontement bizarre avec l'accusé Kevin Vermette, qui s'est soldé par un meurtre odieux.

Ce sont ses paroles à elle, pas les miennes.

    Le coupable avait été identifié par deux témoins oculaires sur les lieux du meurtre. Après ce triple homicide et pendant l'enquête qui a débuté dans la soirée, la police a été retardée pendant plusieurs heures sur le terrain pendant qu'elle rassemblait des éléments de preuve pour obtenir un mandat de perquisition lui permettant d'entrer dans une habitation. À cause de l'arrêt Feeney, la police devait respecter les droits à la vie privée de Vermette après qu'il a eu commis le pire crime qui soit en société. En pareille situation, lorsqu'un meurtre vient d'être commis, les circonstances devraient permettre à la police de faire son devoir et d'appréhender un criminel connu et qui a été vu par des témoins.

    La police était sur le terrain, en train d'enquêter sur un crime grave qui venait d'être commis et, à cause de l'arrêt Feeney, une démarche judiciaire a été entravée par une autre démarche judiciaire. Même si le Parlement a proposé des modifications sous la forme du projet de loi C-16, je parle comme la soeur d'une victime de meurtre et comme citoyenne et je juge indispensable que le comité sache combien cet arrêt du tribunal et la future disposition du code ont gêné le travail de la police. J'espère que ce drame et que les conséquences que cette décision ont eues pour nous permettront de préciser les circonstances exceptionnelles (poursuite immédiate) dans lesquelles la police peut conduire une enquête en cas de meurtre.

Elle poursuit en ces termes:

    Je vous remercie de votre attention. Veuillez accepter mes salutations distinguées, Sandra Teves.

Je tenais à ce que vous l'entendiez et que Sandra sache que sa voix avait été entendue. Je sais qu'elle s'est également confiée à M. Ramsay. Cela deviendra une pièce du dossier.

Merci.

Oui.

Mme Elinor Caplan (Thornhill, Lib.): Est-il possible, ou est-ce l'usage, pour le greffier de faire parvenir un exemplaire du compte rendu qui inclut le passage que vous venez de lire?

• 1905

La présidente: Oui, j'allais justement demander au greffier de l'informer de ce qui a été fait et que nous lui enverrons le compte rendu dès qu'il sera publié. Merci.

Mme Elinor Caplan: Les gens apprécient beaucoup de savoir que leurs propos ont été entendus en comité et je crois que vous avez bien choisi le moment de faire la lecture de cette lettre, au moment où nous entreprenons l'étude article par article.

La présidente: Oui, monsieur Ramsay.

M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Avant d'entreprendre l'étude article par article, je tiens à informer le comité que nous n'allons pas déposer d'amendement au projet de loi. Évidemment, nous n'en aurions pas eu le temps de toute façon, de sorte que s'il doit y en avoir, ils seront présentés à l'étape du rapport.

La présidente: Merci beaucoup.

Monsieur Bellehumeur.

[Français]

M. Michel Bellehumeur (Berthier—Montcalm, BQ): Je suis d'accord avec vous. Il n'y en aura pas, ni ici ni à la Chambre.

[Traduction]

La présidente: Je voulais que vous sachiez que le Barreau du Québec a déposé un mémoire...

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Oui, je l'ai lu.

La présidente: Il est seulement en français.

M. Michel Bellehumeur: Oui, je le sais. Pourtant, nous leur avions bien dit de présenter leur mémoire dans les deux langues officielles.

[Traduction]

M. Jack Ramsay: Je voulais l'avoir en français mais il n'était qu'en anglais.

La présidente: C'est donc dire que nous sommes prêts?

Allez-y, Michel.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Monsieur Ramsay, j'ai effectivement parlé aux membres du Barreau du Québec et je les ai avisés que la prochaine fois, ils devront faire en sorte de nous présenter des versions française et anglaise. D'ailleurs, lors de l'adoption de nos procédures, je déposerai une motion à cet égard afin que nous refusions carrément les mémoires qui ne seront présentés que dans une seule des langues officielles de ce beau et grand pays.

Merci beaucoup.

[Traduction]

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): En ce qui concerne les amendements ou les projets d'amendement, je ne m'attends pas à ce qu'ils soient par écrit aujourd'hui. Quelle sorte de préavis faudrait-il selon vous pour l'étape du rapport?

La présidente: C'est fixé par le règlement. Ce que j'en pense ne vaut pas tripette. Il faudra que vous en parliez avec votre leader à la Chambre. Mais si je peux vous aider de quelque manière que ce soit, je n'y manquerai pas.

(Article premier)

M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.): Madame la présidente, si nous passons à l'article premier, il y a un amendement proposé par le gouvernement. J'ignore si des exemplaires ont été distribués.

La présidente: Ils l'ont été, dans les deux langues officielles.

M. Derek Lee: L'amendement porte sur l'article premier. Vous constaterez que le projet de paragraphe 487.3 porte sur le cas où l'on interdit l'accès aux renseignements qui ont permis au juge d'accorder le mandat. On a oublié ici le cas de la dénonciation qui justifie l'autorisation au paragraphe 529(4), relatif à l'omission de prévenir, c'est-à-dire la dénonciation qui permet au juge d'accorder une exception. Cette éventualité serait prévue à l'article premier pour que ce genre de dénonciation reçoive la même protection. C'est tout.

• 1910

(L'article premier tel que modifié est adopté)

(Les articles 2 à 4 sont adoptés)

La présidente: Le préambule est-il adopté?

Des voix: Adopté.

La présidente: Le titre est-il adopté?

Des voix: Adopté.

La présidente: Dois-je faire rapport du projet de loi à la Chambre?

Des voix: D'accord.

La présidente: J'aimerais que quelqu'un dépose une motion pour que je puisse déposer le projet de loi à la Chambre, accompagné de son amendement, et que cela constitue le premier rapport du comité.

Monsieur Provenzano.

M. Derek Lee: Madame la présidente, j'attendais que la motion soit déposée pour faire une déclaration.

L'étude du projet de loi nous a permis de prendre connaissance d'une chose importante. Je sais qu'il n'y a pas lieu d'en faire rapport à la Chambre, mais je parle du cas où la Cour suprême invalide une disposition du droit canadien, ce qui exige du Parlement qu'il intervienne immédiatement pour combler un vide juridique au moment où celui-ci ne siège pas, ou même à tout autre moment. Lorsque l'arrêt Feeney a été rendu, la Chambre était dissoute. Je suis certain que la Cour suprême n'a pas fait exprès, mais il n'est pas juste d'imposer cette tâche au Parlement au moment où il a été dissous et qu'il n'était pas vraiment censé siéger à nouveau avant trois, quatre ou cinq mois.

À mon avis, le gouvernement devrait pour parer à cette éventualité déterminer un protocole qui soit bien connu de tous les députés, du ministère de la Justice et de la Cour suprême pour que si cela doit se reproduire chacun sache à quoi s'attendre parce que le Parlement a statué. Si cela devait se reproduire, le Parlement aurait fixé la marche à suivre. Il s'agirait d'une sorte de mini-clause dérogatoire temporaire.

J'aimerais que le comité y réfléchisse. J'aimerais que le gouvernement en prenne acte et étudie la chose.

La présidente: Faisons deux choses. Adoptons le projet de loi; adoptons notre dernière motion puis restons quelques instants car il y a peut-être une solution à cela.

M. Peter MacKay: Madame la présidente, auparavant, j'aimerais proposer un amendement.

La présidente: À quel article?

M. Peter MacKay: Au projet de paragraphe 529.4(3).

La présidente: Il vous faut d'abord obtenir le consentement unanime des membres du comité.

Y a-t-il consentement unanime pour que M. MacKay propose maintenant son amendement?

M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Réf.): J'aimerais d'abord qu'il nous explique ce qu'il propose.

La présidente: Voulez-vous d'abord nous expliquer votre amendement.

M. Peter MacKay: Mon amendement vise le paragraphe 529.4(3). Je vous signale qu'il y a divergence entre la version française et la version anglaise. Le libellé de l'article n'est pas le même dans les deux langues.

Je propose de modifier le paragraphe 3 de la version anglaise pour qu'il se lise comme suit:

    A peace officer who enters a dwelling-house without a warrant under section 529.3 may only

... je propose de supprimer le mot «not»...

    enter the dwelling-house without prior announcement if, before entering the dwelling-house, the reasonable grounds stated in subsection (2) exist.

En supprimant le mot «not», les deux versions concorderont. Ce que je propose est une traduction littérale de la version française.

La présidente: Avant que je ne demande s'il y a consentement unanime pour que notre collègue présente cet amendement, aimeriez-vous dire quelques mots, monsieur Roy.

M. Yvan Roy (conseiller juridique principal, Section de la politique du droit criminel, ministère de la Justice): Madame la présidente, vous m'avez entendu plusieurs fois faire le même type d'intervention. La façon dont le paragraphe est libellé en anglais et la façon dont il est divisé en paragraphes, sous-paragraphes et alinéas, est tout à fait conforme à la pratique. On peut constater dans le code et dans d'autres lois fédérales qu'on s'y prend parfois autrement en français. C'est ce que reflète le projet de paragraphe (3). Les deux versions de la disposition ont cependant le même sens.

Sauf le respect que je vous dois, nous préférerions que cet article ne soit pas modifié puisqu'il correspond au génie de la langue. La façon dont nous nous exprimons en anglais varie un peu de la façon dont nous nous exprimons en français. C'est particulièrement vrai pour ce qui est du style juridique.

• 1915

J'espère ne pas me tromper, mais à mon sens, les deux paragraphes signifient exactement la même chose. Ils ne sont cependant pas libellés de la même façon.

La présidente: La tradition n'est donc pas la même dans les deux langues.

M. Yvan Roy: C'est juste.

Une voix: C'est en raison du caractère distinct de chaque langue.

La présidente: Vous voulez dire qu'il y a deux cultures?

Des voix: Oh, oh!

Une voix: Deux seulement?

La présidente: Quoi qu'il en soit, il n'y a pas consentement unanime pour que l'amendement soit présenté, mais on nous a fourni une explication. Je vous remercie d'avoir ainsi éclairé notre lanterne.

M. Provenzano propose que la présidente fasse rapport du projet de loi à la Chambre avec amendement. Il s'agira du premier rapport du comité. La motion est-elle adoptée?

(La motion est adoptée)

La présidente: Je vous remercie.

Monsieur Lee, ferez-vous part à la ministre de nos préoccupations?

M. Derek Lee: Permettez-moi de poursuivre là où je me suis arrêté. Je me demande si nous pouvons vraiment présenter un deuxième rapport à la Chambre ou si ce rapport peut comporter une annexe. Le greffier le saura peut-être.

La présidente: Nous n'aimons pas qu'on nous dise non.

M. Derek Lee: Prouvez-le.

Nous avons tous entendu ce que les témoins avaient à nous dire et nous ne comprendrons jamais mieux quel est le problème qui se pose. Le moment est peut-être opportun de préparer un petit rapport faisant état du problème et dans lequel nous proposerions au gouvernement de prendre certaines mesures afin d'établir le protocole que je vous ai décrit.

La présidente: Je crois que nous nous entendons tous pour dire que nous n'aimons pas la façon dont les choses se sont déroulées.

Madame Caplan.

Mme Elinor Caplan: Je crois que c'est une excellente suggestion. Compte tenu des témoignages que nous avons entendus ainsi que de la façon dont les choses se sont déroulées, le mieux serait sans doute de transmettre nos préoccupations à la ministre. Après qu'on aura discuté de la question avec la Cour suprême, la ministre nous dira s'il est possible de conclure un protocole pour éviter ce genre de situation. Je sais que le fait que la Cour suprême ait rendu sa décision à un moment où le Parlement n'était pas en mesure d'intervenir parce qu'il avait été dissous a suscité de l'inquiétude dans tout le pays.

L'observation de mon collègue me semble excellente. J'espère que la ministre pourra répondre en proposant une façon de régler une telle situation à l'avenir.

La présidente: Monsieur Ramsay et ensuite M. Provenzano.

M. Jack Ramsay: Je comprends l'esprit dans lequel Derek a soulevé la question. Toutefois, c'est la durée de la suspension de la décision de la Cour suprême du Canada qui pose problème ici. Je ne crois pas que la Cour suprême du Canada puisse suspendre une décision selon que la Chambre des communes siège ou non. Comment donc régler le problème, et quel est-il au sujet?

Il y a deux aspects à envisager, selon moi. Il faut d'une part déterminer quelles sont les répercussions pour les autorités de policières du pays. La suspension a apporté une réponse: les autorités ont continué d'appliquer l'ancienne common law durant six mois, et vont continuer à le faire jusqu'au 22 novembre.

Je m'inquiète par ailleurs du peu de temps que nous avons eu pour étudier le projet de loi. Également, Scott Newark a proposé que la Cour suprême émette un avis de sorte que le procureur de la Couronne—fédéral, de concert peut-être avec le procureur de la Couronne provincial—puisse présenter un mémoire ou une argumentation devant la Cour suprême.

Dans leur jugement, aucun des juges n'a même envisagé l'article 1 de la Charte, soit le pouvoir de déroger. Compte tenu du témoignage de M. Newark, il me semble que des arguments en ce sens auraient dû être présentés. La Cour suprême aurait été obligée de tenir compte de tels arguments s'ils lui avaient été soumis.

• 1920

J'estime donc que ce genre d'intervention serait possible à l'avenir dans des cas similaires. Si la suspension avait duré un mois ou deux de plus ou encore, si le ministère de la Justice avait pu nous transmettre le dossier dès notre retour, nous n'aurions pas à nous hâter de la sorte pour respecter l'échéance.

Voilà quelles sont mes idées sur la question, madame la présidente.

La présidente: Monsieur Provenzano.

M. Carmen Provenzano (Sault Ste. Marie, Lib.): Permettez-moi d'exprimer une idée, madame la présidente.

Vous ne voudriez pas mettre la ministre dans une situation où on pourrait croire qu'elle s'immisce dans le fonctionnement du tribunal.

Il me semble, madame la présidente, que vous n'êtes pas dans une telle situation et que vous pourriez donc communiquer...

La présidente: Oui, demandez à Cohen, la femme à tout faire...

Des voix: Oh, oh!

M. Carmen Provenzano: Ce que j'ai en tête, madame la présidente, c'est que vous communiquiez les sentiments que vient d'exprimer le comité, avec son consentement bien entendu, et alors la chose n'aura certainement pas la même connotation.

La présidente: Merci, monsieur Provenzano.

Monsieur Bellehumeur.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: À première vue, ce que propose M. Lee peut paraître une bonne idée. Cependant, un délai de six mois n'aurait pas nécessairement été déraisonnable si nous avions commencé à étudier le projet de loi dès la convocation de la Chambre.

Il ne faut pas se le cacher ni se conter d'histoires. Ce sont les fonctionnaires qui ont travaillé à ce dossier et non la ministre de la Justice. La ministre de la Justice n'a probablement regardé le projet de loi qu'une fois qu'il a été complètement rédigé et n'a peut-être modifié que deux ou trois points. Je pense que ce sont beaucoup plus les fonctionnaires du ministère de la Justice qui ont travaillé à ce dossier et mené des consultations sans savoir qui serait ministre de la Justice. Ils ont probablement commencé dès le mois de mai 1997.

Donc, cette période de six mois, même compte tenu d'une élection fédérale et d'une nouvelle législature, était à mon avis raisonnable. Cependant, le gouvernement aurait peut-être dû être plus pressé, compte tenu des délais que la GRC avait donnés, et le présenter dès la convocation de la Chambre. Nous aurions alors probablement disposé de trois ou quatre semaines de plus pour entendre des témoins.

Alors, oui, à première vue, c'est une bonne idée. Cependant, avant que je donne mon aval à cette proposition, je voudrais voir le protocole, la lettre ou le rapport. Je ne sais trop ce que vous allez produire. C'est sûr que vous ne l'avez pas ce soir, et je ne peux donner mon accord à une proposition dont je n'ai pas le texte. À première vue, cela peut paraître raisonnable, mais dans les faits, je trouve que c'est aller un peu loin. On sait fort bien que le gouvernement a une petite idée de ce que les juges de la Cour suprême pensent des parlementaires lorsqu'ils disent que ce sont eux, les maîtres de la cour et qu'ils décideront ce qu'ils veulent en arrière du banc. Il faut avouer que quelque part, ils ont raison également.

Alors, il faudrait peut-être procéder avec attention dans cette démarche-là.

[Traduction]

La présidente: Je crois que personne ne recommanderait de ne pas agir avec attention. M. Rosen me confie en aparté qu'il serait en mesure de rédiger un texte qui serait conforme à ce que nous nous efforçons de dire. Ensuite, nous pourrions en prendre connaissance. Nous le mettrons à l'ordre du jour pour demain.

Peter.

M. Peter MacKay: J'aimerais formuler mes commentaires sur cette question.

J'ai tendance à être d'accord avec mon collègue du Bloc au sujet du délai de six mois. Le Parlement ne siégeait pas, mais cela ne veut pas dire que le gouvernement avait complètement cessé de fonctionner. Il y a lieu de s'interroger, me semble-t-il, sur le fait que cette question n'a été soumise à la présente législature que depuis moins de quatre jours.

M. Newark a formulé des commentaires hier au sujet du processus de consultation et du fait que durant cinq mois et demi de ce processus, ce sont des fonctionnaires non élus qui ont rédigé la mesure alors que nous avons eu moins d'une semaine pour y mettre du nôtre... Voilà qui pose problème, selon moi.

La présidente: Il me semble raisonnable de dire que, comme parlementaires, que nous soyons des députés ministériels ou des députés de l'opposition, nous sommes tous d'avis que le processus est difficile et difficile à gérer. On aurait certainement pu poser 100 questions de plus ce soir, et nous nous sentirions tous plus à l'aise si nous avions l'occasion d'y réfléchir davantage.

Le fait est que nous n'avons pas cette fois-ci le temps de mener une étude approfondie, mais rien ne nous empêche de dire à tous les intéressés que nous n'avons pas aimé nous trouver dans cette situation. Rien ne nous empêche de le faire, il n'y pas de raison pour que nous hésitions à le faire pour toutes les raisons auxquelles vous avez fait allusion. Nous n'avons pas véritablement étudié le projet de loi. Tout ce que nous savons, c'est que nous avons encore des questions. Pourquoi ne pas les poser? Nous sommes dans un pays libre et nous avons la liberté d'expression.

• 1925

M. Peter MacKay: Y a-t-il une raison autre que l'embarras dans lequel le gouvernement pourrait se trouver qui explique qu'on n'ait pas demandé à la Cour de reporter la date d'échéance? Le projet de loi sera-t-il adopté par le Sénat?

La présidente: Que se passerait-il si on demandait un peu plus de temps à la Cour et qu'elle refusait?

M. Peter MacKay: Nous sommes déjà sur la voie rapide.

La présidente: C'est fini. Le projet de loi retourne à la Chambre. Attendons de voir ce qui se passera au Sénat.

Je suis certaine qu'on a été très prudent en ce qui concerne le temps alloué.

M. Roy voudrait peut-être faire une ou deux remarques.

M. Yvan Roy: Nous n'avons pas demandé plus de temps à la Cour suprême parce que des gens qui ont régulièrement fait des demandes de ce genre à la Cour m'ont dit qu'il ne serait pas prudent pour nous de le faire tant que le projet de loi ne serait pas déposé et que les parlementaires n'auraient pas commencé à l'étudier.

Toutefois, il n'y a pas moyen pour nous de nous en sortir car, si moi et le ministère avions attendu les instructions de la ministre et que nous avions attendu le dépôt du projet de loi et le début de son examen par les députés avant de demander une prolongation à la Cour, le délai aurait été encore plus court. Si la Cour avait rejeté notre demande, ce qui est tout à fait possible, il aurait été impossible de faire adopter un projet de loi avant le 22 novembre. Or, si le projet de loi n'était pas adopté par le Parlement d'ici au 22 novembre, nous nous retrouverions dans la situation qui prévalait jusqu'après que n'ait été rendue la décision Feeney, la situation qui a incité les procureurs généraux à intervenir et à demander du temps à la Cour suprême. C'était le chaos.

Je peux toutefois vous dire que nous sommes à rédiger une motion qui pourrait être portée à l'attention de la Cour suprême. D'ailleurs, mon affidavit appuiera probablement cette motion.

Cela dit, les règles prévoient qu'on accorde six jours à l'autre partie pour réagir, parce qu'il y a une autre partie. Cela nous amène à la semaine prochaine. Voilà pourquoi nous nous trouvons dans cette situation-ci.

Vous avez dit ne pas apprécier avoir été mis dans cette situation, et nous en prenons bonne note. Le ministère de la Justice et la ministre de la Justice surtout n'en sont pas très heureux non plus. Mais vous avez entendu les témoins hier qui vous ont dit qu'ils avaient été consultés, et nous avons en effet collaboré très étroitement avec eux.

Permettez-moi de vous expliquer comment nous en sommes venus à déposer ce projet de loi la semaine dernière plutôt qu'au début de septembre. On a décidé le 27 juin de présenter notre demande à la Cour suprême. Le ministère de la Justice a amorcé ses consultations la semaine suivante, en juillet, avec les provinces afin d'avoir une idée de ce qui pourra être faisable. Au cours des derniers jours, nous avons parlé longuement des télémandats et de la disponibilité des ressources.

Cela fait partie de nos discussions avec les provinces; si nous envisagions d'inclure une disposition de ce genre dans le projet de loi, les ressources nécessaires seraient-elles disponibles?

Ces discussions, compte tenu de tout ce qui se passe en juillet et en août au pays, nous ont menés à la conférence d'uniformisation des lois, à Whitehorse, qui s'est tenue la deuxième semaine d'août. À cette occasion, je me suis entretenu avec les représentants des provinces et je leur ai dit: «Nous n'avons pas encore entendu votre point de vue; nous voulons savoir ce que vous en pensez. Voici la situation. Voici ce que nous envisageons de faire, jetez-y un coup d'oeil».

Après avoir fait de la recherche sur les États-Unis, sur d'autres pays de common law—Gillian Blackell pourrait vous en parler, parce que c'est elle qui s'est chargée de la plus grande partie de cette recherche—et après avoir essayé de voir ce qui est faisable, quelles options s'offraient à nous, nous avons commencé la rédaction proprement dite durant les premiers jours de septembre.

Vous avez entendu M. Newark dire que pendant une période de six semaines, nous avions des réunions tous les jours et parfois deux ou trois fois par jour afin de faire avancer les choses. Après, il faut présenter le tout au Cabinet et c'est seulement alors qu'on est en mesure de proposer un projet de loi.

Vous pouvez donc nous reprocher de ne pas nous être présentés devant vous plus tôt. Je suis prêt à en assumer la responsabilité. Mais je dois vous dire que nous avons des circonstances atténuantes, nommément la procédure exigeante que nous avons dû suivre avant d'en arriver où nous en sommes aujourd'hui.

• 1930

Dans une autre affaire, celle de Swain, dont il a été question hier, le gouvernement s'était adressé à la Cour suprême pour faire prolonger le délai de trois mois. Toutefois, dans l'affaire Swain, le projet de loi avait été élaboré sur une période de dix ans avant la décision de la Cour suprême, parce que la Commission de réforme du droit et le ministère de la Justice avaient déblayé le terrain, croyant que c'était la voie de l'avenir.

Même après que tout ce travail ait été fait, nous avons dû demander une prolongation de délai, que le tribunal nous a accordée, étant donné que le projet avait été déposé au Parlement. La différence, dans le cas qui nous occupe, c'est que rien de tout cela n'avait été fait.

En fait, comme on vous l'a déjà dit, nous avons été pris quelque peu par surprise par l'affaire Feeney. C'est la raison pour laquelle nous nous retrouvons dans cette situation, et nous nous en excusons, parce que nous comprenons que cela vous place dans une situation délicate. Je vous prie de me croire que ce n'est pas notre faute et que nous n'avions nullement l'intention de vous coincer de telle manière que vous n'ayez pas le temps de réfléchir aux questions en jeu. Ce qui me réconforte, c'est que les témoins que vous avez entendus, du moins d'après ce qui nous en a été dit, vous ont exposé les points forts et les points faibles de cette affaire.

Il n'y a aucun doute que cette mesure législative donnera lieu à des contestations reposant sur la Charte. Au ministère de la Justice, nous croyons que nous aurons de très bons arguments à opposer à toutes ces éventuelles contestations. Autrement, la ministre de la Justice vous aurait mis en garde, comme elle est tenue de le faire aux termes de la Loi sur le ministère de la Justice.

Nous avons fait ce que nous pensions être pour le mieux dans les circonstances et nous sommes contents de savoir que des témoins ont pu venir vous expliquer de quoi il retourne. J'espère que cela aura contribué à vous éclairer, comme nous avons nous aussi essayé de le faire.

La présidente: Merci. Je suis contente que vous ayez pris la peine d'apporter cette précision.

Monsieur MacKay.

M. Peter MacKay: Je voudrais répondre très brièvement.

Je tiens à être clair. Je ne condamne pas le ministère ni la procédure qui a été suivie, mais vous venez de prouver que j'ai raison, puisque vous avez eu cinq mois et demi pour étudier tout cela, tandis que nous avons eu moins de cinq jours. Étant donné l'importance de la question et la quantité d'information à assimiler, cela me pose un problème. Ce n'est pas à votre façon de faire que je m'en prends.

La présidente: Je pense que M. Lee a soulevé un point valable. Que la cour nous ait saisis de cela sans préavis au moment où le Parlement était dissous, tel était le véritable problème, parce que nous n'avons pas eu le temps de nous préparer ni l'occasion de faire des consultations. Le ministère nous consulte souvent avant de rédiger un projet de loi, mais dans ce cas-ci, il a fallu parer au plus pressé. Maintenant, quant au fait qu'il y a un malaise à ce sujet, il vaut la peine d'examiner la question et d'en parler.

Nous avons demain matin une réunion sur les travaux futurs.

Jack.

M. Jack Ramsay: Je m'en voudrais de ne pas dire publiquement ce que j'ai à dire.

Je vais voter en faveur de ce projet de loi, un projet de loi dont la portée est probablement la plus grande de tous les projets de loi pour lesquels j'ai voté depuis que j'ai été élu député à la Chambre... Pourtant, aucun projet de loi ne m'a préoccupé autant que celui-ci, parce que d'après les témoignages entendus, nous avons là tout un gâchis, que nous renvoyons aux policiers sur le terrain.

Je ne pense pas que nous ayons correctement réglé le problème créé par le jugement de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Feeney et, madame la présidente, je m'arrêterai là, sinon pour dire... Je ne sais pas si le ministère de la Justice a eu suffisamment de temps ou s'il avait une échéance qui tenait compte de notre travail, mais je ne suis pas satisfait de ce projet de loi. Nous allons donner notre appui au projet de loi, mais il ne réglera pas le problème créé par la décision rendue par la Cour suprême dans l'affaire Feeney.

Merci, madame la présidente.

La présidente: Merci.

La séance est levée.