JURI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS
COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 23 avril 1998
[Traduction]
La présidente (Mme Shaughnessy Cohen (Windsor—Sainte-Claire, Lib.)): Nous sommes le jeudi 23 avril, et nous allons poursuivre cet après-midi notre examen du budget des dépenses.
Nous accueillons, du Bureau de l'enquêteur correctionnel: M. Ron Stewart, l'enquêteur correctionnel; M. Jim Hayes, directeur; M. Todd Sloan, conseiller juridique; et Mme Jo-Ann Connolly, enquêteuse.
Madame et messieurs, je vous souhaite la bienvenue. Nous sommes ravis de voir enfin une femme au sein de cette direction du ministère du Solliciteur général.
Monsieur Stewart, avez-vous un exposé?
M. Ron Stewart (enquêteur correctionnel, Bureau de l'enquêteur correctionnel du Canada): Je vous remercie beaucoup, madame la présidente.
Permettez-moi d'ajouter simplement que Mme Connolly est notre coordonnatrice des enquêtes relatives à la situation des femmes purgeant une peine fédérale. Son poste a été créé pour donner suite à une des recommandations de la Commission Arbour, qui souhaitait qu'une personne s'occupe expressément des problèmes des femmes détenues.
Madame la présidente, je suis heureux de l'occasion qui m'est offerte de comparaître de nouveau cette année devant le comité dans le cadre du processus d'examen du budget des dépenses. En plus de souligner l'indépendance de mon bureau et l'obligation particulière qu'il a de rendre compte au Parlement, ma participation à cet exercice d'examen budgétaire en tant que responsable d'un programme autonome me donne une occasion de plus de rencontrer les législateurs pour examiner avec eux les principaux problèmes que nos enquêtes ont permis de mettre en lumière.
Ces problèmes sont exposés dans mon rapport annuel de 1996-1997, que le solliciteur général a déposé le 7 novembre 1997. Le ministre soumettra le rapport de cette année d'ici environ 70 jours, car nous devons présenter ce rapport dans les trois mois qui suivent la fin de l'exercice.
L'enquêteur correctionnel a pour mandat d'agir comme ombudsman des services correctionnels fédéraux. Conformément à l'article 167 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, le bureau de l'enquêteur correctionnel
-
[...] mène des enquêtes sur les problèmes des délinquants liés aux
décisions, recommandations, actes ou omissions qui proviennent du
commissaire ou d'une personne sous son autorité ou exerçant des
fonctions en son nom qui affectent les délinquants individuellement
ou en groupe.
Pour s'acquitter de cette fonction d'ombudsman, le bureau doit maintenir un service d'enquête rigoureux et efficace, qui soit objectif et indépendant du processus correctionnel fédéral et du ministère et perçu comme tel.
Au cours du dernier exercice, les délinquants ont déposé quelque 5 500 plaintes auprès du bureau; nos enquêteurs ont passé 346 jours dans les pénitenciers fédéraux et mené au-delà de 2 800 entrevues avec des détenus et plus la moitié de ce nombre auprès du personnel des établissements pénitentiaires et des administrations régionales.
Comme l'exige l'article 192 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, l'enquêteur correctionnel doit soumettre annuellement au ministre un rapport des activités de son bureau, rapport qui doit par la suite être déposé devant chacune des deux Chambres du Parlement. En plus de fournir un exposé détaillé des activités du bureau, le rapport annuel contient des observations et des recommandations à propos des politiques et procédures qui ont fait l'objet de plaintes de la part des détenus. Ces observations et recommandations visent à assurer que les problèmes systémiques seront mis en lumière et recevront l'attention qu'ils méritent. L'enquêteur correctionnel peut également, en vertu de l'article 193 de la Loi, présenter au ministre un rapport spécial sur toute question urgente ou importante.
• 1545
En principe, la fonction première du bureau est de faire
enquête à propos des plaintes des détenus et de tenter de remédier
aux problèmes soulevés. Le contexte dans lequel cette fonction
s'exerce présente un certain nombre de difficultés
interdépendantes.
Premièrement, la tension inhérente aux relations entre gardien et gardé crée un climat de grande méfiance; deuxièmement, l'augmentation de la population carcérale fédérale et le surpeuplement excessif qui en résulte contribuent à faire monter la tension au sein des établissements et à envenimer une foule de vieux problèmes individuels et systémiques; et troisièmement, l'ouverture de cinq nouveaux établissements correctionnels fédéraux pour femmes et la détention, dans des pénitenciers pour hommes, de femmes nécessitant des mesures de sécurité maximale ont eu pour effet d'accroître le nombre d'établissements à visiter ainsi que le nombre d'administrations correctionnelles avec lesquelles il faut traiter.
Pour ce qui est de la possibilité de surmonter ces difficultés, on notera que notre bureau n'est maître ni du nombre de plaintes qu'il reçoit ni de l'ampleur des problèmes sur lesquels il est appelé à enquêter, et que les recommandations de l'enquêteur correctionnel, comme celles de n'importe quel ombudsman, ne sont pas exécutoires. En conséquence, la capacité du bureau d'apporter remède aux problèmes qui lui sont signalés dépend largement du soin que met le Service correctionnel à donner suite à ses recommandations.
Il importe de signaler aussi qu'alors que la population carcérale fédérale a augmenté considérablement au cours des dernières années et que le Service correctionnel a pu profiter de ressources accrues pour faire face à cet accroissement et à l'ouverture de nouveaux établissements, le niveau de ressources allouées à mon bureau est demeuré le même depuis l'adoption, en novembre 1992, de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.
Notre bureau, qui ne dispose que d'un effectif de huit enquêteurs et de deux directeurs pour traiter plus de 5 500 plaintes provenant d'une cinquantaine d'établissements répartis dans cinq régions, a dû se rendre à l'évidence que, pour éviter d'être submergé, il devait se préoccuper davantage des problèmes d'ordre systémique, en espérant que le fait d'apporter des correctifs à ce niveau l'aiderait à remédier plus efficacement aux problèmes individuels.
Pour maintenir un service d'enquête rigoureux et efficace, qui soit objectif et indépendant et perçu comme tel, et pour répondre aux préoccupations soulevées par le vérificateur général dans son rapport de décembre 1997, le bureau a mis en oeuvre ou s'apprête à mettre en oeuvre les stratégies suivantes.
Dans le but d'optimiser l'efficience, l'efficacité et la rentabilité de son service d'enquête, le bureau a entrepris de mettre en place des procédures propres à permettre de traiter d'une manière plus intégrée les problèmes individuels et systémiques. En fait, on établira de nouvelles politiques et procédures ayant expressément pour objet d'aider le personnel à dégager des priorités dans ses activités d'enquête.
On apportera des améliorations à notre système d'information de gestion, y compris à l'information sur le rendement figurant dans notre rapport annuel. L'accès au bureau par téléphone sera limité aux situations d'urgence où notre intervention immédiate apparaîtra absolument essentielle. Nos visites dans les établissements, notamment dans les établissements à sécurité moyenne et maximale, seront toutefois plus fréquentes.
Notre présence accrue dans les pénitenciers fédéraux devrait avoir pour effet de faire connaître davantage l'existence du bureau, de ses services et de ses processus. Nous accroîtrons surtout notre présence auprès de certains groupes, notamment auprès des comités de détenus, des organisations autochtones et des condamnés à perpétuité.
Enfin, le bureau poursuivra ses efforts en vue de l'établissement, en collaboration avec le Service correctionnel du Canada, d'un processus plus efficace de résolution et de correction des problèmes systémiques. C'est dans cet esprit qu'il continuera de participer, de concert avec le Service, aux activités de groupes de travail et à la réalisation de revues internes. Le bureau finalisera par ailleurs un protocole d'entente avec le Service correctionnel du Canada pour s'assurer que les doléances des détenus reçoivent sans délai l'attention objective qu'elles méritent.
Nous escomptons que la mise en oeuvre de ces mesures se traduira par une amélioration des méthodes et stratégies de gestion des plaintes adressées au bureau; par une sensibilisation accrue des détenus sous responsabilité fédérale à l'existence du bureau ainsi que par une meilleure compréhension de ses services et processus; par l'établissement par le Service correctionnel de procédures et de mécanismes de suivi propres à lui permettre de s'attaquer aux problèmes systémiques qui sont à l'origine des plaintes, et, partant, par une diminution progressive des plaintes que reçoit notre bureau à cet égard.
Les activités de notre bureau ont toujours été et continueront d'être axées sur les individus et sur les plaintes individuelles.
• 1550
Un des facteurs clés de l'efficacité de notre bureau réside
dans le fait que la population carcérale aussi bien que les
intervenants du secteur de la justice pénale sont convaincus du
haut niveau d'objectivité, de rigueur et d'indépendance qui le
caractérise.
L'efficacité des stratégies décrites ci-avant, dont le but est de faire en sorte que notre bureau remplisse adéquatement son mandat, dépend en partie des suites que donne le Service correctionnel du Canada aux observations et recommandations que nous formulons au nom de la population carcérale ainsi que de l'empressement du ministre à faire apporter les mesures correctives qui s'imposent lorsque le Service omet de faire le nécessaire pour raisonnablement donner suite à ces observations et recommandations.
Elle dépend en outre, bien évidemment, de la capacité du bureau de bien cerner les problèmes systémiques et d'y proposer des solutions qui répondent adéquatement aux préoccupations individuelles des détenus.
Il est important de se rendre compte que le Bureau de l'enquêteur correctionnel du Canada n'est ni un agent du Service correctionnel du Canada, ni forcément le défenseur des détenus ou des groupes d'intérêt qui lui adressent des plaintes. Le bureau a pour mandat d'enquêter sur les plaintes en toute indépendance et neutralité, d'examiner rigoureusement le comportement du Service et les motifs qui le sous-tendent, de l'approuver et de le justifier auprès des plaignants ou, en cas d'injustice flagrante, de recommander les mesures correctives qui s'imposent.
Le souci du Bureau de l'enquêteur correctionnel du Canada est de s'assurer que les plaintes des détenus reçoivent dans les meilleurs délais l'attention objective qu'elles méritent. La révision de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition permettra à tous ceux qui s'intéressent aux questions de justice pénale de faire valoir leur point de vue.
Mon bureau participe activement aux consultations publiques qui se tiennent dans le cadre de ce processus, et j'espère avoir bientôt l'occasion de comparaître de nouveau devant votre comité lorsque vous examinerez cette loi.
Pour conclure cette brève déclaration préliminaire, je vous signale que j'ai récemment rencontré le solliciteur général et le commissaire du Service correctionnel et qu'ils sont tous deux convaincus de la nécessité de revoir la façon dont les plaintes des détenus sont traitées. Nous avons d'ailleurs déjà entrepris de le faire.
J'ai confiance que pourvu qu'il y ait, au sein du Service correctionnel, une direction forte et déterminée à promouvoir les valeurs d'ouverture, d'intégrité et de responsabilité proposées dans l'Énoncé de mission du Service, il sera possible d'établir, avec les organismes gouvernementaux et non gouvernementaux, des rapports efficaces qui aideront le Service correctionnel à faire en sorte que ses activités répondent aux besoins de sa clientèle et soient conformes à l'esprit et à la lettre de la loi qui les régit.
Merci.
La présidente: Merci beaucoup.
Monsieur Forseth, vous avez dix minutes à votre disposition.
M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Réf.): Merci beaucoup.
Soyez les bienvenus au comité aujourd'hui. Dans votre déclaration, le mot «systémique» et l'expression «dans les meilleurs délais» reviennent souvent.
M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Réf.): Ils doivent sûrement figurer dans votre manuel, n'est-ce pas?
Des voix: Oh!
La présidente: L'expression «dans les meilleurs délais» n'a plus pour nous la même signification par les temps qui courent.
M. Paul Forseth: En tous cas, vous avez plusieurs fois fait référence à des problèmes «systémiques». J'aimerais que vous nous expliquiez ce que vous entendez par là, que vous nous disiez quels problèmes internes, selon vous, sont inhérents au système. Au fond, j'imagine que c'est de la prévention que vous voulez faire, car si vous parvenez à régler ces problèmes, peut-être recevrez-vous pas mal moins de plaintes individuelles à répétition.
Puisque c'est un mot que vous avez employé à plusieurs reprises, j'aimerais que vous nous expliquiez quels sont ces problèmes systémiques et peut-être nous indiquer comment on pourrait s'y attaquer.
L'autre question est celle des délais. Si je vous comprends bien, vous semblez douter de la capacité de votre propre organisme de donner suite aux plaintes dans les meilleurs délais. Cette question a évidemment une incidence sur le budget des dépenses. Je constate que votre effectif sera amputé.
J'aimerais que vous répondiez d'abord à ces questions.
M. Ron Stewart: En ce qui touche les problèmes systémiques, nous avons eu de si nombreuses plaintes individuelles, comme le montrent les statistiques, qu'il nous a fallu, pour essayer d'en réduire le nombre, nous attaquer aux problèmes systémiques, c'est-à-dire aux facteurs qui sont à l'origine de ces plaintes.
Le Service correctionnel du Canada est une grosse organisation. Il faut du temps pour y changer quelque chose. Mais je dois dire que nous avons eu de la chance dans la dernière année, en fait depuis l'arrivée du nouveau commissaire, car nous avons réussi à résoudre certains des problèmes systémiques ou du moins à nous y attaquer. En trouvant une solution à ces problèmes systémiques, nous parviendrons—du moins nous l'espérons—à endiguer le flot de plaintes individuelles dont nous sommes saisis.
• 1555
En ce qui a trait aux délais, nous tenons à ce que les
plaintes soient traitées le plus rondement possible. Un détenu qui
se plaint d'un problème ne doit certes pas trouver très amusant
qu'un fonctionnaire qui lui a dit au départ qu'on allait s'occuper
de son cas vienne lui redire la même chose au bout de trois mois,
puis de six mois, et ainsi de suite.
Nous essayons d'obtenir du Service correctionnel qu'il s'engage à prendre promptement les mesures qui s'imposent, pour que nous puissions rassurer notre client, lui dire qu'on s'occupe de son transfèrement, ou de ceci ou de cela. Cela nous apparaît important, et c'est pourquoi nous pressons le Service correctionnel de réagir sans tarder.
Je le répète, le SCC est une grosse organisation; il faut du temps pour le faire bouger. Je crois que nous partageons la même vision; nous aimerions que les choses se déroulent plus rondement, ce qui n'est pas toujours possible. Nous exerçons continuellement des pressions sur le Service pour qu'il procède le plus rapidement possible.
M. Paul Forseth: Pourriez-vous énumérer certains de ces problèmes systémiques? Quels sont-ils?
M. Ron Stewart: Il y a d'abord le surpeuplement, qui contribue à engorger le système. Les détenus ne peuvent pas obtenir les programmes qu'ils veulent. Non seulement n'ont-ils pas accès aux programmes dont ils ont besoin, mais leur remise en liberté est parfois retardée. Dans une situation de surpeuplement, tout s'accumule.
Le Service correctionnel s'attaque actuellement à ce problème, c'est un fait, et ce, depuis un certain temps déjà. Il essaie de réduire la population carcérale non violente, mais le problème du manque de programmes demeure entier.
Il en va de même en ce qui a trait aux transfèrements. Les établissements à sécurité moyenne sont engorgés parce qu'il s'y trouve trop de détenus qui devraient normalement être logés dans des établissements à sécurité moindre. On n'arrive pas à effectuer leur transfèrement; on ne peut leur offrir les programmes voulus. Nous nous retrouvons avec les mêmes problèmes dans les cinq régions du pays, et c'est là un exemple de problème systémique.
Voilà pourquoi nous recommandons au commissaire correctionnel de s'efforcer de s'attaquer aux problèmes systémiques de façon à ce que le nombre de plaintes individuelles diminue un peu et que nous ayons quelque répit.
M. Paul Forseth: Avez-vous constaté chez le personnel du Service correctionnel un manque généralisé de formation par rapport aux compétences requises pour accomplir les diverses fonctions au sein du Service, et ce, depuis le niveau supérieur des cadres intermédiaires jusqu'à la base? Je veux parler du problème systémique que constitue l'insuffisance de formation chez le personnel.
M. Ron Stewart: Je vais laisser M. Hayes répondre à cette question. Vu qu'il a travaillé au sein du Service correctionnel du Canada pendant plusieurs années, il sera peut-être mieux placé que moi pour parler du manque de formation.
M. Jim Hayes (directeur, Bureau de l'enquêteur correctionnel): À vrai dire, je ne crois pas qu'il soit de notre compétence de formuler des observations sur cette question, mais je puis le faire à titre personnel.
En règle générale, je dois vous dire que les agents me semblent très, très bien formés. Comme l'a fait remarquer M. Stewart, ce n'est pas tellement à ce niveau que la formation fait défaut, car ces agents sont au courant du genre de programmes dont les détenus auraient besoin. Le problème se situe davantage sur le plan de la prestation de ces services. Mais, dans l'essentiel, je suis d'avis que le commissaire dispose d'un personnel très compétent pour la prestation des programmes dans les établissements.
M. Paul Forseth: Ça va. Je vais maintenant aller un peu plus loin.
Je me reporte au rapport du vérificateur général. On y lit au paragraphe 33.55, à propos de la communication des résultats:
-
Nous avons examiné l'exactitude des données d'un échantillon de cas
en vue d'établir la fiabilité de la base de données.
Je présume qu'il veut parler ici de votre base de données. Puis, il poursuit en disant:
-
L'effet cumulatif de ces lacunes compromet la capacité de
l'enquêteur correctionnel de fournir une information utile, tant
aux fins de sa gestion que pour son rapport annuel au Parlement.
Dans votre déclaration préliminaire, vous avez mentionné que vous donniez suite aux recommandations du vérificateur général. Qu'avez-vous fait exactement pour remédier à ce problème particulier?
M. Ron Stewart: D'abord, nous allons définir les choses un peu différemment et essayer d'harmoniser nos catégories avec celles du Service correctionnel pour pouvoir mieux recouper nos éléments d'information.
Bien souvent, un détenu ira soumettre sa plainte à toutes les instances: il se plaindra à nous, à son avocat, au Service correctionnel. Il en résulte beaucoup de chevauchement.
• 1600
Dans une large mesure, nos interventions portent non pas sur
des plaintes, mais sur des demandes de renseignements. Nous
consacrons probablement trop de temps à renseigner des gens plutôt
qu'à traiter des plaintes. Il nous faudra trouver une façon de
dissocier ces deux fonctions, peut-être en traitant autrement les
demandes de renseignements. Je ne me souviens pas de la proportion,
mais le vérificateur général a constaté qu'un pourcentage
passablement élevé de nos interventions portaient sur des demandes
de renseignements plutôt que sur le traitement de plaintes.
Bien sûr, le problème, c'est que ce n'est qu'une fois qu'on a rencontré le détenu qu'on sait en quoi consiste sa plainte. Nous visitons régulièrement tous les établissements, nous donnons avis au comité des détenus de notre venue prochaine, les détenus inscrivent leur nom sur la liste de ceux qui veulent s'entretenir avec nous, puis nous allons les rencontrer. Tant que nous n'avons pas passé un certain temps à converser avec eux, nous ne savons pas quelle est la nature de leur plainte ou de leur demande d'information. Il est normal que nous consacrions du temps à ce genre de choses, mais nous devrons trouver un moyen d'en passer moins à traiter des demandes de renseignements et davantage à examiner des plaintes. Il nous faudra par ailleurs confronter les plaintes qui parviennent à notre bureau avec celles dont est saisi le Service correctionnel pour nous assurer que nous ne nous employons pas de part et d'autre à étudier une même plainte soumise par un même détenu.
M. Paul Forseth: En ce qui a trait à l'efficacité avec laquelle vous gérez vos maigres ressources, disposez-vous d'un mécanisme propre à vous éviter de consacrer démesurément d'efforts au traitement d'une avalanche de plaintes que pourraient déposer un ou deux détenus à problèmes et qui accapareraient peut-être une proportion excessive du temps ou des ressources disponibles?
M. Ron Stewart: Il nous arrive parfois d'avoir affaire à un détenu qui s'amuse à abuser du système. Je sais que le Service correctionnel en est venu à limiter le nombre de plaintes qu'un même détenu peut déposer au moyen de la procédure de griefs. Nous n'avons pas eu de tels cas récemment, mais nous avons effectivement eu affaire, au fil des ans, à un certain nombre de détenus qui se plaignaient à propos de tout et de rien. En pareil cas, nous nous bornons à rencontrer le détenu pour essayer de lui faire comprendre qu'il doit se montrer raisonnable à cet égard, et nous traitons ses plaintes selon l'ordre de priorité que nous nous sommes fixé. Beaucoup de ces plaintes doivent être passées au tamis.
Il n'est pas facile de traiter avec ce genre de personnes. Certaines d'entre elles ont des problèmes de toxicomanie ou d'alcoolisme et n'ont pas les idées claires. D'autres manquent d'éducation. Nous les trouvons parfois d'un abord difficile, mais c'est un problème inhérent à notre fonction.
La présidente: Merci, monsieur Forseth.
Madame Finestone.
L'honorable Sheila Finestone (Mont-Royal, Lib.): Merci beaucoup.
C'est avec le plus vif intérêt que j'ai écouté ce que vous aviez à nous dire et que j'ai pris connaissance du rapport de votre ministère. J'imagine quel degré de frustration vous et votre personnel êtes exposés à subir quotidiennement. Je venais tout juste de confier à mon collègue que, bien honnêtement, je me demande ce qui vous permet de persévérer à ce poste. Qui d'autre que vous en voudrait?
M. Ron Stewart: En tout cas, on ne semble pas se bousculer aux portes pour prendre ma place.
L'hon. Sheila Finestone: En ce qui a trait au rôle consultatif que vous jouez, j'ai l'impression que vous trouveriez beaucoup plus efficace qu'on vous confère certains pouvoirs pour vous permettre de donner suite aux conclusions de vos enquêtes. Serait-il juste de dire qu'il manque quelque chose entre les mesures que vous prenez et le temps et les mesures que prennent les agents de correction pour redresser ou tenter de redresser la situation? Y aurait-il lieu d'établir une nouvelle instance entre les deux ou au-dessus des deux?
M. Ron Stewart: Je n'en suis pas sûr. L'ombudsman typique— l'ombudsman classique, si vous préférez—n'a aucun pouvoir de décision; s'il en avait un, il ne constituerait qu'un autre niveau du rouage administratif. Je crois qu'il ne serait pas facile de tenter d'établir un nouveau palier. Vous parlez de résoudre...
L'hon. Sheila Finestone: Voici, je crois que je devrais peut-être poser ma question autrement. Croyez-vous que ce soit vraiment d'un ombudsman dont nous ayons besoin plutôt que de la capacité juridique d'ordonner qu'on apporte les changements voulus pour redresser les situations qui sont à l'origine des plaintes?
M. Ron Stewart: La fonction d'ombudsman existe comme institution depuis au moins cent ans, et je crois qu'elle répond à un besoin. Selon moi, elle peut donner des résultats.
L'hon. Sheila Finestone: Des quelque 5 500 plaintes que vous avez reçues, combien—ne s'agirait-il que de la moitié ou du quart de ce nombre—, selon vous, ont trouvé réponse satisfaisante? À propos de combien de ces plaintes pouvez-vous affirmer sans hésitation qu'elles ont été désamorcées parce qu'on y a donné suite en toute justice dans le respect des normes qui ont cours dans un pays comme le nôtre? Vous avez eu affaire à des émeutes, à des luttes concernant la nourriture servie aux détenus, et à des revendications à propos de la double occupation des cellules. D'après votre exposé, vous avez observé toutes sortes de situations où il vous est apparu qu'on ne traitait pas convenablement les détenus. Dans quelle mesure le taux de redressement de ces situations est-il attribuable au fait que vous avez reçu ces plaintes et que vous avez été, grâce à votre intervention en tant qu'ombudsman consciencieux et dénonciateur des situations problématiques en question, à l'origine d'une solution qui vous semblait satisfaisante? Vous intéressez-vous à cet aspect?
M. Ron Stewart: Je vais laisser mon conseiller juridique répondre à cette question, madame la présidente.
M. Todd Sloan (conseiller juridique, Bureau de l'enquêteur correctionnel): En fait, madame la présidente, je ne vais pas répondre à cette question à ce titre, mais à l'un des quelques autres titres que je porte dans ce milieu.
Dans le contexte où nous évoluons, un ombudsman doit, pour être efficace—c'est-à-dire pour réussir à être persuasif par la force de son argumentation et pour attirer l'attention de la population et des législateurs—surmonter bien des obstacles. Cette problématique tient à l'urgence d'une proportion importante des questions que nous sommes appelés à examiner; à l'impressionnante répétition des plaintes, comme on l'a déjà souligné; à la complexité, tant sur le plan factuel que sur le plan juridique, d'une bonne part des problèmes dont nous sommes saisis; et, disons-le franchement, au caractère relativement incendiaire de bon nombre des personnes avec lesquelles nous traitons et des incidents sur lesquels nous devons nous pencher.
Dans de telles conditions, il serait peut-être souhaitable qu'on permette à notre bureau de ne plus s'en tenir à la fonction classique d'ombudsman—qui consiste à présenter les cas le mieux possible à la population et à miser sur la simple persuasion—, qu'on élargisse son mandat pour l'amener à jouer un rôle de médiateur, ou encore, comme nous l'avons recommandé dans nos rapports annuels, qu'on crée un tribunal administratif qui pourrait être saisi des problèmes les plus complexes ou, pour ainsi dire, les plus notoires, qui peuvent avoir une incidence majeure sur le respect de droits importants.
En fait, il faudrait probablement, pour résoudre le problème, apporter plusieurs des changements proposés ci-avant. En plus de formuler cette recommandation, nous déployons beaucoup d'efforts pour améliorer la qualité de nos relations avec le Service correctionnel, pour travailler de concert avec lui à la recherche de solutions aux problèmes qui se posent dans le cours normal des choses. Je vous avouerai bien honnêtement qu'à mon avis, notre bureau y gagnerait beaucoup en efficacité si les rapports hiérarchiques que nous entretenons déjà avec le ministre par l'entremise du commissaire ainsi qu'avec le comité étaient meilleurs.
L'hon. Sheila Finestone: Je crois que c'est un peu pour cette raison que je ne me suis pas du tout réjouie d'entendre que, sur le plan administratif, vos relations étaient plutôt antagonistes, si je puis m'exprimer ainsi. J'ignore si j'emploie les bons mots, mais ça m'apparaît être le cas.
Il me semble quelque peu embarrassant de constater que le Canada a le plus haut taux d'incarcération parmi les pays du G-7. Je ne sais si le solliciteur général, qui cherche des moyens à la fois de réduire la population carcérale et de s'assurer que les délinquants qui sont remis en liberté ne présentent pas de danger pour la société, a déjà eu l'occasion de vous consulter, mais ne serait-il pas grand temps, au lieu de nous contenter de parler allègrement des merveilleuses choses que nous avons accomplies, de commencer à nous intéresser également aux choses qu'il nous faudrait faire? Étant donné l'information que vous possédez et le caractère antagoniste de vos relations avec le Service lorsque vient le temps de redresser une situation, je me demande si le solliciteur général a eu l'occasion de vous dire qu'il sait que vous avez recommandé la création d'un tribunal administratif et de vous demander sur quoi vous vous fondez pour formuler cette recommandation et s'il devrait soumettre...? S'est-il penché sur cette question?
• 1610
Deuxièmement, j'aimerais savoir s'il s'est interrogé sur le
type de traitement, nécessairement différent, qu'on devrait
accorder aux femmes et aux hommes respectivement, notamment en ce
qui a trait à la nature des établissements où ils et elles sont
logés. Je me demande si vous avez eu l'occasion de discuter de ces
deux questions avec le solliciteur général.
M. Ron Stewart: Oui, j'en ai eu l'occasion.
L'hon. Sheila Finestone: S'est-il montré intéressé?
M. Ron Stewart: Il s'est montré intéressé, et nous allons nous rencontrer de nouveau à ce sujet.
L'hon. Sheila Finestone: Vous avez dit que c'est de lui que la question relève. Par conséquent, si vous croyez qu'il s'impose d'apporter des changements constructifs à tel ou tel égard, y compris...
Merci beaucoup. Je constate que l'un de vous quatre est une femme, pour la première fois. Ce matin, il n'y avait que deux ou trois femmes dans toute la pièce. On marque des progrès intéressants. Félicitations pour cette amélioration!
Si c'est de lui que la question relève, nous aurions besoin, si nous voulons en saisir le solliciteur général, qui semble très ouvert aux suggestions de changement, que vous réaffirmiez ce que vous avez dit dans votre dernier rapport annuel, notamment que vous estimez qu'il faudrait créer un tribunal administratif et le doter des pouvoirs voulus pour forcer le SCC à se conformer à certaines exigences de la loi ou à certaines politiques.
Mon propos vous donne-t-il l'impression que je vous ai posé une question, ou songez-vous à une réplique?
M. Ron Stewart: Je n'en étais pas sûr. Je croyais que vous étiez...
Nous avons abordé l'idée de la création d'un tribunal administratif tant avec le commissaire qu'avec le solliciteur général. Le commissaire correctionnel a réagi en nous proposant, pour régler le problème, de signer un protocole d'entente dans lequel nous établirions une procédure qui nous permettrait de nous attaquer aux problèmes qui perdurent et d'y remédier de notre mieux.
La question est encore à l'étude. Nous en poursuivons activement l'examen de concert avec le commissaire correctionnel, mais nous n'avons pas abandonné l'idée d'un tribunal administratif comme autre moyen de résoudre certaines des questions qui sont en suspens depuis longtemps.
L'hon. Sheila Finestone: Je suis heureuse d'entendre qu'après 125 ans, vous pouvez maintenant faire preuve d'imagination et songer à adopter une nouvelle vision. Je suis heureuse d'entendre cela. Merci.
La présidente: Merci, madame Finestone.
Monsieur MacKay, êtes-vous prêt, ou préférez-vous attendre au prochain tour?
M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Je suis prêt, madame la présidente.
La présidente: Dix minutes.
M. Peter MacKay: Je tiens à remercier M. Stewart et les membres de son équipe de leur présence parmi nous. Nous vous sommes reconnaissants de nous consacrer ainsi de votre temps. Je sais que vous avez une tâche extrêmement importante à accomplir.
J'ai une question à vous poser concernant votre révision des enquêtes menées tout récemment par le Service correctionnel du Canada, le SCC, dans l'affaire de la Prison des femmes. C'est en réalité en grande partie grâce à vos efforts qu'on a pu jeter une lumière nouvelle sur cet incident.
L'absence d'ombudsman des victimes de crimes me préoccupe. J'estime que le SCC a gravement tort de ne pas se pencher sur cette question.
Notre comité a été témoin d'enquêtes que le SCC et la Commission nationale des libérations conditionnelles ont menées à l'interne et qu'en toute franchise, j'ai du mal à accepter. Chaque fois qu'un organisme enquête sur lui-même, il y a risque de partialité, et d'ailleurs, en l'occurrence, certains ont exprimé des inquiétudes en ce sens.
J'aimerais que vous nous disiez, en tant que personne qui est indépendante du SCC et qui s'y connaît bien en matière d'enquêtes internes, ce que vous pensez de l'idée de créer au sein du système un poste assorti des mêmes pouvoirs que le vôtre, mais dont le titulaire se porterait cette fois à la défense des victimes.
M. Ron Stewart: Je n'y vois absolument aucune objection. Si ce qu'on suggère, c'est que notre bureau se charge également de cette tâche, il y aurait toutefois là, selon moi, conflit d'intérêts. D'ailleurs, il va sans dire que, notre bureau ne disposant pas des ressources voulues pour accomplir un tel mandat, nous aurions énormément de mal à le faire dans l'état actuel des choses. Mais je ne vois aucune objection à ce qu'on crée un poste d'ombudsman des victimes, et je crois que le solliciteur général verrait probablement cette suggestion d'un bon oeil.
M. Peter MacKay: Je suis heureux de vous l'entendre dire, et je conviens avec vous que votre bureau se trouverait alors de toute évidence en conflit d'intérêts. Mais dans cet ordre d'idée, existe-t-il actuellement un processus permettant aux familles des détenus de faire appel à des gens de votre bureau ou d'obtenir des renseignements par l'intermédiaire de votre bureau?
M. Ron Stewart: Toute plainte adressée à notre bureau par un membre de la famille d'un détenu relativement au traitement réservé au détenu en question est reçue tout comme s'il s'agissait d'une plainte du détenu lui-même. Mais dans le cas d'une demande soumise par une victime, étant donné qu'elle ne serait pas faite au nom du détenu, la réponse est non, il n'existe pas, à ma connaissance, de processus propre à venir en aide aux victimes.
M. Peter MacKay: Êtes-vous au courant—et il s'agit peut-être là d'une question que je ne devrais pas vous poser, car je sais fort bien que vous avez un immense territoire à couvrir—d'un incident qui est survenu à l'établissement de Springhill, à Amherst, impliquant un dénommé Jimmy White, et savez-vous si la famille de M. White a demandé qu'une enquête soit menée à ce sujet? M. White a été assassiné en prison. Votre bureau a-t-il été appelé à enquêter sur cet incident?
M. Jim Hayes: Pas que je me rappelle, mais, chose certaine, s'il y a eu une telle enquête, je pourrais retrouver ce qu'il en est à mon retour au bureau et vous en faire part par la suite. Mais, de mémoire, je ne saurais le dire.
M. Peter MacKay: Très bien. Nous promettez-vous que vous allez faire cette recherche?
M. Ron Stewart: Vu que Jim est beaucoup plus vieux que moi, il a de meilleures chances d'être au courant de ce cas, voyez-vous. Je ne suis qu'un tout jeune homme après tout.
M. Peter MacKay: Je crois que cet incident est survenu il y a huit ou dix ans.
M. Ron Stewart: Je me ferai un plaisir d'effectuer cette recherche pour vous.
M. Jim Hayes: Vous nous demandez si un membre de la famille a déjà communiqué avec le Bureau de l'enquêteur correctionnel concernant le décès de cet individu?
M. Peter MacKay: Oui. Et, le cas échéant, à quoi a mené cette enquête.
Nous avons appris ce matin, monsieur, que le solliciteur général entend embaucher 1 000 nouveaux employés. J'aimerais connaître votre réaction à cette annonce et savoir quelle influence aura cette mesure, selon vous, sur les activités de votre bureau. J'aimerais que vous me disiez également quels ajustements, le cas échéant, vous avez en conséquence apportés à votre budget.
M. Ron Stewart: Madame la présidente, assurons-nous que j'ai bien compris. Il propose l'embauche de 1 000 nouveaux employés, me dites-vous?
M. Peter MacKay: C'est juste.
M. Ron Stewart: Et pour faire quoi? Il les placera où?
M. Peter MacKay: Ils seront à l'emploi du SCC et seront répartis dans l'ensemble du Service, mais je présume qu'il s'agira pour la plupart de gardiens.
M. Ron Stewart: Mais exclusivement au sein du SCC?
M. Peter MacKay: Oui.
M. Ron Stewart: Il n'a pas fait mention de notre pauvre petit bureau, n'est-ce pas?
M. Peter MacKay: Non.
La présidente: Je crois qu'il a parlé de 1 000 agents de correction. Nous n'aurons pas de personnel supplémentaire, nous non plus.
M. Ron Stewart: Non. Compte tenu de l'augmentation du nombre de détenus, le besoin de personnel supplémentaire m'apparaît manifeste. Vous dites qu'il a annoncé cela au cours de votre audience de ce matin?
M. Peter MacKay: Oui.
M. Ron Stewart: C'est fantastique. Je suis sûr que cette mesure améliorera l'efficacité du Service.
M. Peter MacKay: N'étiez-vous pas au courant?
M. Ron Stewart: Non, j'ignorais tout de ses intentions à cet égard.
M. Peter MacKay: On a connu par le passé des problèmes de surpeuplement, et je sais qu'en Nouvelle-Écosse, la province d'où je viens, il a parfois fallu transférer des prisonniers d'établissements provinciaux vers des établissements fédéraux. Peut-être avez-vous déjà abordé cette question dans votre déclaration préliminaire, et, le cas échéant, je vous prie de d'excuser mon retard. Pourriez-vous faire le point sur cette situation?
M. Ron Stewart: Sur la question du surpeuplement des établissements correctionnels?
M. Peter MacKay: Oui.
M. Ron Stewart: Dans notre dernier rapport annuel, nous avons mentionné, si je ne m'abuse, que le problème de la double occupation des cellules touchait quelque 4 000 détenus. Il s'agit tous de détenus qui partagent à deux des cellules qui sont conçues pour accueillir un seul détenu et dont la dimension équivaut à peu près à celle d'une salle de bain moyenne dans une résidence.
Le nombre de détenus ainsi logés a diminué légèrement. Je crois qu'il est maintenant de l'ordre de 3 500, mais cette diminution demeure marginale. Il subsiste un problème de surpeuplement, comme je l'ai signalé tout à l'heure, qui crée de l'engorgement ou qui bloque l'accès aux programmes et, plus généralement, qui empêche le Service de répondre adéquatement à toutes sortes de besoins des détenus: transfèrements, permissions de sortir, etc. Le problème n'est donc pas réglé, mais je sais que le Service correctionnel du Canada entend réduire sensiblement le nombre de délinquants non violents gardés en détention.
M. Peter MacKay: À votre connaissance, y a-t-il parfois des personnes qui sont détenues pour crime avec violence et qui sont forcées de partager une cellule avec une autre dont ce n'est pas le cas, qui a commis, par exemple, une infraction contre des biens ou une infraction commerciale?
M. Ron Stewart: De mémoire, je ne connais pas de tels cas.
M. Jim Hayes: Je ne crois pas que ce soit là une distinction qui entre en ligne de compte dans l'attribution des cellules à deux. Je crois qu'on cherche plutôt à éviter de loger dans une même cellule des gens qui seraient incompatibles pour d'autres raisons. Par exemple, on verrait un problème à faire cohabiter un détenu avec un autre détenu contre lequel il a témoigné. Il peut même arriver qu'on juge nécessaire de placer un détenu en isolement protecteur. Par ailleurs, on prendra en considération le fait qu'une personne a commis une infraction sexuelle. Naturellement, on n'ira pas placer un détenu qui a commis une infraction sexuelle avec violence avec un autre délinquant violent qui n'a pas commis d'infraction sexuelle. Si la nouvelle se répandait dans un tel contexte, ce genre de partage pourrait être très dangereux.
Un délinquant qui a perpétré un vol à main armée dans une banque, ce qui est bien sûr un crime de violence, pourrait certes partager une cellule avec un autre détenu qui a lui aussi commis un crime avec violence.
M. Peter MacKay: Je comprends qu'on traite à part les délinquants sexuels. La plupart du temps, on ne les loge d'ailleurs pas avec les autres. Y a-t-il une politique de prévue, ou y a-t-il des mesures qui assurent que les détenus qui...? Je constate, à ce que vous dites, que le surpeuplement demeure un problème, mais je m'inquiète simplement du fait qu'un délinquant qui doit purger une peine de longue durée pour une infraction ne comportant pas de violence puisse être placée dans la même cellule qu'un autre qui a commis un crime de violence.
M. Jim Hayes: Ça peut se faire. Je crois que le facteur déterminant, c'est l'incompatibilité comme telle. Il n'y a pas nécessairement incompatibilité entre un détenu qui a commis une infraction avec violence et un autre dont ce n'est pas le cas.
M. Ron Stewart: J'aimerais simplement ajouter que si le détenu a du mal à s'entendre avec son compagnon de cellule, il peut porter son cas à l'attention du personnel de l'établissement, qui, je crois, s'empressera d'examiner la question. Il peut toujours également s'adresser à notre bureau. D'ailleurs, nous interviendrions sans délai s'il nous signifiait que sa vie ou sa santé est menacée. Nous ferions sûrement diligence. Je crois que les établissements font un bon travail à cet égard, en s'assurant que les détenus qui partagent une cellule n'ont rien d'incompatible.
M. Peter MacKay: Juste une question générale. Combien de plaintes traitez-vous ou combien d'enquêtes menez-vous au cours d'une année?
M. Ron Stewart: J'en ai parlé dans ma déclaration préliminaire. Nous avons reçu environ 5 500 plaintes l'an dernier.
M. Peter MacKay: Dans son rapport de 1997, le vérificateur général alléguait qu'il existe toujours entre votre ministère et le SCC une certaine tension antagoniste susceptible de faire obstacle à des changements futurs. La situation s'est-elle améliorée à cet égard, ou avez-vous l'impression qu'il subsiste une certaine tension entre vous et que parfois vous ne parvenez pas à vous entendre?
M. Ron Stewart: Il y a toujours une certaine tension quand un organisme gouvernemental en surveille un autre. Nous faisons quotidiennement des efforts pour tenter de remédier à ce problème. Nous essayons de tempérer le plus possible l'animosité qui s'est installée au fil des ans. Personne ne sait comment cette situation a pris naissance, mais on se rend soudainement compte que les choses sont à cet égard ce qu'elles sont et qu'il est très difficile d'atténuer les tensions.
Je rencontre régulièrement le commissaire correctionnel. Nous cherchons constamment des moyens d'améliorer nos rapports. Nous amenons une partie de notre équipe d'enquêteurs et une partie des membres des groupes de travail du commissaire correctionnel à travailler ensemble, sur une base quotidienne, avec les responsables du Service correctionnel pour essayer d'améliorer cette relation et de nous défaire de ce vieux malaise qui réapparaît de temps à autre. Il s'impose que nous y travaillions.
• 1625
Les observations du vérificateur général à cet égard ont sans
contredit été bénéfiques. Il a perçu le malaise. Personne ne niera
qu'il existe sur ce plan un certain degré d'animosité. Mais nous en
sommes conscients et nous nous employons à améliorer nos relations.
M. Peter MacKay: Le problème tient donc simplement à l'étiquette d'«enquêteur», qui a forcément tendance à rendre un peu mal à l'aise tous ceux qui sont visés par vos enquêtes.
M. Ron Stewart: Je le crois.
La présidente: Merci, monsieur MacKay.
Monsieur Cadman, aviez-vous des questions?
M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Réf.): Pour poursuivre dans cet ordre d'idée, je suis conscient des frustrations que votre bureau doit éprouver, appelé qu'il est à faire état, année après année, de problèmes qui, dans une large mesure, demeurent les mêmes. Mais je crois que, du point de vue du contribuable, l'important est de savoir s'il en a vraiment pour son argent.
Je ne voudrais pas que vous interprétiez ma question comme un blâme à l'endroit de votre bureau, mais le SCC se montre-t-il disposé à collaborer et à faire en sorte que le contribuable en ait vraiment pour son argent? Ou cherche-t-on simplement à apaiser les détenus en leur faisant croire qu'il se fait quelque chose, alors que ce n'est pas du tout le cas? Je le répète, je ne cherche pas à m'attaquer à votre bureau.
La présidente: Il espère que ce soit le gouvernement qui écope.
M. Chuck Cadman: Le contribuable en a-t-il pour son argent?
M. Ron Stewart: Je le crois. La personne qui est enfermée dans sa cellule et qui n'a vraiment ni parent ni ami pour l'aider a besoin, me semble-t-il, du soutien du personnel correctionnel et des gens du bureau de l'ombudsman pour obtenir qu'on essaie de remédier à ce que certains employés peuvent avoir perçu comme n'étant pas important.
M. Chuck Cadman: Je suis conscient de ces choses et je partage volontiers votre vision là-dessus, mais obtenez-vous vraiment la collaboration du SCC? Trouve-t-on solution aux problèmes de ces détenus qui formulent des plaintes que nous devons présumer légitimes? Donne-t-on suite à leurs plaintes?
M. Ron Stewart: Nous pouvons dire à juste titre, je crois, que nous réussissons passablement bien à résoudre les problèmes, de concert avec le Service correctionnel. Nous ne saurions y parvenir seuls. Je pense que les contribuables en ont pour leur argent. Un jour ou l'autre, le détenu retournera dans la société. Si on l'abandonne en quelque sorte à son malheur, il ne pourra que nourrir son ressentiment, ce qui ne sera à l'avantage de personne une fois qu'il sera remis en liberté. J'estime donc que c'est un bon placement que de s'efforcer de résoudre les problèmes et d'aider ces personnes durant leur incarcération.
M. Chuck Cadman: Vous avez également affirmé que si vous vous sentiez pratiquement bloqué et que rien ne se faisait, vous étiez prêt à saisir directement le ministre de certains de ces problèmes. Vous est-il arrivé de devoir le faire au cours du dernier exercice? Avez-vous effectivement fait appel au ministre pour de tels motifs?
M. Ron Stewart: Au cours du dernier exercice, je n'ai pas eu à écrire au ministre en vertu de l'article pertinent de la Loi. Dans le passé, il y a de cela deux ou trois ans, il m'a fallu, si je me souviens bien, écrire au solliciteur général pour le saisir de cinq ou six plaintes auxquelles on retardait indûment de donner suite, et le solliciteur général de l'époque, de concert avec le commissaire correctionnel, avait alors pris des mesures pour tenter de régler les problèmes en question.
J'entretiens une bonne relation de travail avec l'actuel commissaire, M. Ingstrup, avec qui je peux m'asseoir pour examiner ce genre de situation, aplanir les difficultés et résoudre les problèmes. C'est pourquoi je n'ai pas eu l'occasion d'envoyer de telles lettres au solliciteur général depuis, disons, un an et demi.
M. Chuck Cadman: Je n'ai qu'une autre question brève, madame la présidente.
Elle porte sur un cas particulier. À l'établissement de Collins Bay, où je me suis rendu il y a environ un mois et demi, je me suis entretenu avec un employé qui est responsable de l'organisation des programmes ou du moins qui travaille dans ce domaine. Vous avez signalé que, dans une large mesure, les problèmes qui découlent du surpeuplement tiennent au fait qu'on n'arrive pas à offrir les programmes en temps opportun.
Cette personne m'a mentionné qu'à Collins Bay, on avait annulé un programme intensif portant sur la toxicomanie et l'alcoolisme, programme qui semblait pourtant valoir vraiment la peine. Et voici que vous me dites que les détenus ne peuvent avoir accès aux programmes en temps opportun, alors qu'on annule carrément des programmes utiles. Êtes-vous au courant de ce cas? J'aimerais que vous nous disiez ce que vous en pensez.
M. Ron Stewart: Monsieur Hayes s'étant probablement rendu à Collins Bay récemment, il devrait être mieux placé que moi pour répondre à cette question.
M. Jim Hayes: Nous sommes au courant de cette situation. En règle générale, la difficulté réside dans le fait que les programmes sont établis en fonction des résultats des évaluations du risque en vue de la libération conditionnelle des détenus. Dans son choix des programmes qu'il offrira aux détenus, le Service se voit donc contraint de tenir compte, par exemple, du potentiel de réduction du risque.
• 1630
Naturellement, les programmes de traitement de la toxicomanie
sont parmi ceux dont une foule de détenus des établissements
carcéraux fédéraux ont le plus besoin. Comme vous le savez, la
toxicomanie est sans contredit l'un des principaux facteurs à
l'origine de leur comportement criminel.
J'étais au courant que le programme dont vous parlez avait été annulé à Collins Bay. Sauf erreur, c'était uniquement une question de manque de ressources. Bien sûr, quand un tel problème est porté à notre attention, par exemple à l'occasion du dépôt d'une plainte par un détenu, nous demandons au directeur de l'établissement ou au sous-commissaire comment on entend résoudre ce problème de ressources. C'est important, car, comme je le disais tout à l'heure, on aura de la difficulté à offrir à temps les programmes qui pourraient faciliter la mise en liberté sous condition. Toute surcharge ou tout blocage au niveau des établissements à sécurité moyenne se traduit forcément par un engorgement au niveau des établissements à sécurité maximale et par un arrêt des transferts vers les établissements à sécurité minimale. La rotation ne se fait pas normalement, ce qui ne peut que créer des problèmes de double occupation des cellules, entre autres.
Par exemple, les programmes de développement des aptitudes cognitives et de maîtrise de la colère sont deux des programmes de base auxquels on réfère un très grand nombre de détenus dès leur séjour dans les unités de réception. Par exemple, à Collins Bay ou à Joyceville, ou dans d'autres grands établissements à sécurité moyenne, il peut facilement y avoir plus de 100 détenus dont l'accès à certains programmes est retardé. Leur nom figure sur la liste d'attente. Naturellement, le moment où ils deviennent admissibles à une libération conditionnelle s'en trouve reporté d'autant. Encore là, le problème tient au fait qu'on ne dispose tout simplement pas des ressources, des effectifs ou des programmes voulus pour répondre aux besoins d'un trop grand nombre de détenus.
M. Chuck Cadman: Merci, monsieur Hayes.
La présidente: Monsieur DeVillers.
M. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.): Oui, je n'ai qu'une brève question à poser.
Monsieur Stewart, à l'avant-dernier paragraphe de la page 8 de votre mémoire, à propos de la révision de la LSCMLC, vous dites que votre bureau participe activement aux consultations publiques qui se tiennent dans le cadre de ce processus. En quoi consiste la participation de votre bureau à ces consultations?
M. Ron Stewart: En fait, mon directeur exécutif se trouve justement à Winnipeg aujourd'hui, où il participe à une table ronde sur la révision de la LSCMLC. Le ministre a tenu plusieurs rencontres avec les partenaires. C'est en ce sens que nous sommes actifs.
M. Paul DeVillers: Il y a donc un représentant de votre bureau à la table?
M. Ron Stewart: C'est juste.
M. Paul DeVillers: Vous discutez de ces choses entre partenaires. Consultez-vous également la population ou le milieu des détenus? Qui participe à ces rencontres?
M. Todd Sloan: La participation de notre bureau à la révision de la LSCMLC est une autre des responsabilités qu'on m'a confiées. Ce qui se produit, c'est que, dans le cadre de cette révision, on prévoit revoir la partie III de la Loi, c'est-à-dire celle qui nous concerne. En outre, notre bureau a des suggestions constructives à formuler concernant le reste de la Loi.
En fait, et faisant partie de nos efforts pour intensifier notre collaboration avec le Service, nous avons participé à la préparation du projet de révision de la LSCMLC depuis le début, et nous prenons part aux consultations non pas comme partenaires, mais comme observateurs. Nous faisons partie des organismes gouvernementaux qui sont touchés par cette loi.
M. Paul DeVillers: Quels autres groupes ou organisations prennent place à la table?
M. Todd Sloan: Quels partenaires?
M. Paul DeVillers: Oui.
M. Todd Sloan: Il y en a tout un éventail. On y trouve des représentants de corps policiers, des agents de probation, des représentants des Églises et des détenus. Ainsi, à chacune des consultations qui sont en cours, on consacre une journée à la consultation des partenaires et une autre à la consultation de comités des détenus d'un ou de deux établissements carcéraux.
Je tiens à vous mentionner également que les représentants des Autochtones et des femmes jouent un rôle prépondérant dans ces consultations, car les questions qui préoccupent ces groupes tiendront, selon moi, une très grande place dans ces discussions.
M. Paul DeVillers: Merci.
La présidente: Merci, monsieur DeVillers. M. Forseth, puis M. MacKay.
M. Paul Forseth: Merci beaucoup. Je vous renvoie à votre document intitulé «Bureau de l'enquêteur correctionnel, Partie III—Rapport sur les plans et les priorités». À la page 13 de ce document, il est fait état de vos plans, priorités et stratégies, dont le premier volet, pour le prochain exercice, s'intitule: «Améliorer nos pratiques de gestion et nos stratégies opérationnelles». C'est une idée qui peut avoir l'air intéressante, mais on la retrouve dans tous les plans. Ça ne veut à peu près rien dire.
Le deuxième s'intitule: «Accroître la connaissance de l'existence des services et des procédés du Bureau de l'enquêteur correctionnel». Vous voulez dire que vous allez faire un peu de publicité pour nous renseigner sur ce que vous faites.
• 1635
Le troisième s'intitule: «Établir, en coopération avec le
Service correctionnel du Canada, un processus plus efficace pour
résoudre et disposer des préoccupations systémiques des
délinquants». Or, vous venez juste de nous dire quels sont ces
problèmes systémiques: le surpeuplement et le manque de programmes.
Ce sont là des questions qui ne relèvent absolument pas de vous et
qui portent sur des réalités que vous n'avez nullement le pouvoir
de changer.
On énonce donc ici trois objectifs. Les deux premiers ne veulent à peu près rien dire, et le dernier est tout à fait en dehors de votre contrôle. Cela ne vous laisse pas une grande marge de manoeuvre pour réaliser vos plans, priorités et stratégies.
Soyez assuré que je ne cherche pas à vous piéger, car je crois sincèrement en l'utilité de votre bureau et de sa mission. J'ai la ferme conviction que si votre bureau fait un bon travail, nous ne nous en porterons tous que mieux. Mais en y regardant de près, je me sens le devoir de vous poser cette question, qui est en fait une critique, pour vous permettre de vous expliquer à cet égard. Je prends connaissance de vos plans, priorités et stratégies clés. Vous y énoncez trois grands objectifs. Le premier ne veut essentiellement rien dire et se retrouve dans tous les rapports. Le deuxième nous apprend que vous allez faire un peu de publicité concernant vos activités. Le troisième, qui est censé être le plus substantiel, porte sur un aspect dont vous n'êtes absolument pas responsable et que vous n'avez même aucun pouvoir de changer.
Pourriez-vous me dire brièvement ce que vous en pensez et en quoi mes propos ne sont que des paroles en l'air.
M. Ron Stewart: Si vous poursuivez votre lecture, on dit, vis-à-vis du dernier point, que nous allons continuer de participer avec le Service correctionnel du Canada à des groupes de travail et à des revues internes. Je vous rappelle que, vu que nos recommandations ne sont pas exécutoires, il s'agit pour nous de persuader le Service correctionnel de s'efforcer de remédier à certains de ces problèmes systémiques. Le seul pouvoir que possède un ombudsman est son pouvoir de persuasion. Vous avez tout à fait raison d'affirmer que je n'ai pas le pouvoir de prendre moi-même les mesures qui s'imposent, mais si nous travaillons de concert, je crois que nous y parviendrons.
M. Paul Forseth: Eh bien, tout ce que je puis en dire, c'est que, d'après ce que je lis ici, si un journaliste voulait écrire un article à propos de votre bureau en cherchant à être particulièrement négatif, il ferait ses choux gras de cette page. De toute évidence, vous vous exposez à des critiques sévères.
Maintenant, en ce qui concerne l'énoncé des stratégies, je vois que vous entendez participer à des revues internes avec les groupes de travail du Service correctionnel du Canada. À mon sens, il s'agit là de l'une des choses les plus utiles que vous pourriez faire, car j'ai constaté que ces revues internes reviennent toujours sur les mêmes problèmes, et que le Service correctionnel du Canada ne semble pas tirer de leçon de ses erreurs. Si votre participation à ces exercices contribue à améliorer ces revues internes, nul doute que vous ferez oeuvre utile.
Votre dernière stratégie est énoncée comme ceci: «Continuer nos discussions sur notre recommandation concernant la création d'un tribunal administratif». Voilà qui semble particulièrement intéressant. Peut-être pourriez-vous préciser un peu ce que vous entendez par là.
M. Todd Sloan: J'aimerais d'abord simplement clarifier une chose. M. Stewart a donné deux exemples de problèmes systémiques. Je pourrais probablement vous en fournir 15 autres en dedans de dix minutes: les soins de santé, les transfèrements, l'isolement préventif, bien sûr les problèmes soulevés par la Commission d'enquête Arbour, les procédures de griefs et de plaintes, la discipline des détenus, les transfèrements imposés, les conséquences d'un isolement de longue durée, l'accès aux soins de santé mentale, l'incapacité mentale, le suicide, l'examen du recours à la force, les blessures et la mort infligés à des détenus, etc. Il y a un grand nombre de problèmes systémiques, en plus des deux que vous avez mentionnés, sur lesquels portent nos recommandations et auxquels, nous l'espérons, on s'attaquera.
En ce qui a trait au tribunal administratif, j'ai signalé à l'autre député qui a posé une question à ce sujet que ce projet est à un stade relativement embryonnaire. On a établi que, contrairement à ce qui se fait dans le cas d'autres ombudsmans, c'est en l'occurrence une option qui devrait être envisagée.
• 1640
Quant à savoir quelle devrait être la composition de ce
tribunal, il y a plusieurs possibilités à cet égard. On pourrait se
servir d'une infrastructure qu'utilise déjà un autre tribunal
administratif, de celle de la Commission canadienne des droits de
la personne, par exemple. Les membres de ce nouveau tribunal
pourraient être nommés de la même façon que ceux de la Commission
ou d'autres tribunaux administratifs. Ils pourraient être désignés
soit sur une base ponctuelle, soit sur une base relativement
permanente par les deux parties intéressées, à savoir le Service
correctionnel du Canada et notre bureau, ou encore sur une base
ponctuelle par les délinquants parties au différend.
Pour ce qui est de son mandat, il ne faudrait certes pas qu'il s'écarte du rôle essentiel de notre bureau, qui est de type «ombudsman», et on ne devrait avoir recours à ce tribunal qu'en des circonstances relativement exceptionnelles ou, comme je l'ai expliqué tout à l'heure, lorsque des questions de fait et de droit d'une extrême complexité sont en cause.
Nous préférerions que le renvoi initial à un tribunal administratif constitue pour notre bureau une option de remplacement, dans certains cas, au renvoi au ministre ou à votre comité. Toutefois, du moment qu'il y aurait renvoi, il serait naturellement préférable, sur le plan du rapport coût-efficacité, que les délinquants impliqués et le SCC puissent également soulever des questions.
Voilà, en gros, ce que nous avons à l'esprit en ce qui concerne ce projet.
M. Paul Forseth: Merci.
La présidente: Monsieur MacKay.
M. Peter MacKay: Ma question porte sur la communication de renseignements. À différents niveaux de notre système de justice, on s'est interrogé à savoir si l'information circulait normalement entre les diverses instances, qu'il s'agisse de la Commission nationale des libérations conditionnelles, du SCC et ainsi de suite en descendant jusqu'à la base, jusqu'aux agents de probation et de libération conditionnelle et, enfin—et surtout, à mon avis—, jusqu'au grand public.
C'est donc là une question d'ordre général que je vous pose, monsieur Stewart, à savoir dans quelle mesure votre bureau est satisfait de la façon dont il a accès à l'information et de la collaboration dont font montre les autres instances avec lesquelles il a à communiquer.
M. Ron Stewart: Nous n'avons aucun problème à obtenir l'information que nous voulons. En réalité, il y a un article dans la Loi qui stipule que nous sommes autorisés à obtenir copie de quelque document que ce soit. Tout ce que vous pouvez imaginer, nous pouvons en obtenir copie. Il peut arriver qu'exceptionnellement on se montre quelque peu hésitant et que nous n'obtenions pas les renseignements recherchés parce que les gens ne sont pas conscients que nous y avons droit, mais nous n'avons jamais eu de grave problème d'accès à l'information. Évidemment, les renseignements que nous détenons sont confidentiels et ne doivent pas sortir de notre bureau, mais nous...
M. Peter MacKay: Je me permets de vous interrompre un instant pour vous demander si ce que vous dites vaut, par exemple, pour les renseignements provenant des tribunaux, qu'il s'agisse de la transcription des audiences, des observations des juges, des recommandations de la poursuite? Avez-vous accès à cette information?
M. Ron Stewart: Non. Je m'excuse d'avoir donné trop de portée à mon affirmation, car je ne voulais parler que des renseignements que détiennent le SCC ou la Commission nationale des libérations conditionnelles.
Il nous est arrivé à l'occasion d'écrire aux instances judiciaires pour leur demander de nous fournir copie de certains documents, et nous avons généralement pu les obtenir, mais nous n'avons normalement pas besoin de ce genre d'information. En règle générale, tous les renseignements dont nous avons besoin, le Service correction les a en main.
M. Peter MacKay: Est-il déjà arrivé qu'un délinquant ou une autre personne dans le système essaie d'empêcher, en s'adressant à votre bureau, que des renseignements le concernant soient communiqués ou divulgués? En fait, je pense notamment à des cas de transfèrement où le détenu s'objecterait à ce que des renseignements qu'on aurait consignés à son sujet alors qu'il était logé dans un établissement suivent son dossier lors d'un transfèrement. De tels cas se sont-ils déjà présentés?
M. Ron Stewart: Pas à ma connaissance, mais, quoi qu'il en soit, de tels renseignements demeureraient dans le dossier. Ils seraient transmis au nouvel établissement au moment du transfèrement. Je ne crois pas que le détenu pourrait empêcher cette communication.
Qu'en pensez-vous, Jim?
M. Jim Hayes: Non, je ne connais pas de tels cas, et, à vrai dire, je n'ai jamais entendu parler de choses de ce genre. Il a dû s'en présenter par-ci, par-là, mais le dossier est la propriété du SCC, et le SCC est habilité à proposer un transfèrement. Comment un détenu pourrait-il empêcher la transmission de l'information, je n'en ai aucune idée.
Il pourrait arriver qu'un détenu ait une conversation confidentielle avec son procureur ou avec un avocat pour quelque autre raison dont le Service serait peut-être au courant, et s'il s'agissait de renseignements confidentiels, ils ne pourraient alors probablement pas être inclus dans le dossier qui suit le détenu lors d'un transfèrement.
M. Peter MacKay: Dans cet ordre d'idée, n'y a-t-il jamais eu une tentative par un détenu en attente d'une libération conditionnelle d'empêcher ou de bloquer la divulgation de renseignements à son sujet? Je sais que le SCC a accès à une foule de renseignements. Avez-vous déjà connu une situation où un détenu s'est plaint que des renseignements à son sujet avaient été diffusés dans le système, ou, plus généralement, rendus publics?
M. Ron Stewart: Pas par le SCC. Je crois que nous avons tous eu l'occasion de voir en première page de certains journaux à sensation des articles relatant le passé criminel de détenus qui sont sur le point d'obtenir une libération conditionnelle ou de recouvrer simplement leur liberté. Vous êtes tous au courant que, dans certaines localités, la police est allée jusqu'à, par exemple, afficher la photo d'ex-détenus. Mais pour ce qui est de renseignements qui seraient provenus du SCC, non, nous n'avons jamais connu de tels cas, du moins pas à ma connaissance.
M. Peter MacKay: Autrement dit, vous n'avez jamais été amenés à enquêter sur des plaintes concernant la divulgation de renseignements.
M. Ron Stewart: Non, jamais.
M. Peter MacKay: Ça va. Merci, monsieur.
La présidente: Merci, Peter.
Merci beaucoup d'avoir comparu devant nous. Nous vous sommes reconnaissants de votre témoignage.
La séance est levée.