NRGO Réunion de comité
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STANDING COMMITTEE ON NATURAL RESOURCES AND GOVERNMENT OPERATIONS
COMITÉ PERMANENT DES RESSOURCES NATURELLES ET DES OPÉRATIONS GOUVERNEMENTALES
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 19 mars 1998
[Traduction]
Le président (M. Brent St. Denis (Algoma—Manitoulin, Lib.)): Bonjour mesdames et messieurs. La séance est ouverte. En ce 19 mars, le Comité permanent des ressources naturelles et des opérations gouvernementales poursuit l'examen des industries découlant du savoir et de la technologie dans le secteur des ressources naturelles.
Je résume à votre intention ce qui se dégage des discussions précédentes. De nombreux Canadiens ont toujours l'impression que l'exploitation des ressources naturelles se borne à puiser de l'eau et à couper du bois mais les médias nous abreuvent d'informations intéressantes sur les progrès réalisés grâce au savoir que les Canadiens ont accumulé au fil des ans, sur l'utilisation que l'on en fait pour rendre l'industrie canadienne plus concurrentielle et sur la transformation de ce savoir en biens et services d'exportation.
Aujourd'hui, nos invités sont le nouveau président de l'Association minière du Canada, Gord Peeling; John Baird, de la Canadian Association of Mining Equipment and Services for Export; Laeke Daneshmend, de l'Université Queen's; et Irwin Itzkovitch de Noranda Inc. qui a fait, si je comprends bien, un déplacement spécial de Tucson et qui est peut-être légèrement fatigué ce matin.
Vous avez l'air en pleine forme, monsieur Itzkovitch.
M. Irwin Itzkovitch (premier vice-président, Technologie, Noranda Inc.): Merci, monsieur le président.
Le président: Nous vous remercions infiniment d'être venu. Nous nous réjouissons d'entendre votre témoignage.
Si je ne me trompe, cela prendra environ une demi-heure pour les quatre exposés, ce qui nous laissera largement le temps de discuter.
Veuillez faire votre exposé liminaire, monsieur Peeling.
M. Gordon Peeling (président, Association minière du Canada): Merci, monsieur le président. Merci, mesdames et messieurs. Je crois que le meilleur ordre dans lequel on pourrait faire les exposés est le suivant: après moi, on pourrait donner la parole à M. Irwin Itzkovitch, qui nous donnera des renseignements précis sur la recherche faite par la société Noranda, qui est membre de notre association. Ensuite, John Baird pourrait nous parler des équipements et services miniers et de la CAMESE et enfin, Laeke Daneshmend, de l'Université Queen's, pourrait nous exposer le point de vue des milieux universitaires.
[Français]
Je m'appelle Gordon Peeling et je suis président de l'Association minière du Canada. Je suis très heureux d'avoir l'occasion de vous dire ce matin quelques mots importants au nom de notre industrie.
[Traduction]
Je tiens à signaler en tout premier lieu que la majeure partie de la production canadienne de métaux sort des entreprises qui sont membres de notre association, qui produisent également d'importantes quantités d'autres matériaux. Je n'ai pas l'intention de vous faire l'historique de l'industrie—il se trouve dans le mémoire—mais je vais vous parler de ce que l'exploitation minière apporte à l'économie du Canada, du rôle des sciences et de la technologie dans l'industrie minière ainsi que du rôle du gouvernement.
• 1110
Je vous signale rapidement que la prospection minière remonte
à l'arrivée de Martin Frobisher, en 1576. La première activité à
valeur ajoutée remonte à 1729, année où les Forges du Saint-Maurice
ont été établies pour exploiter les gisements de minerai de fer de
cette région du Québec. Il y a par conséquent longtemps que nous
nous adonnons à des activités à valeur ajoutée.
L'industrie était incontestablement florissante après la Seconde Guerre mondiale grâce aux nombreuses technologies qui ont été mises au point pendant la guerre et que l'on a par la suite appliquées à la prospection minière au Canada, et plus particulièrement grâce à la géophysique aéroportée. Les statistiques indiquent que depuis cette époque, il existe un lien incontestable entre la découverte de gisements de classe mondiale au Canada et la création de techniques, de modèles et d'instruments nouveaux dans les secteurs de la géophysique ou de la géologie.
L'exploration et l'exploitation demeurent les principales méthodes de recherche-développement dans l'industrie minière. Ce sont les seuls moyens dont l'industrie dispose pour maintenir sa capacité de production.
Le Canada, qui cultive depuis longtemps l'excellence technique, est actuellement un chef de file mondial dans le secteur minier. De plus en plus, l'industrie minière est fondée sur le savoir et comporte une forte composante technologique. Elle recourt aux techniques les plus perfectionnées et les plus novatrices pour réduire les risques liés à l'exploration, pour accroître la productivité et la compétitivité des méthodes d'exploitation et de traitement et pour mieux protéger l'environnement.
Si l'on jette un coup d'oeil rapide sur certains chiffres, on constate que l'industrie des minéraux et des métaux est l'un des piliers de notre économie. Le secteur de l'exploitation minière et du traitement des minéraux emploie 350 000 Canadiens. Il représente un apport économique de 23,7 milliards de dollars.
Nous demeurons l'un des plus gros exportateurs de minéraux du monde et notre contribution nette à l'excédent commercial du pays se chiffre à environ 10 milliards de dollars. L'industrie des minerais et des métaux représente en outre 55 p. 100 des recettes du transport ferroviaire de marchandises et 60 p. 100 du tonnage de marchandises manutentionnées dans les ports. Par conséquent, de vastes pans de l'infrastructure canadienne sont très dépendants des activités de cette industrie.
Le Canada est par ailleurs devenu le centre mondial de financement de l'exploitation minière. En 1996, il a réuni 6,3 milliards de dollars sur les marchés financiers pour financer des activités minières au pays et à l'étranger. En outre, en 1997, les actions de plus de 300 sociétés minières négociées à la Bourse de Toronto représentaient 27 p. 100 du volume des transactions, et seul le secteur des services financiers affichait une plus forte activité.
Vu l'envergure du secteur minier canadien à l'échelle internationale, d'autres multinationales minières ont ouvert des bureaux au Canada. En 1997, Boliden, qui avait son siège en Suède, l'a déplacé à Toronto et à cette occasion, a lancé une première émission publique de 800 millions de dollars à la Bourse de Toronto. Le Canada en général, et la ville de Toronto en particulier, sont en voie de devenir un centre minier international.
Je vais vous citer un passage du discours que John Carson, vice-président de la réglementation des marchés de la Bourse de Toronto, a prononcé récemment dans le cadre d'une conférence sur la prospection et la mise en valeur minières, qui a eu lieu à Toronto:
-
Toronto est devenue le centre le plus important et le plus moderne
d'investissements miniers du monde. C'est la ville qui abrite le
plus grand nombre de sièges sociaux de sociétés minières et on y
trouve une concentration sans pareil d'analystes, d'ingénieurs, de
consultants, d'avocats et de spécialistes des services
d'investissement de banques d'affaires. Par conséquent, la Bourse
de Toronto est le marché vers lequel se tournent les investisseurs
du monde entier pour la meilleure valorisation des actions
minières.
Cette industrie est vraiment au premier plan de l'industrie mondiale et nous sommes un leader mondial dans le domaine. Environ 1 600 sociétés minières ont leur siège social au Canada, alors qu'il n'y en a que près de 740 aux États-Unis et 56 en Grande- Bretagne.
Au début de 1997, les sociétés minières canadiennes avaient un portefeuille d'environ 3 400 projets miniers dans plus de 90 pays. Les compétences spécialisées du Canada dans ce secteur sont en très forte demande en raison du caractère mondial de l'industrie minière. À cet égard, l'industrie minière canadienne est un modèle en ce qui concerne les activités à valeur ajoutée. Je veux dire par là que les investissements des sociétés canadiennes à l'étranger créent de nouvelles occasions d'affaires pour les fabricants de matériel technique et pour les fournisseurs de services dans les secteurs du génie, de la géologie et de l'environnement.
Dans bien des cas, on n'est pas conscient de la contribution du savoir et de la technologie à la croissance économique. À titre d'exemple, la présence au Canada des sièges sociaux de sociétés minières a un effet multiplicateur indirect mais appréciable qui joue un rôle dans l'utilisation des matériaux et des services, la création d'emplois et la recherche-développement, et a une incidence sur l'impôt versé aux divers paliers de gouvernement. Les entreprises connexes offrant des biens de production et des services jouent aussi un rôle important. Un contexte permettant au Canada de faire face à la concurrence et d'attirer ce genre d'activités d'investissement grâce à une promotion efficace est également essentiel et profite énormément à tous les Canadiens.
• 1115
Je tiens à vous faire part du commentaire d'un collègue du
secteur des services environnementaux, qui travaille beaucoup avec
l'industrie minière canadienne. Il a dit que sans cette base
minière solide au Canada, les entreprises de services du secteur de
l'environnement, et les progrès technologiques entre autres, ne
pourraient pas exister. Le Canada a besoin de cette base solide à
alimenter car elle peut être une source d'exportation dans le monde
entier.
Par conséquent, de nombreux secteurs sont liés à l'industrie minière et en dépendent.
Le régime fiscal canadien joue également un rôle important dans notre capacité de création d'emplois et de croissance économique. Le caractère international de l'industrie minière oppose le Canada à une concurrence féroce pour l'investissement dans le secteur minier, et le Canada n'est pas considéré comme un pays à fiscalité avantageuse. Pour que l'industrie des minéraux et des métaux soit concurrentielle, le régime de l'impôt sur les sociétés doit être équitable, stable, équilibré et facile à observer. Les recommandations qui sortiront bientôt de l'examen de l'imposition des sociétés entrepris par le gouvernement (Comité technique Mintz sur l'imposition des sociétés) fourniront une occasion unique de faire savoir clairement aux gens d'affaires du monde entier que le Canada est un endroit propice aux investissements. Ce sont des considérations qu'il ne faut jamais perdre de vue.
L'industrie minière canadienne a servi de rampe de lancement à plusieurs industries fondées sur le savoir, dont beaucoup sont de petites ou moyennes entreprises établies aussi bien en milieu rural qu'en milieu urbain. Un régime fiscal compétitif est essentiel pour que le Canada reste un expert dans le domaine minier, stimule l'innovation dans le secteur privé, favorise l'efficacité en matière de protection de l'environnement, soutienne les petites entreprises et continue de créer des emplois pour nos jeunes.
L'industrie minière canadienne a à coeur d'atteindre à l'excellence dans tout ce qu'elle fait. Parmi les grandes sociétés minières canadiennes, beaucoup font des travaux de recherche- développement importants pour mettre au point des technologies fondées sur le savoir. Je vous encourage à visiter au moins un de ces laboratoires de recherche pour voir de vos propres yeux ce qui se fait.
Les industries de transformation à forte valeur ajoutée ou fondées sur le savoir sont synonymes de richesses, de croissance, de compétences poussées, de formation, de main-d'oeuvre hautement qualifiée et de débouchés commerciaux. Ces caractéristiques ne sont pas l'apanage exclusif de l'industrie minière, mais elles exigent de l'esprit d'entreprise, la capacité de saisir les occasions qui se présentent et une conjoncture favorable.
Que ce soit par ses propres travaux de recherche ou dans le cadre de partenariats avec le gouvernement, les universités et d'autres entreprises privées, l'industrie minière participe activement à un large éventail de programmes de recherche. Il s'agit notamment de recherche sur l'automatisation du forage et du matériel lourd, les piles rechargeables, les poudres minérales et enrobages minéraux spéciaux, les métaux galvanisés destinés à la construction automobile et domiciliaire, les émissions de moteurs diesel, la réduction des émissions dans l'atmosphère et l'amélioration des systèmes aquatiques, pour ne citer que quelques exemples.
Le secteur privé a entrepris d'importantes recherches stratégiques ou axées sur l'accroissement de la compétitivité de l'industrie, mais les partenariats ont été très rentables et très importants pour cette industrie. Par exemple, l'industrie minière canadienne dépense environ 100 millions de dollars par année pour contrôler les eaux de drainage acides des mines. Sa participation et sa coopération au Programme de neutralisation des eaux de drainage (NEDEM) avec d'autres entreprises, avec Ressources naturelles Canada et avec divers paliers de gouvernement, y compris des gouvernements provinciaux, ont permis de mettre au point une nouvelle technologie exportable et ont fait réaliser des économies importantes à l'industrie et au gouvernement. C'est un véritable exploit.
L'AMC participe aussi à l'initiative intitulée «Métaux dans l'environnement», que nous appelons MITE (metals in the environment). Nous avons établi un partenariat avec Environnement Canada, Ressources naturelles Canada et la Commission géologique du Canada en particulier, ainsi qu'avec le CRSNG, Ontario Hydro et Agriculture Canada. Santé Canada collabore également, mais sur une plus petite échelle. Il ne faut pas oublier non plus le Réseau canadien des centres de toxicologie et un réseau supplémentaire d'universités et de chercheurs universitaires. Cette initiative aura pour but de déterminer l'évolution et la migration des métaux dans l'environnement ainsi que leur incidence sur celui-ci. MITE vise à permettre d'élaborer une politique et une réglementation basées sur des données scientifiques solides et reconnues qui permettraient d'éviter les difficultés qu'un certain nombre d'autres secteurs ont dû surmonter.
• 1120
Si les partenariats du domaine de la science et de la
technologie se sont avérés efficaces, leur aptitude à inspirer de
la recherche, à favoriser la création d'entreprises fondées sur le
savoir, la création d'emplois et la croissance économique, est dans
une grande mesure tributaire de la reconnaissance internationale du
principe de l'utilisation sans risque, selon lequel les minéraux et
les métaux peuvent être produits, utilisés, réutilisés, recyclés et
rendus à l'environnement de façon durable.
Pour terminer, je vais vous signaler un certain nombre de points. La mondialisation de l'industrie minière, l'élimination des tarifs douaniers et des entraves au commerce et la croissance du marché des technologies de dépollution créent de nouvelles perspectives de création d'emplois fondés sur le savoir et de croissance économique. Pour que le Canada puisse profiter de ces perspectives concurrentielles mouvantes, l'AMC recommande au gouvernement fédéral de tenir l'engagement qu'il a pris dans le Livre rouge intitulé Bâtir notre avenir ensemble d'examiner les contraintes que subit la production à valeur ajoutée au Canada.
L'AMC recommande au gouvernement fédéral de continuer de soutenir les programmes de science et technologie mentionnés dans la Politique fédérale des minéraux et des métaux de 1996, afin de permettre la création d'une base complète de connaissances géoscientifiques, de relever les défis en matière de développement durable, de mieux protéger la santé et la sécurité des Canadiens, de promouvoir les sciences et la technologie axées sur la compétitivité de l'industrie et de mettre au point des produits à base de minéraux et de métaux à valeur ajoutée.
L'AMC recommande au gouvernement fédéral de continuer de promouvoir la recherche scientifique faite en partenariat avec l'industrie afin d'élaborer des procédés et des produits plus compétitifs.
L'AMC recommande au gouvernement fédéral de continuer de collaborer avec l'industrie, dans le cadre de la Stratégie nationale en matière de biotechnologie, pour déterminer la meilleure façon de profiter des avantages que pourrait procurer la biotechnologie.
L'AMC recommande au gouvernement fédéral de diffuser plus largement l'information afin de stimuler l'entrepreneuriat dans l'industrie.
L'AMC recommande au gouvernement fédéral de poursuivre la réforme de la réglementation applicable à l'industrie minière. Une réglementation intelligente est synonyme de progrès, de respect des règlements, de recherche et d'innovation technologique alors qu'une réglementation mal conçue est coûteuse et provoque des affrontements. C'est une approche réglementaire directe qui est mauvaise pour l'emploi, pour la croissance, pour la compétitivité, voire l'environnement.
L'AMC recommande au gouvernement fédéral de tenir l'engagement pris dans la Politique fédérale des minéraux et des métaux de 1996 à savoir:
-
[...] d'assurer, dans toute la mesure du possible, à l'industrie
minière canadienne, un régime fiscal équivalant à celui que
d'autres gouvernements pratiquent à l'endroit des promoteurs et des
producteurs miniers de leurs pays.
Enfin, l'AMC recommande au gouvernement fédéral d'examiner l'incidence de nos taux d'impôt sur le revenu des particuliers, qui sont plus élevés qu'aux États-Unis, et de déterminer dans quelle mesure ils contribuent à l'exode des cerveaux, compliquent la tâche à l'industrie lorsqu'il s'agit d'attirer et de retenir de la main- d'oeuvre hautement qualifiée, voire miner les efforts visant à édifier une industrie fondée sur le savoir où le capital humain est un élément vital. Je signale que le capital humain est très mobile, à l'instar des autres formes de capital.
Je passe maintenant la parole à M. Irwin Itzkovitch qui abordera peut-être la question sous un angle plus spécifique.
M. Irwin Itzkovitch: Mesdames et messieurs, je suis Premier vice-président, Technologie, de Noranda, chef de file international du secteur minier et métallurgique et, jusqu'à cette année, du secteur des produits forestiers et du secteur pétrolier et gazier, mais nous avons décidé qu'il valait mieux se défaire de nos intérêts dans ces secteurs pour axer nos efforts sur le secteur des mines et des minéraux.
Je vais vous exposer ce matin la vision de Noranda et vous parler du rôle important que joue la technologie dans une croissance saine. Comme Gordon, je vous exposerai mes opinions sur le rôle que jouent les piliers du secteur des ressources naturelles dans la création et le maintien d'une grappe d'industries fondées sur le savoir.
La vision de Noranda est la mise en valeur responsable et rentable de ressources minérales partout dans le monde dans l'intérêt de nos actionnaires. Ce faisant, elle s'efforce d'améliorer la qualité de vie de ses employés, des collectivités dans lesquelles elle exerce ses activités et des utilisateurs de ses produits. Pour atteindre ces objectifs, nous reconnaissons qu'il est nécessaire de tirer parti non seulement de notre situation financière solide, mais aussi de nos atouts technologiques, que ce soit au niveau de l'innovation, du développement ou de la commercialisation. Les partenariats dans le domaine de la prospection et de la mise en valeur sont importants dans notre milieu et nous essayons d'être considérés comme un partenaire de premier choix en prouvant que nous sommes des chefs de file dans l'application de la technologie.
Fait unique dans le secteur de l'exploitation des ressources minérales, Noranda a deux centres de technologie, dont notre Centre de technologie Noranda de Montréal, qui nous appartient en propre et qui emploie quelque 220 personnes; en outre, et je suis fier de le signaler, nous engageons plus de 20 étudiants dans le cadre des emplois d'été ou d'un programme coopératif. Il y a en outre notre Centre Falconbridge de Sudbury, qui emploie environ 85 personnes.
En 1996, Noranda avait investi 63 millions de dollars dans la R-D, ce qui nous plaçait au 18e rang au Canada. Je crois que la seule entreprise du secteur des ressources naturelles à avoir investi davantage que nous était Alcan.
En 1997, notre investissement dans ce domaine a augmenté de 10 millions de dollars, sans compter que nous consacrons près de 100 millions de dollars par an à la prospection minière et plus de 10 millions de dollars par an à la R-D dans nos diverses mines.
• 1125
Je vous signale que j'ai employé le terme «investissement» et
pas «dépenses» de R-D. La technologie représente un bon
investissement pour Noranda depuis 75 ans. Nous avons vérifié ce
que cela nous avait rapporté au cours des cinq dernières années et
avons estimé que nos investissements dans la technologie nous ont
rapporté plus de trois fois plus qu'ils ne nous ont coûté.
Nous n'avons pas fait cela tout seuls. Nous sommes devenus des chefs de file dans la création et l'intégration de technologies relatives à l'environnement, à un système de contrôle de pointe, à l'automatisation et à la robotisation du matériel minier et aux communications souterraines grâce aux partenariats que nous avons établis avec les universités canadiennes, des laboratoires gouvernementaux comme le CANMET, la Commission géologique du Canada, Pêches et Océans, Environnement Canada et d'autres entreprises. Nous sommes également considérés comme des chefs de file dans la mise au point de produits et de procédés de fine pointe.
Parmi les technologies récentes mises au point par Noranda qui ont engendré des investissements importants, créé des emplois et rapporté de l'argent aux actionnaires tout en ayant des retombées sur des entreprises fondées sur le savoir, citons notre projet Magnola concernant la transformation de déchets d'amiante en magnésium dans une usine de 720 millions de dollars qui doit être construite à Asbestos, au Québec... La mine de nickel et de cuivre Raglan de Falconbridge, située dans le nord du Québec, et dans laquelle nous avons investi 570 millions de dollars est un autre exemple d'investissement axé sur la technologie. Notre nouveau convertisseur en continu de nos fonderies de cuivre de Horne et de Gaspé... et je signale à ceux d'entre vous qui ne le savent pas que nos fonderies sont maintenant d'importantes installations de recyclage. Si l'on se base sur la valeur de ces activités, nous sommes probablement les principaux recycleurs d'Amérique du Nord, parce que nous recyclons des métaux précieux.
Ces améliorations accroissent non seulement l'efficacité des opérations mais réduisent également les émissions de SO2.
Une autre initiative dont nous sommes fiers est le transfert de technologie que nous avons fait à une petite entreprise, la Division de l'automation dans l'exploitation minière STAS, à laquelle nous avons confié la commercialisation sous licence de la technologie d'automatisation dans le secteur minier. Cette entreprise emploie actuellement une vingtaine de personnes. Nous avons fait de nombreux autres transferts de technologie et avons par conséquent créé des industries découlant du savoir.
Nous ne sommes toutefois pas les seuls à exploiter la technologie pour créer des richesses et des emplois. En raison de ses besoins et des techniques de pointe qu'il utilise, le secteur des ressources naturelles de base engendre de nombreuses grappes d'entreprises satellites et de nombreux emplois. Une étude qui a été faite en 1995 indique qu'environ 17 000 personnes travaillaient dans des firmes canadiennes de consultants en environnement liées au secteur des minéraux et des métaux, dont les revenus annuels s'élevaient à environ deux milliards de dollars.
Par ailleurs, comme l'a dit Gordon, les consultants et les compagnies d'ingénieurs-conseils canadiennes dans le secteur minier et métallurgique, grâce aux compétences spécialisées acquises en travaillant pour des sociétés minières canadiennes et à leur collaboration avec elles, sont présentes dans le monde entier et ont une renommée internationale. Nous sommes des chefs de file en matière de création et de vente d'équipement et de logiciel de prospection. Comme l'a dit Gordon, on peut en dire autant de notre secteur des services financiers.
Cette position de chef de file dans les industries et les technologies fondées sur le savoir ne peut être—et j'insiste là- dessus—maintenue sans un secteur des ressources naturelles de base vigoureux et sans un appui constant en ce qui concerne la technologie. On entend beaucoup parler de l'autoroute de l'information mais sans des utilisateurs comme ceux du secteur des ressources naturelles pour fournir des rampes d'accès et de sortie, cette autoroute ne mènera nulle part.
Nos universités et nos laboratoires gouvernementaux traversent une crise tant en ce qui concerne les finances que l'infrastructure et le personnel. Le gouvernement commence à essayer de régler ce problème, mais nous devons soutenir ces alliés importants pour avoir un avantage concurrentiel.
Notre régime fiscal ne traite pas la prospection de la même façon que la recherche et c'est un problème qu'il faudrait régler. Dans le secteur de la prospection, on fait des évaluations préliminaires et on élabore des hypothèses sur l'emplacement des gisements. On vérifie ces hypothèses par le biais de programmes de forage coûteux et hasardeux et après certaines révisions, on vérifie à nouveau ces hypothèses. C'est de la R-D au même titre que celle qui consiste à élaborer des procédés ou des produits et cette activité devrait être traitée de la même façon.
Enfin, je vous invite à visiter notre centre de technologie situé non loin d'ici, à Pointe-Claire, au Québec, où 220 chercheurs et employés de soutien dévoués s'efforcent d'assurer l'avenir de Noranda grâce aux technologies de pointe.
Le président: Merci pour l'invitation, monsieur Itzkovitch. Nous verrons si nous pourrons y aller un jour.
Monsieur Baird.
[Français]
M. John Baird (directeur général, Association canadienne des exportateurs d'équipements et services miniers): Merci, monsieur le président. C'est un plaisir et un honneur pour moi d'être ici en tant que représentant de notre association, la CAMESE, et du secteur des fournisseurs d'équipements et de services miniers.
[Traduction]
C'est un grand plaisir. Je pense que mes deux collègues nous ont très bien décrit l'industrie minière canadienne et qu'ils ont évoqué de nombreux aspects de cette industrie auxquels vous n'aviez peut-être pas pensé. Je vais essayer d'exprimer très brièvement à ma façon ce que Dave vient de dire. Mon expérience dans le secteur minier a un caractère planétaire. Je ne l'ai pas acquise principalement au Canada mais plutôt dans le monde. Ma carrière m'a entraîné dans 71 pays différents où j'ai acquis beaucoup d'expérience, toujours dans le secteur minier.
L'industrie minière canadienne est à mon avis le secteur dominant de tous nos secteurs industriels. Cela vient du fait qu'il s'agit d'une industrie à intégration verticale intégrale. En tête de cette industrie viennent les petites sociétés minières dont vous avez beaucoup entendu parler et qui prennent des risques énormes. Viennent ensuite les grandes entreprises comme Noranda qui sont en mesure de mettre les gisements en valeur et de les rentabiliser. Ces deux groupes sont suivis par les fournisseurs d'équipement et de services miniers dont je vais vous parler. Ils sont entourés d'experts financiers, légaux, comptables et d'autres spécialistes qui les soutiennent dans leurs activités à l'échelle mondiale, et secondés par les instituts universitaires et de recherche canadiens.
Nous sommes en quelque sorte un cinquième pilier de l'industrie minière. Nous la développons non seulement au Canada mais dans le monde entier.
Je vous signale que le Canada est la meilleure base de savoir du monde dans le domaine minier. Je ne crois pas qu'il existe un autre pays... C'est une question qui fait l'objet de certaines discussions qui sont toutes d'ordre très qualitatif et non quantitatif. À mon avis, nous sommes la meilleure base de savoir du monde dans le domaine minier. Si les États-Unis peuvent être considérés comme l'agent de police du monde, nous sommes son mineur. Je ne sais pas si beaucoup de Canadiens, ou si les parlementaires comme vous, en sont bien conscients. Il ne fait aucun doute que si nous ne venons pas au premier rang, comme je le prétends, pour ce qui est d'être la base de savoir dans le domaine minier, nous n'avons pas d'égal.
Si nous occupons cette position, c'est parce que notre industrie minière se porte très bien depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et que nous avons notamment bénéficié dans ce pays d'un climat politique, économique et fiscal propice, ainsi que de toutes sortes d'autres bienfaits comme les ressources minérales abondantes dont la nature nous a gratifiés.
Cela situe peut-être un peu le contexte de ce que je considère comme le rôle principal que j'ai à jouer ici, à savoir vous donner des renseignements sur le secteur de l'équipement et des services miniers au Canada et vous expliquer la perception qu'il a de sa position sur le marché mondial.
Ce secteur compte un pourcentage élevé d'emplois bien rémunérés, liés à la technologie de pointe. C'est en fait le secteur à valeur ajoutée par excellence de l'industrie minière. En ce qui concerne les activités situées en aval du secteur minier, c'est-à-dire la transformation de métaux en produits, les Japonais s'en tirent très bien et pourtant, leur industrie minière n'est pas très développée. Ils s'approvisionnent en métaux où ils peuvent. Le secteur réellement important de l'industrie minière, celui qui est spécial, c'est le secteur amont. C'est là que se trouvent les personnes qui ont mis au point la technologie et la fournissent à l'industrie minière pour qu'elle puisse être concurrentielle. Au Canada, cette industrie a évidemment été créée pour servir les mines canadiennes mais comme j'espère vous le faire comprendre, c'est un secteur qui vit de la création et de la fourniture de la technologie de pointe qui est absolument indispensable à l'industrie minière mondiale.
Il existe à mon avis—et cette constatation ne s'appuie pas sur des études économiques approfondies—trois catégories de fournisseurs d'équipement et de services miniers. La première catégorie est constituée par les entreprises qui ont des liens extrêmement étroits avec l'industrie minière et qui tirent entre un tiers et la totalité de leurs revenus de leurs ventes au secteur minier. Ce secteur comprend environ 600 entreprises situées un peu partout au Canada qui fournissent aux sociétés de prospection et d'exploitation minière un large éventail de produits et de services, dont certains vous sont déjà connus; je m'abstiendrai par conséquent de les citer. De par sa taille, sa diversité et son influence sur les marchés mondiaux, ce groupe de 600 entreprises n'a son pareil dans aucun autre pays du monde.
• 1135
D'après nos estimations, les fournisseurs d'équipement et de
services miniers canadiens représentent actuellement un apport de
deux milliards de dollars—au bas mot entre un et deux milliards—
pour le PNB canadien. Environ la moitié de ses produits et services
sont exportés. Je ne crois pas qu'il existe beaucoup de sous-
secteurs industriels, si nous pouvons nous considérer comme un
sous-secteur de l'industrie minière, dont les exportations
représentent un pourcentage aussi élevé de sa production totale, à
part l'industrie automobile, je suppose.
La plupart de ces entreprises sont petites ou de taille moyenne: 90 p. 100 d'entre elles ont un chiffre d'affaires annuel inférieur à 10 millions de dollars. Le nombre médian d'emplois par entreprise est de l'ordre de 25 seulement. Cela représente environ 15 000 emplois à l'échelle nationale.
La plupart de ces employés sont des intellectuels. Ce secteur doit utiliser une technologie de pointe non seulement pour les produits qu'il fabrique étant donné que les sociétés minières ont besoin de produits de pointe, mais aussi pour leur production proprement dite.
Nous avons fait un sondage auprès de nos membres il y a environ un an, avec l'aide d'Industrie Canada. Un tiers des entreprises de notre secteur sont considérées comme des entreprises manufacturières qui appliquent des technologies de pointe—un tiers. Cela signifie qu'elles fabriquent des produits qui se classent dans la catégorie de produits de haute technologie.
Les deux autres tiers ont absolument besoin de la technologie de pointe pour avoir une production concurrentielle. Pour vous citer un exemple, le marteau piqueur a été inventé il y a une centaine d'années. Vous trouverez peut-être qu'un marteau piqueur n'a rien d'extraordinaire. Pour produire un marteau piqueur canadien pour le marché minier mondial, il faut faire intervenir la technologie de fine pointe dans vos machines, dans celles qui produisent ce matériel et dans tout le processus de production, notamment au niveau de la conception.
Ce que je veux dire, c'est que, à quelque niveau que ce soit, la base de connaissances intervient à toutes les étapes du processus de fabrication. Dans l'industrie minière, il n'existe plus une seule entreprise qui n'aie pas recours à la technologie de pointe.
Les fournisseurs canadiens d'équipement et de services miniers sont très compétitifs sur le marché mondial parce que nous avons toujours eu libre accès aux technologies mondiales. Les entreprises qui ont créé des produits et des services au Canada ont toujours été concurrentielles à l'échelle mondiale. Nous possédons une excellente technologie. La base manufacturière de l'ALENA est très importante et la faiblesse de notre devise constitue pour nous un atout de taille sur le plan des exportations.
De nombreuses entreprises du secteur canadien de l'équipement et des services miniers se sont trouvé des débouchés à l'exportation pour leurs produits et services. Nous estimons qu'un quart de ces entreprises exportent actuellement plus de la moitié de leurs produits et services, voire jusqu'à 80 p. 100 ou 90 p. 100 dans certains cas. De nombreuses entreprises canadiennes comptent entièrement sur les exportations. À l'instar de celle dont j'ai été vice-président pendant des années, elles ont peut-être atteint...
On atteint rapidement un point de saturation sur le marché canadien quand on exploite un petit créneau correspondant aux besoins de l'industrie minière. On a parlé par exemple d'instruments de géophysique. L'entreprise pour laquelle j'ai travaillé a complètement saturé le marché canadien en 1964. Nous avons dû exporter et créer un marché beaucoup plus vaste pour nos produits, sous peine de périr. Sans une base mondiale, nous ne pouvions continuer à consacrer 10 p. 100 de nos recettes à la R-D, nous ne pouvions maintenir les procédés de fabrication nécessaires pour répondre aux besoins de l'industrie canadienne. Par conséquent, à partir de 1964, en une vingtaine d'années, nous sommes passés progressivement du stade où nous n'exportions aucun produit à celui où nous exportions 60, 70, 80 p. 100 de nos produits chaque année.
C'est inévitable de par la nature même des activités des fournisseurs canadiens d'équipement et de services miniers. On ne peut pas se passer du savoir et comme je l'ai déjà dit, le Canada est la meilleure base de savoir du monde dans le domaine minier.
C'est ce que j'appelle la première catégorie de fournisseurs. Il reste les deuxième et troisième catégories qui représentent peut-être un apport économique encore supérieur à celui des entreprises de la première catégorie.
La deuxième catégorie est celle qui est représentée par les fabricants de produits utilisés dans toutes sortes d'industries, qui vendent un certain pourcentage de leur production à l'industrie minière. C'est notamment le cas des cabinets de services juridiques, comptables et financiers.
• 1140
C'est le cas d'entreprises telles que Coopers & Lybrand ou
Price Waterhouse. Vous connaissez tous ces noms. Ce genre de firmes
ont des divisions minières dont le but est d'offrir des services à
l'industrie minière. Où? Dans le monde entier. Où se trouvent ces
divisions? Au Canada. C'est parce que nous possédons les
compétences spécialisées nécessaires dans ce type d'activités.
Voilà donc les entreprises de la deuxième catégorie si vous voulez. Je crois que cela représente un nombre faramineux d'entreprises. Il n'existe aucune étude sur ces secteurs. Nous espérons que nous pourrons commencer à recueillir des chiffres sur l'apport économique de ce secteur grâce à un projet que nous sommes en train de mettre au point avec l'aide de l'AMC et de Ressources naturelles Canada.
La troisième catégorie d'entreprises est celle qui comprend les entreprises qui importent de l'équipement et des services pour l'industrie minière canadienne et qui contribuent largement à assurer la rentabilité du secteur minier canadien.
En ce qui concerne le marché mondial, c'est le Canada qui, depuis la Seconde Guerre mondiale, attire le plus d'investissements dans le secteur minier et est le plus actif dans la prospection et la mise en valeur minières, grâce à un contexte particulièrement favorable. La situation change cependant. Dans plusieurs pays du monde, le rapport risque-récompense change. Les récompenses sont bien connues—d'énormes gisements miniers—mais les risques sont très élevés. Ils vont du terrorisme à des ponctions fiscales importantes, en passant par toutes sortes de risques politiques. Je sais que vous êtes tous conscients du fait que la situation évolue. Le meilleur exemple est le Chili où l'industrie minière a commencé à se développer il y a dix ans.
D'après le dernier sommaire des projets miniers annoncés et en cours, ceux-ci atteignent une valeur totale de 48,5 milliards de dollars, dont les projets canadiens ne représentent que 8 p. 100. Ces 8 p. 100 représentent pourtant pour nous une industrie extrêmement intéressante. C'est à peu près la proportion idéale pour nous, d'après les données historiques. Cela ne comprend pas le projet de Voisey's Bay qui n'a pas été inclus dans cette étude parce qu'il a été mis en veilleuse pour l'instant en raison de circonstances extérieures. Ce projet représentera à lui seul environ 1,5 milliard de dollars, ce qui est énorme.
Ce que je veux dire, c'est que 8 p. 100 seulement de ces projets sont canadiens. Par contre, l'influence d'entreprises canadiennes telles que Noranda sur les 92 p. 100 restants est très forte. Ce que les fournisseurs canadiens d'équipement et de services miniers peuvent en retirer est également énorme grâce à la base de connaissances que nous possédons. Cela vous donne peut-être une idée de l'importance du secteur minier à l'échelle mondiale.
J'aurais tort de terminer sans dire quelques mots au sujet des activités de notre association. Nous sommes en fait une association d'exportateurs. Notre association regroupe plus de 225 entreprises.
J'ai apporté, et j'en ai un exemplaire pour chacun d'entre vous, ce que nous appelons notre «répertoire». Vous y trouverez toutes sortes de profils d'entreprises—y compris de STAS—qui représentent la technologie de pointe et qui la vendent dans le monde entier. Elles ne figureraient pas dans ce répertoire si elles ne faisaient pas partie de la première catégorie des fournisseurs et exportateurs canadiens d'équipement et de services miniers. Je vous laisse ces documents.
En ce qui concerne nos activités, nous sommes très heureux de servir de lien entre les petites et moyennes entreprises qui essaient de vendre leurs produits et services à une clientèle très étendue et très variée ainsi qu'à l'État.
J'apprécie beaucoup d'avoir eu l'occasion de venir témoigner aujourd'hui. Ce n'est qu'un des nombreux contacts que nous avons établis depuis quelques années avec le gouvernement du Canada. Merci beaucoup.
[Français]
Merci beaucoup. Je serai heureux de répondre à vos questions en français.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Baird.
Pour terminer, nous écouterons l'exposé de M. Daneshmend. Nous aurons ensuite le temps de poser toute une série de questions.
M. Laeke Daneshmend (professeur, Département de génie minier, Université Queen's): Merci.
Je parlerai uniquement d'un secteur bien particulier de l'industrie minière. Il s'agit de celui du matériel et des activités préparatoires à l'extraction des minéraux. Je ne parlerai pas de prospection ni d'extraction ou de transformation de minéraux.
En ce qui concerne ce secteur, le Canada a toujours connu de brillants succès pour ce qui est de l'application des technologies les plus récentes à la conception de l'équipement, à sa mécanisation, à son automatisation et à l'élaboration de systèmes informatiques de gestion des activités minières. Cet exploit est dû en grande partie à ce que John Baird a appelé l'extraordinaire base de connaissances qui se sont accumulées au fil des ans. Je me propose de vous expliquer les deux démarches opposées dont procède le progrès technologique dans l'industrie minière, en agrémentant mon exposé de quelques anecdotes.
• 1145
La première démarche concernant l'application des technologies
de pointe à l'industrie minière repose sur l'application
systématique de la technologie à l'ensemble du processus minier. Ce
système s'est avéré efficace dans certains cas, surtout dans de
grandes sociétés minières, grâce à des efforts de recherche
internes et externes considérables. Parmi ces compagnies, citons
Noranda et Inco, dotées de ressources internes de R-D
considérables.
L'autre démarche consiste à cibler certaines opportunités, à aller voir dans la mine à ciel ouvert ou souterraine comment les choses se déroulent et à s'efforcer de trouver un moyen d'améliorer le système. C'est la méthode classique qui repose sur l'intégration progressive de la nouvelle technologie. Le Canada a également ouvert la voie dans ce domaine. Par exemple, moins de dix ans après la mise en vente de systèmes de positionnement global pour la navigation, dans la plupart des mines à ciel ouvert canadiennes, la majeure partie de l'équipement mobile est doté d'un système de navigation ou du moins d'aide à la navigation GPS. Des réseaux de communication ont également été installés dans les mines souterraines et dans les mines à ciel ouvert pour permettre aux gestionnaires d'affecter les ressources et d'optimiser les opérations comme on n'aurait jamais osé l'imaginer il y a à peine dix ans.
Voilà les aspects positifs de tous ces progrès. Les problèmes qui en découlent sont liés à la complexité des opérations minières, à la complexité de l'équipement minier, à l'environnement hostile dans lequel ces nouvelles technologies doivent survivre et ils sont également liés à l'acceptation des nouvelles technologies par les travailleurs. Quant à l'intégration des technologies informatiques à l'équipement, on en est arrivé au point où le manque de formation du personnel d'exploitation représente désormais un obstacle majeur au perfectionnement futur de ces technologies et à leur acceptation.
Il existe également certaines lacunes dans la gestion des changements technologiques dans les activités minières. L'achat de la technologie est généralement considéré comme la solution. Pourtant, ce n'est généralement que la source du problème.
Certains problèmes importants liés aux systèmes informatiques n'ont toujours pas été résolus et dans bien des cas, ils finissent par causer une surabondance d'information. Ces problèmes rappellent ceux auxquels était confronté le secteur manufacturier il y a une deux ou trois décennies sauf que c'est désormais l'industrie minière qui est touchée.
Pour donner une idée du degré de réussite que l'on a atteint dans ce pays pour ce qui est de la promotion de la mise au point de ce genre de technologie et de sa commercialisation, je vais vous raconter une anecdote. Il y a six ans, j'étais cofondateur d'une petite entreprise de Montréal. Nous étions installés à trois dans un bureau de 200 pieds carrés. Cinq ans plus tard, notre chiffre d'affaires annuel atteignait plusieurs millions de dollars et nous employions 30 personnes sur trois continents. Nous avons dû vendre notre entreprise à une multinationale américaine.
À mon avis, la réceptivité des ministères et des sociétés minières canadiennes aux possibilités de croissance économique offertes par de petites sociétés dites spin-off de ce genre est plutôt minime.
Le président: Je suis certain que l'on posera des questions à ce sujet.
• 1150
Je suppose que vous voulez commencer, Dave. Voulez-vous
prendre deux minutes pour aller chercher un café et un sandwich? Ou
voulez-vous commencer tout de suite, Dave?
M. Dave Chatters (Athabasca, Réf.): J'attendrai un peu.
Le président: Nous commencerons alors par Roy. Antoine, avez- vous...? Voulez-vous prendre deux minutes et nous...
M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.): Je dois malheureusement aller à un dîner.
Le président: Bien. Nous commencerons par Roy et puis nous prendrons quelques minutes pour aller chercher un sandwich et une tasse de café.
M. Roy Cullen: Merci.
Merci, messieurs. Il y a eu un petit malentendu aujourd'hui et, par conséquent, je dois partir plus tôt que je ne le souhaiterais. Merci beaucoup pour vos exposés.
Monsieur Baird, contrairement au secteur de l'équipement minier, le secteur de l'équipement forestier, que vous ne connaissez peut-être pas très bien, a, si je comprends bien, mis au point un système de positionnement global ultra-perfectionné qui a en quelque sorte séché sur pied. Par conséquent, l'industrie forestière importe maintenant la plupart des technologies et du matériel dont elle a besoin. On dirait que l'industrie minière, quant à elle, s'est mondialisée et a élargi son marché pour pouvoir survivre.
Je me demande si vous pourriez nous donner quelques explications plus précises à ce sujet. Il est probablement trop tard pour l'industrie forestière; j'ignore ce que nous pouvons faire dans ce domaine. Pouvez-vous nous dire quelle est la part approximative du marché de l'équipement que détiennent les entreprises membres de votre association? Ne parlons pas d'équipement tout de suite. Quelle part du marché intérieur détenez-vous?
M. John Baird: La dernière étude qui a été faite à ce sujet remonte à environ cinq ans. Elle indique qu'environ 70 p. 100 de l'équipement utilisé au Canada est importé.
M. Roy Cullen: Importé?
M. John Baird: Oui.
Il faut toutefois prendre toujours les statistiques avec un grain de sel. Le chiffre correspondant à l'équipement minier concerne l'équipement lourd comme les camions et les tracto- chargeurs. Quand il s'agit d'équipement tel que les instruments géophysiques, les logiciels—si on considère cela comme un produit—et que l'on y ajoute les services, sur lesquels il n'existe pas de statistiques concernant les importations ou les exportations, le résultat est complètement différent.
J'affirme que les Canadiens sont des exportateurs nets de tous les services et de tout l'équipement nécessaires pour l'industrie minière—nous sommes des exportateurs nets.
M. Roy Cullen: Notre économie en général est devenue axée davantage sur les services que sur la fabrication. Par conséquent...
M. John Baird: C'est vrai, mais pour les raisons que M. Daneshmend vient de nous citer, nous étions en retard sur les autres pays dans le secteur de l'équipement minier. Au cours des années 70, lorsque tout l'équipement était hydraulique, nous ne fabriquions pas ce genre d'équipement. Les Européens en fabriquaient, ainsi que les Américains.
Si vous feuilletez une revue minière internationale, vous constaterez que les publicités couleur pleine page ne sont jamais canadiennes. Elles sont toutes...
M. Roy Cullen: Pourquoi n'avions-nous pas cette technologie au Canada? Était-ce simplement dû à un manque d'intérêt dans la recherche fondamentale?
M. John Baird: Je ne tiens pas particulièrement à répondre à cette question. On me l'a dit à maintes reprises et cela a du sens.
Maintenant nous avons le matériel. Nous l'utilisons. Nous entretenons le matériel fabriqué ailleurs. Il n'existe en fait qu'un seul exemple remarquable de fabricant canadien d'équipement lourd: c'est Euclid. Ce n'est pas une société d'origine canadienne mais elle fabrique maintenant des camions gigantesques au Canada.
Chaque camion que l'on vend vaut des millions de dollars. Un système de communication ultra-perfectionné pour une mine souterraine, même s'il constitue le support de toute la technologie de pointe utilisée maintenant dans ce genre de mine, ne vaut qu'un demi-million de dollars ou moins. Par conséquent, on y perd toujours en chiffre d'affaires mais on y gagne en volume. Tous ces créneaux qui sont tellement difficiles à expliquer, parce que cela ne ressemble pas à un énorme camion, sont intéressants pour nous.
M. Roy Cullen: J'ai eu la bonne fortune de travailler un peu à l'étranger, notamment en Afrique du Sud où je suis resté quatre ans. Ce pays est en quelque sorte le foyer de l'exploitation aurifère et d'autres... On y trouve beaucoup de géologues et d'ingénieurs miniers qui jouissent d'une excellente réputation. Je me demande si nous ne pourrions pas faire davantage—on dirait que vous faites beaucoup—pour le secteur des services, pour ce genre de services spécialisés. Je suppose que certaines entreprises participent par exemple à des missions d'Équipe Canada. Le gouvernement peut-il faire plus qu'il ne fait pour vous aider à vendre ces services à l'étranger?
M. John Baird: La première chose à faire est d'écoutez l'AMC. Il est nécessaire que l'industrie minière canadienne soit vigoureuse, un point c'est tout. Dès que les éléments de l'équation changent, nos membres déménagent au Chili et le Canada devient une succursale. Voilà le principal message que j'ai à communiquer au gouvernement.
• 1155
À part cela, pour certaines des activités de notre association
d'exportateurs, nous recevons beaucoup d'aide du ministère des
Affaires étrangères et du commerce international. C'est un bon
partenariat.
M. Roy Cullen: La santé de l'industrie minière, les taxes et les redevances ainsi que la réglementation relèvent en grande partie des gouvernements provinciaux.
M. John Baird: Certainement. Je fais partie d'un comité ministériel ontarien concernant les exportations.
M. Roy Cullen: Le gouvernement fédéral peut essayer de créer un environnement sain ou un environnement qui protège contre la concurrence par le biais des règlements environnementaux.
Monsieur Itzkovitch, nous nous sommes parlé au téléphone et j'ai apprécié votre aide lorsque nous avons examiné la question du transfert de technologies l'année dernière. Je peux prétendre, même si je suis légèrement partial, être en quelque sorte un ex- collègue... Bien que Noranda soit en train de se départir de ses avoirs forestiers, son centre de technologie est un bel exemple de l'importance que le secteur privé peut attacher à la R-D et j'encourage tous mes collègues à le visiter.
Le président: Est-ce à Montréal?
M. Roy Cullen: Oui, à Pointe-Claire.
J'ai une question à vous poser à ce sujet, puis une autre, et ce sera tout. Il s'agit peut-être d'une question interne dont vous ne voulez pas discuter mais si vous vous défaites de vos avoirs forestiers et qu'une grande partie de la recherche qui se fait à Pointe-Claire concerne ce secteur, est-ce que ces services de recherche seront vendus en même temps? Vous n'êtes peut-être pas disposé à en discuter.
M. Irwin Itzkovitch: Oh si.
La situation est très intéressante grâce à la place importante que la recherche forestière et la recherche sur les produits forestiers occupent dans les activités des scientifiques et des ingénieurs de Noranda. Lorsque nous avons décidé de vendre Foresterie Noranda, nous avons eu une discussion avec Linn Macdonald, qui est présidente de l'Institut forestier national et nous en sommes arrivés à la conclusion qu'il est dans l'intérêt des actionnaires de Noranda et de «newco», si c'est ainsi qu'on finit par l'appeler, de continuer à faire du développement technologique pour eux au centre de technologie de Noranda.
En fait, cette semaine si je ne me trompe—j'ai eu une semaine plutôt mouvementée—, nous avons enfin résolu un problème délicat concernant la propriété intellectuelle et nous avons conclu une entente en vertu de laquelle «newco» continuera à investir dans le développement technologique au centre de technologie.
Nous en sommes très heureux, parce que la technologie chevauche plusieurs secteurs: la technologie mise au point dans le secteur forestier sert dans le secteur minier et inversement. À mon avis, ce transfert technologique entre les divers secteurs a procuré à Noranda un avantage concurrentiel formidable. Par conséquent, nous avons fait tout notre possible pour préserver cet atout. Foresterie Noranda continuera d'investir de six à sept millions de dollars par an au centre de technologie.
M. Roy Cullen: Une des questions que je voulais aborder à la dernière séance où nous avons parlé de l'industrie forestière est que grâce à sa très forte présence, MacMillan Bloedel... Foresterie Noranda avait évidemment des intérêts dans MacMillan Bloedel il y a quelques années et s'en est débarrassée; elle avait un service de recherche très important à Vancouver qu'elle compte supprimer.
Monsieur Itzkovitch, Noranda a incontestablement investi beaucoup dans la R-D. Vous vous êtes probablement fixé certains objectifs et vous voulez probablement faire mieux. Au Canada, nous avons un régime fiscal très progressif en ce qui concerne la R-D et pourtant, l'investissement privé dans la R-D semble être minime par rapport à d'autres pays. Pourriez-vous nous parler de cela et nous donner éventuellement une petite idée de ce que le gouvernement fédéral devrait changer ou améliorer?
M. Irwin Itzkovitch: C'est une question très intéressante. On me l'a souvent posée, tant du côté provincial que du côté fédéral.
Il suffit de voir la différence qui existe entre Noranda et d'autres entreprises de ce que j'appellerais les industries de base—pas seulement le secteur des ressources naturelles mais les industries de base—qui peuvent créer ou acheter de la technologie, parce que celle-ci ne représente qu'une petite proportion de l'investissement global.
J'ai parlé de l'investissement de 720 millions de dollars dans Magnola. Cette technologie, depuis l'idée initiale jusqu'à la construction de l'usine-pilote, nous a coûté environ 62 millions de dollars. Cela représentait par conséquent 10 p. 100 des immobilisations, ce qui n'est pas énorme comparativement au secteur des logiciels, où les entreprises y consacrent de 10 à 15 p. 100 de leurs recettes annuelles.
• 1200
La différence entre Noranda et les autres sociétés est telle
que j'ai essayé de l'expliquer. Noranda considère la technologie
purement et simplement comme un investissement et nous évaluons cet
investissement en fonction de ce qu'il peut rapporter aux
actionnaires et à nos employés, du point de vue de la santé et de
la sécurité. En l'envisageant sous cet angle, au lieu de la
considérer comme une dépense, à l'instar de bien d'autres
entreprises, et en démontrant que l'investissement est extrêmement
rentable, nous n'avons absolument aucune difficulté à le maintenir.
Je viens de parler de Foresterie Noranda et de sa volonté de
continuer à investir dans ce domaine.
Ce que le gouvernement fédéral pourrait faire à mon avis—et cette suggestion vaut ce qu'elle vaut, étant donné que je suis fatigué—c'est essayer d'inciter les cadres responsables de la gestion de la technologie à adopter une perspective différente à son égard et à lui accorder plus d'importance. Il n'existe à mon avis pas suffisamment d'établissements qui dispensent des cours de gestion de la technologie au Canada. Nous faisons un travail fantastique dans le domaine de l'enseignement pour ce qui est de la technologie proprement dite mais cela laisse beaucoup à désirer en ce qui concerne la gestion de la technologie. Nous finissons par nommer d'excellents technocrates à des postes de gestion dans lesquels ils s'avèrent incompétents.
Je pense subitement à un problème qu'il faudrait régler au Canada. Il l'a été aux États-Unis. On ne peut accéder à une position importante dans la gestion de la technologie sans avoir fréquenté les cours d'un établissement spécialisé dans ce domaine ni sans avoir une maîtrise en administration des affaires ou sans avoir participé à un programme de perfectionnement des cadres.
Je sais que la plupart de mes confrères gèrent leur R-D comme une dépense au lieu de la considérer comme un investissement et c'est ce qui contribue peut-être à l'agonie d'un certain nombre d'établissements de recherche.
M. Roy Cullen: Merci.
Le président: Je pense que la notion de gestion de la technologie est une notion très importante.
Vouliez-vous faire des commentaires, monsieur Peeling?
M. Gordon Peeling: Si vous me le permettez, monsieur le président, je voudrais revenir à la question que M. Cullen a adressée à John Baird, concernant certaines études historiques qui ont été faites à la fin des années 60 et au début ou vers le milieu des années 70, tantôt par Industrie Canada—ou par le ministère de l'Industrie et du Commerce, comme il s'appelait à cette époque—, tantôt par les milieux universitaires, sur la fabrication de machinerie et d'équipement pour l'industrie minière canadienne et sur les raisons pour lesquelles ce secteur était inexistant au Canada.
C'est un peu comme si l'on demandait à l'agriculteur pourquoi il ne conçoit pas et ne fabrique pas le tracteur. L'industrie est un utilisateur. Un des problèmes courant auxquels étaient, paraît- il, confrontés les entrepreneurs locaux canadiens qui avaient tenté de se lancer dans ce secteur est qu'ils ne pouvaient pas répondre aux exigences de l'industrie pour ce qui est de l'entretien et du service après vente. L'industrie aborde évidemment toujours cette question du point de vue de l'utilisateur.
C'était à la fin des années 60 et au début des années 70 et la situation est très différente à l'heure actuelle. Nous connaissons un gros fabricant de camions, une entreprise canadienne, établie en Colombie-Britannique et en Alberta, qui approvisionne des entreprises du monde entier en camions conçus spécialement pour le travail dans les mines. L'industrie a par ailleurs pris beaucoup d'expansion et a engendré des entreprises comme Continuous Mining Systems de Inco. Nous avons fait des investissements considérables dans la robotique. Voilà où nous en sommes. Nous ne sommes peut- être pas arrivés aussi loin dans certains secteurs, dans le contexte canadien, mais nous avons adopté d'autres approches et toutes sortes d'entreprises spécialisées ont vu le jour.
Ce qui arrive évidemment souvent, c'est que l'industrie minière, qui peut créer une entreprise comme Continuous Mining Systems de Inco et une autre pour commercialiser cette technologie, constate qu'elle devrait créer des sociétés dites spin-off. Si l'on veut que l'industrie prenne de l'expansion, qu'elle réalise effectivement son potentiel dans le monde entier, la société minière doit partir du principe que, si elle veut que le fournisseur prenne de l'expansion, il faut le laisser voler de ses propres ailes. C'est ce qui arrive couramment. Je ne dis pas que c'est systématique, mais c'est une décision qui est prise couramment.
Tels sont les problèmes qui se posent dans ce secteur, mais nous avons une base nettement élargie et je crois que nous sommes actuellement témoins de réussites qui étaient quasi impossibles dans les années 60 et dans les années 70.
M. Roy Cullen: C'est bien. Par conséquent, on peut dire que nous avons des compétences dans certains domaines... Je sais que le fait d'imposer le secteur de l'équipement à nos entreprises présente un certain danger et lorsque nous avons examiné les problèmes de compétitivité de l'industrie forestière, on nous a fortement encouragés à se demander comment on pouvait rajeunir l'industrie canadienne de l'équipement de façon à servir notre secteur. On s'est demandé pourquoi nous importions tout cet équipement. Tous les p.d.g. donnent la même réponse: «Nous le ferons volontiers si ces entreprises sont concurrentielles. Nous devons penser aux prix et au service.»
Par conséquent, il faut faire preuve de discernement dans ce domaine. Il ne sert à rien d'insister pour adopter une formule si elle n'est pas rentable. Nous arriverons peut-être à créer un environnement propice au développement naturel d'un tel secteur.
M. John Baird: L'environnement existe. Nous le faisons. Je vous rappelle que dans les années 70, nous avons perdu une partie d'un secteur beaucoup plus large. À l'heure actuelle, les fournisseurs canadiens d'équipement et de services miniers sont concurrentiels à l'échelle mondiale, à tous les échelons, de la prospection jusqu'à la fermeture d'une mine.
M. Roy Cullen: Je parlais davantage du cas de l'industrie forestière, où le secteur de la fourniture d'équipement a en grande partie séché sur pied.
Le président:
[Note de la rédaction: Inaudible]
M. Roy Cullen: En fait, on note la présence de technologies intéressantes dans l'équipement de récolte et dans l'équipement forestier proprement dit, mais nous avons perdu la bataille dans le secteur de la transformation, dans celui du sciage.
Le président: Merci, monsieur Cullen.
M. Irwin Itzkovitch: Une toute petite remarque, monsieur le président.
Le président: Oui.
M. Irwin Itzkovitch: Nous avons appris une leçon qui pourrait vous être utile. Nous avons constaté que certains équipements et technologies dont nous avions besoin pour devenir plus efficients et plus efficaces dans nos activités—peu importe qu'il s'agisse du secteur forestier, du secteur pétrolier et gazier ou du secteur minier—n'étaient disponibles nulle part dans le monde. Autrefois, nous élaborions nous-mêmes ces technologies, puis nous devions trouver un partenaire pour le transfert afin de les mettre en application dans notre entreprise. Du fait même, nous avons renoncé à notre avantage concurrentiel. Ayant créé un avantage concurrentiel pour fabriquer un produit utilisable à partir de cette technologie, nous avons dû permettre à notre partenaire de la transférer sous licence à d'autres entreprises.
Cela nous a causé quelques problèmes. La leçon que nous avons apprise, c'est que les partenariats sont difficiles à instituer et à entretenir. Lorsqu'on passe une technologie qui est au point à un partenaire chargé d'en faire le transfert, on traverse une période d'adaptation qui crée beaucoup de frictions.
Par conséquent, la leçon que nous avons apprise et dont vous pourrez peut-être tirer profit est que les partenariats de transfert doivent être institués dès la période de gestation d'une nouvelle technologie. Si le gouvernement peut trouver un moyen d'encourager les utilisateurs et les fournisseurs à s'unir dès le début pour répondre à un besoin commun de création de cette technologie, ce sera doublement intéressant. Premièrement, la commercialisation de la technologie se fera rapidement. Deuxièmement, le fournisseur de ce produit dans le monde bénéficie d'une crédibilité instantanée parce que la technologie a déjà été appliquée.
Ayant passé une partie de ma carrière dans une entreprise de transfert de technologie sous licence, j'ai constaté que le plus difficile est de trouver quelqu'un pour mettre en oeuvre une technologie qui n'est mise en application nulle part.
Par conséquent, je ne sais pas comment répondre mais je peux vous donner une petite idée des aptitudes qui sont nécessaires. Je crois qu'il faut être apte à créer dès le début des partenariats susceptibles de donner l'élan nécessaire et de trouver des débouchés dans le monde entier.
Le président: Merci, monsieur Cullen.
Avant de passer la parole à Antoine, arrêtons-nous ne fût-ce que deux minutes pour aller chercher un café et un sandwich, puis nous reviendrons à table et nous poursuivrons nos travaux.
Le président: Bon. C'est maintenant au tour d'Antoine Dubé de poser des questions, puis nous passerons la parole à Reg et nous la donnerons à nouveau à Dave.
Certaines observations très intéressantes ont été faites. J'espère que vous ne voyez aucun inconvénient à ce que nous continuions à travailler en mangeant. Si vous avez la bouche pleine, nous nous arrangerons.
Allez-y, monsieur Dubé.
[Français]
M. Antoine Dubé (Lévis, BQ): En tout premier lieu, en consultant le rapport annuel de Noranda, j'ai pris connaissance, à la page 5, des projets qui sont en cours ou qui sont terminés. Bien sûr, j'ai remarqué le projet de l'usine pilote de Magnola, au Québec, ce que je trouve très intéressant, étant un député du Québec.
J'aimerais faire un commentaire qui sera suivi d'une question plus large. M. Baird, au nom de l'Association canadienne, a proposé huit recommandations qui figurent à la dernière page. L'une d'entre elles, la sixième, parle de poursuivre la réforme de la réglementation applicable à l'industrie minière. Je ne veux pas vous entraîner nécessairement dans le champ de la politique, mais que voulez-vous, je suis un politicien...
M. John Baird: Je crois que c'est à mon collègue M. Peeling que cette question s'adresse, parce que vous regardez son document et non pas le mien.
M. Antoine Dubé: Non, non. J'ai signalé les bons coups que vous faites au Québec et je vous en félicite.
M. John Baird: Très bien.
M. Antoine Dubé: Je vous en remercie.
Votre sixième recommandation porte sur la réforme de la réglementation, ce dont tout le monde a un peu parlé. Les provinces ont une certaine compétence, dans certains cas, dans le domaine des mines. Est-ce que le fait que coexistent au Canada deux paliers de gouvernement, le fédéral et le provincial, dans le secteur des mines, avec possiblement leur propre réglementation, représente une contrainte de plus dans votre domaine?
[Traduction]
M. Gordon Peeling: Pas nécessairement. Je crois que l'industrie est très satisfaite de l'accord d'harmonisation que le Conseil canadien des ministres de l'environnement a signé dernièrement. Nous espérons évidemment que cela donnera naissance à un système d'évaluation et à une réglementation uniques qui feront l'affaire des deux paliers de gouvernement; cela permettra en effet d'appliquer la réglementation de façon rationnelle et efficace aux deux paliers et d'éviter le dédoublement et le chevauchement.
Cet accord ne représente toutefois qu'une première étape. Encore faut-il qu'il soit mis en application. Par conséquent, nous suivrons cette affaire de près et nous ferons notre part pour que les ministres n'aient rien à redire au sujet du degré de protection environnementale que notre industrie applique dans le cadre de ses activités.
Ce qui joue également un rôle dans ce... En fait, les deux paliers de gouvernement participent, mais au palier fédéral... et l'Association minière du Canada évidemment surtout à l'échelon fédéral. Nous coordonnons nos activités avec celles des associations provinciales, y compris de l'Association minière du Québec qui s'occupent surtout, quant à elles, de la réglementation provinciale.
À titre d'exemple, l'initiative Métaux dans l'environnement (MITE), dont j'ai déjà parlé, est un partenariat intéressant à l'échelon fédéral et nous espérons qu'il débouchera sur l'élaboration d'une réglementation appropriée. Il s'agit d'une coalition de quatre ministères fédéraux et de l'industrie minière, dont font également partie Ontario Hydro et des centres universitaires de toxicologie canadiens ainsi que d'autres spécialistes qui font de la recherche sur les produits toxiques dans des centres universitaires. Avec Environnement Canada, Pêches et Océans, que j'avais oublié de mentionner, Agriculture Canada et Ressources naturelles—Santé Canada participe également mais ne fait pas autant que les quatre autres ministères—, ces organismes et ces chercheurs s'efforcent de trouver des solutions aux répercussions qu'ont sur l'environnement et sur la santé les métaux qui sont présents dans l'environnement, afin d'établir les fondements d'une stratégie et d'une réglementation reposant sur des principes scientifiques reconnus en ce qui concerne cette industrie.
C'est à mon avis une expérience très intéressante qui nous permet d'unir nos forces pour essayer d'obtenir des résultats constructifs. Cette initiative aura une incidence sur la prochaine version du Règlement sur les effluents liquides des mines de métaux.
Un autre programme axé sur la technologie, le Programme d'évaluation des effets de l'exploitation minière des métaux sur le milieu aquatique, intervient également à ce niveau, et plus particulièrement à celui de la LCPE, notamment en ce qui concerne le type et le degré de surveillance des incidences environnementales que notre industrie sera obligée d'assurer. De toute évidence, cela aura également des répercussions sur nos opérations dans tout le pays et cela influencera l'opinion des provinces sur cette activité, dans le contexte des modifications à la LCPE.
Par conséquent, certains problèmes se posent à ce niveau. Une des raisons pour lesquelles nous parlons beaucoup du processus d'harmonisation entre les deux paliers de gouvernement et que nous l'encourageons est que, s'il déraille, cela pourrait être un obstacle. Cela pourrait avoir des répercussions assez néfastes, tant sur le plan de l'investissement que sur celui de la création d'emplois et de la croissance; en outre, cela n'accroîtrait pas nécessairement, à notre avis, l'efficacité de la protection de l'environnement.
C'est par conséquent une question qui nous préoccupe.
[Français]
M. Antoine Dubé: Je remplace aujourd'hui un autre député membre de ce comité et je ne suis donc pas nécessairement un expert dans votre domaine. Je vous écoutais attentivement plus tôt lorsque vous parliez des équipements. Dans les mines, il y a évidemment toute la question de l'exploitation, ce qui comprend les équipements lourds et tout ça. Il m'apparaît bien important que tous les gens qui veulent investir au niveau de l'exploration aient une connaissance assez précise des possibilités que présente tel ou tel projet, lequel est encore souvent sous terre, etc. Il me semble évident que toute la technologie dans le domaine de l'exploration nous permet d'évaluer si la matière première envisagée est de qualité et si elle est rentable par rapport à un autre projet qui l'est moins. Tout est question de qualité et de densité des métaux. Est-ce que le domaine de la recherche de l'amélioration du savoir porte là-dessus ou s'il porte davantage sur les équipements lourds d'exploitation?
M. John Baird: C'est important dans tous les domaines, bien sûr. Vous avez mentionné deux domaines où les Canadiens et les Québécois dominent dans le monde, soit l'exploration et l'évaluation. Il ne fait aucun doute que les Canadiens détiennent la première place dans ces deux domaines de l'industrie minière.
Il y a de très bons exemples au Québec de sociétés qui ont commencé sur une petite base à Val-d'Or, qui ont commencé à faire des exportations, qui sont par ailleurs membres de notre association et qui dominent les marchés de la géophysique, par exemple en Amérique latine. Tout cela est en raison de la base qu'ils ont créée ici au Canada. Les connaissances canadiennes sont...
M. Antoine Dubé: Mais j'imagine qu'une compagnie comme la vôtre...
M. John Baird: C'est plutôt une association.
M. Antoine Dubé: Oui, on peut parler d'association, mais vous représentez quand même des entreprises qui sont en concurrence. Lorsqu'une personne découvre une méthode ou une technologie, elle n'a peut-être pas nécessairement le goût de la partager avec d'autres.
M. John Baird: M. Itzkovitch a fait état de ce dilemme. Mais à la fin, on est forcé de partager une telle découverte parce qu'il n'y a pas assez de bénéfices, y compris pour une importante société comme Noranda, quand on garde cette technologie pour soi.
Prenons l'exemple d'une petite société de géophysique, comme il y en a au Québec et en Ontario, qui met au point une technologie pour trouver une mine dans la terre. Bien qu'on puisse dire que ça vaut de l'or, il faut quand même convaincre les gens de l'employer. Si vous êtes le seul au monde à employer ce procédé, vous ne pourrez convaincre aucune autre personne, et c'est cela, le problème. Vous êtes obligé d'attirer des partenaires et d'autres gens qui veulent employer cette technologie, et cela même au niveau de Noranda et sûrement dans le cas des petites et moyennes entreprises.
[Traduction]
M. Irwin Itzkovitch: C'est très intéressant. Nous venons de recevoir une lettre de la société Teck, une de nos concurrentes, qui nous remercie beaucoup d'avoir mis à sa disposition la technologie qui lui a permis de découvrir une mine importante. Je vous assure que cela nous a fait du bien.
M. John Baird: Mais l'auriez-vous découverte?
M. Irwin Itzkovitch: L'aurions-nous découverte? Je l'ignore. Mais cela nous a fait beaucoup de bien.
J'ajouterais que, ce qui me préoccupe, c'est que la technologie ne connaît pas de frontières, qu'elle ne peut être confinée à tel ou tel pays. La technologie circule librement dans le monde et elle le fait avec une telle rapidité que l'on sait désormais en un rien de temps ce qui se passe ailleurs dans le monde. Il y a Internet et les intranets et on a accès à la technologie avec une très grande rapidité.
Le problème, pour un petit pays comme le Canada, c'est que nous courons le risque de créer des noyaux de développement technologique qui sont trop petits pour survivre. Dans le domaine de la technologie, une masse critique est nécessaire.
• 1230
L'idée géniale que le gouvernement fédéral a eue dans le
domaine de la technologie de prospection et de la géomatique, c'est
de maintenir ce développement technologique au sein de la
Commission géologique du Canada et Géomatique Canada. Cela a été
très important pour notre pays car, si cette technologie avait été
dispersée—une petite partie en Colombie-Britannique et une autre
au Manitoba, puis une troisième dans l'est du Canada et une
quatrième au Québec, par exemple—, cela n'aurait pas été
intéressant.
Il est extrêmement important d'avoir une masse critique. Je crains que, compte tenu des infrastructures universitaire, gouvernementale et industrielle actuelles, nous courions le risque de balkaniser, si je puis dire, les chercheurs au point où il n'existe pas de masse critique et où cela cesse d'être avantageux et devienne une charge financière.
Le président: Merci. Merci, Antoine.
C'est au tour de Réginald.
M. Réginald Bélair (Timmins—James Bay, Lib.): Comme vous le savez, monsieur le président, il y a quatre ans j'étais un fervent partisan de Ressources naturelles Canada. Je me suis opposé avec beaucoup de fermeté aux compressions qui ont été faites au sein du ministère et aux ententes qui ont été conclues avec les provinces. De toute évidence, le premier ministre m'a vu à mon meilleur.
Nos témoins peuvent-ils me dire quelle incidence cette restructuration a eu sur leurs relations avec le gouvernement fédéral et plus particulièrement avec Ressources naturelles Canada? Y a-t-il quelque chose que nous puissions faire pour améliorer ces relations? Quelle a été l'incidence de toute cette restructuration?
M. Irwin Itzkovitch: On retrouve malheureusement deux personnes qui ont participé à la restructuration à la table des témoins.
M. Réginald Bélair: Effectivement. Du bon côté ou du mauvais côté?
M. Gordon Peeling: Je répondrai le premier, puis Irwin prendra la relève.
Il faut admettre que, pour toutes sortes de raisons, il est nécessaire de préciser les responsabilités et le rôle du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux dans certains domaines. J'ai participé à un certain moment à l'élaboration des ententes sur l'exploitation minérale, qui étaient à mon avis très efficaces. Par contre, vous estimez que c'est devenu un luxe.
En réalité, nous avons été témoins de certains changements positifs. Les changements qui se sont produits ont, à mon avis, donné naissance à une certaine coopération, à certains partenariats. Certains partenariats, et la volonté d'en créer d'autres, découlent de ces changements. Cela a sensibilisé davantage le gouvernement aux besoins de ses clients. Ce commentaire concerne le gouvernement en général et, plus particulièrement, Ressources naturelles Canada, qui ont fait là un travail admirable.
En ce qui concerne les partenariats, je vais vous rappeler des exemples que j'ai déjà cités. Le Programme de neutralisation des eaux de drainage dans l'environnement minier est un bel exemple de maintien de relations et de partenariat de recherche solides avec le ministère des Ressources naturelles. Il existe également un partenariat entre MITE et nous dans ce domaine. Par conséquent, nos liens sont solides. Ils ne se sont pas limités à Ressources naturelles Canada et se sont étendus à d'autres ministères, mais Ressources naturelles Canada joue également un rôle dans ces partenariats.
À mon avis, depuis que nous avons débrouillé l'écheveau ou que nous avons fait disparaître les chevauchements en quelque sorte, nous sommes plus sensibles à la réalité; en outre, les responsabilités et les objectifs sont mieux définis, tant à l'échelon fédéral qu'à l'échelon provincial. Nous devons nous serrer les coudes pour que le système fonctionne aussi bien et soit aussi efficace qu'auparavant.
M. Réginald Bélair: Cela voudrait-il dire que les grosses sociétés minières ont dû investir davantage dans la recherche- développement?
M. Gordon Peeling: Non, pas nécessairement. Je crois qu'étant donné que le gouvernement fédéral a réduit ses activités dans ce domaine, l'industrie a dû porter davantage d'attention à ce qui se passe à Ottawa, à l'échelon fédéral. L'information que l'on pouvait à un certain moment obtenir de Ressources naturelles Canada n'est plus nécessairement aussi abondante qu'autrefois et par conséquent, l'industrie a dû trouver un moyen de combler le vide.
Par contre, je ne pourrais vraiment pas vous dire si cela représente un investissement important parce que cela concerne principalement le domaine de l'information. Je crois qu'en fait, les partenariats qui sont issus de ces changements ont été très intéressants pour toutes les parties.
Vous pourriez peut-être donner d'autres précisions, Irwin.
M. Irwin Itzkovitch: Oui, je crains de semer la confusion dans votre esprit. Les compressions qui ont été faites dans le cadre de l'examen des programmes sont de deux ordres. Elles ont touché, d'une part, les services d'ordre stratégique et, d'autre part, ceux d'ordre technologique, surtout en ce qui concerne Ressources naturelles Canada.
Je vous signale tout d'abord, ayant participé à ce processus, qu'il était devenu absolument impératif que le gouvernement reprenne la situation en main en ce qui concerne la dette, afin de créer la conjoncture économique nécessaire à la prospérité de notre pays. J'étais entièrement en faveur de cette initiative, tant lorsque j'étais fonctionnaire qu'après.
La nécessité de revoir les méthodes de travail des bureaucrates et des technocrates a eu des retombées extrêmement intéressantes, comme un rapprochement entre les services à caractère stratégique et les services à caractère scientifique des ministères; je pense que cela a mis l'accent sur la nécessité de faire reposer les politiques et les règlements sur des données scientifiques sérieuses. Je pense que l'on n'examine pas de nouveaux paradigmes si l'on n'a pas reçu l'ordre de se serrer la ceinture. Je crois que c'est un des nouveaux paradigmes issus de cet examen et de ces compressions budgétaires.
La question du renouvellement de la fonction publique me préoccupe toutefois. Étant donné que nous avons fait pencher le balancier d'un côté et qu'il faut maintenant rétablir l'équilibre, il est nécessaire que les députés et le gouvernement reconnaissent que les activités scientifiques du gouvernement contribuent beaucoup à assurer la compétitivité de nos industries. Pour vous donner un exemple, les sociétés n'investiront pas chacune dix millions de dollars dans du matériel microstructurel ultra- perfectionné, parce que cela ne leur apportera pas un avantage concurrentiel. Par contre, nous avons besoin d'une infrastructure collective, financée par le biais de la fiscalité et par d'autres moyens. Nous avons besoin de cette masse critique pour y arriver.
C'est pour la stabilité que je me fais du souci. Ces compressions systématiques dans tous les domaines posent un problème. Dans mon exposé, j'ai parlé des problèmes d'infrastructure, des problèmes de personnel et des problèmes de financement, pas seulement dans la fonction publique mais aussi dans les universités. Je suis membre du conseil consultatif de l'Université de la Colombie-Britannique, où je me trouvais la semaine dernière. Des étudiants m'ont dit que leurs professeurs, leurs maîtres de recherche, leur consacrent très très peu de temps parce qu'ils sont à la recherche de fonds. Ce n'est pas acceptable, pas plus au Canada qu'ailleurs.
L'autre question qui me préoccupe est celle du renouvellement du personnel. Je dois reconnaître en toute franchise que la rémunération n'est plus aussi avantageuse dans la fonction publique que dans le secteur privé et, compte tenu du déclin de la stabilité de l'emploi, ils ne sont vraiment plus compétitifs. Des scientifiques et des administrateurs extrêmement compétents quitteront la fonction publique ou n'accepteront jamais de travailler pour le gouvernement à cause de l'écart salarial. Je ne tiens pas à vous dire combien je gagne de plus qu'auparavant mais je vous assure que la différence est substantielle.
• 1240
Cela ne veut pas dire que les députés sont suffisamment
rémunérés. Je crois que non.
Le président: Je suis content que vous ayez ajouté cela.
M. Irwin Itzkovitch: Je suis convaincu que non mais vous pourrez en discuter avec le premier ministre. Il a eu l'occasion d'y changer quelque chose.
M. Carmen Provenzano (Sault Ste. Marie, Lib.): Pourriez-vous faire un communiqué de presse?
M. Irwin Itzkovitch: Je l'ai dit au plus grand nombre possible de personnes.
Le roulement de personnel à Ressources naturelles Canada est absolument effarant. Ce que je crains, c'est que l'on délaisse les politiques ou la science au profit de la bureaucratie. Le gouvernement devrait y réfléchir. Pour notre part, nous nous efforçons constamment de réduire nos frais généraux.
Cela vous aide-t-il?
M. Réginald Bélair: Oui. Cela me donne en quelque sorte un bref aperçu des conséquences de la restructuration et du dégraissage systématiques.
Je crois que M. Baird voulait ajouter quelque chose.
M. John Baird: Étant donné que, à l'instar de M. Itzkovitch, j'ai participé au processus et que je l'ai observé de l'extérieur, je suis inquiet de voir que l'on perd des personnes très compétentes. Quand les effectifs sont réduits...
M. Réginald Bélair: Ces personnes ont-elles été engagées par le secteur privé?
M. John Baird: Peut-être. Le tout, c'est de savoir qui reste. Quand les effectifs sont réduits, on a besoin de personnes plus compétentes. On ne peut pas perdre les connaissances ou le savoir- faire technologique, appelez cela comme vous voudrez. Je ne parle pas uniquement de science, mais de politiques. Cette question me préoccupe beaucoup.
En ce qui concerne le sous-secteur que je représente, je dois dire que nos relations avec Ressources naturelles Canada se sont améliorées énormément au cours de cette période. Je ne sais pas si c'est une conséquence de cette restructuration, mais c'est un fait. Notre secteur qui est constitué, je le répète, de 600 petites et moyennes entreprises des quatre coins du Canada n'a vraiment pas beaucoup de contacts avec Ressources naturelles Canada.
L'énoncé de mission qui se trouve dans le plan opérationnel de Ressources naturelles Canada qui a été présenté il y a environ un an fait allusion aux technologies créées pour le secteur des ressources et même aux possibilités d'exportation de ces technologies, si je ne me trompe. C'est dans l'énoncé de mission. C'est formidable.
Nous avons établi d'excellents moyens de communication avec le personnel du secteur des minéraux et des métaux de Ressources naturelles Canada. Je ne sais pas si c'est grâce à la restructuration ou si cela vient de la nécessité de créer des partenariats—c'est possible—, mais cela fonctionne très bien.
M. Réginald Bélair: J'ai encore une toute petite question à poser au sujet de l'incidence de la rationalisation des lignes directrices environnementales fédérales et provinciales. Noranda est peut-être en mesure de nous donner des précisions à ce sujet.
M. Irwin Itzkovitch: Cela nous facilitera la tâche. Ce n'est pas encore fait. Comme l'a indiqué Gordon, c'est relativement nouveau. Comme les autres entreprises de ce secteur, Noranda attendra avant de porter un jugement. Nous essayons toutefois d'influencer les règlements.
Ce n'est pas tellement l'observation des règlements qui coûte cher mais surtout les examens faits par des comités d'experts et l'étude des incidences environnementales qui sont nécessaires lorsqu'on analyse un projet. Cela augmente considérablement les frais d'évaluation d'un projet et l'on en tient compte pour déterminer si tel ou tel projet est rentable ou non. Quand on a affaire à deux paliers de gouvernement et qu'il faut se soumettre à deux processus différents, les frais sont doublés.
M. Réginald Bélair: Par conséquent, vous n'avez pas encore ressenti les effets de ces changements.
M. Irwin Itzkovitch: Pas encore.
M. Réginald Bélair: C'est dommage. Nous aurions pu en discuter.
Le président: Monsieur Chatters.
M. David Chatters: Merci, monsieur le président.
Je crois que nous nous sommes fort éloignés du sujet aujourd'hui, à savoir de ce que fait ou pourrait faire le gouvernement dans le domaine du développement de la haute technologie. Je voudrais résumer rapidement ce que j'ai entendu en vous demandant de confirmer si c'est exact.
• 1245
Vous avez signalé, et à juste titre, que le Canada est un chef
de file mondial dans les technologies de prospection et de mise en
valeur minières et qu'il y avait plus de sièges sociaux
d'entreprises de ce secteur au Canada que dans tous les autres pays
du monde réunis. Par contre, la situation changera si nous ne
réglons pas certains problèmes, notamment en ce qui concerne les
règlements environnementaux. Je pense que la question du régime
foncier pose également un autre problème de taille; c'est
certainement le cas en ce qui concerne le gisement de Voisey's Bay.
Quelqu'un a fait brièvement allusion dans son exposé aux différences qui existent entre le Canada et certains autres pays pour ce qui est du régime d'impôt sur le revenu des particuliers et des sociétés. J'estime que c'est un problème important.
Si nous ne réglons pas tous ces problèmes... Nous en parlons depuis que je suis là, c'est-à-dire depuis cinq ans et certains petits changements ont eu lieu mais ils sont encore mineurs jusqu'à présent. Il nous reste encore du pain sur la planche.
Je crains que, même si nous arrivons à faire en sorte que le Canada reste le centre mondial de l'industrie minière, en raison même de son caractère international, celle-ci continue à se mondialiser de plus en plus. Le Canada se doit d'investir beaucoup dans l'élaboration de technologies. J'ai quelques préoccupations en ce qui concerne la propriété intellectuelle—l'appartenance d'une partie de cette technologie au gouvernement et aux contribuables du Canada. Cela ne me préoccupe pas particulièrement quand ces technologies sont mises au point et utilisées au Canada mais compte tenu du fait que huit pour cent seulement des nouvelles technologies sont mises au point au Canada et que le gouvernement investit dans des technologies qui sont utilisées à l'étranger, j'éprouve certaines réticences. Je voudrais que vous en parliez un peu.
Je me réjouis de la restructuration de Ressources naturelles Canada, et je suis particulièrement heureux de voir que ce ministère est disposé à former des partenariats en ce qui concerne l'examen environnemental. En outre, j'apprécie beaucoup la politique de non-participation directe, que ce soit sur le plan stratégique ou sur le plan financier, à la mise en valeur de projets importants. À mon avis, la participation du gouvernement fédéral à ce niveau ne se justifie pas et elle a souvent donné des résultats catastrophiques.
Je vais vous laisser faire quelques commentaires.
M. Laeke Daneshmend: En ce qui me concerne, une des choses qui me préoccupent, c'est que pour la R-D que nous avons faite dans le secteur privé, nous avons reçu environ un million de dollars de l'Association minière provinciale, alors que les quelque 500 000 $ que nous avons reçus du gouvernement fédéral aux termes de la Loi concernant les droits sur les mines proviennent en fait d'autres sociétés minières.
Le président: Il s'agit de votre entreprise?
M. Laeke Daneshmend: Oui. Nous avons créé la propriété intellectuelle et toute cette propriété intellectuelle appartient maintenant à une entreprise américaine.
Le gouvernement et l'industrie minière ne semblaient pas avoir une opinion cohérente quant à l'importance de la propriété intellectuelle ou de la création de richesses grâce à la commercialisation de la technologie. L'industrie voulait la technologie et, quand elle l'a eue, elle s'est complètement désintéressée de celui qui l'a fournie. Elle se fichait pas mal que cela vienne de Montréal ou de Peoria.
M. David Chatters: Cela me préoccupe également. Je crois que vous avez mis le doigt sur la plaie.
M. Laeke Daneshmend: Je dirais que c'est une attitude assez courante dans l'industrie. Je répète toutefois que c'est de la prospection et de l'exploitation minières que font ces entreprises.
M. John Baird: Je représente ce genre d'entreprises et je vous assure qu'elles ne se préoccupent pas du tout de l'origine de la technologie. Si nous ne pouvons pas commercialiser notre technologie sur le marché international, nous devons la vendre ou l'importer, selon les cas.
Cela m'intéressait toutefois de connaître l'opinion d'une grande entreprise, ainsi que celui d'un universitaire. Le Canada n'est pas doté d'un bon réseau pour ce qui est de trouver les idées géniales et de créer des consortiums par exemple pour les exploiter.
Le meilleur exemple que je puisse vous citer est le suivant. Pendant dix ans, je suis allé au moins une fois par an en Union soviétique pour essayer de trouver de la technologie soviétique exploitable dans les pays occidentaux. J'ai examiné une cinquantaine de projets scientifiques différents et j'ai fini par en retenir un.
• 1250
À partir de ce moment-là, j'ai dû faire des démarches auprès
de sociétés comme Noranda, Falconbridge et Inco. Je pourrais vous
citer les douze sociétés minières les plus importantes de ce pays.
Après des mois de travail, les services techniques de ces
entreprises m'ont dit que cela paraissait intéressant en me priant
d'en discuter ensuite avec leurs avocats. Il a fallu des mois et
des mois pour arriver à faire signer le même contrat aux avocats de
ces douze entreprises. Chacun avait sa clause de responsabilités
favorite et cela traînait indéfiniment. Nous avons donc réalisé les
programmes d'essais ici et nous avons dépensé environ un demi-
million de dollars sur deux étés.
J'ai fait la même chose en Australie par télécopieur et par téléphone. J'ai obtenu une somme d'argent équivalente en Australie pour le même projet, par voie de télécommunications. Je n'ai pas fait un seul voyage en Australie. Quelle est la différence? Il existe un système en Australie.
J'ai essayé pendant un certain temps avec le prédécesseur de M. Peeling et je ne suis pas parvenu à intéresser l'AMC au projet. Nous avons besoin d'un système qui permette la circulation des idées, qui permette à certaines personnes de déconseiller tel ou tel projet parce qu'elles avaient déjà tenté l'expérience. Un tel système permet aussi à certaines personnes de signaler qu'elles ont la solution à la moitié de l'énigme et qu'il faut par conséquent pousser certains organismes à faire de la recherche.
Le modèle de M. Itzkovitch, celui que Noranda a mis au point, ainsi que Inco dans une certaine mesure, consiste à dépenser 50 millions de dollars par an et à mettre au point la technologie pour se rendre compte ensuite qu'on ne peut pas la rentabiliser tout seul. Vous avez donc besoin d'un partenaire. Par conséquent, vous établissez certaines relations avec des sociétés comme STAS et d'autres entreprises auxquelles vous confiez cette technologie.
Il serait nettement préférable de créer un système beaucoup plus général, comme le système australien. Dans ce pays, quand quelqu'un a une idée, celle-ci est conditionnée comme il se doit par un petit organisme central qui sait poser quelques questions à sa manière et ensuite l'idée est soumise aux universitaires, aux fournisseurs et aux sociétés minières ainsi qu'aux personnes susceptibles de s'y intéresser. C'est ainsi que l'idée progresse et quand le projet est amorcé, il y a toujours quelqu'un qui est au courant de l'aspect productif et de l'aspect technique du projet, et surtout qui sait comment le commercialiser à l'échelle internationale.
Je voudrais prononcer le mot «CANMET», que je n'ai pas entendu aujourd'hui.
M. David Chatters: Il a pourtant été mentionné.
M. John Baird: Pardon. Je ne l'ai pas entendu. Je me permets toutefois de le prononcer.
CANMET est un dépositaire très important de connaissances minières; j'ajouterais toutefois que son importance diminue. À mon avis, CANMET doit faire beaucoup plus d'efforts pour rétablir la communication avec le groupe d'entreprises que je représente, avec les bailleurs de fonds. Quand on en parle à des responsables de CANMET, on se fait répondre qu'ils ont eu recours à ces entreprises comme entrepreneurs. Attendez une minute. Ce n'est pas la bonne façon de procéder. Il faut qu'elles soient des partenaires. Il faut qu'elles soient intéressées dès le début. Il faut qu'elles aient l'impression de pouvoir faire valoir leurs idées et créer le programme.
Ce que je veux dire, c'est qu'il existe vraiment un besoin. Je crois qu'il peut être comblé très facilement à très peu de frais, en formant au Canada un réseau regroupant toutes sortes d'intervenants du domaine de la recherche minière.
M. David Chatters: Je respecte votre point de vue, mais je comprends qu'il est loin d'être impartial, que c'est le point de vue de l'industrie. Nous sommes des politiciens.
M. John Baird: Je comprends cela.
M. David Chatters: C'est bien. Quant à nous, nous devons rendre des comptes aux électeurs et nous devons nous serrer la ceinture. J'ai parlé de juguler la dette. Nous n'avons pas terminé le travail parce qu'il reste encore notamment le problème de la fiscalité à régler; de tous les pays développés, nous sommes celui où le fardeau fiscal est le plus lourd. Lorsqu'on a quelques sous d'économie parce que l'on a équilibré son budget et créé un excédent, il faut décider si on va consacrer cet argent à améliorer les programmes sociaux ou si on va l'investir dans la recherche- développement? Il est malaisé pour un politicien de faire accepter au contribuable l'idée d'investir son l'argent dans la recherche- développement pour mettre au point une technologie qui finit par atterrir aux États-Unis, sans lui avoir rapporté un sou.
M. John Baird: Ce n'est pas ce que je veux dire. La formule que je suggère peut ne rien coûter. Je ne parle pas de financer la recherche. Je parle seulement de trouver un moyen de s'arranger pour que les bonnes idées, venant de l'entité la plus modeste qui soit, puissent trouver de l'appui auprès des différents intervenants, y compris le gouvernement dans une certaine mesure. Je ne parle pas nécessairement de financement. Je parle seulement de faire preuve de plus d'intelligence et de communiquer.
Le président: Monsieur Daneshmend.
M. Laeke Daneshmend: À propos de ce que disait John Baird, j'estime que si ses démarches ont pu être aussi efficaces en Australie, c'est parce qu'il existe dans ce pays un organisme appelé la Australian Minerals Industries Research Association, qui diffuse très bien l'information parmi tous les intervenants. Cet organisme a également toute une série de politiques concernant la propriété intellectuelle et la commercialisation, qui s'appliquent à ses membres.
Nous avons utilisé deux organismes analogues au Canada, le Programme de participation mixte à la technologie des minéraux et le MIROC, qui ont tous deux disparu. Il existe actuellement un organisme appelé la Canadian Mining Industry Research Organization ou CAMIRO. Il ne représente toutefois qu'un tout petit secteur de l'industrie. C'est davantage un club qu'une association qui regroupe tous les intervenants.
Un mécanisme de ce genre nous permettrait par conséquent de rentabiliser davantage notre recherche dans ce secteur à forte intensité de savoir.
M. Irwin Itzkovitch: Je dois vous corriger sur deux ou trois points. Étant membre du conseil d'administration de la CAMIRO, je me dois de vous signaler qu'il ne s'agit pas d'un club. C'est un organisme qui essaie de former des partenariats dans le secteur du développement technologique.
Un problème tout simple se pose au Canada. De nombreuses entreprises canadiennes attendent dans l'ombre que les grosses sociétés mettent au point la technologie et essaient ensuite d'y avoir accès gratuitement. C'est un problème qu'il faut régler parce que Noranda et Noranda Falconbridge, dont nous possédons 48 p. 100 des actions, est un exemple; il y a ensuite Cominco et Inco... la liste des entreprises qui créent de la technologie s'arrête à peu près là.
Je vous signale qu'il n'est pas possible de faire une comparaison entre l'Australie et le Canada pour ce qui est du financement de la technologie. Il existe ici un excellent système appelé les chaires du CRSNG, qui n'existe pas en Australie. Ces chaires financées par l'industrie représentent un investissement considérable, non assujetti à des restrictions, dans le capital intellectuel du Canada. Noranda finance quatre chaires dans ce pays. Nous octroyons également des contrats pour un montant de 350 000 à 500 000 $ par an aux universités canadiennes.
Je vous rappelle qu'il ne faut pas oublier que la technologie ne connaît pas de frontières. Tant pis si on ferme le robinet ici au Canada. J'irai en Russie. J'irai en Chine. J'irai dans d'autres pays et je trouverai la technologie dont j'ai besoin pour être concurrentiel sur le marché mondial. Cela n'apporte toutefois rien au Canada.
Le problème de la propriété intellectuelle et celui de la nécessité de rendre des comptes au contribuable qui investit dans la technologie existent depuis toujours.
Vous avez vendu votre société aux Américains. Vous avez certainement reçu une certaine somme d'argent, sur laquelle vous payez des impôts. Sinon, vous avez un problème. Il faut toutefois adopter une approche globale et voir si l'investissement est rentable pour le contribuable.
Compte tenu de sa taille, le Canada représente un cas unique à l'échelle mondiale tant en ce qui concerne le niveau de vie que le régime d'assurance-maladie et toutes sortes d'autres bienfaits dont nous bénéficions grâce à notre mentalité et à nos investissements. Par conséquent, l'investissement fait par le Canada dans la technologie est extrêmement rentable pour les contribuables canadiens, je vous l'assure.
Le président: Nous devrions peut-être laisser parler M. Daneshmend.
M. Laeke Daneshmend: Je crois que Itzkovitch a raison lorsqu'il affirme que le maintien de la technologie sous notre contrôle est une cause perdue mais on dirait que la discussion a dévié sur le sujet de la recherche et de son efficacité.
• 1300
Pour s'assurer que la recherche effectuée au Canada dans les
secteurs de la technologie et du savoir dans le domaine minier soit
faite de façon à éviter le dédoublement, à assurer une certaine
cohérence, une certaine concentration, je crois qu'il y a
énormément à faire du côté de la coordination parce qu'il faut
avouer franchement qu'elle est totalement inexistante pour le
moment.
Pour poursuivre la comparaison avec l'Australie, je signale que l'AMIRA finance trois énormes centres de recherche liés à la technologie minière, des entreprises d'une envergure nettement supérieure aux efforts de recherche qui aient jamais été faits dans ce domaine par une université canadienne.
Quelqu'un a dit que les sociétés minières canadiennes financent la recherche universitaire et qu'elles financent des chaires. Je suis en fait payé grâce à une chaire financée par Noranda, ce dont je lui suis très reconnaissant. Je dois toutefois reconnaître qu'il existe un fossé énorme entre la recherche universitaire et les besoins de l'industrie. Ce n'est pas dans mon intérêt de dire cela.
Le président: Nous apprécions beaucoup votre honnêteté et votre franchise.
Vous avez peut-être un dernier commentaire à faire, monsieur Peeling. Ensuite, nous donnerons la parole à Carmen pour lui laisser poser une petite question, puis ce sera tout.
M. Gordon Peeling: Nous nous sommes légèrement écartés du sujet mais je pense que vous avez une bonne idée de la complexité du problème et des difficultés qui se posent dans ce domaine.
Je tiens à revenir à ce qu'on a dit au début. Comme l'a si bien dit John Baird tout au début de la discussion, l'envergure et l'état de santé de l'industrie minière canadienne est la clé de ce que l'on peut accomplir dans le domaine de la technologie et de la R-D. Pour assurer cette santé, il est nécessaire de garantir l'accès aux terres et d'instaurer un régime foncier stable.
Nous sommes confrontés à un gros problème. Nous encourageons le gouvernement à régler aussi rapidement que possible les revendications territoriales en Colombie-Britannique, compte tenu de la décision concernant les Delgamuukw entre autres. Par conséquent, il faut encourager le gouvernement à régler le plus vite possible les problèmes qui se posent dans les régions non colonisées pour qu'il ne subsiste aucun doute au sujet du régime foncier et de l'accès aux terres.
Nous avons également abordé le sujet de la réglementation environnementale. C'est absolument nécessaire.
Sur le plan fiscal, le Canada est relativement concurrentiel mais pas autant qu'il pourrait et devrait l'être. L'impôt sur le revenu des particuliers perçu par le gouvernement provincial représente près de 14 p. 100 du produit intérieur brut comparativement à 10 p. 100 aux États-Unis, 10,7 p. 100 en Allemagne, 9,7 p. 100 au Royaume-Uni et à 10 p. 100 en moyenne pour les pays de l'OCDE.
Vous direz que cela ne fait que 4 points de pourcentage de différence mais cela représente en réalité une différence de coût de projet de 40 p. 100, ce qui constitue un défi pour une industrie qui essaie de conserver l'investissement qu'elle a fait dans le savoir, par le biais de ses employés. Cela rend la tâche difficile. C'est un défi de taille pour cette industrie. C'est par conséquent un domaine où le gouvernement peut effectivement apporter certains changements, puisque le déficit est maintenant sous contrôle. Il faut axer ses efforts sur la réduction de la dette mais on peut essayer en même temps de régler le problème de la fiscalité.
En ce qui concerne la question de la propriété intellectuelle et du droit à cette propriété, je considère personnellement, fort de mes 25 années d'expérience dans cette industrie, qu'elle est basée sur un seul principe de gestion. Nous pouvons être concurrentiels par rapport à n'importe quel autre pays du monde pour autant que les règles du jeu soient équitables. L'industrie veut avoir accès au capital et à la propriété intellectuelle et elle ira les chercher là où elle pourra les trouver à des conditions qui lui permettront de rentabiliser son investissement. Au Canada, nous avons la possibilité de réaliser des économies d'échelle. Nous avons une industrie saine et nous voulons maintenir son secteur des services et celui de la R-D.
Nous ne sommes pas encore sortis du bois. Nous ne sommes pas arrivés au bout de nos peines. Il nous reste tous ces problèmes à régler. Il faut se demander si la coordination est suffisante et si les réseaux nécessaires sont en place.
Il en est de même en ce qui concerne notre souci de l'excellence. Je crois que ce sont des questions qu'il faut se poser sans cesse. Il faut toujours se demander ce que l'on pourrait faire pour améliorer les structures existantes. Il n'existe par contre à mon avis aucune possibilité de garder l'exclusivité de la propriété intellectuelle au Canada parce que nous ne disposons pas d'une base suffisante pour pouvoir la rentabiliser. Il faut qu'elle soit commercialisée dans le monde entier et cela impliquera toujours certaines concessions mutuelles.
Dans les autres pays, des sociétés minières comme Rio Tinto au Royaume-Uni, BHP en Australie, voire CODELCO-CHILE au Chili, qui a adapté une partie de la technologie de Noranda et lui fait concurrence pour sa vente sur le marché mondial... ne conservent pas ces technologies pour leur usage exclusif parce qu'aucune d'elles n'a les moyens de la rentabiliser toute seule.
Par conséquent, la technologie circule et nous devons l'utiliser pour être concurrentiels. Nous devons nous en servir.
M. David Chatters: Je n'insinuais pas qu'il faudrait se réserver l'usage exclusif de cette technologie. Je reconnais volontiers que ce n'est pas possible et que ce ne serait d'ailleurs pas souhaitable. Ce que je veux dire, c'est que le contribuable canadien fait un investissement considérable dans le développement de ces technologies. Des entreprises comme la vôtre l'utilisent et la vendent. En fin de compte, elles la vendent dans le monde entier. Je me demande s'il n'y aurait pas moyen que cela rapporte quelque chose aux contribuables.
M. Gordon Peeling: C'est valable dans les deux sens. Je connais une technologie mise au point par le U.S. Bureau of Mines qui n'a pas pu être vendue aux États-Unis. L'industrie canadienne l'a rachetée et elle nous rapporte gros depuis lors, au grand dam de toute l'industrie américaine. Ce ne sont donc pas toujours les mêmes qui en profitent.
Je prends toutefois note de ce que vous avez dit. Je crois qu'Irwin, qui peut parler de la gestion proprement dite de la propriété intellectuelle, est mieux placé que moi pour répondre à cette question.
M. Irwin Itzkovitch: J'ai deux choses à dire. L'année dernière, j'ai envoyé à Roy Cullen une lettre de plusieurs pages concernant le problème du capital intellectuel gouvernemental et sa valeur. Je pense que c'est vous qui examiniez la question. Je suis certain que M. Cullen vous montrera cette lettre et vous pourrez la consigner au compte rendu si vous voulez.
Le président: Ce serait bien si vous pouviez la faire parvenir au greffier pour qu'il la distribue.
M. Irwin Itzkovitch: D'accord.
Le président: Il s'agissait peut-être du comité de l'industrie mais si elle était adressée à Roy, je suis sûr qu'il vous donnera la permission de nous en communiquer le contenu.
M. Irwin Itzkovitch: Un tout dernier commentaire. La principale conclusion qui ressort de l'examen de la valeur du capital intellectuel que vous avez fait est que ce n'est pas tellement au niveau du développement de ce capital intellectuel que se situe le risque, mais surtout au niveau de son application. J'ai parlé du projet Magnola. Nous avons investi 720 millions de dollars dans ce projet qui sera peut-être un fiasco. Nous risquons de perdre ces 720 millions de dollars. L'investissement que nous avons fait dans la technologie, y compris l'usine-pilote, se chiffrait à 62 millions de dollars.
Les chercheurs ont tendance à évaluer une idée sans tenir compte des risques qu'il faut prendre pour la commercialiser. Ils veulent toucher des redevances énormes mais ne se rendent pas compte qu'il faut dépenser une fortune pour transformer une idée en projet, puis en produit commercial. Il ne faut surtout pas l'oublier.
M. David Chatters: Demandez à quiconque a suivi l'évolution de l'Énergie atomique du Canada et de l'énergie nucléaire.
M. Irwin Itzkovitch: Je travaillais dans l'industrie nucléaire.
Le président: C'est Carmen qui posera les dernières questions.
M. Carmen Provenzano: Malheureusement, monsieur le président, mes questions ne sont pas brèves du tout. Ce sont les questions que je voulais...
Le président: Nous sommes assis. Allez-y, Carmen.
M. Carmen Provenzano: Ce sont les questions que je voulais poser aux scientifiques du secteur forestier.
J'avais trois questions. Je vous en poserai deux et j'aimerais recevoir une réponse par écrit, si possible.
Vous avez dit quelque chose d'intéressant, monsieur Itzkovitch. Vous avez dit que nos universités et nos laboratoires gouvernementaux traversent une crise financière tant sur le plan de l'infrastructure que sur celui du personnel, et que cela a certaines répercussions. J'ai également noté vos commentaires sur les problèmes que comporte la mise en application de la technologie.
Je suppose que le tout c'est de savoir si nous sommes en mesure, au départ, de trouver les technologues et les techniciens qui ont déjà la formation voulue pour remplir les fonctions nécessaires dans votre industrie, et cela est valable non seulement pour le secteur minier mais aussi pour le secteur forestier. Pouvez-vous par exemple trouver directement des techniciens en géomatique ou faut-il compter sur le secteur privé et le gouvernement pour leur donner le supplément de formation nécessaire pour qu'ils répondent à nos besoins?
Mon autre question concerne les commentaires que vous, ainsi que les autres témoins, avez faits sur la position de chef de file qu'occupe le Canada dans certains secteurs de la technologie minière. Je crois que c'est également vrai en ce qui concerne l'industrie forestière, sauf que dans ce cas-là, nous avons perdu notre place dans deux ou trois secteurs.
• 1310
La question que je voudrais vous poser est la suivante, si
vous voulez bien y répondre—elle se trouve d'ailleurs dans la
lettre—: dans quels secteurs sommes-nous en tête pour le moment?
À quoi attribuez-vous principalement notre rôle de chef de file?
Quels sont les secteurs où nous avons perdu notre position de tête?
Pourriez-vous nous citer les principales raisons de ce changement?
Dans quels secteurs...
M. Irwin Itzkovitch: Je n'arrive pas à écrire assez vite pour suivre votre rythme.
M. Carmen Provenzano: Je comprends.
Dans quels secteurs pourrions-nous éventuellement prendre la position de tête et que faut-il faire pour y arriver?
J'apprécierais beaucoup que vous me disiez ce que vous en pensez, messieurs, surtout vous, monsieur Itzkovitch, étant donné votre double expérience.
J'ai également de longues questions à poser concernant la propriété intellectuelle. C'est bien beau d'avoir le contrôle de la technologie. Ce serait toutefois encore mieux de pouvoir avoir un certain contrôle sur ceux qui l'utilisent sous licence. Cela pourrait rapporter de l'argent.
Je trouve que les questions posées par M. Chatters sont pertinentes. Vous avez déjà répondu en partie à mes questions. Je les garderai pour une autre fois.
Merci beaucoup.
M. Irwin Itzkovitch: Peut-être quand vous visiterez le centre de technologie de Noranda.
M. Carmen Provenzano: Je le visiterais avec plaisir.
M. Irwin Itzkovitch: Puis-je répondre à la première question seulement, monsieur le président? Je crois que c'est facile.
Le président: Oui.
M. Irwin Itzkovitch: Quant à la deuxième question, c'est très compliqué.
En ce qui concerne la première question je dirais que, dans ma branche du moins—qui couvre les technologies basées sur le savoir et ce que j'appellerais les technologies liées aux procédés et au développement des produits—nous n'éprouvons pas beaucoup de difficultés à trouver des personnes possédant les qualifications et les connaissances voulues. Nos universités font de l'excellent travail en matière de formation.
Le problème se situe au niveau de l'excellence des diplômés. J'ai l'impression que, dans les secteurs que je connais du moins, c'est-à-dire dans l'industrie minière et dans l'industrie forestière, les meilleurs éléments ne se lancent pas dans des études en génie, à cause de l'image de ces secteurs. Ils s'orientent vers l'élaboration de logiciels et vers le génie électrique. C'est un problème pour nous, parce que nous ne voulons que les meilleurs éléments. Nous nous sommes créé une image qui n'attire pas les éléments les plus doués dans ces facultés.
J'ai vu quelques chiffres intéressants. Le Québec produit six ou sept fois plus de diplômés ayant une maîtrise ou un doctorat en génie minier que les autres provinces. Dans le secteur métallurgique, c'est la Colombie-Britannique qui en produit le plus à ces niveaux, l'Ontario venant en deuxième place, alors que le Québec ne veut même pas essayer.
Je crois que c'est dû au fait qu'au Québec, on considère les sciences minières comme une excellente branche. Personne n'est conscient du fait que l'industrie minière est une industrie qui n'est pas uniquement axée sur l'extraction mais qu'elle produit également tous les produits que vous représentez. Il y a toute une éducation à faire dans ce domaine et un problème de perception à surmonter. C'est un obstacle majeur pour les industries à base de savoir de notre secteur.
Le président: Merci pour ces questions, monsieur Provenzano. Nous pourrons peut-être obtenir une réponse aux autres questions de Carmen par l'intermédiaire du bureau de l'AMC, avec l'aide si possible de Dan Paszkowski qui se trouve là derrière.
Au nom de tous mes collègues, je tiens à vous remercier d'être venus aujourd'hui. Vous avez été très patients. Vous êtes en fait le premier des divers secteurs axés sur l'exploitation des ressources naturelles à comparaître dans le cadre d'un groupe spécial comme celui-ci. Vous nous avez donné amplement matière à réflexion, dans la mesure où nous pouvons avoir une influence sur les politiques gouvernementales susceptibles de contribuer à encourager et à élargir les connaissances canadiennes dans le domaine des technologies de pointe. Nous y arriverons avec votre aide, pour laquelle nous vous remercions.
Je termine sur cette parole. J'espère que nous vous reverrons. Nous nous réservons le droit de vous parler à nouveau.
La séance est levée.