SIFS Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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SUB-COMMITTEE ON INTERNATIONAL FINANCIAL REPORTING GUIDELINES AND STANDARDS FOR THE PUBLIC SECTOR OF THE STANDING COMMITTEE ON PUBLIC ACCOUNTS
SOUS-COMITÉ DES LIGNES DIRECTRICES ET NORMES INTERNATIONALES RELATIVEMENT AUX ÉTATS FINANCIERS DU SECTEUR PUBLIC DU COMITÉ PERMANENT DES COMPTES PUBLICS
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mercredi 5 mai 1999
Le président (M. John Williams (St. Albert, Réf.)): Bonjour, mesdames et messieurs. La séance est ouverte. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, notre comité poursuit son étude en vue de promouvoir l'adoption de Lignes directrices et normes internationales visant les rapports financiers du secteur public.
Nos témoins sont, de l'International Federation of Accountants (Fédération internationale des comptables), M. Erik Peters, vérificateur de la province de l'Ontario. Soyez le bienvenu, monsieur Peters.
Nous accueillons aussi M. David Rattray, vérificateur général adjoint du Canada, qui a comparu à maintes reprises devant le Comité des comptes publics. Soyez le bienvenu au sous-comité.
Est également présent M. Ronald Salole, directeur adjoint des normes comptables de l'Institut canadien des comptables agréés (ICCA). Il a pris place du côté des ministériels car il a des diapositives à nous présenter. Il m'a assuré qu'il ne voterait pas comme le gouvernement—peut-être comme l'opposition, mais pas comme le gouvernement.
Sans plus tarder, nous passons aux remarques liminaires.
Monsieur Peters.
M. Erik Peters (membre votant du Canada, Comité du secteur public, International Federation of Accountants): Merci beaucoup, monsieur le président.
Ceux qui ont un oeil de lynx ont probablement vu que j'ai un stylo rouge, comme tout bon vérificateur. Mais le véritable outil du vérificateur, comme vous le savez, est le crayon qui comporte une gomme à effacer à chaque bout.
Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant le sous-comité afin de vous parler des normes internationales relativement aux états financiers du secteur public.
Le président a déjà présenté les collègues qui m'accompagnent, M. Ron Salole, comptable agréé et directeur des normes comptables de l'Institut canadien des comptables agréés, et M. David Rattray, qui n'est pas qu'un comptable général licencié, il porte aussi le titre de fellow. Il est vérificateur général adjoint au Bureau du vérificateur général du Canada, comme l'a aussi indiqué le président. Ces deux personnes sont mes conseillers techniques et appuient depuis plusieurs années la position du Canada au sein du Comité du secteur public de l'International Federation of Accountants (IFAC).
• 1535
Comme vous le savez, je suis le vérificateur provincial de
l'Ontario, et tout de suite après mon départ, on a décidé d'y
déclencher des élections. Mais je suis ici strictement en ma
capacité de membre votant du Canada au sein du Comité du secteur
public de l'International Federation of Accountants. Je tiens à ce
que cela soit bien clair. J'ai également été président du conseil
sur la comptabilité dans le secteur public de l'ICCA dont
Ron Salole est un des administrateurs.
Tout d'abord, je veux vous dire que nous sommes très heureux que votre comité ait décidé de centrer ses efforts sur la question des normes internationales pour le secteur public. Comme vous le constaterez, c'est une nouvelle question qui touche les administrations publiques dans le monde entier et une question qui présente un grand intérêt pour de nombreux gouvernements et pour les prêteurs du gouvernement comme la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, pour n'en nommer que quelques-uns.
Mon commentaire d'introduction est bref. Avec la permission du sous-comité, nous aimerions prendre 45 minutes pour discuter avec vous de trois sujets. Le premier sujet sera présenté par M. Rattray et portera sur les travaux du Comité du secteur public de l'International Federation of Accountants. Le deuxième sujet sera présenté par M. Ron Salole et portera sur l'élaboration de normes comptables pour le secteur public. Je résumerai ensuite la situation des états financiers à l'échelle internationale et la position du Canada dans ce contexte. Nous croyons que ces exposés vous donneront un bon aperçu de ce qui se passe à l'échelle internationale dans les domaines de l'élaboration de normes et de la présentation des états financiers pour le secteur public.
Sur ce, je cède la parole à David Rattray.
M. David Rattray (vérificateur général adjoint du Canada; International Federation of Accountants): Merci, Erik. Monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité, avant de commencer, je vous ferai remarquer que j'ai distribué à chacun d'entre vous un exemplaire des acétates auxquels je me reporterai. Ils commencent par une colonne dont l'en-tête est IFAC; vous pourrez donc suivre avec moi plus facilement. Vous pourrez aussi conserver ce document.
L'International Federation of Accountants, mieux connue sous l'acronyme IFAC, est une organisation mondiale de la profession comptable. Il s'agit d'une organisation internationale, apolitique, non gouvernementale et à but non lucratif, qui regroupe les organismes comptables. Tout organisme comptable reconnu, en droit ou par consensus général, dans son pays comme organisme national important de bonne réputation dans la profession comptable peut être membre de l'IFAC. À l'heure actuelle, l'IFAC compte quelque 140 organismes membres de 101 pays membres et représente plus de 2 millions de comptables.
Le Comité du secteur public est un comité permanent du conseil de l'IFAC constitué pour répondre, de façon concertée à l'échelle mondiale, aux besoins des personnes qui oeuvrent dans les domaines de la gestion financière, des rapports financiers, de la comptabilité et de la vérification dans le secteur public. À cet égard, le terme «secteur public» signifie les gouvernements nationaux, régionaux (comme les États, provinces et territoires), les administrations locales (comme les villes et municipalités) et les entités gouvernementales connexes (comme les organismes, offices, commissions et entreprises).
Les membres du Comité du secteur public sont nommés par les organismes membres des pays choisis par le conseil de l'IFAC pour siéger au comité. Les pays sont nommés pour un mandat initial de deux années et demie, qui peut être reconduit. De plus, le conseil peut nommer une ou plusieurs organisations internationales au comité à titre d'observateurs.
La mission du Comité du secteur public est d'accroître le rendement du secteur public en contribuant à l'amélioration de la prise de décisions, de la gestion financière et de la reddition de comptes dans le secteur public. Il le fait en établissant les meilleures pratiques dans le domaine de la comptabilité et des rapports financiers, et de la vérification et de la gestion financière et en en faisant la promotion.
Le secteur public connaît dans de nombreux pays des changements profonds et rapides et le Comité du secteur public a un rôle essentiel à jouer en exerçant une influence sur les changements et en sensibilisant les intéressés aux meilleures pratiques.
• 1540
Selon son mandat, le comité est tenu d'élaborer des programmes
visant à améliorer la gestion financière et la reddition de comptes
dans le secteur public, notamment d'élaborer des normes de
comptabilité et de vérification et d'en promouvoir l'acceptation;
d'élaborer et de coordonner des programmes pour promouvoir
l'éducation et la recherche; d'encourager et de faciliter l'échange
d'information entre les organismes membres et les autres parties
intéressées.
Une des orientations stratégiques du Comité du secteur public est l'élaboration de normes faisant autorité en matière de comptabilité et de rapports financiers. C'est ainsi que le comité peut le mieux contribuer à sa mission. En adoptant cette position, le comité peut à la fois miser sur ses propres forces, sa capacité et son rôle sur la scène internationale, et aussi tirer parti efficacement des travaux d'autres organismes comme le Comité international de normalisation de la comptabilité.
En élaborant un jeu de normes internationales pour la comptabilité et les rapports financiers dans le secteur public et en en faisant la promotion, le Comité du secteur public vise à fournir des repères à ceux qui cherchent des lignes directrices en matière de comptabilité et de rapports financiers des gouvernements, comme les organisations internationales, par exemple, la Banque mondiale, le Programme des Nations Unies pour le développement, le Fonds monétaire international et la Banque asiatique de développement, et les organismes comptables professionnels.
Je suis fier de souligner que le Canada entretient depuis longtemps des relations significatives avec le Comité du secteur public de l'IFAC. Feu M. John Kelly, de l'Institut canadien des comptables agréés, et un ex-vérificateur général, M. Kenneth Dye, ont contribué à la création du comité en 1981. Depuis, le Canada en a été continuellement membre et a participé énormément à l'évolution du comité.
L'élément central de la stratégie actuelle du comité pour élaborer des normes faisant autorité en matière de comptabilité et de rapports financiers est le projet de normes qu'a entrepris le comité en 1996. Il s'agit d'un projet à moyen terme visant à produire des lignes directrices sur les rapports financiers des gouvernements et un jeu de normes internationales en matière de rapports financiers pour le secteur public. Je prends un moment pour traiter plus en détail de ces deux points.
En ce qui concerne les lignes directrices sur les rapports financiers des gouvernements, l'objectif de la première partie du projet de normes est d'élaborer des lignes directrices complètes sur l'application des méthodes de comptabilité utilisées par les gouvernements. Les quatre méthodes comptables pour lesquelles on élabore des lignes directrices sont la comptabilité de caisse, la comptabilité de caisse modifiée, la comptabilité d'exercice modifiée et la comptabilité d'exercice. Les lignes directrices ont été publiées sous forme d'exposés-sondages en mars 1998.
Le Comité du secteur public étudie actuellement les commentaires reçus et compte diffuser la version définitive des lignes directrices plus tard cette année. Nous avons aussi un exemplaire des lignes directrices sur les rapports financiers des gouvernements.
La deuxième partie traite de l'application des normes comptables internationales au secteur public. La deuxième partie du projet de normes vise à produire un jeu cohérent de normes comptables internationales pour le secteur public, fondé surtout sur les normes comptables internationales adoptées par le Comité international de normalisation de la comptabilité pour le secteur privé.
Les normes comptables internationales sont élaborées par les entreprises du secteur privé suivant la méthode de la comptabilité d'exercice. Pour la deuxième partie du projet, le Comité du secteur public vise à déterminer l'applicabilité de chaque norme comptable internationale aux méthodes de comptabilité utilisées par les gouvernements.
Le comité a décidé d'utiliser les normes comptables internationales comme base pour ses normes pour le secteur public afin qu'elles soient conformes, lorsque possible, aux lignes directrices internationales actuelles, et afin d'éviter de réinventer la roue pour le secteur public.
Le comité croit que le fait d'utiliser les normes comptables internationales comme base pour les normes comptables pour le secteur public permettra d'améliorer considérablement les rapports financiers des gouvernements. Plus généralement, le comité croit que l'élaboration d'un jeu de normes faisant autorité en matière de rapports financiers pour le secteur public contribuera sensiblement à l'harmonisation de la comptabilité et des rapports financiers au sein des administrations et entre celles-ci, de même qu'à l'harmonisation des rapports financiers entre les méthodes axées sur l'économie et la comptabilité.
La deuxième partie du projet a progressé sensiblement au cours de l'année dernière. Plus particulièrement, les huit exposés-sondages sur les normes de comptabilité internationales pour le secteur public ont été publiés, et d'autres exposés-sondages doivent l'être d'ici la fin de l'année.
• 1545
Le projet de normes a été lancé en 1996 grâce à des fonds
extérieurs fournis par la Banque mondiale, la Banque asiatique de
développement, le Programme des Nations Unies pour le développement
et le Fonds monétaire international. Le secrétariat du projet, qui
compte un personnel de deux équivalents temps plein et demi, est
établi en Nouvelle-Zélande.
Et que nous réserve l'avenir? Tout d'abord, le Comité du secteur public doit terminer le jeu de normes de base. Le jeu de normes de base que le comité élabore actuellement est fondé sur les normes comptables internationales qui existaient le 31 août 1997, ou sur leurs versions révisées ultérieurement. Cela limite le nombre de nouvelles normes internationales à 22. Cependant, de nouvelles normes comptables internationales ont été élaborées et diffusées depuis, ce qui en porte le total à 38.
Le besoin de diffuser les lignes directrices et les normes comptables internationales pour le secteur public dans d'autres langues que l'anglais s'est fait sentir. Il faut aussi sensibiliser les intéressés aux travaux d'élaboration de normes comptables internationales pour le secteur public du comité par une stratégie de promotion active.
Il faut aussi étudier le programme de travail à long terme que pourra entreprendre le comité lorsqu'il aura terminé le jeu initial de 22 normes de base. Plus particulièrement, il faudra une stratégie pour régler les lacunes que pose, le cas échéant, l'application des normes comptables internationales au secteur public. L'approche que le comité prend actuellement dans l'élaboration des normes comptables internationales pour le secteur public est d'appliquer les dispositions de chaque norme comptable internationale au secteur public.
Il doit pour cela considérer l'applicabilité des normes aux rapports financiers dans le secteur public; évaluer la pertinence de commentaires et d'exemples explicatifs pour le secteur public; examiner le caractère adéquat de la langue et de la terminologie utilisées pour les normes comptables internationales, et évaluer la mesure dans laquelle les normes comptables internationales peuvent s'appliquer aux méthodes de comptabilité autres que la méthode de comptabilité d'exercice.
Dans la mesure du possible, le comité ne modifie le libellé d'une norme comptable internationale que lorsqu'il existe des raisons valables, propres au secteur public, de le faire. Dans l'application des normes comptables internationales, le comité décèle des lacunes et continuera d'en déceler. Le terme «lacune» dans ce contexte veut dire des questions de comptabilité et de rapports financiers qui revêtent une importance particulière ou qui sont pertinents pour le secteur public et qui ne sont pas pris en compte par une norme comptable internationale.
Lorsque le comité constate de telles lacunes, il en prend note pour les inclure dans son programme de travail futur. Dans la phase actuelle du travail, le comité ne propose pas de solutions à ces lacunes. Cependant, la plupart des lacunes décelées, voire toutes, portent sur des questions urgentes dans le contexte des rapports financiers du secteur public, et leur solution devrait être une priorité du programme de travail qui suivra l'élaboration du jeu des 22 normes de base.
Il faut convertir les nouvelles normes comptables internationales aux normes comptables internationales pour le secteur public.
Enfin, il faut trouver sans cesse d'autres fonds.
Je vous remercie, monsieur le président. Voilà qui conclut mon commentaire. Je serai heureux de répondre à toute question sur mon exposé.
Le président: Merci, monsieur Rattray.
Voulez-vous poursuivre, monsieur Peters?
M. Erik Peters: C'est M. Salole qui prendra maintenant la parole.
Le président: D'accord. Nous vous donnons une minute pour vous installer, monsieur Salole.
M. Ronald Salole (directeur adjoint, Normes comptables, Institut canadien des comptables agréés): Dans les dix minutes qui me sont attribuées, j'aimerais vous faire part de mon point de vue, en tant que Canadien, et de mes réflexions sur la façon dont les normes comptables du secteur public sont établies à l'échelle internationale.
Mes diapositives sont tirées d'un exposé que j'ai présenté à un auditoire d'environ 150 représentants de la Banque mondiale à Washington la semaine dernière. Je l'ai adapté à nos fins particulières, mais j'ai entretenu ces personnes de la façon dont les Canadiens perçoivent l'élaboration des normes internationales. Je mettrai surtout l'accent sur l'expérience canadienne en matière d'établissement de normes pour le secteur public. J'ai distribué le texte de mes diapositives aux membres du comité.
Je tenterai surtout de répondre à la question de savoir pourquoi des normes existent. Je vous dirai d'abord quelques mots sur l'approche canadienne. Puis, je vous décrirai comment les gouvernements se conforment aux normes canadiennes et j'établirai des comparaisons et ferai ressortir les contrastes entre cette approche et celle des autres organismes de normalisation du secteur public.
Dans les années 80, à l'époque où il n'y avait pas de normes comptables pour le secteur public, pour les gouvernements, au Canada, l'ICCA a entrepris, à la demande expresse du vérificateur général, une étude pancanadienne sur les états financiers des gouvernements. Le groupe de spécialistes qui a mené l'étude est arrivé à une conclusion qui a, je crois, résumé en une seule ligne la nécessité d'établir des normes. Le groupe a déclaré:
-
Les états financiers des administrations publiques canadiennes sont
maintenant si complexes et si différents par leur présentation et
leur terminologie que même les personnes versées dans la
comptabilité publique ont du mal à apprécier les renseignements
fournis.
C'était dans les années 80 et ce que j'ai voulu faire comprendre à mon auditoire de la Banque mondiale, c'est que les choses n'ont pas beaucoup changé à l'échelle mondiale. Si je modifiais quelque peu cette citation, si j'éliminais les mots «Canadiens», je pourrais dire que, au niveau international, les états financiers des administrations publiques sont maintenant si complexes, si fragmentés et si différents par leur présentation et leur terminologie que même les personnes versées dans la comptabilité publique ont du mal à apprécier les renseignements fournis. Je crois que cette déclaration a fait effet la semaine dernière chez les personnes devant qui je faisais cet exposé.
Je vous donne brièvement quelques exemples qui illustrent cet état de choses. Je suis allé récemment dans un pays asiatique qui faisait des états financiers partiels, et j'ai remarqué que, il y a à peine quelques semaines, on mettait la touche finale aux états financiers de 1991-1992—autrement dit, les états financiers de 1991-1992 ont été terminés en 1999. Au Royaume-Uni, on n'a toujours pas de bilan. On a encore des listes de comptes créditeurs et de comptes débiteurs, mais ces comptes ne sont pas rassemblés dans un bilan, de sorte qu'on n'a pas d'états financiers pour l'ensemble du gouvernement. À l'heure actuelle, c'est le cas de la plupart des gouvernements du monde.
Qu'avons-nous fait au cours de 19 dernières années, depuis que nous avons commencé à élaborer des normes? Je vous décrirai d'abord le contexte canadien, puis la façon dont nous élaborons des normes comptables pour le secteur public et, enfin, je comparerai notre approche à celle des États-Unis et des organisations internationales de normalisation.
Devant un auditoire international, je dois expliquer que le Canada comprend 14 gouvernements et que chacun d'entre eux est une entité de rapport financier distincte. C'est ce que je tente de faire avec cette diapositive.
Au Canada, les normes sont élaborées par un conseil comptant 12 membres. Ces membres sont des cadres supérieurs et des experts des rapports et de la vérification au sein du gouvernement d'un peu partout au pays, et comprennent des sous-ministres, des contrôleurs et des vérificateurs généraux.
• 1555
Les frais divers sont remboursés par l'ICCA, mais bon nombre
des bénévoles—tous les représentants du gouvernement siègent
bénévolement à nos comités—représentent la contribution du
gouvernement, contribution considérable à l'élaboration des normes
comptables du secteur public.
Cela se fait conformément à un processus de normalisation très réputé semblable à ceux adoptés par la plupart des organismes de normalisation du monde.
Le conseil a des groupes de travail et des associés. Nous comptons environ 35 membres de groupe de travail et 200 associés, et nous tenons des consultations exhaustives avant l'établissement des normes.
Pour l'élaboration des normes du secteur public, nous avons décidé dès le départ de considérer les gouvernements comme étant différents des entreprises et, par conséquent, de trouver un cadre qui s'appliquerait aux paliers supérieurs de gouvernement.
De plus, nous avons cru bon d'élaborer un modèle de présentation de l'information financière adapté aux entreprises des entités gouvernementales. Le modèle standard figurant actuellement dans notre manuel prévoit la constatation par régularisation des revenus et des dépenses sans qu'il soit possible, comme c'est le cas dans le secteur privé, de les reporter. Les dépenses en capital ne peuvent donc être reportées.
Ce modèle nécessite aussi que soient signalés tous les éléments de passif et tous les avoirs financiers. Il prévoit aussi que la mesure première, le fondement même des états financiers, est l'endettement net, qui est formulé comme étant les éléments de passif moins les avoirs financiers.
J'aimerais consacrer quelques minutes à la diapositive suivante. J'y compare notre processus à celui des États-Unis et de diverses organisations internationales. Au Canada, c'est le Conseil sur la comptabilité dans le secteur public qui établit les normes.
Aux États-Unis, il y a deux organismes de réglementation. Il y a le Financial Accounting Standards Advisory Board, le FASAB, qui fixe les normes pour le gouvernement fédéral, et le GASB, le Governmental Accounting Standards Board, qui établit les normes pour les gouvernements d'État et les gouvernements locaux. Il y a donc deux organisations distinctes. Au niveau international, l'organisme de normalisation est le Comité du secteur public de l'IFAC.
Outre ces organismes-là, il y a bien peu d'organisations de normalisation dans le monde. Il y a, en Australie, un comité du secteur public qui sera sous peu fusionné à son comité de normalisation pour le secteur privé.
L'INTOSAI a aussi un comité de normalisation comptable, mais il se contente de réagir plutôt que de fixer des normes.
Vous voyez à l'écran tous les organismes de normalisation de la comptabilité du secteur public: un au Canada, deux aux États-Unis et un au niveau international.
Pour ce qui est de leur portée, ils diffèrent quelque peu. Le Conseil sur la comptabilité dans le secteur public du Canada établit des normes pour tout ce qui relève du secteur public, y compris les gouvernements, les organisations gouvernementales et les organismes appartenant en partie au gouvernement.
Aux États-Unis, le FASAB n'établit des normes que pour l'organe fédéral, le gouvernement national, alors que le GASB s'occupe des gouvernements des États et des municipalités. Le Comité du secteur public de l'IFAC a une portée semblable à celle du CCSP.
Ces organismes sont-ils tous indépendants? Oui, certains d'entre eux le sont. Le Conseil sur la comptabilité dans le secteur public est indépendant des gouvernements, des auteurs d'états financiers et des vérificateurs. Le FASAB ne l'est pas. Le FASAB est financé par trois ministères, celui du Vérificateur général, celui de la Gestion et du Budget, et celui du Trésor. Il relève de ces ministères. Il n'est donc pas entièrement indépendant du gouvernement et cela a une incidence sur la question de savoir si les normes qu'il fixe seront acceptées par les vérificateurs.
Le GASB est indépendant. C'est un organisme pratiquement indépendant financé par la Financial Accounting Standards Foundation, de laquelle relèvent à la fois le Conseil de normalisation de la comptabilité publique et le Conseil des états financiers du secteur privé, le FASB.
• 1600
Les méthodes de comptabilité sont aussi quelque peu
différentes. Au Canada, nous n'avons pas de normes pour la
comptabilité de caisse. Aux États-Unis, ni l'un ni l'autre des deux
organismes ne traite de comptabilité de caisse. Au niveau
international, ces normes sont nécessaires; j'en reviens à mon
exemple du pays asiatique en développement qui n'avait pas établi
d'états financiers depuis 1991 comme preuve de la nécessité, de la
très grande nécessité, de la méthode comptable de caisse.
À l'heure actuelle, les normes qui existent au Canada s'appliquent à la méthode de la comptabilité d'exercice modifiée. Le FASAB n'établit pas de normes pour cette méthode et le GASB ne le fait que pour les fonds publics. Au niveau international, cette question n'a pas encore été résolue et est à l'étude.
En ce qui concerne la comptabilité d'exercice, des normes sont en voie d'élaboration au Canada. Certaines sont déjà en place, mais l'étude n'est pas encore terminée. Aux États-Unis, le FASAB a sa propre version de ce qu'il appelle la comptabilité d'exercice. Ainsi, les éléments d'actifs militaires ou de missions ne sont pas considérés comme des actifs capitalisés, mais plutôt comme des stocks. Le GASB a des normes de comptabilité d'exercice pour les fonds d'entreprises. Et au niveau international, comme l'a indiqué David tout à l'heure, les normes s'appliquent à la comptabilité d'exercice.
Pour nos paliers supérieurs de gouvernement, voici la diapositive que j'ai préparée. Une fois par année, l'ICCA passe en revue les états financiers de tous les paliers supérieurs de gouvernement et établit les critères de conformité; un exemplaire de ce document est envoyé au vérificateur et au contrôleur qui le vérifient. À l'heure actuelle, nous n'avons pas de critères... Nous n'avons pas reçu de réponses encore. Mais selon l'analyse des états financiers de 1998, comme vous pouvez le constater, la conformité aux normes est très élevée.
Parmi les gouvernements qui ne respectent pas toutes les normes, on compte le Manitoba, qui n'inclut toujours pas ses éléments d'actifs liés aux régimes de retraite, par exemple, et certaines provinces maritimes qui n'incluent pas toutes les entités requises. Mais, en général, le respect des normes est très élevé.
Enfin, monsieur le président, j'aimerais dire quelques mots sur l'avenir de la normalisation, car j'ai l'impression qu'un des enjeux dont on devra traiter dans un avenir rapproché, est celui des indicateurs financiers.
L'état des finances publiques traduit la santé financière d'un gouvernement, santé qui est mesurée en fonction d'éléments tels que la capacité d'endettement et de remboursement, la souplesse et la vulnérabilité, la souplesse étant la capacité pour un gouvernement de maintenir ses programmes existants sans nécessairement s'endetter davantage. C'est un indicateur clé.
La souplesse est la capacité pour un gouvernement d'accroître ses ressources futures, soit en augmentant ses revenus ou en réduisant sa dette. Une certaine souplesse est nécessaire.
La vulnérabilité traduit la dépendance d'un gouvernement et, par conséquent, sa vulnérabilité à l'égard de diverses sources de financement. Je suis heureux de constater que le gouvernement fédéral inclut des informations à ce sujet dans ses trousses d'information financière.
La dette publique en pourcentage du PIB est un bon indicateur de la viabilité. Les statistiques sur le fardeau des intérêts sont un bon indicateur de la souplesse.
J'ai donc tenté de vous donner, sous l'angle canadien, certaines comparaisons entre l'élaboration de normes au Canada et l'élaboration de normes au niveau international et aux États-Unis. Mais le monde compte très peu d'organismes de normalisation du secteur public.
Cela met fin à mon exposé, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup.
Nous passons maintenant...
M. Erik Peters: Monsieur le président, j'ai quelques brèves remarques à faire, si vous me le permettez.
Le président: Certainement, je vous en prie.
M. Erik Peters: Pour mon exposé, j'aimerais développer l'énoncé suivant de votre attaché de recherche: «La question est de savoir si la situation financière du gouvernement fédéral canadien semblerait plus favorable si le gouvernement utilisait les méthodes de présentation des états financiers d'autres pays de l'OCDE». Il a également dit que certains membres du comité ont déclaré qu'ils aimeraient utiliser la possibilité de créer une norme internationale pour les états financiers dans le secteur public, lorsque le Comité permanent des comptes publics reprendra ses travaux à l'automne 1998. Certaines informations de base sur les travaux réalisés à l'échelle internationale éclaireraient peut-être vos délibérations.
• 1605
Comme M. Rattray l'a mentionné, l'International Federation of
Accountants est la plus importante organisation dans le monde pour
la profession comptable. Elle a comme mission de faire progresser
la profession afin qu'elle soit en mesure de fournir constamment
des services de grande qualité dans l'intérêt public.
L'IFAC est composée de quelque 140 organisations de comptables professionnels dans environ 100 pays et elle représente plus de deux millions de comptables. Le Conseil de l'IFAC a autorisé son comité du secteur public à publier, en son nom, des normes, des lignes directrices, des études et des communication sur les états financiers, la comptabilité et la vérification dans le secteur public, c'est-à-dire pour les gouvernements.
En 1998, le Comité du secteur public a publié un exposé-sondage intitulé «Guidelines for Governmental Financial Reporting». David vous l'a déjà montré. Dans l'introduction des lignes directrices, le Comité du secteur public fait les commentaires suivants. Si vous me le permettez, je vais tenter de m'exprimer en français quelques instants même si je suis un peu rouillé.
[Français]
Les utilisateurs des états financiers du gouvernement ont besoin d'information pour évaluer la position et la situation financières générales du gouvernement; évaluer le rendement du gouvernement et sa capacité de continuer de fournir le niveau actuel de services; prédire le moment et le volume des flux monétaires, ainsi que les exigences futures en matière de liquidités et d'emprunts; et évaluer la capacité du gouvernement de remplir ses obligations à court et à long terme.
[Traduction]
On peut voir jusqu'à quel point cette information financière est importante. Plus tard, je vous citerai peut-être l'opinion reçue des États-Unis de leur General Accounting Office, lors de leur première tentative au cours de leur histoire pour préparer les états financiers du gouvernement des États-Unis.
Pour pouvoir répondre à ces besoins, les gouvernements doivent communiquer l'information sur leurs actifs, leurs passifs, leurs recettes et leurs dépenses ainsi que l'information sur les risques de pertes et les obligations éventuelles découlant des éventualités et des engagements. Dans un cadre comptable sain, une telle information est un élément essentiel à l'efficacité de la prise de décision et de la reddition de comptes.
Les entités du secteur public (gouvernements), dans le monde, suivent diverses pratiques comptables. Les états financiers des gouvernements sont souvent influencés par les politiques et les pratiques prévues par la loi. Cela signifie que les normes déterminent nos lois, comme l'a fait le Conseil sur la comptabilité dans le secteur public au Canada, par la persuasion—non pas en disant aux gouvernements ce qu'ils doivent faire, mais en les persuadant que c'est dans l'intérêt d'une bonne comptabilité publique et de la reddition de comptes.
Dans beaucoup de pays, y compris des pays de l'OCDE, on ne trouve pas de normes pour la comptabilité et les états financiers, ou bien ces normes sont à l'état embryonnaire ou encore elles s'appliquent uniquement à certains types d'entités dans le secteur public. Par exemple, le gouvernement suisse a une très bonne comptabilité pour ses cantons, mais la comptabilité n'est pas aussi bonne pour le gouvernement fédéral comme tel.
Bien que les gouvernements aient des pratiques diverses pour la comptabilité et la gestion financière, on peut faire certaines généralisations. La plupart des gouvernements utilisent de l'information fondée sur la comptabilité de caisse pour la préparation du budget, la comptabilité et la gestion financière. Pour les entreprises commerciales, certains gouvernements utilisent une information fondée sur la comptabilité de caisse modifiée mais bon nombre utilisent par contre une information fondée sur la méthode de la comptabilité d'exercice ou la méthode de la comptabilité d'exercice modifiée.
Les quatre méthodes comptables pour lesquelles on élabore des lignes directrices dans le cadre du projet de normes du Comité du secteur public sont: la comptabilité de caisse, la comptabilité de caisse modifiée, la comptabilité d'exercice modifiée et la comptabilité d'exercice. Le Canada considère ça comme une progression d'une base à l'autre. En d'autres termes, la forme la moins élevée est la comptabilité de caisse et la forme la plus élevée est la comptabilité d'exercice intégrale.
L'Institut canadien des comptables agréés, par l'intermédiaire de son Conseil sur la comptabilité dans le secteur public, est l'un des rares organismes qui établissent des normes comptables pour le secteur public dans le monde. Le Conseil a réussi à persuader le gouvernement fédéral et tous les gouvernements provinciaux du Canada de préparer des états financiers sommaires annuels pour l'ensemble du gouvernement d'après la méthode de la comptabilité d'exercice modifiée. Certains gouvernements provinciaux ont même décidé d'utiliser la comptabilité d'exercice intégrale, et le gouvernement fédéral prévoit le faire très prochainement.
• 1610
L'Alberta et la Colombie-Britannique ont déjà adopté cette
méthode. Le gouvernement fédéral, comme il l'a annoncé dans le
budget, le fera prochainement. Je ne sais pas exactement en quelle
année. Le Québec vient tout juste de faire une transformation
presque miraculeuse. En un an, il est passé de ce qui était
essentiellement une comptabilité de caisse modifiée à une
comptabilité d'exercice intégrale, ce qui est assez sensationnel,
et ce qui dénote un effort considérable de la part du vérificateur
général de la province et du Trésor de cette province également, à
cet égard.
Par contre, mis à part les États-Unis et l'Australie, je crois qu'aucun pays de l'OCDE n'a d'organisme qui fixe des normes pour le gouvernement. En fait, la plupart des pays européens membres de l'OCDE ont recours à l'équivalent de la Loi de l'impôt sur le revenu du Canada pour fixer des normes, même pour le secteur privé. Ils veulent tout simplement percevoir les recettes fiscales des sociétés, et c'est la seule raison pour laquelle ils leur disent comment rendre compte de leurs transactions.
D'après ce que je sais, parmi les pays de l'OCDE, seuls le Canada, l'Australie, la Finlande, la Nouvelle-Zélande, la Suède et l'Islande préparent des états financiers pour l'ensemble du gouvernement. Les États-Unis tentent de préparer de tels états financiers depuis 1997, mais sans avoir encore réussi à assurer leur fiabilité. Voici ce que le contrôleur général des États-Unis a dit au sujet de ces états financiers en 1997. Le rapport de 1998 vient tout juste d'être publié et l'opinion est la même. Il dit:
-
Ces états financiers consolidés et ces notes ne fournissent pas une
source fiable d'information pour que le gouvernement ou le public
puisse prendre des décisions. Ces lacunes diminuent par ailleurs la
fiabilité de toute information dans la discussion et l'analyse de
gestion qui les accompagnent et de toute autre information
financière, notamment l'information budgétaire et l'information que
le gouvernement peut utiliser au jour le jour, qui provient des
mêmes sources de données que les états financiers consolidés.
Il ne s'agit pas uniquement de milliards de dollars; dans un cas, il y a presque un trillion de transactions qui ne figurent pas dans ces comptes.
Il s'agit donc de leur première tentative dans ce sens. Apparemment, le président Clinton a donné des directives indiquant qu'il voulait une opinion sans réserve du vérificateur pour l'année se terminant le 30 septembre 1999. Il s'agit d'un engagement important. Par exemple, on nous a dit que le montant du passif pour l'environnement et les pensions totalisait plus de 500 milliards de dollars. Le bilan qui est présenté montre un déficit accumulé d'un peu plus de cinq billions de dollars pour les États-Unis.
Le président: C'est un déficit financier.
M. Erik Peters: C'est le déficit financier accumulé. Lorsqu'ils ont tenté de rapprocher les résultats qu'ils avaient promis dans le budget aux résultats réels, le GAO m'a dit qu'initialement la différence aurait pu être équivalente au budget total du gouvernement du Canada. La différence était de 180 milliards de dollars. Notre budget est d'environ 165 milliards de dollars.
L'Ontario, l'Alberta, la Nouvelle-Zélande et l'Islande établissent leur budget d'après la même méthode comptable que pour leurs états financiers. Les autres gouvernements ne le font pas.
À titre d'exemple pour les pays européens de l'OCDE, j'ai eu un entretien très intéressant la semaine dernière avec le contrôleur allemand ou son équivalent—je ne sais pas exactement quel était le poste qu'occupait cette personne avec laquelle l'ambassade d'Allemagne m'a demandé de parler. Ainsi, l'Allemagne publie des rapports financiers très limités sur les finances du gouvernement. Son gouvernement ne rend pas publiques toutes ses recettes; il ne fait que publier certaines bribes d'information à ce sujet. Il ne rend pas publics sa situation financière et bon nombre de ses passifs, en particulier les passifs au titre des pensions de retraite qui, croit-on, sont très importants.
Le gouvernement de l'Allemagne présente chaque année une comparaison de l'encaisse budgétée et réellement dépensée et il présente certaines dépenses de programmes, mais environ 15 mois après la fin de l'exercice. Un haut fonctionnaire du ministère des Finances de l'Allemagne—cette personne à qui j'ai parlé—m'a dit qu'il ne considère pas que les rapports financiers publics de ce pays sont transparents.
Ce qui précède montre que le Canada est déjà un chef de file mondial en ce qui a trait à l'établissement des normes comptables et à la qualité de la comptabilité générale et de la reddition de comptes. Cela a nécessité des efforts et il reste encore du chemin à parcourir.
• 1615
Dans une optique internationale, je considère que l'adoption
par le Canada de la méthode de présentation des états financiers
utilisée par la grande majorité des pays de l'OCDE, constituerait
un recul important qui risquerait de réduire le niveau de la
comptabilité financière et de la reddition de comptes qu'il a
réalisé et qu'il continue d'améliorer.
En particulier, par l'intermédiaire de l'Institut canadien des comptables agréés, principal organisme de normalisation du Canada, au sein de l'IFAC et du Comité international de normalisation de la comptabilité, et du Bureau du vérificateur général du Canada au sein de l'Organisation internationale des institutions supérieures de contrôle des finances publiques, les contributions internationales du Canada dans ce domaine ont été importantes, et ont porté fruit. D'un point de vue pratique, la qualité des états financiers du gouvernement du Canada, qui sont fondés sur des principes et des normes comptables saines, nous aide à maintenir nos cotes de crédit, la valeur du dollar canadien et nous fait économiser annuellement des millions de dollars en frais d'intérêt sur l'importante dette des gouvernements fédéral et provinciaux.
Je m'en voudrais de ne pas témoigner mon appréciation pour la contribution apportée au fil des années par les comités permanents des comptes publics du Parlement canadien et des assemblées législatives provinciales en vue d'améliorer les états financiers et la reddition de comptes.
Voilà qui conclut mes observations. Nous sommes à votre entière disposition et je suis prêt à répondre à vos questions.
Le président: Merci, monsieur Peters.
Avant de demander aux autres de poser des questions, j'aimerais que vous me donniez un éclaircissement au sujet de ce que vous dites dans l'avant-dernier paragraphe de votre mémoire:
-
Dans une optique internationale, je considère que l'adoption par le
Canada de la méthode de présentation des états financiers utilisée
par la grande majorité des pays de l'OCDE, constituerait un recul
important qui risquerait de réduire le niveau de la comptabilité
financière et de la reddition de comptes [...]
etc. Le Canada a-t-il adopté cette méthode? Le Canada envisage-t-il de l'adopter? Que voulez-vous dire ici?
M. Erik Peters: C'était en réaction à la question qui était posée dans le document de votre attaché de recherche, c'est-à-dire si la situation financière du gouvernement fédéral canadien semblerait plus favorable si le gouvernement utilisait des méthodes de présentation des états financiers d'autres pays de l'OCDE.
Le président: Très bien.
M. Erik Peters: Ce serait certainement une amélioration si nous adoptions les normes de comptabilité d'exercice intégrale que certains pays ont adoptées, mais c'est une minorité importante. La grande majorité utilisent soit la comptabilité de caisse, soit aucune méthode.
Le président: Très bien. Je me demandais ce que vous entendiez par là, car je croyais que vous étiez en train de dire que nous les avions adopées ou que nous envisagions de le faire. Et comme vous le dites si bien, le Canada est un chef de file mondial, et de loin, et par conséquent nous avons la responsabilité de motiver tous les autres pays afin qu'ils nous rattrapent plutôt que l'inverse.
M. Erik Peters: Exactement.
Le président: Très bien. Monsieur Cardin.
[Français]
M. Serge Cardin (Sherbrooke, BQ): Depuis le début des années 1980, on se questionne et on s'est regroupé pour faire une analyse des normes comptables internationales. On reconnaît l'importance du recours à de très bonnes normes et de leur incidence sur notre cote de crédit et sur les investissements, ce qui est également vrai au niveau mondial.
Où situeriez-vous le Canada, sur une échelle de 1 à 10, par rapport aux autres pays quant à l'atteinte des meilleures normes possibles? Où se situent, dans leur ensemble, les pays les plus importants qui sont membres d'organisations internationales?
[Traduction]
M. Erik Peters: Merci beaucoup pour cette question.
Si vous me permettez de répondre en anglais, si je devais donner une cote générale, et c'est quelque chose qu'il est difficile de faire, je donnerais sans doute facilement au Canada une cote de 8,5 à 9 sur 10 pour ce qui est de l'application des normes. L'un des principaux facteurs qui influencent cette évaluation d'une bonne comptabilité financière et d'une bonne reddition de comptes, est en réalité le degré d'incertitude que donnent les gouvernements au sujet de leur position financière et de leur comptabilité financière. À cet égard, le Canada décrit très clairement sa position financière, le résultat de ses opérations et ses rentrées de fonds, non seulement au palier fédéral mais également au palier provincial.
• 1620
Ron et moi-même avons assisté à la même séance à la Banque
mondiale, et cette séance se déroulait en même temps que la réunion
des ministres des Finances du G-8 à Washington. Il était intrigant
de noter qu'un journal américain a écrit au sujet de cette réunion
que les ministres des Finances avaient convenu que puisqu'il y
avait la crise asiatique, ils devraient surveiller de plus près
l'Europe pour voir si une crise semblable se prépare là-bas.
Ce qui s'est passé entre autres lors de cette crise en Asie, c'est que les gens ne l'ont pas vu venir, encore une fois parce qu'il n'y avait pas de communication de l'information financière. Comme M. Ron Salole l'a mentionné, par exemple, certains pays viennent tout juste de préparer, en 1999, leurs bilans financiers pour 1992. Il y a donc beaucoup d'incertitude entourant la situation dans laquelle se trouvent ces gouvernements, et ils n'ont pas effectivement fait rapport sur leur position financière.
Des organismes tels que la Banque asiatique de développement, la Banque mondiale et le Fonds monétaire international obtiennent constamment de l'information après coup. En fait, c'est pourquoi la Banque mondiale a décidé de financer le projet des secteurs publics, afin qu'ils puissent enfin avoir des normes qu'ils puissent utiliser, et exhorter les gouvernements à aller de l'avant. Il y a cependant beaucoup d'incertitude au sujet de la position des gouvernements, tandis que pour le Canada, il y a très peu d'incertitude ou aucune incertitude. Le Canada obtient donc facilement une cote de 8,5 à 9 sur 10.
[Français]
M. Serge Cardin: Selon vous, comment pourrait-on s'assurer que l'ensemble des pays du G-8 ou des pays de l'Organisation mondiale du commerce adhéreront à ce concept de données financières adéquates?
[Traduction]
M. Erik Peters: Je pense que la première mesure—une mesure initiale, disons—a déjà été prise par le Canada lorsqu'il a fait preuve de leadership pour mettre sur pied et aider à organiser le Comité du secteur public de l'International of accountants. Au Canada, on s'intéresse beaucoup, ou on doit s'intéresser, à ce qui se passe dans le village mondial. Tout appui que le Parlement, ou le Comité permanent des comptes publics, ou que quiconque pourrait nous donner dans cet effort pour que les pays adoptent de telles méthodes, pour améliorer l'information financière qu'ils peuvent fournir, serait très utile, je pense. Comme vous le savez, la crise asiatique, par exemple, nous a rendus vulnérables non seulement en raison de notre dette étrangère, mais ce qui est encore plus important, parce que nous avons perdu des partenaires commerciaux, et tout cela revient maintenant en grande partie aux gouvernements.
Nous pouvons donc sans doute, par l'intermédiaire de nos ambassades ou de tout autre mécanisme dont nous disposons, encourager nos partenaires commerciaux à devenir plus transparents et à utiliser une meilleure méthode de présentation des états financiers au niveau de la comptabilité financière et de la reddition de comptes, non seulement devant leur propre peuple, mais pour nous, en tant que partenaires commerciaux. Je ne peux pas vraiment vous recommander une façon spécifique d'y arriver, mais je pense qu'en débattant de la question, votre comité est certainement sur la bonne voie.
[Français]
Le président: C'est tout?
M. Serge Cardin: Oui, merci.
[Traduction]
Le président: Monsieur Harb.
M. Mac Harb (Ottawa-Centre, Lib.): Monsieur Myers, je pense.
Le président: M. Myers d'abord.
M. Lynn Myers (Waterloo—Wellington, Lib.): Merci, monsieur le président.
Tout d'abord, je tiens à remercier les trois témoins qui comparaissent devant notre comité aujourd'hui. Je suis très intéressé, monsieur Peters, par vos observations au sujet de la cote élevée que vous accordez à notre pays, soit 8,5 ou 9 sur 10, comme vous l'avez dit. Je pense que cela est de bon augure pour quiconque travaille dans ce domaine. Je pense que cela montre bien l'engagement du Canada à faire ce qu'il faut faire dans ce domaine qui est très important. Comme vous le dites, il y a des résultats très tangibles notamment sur le plan de nos cotes de crédit, de nos frais d'intérêt et de la valeur du dollar canadien. Je pense que cela montre bien le bon travail que tout le monde fait.
• 1625
Monsieur Salole, j'ai trouvé votre chapitre 6 intéressant de
même que ce que vous nous avez montré sur le transparent, les
indicateurs financiers, plus particulièrement le ratio de la dette
au PIB et le déficit et le PIB. Pouvez-vous nous donner une idée de
la façon dont nous nous en sortons sur ces deux plans, car, comme
vous l'avez souligné, cela est un facteur de viabilité? Vous
pourriez peut-être nous dire également comment nous nous comparons
à d'autres pays dans le monde à cet égard. J'aimerais savoir où se
situe le Canada à cet égard.
Deuxièmement, je pense qu'à la page 58, on parle de la dette extérieure du gouvernement, au chapitre de la vulnérabilité, je crois. J'aimerais savoir comment nous nous comparons à cet égard également. J'ai ensuite une autre question au sujet du graphique qui se trouve à la page 68.
M. Ronald Salole: Permettez-moi de commencer puis, M. Peters, qui était membre du groupe d'étude qui a en fait préparé cela sous la présidence de Denis Desautels, pourra sans doute vous donner une réponse beaucoup plus détaillée.
Tout d'abord, permettez-moi de dire que j'ai choisi des graphiques qui ont été présentés dans cette étude en particulier. Ce que je n'ai pas fait, et ce que j'aurais peut-être dû faire, c'est aller voir ce qui s'est produit depuis 1994-1995, car vous constaterez qu'un montant a été réduit à cause de cela dans la dette nette comme pourcentage du PIB.
Le président: Monsieur Salole, vous faites référence au manuel intitulé Indicators of Government Financial Condition (Indicateurs de l'état des finances des gouvernements), n'est-ce pas?
M. Ronald Salole: Oui.
Le président: À quel chapitre...?
M. Lynn Myers: Au chapitre 6. C'est à la page 46, exactement.
Le président: Page 46.
M. Ronald Salole: Page 38, figure 6.1.
Le président: Vous parlez de la figure 6.1 à la page 38. Merci.
M. Ronald Salole: Merci, monsieur le président.
Vous voyez qu'il y a une tendance à la baisse remarquable au-delà de 1995. Les choses vont donc très bien effectivement. Je n'ai pas de statistiques auxquelles nous puissions nous comparer à l'échelle internationale. En regardant certaines statistiques économiques hier soir, j'ai constaté que nous nous classions assez bien. Nous ne nous classons pas aussi haut que certains autres, mais nous nous classons assez bien. J'ai sorti quelques statistiques. Je peux vous en faire part, vous les faire parvenir, si vous voulez, plus tard, mais je ne les ai pas avec moi ici, malheureusement.
M. Lynn Myers: Quels pays se classeraient plus haut que nous?
M. Ronald Salole: Les États-Unis ont une dette publique nette moins élevée comme pourcentage du PIB. Certains pays européens également...
M. Mac Harb: L'Italie.
M. Ronald Salole: ...ont une dette nette plus élevée.
M. Mac Harb: C'est certain.
Le président: Il y a une certaine confusion. Nous parlons d'une dette plus élevée, ce qui signifie une norme moins élevée sur une échelle de 1 à 10 pour ce qui est de leur classement. Donc, je pense que lorsque M. Salole parle d'une norme élevée, cela signifie une dette moins élevée.
M. Mac Harb: Je vois.
M. Lynn Myers: J'interchangeais avec le mot «meilleur».
M. Ronald Salole: Vous voyez, une des conditions d'entrée pour l'eurodollar était une dette publique nette de 80 p. 100 du PIB. Je pense que la plupart des pays européens répondaient effectivement à ce critère.
Dois-je parler également des autres normes relatives aux devises, Erik, ou est-ce que vous voulez dire quelque chose?
M. Erik Peters: Je voudrais faire une autre observation rapidement, si vous me le permettez, pour dire que lorsque nous avons développé cet indicateur en particulier, nous nous intéressions plus particulièrement à la tendance. La question que je pose toujours au gouvernement est la suivante: Quand êtes-vous au pied du mur? Quand en arrivez-vous à un point où vous ne pouvez plus continuer ainsi, ou quand vous retrouvez-vous dans la situation de la Nouvelle-Zélande, où tout à coup personne ne veut plus acheter votre dette?
• 1630
En fin de compte, nous avons décidé qu'avec les connaissances
que nous avions, il n'était pas vraiment possible de déterminer
cela, mais que nous pourrions déterminer cependant la tendance.
L'indicateur le plus important en ce qui concerne la dette publique
par rapport au PIB est en réalité si la dette augmente plus
rapidement ou plus lentement que le PIB. Nous avons pensé qu'en
tant qu'indicateur de la situation financière, un gouvernement
avait certainement des problèmes si sa dette augmentait plus
rapidement que le produit intérieur brut. Si la dette augmente plus
lentement ou en fait se stabilise ou diminue alors que le PIB
augmente, la situation devient plus saine.
C'est donc la tendance qui est importante. C'est une réponse supplémentaire à la question que vous avez posée.
M. Lynn Myers: Merci.
M. Ronald Salole: Si on regarde maintenant la figure 6.7, à la page 49 du même manuel, on peut voir la tendance—pour m'exprimer comme M. Peters—de la part de l'intérêt, c'est-à-dire, les frais de la dette publique en pourcentage des recettes totales. Encore une fois, si on regarde la tendance, on s'aperçoit qu'elle a diminué au cours des trois ou quatre dernières années. La publication de ce type d'information permet à l'analyste informé d'apprendre intelligemment ce qui se passe.
Par exemple, j'ai vu quelques très bons articles dans lesquels on parlait de la ponction de l'intérêt qui avait diminué à 27c. le dollar. Elle a donc diminué. En 1994-1995, c'était plus de 30 p. 100.
Encore une fois, nous ne sommes pas le chef du peloton, mais nous ne sommes pas non plus dans une aussi mauvaise situation que certains autres. Je suis désolé, je n'ai tout simplement pas l'information sous la main au sujet des différents pays.
M. Lynn Myers: Alliez-vous passer à la page 58, au sujet de la dette extérieure du gouvernement?
M. Ronald Salole: À la page 58, la figure 6,11 de l'étude montre quel pourcentage de la dette du gouvernement est détenue en devises étrangères, et vous verrez qu'il y a un renversement intéressant. Alors que par le passé la taille du gouvernement fédéral dépassait presque celle des gouvernements provinciaux mis ensemble, dans ce cas-ci, vous verrez que la part des risques du gouvernement fédéral n'est pas aussi élevée que celle des gouvernements provinciaux. Nous n'avons pas aussi souvent de dette libellée en devises étrangères.
Le président: Vous avez dit: «libellée en devises étrangères», ce qui est différent d'une dette détenue par des gens qui se trouvent dans un pays étranger. Est-ce en fait libellé dans une devise différente?
M. Ronald Salole: Vous avez tout à fait raison. Elle est détenue par...
Le président: Des étrangers.
M. Ronald Salole: Oui.
Le président: Monsieur Peters.
M. Erik Peters: Cela se trouve sous le chapitre de la vulnérabilité dans le livre, et il y a deux points importants, si vous me permettez de les ajouter. D'abord, les provinces ont accumulé des déficits assez considérables au cours des dernières années. Naturellement, ces déficits diminuent maintenant, et seules quelques rares provinces ont maintenant un déficit. Il n'en reste pas moins qu'il est très avantageux pour un pays que sa dette soit détenue par ses citoyens plutôt que par des étrangers. Ce qui est arrivé au Canada—et le Trésor m'a fait des commentaires à ce sujet—c'est que lorsque le Canada a un déficit, les Canadiens se précipitent sur la dette fédérale, et la capacité d'investir dans des titres d'État est limitée. Donc, très souvent les provinces se sont retrouvées dans une position—et c'est pourquoi on a cette tendance à la page 5—où elles ont dû aller à l'étranger parce que leurs réserves de crédit intérieures étaient complètement utilisées ou presque toutes utilisées par le gouvernement fédéral. Cette situation commence à changer un peu.
Il y a cependant une préoccupation. Le pourcentage canadien de la dette extérieure par rapport à la dette totale est assez élevé à l'échelle internationale. La situation de l'Italie est encore pire. Pour l'Allemagne, cependant, par exemple, qui a peut-être un ratio de la dette au PIB qui est en train de changer, la tendance n'est pas bonne du tout, mais la dette extérieure de ce pays est très peu élevée, ce qui fait que ce pays n'est pas aussi vulnérable.
M. Lynn Myers: Monsieur le président, en ce qui concerne la possibilité d'obtenir d'autre documentation, ce serait utile que nous puissions obtenir ces renseignements si ce n'est pas trop demander à nos témoins.
Je trouve très utile le tableau qui se trouve à la page 68. Y a-t-il des repères pour certains de ces domaines, un niveau optimal pour chacun de ces domaines de façon générale, ou est-ce quelque chose qui varie tellement qu'il est difficile ou impossible de le déterminer?
M. Ronald Salole: Comme M. Peters l'a dit précédemment, nous considérons qu'il s'agit de données sur les tendances plutôt que de données repères. Il n'existe pas à l'heure actuelle de données repères. Il existe cependant des statistiques économiques que je me ferai un plaisir de vous faire parvenir.
M. Lynn Myers: Je veux m'assurer d'avoir bien compris. Dans notre dette fédérale, nous incluons tous les paiements aux fonctionnaires, à la GRC et au personnel des forces armées, n'est-ce pas? Est-ce ce que l'on fait dans d'autres pays du monde?
Le président: Que voulez-vous dire par paiements?
M. Lynn Myers: Je veux dire si tout le monde partait demain.
Le président: Vous parlez du passif au titre de la pension de retraite.
M. Lynn Myers: Oui. Si tout le monde quitte son travail demain, quel risque cela représentera pour la dette nationale accumulée du Canada? D'abord, est-ce bien cela?
M. Erik Peters: Ce n'est pas entièrement exact. Il y a en effet une différence dans la méthodologie actuarielle utilisée. Il y a le scénario hyperpessimiste, qui fait intervenir une somme énorme, et selon lequel tous les employés vont partir en même temps, même si nous savons tous que cette hypothèse n'est pas réaliste. Les comptes sont par conséquent une image raisonnable de la longévité des employés dans leurs fonctions. En d'autres termes, nos hypothèses actuarielles sont pour l'essentiel fonction des profils des employés, c'est-à-dire du moment où ils devraient en principe prendre leur retraite.
La plupart de nos calculs concernant les obligations futures en matière de pension reposent surtout sur une hypothèse actuarielle. En d'autres termes, nous avons des actuaires qui mettent dans l'ordinateur les hypothèses actuarielles concernant les dates de retraite, les augmentations de salaire, le taux d'inflation en vigueur dans le pays, ainsi que le taux de rendement produit par les divers régimes. Tous ces facteurs sont pris en compte, de sorte que le bilan n'est pas un instantané. Il s'agit plutôt d'une représentation chronologique de la différence entre les prestations qui doivent être versées et les ressources disponibles pour le faire.
M. Lynn Myers: Les autres pays procèdent-ils de la même façon?
M. Erik Peters: Les pays européens ne le font pas du tout.
M. Lynn Myers: C'est ce que j'avais cru comprendre.
M. Erik Peters: En fait, nous l'ignorons. J'ignore jusqu'où je puis me mettre ainsi en porte-à-faux. L'an dernier, j'avais été invité à prononcer une série de conférences en administration publique à l'Université de Mannheim en Allemagne. Lorsque je me suis entretenu avec les professeurs de cet établissement, ceux-ci m'ont dit qu'à l'heure actuelle, l'Allemagne dépensait jusqu'à 11 p. 100 de son produit intérieur brut à payer des pensions—en d'autres termes, à payer des gens qui sont à la retraite et qui ne travaillent plus. Étant donné ce genre de pourcentage, je ne serais pas étonné que l'Allemagne risque un passif total de l'ordre d'un billion de marks, un passif dont personne ne sait rien et qui, de plus, est grevé d'incertitude. C'est précisément la raison pour laquelle je parlais d'incertitude dans mon texte d'introduction.
Ainsi, lorsqu'on regarde les états financiers américains, on y trouve un passif correspondant de l'ordre de près de 3 trillions de dollars, alors que la population des États-Unis est dans l'ensemble un peu plus jeune que celle des pays européens comme l'Allemagne qui affiche actuellement une irrégularité démographique due à la Seconde Guerre mondiale.
M. Lynn Myers: Avez-vous d'autres renseignements à ce sujet également? Cela m'intéresserait et je vous saurais gré de nous les faire parvenir.
M. Erik Peters: J'ai en fait très peu de chose sur le plan officiel.
M. Lynn Myers: Tant pis, cela va comme ça.
M. Erik Peters: C'est simplement de l'ouï-dire.
M. Lynn Myers: Monsieur le président, très rapidement, je poserai ma dernière question parce que je sais que vous êtes pressé...
Le président: Je suis toujours pressé.
M. Lynn Myers: C'est parce que vous êtes un homme actif.
Puisque vous êtes là, monsieur Peters, je ferais preuve de négligence si je ne vous posais pas la question que je vais vous poser. Au Comité des comptes publics, nous constatons qu'en raison des rapports qui existent au Canada avec des tierces parties, et j'entends par là des relations non dépendantes entre le gouvernement et NAV CANADA par exemple, ou encore d'autres ententes que le gouvernement fédéral ou le gouvernement provincial a conclues, lorsque nous examinons certains des rapports du vérificateur général, nous ne voyons qu'une partie de la situation d'ensemble, c'est-à-dire le volet fédéral, mais non pas le volet provincial ou celui qui intéresse la tierce partie en question. Avez-vous réfléchi à une façon de rectifier ce genre de chose et ne pensez-vous pas que les Canadiens en auraient davantage pour leur argent s'il existait une formule qui nous donnerait la situation d'ensemble?
• 1640
Je vais vous donner un exemple. Il n'y a pas si longtemps
encore, nous étudiions le secteur des pêches en Colombie-Britannique, et
tout en ayant via le vérificateur général un point
de vue fédéral sur ce dossier, nous n'avions pas pour autant le
tableau d'ensemble étant donné que le vérificateur général de la
province n'était pas présent ou encore que nous n'avions pas réussi
à obtenir les renseignements nécessaires. Je me demande si, compte
tenu de votre expérience dans ce domaine, vous ne pourriez pas nous
conseiller.
M. Erik Peters: Je me demande si c'est possible car, à certains égards, il s'agit d'une question constitutionnelle. D'après ce que m'ont dit les statisticiens, Statistique Canada essaie de produire quelque chose qui s'appellerait les comptes de Canada Inc.—c'est-à-dire le Canada vu comme une société—qui prendraient tout en considération. L'un des problèmes que nous avons en tant que vérificateurs législatifs est que pour nous, l'Assemblée législative que nous servons et le Parlement que sert le vérificateur général fédéral sont les organismes suprêmes. Ce sont eux nos mandants. Mais quels seraient les mandants de Canada Inc.? Voilà notre problème.
En fait, quelle est l'Assemblée législative responsable? Selon notre modus operandi actuel, le gouvernement fédéral a-t-il vraiment la responsabilité de toutes les transactions financières qui s'effectuent au Canada ou chacune des provinces est-elle responsable des transactions financières effectuées sur son territoire? Si vous voulez mon avis personnel, celui d'Erik Peters qui ne serait ni délégué avec droit de vote, ni vérificateur provincial de l'Ontario, je vous dirais qu'il faudrait une coopération financière. Nous devrions être transparents.
Par exemple, nous parlons à l'heure actuelle du système de santé, et on veut savoir là-bas ce que la santé nous coûte en tant que Canadiens. Il faut donc rassembler les éléments du tableau, c'est-à-dire ce que le gouvernement fédéral donne sous forme de paiements de transfert, ainsi que ce que les provinces mettent chacune de leur poche, ce que représentent par exemple les montants réunis par l'Ontario au titre de la juste part, ce que d'autres provinces réunissent comme ressources financières de leur côté, et ainsi de suite. Je pense ainsi qu'il y a ce genre de transparence.
On pourrait y arriver par d'autres moyens. Il y a par exemple la Conférence des ministres de la Santé. Ceux-ci pourraient demander à leurs homologues les compléments d'information nécessaires et on pourrait peut-être ainsi compiler toute l'information selon l'une ou l'autre formule étant donné précisément qu'il y a en l'occurrence un certain cadre de responsabilité.
Nous autres vérificateurs législatifs essayons déjà de trouver une solution au même problème. Nous avons proposé ce que nous avions l'habitude d'appeler la Conférence des vérificateurs législatifs, qui s'appelle maintenant le Conseil des vérificateurs législatifs, au sein duquel d'une certaine façon nous parlons de grands dossiers d'intérêt national dans la mesure où nous le pouvons en notre qualité de vérificateurs et dans la mesure aussi où la chose est réalisable.
Ce que je pourrais vous dire en revanche qui vous serait le plus utile, c'est que chacun des portefeuilles devrait commencer à devenir transparent pour ses homologues dans un domaine donné. Il y a ensuite la responsabilité individuelle à l'endroit du ministre fédéral, à l'endroit des députés que vous êtes, c'est-à-dire le Parlement, et celle du ministre provincial à l'endroit de son Assemblée législative.
M. Lynn Myers: Y a-t-il ailleurs dans le monde des modèles que nous pourrions étudier?
M. Erik Peters: Chaque pays a sa Constitution et il n'y a pas deux constitutions qui se ressemblent. Je pense que les autres pays sont principalement influencés d'une part par leur cadre législatif et d'autre part par les rapports constitutionnels qui les régissent. En Grande-Bretagne par exemple, le gouvernement national s'occupe de l'asphaltage des rues dans les villages. Si vous voulez, c'est là un des rôles du gouvernement central en Grande-Bretagne. Dans d'autres pays, je suis sûr qu'il y a des choses du même genre.
De fait, mon bureau est en liaison directe avec certains pays. Je répugne toujours un peu à parler de mon bureau. Ainsi lorsque les États-Unis avaient commencé à examiner leur système de santé, ils sont venus nous voir parce qu'à un moment donné, ils avaient même envisagé d'utiliser la méthode ontarienne de prestation des services de santé. Par ailleurs, nous travaillons également aux Philippines. Le gouvernement philippin ressemble davantage à un de nos gouvernements provinciaux qu'au gouvernement fédéral du Canada en raison précisément du genre d'activités qui lui est propre.
Le président: Monsieur Rattray, vous vouliez ajouter quelque chose?
M. David Rattray: Je pense que la question de M. Myers est probablement très juste et tout à fait pertinente étant donné les chapitres sur les accords de collaboration que nous avons produits très récemment et, en pensant au fait que vous avez vous-même signalé un de ces chapitres... c'est quelque chose que nous avons signalé en parlant du tableau d'ensemble. Notre bureau est impatient de prendre connaissance du premier rapport sur la prestation nationale pour enfants lorsqu'il sera publié, c'est-à-dire dans quelques jours, je crois. Il s'agira en effet d'un rapport établi collectivement par plusieurs paliers de gouvernement et qui représentera donc le tableau d'ensemble.
Ce dont le Conseil des vérificateurs législatifs va devoir se saisir, c'est-à-dire le milieu des vérificateurs législatifs en général, c'est la façon de procéder à une vérification d'un accord de ce genre établi en collaboration, et nous allons sans nul doute en discuter dans l'éventualité de fournir une opinion elle aussi établie en collaboration et la façon dont cette opinion sera structurée.
Nous avons également recommandé qu'il y ait un rapport sur l'aide accordée aux personnes handicapées. Chaque province le fait de son côté et nous avons jugé qu'il serait préférable d'avoir un rapport d'ensemble. Nous formulons une recommandation en ce sens à la fin du chapitre qui vient d'être déposé, et je sais que cette recommandation est déjà discutée au niveau fédéral-provincial-territorial. Cela sera assorti d'une opinion de vérification qui ne vaudra pas nécessairement pour un seul palier de gouvernement, mais qui sera un effort entrepris en collaboration.
Voilà donc deux exemples canadiens de ce que nous faisons pour essayer d'arriver à un tableau d'ensemble de l'effort total. À ce moment-là, comme le disait M. Peters, le problème consiste à déterminer comment le milieu des vérificateurs va devoir travailler de concert, étant donné les champs de compétence différents et les lois différentes qui existent déjà.
Le président: Fort bien. Monsieur Harb, vous vouliez poser des questions?
M. Mac Harb: Merci beaucoup pour cet exposé, messieurs.
Je commencerai par faire une rectification. Lorsque l'attaché de recherche a parlé de l'OCDE lors de son intervention, en réalité c'est exactement le contraire que nous essayons de faire. Certains pays de l'OCDE ajoutent à leurs états financiers des éléments comme leur patrimoine foncier et immobilier—c'est-à-dire des biens tangibles. Au bout du compte donc, lorsque vous regardez l'état de leur passif et leur actif, vous constatez une situation économique meilleure que ce n'aurait été le cas s'ils n'avaient pas inclus ces biens tangibles dans leurs éléments d'actif. Au Canada, nous ne procédons pas ainsi et nos états financiers ne tiennent pas compte de ces éléments d'actif comme les bâtiments, les routes ou les ponts.
Alors, si nous voulions vraiment arriver à une norme internationale parfaite pour les comptes publics, quelle serait votre recommandation: les biens tangibles comme les bâtiments et les biens fonciers devraient-ils faire partie des états financiers?
M. Erik Peters: M. Salole aura peut-être quelques mots à dire à ce sujet également.
Il est évident que les gouvernements sont déjà très nombreux à vouloir suivre cette voie. Cette notion toutefois nous pose un problème, ou plutôt deux.
Tout d'abord, lorsqu'il s'agit d'un bien matériel tangible... Prenez le cas d'une compagnie comme la Pétrolière Impériale qui aménage une route d'accès à ses puits, cette route lui appartient, puisqu'elle dessert ses puits, et lui sert à dégager un bénéfice. Si nous construisons une route, d'aucuns pourraient dire qu'en fait c'est plutôt un passif économique parce que c'est le contribuable qui, après avoir construit la bête, va devoir l'entretenir, la préparer, voire la refaire à un moment donné.
À l'heure actuelle, notre modèle de rapports financiers est axé sur la dette nette, et il faut toujours se demander dans quelle mesure nous pourrions utiliser notre infrastructure pour rembourser notre dette. La réponse est bien entendu que c'est une possibilité extrêmement limitée. Ce n'est que dans la mesure où, par exemple, nous mettrions des biens en vente que nous pourrions le faire. C'est ce qui s'est passé par exemple en Ontario où nous avons cédé à un l'une de nos sociétés immobilières tous les biens immeubles et fonciers que nous avions et qui dès lors font partie du stock. Mais beaucoup de gens craignent en fait que nous nous intéressions beaucoup moins à la dette nette dès lors que celle-ci serait réduite proportionnellement à des biens qui ne pourraient finalement guère être utilisés pour la rembourser.
En revanche, il est tout à fait utile de savoir ce que coûte vraiment la bonne gestion des services publics. Lorsque nous parlons du coût des programmes et des rapports de l'état des résultats faits au gouvernement, nous devrions donc tenir compte de ces bâtiments et de ces installations, mais de la façon qui convient. Les considérer simplement comme des dépenses échues, c'est-à-dire que tel ou tel bâtiment ne nous coûte rien parce qu'il a été construit il y a 10 ans, ce n'est pas la meilleure façon de concevoir une étude du coût d'un programme. Nous ignorons ce que coûterait le programme.
• 1650
On essaye donc de faire d'une pierre deux coups. Nous estimons
pour notre part qu'il est possible d'arriver à des normes qui
permettraient d'atteindre les deux objectifs. L'ICCA s'emploie
d'ailleurs actuellement à le faire en demandant aux gouvernements
de publier l'état de leurs biens matériels tangibles, sans
l'intégrer à leurs états financiers. Mais cela, ce serait la norme
minimum. Si les gouvernements choisissaient d'opter pour des états
financiers dont les biens matériels feraient partie, ils seraient
parfaitement libres de le faire.
Je pense d'ailleurs que la Colombie-Britannique et l'Alberta procèdent de cette façon. Pour ce qui est du volet exploitation, l'Alberta a par exemple constaté que les différences—du moins la première année pour laquelle j'ai encore les chiffres en tête—étaient négligeables. Je pense que sur un budget total d'environ 15 milliards de dollars, la différence nette entre l'inclusion des acquisitions de biens matériels effectuées pendant l'année en question et l'amortissement des acquisitions des années précédentes était de l'ordre de 28 millions de dollars, de sorte que sur un budget total de 14 milliards de dollars, la différence était minime sur le plan comptable. Effectivement, il y aurait une différence marquée si nous disions par contre que les immobilisations matérielles comme les routes et les égouts pouvaient être utilisées pour rembourser la dette.
M. Mac Harb: Une toute petite question mais qui est somme toute pertinente serait celle-ci: pensez-vous que notre comité devrait essayer d'insister auprès des autres paliers de gouvernement ou des autres gouvernements pour qu'ils adoptent des normes internationales, et comment cela pourrait-il se concevoir selon vous?
M. Erik Peters: Eh bien, nous voulions en partie par notre exposé vous montrer que les normes internationales en sont encore pour l'essentiel à la phase de mise au point, et encore avec du retard. Nous partons donc du principe que si nous voulions imposer au Canada des normes internationales... Certes, nous aimerions pouvoir nous aligner sur des normes internationales, et ce serait agréable pour nous de pouvoir le dire. Mais pour l'instant, nous considérons plutôt que le Canada est bien en avance sur le reste de la meute.
Le président: Merci, monsieur Harb.
La question de la conduite des affaires publiques est actuellement, pour les gouvernements, quelque chose de tout à fait essentiel, et notre sous-comité a précisément étudié le fait que de bons états financiers peuvent précisément conduire à une bonne conduite des affaires de l'État.
Je suis par contre surpris d'apprendre, comme vous le disiez dans votre exposé, qu'il n'y a finalement pas suffisamment de normes dans le reste du monde. J'avais pensé, puisque l'Institut canadien des comptables agréés existe depuis fort longtemps, que ces normes seraient beaucoup plus profondément ancrées que vous ne nous l'avez laissé entendre. Cela prouve selon moi que les gouvernements sont encore loin d'avoir adopté une formule d'états financiers qui soit à la fois utile et révélatrice. Comme l'a fait valoir M. Salole, il n'est guère utile de boucler en 1999 des états financiers concernant l'exercice 1991. Après autant de temps, cela ne sert plus à rien.
Nous savons que la corruption et les pots-de-vin sont extrêmement répandus dans le monde entier, et nous savons également que les grandes agences prêteuses comme la Banque mondiale et la Banque asiatique de développement s'inquiètent de plus en plus des carences en matière de gouvernance et essayent d'améliorer la conduite des affaires publiques dans les pays auxquels elles consentent des prêts. Et je dirais que les états financiers sont indispensables dès lors qu'on veut éradiquer les pots-de-vin et la corruption et arriver à une ouverture, une transparence et une reddition de comptes qui soient véritables.
Il est réconfortant de voir que le Canada, à vous en croire, est à l'avant-garde—et pas seulement à l'avant-garde, mais qu'il participe activement à l'élaboration des normes par l'entremise de l'IFAC et d'autres organismes, afin précisément de prouver que la chose est possible. Nos états financiers semblent être, comme vous le disiez, à la barre des 8 1/2 ou des 9. Nous ne sommes pas encore tout à fait arrivés au but. Nous n'avons pas encore de normes exigeant une comptabilité d'exercice pour toutes les opérations, mais nous y arrivons. Nous pourrions peut-être procéder plus rapidement, mais l'essentiel c'est que nous y arrivions.
• 1655
Dans la même veine que la question de M. Harb, estimez-vous
que notre comité, le Parlement canadien ou le gouvernement du
Canada pourraient jouer un rôle en tentant d'améliorer les normes
comptables dans le reste du monde? Comme nous sommes un pays
industrialisé, je pense personnellement que nous avons un rôle à
jouer à l'égard des pays moins développés que nous en les aidant à
améliorer leurs états financiers.
Si nos états financiers sont ouverts et transparents, peut-être pourrions-nous faire quelque chose afin d'éviter le gaspillage et les détournements de fonds. Nous ne voulons pas par contre participer avec le même degré de détail et de complexité que les vérificateurs, mais pensez-vous que les parlementaires ont un rôle à jouer pour améliorer la responsabilité et la transparence dans les normes comptables en usage dans le monde entier?
M. Erik Peters: Il y a effectivement plusieurs initiatives. Je pense d'ailleurs que Denis Desautels sera l'un de vos témoins, et il vous parlera de l'Organisation internationale des instances suprêmes de vérification, une appellation qui fait parfois sourire les gens lorsqu'ils l'entendent. Et ils ricanent encore plus lorsqu'ils entendent parler de l'IDI, l'Initiative de développement de l'INTOSAI, et lorsqu'ils apprennent que les instances suprêmes de vérification m'ont choisi comme vérificateur.
M. Lynn Myers: Vous êtes donc un être suprême?
M. Erik Peters: Je dirais plutôt que je suis un petit fromage.
Mais ce qui est très important dans tout cela, c'est que les instances internationales suprêmes ont pris sur elles de lancer cette initiative internationale. M. Desautels risque de me crucifier lorsque je dis cela maintenant, mais cette initiative a déjà fait énormément dans le monde entier pour relever les normes, essentiellement grâce à l'enseignement dispensé aux vérificateurs-enseignants.
L'un des principaux problèmes que nous percevons—un problème qui est d'ailleurs canadien aussi bien qu'international—est la nécessité pour les gouvernements de conserver de bons administrateurs financiers. Je pense que les vérificateurs ont commencé à faire de l'assez bon travail en engageant du bon personnel de vérification, mais tous les gouvernements, et le Canada ne fait pas exception, ont énormément de difficulté à engager des administrateurs financiers de haute volée.
L'une des choses que nous pourrions faire serait d'encourager nos gouvernements canadiens à prendre conscience de ce qu'ils peuvent faire pour administrer les finances publiques au jour le jour. Certes, il en va de même à l'étranger. Les bons administrateurs financiers sont tellement recherchés que dès lors qu'ils atteignent un certain niveau, ils quittent le service de l'État pour le secteur privé où ils peuvent gagner beaucoup plus. Il y a donc à cet égard un genre de crise internationale.
Nous établissons des normes, mais nous craignons de ne pas pouvoir les faire respecter. Et c'est précisément ici qu'intervient encore une fois l'INTOSAI, en ce sens qu'elle a créé quelque chose qu'on appelle le Comité de l'établissement des normes dont Denis Desautels et Ron Thompson vont d'ailleurs pouvoir vous parler plus longuement lorsqu'ils comparaîtront devant votre comité.
Mais ce comité n'est pas uniquement là pour arrêter des normes. Il va également examiner comment les mettre en oeuvre dans les divers pays. L'INTOSAI représente environ 180 gouvernements nationaux. Évidemment, une chose que les vérificateurs se défendent bien de vouloir faire, ce sont des vérifications dans l'abstrait, et certaines instances de vérification, surtout celles qui sont bien développées, se retrouvent dans cette situation inconfortable.
Le président: Vous pourriez peut-être nous expliquer ce que vous entendez par vérification dans l'abstrait, à l'intention des profanes que nous sommes ou de ceux qui liront le compte rendu de nos travaux.
M. Erik Peters: Ce que je veux dire par là, c'est que le vérificateur n'a pas de repères. L'une des conditions préalables à une vérification est l'existence de certains critères convenus entre le vérificateur et l'organisme dont il fait la vérification, et par rapport auxquels le vérificateur peut faire des comparaisons. Il est possible qu'il n'y ait pas de critères de ce genre pour les normes en usage, ou il est possible également d'avoir des cas, comme ce dont vous parlait Ron, où nous devons nous contenter des données financières pour 1992 et que nous voulions poser des questions à ce sujet mais qu'il n'y ait plus personne qui se souvienne de ce qui s'est passé en 1992 ou de la signification de tel ou tel document ou de telle ou telle lettre. C'est cela que je veux dire par vérification dans l'abstrait. En d'autres termes, le vérificateur n'a aucun critère ou aucun renseignement sur lequel il peut faire reposer sa vérification ou qui pourrait lui servir à demander des comptes.
M. Mac Harb: Je pense que nous vous avons tous les deux demandé si vous estimiez que le comité avait un rôle à jouer, mais vous ne nous avez pas répondu.
M. Erik Peters: Effectivement, il y aurait selon moi un rôle pour votre comité. Vous vous êtes déjà intéressés à la chose et vous avez créé un sous-comité sur les normes et cela, c'est le premier rôle.
En second lieu, si votre comité souhaitait étudier les normes et les avaliser, ce serait très précieux.
Troisièmement—et c'est probablement le rôle le plus important—vous pourriez aider le gouvernement dans la direction dans laquelle il veut s'engager. Par exemple, le comité pourrait fort bien lui dire: «Nous aimerions que vous vous saisissiez du dossier des immobilisations et que vous étudiiez ce qu'on pourrait en faire. Quels seraient les inconvénients et quelle serait la façon de s'y prendre la plus efficace?» Il serait donc assurément utile que vous en fassiez un sujet de discussion pour favoriser les progrès dans ce domaine.
Vous pourriez également vous intéresser de près aux comptes publics à proprement parler, parce que l'élément optimisation des ressources mis de l'avant par les vérificateurs législatifs a provoqué une très grande fascination. Parfois, cela peut nuire à la qualité des comptes publics et à la reddition de comptes. Une chose que vous pourriez faire, c'est réserver une partie de votre temps pour l'étude de ces problématiques des comptes publics et de la responsabilité du gouvernement dans le contexte national au sein du gouvernement fédéral, et voir également comment améliorer la transparence réciproque des données d'intérêt national. Voilà le genre de dossier qui pourrait vous interpeller, en plus bien sûr des normes comptables.
Voilà donc ce que je vous suggérerais à titre personnel.
M. Ronald Salole: Je voudrais simplement ajouter une réflexion supplémentaire aux excellents conseils de M. Peters.
Pour moi, le comité pourrait également intervenir pour que la comptabilité acquière davantage d'importance. La comptabilité n'a jamais la priorité, parce qu'il y a toutes sortes d'autres choses qui se produisent, de sorte que n'importe quelle initiative qui permettrait de donner un surcroît d'importance à la comptabilité, pas seulement au Canada, mais également à l'étranger...
Les comités des comptes publics siègent souvent et sont très respectés—je sais que le nôtre l'est—partout dans le monde. Si vous lui accordez de l'attention, les autres verront qu'eux aussi devraient le faire. Donner plus d'importance à la comptabilité est précisément quelque chose que vous pourriez faire avec énormément de poids, sinon, ce serait une activité comme les autres, une activité qu'il faut bien faire oui, mais qui n'est pas au premier plan de nos préoccupations.
Le président suppléant (M. Lynn Myers): Monsieur Harb.
M. Mac Harb: Sur quoi devrions-nous plus précisément nous concentrer, si nous voulons continuer dans ce sens? Estimez-vous que c'est l'Europe qui est le fruit le plus mûr et que nous devrions sensibiliser les gouvernements européens à la nécessité de présenter des états financiers qui sont le reflet fidèle de la situation du pays, ou devrions-nous plutôt nous concentrer sur la zone Asie-Pacifique? Comme vous l'avez dit, et c'est évident, il faut des chefs de file.
M. Ronald Salole: Les pays d'Europe ne sont pas encore arrivés là, mais ils essaient d'arriver à des états financiers pour tout l'appareil de l'État. Le Royaume-Uni a publié un Livre blanc sur les formules possibles qui lui permettraient d'arriver aux mêmes résultats. Je ne pense donc pas que l'Europe doive être le grand axe de vos travaux, et qu'il devrait plutôt s'agir du bassin du Pacifique, car c'est là, à mon avis, que vous pourriez intervenir quasiment sans aucune aide.
M. Erik Peters: Pourrais-je ajouter quelque chose, monsieur le président?
Le président suppléant (M. Lynn Myers): Monsieur Peters.
M. Erik Peters: Je pense que vous voudrez peut-être également vous interroger sur l'utilité réelle de faire partie du G-8. Les principales puissances économiques du monde commencent à s'intéresser à la transparence de leur comptabilité et de leur reddition de comptes, un peu comme les États-Unis essaient actuellement de le faire. Il y a manifestement dans le groupe des Huit, des gouvernements qui ne sont pas transparents à l'endroit de leur population, pas plus qu'au plan international et planétaire. Si ces pays en venaient à donner le ton et à montrer l'exemple, cela serait à mon avis très précieux pour l'effort international.
M. Mac Harb: Vous avez probablement une liste des pays qui ne sont pas nécessairement délinquants mais qui renâclent à se conformer. Dans un certain sens, je pense que ce serait peut-être très utile pour nous d'essayer de persuader ces pays, ou du moins les instances équivalant à notre comité dans ces pays, de se saisir de ce genre de question, mais il faudrait pour cela que nous en ayons la liste, mais aussi des arguments convaincants tels que, lorsque nous prendrons contact avec eux, nous dirons au minimum: «Vous avez raison», ce qui leur donnera matière à réflexion. Avez-vous une liste? Savez-vous de quels pays il s'agit? Peut-on les nommer publiquement?
M. Erik Peters: Je souris, car il y a environ deux ans, j'ai reçu un appel d'un étudiant qui faisait un doctorat dans une université allemande. Il m'a demandé s'il pouvait prendre deux heures de mon temps pour faire une entrevue avec moi. J'ai accepté, mais lui ai demandé en retour de m'envoyer les comptes publics de son pays ou de l'État dans lequel il vivait. Malheureusement, il a passé les 20 premières minutes de l'entrevue à s'excuser du fait que le genre de comptes publics qui m'intéressait n'existait pas chez lui.
Entre autres choses, vous pourriez faire savoir à la ronde que votre comité veut avoir une idée de la façon dont on rend compte publiquement des finances. Vous pourriez ainsi étudier les diverses méthodes suivies. Si vous le souhaitez, nous pourrions vous aider avec plaisir à les interpréter dans une perspective internationale, pour vous permettre d'avoir une idée plus réelle de la situation.
La dernière rencontre de notre fédération a eu lieu en Europe, en janvier dernier, à Salzbourg. La France, par exemple, nous a appris qu'il lui faudrait de 10 à 15 ans avant de pouvoir préparer des comptes qui ressembleraient un tant soit peu aux comptes publics canadiens. À vrai dire, le tableau n'est pas très encourageant. Ce qui serait utile pour vous, comme point de départ, ce serait de vous informer auprès des pays du G-8 ou de poser la question à la ronde à une ambassade pour demander comment se font les comptes rendus publics dans son pays, ce qui vous permettrait d'avoir un aperçu de la façon dont cela se passe et de ce que ce pays a éventuellement l'intention de faire.
M. Mac Harb: Merci.
Le président suppléant (M. Lynn Myers): Monsieur Rattray.
M. David Rattray: Monsieur le président, j'ai eu la chance de pouvoir réfléchir un peu pendant que mes collègues répondaient à la question. Pour revenir au rôle de votre comité, il existe plusieurs intervenants qui sont très actifs dans le domaine des normes comptables internationales et de l'établissement de normes pour le Canada. En effet, je parle des cadres supérieurs du gouvernement, du corps de vérificateurs, des comptables et, dans une moindre mesure, des législateurs, c'est-à-dire des élus. En participant à un comité comme celui-ci, les législateurs, c'est-à-dire les élus que vous êtes, deviennent alors des partenaires dont la contribution est égale à celle des autres. Ce faisant, vous pourriez tenir des discussions dans une tribune comme celle-ci, c'est-à-dire dans le cadre d'une séance officielle de comité, ou dans un colloque ou de toute autre façon qui vous permettrait de réunir les divers intervenants pour étudier les défis auxquels on doit faire face pour imposer des normes canadiennes et internationales de comptabilité en vue d'avoir une meilleure gestion des affaires publiques, une meilleure prise de décisions et une meilleure présentation de l'information financière.
• 1710
De façon plus spécifique, vous pouvez, à titre de
législateurs, vous pencher sur les questions de financement à
l'échelle canadienne et internationale, pour voir s'il existe des
obstacles au renforcement des capacités. Car, comme le signalait
plus tôt M. Peters, il y a certains domaines de capacité. Or, on
constate qu'il y a des lacunes de capacité dans bien des pays, au
fur et à mesure que l'on opte pour la comptabilité d'exercice pour
toutes les opérations, une plus grande transparence et une
meilleure reddition de comptes. On a assisté à une véritable chute
des capacités au Canada et ailleurs dans le monde, notamment pour
des raisons de compression des effectifs, d'évolution de la
démographie et de perte au profit du secteur privé. Mais il y a des
choses que seuls les élus peuvent faire: vous pouvez mettre sur la
table les véritables enjeux et essayer de déterminer quels sont les
obstacles au recrutement, au maintien de l'effectif, au
renforcement des capacités et à la mise en oeuvre.
Lorsque vous vous demanderez quels sont ces obstacles ou ce qui vous empêche d'avancer, vous voudrez peut-être vous demander ce que les parlements sont en mesure de faire à moyen et à long terme d'un point de vue législatif. Si l'on regarde du côté du secteur privé et de ses normes comptables, on sait que certaines mesures législatives obligent à adhérer à des normes en regard desquelles les vérificateurs peuvent effectuer leur travail et donner des opinions. Je me préoccupe plutôt du long terme, et je crois que les élus ont justement un rôle à jouer en ce sens. Votre rôle est beaucoup plus à long terme qu'à court terme, et il reste encore beaucoup à faire pour accoucher de normes à cet égard.
Vous pouvez également être d'une grande aide en matière de promotion, de communication et d'appui. Nous, qui sommes des vérificateurs, qui appartenons au milieu de la comptabilité et qui avons tous déjà été cadres supérieurs au gouvernement, voudrions pouvoir aller témoigner devant des comités tels que le vôtre et devant des élus d'ailleurs pour pouvoir leur expliquer que le Canada a déjà mis sur pied un sous-comité qui se penche sur les normes comptables internationales. Je ne crois pas qu'il existe bien des endroits au monde où cela se fasse. En tant qu'un des premiers pays à avoir fixé des normes dans ce domaine, le Canada devrait pouvoir mettre cette question sur la table et en discuter avec d'autres pays pour qu'ils soient incités à emboîter le pas.
Comme le signalait plus tôt M. Peters, c'est grâce à la persuasion qu'on amènera les gouvernements à adopter des normes de comptabilité pour leurs rapports financiers. Il faut d'abord persuader les élus et les cadres supérieurs gouvernementaux de les adopter, afin que les vérificateurs puissent ensuite les évaluer. Votre comité pourrait donc envisager de jouer ce rôle, lui qui se demande comment faire avancer l'établissement de normes internationales.
Merci.
Le président suppléant (M. Lynn Myers): Monsieur Peters.
M. Erik Peters: Ce que j'ai entendu est excellent. J'aimerais, toutefois, ajouter deux petites suggestions de secteurs dans lesquels les législateurs peuvent être très actifs.
Commençons par les processus de réglementation. Il faut parfois se demander quelle responsabilité financière et comptable est exigée des processus de réglementation mis en place. Je ne suis pas sûr de savoir ce que cela donne sur le plan de l'autorité et de l'équilibre, mais je sais que le gouvernement fédéral compte de nombreux organismes de réglementation qui exigent tous la publication d'une information financière d'un genre ou d'un autre.
Passons ensuite à une dernière chose, mais qui a son importance: je parle ici de l'erreur que nous signalons dans ce petit livre vert, et qui ne semble pas intéresser outre mesure les gouvernements, c'est-à-dire les indicateurs de la santé financière. Ce petit livre vert est en fait un étude, c'est-à-dire le rapport d'un groupe d'étude que nous avons mis sur pied. Ce groupe d'étude était présidé par Denis Desautels, le vérificateur général du Canada, et regroupait deux sous-ministres, l'un de la Colombie-Britannique et l'autre de l'Alberta, deux présidents d'université, le président de McGill et celui de l'université Wilfrid-Laurier, un autre vérificateur—moi-même—et un statisticien de Statistique Canada. Tous ensemble, nous avons réfléchi à ce qu'était la santé financière.
La santé financière peut s'interpréter par le «rendement». Le gouvernement réussit-il à gérer la durabilité de ses programmes existants, a-t-il assez de marge de manoeuvre pour lancer de nouveaux programmes, et parvient-il à gérer sa vulnérabilité par des emprunts à l'étranger ou à l'échelle provinciale? Il est vrai que les gouvernements provinciaux sont vulnérables à cause des paiements de transfert qui leur parviennent du gouvernement principal. Ces paiements peuvent augmenter ou diminuer, et les indicateurs de rendement suivent cette courbe.
• 1715
Les indicateurs de rendement des programmes de même que du
gouvernement dans son ensemble en termes de durabilité, de marge de
manoeuvre et de vulnérabilité sont de plus en plus intéressants.
C'est dans ces secteurs que les organisations... Lorsque Ron et
moi-même siégions à la Banque mondiale et au Fonds monétaire
international, nous avons vu l'intérêt grandir pour ces secteurs.
Je pense qu'il vaut la peine de les étudier également dans une
perspective canadienne.
Le président suppléant (M. Lynn Myers): Merci beaucoup, monsieur Peters. Voilà une conclusion des plus intéressantes pour notre comité, et nous vous en remercions.
Je me suis réjoui de vous entendre dire que le Canada était le chef de file dans ce secteur des plus importants. Nous devrions peut-être y revenir. Il ne s'agit pas de nous tourner les pouces désormais et de croire qu'il ne reste plus rien à faire. Le défi persiste, et il ne faut pas l'oublier.
M. Rattray nous a signalé ce que devraient être nos objectifs et ce vers quoi nous devrions tendre, et je l'en remercie.
Monsieur Salole, dans votre conclusion, vous avez souligné l'importance de notre travail et vous nous avez mis au défi de continuer dans le même sens. Nous espérons pouvoir continuer de façon utile à mettre cette grande question sur le tapis.
Merci énormément à nos trois invités avec qui la discussion a été des plus fructueuses. On a posé beaucoup de bonnes questions, et j'espère que l'enseignement que nous tirerons de notre réflexion sera profitable à tous.
Merci beaucoup. La séance est levée.