SINS Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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SUB-COMMITTEE ON THE STUDY OF SPORT IN CANADA OF THE STANDING COMMITTEE ON CANADIAN HERITAGE
SOUS-COMITÉ SUR L'ÉTUDE DU SPORT AU CANADA DU COMITÉ PERMANENT DU PATRIMOINE CANADIEN
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 21 avril 1998
[Traduction]
Le président (M. Dennis J. Mills (Broadview—Greenwood, Lib.)): La séance est ouverte.
Beaucoup d'études ont été faites ici sur le sport, mais strictement dans le sens culturel, dans le cadre de l'unité nationale, mais on n'a une encyclopédie du sport au Canada. L'objectif du comité est d'écouter des personnes qui se sont consacrées au sport, tant au niveau amateur que professionnel. Cet automne, nous préparerons notre rapport, avec des recommandations, que nous déposerons au Parlement.
Je souhaite maintenant la bienvenue au comité à M. John Tory, qui a bravement relevé le défi de la direction de la Ligue canadienne de football, dans des moments difficiles.
Je vous donne la parole.
M. John Tory (président du Conseil des gouverneurs, Ligue canadienne de football): Merci, monsieur le président.
Je dois vous dire en commençant que j'avais soigneusement préparé des notes en anglais et en français. Je commence maintenant à comprendre pourquoi le premier ministre Davis, pendant toutes les années où j'ai travaillé pour lui, n'a probablement prononcé aucun des 250 discours que j'avais préparés pour lui. En relisant celui que j'avais rédigé pour moi-même, en venant en avion, je l'ai complètement refait à la main, et je ne vais donc pas vous distribuer ces notes.
[Français]
Comme je ne parle pas très bien français, je vais parler seulement en anglais.
[Traduction]
J'espère que les membres du comité comprendront.
Comme certains d'entre vous le savent, depuis maintenant sept ans, je travaille avec les membres du Conseil des gouverneurs de la Ligue canadienne de football. Pendant cinq ans et demi, j'ai été président du Conseil des gouverneurs, un poste bénévole. Je ne suis associé à aucune des équipes. Un jour, je faisais tranquillement ma petite affaire, en tant que conseiller juridique de la ligue. Ils cherchaient un nouveau président, ils m'ont vu, et ils se sont dit que je ferais l'affaire. Cette anecdote vous montre simplement qu'il faut toujours lire soigneusement ce qui est écrit en petits caractères.
Lorsque le commissaire a démissionné il y a environ un an et demi, le commissaire étant le président-directeur général qui gère la ligue au quotidien, je ne m'étais pas rendu compte que le président succède au commissaire, le cas échéant. Je suis par conséquent le commissaire intérimaire depuis cette date. Avec l'aide d'un personnel très compétent, je passe mes nuits et mes week-ends à titre de commissaire intérimaire, en plus d'être le président. J'ai annoncé que je voulais qu'on me remplace au poste de commissaire intérimaire d'ici la fin de la saison, parce que j'ai un autre emploi auquel je consacre mes jours, mes nuits et quelques autres moments, soit celui de président de Rogers Media, une entreprise médiatique qui s'occupe d'édition, de radiodiffusion et d'autres activités, établie partout au Canada.
J'ai accepté l'invitation de comparaître ici aujourd'hui parce que je voulais partager avec vous certaines de mes réflexions au sujet de l'importance des sports dans le Canada d'aujourd'hui, et vous parlez aussi un peu de la LCF, de son modèle administratif particulier et des sports en tant qu'activité commerciale. Je voulais aussi répondre aux questions que vous pourriez me poser, bien entendu, et j'ai en fait trois choses à dire.
Je crois que les sports sont d'une importance vitale tant pour le tissu social que culturel d'un pays. Vous avez sans doute reçu de nombreux témoignages, mais je crois que le sport, amateur comme professionnel, transcende la politique, la géographie, la langue, l'âge et bien d'autres facteurs. Ainsi, c'est à mon avis l'un des éléments les plus importants de notre société et de nombreuses autres sociétés. Les sports rassemblent les gens et leur donne un intérêt commun et c'est pourquoi je crois en leur importance.
On oublie souvent une chose tout aussi importante, soit que le sport, qu'il soit professionnel ou même, d'après moi, amateur, constitue une industrie très importante dont dépend le gagne-pain de milliers de Canadiens.
• 1545
Je suis heureuse de pouvoir affirmer que la santé et le
bien-être de la Ligue canadienne de football devraient maintenant
compter des jours heureux mais pendant les jours sombres, on me
demandait souvent pourquoi je maintenais mon engagement. C'est en
partie parce que j'accorde de l'importance aux sports. En outre, au
sujet de la Ligue canadienne de football, comme d'ailleurs à mon
avis de nombreuses autres institutions sportives au Canada, elle
fait partie d'un nombre très restreint d'institutions typiquement
canadiennes. Je dirais que la LCF est peut-être la principale de
ces institutions typiquement canadiennes, puisqu'elle s'occupe d'un
sport qu'on ne joue qu'au Canada. C'est un jeu qu'on a inventé ici,
d'ailleurs. Cette institution, comme bien d'autres au Canada, est
fragile et je parlerai un peu des raisons de cette fragilité du
point de vue du «modèle économique», si vous me passez cette
expression.
Bien que les présidents qui m'ont précédé ne soient pas restés plus d'un an, je tenais à ne pas laisser aller l'institution quand j'ai commencé à m'en occuper, d'abord comme avocat, puis en tant que président. Cette institution semblait sur le déclin, en perte de popularité auprès des Canadiens. Dans notre pays, je pense que nous avons abandonné beaucoup d'institutions qui étaient et qui sont des institutions nationales importantes, typiquement canadiennes.
J'ai aussi l'impression que les sports sont écrasés, d'une certaine façon, par la politique et par un mercantilisme exagéré. Les sports sont maintenant trop une affaire commerciale et on commence à perdre en partie le plaisir qui découle du fait que les sports transcendent la politique, la géographie, la langue, l'âge, etc. Je pense qu'une partie de nos efforts des deux ou trois dernières années pour remédier à cet état de choses à la LCF répondent à cette préoccupation.
Je vais revenir à ce que nous avons fait pour la LCF, qui est de se concentrer sur les modèles les plus avantageux. En fait, ces modèles me semblent très canadiens puisqu'ils sont d'une plus petite échelle, plus proches de la base dans leur orientation, un peu moins affectés par l'esprit de grandeur, etc. J'aimerais vous parler de ce que j'ai toujours considéré comme l'équipe du Canada, c'est-à-dire, pour le football, les Roughriders de la Saskatchewan.
La santé et le bien-être des sports professionnels, que ce soit à la LCF ou dans d'autres ligues, sont importants pour l'ensemble du monde sportif. Les gens continueront d'être actifs dans les sports, qu'il y ait ou non des équipes professionnelles au Canada et quel que soit le sport mais je pense que le réseau des sports amateurs souffrirait beaucoup, de façons qui sont difficiles à mesurer, si toutes les équipes professionnelles disparaissaient. Et cela, sans tenir compte du fait que si les équipes professionnelles nous quittent, disparaissent ou s'écroulent subitement, ce qui se produit actuellement dans une certaine mesure—on va aussi perdre des emplois, une partie de l'activité économique et des recettes fiscales, comme pour tout autre secteur industriel.
Je ne suis pas ici pour prétendre que le gouvernement a une obligation envers les entreprises sportives, plus qu'envers tout autre secteur commercial. Comme vous l'avez dit au début, monsieur le président, je pense que l'industrie des sports, les entreprises qui en font partie, la culture des sports au Canada, appelé cela comme vous voulez, a jusqu'ici été trop souvent considéré différemment des autres industries créatrices d'emplois, comme si s'agissait d'un secteur moins sérieux. C'est peut-être parce qu'on l'associe à nos passe-temps, à nos loisirs à des jeux que jouent les gens.
Mais en fait, même si je crains qu'on lui donne une orientation qui en fera une grande entreprise commerciale, plutôt que de s'assurer d'en conserver ce qui fait des sports quelque chose d'unique, c'est tout de même une industrie importante, une grande industrie qu'on retrouve partout au pays. Et je ne parle pas uniquement des équipes professionnelles. Chaque organisme de sports amateurs a de nombreux partisans, que ce soit ceux qui travaillent dans les bureaux d'organisation de sports amateurs, ceux qui assurent le fonctionnement quotidien des arénas, les ligues de hockey, ou le reste. Il y a beaucoup d'autres emplois qui dépendent de la santé et de la vitalité des ligues sportives. Bien entendu, il est plus facile pour les ligues de sports professionnels de montrer le nombre d'emplois qui sont créés et les millions de dollars de recettes fiscales qui découlent de leur existence et de leur maintien.
J'ai prononcé un discours à l'assemblée annuelle des Roughriders de la Saskatchewan un samedi l'hiver dernier à Regina, et je reparlerai de cette rencontre. Cela a été très intéressant pour moi, et je crois que cela l'aurait été pour bien des Canadiens.
Lors de mon allocution, j'ai dit que je croyais que, si rien ne changeait, il n'y aurait bientôt plus d'équipes sportives professionnelles au Canada. À cet égard, je partage certaines des craintes que l'on a attribuées à M. Bettman—je crois que vous entendrez M. Bettman et d'autres dans les jours qui viennent.
Je ne crois pas que le moment soit bien choisi pour discuter de toutes les raisons qui justifient ces craintes, des raisons qui font que j'estime que les équipes de sport sont en danger et pourraient ne pas survivre au Canada. Mais il m'apparaît juste de dire que c'est attribuable à plusieurs facteurs: la petite taille de notre marché, qui représente un défi en soi dans ce domaine comme dans bien d'autres; la faible valeur de notre devise, qui est le plus important problème auquel doivent faire face les organisations sportives; dans certains cas, honnêtement, la qualité des équipes qui est liée à la faible valeur du dollar est ce qui m'apparaît difficile à rationaliser, à savoir, l'inflation des salaires qui rend difficile à défrayer les coûts que les franchises canadiennes et américaines doivent assumer, surtout les franchises canadiennes dans les lignes internationales qui, dans la plupart des cas, versent des salaires en dollars américains alors que leurs recettes sont en dollars canadiens.
• 1550
Je reviendrai dans un instant au traitement fiscal et à ce
genre de choses, mais, d'abord, je crois qu'il serait bon
d'examiner la question comme s'il s'agissait de toute autre
entreprise ou industrie qui va s'installer ailleurs. Souvent, on
juge que le départ d'une équipe de sport est triste, que c'est
dommage, mais que, après tout, la vie continue. Pour ma part,
j'estime que le départ de ces équipes se compare au départ de toute
autre entreprise, car les conséquences négatives sont les mêmes. Il
en résulte des pertes d'emplois et de recettes fiscales.
En outre, et c'est difficile à évaluer, il en découle aussi une perte de prestige pour ces localités. Les équipes de la LCF, par exemple, sont de la taille d'une petite ou d'une moyenne entreprise. Je dirai que chacune de ces équipes crée probablement de 80 à 100 emplois directs, ceux des joueurs, des entraîneurs, des préposés à la billetterie, des employés de bureau, etc.
Il est plus facile de calculer les recettes fiscales qu'engendrent ces équipes, parce qu'on perçoit les impôts, la TPS et, dans certains cas, la taxe provinciale sur les ventes des billets, l'impôt sur le revenu qu'acquittent les joueurs, les taxes et impôts versés par les concessionnaires ou les gens qui achètent des souvenirs, etc. Je crois pouvoir dire qu'il s'agit probablement de millions de dollars.
Mais je reviens à cette question de prestige. Prenons l'exemple de Québec. Cette saison... Tous les jours, au reportage des nouvelles du sport dans toute l'Amérique du Nord, on aurait parlé de Québec pendant la saison de hockey. Cela n'a pas été le cas cette année parce que Québec n'a plus d'équipe de la LNH.
Si vous pensez aux sommes que les villes, les provinces, le gouvernement provincial et d'autres consacrent à la promotion du Canada aux États-Unis, que ce soit pour attirer des investissements ou des touristes, je ne peux que conclure que, c'est peut-être difficile à évaluer et ce n'est pas la fin du monde, mais lorsqu'on perd ce prestige, comme c'est arrivé à Québec et à Winnipeg dans le monde du hockey, ce ne peut être qu'alarmant. Ce genre de prestige m'apparaît important pour nos villes.
De plus, lorsqu'on perd des équipes professionnelles, il en résulte une perte d'intérêt et de soutien pour le sport amateur. Voilà pourquoi je crois si fermement à la préservation de la Ligue canadienne de football. C'est une institution presque aussi vieille que le pays. Comme je l'ai dit tout à l'heure, dans cette ligue, on joue notre propre jeu, du football canadien. La ligue a l'appui des supporteurs canadiens. Un vaste auditoire regarde les matchs à la télévision.
Mais, et c'est peut-être la raison la plus importante, si la LCF disparaît, je crains que notre football collégial au Canada ne disparaisse peu de temps après. Voilà pourquoi, s'il n'y a pas de ligue professionnelle pour jouer au football canadien, je ne crois pas que le football collégial survivrait bien longtemps. Le football amateur dans toutes les localités du pays en souffrirait.
J'ai de très bons souvenirs de la partie de la Coupe Grey qui s'est jouée à Edmonton l'an dernier et qui a été un franc succès. En toute franchise, je vous dirai que j'aimerais que tous les Canadiens aient la chance d'assister à un match de la Coupe Grey, parce que c'est une expérience canadienne unique.
Cette année, nous avons eu l'honneur d'accueillir à Edmonton des représentants de la Ligue nationale de football, y compris le commissaire, M. Tagliabue. Heureusement, il a fait assez beau.
Ces messieurs ont été très impressionnés par ce qu'ils ont vu. C'était la première fois qu'ils assistaient à un match de la coupe Grey, et ils ont constaté que c'était une partie qui était beaucoup plus centrée sur les supporteurs. Je suis allé au Super Bowl la première fois aussi cette année, mais l'événement canadien, la Coupe Grey, est beaucoup plus axé sur les supporters. Les sociétés y ont moins d'importance, et c'est un événement typiquement canadien. On s'y sent vraiment Canadien et fier de l'être.
Une chose dont je me souviens c'est d'avoir participé au défilé de la Coupe Grey de l'an dernier. Dans le défilé, il y avait de nombreux joueurs amateurs de football d'Edmonton qui marchaient en uniforme. J'ai été abasourdi par leur nombre. Il y en avait plusieurs centaines.
• 1555
Il ne fait aucun doute dans mon esprit que le déclin de la
Ligue canadienne de football, par exemple, découlant de son
incapacité à survivre comme entreprise—c'est ce dont il s'agit en
partie—sera suivi peu de temps après du déclin du football amateur
et du football collégial.
Je suis heureux de pouvoir vous dire que, grâce au soutien continu des loyaux partisans—surtout dans l'ouest du Canada—de revenus accrus et d'un contrôle très strict des coûts, y compris un plafond salarial que toutes les équipes ont accepté d'imposer sans dérogation... Nous avons pu égaliser les chances, ce qui rend le jeu plus intéressant pour les supporters, mais nous avons aussi redressé la LCF qui est maintenant sur pied. Elle a recouvré la santé et pourra survivre encore de nombreuses années.
Je ne suis certainement pas venu aujourd'hui pour vous proposer de donner quoi que ce soit à quiconque. Je ne suis pas ici pour vous demander la charité au nom de la LCF, et je ne crois pas que les autres sports voudraient qu'on leur fasse la charité, mais je les laisserai vous dire eux-mêmes ce qu'ils veulent.
Toutefois, j'estime que vous avez entrepris une initiative louable puisque vous vous êtes engagé à examiner sérieusement ce que le gouvernement du Canada pourrait faire pour s'assurer qu'il traite le sport comme une grande industrie vitale, ce qu'il est précisément. Je ferai encore deux ou trois remarques pour vous expliquer ce que je veux dire par là. C'est assez simple. Dans bien des cas, il s'agit de mesures qu'on a prises pour d'autres secteurs.
Je pense toutefois que les gens d'affaires qui oeuvrent dans le milieu des sports doivent absolument faire mieux. Je dirais que l'une des raisons pour lesquelles cette industrie n'est peut-être pas traitée aussi bien ou aussi favorablement que d'autres industries est que les propriétaires d'équipes sont, par définition des gens qui ont du succès. Pour être propriétaire d'une équipe sportive, je veux dire dans le milieu des sports professionnels, il faut avoir réussi financièrement et avoir l'argent voulu pour se lancer dans cette activité.
Mais d'après mon expérience, et je dis cela en toute déférence envers mes amis qui possèdent des équipes de la LCF, qui me gardent comme président et comme commissaire par intérim pour la somme d'un dollar par année, je dirais que quand il s'agit des sports, leur désir de gagner obscurcit souvent leur bon sens qui leur a permis de réussir en affaires. Le désir de gagner les détourne de l'approche raisonnable qu'ils adoptent normalement pour rentabiliser leur affaire et leur fait perdre de vue l'obligation de défendre les intérêts de leur industrie.
On ne les voit pas ici, à Ottawa, en train de s'entretenir avec des représentants du gouvernement au sujet de leur industrie, pour leur en expliquer l'importance, les emplois qu'elle crée, les retombées économiques, etc., parce qu'ils semblent obnubilés par la volonté de gagner, même au détriment de leur propre rentabilité et sans égard pour leurs propres intérêts.
Je crois que le gouvernement peut prendre certaines mesures. Il pourrait réexaminer sa politique fiscale, pas nécessairement pour accorder un allégement fiscal, comme je l'ai entendu proposer, mais plutôt pour s'assurer tout au moins que le régime fiscal actuel ne nuit pas à l'industrie au niveau professionnel ou amateur.
Le meilleur exemple que je peux donner est malheureusement de ressort provincial. En Ontario, et je pense que c'est aussi le cas dans au moins une autre province, il y a une taxe de divertissement ajoutée au prix des billets des activités sportives. Je pense que la même taxe s'applique aux billets de théâtre, etc. Je ne crois pas me tromper quand je dis que cette taxe est fixée à un taux encore plus élevé que celui de la taxe de vente provinciale.
Cela ne fait qu'augmenter le prix des billets, qui est déjà suffisamment élevé, ce qui fait qu'il est encore plus difficile pour les gens d'assister aux matchs. Et plus c'est difficile pour les gens d'aller assister aux activités sportives, premièrement, je crois que cela amoindrit la propriété communautaire des équipes de sport, si je peux m'exprimer ainsi. Deuxièmement, cela exacerbe les difficultés économiques subies par l'équipe.
Je pense qu'il n'y a pas beaucoup d'équipes, sauf peut-être les deux équipes de hockey de Montréal et de Toronto, qui n'éprouvent pas des difficultés financières à un degré quelconque. Plus on peut remplir les stades, plus leur situation financière se rassérénera.
Je crois qu'il serait probablement avantageux de réexaminer la politique fiscale. Je serais en faveur d'examiner les dispositions du régime fiscal qui touchent à ce que j'appellerais les athlètes non résidents qui viennent jouer au Canada, dont beaucoup n'habitent pas ici toute l'année, afin de faire tout ce que nous pouvons, sans pour autant être injustes envers les Canadiens, pour encourager ces athlètes à venir au Canada.
De même, je pense qu'il faudrait revoir notre politique en matière d'immigration, par exemple, pour nous assurer de ne pas décourager ces athlètes de déménager au Canada et d'installer leurs conjoints et leurs familles au Canada. Non seulement ils seront présents dans notre pays pour promouvoir leurs équipes sportives pendant la saison morte, mais ils envisageront même de faire carrière ici.
• 1600
Bien souvent, les arrangements qui permettent aux joueurs de
venir au Canada sont des arrangements temporaires qui ne permettent
pas à leurs conjoints, par exemple, de travailler au Canada et qui,
souvent, ne les autorisent pas à travailler pour un employeur autre
que l'équipe de football ou de hockey qui les emploie. Je pense que
cela aussi aiderait les équipes sportives canadiennes à fonctionner
selon des règles plus équitables.
Je me pose de sérieuses questions au sujet de l'allégement fiscal dont il est question dans les journaux. Je pense que vous, en tant que parlementaires, et les autres intervenants du gouvernement, devez éviter de donner l'impression perçue par le public de subventionner de grandes entreprises et les propriétaires des équipes de sport, qui sont une entreprise commerciale comme les autres, et les salaires qu'ils paient, etc. Et je ne dénigre pas les athlètes qui touchent ces salaires; je dis simplement qu'il devient de plus en plus difficile de rationaliser le niveau des salaires actuel et cela rend certainement la tâche beaucoup plus difficile pour les équipes canadiennes.
La question que je me pose, est d'arriver à concilier cette perception et les avantages indéniables que j'ai moi-même décrits, à savoir que cela permet de conserver des emplois et des retombées économiques, de conserver la réputation dont une ville jouit partout en Amérique du Nord parce qu'elle possède une équipe sportive professionnelle, et de garder les recettes fiscales en accordant une concession fiscale quelconque. C'est un problème difficile à résoudre.
Je pense que l'infrastructure du sport professionnel est importante pour la santé et le succès du sport dans son ensemble et je crois donc que c'est une excellente initiative de votre part de tenir ces audiences, d'examiner ces questions et d'entendre l'opinion de gens comme moi et bien d'autres. Je vous félicite d'avoir pris l'initiative d'étudier cette importante question.
Le sport à mon avis est une entreprise commerciale. Je crois que l'une des raisons pour lesquelles nous avons pu remettre la LCF sur la voie du succès est que nous l'avons traitée davantage comme une entreprise et nous la dirigeons comme une entreprise commerciale. Par ailleurs, j'espère que vous aurez la chance de discuter d'un autre aspect et d'entendre des conseils là-dessus, à savoir qu'il faut éviter que le sport, je parle du sport professionnel, ne se transforme pas complètement pour devenir une entreprise commerciale comme toutes les autres. Je suis prêt à affirmer que cette industrie mérite un traitement tout aussi favorable que celui qu'on accorde aux autres secteurs de l'économie mais ce ne devrait pas être non plus une entreprise comme n'importe quelle autre, parce que je crois que cela lui enlèverait ce qui en fait la spécificité. On pourrait finir par amoindrir l 'exemple que les équipes et les athlètes donnent aux enfants.
Je voudrais maintenant revenir, et ce sera mon dernier point, sur ce que j'ai dit il y a quelques minutes, à savoir qu'à mes yeux, l'équipe des Roughriders de la Saskatchewan est l'exemple même d'une entreprise tout à fait canadienne et qui marche. Je me rends compte qu'il serait très difficile de faire partie d'une ligue majeure de base-ball ou de l'Association nationale du basket-ball ou de la ligue nationale de hockey avec un modèle comme celui des Roughriders de la Saskatchewan, mais nous avons là une organisation qui fonctionne, comme je n'ai cessé de me le rappeler à moi-même pendant que je travaillais aux côtés des propriétaires pour essayer de remettre sur pied la LCF. C'est un modèle où les gens sont prêts à faire une foule de choses pour aider l'équipe.
La première chose que les gens font, c'est d'acheter des billets, mais ils font aussi bien d'autres choses dans la collectivité pour amasser de l'argent pour aider l'équipe. L'équipe fonctionne selon des règles du jeu qui sont les mêmes pour tous ses concurrents puisque nous avons fixé un plafond salarial raisonnable et abordable ce qui fait que les grandes villes comme Toronto, Vancouver et Montréal ne peuvent pas dominer simplement parce qu'elles disposent d'un marché plus important ce qui leur permet de vendre davantage de billets et donc de pouvoir verser des salaires plus élevés.
Ils tiennent une réunion annuelle à l'occasion de laquelle les dirigeants de l'équipe doivent rendre des comptes à tous les citoyens de la province qui viennent assister à la réunion. Je le répète, j'étais là cette année et j'ai vu cela de mes propres yeux. Les gens ont vraiment le sentiment d'être propriétaires de cette équipe ce qui crée un véritable lien d'affection. Je pense qu'ils ne laisseraient jamais cette équipe disparaître. J'ai dit aux gens de la NFL et à d'autres Américains qui m'ont parlé de la ligue canadienne que si toutes les équipes de la ligue canadienne de football disparaissaient, la dernière à partir serait les Roughriders de la Saskatchewan, parce les gens en sont propriétaires et qu'ils veulent la garder. Ils en reconnaissent l'importance en tant qu'entreprise commerciale, mais il y a aussi un lien affectif qui va bien au-delà des affaires.
C'est ce que nous tentons vraiment de faire avec la Ligue canadienne de football. Il est difficile de répéter ce modèle dans les grandes villes, mais ce que nous tentons de faire, c'est de revenir à l'essentiel, de mettre à nouveau l'accent sur l'importance des sports, de freiner les coûts de façon raisonnable pour que nous ayons des règles du jeu équitables pour assurer la survie de ces équipes. Il est difficile sinon impossible et irréaliste pour moi de dire que d'autres équipes devraient en tirer une leçon, surtout lorsqu'on parle d'une ligue qui à plusieurs reprises a failli disparaître ces dernières années. Je ne suis pas certain qu'une montée en flèche sans savoir où tout va se terminer soit nécessairement la bonne voie à prendre pour eux.
Je m'excuse si j'ai été un peu long. C'est ce qui arrive lorsqu'on réécrit un discours dans l'avion. Je serais heureux de répondre à vos questions et d'être peut-être un peu plus spécifique que je ne l'ai été en vous donnant certains de mes points de vue sur ces questions. Ce sont des questions difficiles qui sont en grande partie soumises à des forces qui sont souvent extérieures au pays mais je pense, comme je l'ai dit, qu'il est important que vous vous penchiez sur ces questions pour essayer d'en arriver à une solution constructive quant à la façon dont le gouvernement peut être utile.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Tory.
[Français]
M. Louis Plamondon (Richelieu, BQ): J'ai le même problème que vous. Je vais devoir m'exprimer en français, parce que si je m'exprimais en anglais, vous auriez quand même besoin d'écouter l'interprétation.
• 1605
Je suis, depuis mon tout jeune âge, la Ligue
canadienne de football et, pour la première fois cette
année, j'ai décidé de m'acheter deux billets de saison
des Alouettes, pendant la promotion de Noël. Je me
suis dit: Tiens! deux billets de saison. J'y ai mis une
condition: celle de ne pas être assis à côté de
Denis.
Je trouve que le plan de marketing des Alouettes, cette année, a été très bien fait. Je vous dirai qu'une raison qui me fait aimer davantage la Ligue, c'est le plafond salarial. Je me sens incapable maintenant d'aller au Forum tant je déteste voir des millionnaires jouer au hockey. Cela me pue au nez de les voir ne développer aucun sentiment d'appartenance à une équipe. Ce sont des individualistes.
Justement, dimanche dernier, dans ma circonscription, les Alouettes venaient jouer une partie de hockey de démonstration au profit d'une oeuvre charitable. Ce sont des gens chaleureux, très faciles d'accès et qui ne sentaient pas le millionnaire.
Je pense que vous détenez une recette gagnante à cause du plafond salarial. Dans le baseball, c'est pareil. Je suis davantage les Expos depuis trois ans, depuis qu'ils se débarrassent à chaque année des millionnaires et qu'ils font monter les jeunes de l'équipe. C'est là qu'on a souvent les meilleurs matchs et le meilleur baseball. Ils ne gagnent pas toujours, mais le jeu est intéressant et il est intéressant de voir des gens qui veulent progresser et qui ne sont pas là pour des intérêts seulement pécuniaires.
J'ai toutefois une interrogation. C'est la seule que j'ai. Je suis venu vous écouter en m'interrogeant sur ce que je pourrais bien demander de spécial à votre président, si ce n'est de m'expliquer pourquoi vous persistez à différencier votre réglementation de celle des États-Unis. Le football américain...
Vous savez, tout ce qui est américain, que ce soit la musique, le théâtre, le cinéma ou le sport, c'est ce qui mène, mais peut-être moins dans le cas du soccer ou de certains sports spécialisés. Pourquoi nous, au football, faisons-nous trois essais? Pourquoi avons-nous un terrain plus long, des règlements différents, par exemple le règlement de un point? Pourquoi n'a-t-on pas fait un grand pas et ne s'est-on pas donné une ligue forte en s'arrangeant pour que les gens de l'assistance qui regardent ne soient pas dépaysés par rapport au football américain, à cause de la réglementation entre autres?
Vous comprenez ce que je veux dire? Il me semble que si on avait les mêmes règlements et les mêmes terrains qu'aux États-Unis, il arriverait peut-être que notre sport soit plus américain, mais il y aurait une clientèle plus facile à aller chercher, me semble-t-il, soit celle qui est habituée à regarder le football américain. Il me semble aussi que l'éducation à ce football-là serait peut-être plus facile à faire. Je puis me tromper. Je m'interroge. Qu'est-ce qui vous fait persister à avoir... Au soccer, ce sont tous les mêmes règlements. Au hockey, ce sont tous les mêmes règlements. Pourquoi est-ce différent au football?
[Traduction]
M. John Tory: J'aimerais commencer tout d'abord, monsieur Plamondon, par vous remercier d'avoir acheté les billets de la franchise de Montréal. Si la franchise de Montréal est en meilleure posture cette année, c'est grâce à une campagne locale de ventes de billets qui a permis de vendre des billets par groupes de deux, de quatre ou de six. C'est pourquoi je pense que l'équipe de Montréal sera dans bien meilleur état cette année. Je tiens à vous remercier sincèrement, car l'équipe aura un meilleur appui grâce à de nombreuses personnes qui, comme vous, ont décidé d'acheter ces billets.
Je suis d'accord avec certains de vos commentaires mais pas avec certains autres. Tout d'abord, je pense que vous avez raison lorsque vous dites que si la Ligue canadienne de football est en bonne voie du rétablissement, c'est notamment parce qu'elle a revu son modèle économique et décidé qu'elle ne pouvait se permettre de verser des salaires gonflés en raison de la taille de notre marché, du prix de nos billets, etc., et a donc imposé un plafond salarial rigide.
Or, je devrais vous dire que cela ne s'est pas fait sans sacrifices de la part des joueurs. Je veux reconnaître ici aujourd'hui comme je l'ai déjà fait publiquement, que les joueurs et les associations de joueurs ont fait des sacrifices en essayant de changer le modèle économique de la Ligue canadienne de football, et que je reconnais et respecte certainement les sacrifices qu'ils ont faits. En même temps, cela a permis à la ligue de survivre.
• 1610
Comme je l'ai dit, même si je trouve difficile de justifier
les niveaux qu'ont atteint les salaires dans le sport
professionnel—et bon nombre d'autres choses également; écoutez, le
salaire que l'on verse à certaines personnes pour faire un film ou
d'autres choses—d'après mon expérience les gens ne sont pas tous
individualistes, ou je ne sais plus quelle expression vous avez
utilisée. Je pense que, de façon générale, ce sont des gens qui ont
de très belles qualités, qui travaillent très fort et que ce sont
des gens biens auxquels on verse le salaire que le marché peut leur
payer.
Le fait est que—et c'est l'une des choses frustrantes auxquelles on doit faire face à l'occasion dans la Ligue canadienne de football ou pour une équipe comme les Expos de Montréal—qui ne peut tout simplement se permettre de garder les joueurs millionnaires—comme vous les avez décrits—les gens paient pour voir ces millionnaires, les gens paient pour voir les gagnants.
Bien que nous ayons eu le luxe de créer un modèle qui met en place des règles du jeu équitables du fait que toutes les équipes doivent respecter un plafond salarial, établir des salaires modestes et abordables d'après les normes canadiennes—dans ces autres ligues on n'a pas ce luxe. Si vous avez une ligue de base-ball majeure, elle doit faire concurrence au Yankees de New York ou aux Dodgers de Los Angeles qui appartiennent à de grandes sociétés qui versent de gros salaires aux joueurs en disponibilité, mettent des équipes gagnantes sur le terrain et qui ont plus de partisans. C'est en quelque sorte un cercle vicieux.
En réponse à votre question sur la règle des trois ou quatre essais au football, je me contenterai de vous dire ceci. Les Canadiens ont en fait joué un grand rôle dans la création du football. Je crois que c'est un match entre Harvard et McGill qui est à l'origine même du football tel qu'il est joué en Amérique du Nord. Je soutiens que nous avons été les premiers à déterminer les règles, et qu'en outre, la façon canadienne de jouer est à tout le moins aussi excitante, sinon souvent plus que la façon américaine de jouer. Je ne dis pas que c'est meilleur ou pire, mais je pense que c'est notre sport à nous et qu'il est canadien.
J'ai toujours dit que si l'on en venait au point où, pour conserver notre ligue, il nous fallait renoncer aux règles qui gouvernent notre sport depuis plus d'un siècle et qui sont proprement canadiennes, je ne serais nullement fâché, mais il leur faudrait trouver quelqu'un d'autre pour imposer ce changement, parce qu'à mon avis, ce serait supprimer le seul élément qui fait que notre ligue est proprement canadienne. À part le fait bien sûr qu'on y trouve des joueurs canadiens et que l'on joue dans des villes canadiennes, notre football est régi par nos règles à nous.
Au cours de toutes ces années où je faisais de la politique, je disais toujours que si les électeurs doivent choisir entre quelqu'un qui prétend être conservateur, et quelqu'un qui est vraiment conservateur, ce qui est mon cas, ils vont choisir le vrai neuf fois sur dix. Je pense que si nous fondions simplement une ligue où nous jouerions notre propre version du football américain, avec des salaires plus bas, et où l'on jouerait dans de plus petites villes et tout le reste, c'est bien ce que vous auriez: une version réduite d'une ligue de football américaine.
Je pense que ce que nous avons aujourd'hui nous appartient. Ça n'appartient qu'à nous; il s'agit maintenant de se ressaisir et de réussir. Nous avons prouvé, dans l'ouest du Canada en particulier, que l'on peut attirer des foules énormes et enthousiastes qui veulent voir du football canadien.
Donc, même si j'ai le plus grand respect pour votre suggestion et pour vos opinions, je vais consacrer tous mes efforts à la préservation du football canadien et à son maintien dans des villes comme Montréal et d'autres au Canada—et j'espère qu'un jour, si l'on peut stabiliser les choses, dans l'est du Canada, on aura un sport qui sera authentiquement national, d'un océan à l'autre.
[Français]
M. Louis Plamondon: Vous auriez été un bon ministre. Vous donnez de longues réponses.
Des voix: Ah, ah!
M. Louis Plamondon: Ce n'est pas un jugement de valeur que je portais sur la réglementation. Je me demandais si, dans vos études de marché et dans vos sondages auprès de la population, vous n'aviez pas constaté que cette différenciation entre les deux réglementations posait un problème.
Pour vous, c'est un facteur positif plutôt que négatif. Je parle comme homme d'affaires. Oublions l'appartenance. Est-ce que c'est une business qui irait mieux, selon les sondages ou selon les études de marché, s'il n'y avait qu'une seule réglementation nord-américaine, comme c'est le cas du hockey ou d'autres sports?
[Traduction]
M. John Tory: Je trouve difficile d'oublier la question de l'appartenance, mais cela dit, je vais répondre à votre question ainsi. Il ne fait aucun doute que la viabilité de la LCF est compromise, dans des villes comme Toronto, du fait qu'il y a beaucoup de monde dans cette ville qui aime la NFL, le football américain. Je crois que c'est ce qui les amène à penser que le football de la LCF est comme qui dirait inférieur au football américain.
Cela dit, je pourrais citer en exemple la plus grande étude de marché jamais faite, à savoir celle qui consiste à demander aux téléspectateurs ce qu'ils font de leur télécommande. Le dimanche après-midi, très souvent, l'automne, lorsque vous avez du football canadien et américain à la télévision au même moment, je peux vous dire que dans la plupart des grands marchés de notre pays presque tous les dimanches, le football canadien attire beaucoup plus de monde que le football américain.
Je n'irai donc pas jusqu'à dire que c'est une opinion unanime, et il est sûr que vous trouverez beaucoup de monde qui pense comme vous—et qui y voient aussi une bonne affaire, comme vous dites—mais il y en a autant sinon davantage, à mon avis, qui sont favorables à la préservation du football canadien, et qui le préféreraient spontanément à une imitation du football joué à l'américaine.
• 1615
C'est une question avec laquelle nous nous débattons depuis
longtemps. Plusieurs m'ont dit, comme vous, que ce serait plus
sensé d'un point de vue commercial. Je ne le crois pas et j'aurais
aussi du mal à l'accepter, comme vous pouvez le voir, sur le plan
sentimental. Donc, je ne crois pas que ça va se faire, mais chose
certaine, vos arguments ont été avancés par d'autres avant vous.
Le président: M. Riss, après quoi ce sera au tour de M. Iftody.
Allez-y, Nelson.
M. Nelson Riss (Kamloops, NPD): Votre excellent exposé suscite tant de questions, John, et je suis pour ma part bien content de vous voir. Je me contenterai de trois petites questions.
Vous avez dit que la LCF est une des institutions uniques du Canada, et nous sommes d'accord, sans le moindre doute, pour dire que c'est bien le cas. Nous voyons autour de nous plusieurs institutions canadiennes que l'on démantèle pour toutes sortes de raisons. Appelons cela l'effet de la globalisation.
Je vais me contenter de poser mes questions, après quoi vous répondez à toutes les trois.
Dans quelle mesure les défis qui vous attendent sont-ils le fait de la globalisation accrue, les gens se tournant vers d'autres sports, par exemple, les arts martiaux, le soccer, la planche à neige, et le sport s'internationalise davantage, il s'installe dans les pays d'Amérique latine? Autrement dit, le football tel que nous le connaissons au Canada fait face à une forte concurrence. C'est ma première question.
Deuxième question, j'étais content de vous entendre dire qu'il faut être prudent pour ce qui est d'un soutien accru au football parce que le moment n'est pas propice pour trouver des moyens de soutenir n'importe quelle entreprise, particulièrement la vôtre. Mais pour ce qui est des subventions au football qui existent aux États-Unis, si nous avons de la concurrence de ce côté peut-être pas seulement pour le football mais davantage pour le hockey et le reste, est-ce qu'on ne pourrait pas lancer une contestation en vertu de l'ALENA ou nous dirions: «Écoutez, l'ALENA interdit des subventions, et Dieu sait que vous subventionnez généreusement telle ou telle concession?» Pourquoi ne ferions-nous pas cela? Les Américains, eux, ne se gênent pas. Pourquoi ne pas en faire autant pour les licences américaines?
Dernièrement, comme vous le savez sans doute, nous avons reçu des témoins qui ont évalué objectivement la valeur des concessions sportives dans une collectivité, et ils nous ont dit qu'abstraction faite des promoteurs des franchises, il existe bien peu de preuves empiriques montrant que le fait d'avoir une franchise dans sa ville rapporte de beaux dividendes économiques. Il y a peut-être d'autres avantages, comme vous l'avez dit, mais ils disent que sur le plan économique, on est en fait perdant si l'on compare tous les avantages à tous les frais et tout le reste, surtout depuis l'ascension vertigineuse des salaires, qui finissent normalement par quitter la région et qui pourtant proviennent des détenteurs de billets. On ne dépense pas cet argent-là à la taverne du lieu, à la salle de quilles, ou ailleurs. Cet argent est dépensé ailleurs, et c'est beaucoup d'argent qui quitte la région à cause des salaires élevés.
M. John Tory: Permettez-moi de répondre à vos questions brièvement et dans l'ordre où vous les avez posées.
Je pense que vous avez raison: les défis qui attendent le football canadien et toutes les autres institutions canadiennes sont les mêmes. Mon entreprise à des intérêts dans l'édition, et il est difficile de produire toutes les semaines une revue d'actualité canadienne comme Mclean's ou L'Actualité. Évidemment, c'est peut-être moins le cas pour L'Actualité parce qu'il n'y a pas de concurrence américaine en français, mais Maclean's doit composer avec la concurrence américaine, et la pression de la globalisation tous azimuts ne connaît pas de limite.
Ce qui est arrivé dernièrement m'encourage pour ce qui est de l'avenir de la LCF, et je parle ici de cette organisation qui a le plus de chance de globaliser le football, nommément la Ligue nationale de football, qui a décidé de s'allier à la ligue canadienne de football, dont nous serons donc les partenaires pour le Canada. On nous a dit très clairement, au moment où nous avons négocié cette entente et par la suite, qu'on n'avait nullement l'intention de modifier nos règles ou de nous pousser à l'américanisation ou à la globalisation de notre sport. Cette ligue est parfaitement satisfaite du football que nous jouons. D'ailleurs, M. Tagliabue m'a dit que lors de certaines rencontres des propriétaires, on a discuté à quelques reprises de la possibilité d'importer certains aspects du football canadien parce qu'il y a des aspects de notre jeu à nous qui leur plaisent beaucoup.
Donc la réponse à votre question est oui, les contraintes de la mondialisation existent. Oui, nous éprouvons des contraintes très semblables à celles qu'affrontent presque toutes les autres entreprises commerciales ou culturelles. La Ligue canadienne de football peut surmonter ces obstacles grâce à l'alliance que nous avons conclue avec ceux qui essaient de globaliser le football.
Pour ce qui est de votre idée concernant une contestation en vertu de l'ALENA, je ne crois pas qu'elle soit bien pratique. J'ai la conviction qu'il faut être prudent dans la comparaison des subventions qui ont été consenties ou non chez nous et celles qui ont été consenties aux États-Unis. Je pense qu'aux États-Unis, la plupart des subventions sont le résultat d'une assistance quelconque du contribuable pour la construction d'installations, lesquelles sont ensuite utilisées pour engendrer des recettes pour une entreprise privée, nommément une équipe sportive.
• 1620
Voyez l'expérience de la plupart des équipes professionnelles
au Canada, avec quelques exceptions notables—et je pense ne pas me
tromper ici—ces exceptions notables étant le Centre Molson de
Montréal et le nouveau Centre Air Canada que l'on construit à
Toronto, on n'y trouve pas beaucoup de subventions
gouvernementales, directes ou indirectes. Mais je pense qu'il y a
des installations comme le SkyDôme de Toronto, B.C. Place à
Vancouver, le stade McMahon de Calgary, qui est la propriété de
l'université, et qui sont subventionnées directement ou
indirectement par le contribuable, et ainsi de suite, et il y a
plusieurs stades dans l'Ouest canadien où nous jouons au football
et qui sont la propriété des municipalités, donc il existe
probablement déjà des subventions de ce genre dans notre pays.
J'imagine que ce que nous n'avons pas, ce sont des subventions à une échelle aussi grande, pour bâtir des installations qui sont aussi colossales, et qui nous permettent de tirer les recettes qu'il faut pour payer des salaires élevés. Souvent, nous avons procédé à la canadienne, encore là, et c'était le contribuable qui intervenait et qui subventionnait la construction de ces installations, mais le public, d'une certaine manière, les possède encore et conserve les recettes.
Donc, dans le cas de B.C. Place, le gouvernement a financé la construction de cette installation, et lorsqu'il s'agit de savoir qui touche les recettes pour les manifestations qui ont lieu là, des loges et des sièges et tout le reste, l'équipe touche sa part mais le propriétaire—nommément, dans ce cas-ci, le gouvernement—garde une bonne partie des recettes.
Le SkyDôme est maintenant propriété privée. Le gouvernement a récupéré une bonne partie de son investissement—mais pas tout—mais le fait est que le gouvernement a financé pour une bonne part la construction du SkyDôme.
Donc je pense que nous avons eu des subventions du même genre ici, et il s'agit seulement de savoir s'il faut élargir ces subventions pour inclure d'autres crédits fiscaux, et c'est d'ailleurs ce que d'autres vous proposeront plus tard.
En réponse à votre dernière question, à savoir la valeur des franchises sportives, je pense que l'on peut compter comme on veut. Il y aura toujours des exemples dans d'autres genres d'entreprises aussi, où vous pourrez faire valoir qu'une bonne partie de l'argent et une bonne partie des avantages quittent le pays d'une manière ou d'une autre. Mais je ne crois pas qu'on peut nier que si l'on additionne tous les emplois qui sont créés rien que par les équipes professionnelles, par exemple, celles qui existent au Canada, vous aboutirez à un grand nombre d'emplois que vous, les parlementaires, détesteriez perdre dans n'importe quelle autre industrie. Si vous faites le total et si l'on vous dit que tous ces emplois vont disparaître, de nombreux parlementaires seraient mécontents si l'on perdait le même nombre d'emplois dans n'importe quelle autre industrie.
Donc je pense qu'il y a là un certain nombre d'emplois directs. Personne ne conteste le fait qu'il y a là des millions et des millions de dollars en recettes fiscales que touchent les gouvernements à tous les niveaux par suite des activités des équipes professionnelles et des salaires qui sont versés aux joueurs dans bien des cas.
Enfin, il y a la question du prestige. Ce n'est certainement pas moi qui vais vous dire qu'il y a des villes ou des collectivités canadiennes qui vont disparaître si elles n'ont pas d'équipe professionnelle chez elles, ou plus qu'une, mais j'ai la conviction que ces équipes jouent le rôle de rassembleur pour la collectivité. C'est une chose qui transcende la politique et la finance et tous ces autres problèmes qui nous préoccupent, et le fait est que le sport donne du prestige aux villes et qu'il favorise notamment le développement économique.
Il ne fait aucun doute dans mon esprit que lorsque les Blue Jays de Toronto parcourent l'Amérique du Nord, ils aident à faire connaître Toronto, et on peut en dire autant de toutes les autres équipes du pays. À mon avis c'est une bonne chose.
C'est donc une petite chose, mais qu'on ne peut pas mesurer, et je pense qu'on peut tout aussi bien compter dans l'autre sens, et je suis surpris d'apprendre que personne n'a encore fait valoir le fait que ces concessions contribuent au développement économique de plusieurs façons.
Le président: Merci, Nelson.
Des Blue Bombers de Winnipeg, M. Iftody.
M. David Iftody (Provencher, Lib.): Merci, Dennis.
Merci beaucoup pour cet exposé. Vous avez fait valoir des arguments extrêmement intéressants.
J'ai essentiellement deux questions à poser. La première porte sur la réussite des équipes de football dans l'ouest canadien, et la disparition, surtout depuis dix ans, du football canadien dans l'est. Nous n'avons pas su ici capter l'imagination des gens.
Moi aussi, John, j'étais au match d'Edmonton, et j'ai vu comme vous des gens de la Saskatchewan qui avaient fait 500, 600 et 700 milles pour se rendre à Edmonton, et à beaucoup de frais. Je me rappelle même qu'à ce moment, plusieurs commentateurs ont dit que c'était là l'équipe de Toronto, et qu'on avait organisé très peu de vols nolisés de Toronto à Edmonton pour assister à ce match.
Je veux donc savoir en premier lieu ce qui explique cette différence culturelle et sociale dans la popularité de la Ligue canadienne de football entre l'est et l'ouest? Est-ce que cela a, par exemple, quelque chose à voir avec l'évolution du genre de personnes qui assistent à ces matchs, ou, comme certains l'ont dit, avec le fait qu'on s'intéresse davantage au soccer qu'au football à Toronto et à Montréal?
• 1625
La deuxième question, bien sûr, a trait au plafond salarial.
En ma qualité de Manitobain, et ayant joué au hockey dans les
campagnes du Manitoba presque toute ma vie et étant un ancien
supporter des Jets de Winnipeg, je ne saurais pas vous dire combien
j'ai été déçu lorsqu'ils sont partis—et nous discutions de cela au
comité de l'industrie à ce moment-là avec le président de notre
comité—et nous discutions du plafond salarial à la LNH. Nous
savions que si les joueurs et les associations ne réussissaient pas
à s'entendre, nous allions perdre notre club de hockey à Winnipeg,
en dépit de tous les efforts des entrepreneurs locaux. Vous savez
sans doute fort bien ce que nous avons fait pour sauver les Jets.
On a organisé des rassemblements dans les rues, et les gens
envoyaient des dons aux stations de radio. Nous avions une promesse
du gouvernement fédéral. Le gouvernement provincial, le premier
ministre Filmon, avait investi de l'argent aussi pour la
construction d'une nouvelle installation, parce que nous tenions à
sauver notre club de hockey étant donné son importance pour le
prestige de notre ville.
Voyez maintenant la géographie de la LNH, il n'y a plus de club de hockey à Minneapolis. Il a déménagé à Dallas. Nous n'avons plus de club à Winnipeg. Nous n'en avons pas à Regina. Toute cette région est privée de ce divertissement.
Comme vous dites, le fait qu'on mentionnait Winnipeg à la télévision de Los Angeles ou de New York quelques fois par semaine ne faisait sûrement aucun tort à notre économie. Lorsqu'on essayait d'attirer des équipes professionnelles dans l'ouest canadien, à Winnipeg, l'un de nos attraits était le fait que l'on pouvait assister à un match si l'on séjournait à l'hôtel un jeudi ou un vendredi soir.
Voilà où je veux en venir en ce qui concerne le plafond salarial. Je suis d'ailleurs impatient d'en parler aux gens de la LNH, car j'estime que cela a été un coup très dur pour le hockey au Canada et aussi pour le Canada. Nous avons perdu Québec; nous avons perdu les Jets de Winnipeg. Edmonton survit à peine.
Il est intéressant, John, de noter, par exemple, que Chris Walby, qui a joué pendant 14 ans au Manitoba avec les Blue Bombers de Winnipeg... je crois que le salaire le plus élevé qu'il a obtenu, monsieur le président, et il ne faut pas oublier qu'il a été nommé au temple de la renommée, était de 70 000 $ par an. Quand il en était à sa dernière année dans l'uniforme des Blue Bombers, nous avons eu un jeune Canadien de 19 ans qui est venu jouer pour les Jets de Winnipeg. Son salaire de départ pour la première année, monsieur le président, était de 985 000 $ US.
Voilà donc deux Canadiens, dont l'un s'est dirigé vers le hockey et l'autre vers le football, et il y a cet écart incroyable. Avec une concurrence comme celle-là, je vous le dis, il est très difficile d'amener les Canadiens moyens à aller assister à des matchs de hockey avec leurs femmes et leurs enfants quand on doit payer des salaires comme ceux-là.
La question de la fiscalité est aussi liée à cela. Comme mon collègue du Bloc l'a dit, il n'est pas facile, monsieur Tory, d'amener les Canadiens à accepter dans leur coeur qu'on accorde des dégrèvements fiscaux à des joueurs de hockey qui sont millionnaires. Il y a quelque chose en nous, qui est peut-être typiquement canadien, qui fait que cela nous rend généralement mal à l'aise, et il me semble que le plafond salarial et la fiscalité ne sont pas des questions distinctes et qu'il faut en parler.
Il y a donc deux questions qui se posent, si vous me permettez de résumer. La première est celle des différences culturelles entre l'ouest et l'est du Canada en ce qui a trait au football, différences importantes pour le succès à long terme de votre ligue. Si vous n'arrivez pas à attirer les jeunes joueurs de nos écoles secondaires canadiennes, si vous n'arrivez pas à stimuler leur intérêt, nous sommes en difficulté dans l'est canadien.
La deuxième est le lien entre le plafond salarial et les attentes des contribuables canadiens en ce qui a trait au subventionnement de ces sports.
M. John Tory: Merci beaucoup pour vos questions.
En ce qui a trait à la différence entre l'ouest et l'est, je voudrais l'expliquer. J'aime à penser de temps en temps—et je crois que c'est vrai—que ce qui a sans doute le plus contribué au déclin de la LFC dans l'Est canadien, c'est l'image qu'on avait de la ligue, parce que chaque fois qu'il y avait une crise financière qui donnait l'impression que nous allions devoir fermer boutique, c'est invariablement dans l'Est que cela arrivait, ce qui fait que les gens en sont venus à nous considérer comme une organisation qui n'avait pas bonne réputation et auxquels ils ne voulaient pas être associés.
• 1630
Quand certains propriétaires se plaignaient de la mauvaise
couverture de presse, j'avais l'habitude de leur dire que, si nous
ne nous comportions pas comme des bouffons, les médias ne nous
présenteraient pas ainsi. J'estime que la couverture que nous avons
reçue l'an dernier, après que nous avons amélioré notre façon de
gérer nos affaires, s'est considérablement améliorée. Elle était
beaucoup plus favorable et beaucoup plus axée sur les joueurs,
comme elle devrait l'être.
Par ailleurs, ce qui s'est passé dans l'Est, c'est que la qualité des équipes dans deux localités, notamment Hamilton et Ottawa, était médiocre. Nous avons fait une étude de marché à Hamilton l'an dernier, où les recettes au guichet avaient été très mauvaises. Nous avons demandé aux gens quelle était leur équipe préférée sur le marché de Hamilton et nous avions inclus dans la liste les Blue Jays, les Maple Leafs de Toronto, les Bills de Buffalo et toutes les autres équipes qu'on s'attendrait de retrouver sur la liste, et ce sont les Tiger-Cats de Hamilton qui sont arrivés bons premiers.
Bien entendu, nous avons alors demandé aux répondants, dans le même sondage, pourquoi ils n'étaient pas allés voir les matchs des Tiger-Cats l'année précédente s'ils les aimaient tant que ça, et ils ont répondu que l'équipe à leurs yeux était trop lamentable. Ils ont dit qu'ils ne voulaient pas aller voir un match d'une équipe qui n'avait aucune chance de gagner. Cette constatation me paraît étroitement liée à cette autre question des salaires et du reste. Ainsi, la qualité des équipes était un facteur.
Dans certaines de ces villes, notamment à Toronto, la concurrence est très vive sur le marché du divertissement comme le savent M. Mills et d'autres. Il y a une équipe de ballon panier, une équipe de baseball et plein de théâtres et d'autres activités qui s'arrachent les spectateurs en quête de divertissements.
Tous ces facteurs se conjuguent pour faire en sorte que la LFC n'est pas aussi bien vue que les autres. Elle n'est pas aussi «respectée», si vous me passez l'expression, par les Canadiens de l'Est qu'elle l'est par les Canadiens de l'Ouest, où le sport fait vraiment partie intégrante du tissu social de toutes les villes de l'Ouest, comme vous l'avez laissé entendre.
En réponse à votre deuxième question, je suis un ardent défenseur des forces du marché. Sinon, je ne pourrais pas me dire conservateur Progressiste. Il a toutefois deux aspects à ces forces du marché. D'une part, un plafond salarial comme celui que nous avons imposé, ou quelque plafond salarial que ce soit va, de par sa nature même, à l'encontre des forces du marché. Il constitue une limite à la liberté d'action. Ainsi, d'une part, c'est quelque chose qui va à l'encontre des forces du marché, et certains pourraient soutenir que, si quelqu'un peut gagner 900 000 $ ou 9 millions de dollars à jouer au hockey, au ballon panier ou à quoi que ce soit d'autre, il devrait être autorisé à le faire.
D'autre part, si nous permettons aux forces du marché de dicter l'avenir des franchises canadiennes dans le domaine du sport professionnel, cela revient à ce que je disais à Regina. Si le marché règne en roi et maître ou si le seuil fixé par le marché est celui qui est fixé à Los Angeles ou à New York plutôt qu'à Québec ou à Winnipeg, force nous est de conclure que toutes les équipes professionnelles canadiennes, à l'exception peut-être du Canadien de Montréal et des Maple Leafs de Toronto—peut-être aussi des Canucks de Vancouver—sont en difficulté. Pour toutes les raisons que nous avons évoquées, notamment le taux de change, nous n'avons pas les moyens de payer au Canada ces salaires qui sont fixés sur un marché plus grand et plus riche aux États-Unis, surtout au regard du dollar canadien.
Vous m'avez demandé s'il y aurait moyen de trouver un mécanisme fiscal pour régler ce problème. Je ne suis pas sûr qu'il soit possible de trouver un mécanisme fiscal qui permettrait de régler le problème ni qu'il y aurait la volonté de subventionner les équipes au niveau où il faudrait les subventionner pour les rendre viables.
J'espère que M. Bettman et les autres qui témoigneront devant vous vous parleront de l'ampleur des pertes—j'en suis moi-même conscient pour diverses raisons—qu'ont subi certaines équipes qui participent à des ligues internationales dont l'activité est principalement concentrée aux États-Unis. Je ne suis pas sûr d'ailleurs que le gouvernement—ou quelque gouvernement que ce soit—soit en mesure de faire un chèque assez gros pour combler la différence. Nous nous trouverions en fait à créer ni plus ni moins une situation artificielle où le dollar canadien serait sur un pied d'égalité avec le dollar américain, et s'il fallait le faire pour chaque industrie, nous ne tarderions pas à manquer d'argent.
J'ai lu dans le journal ce matin que le moment était peut-être venu de revenir à une sorte de ligue canadienne du hockey, qui engloberait toutes les équipes des villes canadiennes.
Je répondrais ainsi—revenons à la LCF, où nous avons un plafond salarial de 2,1 millions de dollars. Je vous mets au défi de trouver un match plus passionnant que celui qui a opposé les Argonauts de Toronto et les Alouettes de Montréal au SkyDome l'an dernier, dans la finale de l'Est. C'était le match de football le plus captivant auquel j'ai assisté depuis 10 ans, et j'en ai vu beaucoup. Ce match où s'affrontaient des joueurs qui se sont donnés corps et âme pour des salaires qui étaient plafonnés, sur le plan non pas du montant que chacun pouvait toucher, mais du montant total, je l'ai trouvé tout aussi passionnant que n'importe quel autre match sportif auquel j'ai assisté, peu importe le salaire payé aux athlètes.
Je ne suis pas sûr que le plaisir que prennent les amateurs de sport canadiens doive se mesurer en fonction des salaires payés, et je ne suis pas sûr non plus de l'idée d'une ligue canadienne où nous jouerions, comme quelqu'un lÂa proposé en plaisantant dans le journal de ce matin, avec d'autres ligues aux États-Unis dont les équipes joueraient contre nous pour la Coupe Stanley et gagneraient peut-être de temps en temps. Cette idée n'a aucun sens. Je ne sais pas si cette réponse peut être considérée comme sérieuse, mais je ne sais pas où tout cela va aboutir. Je ne crois pas que les gouvernements disposent des mécanismes nécessaires pour résoudre ces problèmes.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Iftody.
Monsieur Coderre.
M. Denis Coderre (Bourassa, Lib): Merci. Je suppose que dorénavant je représente les Alouettes de Montréal, n'est-ce pas?
[Français]
J'ai participé à l'époque; j'allais voir les matchs des Alouettes quand Marv Levy était coach. Il y avait 65 000 personnes dans l'assistance, lors du dernier grand match contre les Tiger Cats de Hamilton qu'on avait littéralement «plantés».
J'ai vécu aussi la période de Nelson Skalbania, la période désastreuse des Concordes de Montréal. Par la suite, on a vu la ligue baisser énormément. Là, elle commence à reprendre un peu du poil de la bête. Je sais que Serge Savard travaille très fort actuellement avec Larry Smith, avec les Alouettes, pour s'assurer qu'on ait un stade. En fait, c'est au stade Molson, au centre-ville, que les Alouettes vont jouer à compter de maintenant. On voit qu'il y a quand même une certaine renaissance.
Tout ça pour dire que Montréal est une ville de football. On n'a pas les Wally Buono, les Peter Dalla Riva et les Joe Barnes de l'époque, mais on semble quand même voir des choses intéressantes poindre à l'horizon.
On parle toujours de marché et de salaires. La question que je me pose d'abord, à propos du problème que vit la ligue canadienne de football, c'est si ce n'est pas dû à l'effet désastreux qu'ont eu les Concordes à l'époque. Les gens ne se sont plus senti d'appartenance envers cette ligue dont Montréal a été exclu à un moment donné. La Ligue canadienne de football jouait dans l'Ouest et il n'y avait pas d'équipe dans les provinces de l'Atlantique.
Est-ce que ce n'est pas là véritablement le problème que connaît la Ligue canadienne de football, celui d'être canadienne seulement dans certains secteurs et pas vraiment d'un océan à l'autre? Si on veut vraiment s'assurer un sentiment d'appartenance, il faudrait s'orienter vers cela, donc penser davantage en termes d'expansion et de mise sur pied d'équipes dans les autres villes canadiennes.
[Traduction]
M. John Tory: Je partage entièrement votre avis, monsieur Coderre. Il me semble certain que lorsque des équipes font faillite ou quittent une ville, comme cela a été le cas de Montréal il y a neuf ou 10 ans, ou d'Ottawa il y a deux ans, cela a pour effet de diminuer l'intérêt général pour la ligue, et de rendre plus difficile toute tentative de raviver cet intérêt sérieusement.
Cependant, tout ce que je peux vous dire, c'est que nous reconnaissons cette réalité. Nous reconnaissons combien la ligue a déjà souffert d'une mauvaise administration et de cette impression d'incompétence, et depuis quelques années nous essayons de stabiliser la situation.
Au nom de toute la ligue, je peux dire qu'une des choses dont je suis très fier, c'est notre retour à Montréal après une absence de neuf ans, et grâce aux efforts de Serge Savard et de Larry Smith en particulier, nous sommes en train de rebâtir la franchise.
Dès que la ligue sera complètement stabilisée, j'aimerais revoir une franchise à Ottawa. Il y a eu une équipe ici pendant 116 ans, et il n'est donc pas normal que la capitale nationale, qui représente un marché important, n'ait pas une équipe dans la LCF. J'aimerais ensuite étudier sérieusement la possibilité d'établir une équipe dans la région de l'Atlantique, probablement à Halifax, car les gens là-bas s'y intéressent depuis un certain temps.
Je suis d'accord avec vous pour dire que si l'intérêt pour la LCF a diminué pendant 10 ans, jusqu'à 1996, c'est parce que des équipes disparaissaient. Dans des villes comme Montréal, qui est une des villes les plus importantes, sinon la plus importante, du Canada, des équipes ont abandonné la ligue. Dans une situation pareille, on ne peut pas faire croire aux amateurs qu'ils font partie d'un phénomène croissant et passionnant, qu'on pourrait qualifier de «cool», pour reprendre l'expression de mes enfants.
Notre objectif est de redonner cette allure à la Ligue canadienne de football, pour que les jeunes aient envie de venir regarder les parties et d'être associés à la ligue. Je répète qu'à Montréal il faut le faire billet par billet, famille par famille, et c'est ce que Larry Smith, Serge Savard et leurs collaborateurs sont en train de faire.
À mon avis, vous avez tout à fait raison de dire que notre image a beaucoup souffert au cours de la dernière décennie, sauf l'an dernier, où je crois que le bilan était plutôt positif.
M. Denis Coderre: C'était meilleur.
M. John Tory: Oui, il serait juste de dire que c'était meilleur. J'accepte donc ce que vous dites, et nous essayons d'améliorer la situation.
[Français]
M. Denis Coderre: Monsieur Tory, on pourrait philosopher longuement et discuter des grands principes de la vie, mais j'aimerais qu'on s'arrête aux faits comme tels si on veut formuler des recommandations à la fine pointe et qui répondent bien à la situation. Comme vous, je reconnais que, finalement, le sport est également une industrie et qu'il faut le considérer comme tel. Il nous faut donc des chiffres. Quel est le salaire moyen actuel d'un joueur de la Ligue canadienne de football?
[Traduction]
M. John Tory: Ce n'est pas tout à fait 50 000 $, mais pas loin.
M. Denis Coderre: D'accord.
M. John Tory: Je suis content de vous faire part de ces chiffres. Ils font partie de la convention collective, et ils sont tous publiés dans les journaux.
Le salaire de départ, la première année, pour un joueur de la LCF, est de 28 000 $. C'est pour jouer 18 parties. C'est donc une saison un peu plus courte, mais il n'empêche que, comparativement à d'autres sports, ce n'est pas une très grosse somme.
Dans la LCF, le salaire maximum d'un joueur—à l'exception de deux cas historiques—est de 150 000 $.
M. Denis Coderre: D'accord.
M. John Tory: La moyenne se situe aux alentours de 50 000 $.
Ce qui est intéressant, c'est qu'à cause de l'existence d'un quota canadien, si on peut l'appeler ainsi, disposition que, pour des raisons juridiques, nous appelons un quota de non-importation, chaque équipe doit avoir un certain nombre de joueurs canadiens. La loi de l'offre et de la demande joue son rôle, et beaucoup de joueurs canadiens sont particulièrement bien payés, car il y a beaucoup moins de joueurs de football canadiens. Chris Walby, dont M. Iftody a parlé, et qui gagnait 75 000 $, avait un salaire nettement au-dessus de la moyenne, car lorsqu'il jouait il était particulièrement en demande.
Voilà donc les chiffres. Tous les salaires conjugués d'une équipe de la LCF s'élèvent à un peu moins de 2,1 millions de dollars, car on essaie de se rapprocher le plus possible du maximum sans le dépasser.
[Français]
M. Denis Coderre: Maintenant, les revenus sont certainement importants. On parle du prix des billets. Mais qu'en est-il des droits de télévision, des droits de marketing, par exemple? Quelle entente existe-t-il entre, par exemple, la Ligue canadienne de football et les postes de télévision et de radio? Qu'est-ce que cela rapporte actuellement? Est-ce que l'entente est différente dans chaque ville ou s'il y a une entente globale?
[Traduction]
Montrez-moi l'argent.
M. John Tory: Un contrat national existe. Nous n'avons pas révélé les détails de ce contrat. Qu'il me suffise de vous dire que cette année nous avons signé un contrat de télévision bien plus généreux avec TSN/RDS. Les équipes de la ligue recevront un dividende bien plus important, du moins je l'espère, si nous pouvons maintenir nos affaires en bon ordre pendant le reste de cette année.
Cela dit, la LCF, contrairement à tous les autres sports professionnels en Amérique du Nord, continue à tirer environ 80 p. 100 de ses revenus des ventes de billets, et cela, même avec ce nouveau contrat de télévision. Ce sont les gens qui occupent des sièges qui paient les factures. En fin de compte, grâce à un meilleur contrat de télévision cette année, la télévision et d'autres activités sans lien avec la vente des billets paieront environ 20 p. 100 des coûts d'une équipe de la LCF.
M. Denis Coderre: Vous avez dit 20 p. 100. Et la vente de maillots, etc?
M. John Tory: Cela représente un pourcentage négligeable. Pour la meilleure des équipes, cela peut atteindre 5 p. 100. En fait, l'équipe de Winnipeg est une de celles qui ont le plus de revenus dans ce domaine, et cela doit représenter quelque chose comme 5 p. 100.
La moyenne des dépenses d'une équipe de la LCF se situe entre 5 et 6 millions de dollars. Cela dépend de divers facteurs, comme le coût de location du stade. Le SkyDome coûte plus cher à louer que certains autres stades. Le stade McMahon, à Calgary, coûte très cher par rapport à d'autres, si bien que le propriétaire de l'équipe de Calgary doit dépenser beaucoup plus pour louer le stade.
Voilà pour les dépenses moyennes. Par conséquent, il faut des recettes de 5,5 à 6 millions de dollars. Si vous soustrayez de cette somme, disons, un million de dollars pour des activités secondaires, y compris les contributions de la ligue pour les droits de télévision, il leur reste 5 millions de dollars, et cette somme vient surtout de la vente des billets et des commanditaires locaux.
[Français]
M. Denis Coderre: Y a-t-il des franchisés qui ont fait des profits cette année ou s'ils sont tous déficitaires?
[Traduction]
M. John Tory: Y a-t-il des franchises qui font des bénéfices?
M. Denis Coderre: Oui.
M. John Tory: Oui. Cette année je pourrais dire—je fais un rapide calcul mental—que trois franchises feront certainement des bénéfices. Il y en a deux autres qui rentrent pratiquement dans leurs frais, et trois qui ont des pertes assez importantes.
[Français]
M. Denis Coderre: Très bien. Au baseball maintenant, pour aider les petits marchés, il y a eu entre les propriétaires, l'année dernière, une entente selon laquelle on a décidé qu'une forme de péréquation s'appliquerait et qu'une somme d'argent serait octroyée par la ligue de baseball.
J'aurais donc deux dernières questions. Premièrement, est-ce que la Ligue canadienne de football fait la même chose? Y a-t-il une entente globale selon laquelle des profits sont concédés aux franchisés?
Deuxièmement, j'ai une question qui est peut-être sans rapport direct avec le point dont nous discutons. Croyez-vous que la Ligue canadienne de football devrait... Comment dirais-je? Est-ce qu'un gouvernement devrait investir dans la construction d'un stade, si on veut faire comme certaines autres villes? Est-ce que le gouvernement devrait y investir de l'argent et sous quelle forme? Est-ce que cela devrait se faire par un pacte fiscal ou bien par des subventions directes?
• 1645
Enfin, si on veut créer une plus
forte identité entre les adeptes et une franchise
professionnelle, pourquoi les Argos de
Toronto ont-ils dû faire des black-out? Pourquoi moi,
qui suis Montréalais, n'ai-je pas le droit de voir Doug
Flutie? Il n'est plus là, d'accord. Mais pourquoi
n'ai-je pas
le droit de voir certaines autres équipes à cause de ce
black-out? Vous ne pensez pas que cela pourrait
aider, justement, qu'un Montréalais puisse voir les
B.C. Lions ou les Winnipeg Blue Bombers?
[Traduction]
M. John Tory: Je vais commencer par votre troisième question. J'ai oublié la seconde, mais vous pourrez me la rappeler.
M. Denis Coderre: Je vous la rappellerai.
M. John Tory: À propos des embargos, vous pourrez voir les parties. Les seuls qui ne pourront pas voir les Argos jouer sont les gens qui vivent à Toronto. Leurs parties seront diffusées dans le reste du pays, mais il y aura un embargo local à la télévision. On m'a critiqué pour cette décision, mais c'est une décision que nous avons prise à l'unanimité.
La raison est très simple: depuis quatre ou cinq ans l'assistance aux parties a beaucoup diminué. Quand on a supprimé tous les embargos, les parties qui se jouaient au SkyDome étaient diffusées à Toronto. Nous avons décidé que cela n'allait pas, puisque l'assistance diminuait. Nous avons donc décidé de rétablir les embargos pour les parties jouées localement pour voir si les ventes de billets augmenteraient. Il faudra que nous examinions les résultats de cette mesure à la fin de la saison.
Je crois que vous m'avez demandé ensuite si les gouvernements devraient investir dans les stades et les arénas, et je vous répondrai que oui, à mon avis ils devraient intervenir. Si cela me semble important, ce n'est peut-être pas pour les raisons généralement invoquées, mais il me semble que les gouvernements sont particulièrement bien placés pour aider à lancer un emprunt pour construire ces installations. Cet argent devrait ensuite être remboursé...
M. Denis Coderre: Pour n'importe quel sport, ou seulement pour le football?
M. John Tory: N'importe quel sport. Ce sont là... Je vais vous donner mes raisons...
M. Denis Coderre: Par conséquent, les Expos devraient avoir leur propre stade, et c'est nous qui devrions le payer.
M. John Tory: Je pense que les gouvernements pourraient expliquer logiquement pour quelle raison ils contribuent au coût de ces stades—peut-être vaudrait-il mieux parler d'une «aide au financement». Ces stades font partie de l'infrastructure d'une ville, et c'est grâce à eux qu'une équipe reste viable. Cela permet également d'attirer d'autres manifestations dans la ville, d'autres sports, tournois, compétitions sportives, etc.
J'irais même plus loin en disant que l'argent pourrait être récupéré sous forme d'une taxe sur les billets. De cette façon, ce serait les gens qui assistent aux parties, et peut-être les entreprises qui les utilisent, qui rembourseraient l'argent sur une certaine période de temps. Ce serait les usagers, dans ce cas les équipes et leurs supporteurs, qui rembourseraient l'argent. Cela pourrait prendre assez longtemps, par exemple dix ans. Le gouvernement peut se donner le luxe de recueillir de grosses sommes d'argent, etc.
Je le répète, je considère que ces stades sont un élément important de l'infrastructure de la communauté. Celle-ci peut les utiliser lorsqu'ils ne sont pas occupés par des équipes professionnelles, c'est-à-dire une bonne partie de l'année. Et en même temps cela permet aux équipes de rester sur place. À mon avis, c'est le seul rôle que le gouvernement devrait jouer. À Winnipeg, il y a la Winnipeg Enterprises Corporation qui a construit et qui entretient le stade et l'aréna de Winnipeg, et je ne vois pas où est le problème. Je suis certain qu'une bonne partie de l'année ces installations sont utilisées par des groupes autres que les équipes professionnelles. À mon avis, les contribuables n'ont rien contre ce type d'investissement, à condition que cela reste raisonnable.
Vous avez donc posé des questions sur les embargos et les stades. Vous souvenez-vous de la première, ou bien ai-je terminé?
M. Denis Coderre: Non, c'est parfait; c'était tout.
Le président: Monsieur Provenzano.
M. Carmen Provenzano (Sault Ste. Marie, Lib.): Une question très courte, monsieur le président.
Votre exposé nous suggère certainement beaucoup de questions, mais j'ai l'impression que toutes ces questions n'intéressent pas forcément le comité. Vous avez dit que les gouvernements doivent s'assurer que les sports, y compris le football professionnel, suscitent tout l'intérêt qu'ils méritent. Le football canadien s'est aventuré sur le marché américain, et beaucoup de questions se posent à ce sujet. Ce qui m'intéresse particulièrement, monsieur Tory, c'est de savoir si on a recueilli des données ou des informations à la suite de cet effort, des données signalant des différences frappantes entre la façon dont les gouvernements américains, à tous les paliers, traitent ces franchises de la LCF par rapport à la façon dont elles sont traitées ici au Canada. S'il y a des différences, cela pourrait peut-être intéresser ce comité.
M. John Tory: La bonne réponse à votre question serait non, monsieur Provenzano. D'après nous, le rôle du gouvernement au Canada était dans un certain sens avantageux pour les équipes canadiennes, au moment où la LCF avait des équipes aux États-Unis.
• 1650
Par exemple, au Canada, l'indemnisation des travailleurs est
gérée par le gouvernement; cela donne des primes qui sont plus
raisonnables qu'aux États-Unis. Aux États-Unis, nos équipes
devaient payer des primes qui sont basées sur les taux de marché du
secteur privé, je suppose, et ces primes étaient très, très
élevées. Pour ces équipes, le coût de l'assurance-maladie aux
États-Unis était exorbitant. De plus, les régimes fiscaux et les
aspects semblables n'étaient pas différents. Elles n'ont reçu
aucune contribution des villes où elles se sont installées, et
elles n'en ont pas demandé.
D'après moi, l'expansion de la Ligue canadienne de football aux États-Unis a échoué parce que le processus a été très mal géré. On cherchait des franchises parce que les revenus des franchises allaient nous garder à flot pendant une année encore; on aurait dû s'attaquer aux bons marchés au bon moment, de façon intelligente—intelligente sur le plan commercial. Je vous dis tout cela très ouvertement.
Mais étant donné la façon dont on s'y est pris, nous n'avions pas assez de temps. Je dois donc assumer la responsabilité pour ces décisions. Cet essai a sauvé la ligue, parce qu'il nous a donné le temps d'entreprendre une restructuration. Nous avons aussi constaté qu'on voulait et devrait être une ligue canadienne, un modèle de football raisonnable et abordable en Amérique du Nord, basé principalement au Canada. Si on répétait cette expansion vers les États-Unis—quelque chose qui d'après moi ne se fera pas dans un avenir prévisible—on s'y prendrait de façon beaucoup plus considérée, pour offrir le même genre de produit abordable dans des villes des États-Unis qui, franchement, ne pourraient jamais envisager une autre sorte de franchise pour le football.
Mais quant aux aspects pratiques du rapport que vous allez écrire, il faudrait voir ce qu'on peut faire pour appuyer la construction, l'entretien et l'utilisation des installations. Là, vous pouvez nous aider, peut-être même avec une meilleure perspective. Après tout, nous parlons d'actifs communautaires qui peuvent être utilisés pour d'autres événements aussi. Vous pourriez offrir des contributions remboursables. Quand on offre des avantages fiscaux à des équipes sportives, il est difficile de se faire rembourser. Vous leur offrez un avantage; donc normalement cet argent n'est pas remboursé.
Vous pouvez considérer d'autres aspects de nos lois fiscales. Je sais que les taxes d'amusement provinciales et d'autres mesures de ce genre ne relèvent pas de votre compétence, mais vous pourriez poser des questions là-dessus aux témoins qui comparaissent devant le comité. Avec une taxe d'amusement, il est plus difficile pour les gens d'aller aux matchs, et cela réduit les recettes d'entrée.
Par exemple, vous pourriez aussi étudier les lois sur l'immigration pour que les joueurs et autres personnes associées à ces ligues sportives qui sont de plus en plus internationales soient incités à venir au Canada, à y rester, à faire partie de la société, à trouver des emplois et à travailler ici, et pour que leurs familles soient aussi incitées à travailler ici.
Tous ces aspects-là sont de petites choses qui font partie de la responsabilité du gouvernement, qui est de créer un environnement où ces équipes et ces ligues sportives peuvent fonctionner selon des règles du jeu équitables.
Je ne suis pas convaincu que vous allez pouvoir faire des recommandations pour pallier les problèmes fondamentaux dont nous avons discuté aujourd'hui en commençant par la valeur du dollar canadien, qu'aucune mesure gouvernementale ne pourra améliorer, jusqu'aux niveaux des salaires. Ce sont les forces du marché qui vont agir, et il n'y a pas de réponse facile. S'il y en avait une, quelqu'un l'aurait probablement déjà trouvée.
Je regrette, mais je ne peux pas vous être plus utile que cela, et je regrette que mon exposé aujourd'hui ait par définition été moins précis peut-être sur certaines de ces questions, parce que je ne suis pas ici pour vous demander de l'aide. Les propriétaires de la LCF m'en voudront peut-être à mon retour, parce qu'ils pourraient dire: «Qu'est-ce qui vous prend d'aller là-bas et de leur dire qu'on ne veut pas d'allégements fiscaux?» Certains d'entre eux l'accepteraient peut-être volontiers, mais je crois que beaucoup d'entre eux ont appris des leçons ces dernières années et se rendent compte qu'il faut faire en sorte que les recettes ressemblent aux dépenses, et cela se fait en contrôlant les dépenses et en essayant d'augmenter les recettes. Si on atteint cet équilibre, on n'a donc pas besoin de l'aide de quiconque.
Alors je ne suis pas certain que ce soit la bonne réponse, mais cela exprime un point de vue peut-être irréaliste pour les autres ligues. Je ne peux pas parler pour elles; je ne suis pas impliqué dans leurs affaires.
Le président: Il nous reste seulement quelques minutes. Je crois que M. Proud a une question à poser.
M. George Proud (Hillsborough, Lib.): Je vous remercie de votre exposé, monsieur Tory, mais je viens d'une partie du pays où on n'a pas d'équipe de la LCF. Vous avez mentionné qu'il y a une possibilité que cela se produise, et étant un amateur passionné de football, bien que j'appuie les Stampeders de Calgary, je crois que...
Le président: Vous dites cela seulement parce que Jim Silye est ici.
M. George Proud: Oui, je savais que Silye était là au fond.
Je ne sais pas quels types d'études vous avez faites à ce sujet. À un moment donné, je crois qu'on a failli avoir les Atlantic Schooners à Halifax. On avait le nom, et tout était prêt.
Nous avons un système universitaire là-bas qui est pas mal bon. C'est très compétitif. Dans ma province de l'Île-du-Prince-Édouard, on a éliminé l'équipe universitaire il y a quelques années, et cela a nui au football dans toute la province.
• 1655
Ces cinq dernières années, le football a repris dans les
écoles secondaires. M. Smith est venu nous parler un soir là-bas,
et on y est très enthousiaste. J'espère, au fur et à mesure que
vous continuerez votre travail dans la ligue, qu'il y aura une
équipe un jour, et je dirais qu'elle devrait aller à Halifax, parce
c'est la ville la plus importante. Nous n'avons pas non plus
d'équipe de la LNH, mais nous avons plusieurs équipes de la LAH, et
elles me semblent réussir très bien.
M. John Tory: Monsieur Proud, je suis d'accord avec votre proposition. Je crois que cette ligue sera nationale seulement si elle est véritablement nationale, et donc il faut qu'elle soit présente dans le Canada atlantique. Je crois que les deux choses dont nous discutons ici sont importantes dans ce contexte. Cela ne constitue pas une priorité à court terme pour moi, parce que j'essaie d'abord de stabiliser la ligue existante, et nous avons du chemin à faire.
Il faudrait d'abord qu'il y ait un stade, et il n'y a pas de doute que si on veut construire un stade de taille adéquate à Halifax—il n'a pas besoin d'être énorme; une capacité d'à peu près 20 000 personnes suffirait—il faudrait probablement qu'il y ait une forme d'aide publique. Encore une fois, étant donné qu'il y a tous ces programmes d'infrastructure qui permettent de construire toutes sortes d'autres choses, je ne vois pas pourquoi un stade mériterait moins de considération en vertu de ces programmes que n'importe quel autre projet.
La deuxième chose, ce serait que les gens de Halifax se rendent en Saskatchewan. Ce serait un bienfait pour le pays en tout cas. Envoyez-les en Saskatchewan rencontrer les gestionnaires des Roughriders de la Saskatchewan et leur demander comment ils ont fait cela, parce que si on peut gérer une équipe en Saskatchewan, qui a bien réussi dans une province qui a une population un peu plus élevée que la Nouvelle-Écosse, mais où la population de Regina est relativement petite, je crois que ce modèle pourrait fonctionner à Halifax, et je crois que ce serait excellent pour le pays.
Je n'ai jamais surestimé l'importance de la Ligue canadienne de football, mais si nous pouvons contribuer à une de ces institutions nationales et renforcer l'identité canadienne, cela serait bon pour le pays dans son ensemble. J'espère qu'il y aura un groupe de gens qui raviveront l'intérêt pour ce qui est d'établir une équipe à Halifax. Ils devront en parler avec les différents paliers gouvernementaux pour savoir si ces derniers seraient prêts à les aider à faire construire un stade, et j'espère que quand ils se rendront en Saskatchewan nous serons en mesure de les accueillir et de les intégrer dans une organisation forte et bien administrée, et c'est ce que nous essayons de faire.
Le président: Merci beaucoup, John. Votre contribution d'aujourd'hui et vos commentaires nous ont été très utiles, et nous nous remettrons en rapport avec vous sous peu.
M. John Tory: Merci, monsieur le président. Il n'y a probablement pas trois personnes au pays qui partagent les opinions que j'ai exprimées, mais je comparais ici à titre personnel et en tant que commissaire de la Ligue canadienne de football. J'aurai peut-être des problèmes avec les propriétaires, mais j'y survivrai.
Le président: Vous faites un travail excellent. Vous avez une tâche très difficile.
J'ai une petite question à poser sur la situation dans les écoles secondaires. Je sais que ces dernières sont de compétence provinciale, mais dans la grande région métropolitaine de Toronto nous remarquons qu'il y a de moins en moins d'équipes de football au niveau secondaire. Je ne sais pas si la Ligue canadienne de football fait quelque chose pour encourager les entraîneurs à promouvoir le football au niveau secondaire. Est-ce que votre programme comprend un plan à cet effet?
M. John Tory: Monsieur le président, nous faisons trois choses. Nous offrons une subvention très modeste à l'Association canadienne de football amateur, et il s'agit d'une subvention très modeste, car par le passé c'est tout ce que nous avons pu nous permettre de donner. Au fur et à mesure que notre situation financière s'améliore, j'espère que nous pourrons faire davantage. Ça c'est la première chose.
Deuxièmement, si nous pouvons gérer plus efficacement nos affaires, améliorer l'image de la ligue et accroître l'intérêt du public pour le football, on s'y intéressera davantage dans les écoles secondaires. Si les jeunes pensent que c'est génial d'aller voir une partie de la LCF, ils encourageront leurs parents à y aller et auront plus envie eux-mêmes de jouer au football.
La troisième chose que nous faisons est vraiment la clé si nous voulons raviver ou accroître l'intérêt général pour le football, qui est essentiellement une activité communautaire. Nous collaborons avec la Ligue nationale de football à un programme de flag-football auquel tous les jeunes au Canada peuvent participer. C'est une adaptation du touch-football. Nous nous rendons bien compte qu'il faut entreprendre ce genre d'initiatives.
Si on essaie de créer de l'intérêt pour une activité quelconque, il n'y a pas de recette magique. Que ce soit un jeu ou un produit qu'on essaie de promouvoir, il faut aller dans les écoles et dans les quartiers, et parler avec les gens individuellement. En prenant des initiatives comme celle du flag-football, nous espérons accroître l'intérêt du public pour ce sport. Je pense que cet objectif est réalisable, et nous travaillerons pour y arriver.
Quand j'étais à Edmonton pour la finale de la Coupe Grey, j'ai vu énormément d'enfants, grands et petits, portant des uniformes de football; je ne savais même pas qu'on faisait de l'équipement de football pour des enfants si jeunes. Quand on voit des centaines d'enfants, comme c'était le cas à Edmonton, on comprend qu'il est possible de maintenir l'intérêt pour ce sport ainsi que pour d'autres. Je pense qu'il est important de le faire, car le côté amateur du sport est dans un sens plus important, non pas parce qu'il fournit les joueurs professionnels de demain, puisque la plupart d'entre eux ne deviendront pas professionnels, mais plutôt parce que le sport dépasse toutes ces autres considérations et devrait continuer de jouer un rôle important dans la vie des jeunes.
Je partage donc cette préoccupation et j'espère qu'en améliorant la situation générale de la LCF nous stimulerons aussi la participation au football amateur dans les écoles secondaires et ailleurs.
Le président: Merci beaucoup de votre comparution aujourd'hui.
M. John Tory: Merci de m'avoir invité.
Le président: Chers collègues, la séance est levée.