SINT Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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SUB-COMMITTEE ON INTERNATIONAL TRADE, TRADE DISPUTES AND INVESTMENT OF THE STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE
SOUS-COMITÉ DU COMMERCE, DES DIFFÉRENDS COMMERCIAUX ET DES INVESTISSEMENTS INTERNATIONAUX DU COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mercredi 9 juin 1999
La présidente (Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.)): Messieurs, bienvenue au Sous-comité du commerce, des différends commerciaux et des investissements internationaux. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous examinons les intérêts prioritaires du Canada dans le processus de création d'une zone de libre-échange des Amériques. Nous espérons pouvoir présenter notre rapport en septembre, bien avant la réunion des ministres.
Aujourd'hui, nous accueillons MM. Mann et Howse. Qui veut commencer? Monsieur Howse.
[Français]
M. Benoît Sauvageau (Repentigny, BQ): Madame la présidente, je voudrais simplement poser une question de procédure au greffier.
Si la Chambre était prorogée cet été, est-ce que l'étude reprendrait automatiquement en septembre?
La présidente: En octobre, je crois.
M. Benoît Sauvageau: En octobre?
[Traduction]
La présidente: Nous l'espérons.
[Français]
M. Daniel Shaw (attaché de recherche auprès du comité): Il faudrait alors attendre les ordres de renvoi.
[Traduction]
La présidente: Le greffier m'informe que s'il y a prorogation de la Chambre, nous devrons renouveler le mandat en octobre, mais il est possible de le faire. Entre-temps, j'espère que nous pourrons rédiger notre rapport durant l'été, demander à ce que notre mandat soit reconduit et présenter le rapport immédiatement après, dès la reprise des travaux.
[Français]
M. Benoît Sauvageau: Si j'étais pessimiste, ce que je ne suis pas de nature, je dirais que cette étude sera lettre morte après la prorogation de la Chambre.
[Traduction]
La présidente: Non, nous pouvons reprendre où nous en étions restés au moyen d'une motion.
[Français]
M. Benoît Sauvageau: Pourquoi ne pouvait-on pas le faire dans le cas du rapport du comité permanent qui traitait des négociations futures à l'OMC?
[Traduction]
La présidente: Nous avons toujours eu l'intention de terminer ce rapport en septembre, puisque nous avons commencé à la fin mars. C'était déjà notre intention même avant que l'on parle de prorogation. Nous avons donc établi notre calendrier en conséquence. Nous n'avons jamais eu l'intention de le présenter à ce moment-ci.
[Français]
M. Benoît Sauvageau: C'était par respect pour les témoins, parce que je voulais que leurs témoignages soient efficients et effectifs.
[Traduction]
La présidente: C'est M. Howse qui commencera. Il représente la University of Michigan Law School. Bienvenue, monsieur Howse.
M. Robert Howse (University of Michigan Law School): Merci beaucoup.
Les mécanismes de règlement des différends de l'OMC et de l'ALENA comportent certaines caractéristiques qui, à mon avis, posent de plus en plus de problèmes vu que les pays membres doivent adapter ou limiter leur politique officielle en fonction du règlement des différends. Tout d'abord, permettez-moi d'expliquer ces caractéristiques et les raisons pour lesquelles il faudrait éviter de les reproduire dans un accord futur de libre-échange des Amériques.
Le règlement des différends de plus en plus judiciarisé à l'OMC a des effets assez évidents sur la politique gouvernementale. Il suffit pour s'en convaincre d'examiner l'affaire des périodiques, par exemple, et ses conséquences sur la politique culturelle du Canada, ou l'affaire des hormones bovines et ses conséquences sur la réglementation en matière de santé et de sécurité des pays adhérant à l'OMC.
La première caractéristique qui semble aller à l'encontre de cette influence sur la politique de l'État dans les démocraties libérales, c'est le secret. Les plaidoyers et les délibérations des commissions de l'OMC et du tribunal d'appel ont lieu à huis clos. Les citoyens et les groupes touchés ne sont pas en mesure de savoir ce qui se dit dans la salle. Jusqu'à tout récemment, les organismes non gouvernementaux et les particuliers n'avaient généralement aucun droit d'intervention, même au moyen d'un mémoire écrit, devant ces tribunaux.
Dans une affaire récente mettant en cause l'OMC, toutefois, le tribunal d'appel de l'OMC a déclaré que les commissions de règlement des différends pouvaient accepter les mémoires présentés par des intervenants désintéressés, de même que, dans une certaine mesure, le tribunal d'appel. C'est un progrès, mais reste à voir quelle influence pourront avoir de tels mémoires si les délibérations continuent de se dérouler à huis clos, de même que les délibérations des États en conflit.
• 1535
Ma première proposition est que l'on fasse de la transparence
l'un des critères de base du règlement des différends de la ZLEA et
que les normes de publicité qui s'appliquent, par exemple, aux
délibérations judiciaires normales dans les démocraties libérales
s'appliquent également dans ce cas-ci.
Plus précisément et en outre, même si on a décidé de permettre la présentation de mémoires par des intervenants désintéressés dans le processus de règlement des différends de l'OMC, il faudrait inclure, dans les dispositions de règlement des différends de l'Accord de libre-échange des Amériques, une disposition permettant expressément aux ONG et aux particuliers intéressés de présenter de tels mémoires. C'est ce que font déjà les tribunaux des démocraties libérales—et même certains tribunaux internationaux dont le tribunal interaméricain des droits de la personne—c'est-à-dire que le tribunal lui-même peut, à sa discrétion, accepter les témoignages verbaux ou écrits des ONG et des particuliers intéressés.
C'est donc une caractéristique très importante. Mais il existe sous le régime de l'ALENA un mécanisme de règlement des différends, celui de l'État-investisseur, qui est encore pire que celui de l'OMC pour ce qui est du secret, car outre les plaidoiries et les délibérations, même les résultats et l'énoncé de la plainte doivent être tenus secrets, d'après les règles d'arbitrage qui s'appliquent, si l'investisseur refuse la divulgation de ces textes au public. Ce qui a été clair et public, c'est la frustration du ministre, récemment, quant au mystère qui entoure ce mécanisme. Ce serait une chose à corriger, parallèlement à l'élimination de la tradition du secret dans les délibérations et les plaidoiries, surtout sous les régimes de l'OMC et de l'ALENA.
Voilà donc ma première proposition.
On a soulevé la question de la recherche de la tribune la plus favorable. À mon avis, cette question semble avoir une double dimension. Premièrement, je ferai remarquer que le professeur Marc Busch, du département du gouvernement de l'université Harvard effectue actuellement une étude empirique de la recherche de la tribune la plus favorable entre l'ALENA, le GATT et l'OMC. Le professeurs Bush est originaire de la Colombie-Britannique. Lorsque lui et ses collègues auront achevé cette étude, nous serons mieux en mesure de comprendre ce que l'on peut appeler l'économie politique, par opposition aux dimensions légalistes de cette recherche de la tribune la plus favorable.
Je ferai deux remarques. Tout d'abord, la prolifération de dispositions semblables mais non identiques interprétées par diverses tribunes nuira à la prévisibilité des règles et des normes du droit commercial et compromettra l'un des principaux objectifs de la réglementation du commerce international au moyen de règles. Des gens comme moi pourraient être amenés à faire preuve d'un certain scepticisme quant au postulat de base d'accord comme celui de la ZLEA, postulat voulant que les règles doivent s'appliquer à l'échelle régionale autant que multilatérale.
• 1540
Il existe toutefois des raisons politiques, stratégiques et
même commerciales pour approfondir certaines questions dans un
contexte régional. Si l'on accepte cette hypothèse, il faut étudier
ensuite de façon plus détaillée quelle sera l'interaction entre ces
règles régionales et les règles multilatérales.
Je signale à votre attention l'une des dimensions de cette question, c'est-à-dire l'article 23 de l'entente sur le règlement des différends de l'OMC, selon lequel, en gros, tous les différends sous le régime de l'OMC doivent être résolus au moyen des mécanismes de l'OMC. Si je vous signale cet article, c'est que le problème de la recherche de la tribune la plus favorable se pose en premier lieu parce qu'une même plainte peut soulever des questions juridiques qui se chevauchent entre ces différents régimes. On pourrait dire que sous le régime de l'article 23 de l'entente de règlement des différends de l'OMC, une partie qui veut avoir gain de cause sous le régime de l'OMC devra défendre ses intérêts dans la tribune de ce régime. Cette règle de l'OMC limite donc, dans une certaine mesure, les possibilités de recherche de la tribune la plus favorable.
Vous constaterez qu'il est logique pour les institutions de l'OMC d'être chargées de façon principale sinon exclusive de l'élaboration des règles de l'OMC. Le problème se pose lorsque le libellé de diverses dispositions de l'ALENA ou d'autres accords régionaux est quasi identique. Dans ces cas, les tribunaux régionaux interprètent ces dispositions, de même que les organismes de règlement de différends de l'OMC, c'est-à-dire les tribunaux et le tribunal d'appel.
Il ne semble donc pas y avoir de solution claire à ce problème si l'on n'arrive pas à en abolir tout à fait le régionalisme, ce qui serait impossible à mon avis. La solution, à l'échelle juridique, dans la mesure où il peut exister une solution, devra être trouvée dans l'application des divers principes généraux du droit international, entre autres les dispositions de la Convention de Vienne sur les conflits entre différents accords.
Je ne pense pas que l'on puisse inclure dans la ZLEA une disposition qui puisse résoudre clairement ce problème. Si l'on ajoute une disposition appliquant de façon exclusive le mécanisme de règlement des différends de la ZLEA en cas de réclamations chevauchantes, on ira à l'encontre des engagements pris par ces mêmes pays sous le régime de l'OMC. Comment pourra-t-on alors trancher? Dira-t-on que dans certains cas de différends, il faut adopter cette voie même si cela signifie qu'il faut abandonner une réclamation sous le régime de l'OMC à moins que le libellé ne soit identique dans l'accord régional?
Comme je l'ai dit, il est très difficile de trouver une solution claire à ce problème. C'est pourquoi il sera extrêmement utile de consulter des analyses d'économie politique comme celle du professeur Busch et de ses collègues, analyse qui expliquera en fait pour quelles raisons les gouvernements pourraient choisir une tribune plutôt qu'une autre. Si l'étude révèle qu'il existe un grand risque d'opportunisme ou de choix inapproprié d'une tribune plutôt qu'une autre, il faudra peut-être laisser les avocats et les tribunaux de droit international régler cette question au moyen des outils habituels d'analyse du droit international.
La présidente: Avant que vous ne poursuiviez, quand cette étude devrait-elle être publiée? Le savez-vous?
M. Robert Howse: Je possède une ébauche du premier chapitre, mais le professeur Busch a organisé une grande conférence à l'université Harvard pour le début de l'automne, vers le 15 octobre, je crois, conférence à laquelle un certain nombre de gens, dont moi, discuterons de cette question de la recherche de la tribune la plus favorable. Les résultats de la recherche du professeur Busch et de celle de ses collaborateurs seront présentés publiquement à cette conférence.
La présidente: D'accord, merci. Excusez-moi de vous avoir interrompu? Veillez continuer.
M. Robert Howse: On m'a dit que je n'avais que 10 minutes et j'en ai déjà pris 15. Je devrais peut-être m'arrêter ici, pour être juste envers votre autre témoin, quitte à reprendre plus tard.
La présidente: Merci.
Monsieur Mann.
M. Howard Mann (expert-conseil et avocat commercial): Merci, madame la présidente. J'ai préparé un petit document, qui a été distribué.
[Français]
Premièrement, je veux dire que je vais faire ma présentation en anglais, mais que je suis prêt à répondre, ou du moins à essayer de répondre à des questions en français.
[Traduction]
Les questions qui accompagnaient l'invitation à comparaître aujourd'hui que votre greffier nous a fait parvenir, portent sur deux aspects fondamentaux que je me propose de commenter. Mes propos seront très semblables à ceux de M. Howse. Le premier élément porte sur les caractéristiques essentielles à un processus de résolution des différends dans la ZLEA, tant les caractéristiques souhaitables que les indésirables. Le deuxième élément est la recherche de la tribune la plus favorable.
Pour ce qui est des caractéristiques souhaitables dans un organisme de résolution des différends, la première question était de savoir si nous devrions reprendre certains éléments de l'OMC ou de l'ALENA. Je ne suis pas certain que ce soit la bonne façon de formuler la question. Il faut en fait déterminer quelles sont les caractéristiques les meilleures et les plus pointues qu'il faudrait promouvoir dans le contexte de la ZLEA.
Sous cet angle, il existe probablement deux caractéristiques essentielles souhaitables. Il faudrait d'abord un cadre institutionnel plus semblable au modèle de l'OMC et ensuite un régime transparent, comme l'a expliqué M. Howse.
Parlons d'abord du cadre institutionnel. Il est essentiel, compte tenu de la portée et de la gamme des sujets que pourra inclure une ZLEA, d'instituer un secrétariat autonome centralisé pour appliquer les mécanismes. Ses fonctions dépassent de loin la capacité de secrétariats nationaux, entre autres des secrétariats calqués sur le modèle de l'ALENA. Mais c'est néanmoins un point de départ.
Il est également essentiel de mettre en place ce que j'appellerais un appareil judiciaire indépendant. Il faut créer une liste d'experts indépendants au lieu de compter sur les diplomates ou les bureaucrates gouvernementaux en place, comme cela se fait déjà dans l'Organisation mondiale du commerce. Dans ce contexte, le modèle de l'ALENA était probablement supérieur car les tribunaux étaient constitués d'experts indépendants. Il est également indispensable d'instaurer une procédure d'appel sous la gouverne d'experts reconnus, comme c'est maintenant le cas sous le régime de l'OMC—un organisme à deux paliers constituant une commission ou un appareil judiciaire chargé des examens indépendants ou du règlement des différends.
Lorsque j'ai témoigné sur la question de la résolution des différends devant le Comité permanent du commerce de l'OMC, j'ai dit qu'il était indispensable de veiller à ce que toutes les décisions soient rédigées entièrement par les membres des tribunaux eux-mêmes plutôt que par des bureaucrates à la solde du secrétariat auquel l'organisme peut appartenir. C'est semble-t-il ce qui se fait à l'OMC et les résultats sont désastreux. Il est essentiel que les tribunaux soient très autonomes et indépendants du secrétariat.
Enfin, sous l'angle institutionnel, il est également très utile de créer un mécanisme d'examen à l'intention des parties, mécanisme qui n'aurait pas la possibilité d'annuler les décisions du tribunal ou du tribunal d'appel, mais qui permettrait d'offrir une compréhension générale du déroulement du processus et de son organisation.
La deuxième caractéristique que je mentionnerai, c'est encore la transparence. Il est important d'améliorer ce qui existe déjà dans le contexte de l'OMC, aux diverses étapes du processus. Il devrait y avoir un avis de conflit possible. Il existe déjà une certaine transparence à cet égard à l'OMC, laquelle a un site Web où les avis sont affichés assez rapidement, ce qui permet de comprendre au moins un peu ce qui se passe.
Au sujet des avis de périodes de consultation, etc., les audiences causent encore un problème considérable, comme l'a expliqué M. Howse. Des avis des décisions sont publiés très rapidement et très efficacement, du moins pour ce qui est des décisions du tribunal d'appel. Ces avis sont affichés au site Web le jour même où les décisions sont rendues. Cela va donc assez bien de ce côté-là. Ce sont des aspects du modèle qu'il importe de reprendre.
• 1550
Pour ce qui est du déroulement des audiences ou des
délibérations, comme l'a dit M. Howse, il est indispensable que
tous les arguments, une fois déposés, soient rendus publics. Le
public et les médias devraient pouvoir assister aux audiences, et
le fait d'accepter ce que l'on appelle dans notre jargon, les
mémoires de la société civile ou des intervenants désintéressés est
un progrès essentiel—des décisions immédiatement accessibles.
Au sujet de ces questions de transparence, il faut noter qu'un très petit nombre d'affaires qu'étudie ce système sont susceptibles d'attirer l'attention. Il y en a quelques-unes chaque année, mais le nombre de ces affaires ne diminuera pas si l'on accorde au public la possibilité d'assister aux audiences. Cela n'entravera pas le processus. Le processus se déroulera comme d'habitude.
Mais les décisions vraiment essentielles qui permettent de comprendre la portée de la loi et d'interpréter les effets concrets du droit commercial sur tous les autres secteurs d'activités du gouvernement aujourd'hui—on pourra au moins dans ces cas aller chercher auprès du public toute l'attention et les opinions que ces décisions méritent.
Quant aux caractéristiques indésirables, il y a avant tout le mécanisme de résolution des différends sur l'investissement. Permettez-moi de préciser en disant qu'il s'agit du mécanisme de résolution des différends sur l'investissement que l'on trouve au chapitre 11 de l'ALENA. Il est inévitable et peut-être même très utile d'instituer un mécanisme de résolution des différends fort et efficace à l'intention de l'État-investisseur si l'on entend inclure l'investissement dans le résultat final des négociations de la ZLEA, comme c'est maintenant le cas. Si l'on adopte un accord sur l'investissement, je m'oppose à l'idée que l'on crée une procédure de résolution des différends à l'intention de l'État-investisseur.
Permettez-moi de faire une petite publicité, comme l'a fait M. Howse. Je suis en train d'achever une étude pour le compte de l'Institut international du développement durable, dont le comité a sans doute déjà rencontré les représentants. Il s'agit d'une étude sur le mécanisme de résolution des différends à l'intention d'un État-investisseur contenu dans le chapitre 11 de l'ALENA.
Il faut comprendre que le fonctionnement de ce mécanisme a été modifié à fond. Il ne s'agit plus seulement de protéger l'investisseur d'activités nuisibles du gouvernement. Des dispositions de fond et le processus lui-même sont devenus une arme offensive, un mécanisme de lobbying, un outil stratégique dont peut se prévaloir à peu près librement toute forme d'entreprise.
On se sert de cet outil pour contester l'adoption d'une politique et de règlements officiels, ainsi que les activités des gouvernements en matière de bien-être public afin de limiter les effets que ces activités pourraient avoir sur des gouvernements étrangers. Il s'agit donc d'un changement profond, du passage d'une fonction de défense à une fonction d'attaque stratégique qui a provoqué toute une série d'événements et de problèmes.
Vont de pair avec cela des obligations ou des mesures disciplinaires mal définies imposées aux États, qui ont été également rédigées dans le contexte des activités des pays en développement plutôt que dans celui des activités de réglementation des pays industrialisés qui sont également liés par ces dispositions.
Pour couronner le tout, il y a le caractère secret de ce mécanisme de l'État-investisseur, comme l'a expliqué M. Howse. Sous quelque angle de la démocratie qu'on envisage, ce mécanisme est évidemment défectueux. Ce secret nuit à la légitimité de l'accord proprement dit et du mécanisme de résolution des différends en influant très négativement sur l'acceptation de l'accord et du mécanisme par le public.
Cette étude, qui sera disponible avant la fin du mois, conclut en gros qu'il faut apporter des changements importants au mécanisme et que si l'on veut adopter dans la ZLEA ou dans les négociations de l'OMC un mécanisme à l'intention de l'État-investisseur, il faudra prendre d'importantes mesures. J'en énonce quelques-unes à la page suivante.
• 1555
Il est indispensable que le libellé des obligations réelles
soit clair et précis. Le libellé actuel de ces obligations est
beaucoup trop général et permet à chaque mesure de politique
officielle d'être contestée facilement. Je ne dis pas cela pour
vous alarmer. Je le répète, il importe de mettre en place un bon
mécanisme à l'intention de l'État-investisseur, mais pour être
efficace, ce mécanisme doit être bien structuré et bien encadré.
Il est absolument essentiel qu'un mécanisme ou une procédure de règlement des différends soit transparent. Qu'il s'agisse d'un mécanisme de résolution de différends entre États ou d'un mécanisme entre l'investisseur et l'État, il faut trouver le même degré de transparence à toutes les étapes de la procédure. Compte tenu de la facilité avec laquelle un investisseur étranger peut lancer une contestation dans le cadre du mécanisme État-investisseur, il est également très important d'envisager la possibilité d'un système distinct pour certains types d'activités de réglementation.
L'ALENA et l'OMC comportent déjà certaines exceptions à l'égard de règlements visant des fins ou des objectifs légitimes; c'est le cas dans les domaines de l'environnement, de la santé et de la sécurité, entre autres. Il existe un régime distinct qui permet aux investisseurs de se prévaloir du mécanisme État-investisseur qui existe déjà dans l'ALENA en matière de fiscalité. Il existe un mécanisme de contrôle qui permet aux trois ministres de l'ALENA de jouer le rôle de contrôleur à l'égard de tout investisseur qui veut se prévaloir du mécanisme État-investisseur en matière de fiscalité. Ce système de contrôle pourrait être amplifié de façon à s'appliquer à d'autres secteurs essentiels de la politique de l'État.
Enfin, et il s'agit peut-être davantage d'une question de fond, il est important à mon avis, dans toute cette question d'un accord d'investissement, de permettre aux investisseurs l'accès à ce mécanisme d'État-investisseur en fonction du rendement de l'investisseur pour ce qui est de respecter ses obligations dans le cadre d'un accord. Il importe qu'un accord d'investissement impose des obligations aux investisseurs. Mais c'est une question de fond que nous ne débattrons pas trop longuement ici.
Je n'ai heureusement pas grand-chose à ajouter sur le sujet de la recherche de la tribune la plus favorable. Comme le professeur l'a indiqué, la question la plus importante est probablement la comparabilité des règles de fond. La première étape consiste à veiller à ce que les règles de base soient rédigées de façon très rigoureuse de façon à tenir compte des dispositions des autres accords, qu'il s'agisse de celles de l'ALENA ou de l'OMC. La prolifération de règles de base différentes mènera droit à la recherche de la tribune la plus favorable, et rien ne pourra l'empêcher. Il suffira d'examiner les diverses règles pour trouver ce qui fait le mieux son affaire. Il sera donc essentiel de veiller à la compatibilité ou la similarité des règles.
C'est autre chose que la véritable, et je pense la plus importante partie d'une entente régionale, qui vise à accélérer les réductions tarifaires ou à ouvrir des marchés régionaux au secteur des affaires. Ce sont là des questions secondaires eu égard au règlement des différends. Si les règles fondamentales sont les mêmes, la cadence à laquelle on libéralise les marchés ou encore la diversité des produits agricoles ou des textiles ou d'autres produits devient beaucoup plus facile à gérer dans différentes tribunes. L'incidence de la recherche de la tribune la plus favorable diminue considérablement quand on a affaire à une règle beaucoup plus technique qu'à une règle de fond.
Je pense que c'est un objet de préoccupation majeur. De plus, il devient critique d'avoir l'assurance que les règles similaires seront appliquées de façon analogue dans les différentes tribunes, c'est-à-dire pas de façon plus rigoureuse dans une tribune et plus laxiste dans une autre. Si les organismes régionaux prolifèrent, il faudra peut-être dans le contexte de l'OMC, peut-être sous la surveillance de celle-ci, un certain type de mécanisme consultatif pour qu'on recourt en quelque sorte... non pas à l'imposition obligatoire d'une décision mais à un examen de la compatibilité des décisions et des orientations etc.
M. Howse a déjà soulevé le problème des différents aspects que présentent les faits, des différents aspects juridiques, ce que nous avons bien vu dans l'affaire des périodiques. Je n'y reviendrai pas.
Enfin, l'autre option qui existe dans ce domaine c'est le choix du défendeur que permet l'ALENA, qui limite la recherche de la tribune la plus favorable par un plaignant. Si un même différend peut être examiné dans le cadre d'un, de deux ou de trois accords commerciaux, c'est le défendeur qui choisit à quelle tribune on s'adressera et non pas l'État qui soumet la plainte. On réduit ainsi la possibilité de vraiment éplucher à satiété chacune des obligations particulières. S'il existe un mécanisme donnant un choix au défendeur, comme c'est le cas dans certaines des dispositions de l'ALENA, l'intérêt de la recherche de la tribune la plus favorable perd grandement de son attrait pour un État qui présente une plainte. Je conclus ainsi mon exposé.
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Mann. Merci aux deux témoins.
Monsieur Stinson.
M. Darrel Stinson (Okanagan—Shuswap, Réf.): Je ferai d'abord de brèves observations. En premier lieu, merci à vous deux d'avoir comparu aujourd'hui. Je vous félicite aussi de vos exposés qui essentiellement sont identiques à ce que nous avons entendu partout au Canada, à propos du caractère secret, du manque de transparence, du manque de clarté des règles. Les gens se demandent ce qui se passe ici, et personne ne semble le savoir, sauf une poignée de gens. Un accord ne coïncide pas avec un autre, et c'est ainsi qu'il en résulte des contestations.
Essentiellement, ce que j'aimerais vous demander, c'est si nous pourrons obtenir votre rapport quand il sera prêt afin que nous puissions l'examiner à fond? Monsieur Howse, vous...
M. Robert Howse: Oui, on y verra. Habituellement je travaille jusqu'à l'échéance, si bien qu'il ne sera prêt qu'un peu avant la conférence. Mais je me ferai un plaisir de vous faire parvenir ce rapport à la fin septembre.
M. Darrel Stinson: Je vous en saurais gré.
M. Howard Mann: Quant à moi, je travaille hélas aussi jusqu'à l'échéance, sauf que la mienne est beaucoup plus rapprochée. Mon document est actuellement examiné par mes pairs. J'aurai les dernières observations d'ici la fin de la semaine. On en aura terminé la semaine prochaine et il sera prêt pour publication électronique la semaine d'après. Vous l'aurez donc avant la fin du mois.
M. Darrel Stinson: Une des choses qui nous préoccupent beaucoup au Canada et aussi aux États-Unis sans doute, c'est que le public à l'impression que tout se passe derrière des portes closes. On le tient à l'écart, et c'est ce qui suscite les craintes. On combat donc sur deux fronts. Non seulement on essaie d'en arriver à un bon accord, mais on essaie aussi de calmer les craintes du public, ce qu'on est aussi tenu de faire. Quand on agit sans que le public soit informé, on alimente ses craintes. C'est pourquoi j'estime que vous êtes tous deux sur la bonne voie. Merci à nouveau.
La présidente: Merci.
Monsieur Sauvageau.
[Français]
M. Benoît Sauvageau: Je voudrais faire quelques commentaires. Je veux, moi aussi, vous remercier. On va prendre note avec intérêt des études respectives que vous allez déposer.
Est-ce que la prolifération de ces multiples ententes régionales de commerce est à l'avantage des petits pays, par exemple dans le cas de la Zone de libre-échange des Amériques, ou si c'est à leur désavantage? Quand vous êtes un pays comme les États-Unis ou le Canada, ou un pays similaire, le forum shopping peut s'adresser à vous, mais est-ce qu'un pays comme le Costa Rica ou un État similaire peut se permettre de magasiner? Peut-être que dans ce cas il n'y a pas assez de négociateurs.
Je ne suis pas en faveur de la création de comités. Est-ce qu'il pourrait y avoir une concordance entre les mécanismes de règlement des différends commerciaux au plan régional et multilatéral pour qu'il y ait le moins de magasinage possible? C'est ma deuxième préoccupation.
J'ai une dernière préoccupation, et celle-là est très simple, peut-être trop. Ma question va plutôt s'adresser à M. Mann; je constate qu'il a un PhD en environnement. Pour ce qui est de M. Howse, je ne le sais pas. Si vous pensez pouvoir répondre, faites-le.
Par exemple, dans le cas de la Zone de libre-échange des Amériques, est-ce qu'on pourrait, par ces accords, demander tout simplement aux États membres de respecter vraiment les ententes internationales qu'ils ont signées au plan environnemental, qu'il s'agisse de conventions, de traités ou d'une clause spécifique au niveau environnemental?
Je n'ai pas d'autres commentaires pour le moment.
[Traduction]
La présidente: Monsieur Howse, voulez-vous commencer?
M. Robert Howse: À ce propos, la question serait de savoir si on peut confier à une entité commerciale le rôle légitime et institutionnel de décider si un pays se conforme ou non à ses obligations juridiques internationales en matière d'environnement. Il me semble qu'il pourrait être intéressant d'examiner la possibilité d'imposer, par exemple, des sanctions à un pays parce qu'il n'a pas respecté ses obligations environnementales internationales. Cela reviendrait en somme à dire que des mesures commerciales qui pourraient autrement être considérées comme illégales en vertu de cette entente commerciale devraient être jugées acceptables quand on traite avec un pays qui a violé de façon flagrante ces accords environnementaux internationaux.
Puis, il s'agit de définir selon les règles d'interprétation s'il s'agit d'une violation flagrante ou non. La question est de savoir que faire dans ce cas? Dans le cadre de l'OMC, il y a différentes façons de procéder. On peut consulter des spécialistes, on peut disposer de groupes spéciaux de spécialistes, ou on peut encore consulter des organisations gouvernementales internationales ou le secrétariat responsable de la mise en oeuvre du traité et ainsi de suite. Il me semble donc qu'il s'agit là d'un genre d'exception plutôt que d'un rôle de mise en oeuvre des règles environnementales pour un régime commercial.
À propos du premier point, je pense que vous avez tout à fait raison de dire que la prolifération des ententes régionales épuise finalement les ressources dont disposent les petits pays en matière de négociation, de politique et de droit commercial. Un bon nombre d'entre eux embauchent des consultants et des avocats du secteur privé pour les représenter pendant ces négociations. Il y a vraiment lieu de se demander si nous avons besoin de plus de règles encore ou s'il ne faudrait pas accorder un certain temps pour que toutes ces règles qu'on a négociées dans le cadre de l'OMC, puissent être mieux comprises, et pour qu'on dispose de plus de décisions des organismes de règlement des différends. Comme je le laissais entendre, j'hésite à opter pour la multiplication de ces ententes régionales. Je me contenterai du nombre et de la complexité déjà impressionnants des règles dont nous disposons déjà à l'OMC.
[Français]
M. Benoît Sauvageau: Est-ce que vous avez une opinion sur un mécanisme de concordance des différents accords, des différents thèmes juridiques? Serait-il souhaitable qu'il y ait un mécanisme de concordance?
[Traduction]
M. Robert Howse: Ce serait souhaitable. Toutefois il me semble qu'il serait très difficile de le faire de façon complète. Je crois que ce qui se produira, c'est que l'on aura des décisions individuelles provenant de groupes spéciaux chargés du règlement des différends qui s'inspirent des diverses règles internationales et des techniques d'analyse pour régler les conflits possibles ou essayer de concilier les règles.
Le groupe spécial de l'ALENA sur la tarification agricole est un cas intéressant où cela s'est déjà produit. Le Canada avait signé l'Accord sur l'agriculture de l'Uruguay Round, et selon cet accord il fallait convertir certains types de protection en équivalents tarifaires. Les États-Unis ont alors estimé que selon l'ALENA il fallait se défaire de ces droits tarifaires agricoles, et cela incluait ces équivalents tarifaires qu'on avait le droit d'établir en vertu de l'entente de l'Uruguay Round. Je pense que le raisonnement des États-Unis était assez déloyal en l'occurrence, et que ce n'était pas un argument juridique solide. Fait intéressant, le groupe spécial a trouvé un bon moyen de cerner l'interaction entre, d'une part, ce que l'entente sur l'agriculture de l'OMC de l'Uruguay Round déclarait à propos de ces équivalents tarifaires spéciaux, et d'autre part, l'obligation concernant la suppression des droits tarifaires de l'ALENA. C'était en fait plausible. On a réglé le problème de façon motivée. Le Canada l'a emporté haut la main face à cet argument déloyal des États-Unis.
• 1610
Je ne renonce donc pas tout à fait à croire qu'on réglera ce
problème. Toutefois, je crois que vous soulevez la question
importante: que se passe-t-il quand on n'a pas les ressources
juridiques dont dispose le Canada pour faire face à ce genre de
plainte?
[Français]
M. Benoît Sauvageau: Merci.
M. Howard Mann: Je voudrais ajouter quelque chose aux dernières paroles du professeur Howse. On étudie actuellement une solution à ce problème à Genève; il s'agit d'une aide juridique pour les pays en développement, pour les aider à défendre leurs causes à l'OMC. Un tel organisme doit disposer de beaucoup d'argent dans une fondation pour payer les avocats qui feront ce travail pour ces pays, mais il est possible de le faire dans le cas des causes qui sont devant les tribunaux et aussi dans le cas des négociations.
Dans le contexte d'un accord des Amériques, par exemple, si le Canada voulait faire quelque chose pour aider les autres pays, il pourrait leur consentir ce genre d'aide juridique.
Je n'ai pas beaucoup de choses à ajouter aux réponses du professeur Howse à vos questions. Est-il avantageux pour les petits pays ou les petits États d'avoir une prolifération d'accords? Cela peut être avantageux s'ils reçoivent quelque chose de spécial dans les accords régionaux; dans les Amériques, la chose la plus importante se situe dans le domaine agricole et peut-être aussi dans le domaine des textiles.
Le domaine agricole est une question vraiment importante pour les pays en développement. Un accès plus rapide au marché nord-américain, en particulier, que dans le cadre des accords mondiaux serait un avantage pour ces pays.
Peut-on avoir une clause obligeant les pays à respecter les accords internationaux dans le domaine de l'environnement? Oui, il est possible d'avoir une telle clause, mais comme le professeur Howse l'a dit, il faut un mécanisme pour vérifier les activités ou la mise en oeuvre de ces accords. Il est difficile de prévoir un tel mécanisme dans un accord, principalement pour les questions de commerce et d'échange.
On peut envisager la création d'une grande commission environnementale, un peu comme la commission sur l'environnement de l'ALENA à Montréal, mais c'est beaucoup plus que ce que nous avons maintenant dans les autres accords commerciaux. Même si on a une commission à Montréal, elle ne peut pas juger, par exemple, si les pays ont complètement mis en oeuvre les accords internationaux. Le pouvoir de la commission sur l'environnement à Montréal est restreint à des choses spécifiques et n'est pas aussi large que cela.
Également, il faut savoir que les accords internationaux dans le domaine de l'environnement ne touchent pas toutes les questions environnementales importantes à l'heure actuelle. Il y a beaucoup de problèmes environnementaux, notamment la forêt et d'autres choses, qui ne sont pas touchés par les accords internationaux dans le domaine de l'environnement.
• 1615
Il faut donc savoir, lorsqu'on parle
d'une telle clause, si on veut établir
une base minimale pour la performance environnementale
d'un pays ou plutôt une base maximale,
si je peux m'exprimer ainsi. Il faut bien y penser
et voir quel rôle une telle clause peut jouer.
M. Benoît Sauvageau: Je vous remercie beaucoup.
[Traduction]
La présidente: Merci.
J'ai une question, messieurs Howse et Mann. Monsieur Howse, en vertu de l'article 23 de l'OMC un différend doit être réglé selon les procédures de l'OMC. Étant donné que vous avez dit qu'une plainte peut toucher diverses questions, pouvez-vous m'expliquer ce qui s'est produit dans l'affaire des périodiques? M. Mann rit parce qu'on a déjà posé cette question à maintes reprises. Peut-être pourrez-vous m'éclairer. Subitement nous allions assister peut-être à notre première contestation en matière d'exemption culturelle en vertu de l'ALENA, mais que s'est-il passé en l'occurrence? Les États-Unis allaient-ils invoquer l'ALENA? Auraient-ils pu le faire?
M. Robert Howse: Oui, ils auraient pu présenter la plainte en vertu de l'ALENA.
La présidente: L'OMC a conclu que la législation originale était invalide, et nous avons alors déposé le projet de loi C-55.
M. Robert Howse: D'accord. Vous demandez donc si oui ou non les États-Unis pourraient contester le projet de loi C-55 en vertu de l'ALENA. La question est intéressante sur le plan du droit, et je vais tenter de vous exposer comment j'estime que cela se ferait.
Comme je l'ai dit, nous avons cette disposition d'exclusivité qui s'applique aux différends en vertu de l'entente de l'OMC. Or, il se trouve qu'en l'occurrence le libellé est essentiellement identique à celui de l'OMC ou encore l'intégration de la norme du traitement national de l'OMC à l'ALENA. Supposons que les États-Unis présentent en vertu de l'ALENA une plainte concernant ce nouveau projet de loi. Cela signifie-t-il qu'il va à l'encontre de la disposition d'exclusivité? Les États-Unis soutiendraient qu'on parle maintenant des dispositions juridiques de l'ALENA, et non pas des dispositions juridiques des ententes de l'OMC auxquelles s'applique à la disposition d'exclusivité de l'article 23. S'il ne souhaitait pas que l'affaire soit entendue en vertu de l'ALENA, le Canada pourrait soutenir qu'on ne peut prétendre que les règles juridiques pertinentes de l'ALENA ne sont pas à toutes fins utiles fondées sur les dispositions pertinentes de l'OMC concernant le traitement national. Il me semble donc qu'on pourrait faire valoir l'un et l'autre argument.
En fin de compte, toutefois, les États-Unis pourraient l'emporter du fait que tous les éléments de l'ALENA ne sont pas identiques, et que cet accord ne se contente pas d'intégrer les dispositions de l'OMC mais qu'à certains égards, il les modifie en réalité car les exceptions diffèrent un peu. Naturellement la nouvelle plainte aurait également trait aux dispositions concernant le commerce et les services, et la structure des dispositions de l'ALENA sur le commerce et les services diffère pas mal des dispositions de l'entente de l'OMC sur les services.
Si je faisais partie du groupe spécial auquel cet argument était présenté, je dirais probablement que l'article 23 ne vous empêchait pas de présenter une plainte en vertu de l'ALENA, même si une partie de votre plainte en vertu de l'ALENA aurait trait à des dispositions de l'ALENA qui sont presque identiques à celles qu'examinent les organes de règlement des différends de l'OMC.
La présidente: Reprenez-moi si je fais erreur, mais ne vaudrait-il pas mieux que les États-Unis essaient d'invoquer l'ALENA relativement au projet de loi C-55, parce que la procédure de rétorsion en vertu de l'ALENA diffère de celle de l'OMC?
M. Robert Howse: Oui. La façon dont est libellé la soi-disant exemption culturelle de l'ALENA, est très particulière, et je suppose qu'on pourrait en déduire qu'il serait plus facile de prendre des mesures de rétorsion en vertu de l'ALENA que dans le cadre de l'OMC. Pour ce qui est du commerce et des services pris de façon plus générale, il est clair—je ne devrais pas dire qu'il est clair, mais à certains égards il aurait pu être plus facile d'invoquer l'argument du commerce et des services en vertu des dispositions de l'ALENA qu'en vertu de l'entente de l'OMC sur le commerce et les services.
Pour ma part j'estime que la nouvelle mesure législative va à l'encontre du traitement national en ce qui concerne le commerce des biens. Ce n'est qu'un moyen de faire indirectement ce que l'organisme d'appel de l'OMC dit qu'on ne peut pas faire directement. Il me semble donc que si les États-Unis avaient voulu s'adresser à l'OMC et invoquer l'ALENA, ils auraient essentiellement gagné leur cause.
La présidente: Merci.
Monsieur Mann.
M. Howard Mann: D'abord, pour ce qui est de ce qu'on appelle l'exemption culturelle, il ne s'agit pas tant d'une exemption de l'application des règles de l'ALENA qu'une façon de dire, d'accord, nous avons enfreint l'ALENA et nous le savons. Nous appliquons cette exemption, et vous pouvez imposer une sanction jusqu'à concurrence de la valeur dont on a convenu ou d'une valeur qui sera autrement établie. C'est une façon de reconnaître et d'accepter une violation des règles de l'ALENA et d'en payer le prix. En ce sens, cela vaut peut-être mieux pour régler la question de la surenchère des droits tarifaires punitifs ou de toute autre mesure pratiquée dans d'autres secteurs, ce genre de sanction. C'est prévu, pour ainsi dire, dans le cas de ces questions culturelles. Toutefois, il ne s'agit pas tant d'une exemption de l'application de la règle de droit que d'une reconnaissance du fait qu'on a enfreint les règles et qu'on est disposé à en payer le prix pour agir ainsi dans ces secteurs.
Parmi les questions qui pourraient se poser, il y a notamment celles de l'État-investisseur. Compte tenu de ce qui est en train de se passer relativement aux subventions ou à d'autres types de mesures prises pour contrer les conséquences que pourrait avoir la nouvelle version projet de loi C-55, peu importe la façon dont on l'appelle, il ne m'étonnerait pas du tout que des sociétés étrangères du secteur de l'édition au Canada réagissent à un moment donné et se servent de la contestation de l'État-investisseur pour se plaindre du traitement non national auquel on les soumet soit du fait qu'elles ne touchent pas de subventions ou en raison de quelque autre mécanisme qui nuit à leurs intérêts.
La décision qui a été rendue et rendue public en vertu du processus concernant l'État-investisseur est celle qui portait sur les questions de compétence dans l'affaire Ethyl ou du MMT, et dans ce cas le groupe spécial a déclaré que compte tenu d'aucune des raisons initialement présentées, la même mesure ne pouvait faire l'objet d'une contestation distincte sous le régime d'État-à-État et du régime d'État-investisseur. Dans un cas il s'agit des droits de l'investisseur, et dans l'autre des droits de l'État, et le recours potentiel au mécanisme d'État-à-État n'interdit pas le recours au mécanisme de l'État-investisseur.
Il me semble donc que tout n'a pas encore été dit à ce propos.
La présidente: Monsieur Stinson, vous vouliez poser une question.
M. Darrel Stinson: Oui. Je ne savais pas que nous allions parler du C-55. C'est ce que nous semblons faire. Je trouve cela intéressant. Je suis sûr que la ministre a obtenu le même avis que ce que nous entendons ici aujourd'hui. Je me demande donc pourquoi on a soumis cette affaire comme celle du MMT, et ce qui se passe ici. Nous revenons à nouveau à ce qu'on a d'abord dit: un manque de clarté. Qu'est-ce qui active tous ces petits mécanismes de déclenchement? Et pourquoi ces différentes interprétations? Est-ce que le libellé diffère tellement dans ces ententes entre un pays et l'autre? C'est ce que nous examinons au fond. Nous disons qu'on interprète dans un sens et ils disent qu'on interprète dans un autre. Nous en arrivons donc à un différend commercial. Parfois je me demande si tout cela ne relève tout simplement pas de la politique.
M. Howard Mann: Tout est politique.
M. Darrel Stinson: Merci.
M. Howard Mann: On en est au commencement, mais cela dit je pense qu'il y a sans doute deux autres éléments, si vous voulez. D'une part c'est qu'il s'agit de très vastes et complexes ententes et qu'il est inévitable qu'il y ait des divergences d'interprétation dans le mode de mise en oeuvre de ces ententes. C'est pourquoi on met en place un mécanisme de règlement des différends qu'on espère approprié et transparent. Ce n'est ni bon ni mauvais. C'est une bonne façon de régler ces différends.
Deuxièmement, parfois on commet tout simplement des erreurs. Par exemple—et ça m'est arrivé personnellement, quand je travaillais pour le gouvernement canadien au cours de négociations—c'est qu'on comprend ses objectifs quand on est à la table, quand on rédige un document. On travaille à la réalisation de ces objectifs, et parfois on ne se rend tout simplement pas compte que quelque chose se passe à notre insu. Quelque chose qui s'est glissé peut-être sans le vouloir par vos homologues d'un autre pays.
M. Darrel Stinson: Oui. Cela soulève une autre question alors, à savoir pourquoi n'y a-t-il pas une disposition de temporisation plus conforme à l'échéancier, où l'on pourrait régler cette question sans créer de différend commercial, par exemple un délai de deux ans? Pourquoi ces ententes ne contenaient-elles pas de disposition de temporisation, ce qui fait que si des problèmes se posent on doit tout reprendre à partir du début, au lieu de les considérer comme des différends commerciaux?
M. Howard Mann: Si vous parlez d'une disposition de temporisation pour la totalité de l'entente, c'est qu'il faudrait alors renégocier toute l'entente. Une fois l'entente ouverte à la renégociation, on renégocie tout.
M. Darrel Stinson: On renégocie tout.
M. Howard Mann: Il faut alors revenir et obtenir l'approbation du Parlement ou du Congrès et tout le reste. Il faut reprendre à nouveau tout le processus de ratification. Si donc ces ententes comportent une disposition de temporisation, compte tenu de la portée qu'elles ont, il est presque impossible de procéder de cette façon, il me semble. On aboutira à des négociations constantes que non seulement les petits pays en voie de développement trouveront impossible à suivre, mais que des pays comme le Canada commenceront à trouver impossible à suivre également eu égard au personnel qu'il faudra y affecter et ainsi de suite. Le simple fonctionnement de ce mécanisme deviendrait vraiment excessif.
Toutefois, il y a peut-être moyen de modifier une entente. Il y a les grandes rondes de négociations à l'OMC et ailleurs. Pour ce qui est des dispositions État-investisseur au chapitre 11, il existe un mécanisme précis qui tient compte des possibles divergences d'interprétation. Les parties peuvent établir une interprétation obligatoire propre au chapitre 11. Il y a donc différents moyens de régler ce genre de questions.
M. Darrel Stinson: [Note de la rédaction: Inaudible]... à part ces ententes, l'entente sur le bois d'oeuvre. Or je ne sais pas si nous voulons aborder ce sujet maintenant. J'aimerais bien vous reparler plus tard de la façon dont cela a été mis en place et sur les problèmes qu'on a rencontrés en raison de l'interprétation à donner, du manque de clarté.
M. Howard Mann: Je répondrai très brièvement, et je laisserai M. Howse traiter de ces questions. Ce qui s'est produit en fait, c'est une contestation relative au chapitre 11 en ce qui concerne la mise en oeuvre de l'entente sur le bois d'oeuvre. C'est l'affaire Pope & Talbot. On s'est efforcé de régler ce différend entre le Canada et les États-Unis, différend qui persiste depuis une dizaine d'années. L'entente a été conclue et maintenant la mise en oeuvre de cette entente est contestée par un investisseur privé en vertu du chapitre 11.
• 1630
Je n'ai pas de solution magique à ce problème. Tout ce que je
dirais qu'il s'agit là de questions extrêmement complexes, qu'il
faut se montrer souple pour pouvoir procéder à des adaptations au
fur et à mesure. Il y aura des difficultés initiales. La grande
question, c'est la volonté des ministres, et plus particulièrement
des ministres du Commerce, de reconnaître et de tenter de régler
les problèmes qui sont à l'origine de ces difficultés initiales, il
me semble.
La présidente: Monsieur Howse.
M. Robert Howse: J'aimerais parler un peu du bois d'oeuvre. Je crois que cela nous ramène aussi à la question de savoir comment nous en sommes arrivés à ce problème État-investisseur dans l'ALENA.
Je ne comprends pas pourquoi... ou plutôt, je pense qu'il doit y avoir eu des problèmes relativement à l'avis à partir duquel le gouvernement fédéral a négocié une entente sur le bois d'oeuvre avec les États-Unis. Il est vrai qu'en raison du fait qu'il n'y a pas de véritables règles dans l'ALENA sur les subventions et les droits compensatoires, les États-Unis pourraient toujours modifier la loi même si nous aurons gain de cause devant un groupe spécial binational. Mais il existe un ensemble de dispositions dont l'entente sur les subventions de l'OMC que les États-Unis auraient violées si des droits compensatoires avaient été imposés. Pourtant les hauts fonctionnaires qui s'occupent de ces questions semblent manquer d'assurance.
Quant à la question État-investisseur, je ne sais pas sur la foi de quel avis le gouvernement canadien a payé à la suite d'une plainte hautement spéculative. Ethyl a retenu les services d'un bon avocat, dynamique et inventif qui a présenté une plainte innovatrice reposant sur certaines opinions américaines selon lesquelles quand un gouvernement change sa réglementation et qu'une société subit une perte financière, c'est une sorte de prise de contrôle ou d'expropriation qui donne droit à une indemnisation pour la société, et on a appliqué ce raisonnement dans un contexte de droit international où, de façon générale, à moins qu'un gouvernement ne tente de procéder subrepticement à une nationalisation, ce genre de raisonnement ne serait pas admis. C'était une plainte inédite, audacieuse.
Il est évident que quiconque conseillait le gouvernement a pris peur et a conseillé un règlement de plusieurs millions de dollars si bien que maintenant les avocats se jettent là-dessus comme des vautours. Recommencez, ils vont payer; plutôt que de se lancer dans une argumentation juridique qui à mon avis est assez faible, on préfère payer des dommages et intérêts. Je pense qu'il faudrait faire enquête sur ce qui s'est passé.
Je sais quel est le point de vue... car j'étais présent à la réunion à laquelle assistaient notre ministre et le ministre mexicain. Je sais que les Mexicains estiment que ces cas doivent être jugés, que ce n'est pas une interprétation raisonnable de ce que signifie expropriation en droit international, quelle que soit sa signification dans la tradition constitutionnelle américaine. Ils estiment que nous devrions lutter contre cela et que nous aurions dû faire la même chose pour le bois d'oeuvre à l'OMC.
Je dirai encore une chose, à savoir que cela soulève un grave problème puisqu'on peut se demander si les fonctionnaires responsables de ces affaires protègent convenablement les intérêts commerciaux canadiens. Je serais personnellement tout à fait favorable à une disposition juridique qui permette en fait aux sociétés commerciales de pétitionner pour une action de l'OMC—pas simplement les sociétés commerciales, mais d'autres groupes touchés; de pétitionner pour que le gouvernement canadien intente une action plutôt que de laisser cela à la discrétion des fonctionnaires et du ministère des Affaires étrangères et du commerce international.
Si le gouvernement considère ensuite que l'affaire ne vaut pas la peine d'être traînée devant l'OMC, il devrait être tenu de donner ses raisons aux pétitionnaires.
• 1635
Laisser les intérêts des entreprises et du commerce
international canadien à la discrétion des fonctionnaires dont les
intérêts peuvent être différents de ceux des employés, dirigeants
et actionnaires, ne me semble plus justifiable.
M. Darrel Stinson: Merci.
La présidente: Oui, monsieur Mann.
M. Howard Mann: Puis-je revenir sur un ou deux points?
Tout d'abord, je suis d'accord à propos du règlement de l'affaire Ethyl, mais je veux qu'il soit bien clair que ce n'était pas la première fois que le Canada avait à faire face aux problèmes du chapitre 11. Ce dont il est question ici, c'est en fait du lancement du processus d'arbitrage, c'était la première fois que l'on y avait recours.
En fait, on a déjà eu recours au moins trois ou quatre fois au chapitre 11. Une fois à propos de l'aéroport Pearson où le membre étranger du consortium a menacé d'invoquer le chapitre 11 si l'on ne parvenait pas à un règlement complet du contrat. On a également fait des menaces en vertu du chapitre 11 à propos de la Loi sur le tabac, d'approbations de drogues et du processus de réglementation dans ce cas, et dans d'autres cas. Il y a d'autre part eu plusieurs cas au Mexique où cela a été utilisé mais ça ne l'a été qu'une fois aux États-Unis.
Le fait est que cela fait maintenant partie de l'arsenal stratégique des groupes de pression, des groupes les plus spécialisés qui ont ensuite recours aux Gordon Ritchie et autres pour présenter leurs arguments devant les comités parlementaires et ailleurs. Cela fait partie de l'arsenal des avocats au sens très agressif du terme lorsqu'il s'agit de représenter des clients dans différents forums et contextes, etc. Le rôle du chapitre 11 est donc, comme je le disait plus tôt, ou la notion de protection des investissements, a maintenant été orientée de façon très agressive, stratégique et c'est la raison pour laquelle nous voyons cette augmentation plutôt importante des questions et problèmes qu'il soulève—des questions extrêmement importantes, à mon avis.
Il ne s'agit pas simplement de maraude ambulancière, pour ainsi dire, par quelques avocats malins; il s'agit beaucoup plus de questions stratégiques devenues inhérentes et d'utilisation stratégique de ce chapitre. En fait, certains des anciens collègues du professeur Howse—je crois qu'il était à l'Université de Toronto—vont sous peu publier une étude sur l'utilisation stratégique de ce qu'ils appellent la privatisation du droit commercial.
La présidente: Pourrait-on obtenir ce rapport?
M. Howard Mann: Ma foi, ce n'est pas le mien.
La présidente: D'accord.
M. Howard Mann: Ce document est en préparation et n'a pas encore été publié et il ne porte pas simplement sur l'utilisation stratégique du chapitre 11 mais sur une série de choses qui entrent maintenant sous la rubrique—et c'est comme ça que Sylvia Ostry et d'autres l'ont appelé—de la privatisation du droit commercial; des possibilités qu'ont les sociétés privées d'avoir recours au droit commercial pour exiger que les autorités américaines contestent certaines choses, ce qui semble être ce dont vous parlez à propos du Canada. Je ne sais pas.
Certes, avec le chapitre 11 ou avec le processus d'État-investisseur qui vous donne un accès direct sans restriction, vous pouvez vous-même invoquer ces dispositions. Vous n'avez pas besoin de la permission de l'État, vous n'avez pas besoin de passer par l'État et vous avez cette possibilité d'utiliser stratégiquement ces instruments non seulement en ce qui concerne les questions purement commerciales, mais également pour ce qui est des questions de politique gouvernementale comme la santé et le bien-être social, la salubrité de l'environnement et le bien-être social.
La présidente: Je voudrais vous poser une question en vitesse. Lorsque l'on considère les indésirables pour le processus de règlement des différends dans la ZLEA, c'est le chapitre 11. Toutefois, lorsque les ministres ont eu leur rencontre, lors du 5e anniversaire de l'ALENA, ils ont parlé d'essayer de redéfinir l'expropriation, de préciser la définition. Il semble qu'il y ait eu beaucoup de résistance, non seulement de la part des Américains mais également des Mexicains. Un ministre mexicain a dit publiquement que ce qu'il nous fallait, c'était de nous lancer dans une campagne de relations publiques sur tous les bienfaits de l'ALENA. Donc, dans ce contexte, est-il réaliste de notre part d'envisager de négocier ces changements ou de régler les problèmes que pose à notre avis, le chapitre 11 dans une ZLEA?
M. Howard Mann: Pour ce qui est des Mexicains, je crois qu'il importe de comprendre qu'ils ont très bien réussi en utilisant l'accord sur les investissements ou le chapitre de l'ALENA sur les investissements. Ils sont maintenant le deuxième pays en développement quant à l'entrée d'investissements. Ils sont devenus une destination majeure pour les investissements européens et asiatiques en Amérique du Nord, etc. Cela marche très bien pour eux.
Dans leur perspective plus étroite, je puis comprendre leur hésitation. C'est presque bon pour eux, pour renforcer la confiance des investisseurs, que d'obtenir des décisions négatives, notamment en matière d'environnement, des décisions contre eux et de pouvoir dire: «Vous voyez, nous appliquons les règles. Lorsque nous signons, nous suivons le règlement. Nous sommes maintenant ouverts et transparents. Nous avons signé cette entente; nous allons respecter les règles. Vous n'avez donc pas d'inquiétudes à avoir en venant investir chez nous. Et si cela nécessite certaines décisions en matière d'environnement ou s'il y a quelques conséquences du point de vue de l'environnement, ce n'est pas grave».
Je ne veux pas dire évidemment que c'est... Il serait évidemment facile de pousser le raisonnement un peu trop loin, mais je crois qu'on peut voir la perspective mexicaine qui consiste à ne pas vouloir pour le moment toucher à certaines de ces questions.
Par contre, en particulier pour l'ALENA, il existe un mécanisme spécial inhérent au chapitre 11 qui permet de traiter de cette question sans rouvrir l'accord lui-même.
Il y a une disposition au chapitre 11 qui permet une interprétation limitative de la question—du moins d'après ce que disent certains avocats à l'esprit inventif. C'est donc une possibilité.
Pour la ZLEA, je crois qu'il y a un moment où il faut se demander quel est l'intérêt du Canada. Dire simplement que nous négocions une ZLEA et affirmer que nous serons là jusqu'au bout, quoi qu'il arrive, serait une mauvaise tactique. Nous devons être prêts à dire qu'il est bien possible que l'accord ne nous satisfasse pas et qu'ainsi nous n'irons pas jusqu'au bout. Il est important dans ce contexte de nous donner des points de repère très clairs quant aux intérêts du Canada et cela inclut les principes démocratiques sous-jacents à beaucoup de ces questions—durabilité, droit démocratiques, droits de la personne, etc. Cela inclut aussi de veiller à ce qu'en définitive, les droits des investisseurs n'incluent pas celui d'influencer un gouvernement en matière de santé publique et de bien-être social.
La présidente: Monsieur Howse, vous hochez la tête.
M. Robert Howse: Je crois que dans une certaine mesure, la position mexicaine est que ces revendications relèvent d'une interprétation injustifiée ou, plus charitablement, très hypothétique du jargon juridique de l'ALENA. Comme je le disais l'autre fois, lorsque le ministre était là, l'idée qu'une certaine interprétation douteuse puisse l'emporter dans un arbitrage, n'est pas défendable. On ne devrait pas modifier un traité à la sauvette. Une sorte d'entente entre les parties qui n'a pas, dans ce cas, le statut de traité, représenterait un facteur parmi beaucoup d'autres, dont il serait tenu compte dans tout arbitrage.
Mais il y a là un problème spécial car, essentiellement, ce que l'on a fait au chapitre des investissements de l'ALENA, c'est donner certains droits aux investisseurs, aux entreprises privées. Et dire maintenant aux entreprises que nous n'apprécions pas la façon dont leurs avocats utilisent ce chapitre et qu'ainsi nous allons en tant que ministres, conspirer pour mettre frein à cela... Écoutez, on ne donne pas aux gens des droits dans une entente commerciale pour les leur retirer ensuite. Cela ne fait pas bien du tout. Ce n'est pas bien du point de vue du droit, du point de vue de la sécurité ni de la certitude qui doit accompagner les règles du jeu du commerce international.
Maintenant, évidemment, je pourrais dire qu'on aurait dû faire les choses différemment au début. Mais étant donné que nous en sommes là, je ne pense pas que ce serait une bonne stratégie que d'essayer de cogiter une sorte d'interprétation qui prétendrait par la porte de service ou, dans ce cas, non pas par la porte de service, mais par une autre voie que par un amendement au traité—de retirer ces droits.
• 1645
Il faut accepter la réalité que c'est un traité et que le
libellé lui-même de ce traité, s'il n'est pas modifié par un autre
traité, sera le facteur prioritaire de tout arbitrage. Ce libellé
est interprété selon les principes du droit international public.
Là où l'on peut beaucoup espérer, c'est si l'on commence à défendre ces actions vigoureusement car je crois que vous en gagnerez beaucoup, puisque le fait qu'une entreprise perde des recettes suite à un changement de politique de la part du gouvernement, ne correspond pas à une définition acceptée d'expropriation ni de prise de contrôle.
La présidente: Merci beaucoup, messieurs. Merci d'être venus. Merci, chers collègues.
Nous attendrons avec impatience les rapports promis et merci de nous avoir signalé cet autre rapport.
La séance est levée.