ENVI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON ENVIRONMENT AND SUSTAINABLE DEVELOPMENT
COMITÉ PERMANENT DE L'ENVIRONNEMENT ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 2 décembre 1999
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan (York—Nord, Lib.)): Je déclare la séance ouverte; je m'appelle Karen Kraft Sloan et comme le président n'est pas là, j'assure la présidence de cette réunion en tant que vice-présidente.
Conformément à l'article 108 du Règlement, nous procédons à l'étude sur la gestion et l'utilisation des produits de lutte antiparasitaire au Canada, y compris une évaluation de la performance de l'Agence de réglementation de lutte antiparasitaire en matière de prévention de la pollution et de protection de l'environnement et de la santé humaine.
J'aimerais accueillir nos témoins d'aujourd'hui qui sont M. Bernard Hill et M. Blackshaw, d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, et M. Pierre Mineau, d'Environnement Canada.
Qui aimerait commencer, monsieur Mineau ou les représentants de l'agriculture? Monsieur Mineau. Ce serait bien que vous limitiez votre déclaration liminaire à dix minutes environ.
M. Pierre Mineau (chercheur et chef de section, Pesticides, Environnement Canada): Merci.
Je suis chercheur scientifique au Service canadien de la faune, Service de la conservation de l'environnement, Environnement Canada, et je dirige la section des pesticides au Centre national de la recherche faunique.
Depuis 1978, je travaille dans le domaine de la toxicologie de la faune et, depuis 1982, je travaille presque exclusivement sur les questions concernant les pesticides et la faune. Entre 1978 et 1984, j'avais la responsabilité d'assurer pour Agriculture Canada—à l'époque, l'organisme de réglementation des pesticides—l'évaluation des effets des pesticides sur la faune. Je faisais cela pendant environ la moitié du temps et pendant l'autre moitié, j'effectuais des recherches d'une nature plus générique dans le même domaine. Depuis 1984 et la création de l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire—ARLA—les trois membres de ma section et moi-même avons poursuivi notre travail sur les questions de la sécurité des pesticides, ainsi que sur des questions relatives à la faune et à l'agriculture, d'une manière plus générale.
Je m'adresse à vous aujourd'hui en tant qu'expert dans le domaine des effets des pesticides sur la faune et aussi comme quelqu'un qui a une expérience de longue date des systèmes de réglementation des pesticides au Canada et à l'étranger.
Ayant lu le compte rendu de vos délibérations, je sais que le comité s'est posé un certain nombre de questions sur l'insecticide carbofuran. N'ayant pas reçu de questions précises, j'ai décidé de me pencher sur ce thème particulier. Je vais vous donner un bref aperçu de ce que le Service canadien de la faune a fait à propos de ce produit et j'ai joint un résumé plus complet à ma déclaration.
J'ai monté mon premier dossier contre l'insecticide carbofuran en 1987. Agriculture Canada a répondu en annonçant un examen formel du produit en 1990. Un document de discussion a suivi en 1993, invitant tout commentaire sur les risques et les avantages de l'insecticide. Certaines restrictions sur les utilisations permises ont été imposées en 1995 et ensuite, en 1998.
Tout au cours de cette période—et encore aujourd'hui—on a toujours parlé du petit nombre de cas de mortalité d'oiseaux signalés au Canada, vu la large part du marché de ce produit. Au fil des ans, mes séances d'information à l'ARLA soulignent constamment à quel point il est difficile de découvrir une mortalité d'oiseaux, même lorsqu'elle se produit à grande échelle. Il y a plusieurs raisons à cela.
• 0855
Trouver une preuve de la mortalité d'oiseaux entraîne des
enquêtes et des recherches systématiques et intensives dans les
zones traitées, ainsi que des analyses chimiques et biochimiques.
Le coût de ces opérations dépasse les ressources du Service
canadien de la faune. Nous parlons ici d'études qui peuvent coûter
entre un quart de million de dollars et plus d'un million de
dollars pour chaque pesticide utilisé.
Même lorsqu'il existe un important effort de recherche financé par l'industrie, les résultats sont loin d'être certains. Dans les essais effectués dans les champs de colza canola, au Manitoba et en Saskatchewan, des équipes de recherche bien formées n'ont pu trouver que 25 p. 100 des carcasses d'oiseaux placées dans les champs la soirée précédente. Après un jour et deux nuits sur le terrain, seules 6 à 7 p. 100 de celle-s-ci ont été retrouvées. Les taux de succès sont même inférieurs lorsqu'il s'agit d'un véritable cas d'empoisonnement; en effet, plusieurs espèces, une fois empoisonnées, recherchent un abri. Un délai important peut s'écouler entre le moment où une dose toxique est ingérée et celui où l'oiseau finit par mourir.
C'est pourquoi l'évaluation d'un pesticide doit se baser non sur un seul essai sur le terrain mais sur une évaluation d'un éventail de preuves concernant le pesticide et d'autres produits semblables.
Un autre point récurrent de discussion avec l'agence porte sur le fait que l'on utilise deux poids deux mesures pour ce qui est de l'homologation des produits. L'homologation se fait essentiellement d'après des données produites aux États-Unis et ailleurs; toutefois, on tend à ne pas prendre en compte les cas de mortalité et autres preuves des faits qui se produisent dans d'autres pays puisqu'ils ne se produisent pas au Canada.
À mon avis, il faut considérer chaque étude et chaque incident, étranger ou canadien, à la lumière des méthodes d'utilisation canadienne des pesticides, ainsi que dans l'environnement canadien. C'est suite à de telles considérations que j'ai conclu, vers la fin des années 80, que la formulation liquide du carbofuran présentait aussi un risque extrême pour les oiseaux. Je crois toujours que c'est le cas aujourd'hui pour ce qui est de la plupart des utilisations permises de cet insecticide.
En avril de cette année, Environnement Canada a écrit à l'ARLA, suggérant ce que nous pensions être une solution bénéfique à tous pour la poursuite du débat sur la formulation liquide du carbofuran. Dans cette lettre, Environnement Canada pressait l'ARLA d'obliger le détenteur d'homologation à effectuer la surveillance nécessaire pour établir si notre évaluation de risque élevé au Canada est ou non vraiment exacte. Cependant, d'après la réponse à cette lettre, l'ARLA a conclu que les utilisations actuelles du carbofuran comportent une exposition minimale pour les oiseaux. Je n'ai pas pu voir le fondement de cette évaluation, mais je ne pense pas qu'elle soit scientifiquement plausible.
Nous sommes très heureux que les formulations de granulés de carborufan aient été annulées au Canada et nous attendons impatiemment davantage de restrictions portant sur d'autres insecticides granulés hautement toxiques.
Pour mettre en perspective les insecticides granulés, des données ont montré qu'un agriculteur qui ensemence un quart de section de colza canola laissera environ 14 millions de granules d'insecticide à la surface du sol. Avec le carbofuran, un seul granule est mortel pour un petit oiseau; avec le terbufos, un autre produit actuellement homologué, le taux de mortalité est d'environ 50 p. 100, à la suite de l'ingestion d'un seul granule. Nous savons que les granules sont attrayants pour plusieurs espèces d'oiseaux.
Pour en revenir au carbofuran liquide, je reste convaincu, d'après les meilleures connaissances scientifiques disponibles, que les utilisations actuellement permises, surtout dans les champs de maïs, mais aussi de pommes de terre et d'autres cultures, continueront de donner lieu à une mortalité régulière mais diffuse des oiseaux. Cette mortalité passera probablement inaperçue, à cause de la difficulté que présente la détection à laquelle je faisais allusion plus tôt, ainsi qu'en raison de l'absence d'un effort global de surveillance.
Cela m'amène à un autre sujet qui a été soulevé devant ce comité et qui touche notre capacité, en tant que scientifiques, de protéger la ressource faunique contre les effets des pesticides.
Le comité a entendu dire que la responsabilité de la surveillance après l'homologation reste celle d'Environnement Canada, suite à la création de l'ARLA. Bien que le libellé à cet effet apparaisse dans les documents ébauchés à l'époque, je tiens à préciser quelques points, surtout dans mon domaine d'expertise—l'effet sur la faune.
Environnement Canada a toujours eu une capacité très limitée dans le domaine de la surveillance après l'homologation. L'intention au sein du Service canadien de la faune a toujours été d'effectuer une recherche générique sur les problèmes des pesticides—recherche qui élucide des principes généraux et entraîne une protection améliorée de la faune contre tous les pesticides. Avec le nombre élevé de produits en usage, Environnement Canada n'est pas en mesure d'évaluer la performance environnementale de tous les produits, une fois ceux-ci libérés dans l'environnement.
• 0900
Nous sommes tout à fait partisans du principe pollueur-payeur
tel que présenté dans la LCPE. La responsabilité d'assurer la
sécurité de l'environnement appartient aux fabricants. Dans
d'autres pays, comme le Royaume-Uni, la surveillance des incidents
environnementaux des pesticides après leur homologation est
financée par un prélèvement sur les ventes de pesticides.
Voici donc le problème en bref. L'ARLA homologue les pesticides en attendant d'Environnement Canada qu'il s'occupe des problèmes qui surviennent. Cependant, Environnement Canada ne peut contraindre un détenteur d'homologation à l'aider dans cette surveillance, financièrement ou en lui accordant une aide technique.
Soit dit en passant, même si Environnement Canada avait les ressources pour faire ce travail, il ferait face à de sérieux défis.
D'abord, Environnement Canada n'est pas informé à l'avance des décisions réglementaires qui sont prises. Nous en prenons connaissance via les documents de discussions et de décisions produits par l'ARLA, comme n'importe quel autre citoyen du Canada. Par définition, nous serions en mesure de tenter d'organiser des efforts de surveillance au dernier moment, lorsque l'ARLA a déjà pris toutes les décisions pertinentes concernant les utilisations et les taux autorisés.
Ensuite, lorsque l'ARLA homologue de nouveaux pesticides, elle n'oblige pas présentement les fabricants à fournir les outils biochimiques et chimiques nécessaires pour porter un diagnostic lors de cas de mortalité. Avec certains nouveaux produits chimiques existant actuellement, nous serions dans l'impossibilité d'effectuer un diagnostic convenable si nous avions devant nous des animaux morts.
Par ailleurs, nous n'avons aucun renseignement sur les pesticides utilisés, ni où ils le sont, rendant toute forme de surveillance rationnelle et efficace fort difficile. Si les propositions actuelles vont de l'avant, les données sur les ventes de pesticides ne seront disponibles que sous une forme résumée qui ne convient pas à la surveillance de produits particuliers.
Enfin, le Canada est probablement le pays le plus strict au monde lorsqu'il s'agit de protéger les données soumises par les détenteurs d'homologation. De simples résultats de tests tels la toxicité aiguë d'un pesticide X pour une espèce Y, sont considérés au Canada comme des renseignements confidentiels, contrairement à la situation aux États-Unis. Les données entourant les cas de mortalité de faune peuvent aussi être traitées comme des données confidentielles et leur utilisation en devient très restrictive. Le fait qu'elles ne puissent être utilisées que dans le but pour lequel elles ont été recueillies—c'est-à-dire, pour faciliter l'homologation—signifie qu'un certain nombre d'analyses scientifiques fondées sur une comparaison de données sur le terrain et de laboratoire, pour différents pesticides, ne sont pas possibles ou peuvent mettre les chercheurs canadiens dans une position de responsabilité personnelle qui est intenable.
Nous conservons l'espoir de pouvoir travailler avec l'ARLA pour réaliser la protection des ressources qui relèvent de notre secteur de compétence. Toutefois, comme vous le voyez, il subsiste un certain nombre d'obstacles importants.
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Mineau.
Monsieur Hill.
M. Bernard D. Hill (chimiste de l'environnement, Centre de recherches de Lethbridge, Agriculture et Agroalimentaire Canada): Merci, madame la présidente.
Je suis un chercheur scientifique oeuvrant dans le domaine de la chimie de l'environnement au Centre de recherches de Lethbridge, une composante de la Direction générale de la recherche d'Agriculture et Agroalimentaire Canada.
Cet exposé renferme un bref historique de mes travaux sur les pesticides et de mes rapports avec l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA). J'exposerai ici le point de vue d'un chercheur et non celui d'un administrateur ou d'un responsable des politiques.
Vous me permettrez de souligner l'aide précieuse que m'ont apportée quelques-uns de mes collègues d'Agriculture qui s'occupent du dossier des pesticides, soit MM. Alan Cessna et Tom Wolf, de Saskatoon, M. Neil Harker, de Lacombe, et M. Ken Kirkland, de Melfort.
En 1978, j'entrais à l'emploi de la Section de l'entomologie et des végétaux du centre de Lethbridge, en Alberta, en tant que chimiste spécialiste en résidus des pesticides. J'y fus d'abord chargé d'effectuer des études sur l'évolution des insecticides dans l'environnement et sur leur dissipation afin de recueillir des données à l'appui des décisions portant sur l'homologation de produits. Le plus souvent, mes expériences s'effectuaient en collaboration avec mes collègues entomologistes qui étudiaient les réactions des insectes à ces mêmes expériences. C'est ainsi que nous avons mené des travaux de lutte à de nombreux insectes dont les parasites d'abeilles coupeuses de feuilles, les vers gris, les sauterelles et les pucerons russes du blé.
Nous avions souvent recours à des pulvérisations aériennes, et il m'incombait de mesurer les quantités d'insecticides déposés et les endroits où ils se déposaient par rapport aux insectes, et la rémanence des résidus dans le but d'établir quelles étaient les doses efficaces et leur évolution dans l'environnement. Mes données permettaient souvent d'expliquer de quelle façon les insectes entraient en contact avec un résidu de sorte que mon analyse de résidu comportait un volet efficacité en plus du volet évolution dans l'environnement.
Les insecticides étaient habituellement formés de nouveaux composés numérotés pour lesquels on avait déjà soumis une demande d'homologation. Nous travaillions de près avec diverses sociétés de produits chimiques à la conduite de ces recherches. Ces dernières nous procuraient la préparation, les normes d'analyse, l'information, les axes de recherche et un peu d'aide financière. Il s'agissait entre autres des sociétés BASF, AgreEvo, DowElanco, ICI Chipman et Monsanto.
• 0905
Nous avons également oeuvré d'après près avec l'ancienne
direction des pesticides, à Ottawa, à l'occasion de nos recherches
suivies sur ces composés numérotés. Les autorités compétentes en
matière d'homologation nous faisaient part des éléments manquants
dans les données fournies par les entreprises de produits chimiques
et des préoccupations écologiques devant faire l'objet d'un examen
de la part d'un tiers indépendant. Le contact était direct, par
téléphone, et, règle générale, il s'établissait une bonne relation
de travail.
Les résultats de nos recherches étaient présentés aux responsables des autorisations de mise à la vente à la fois directement, à l'aide des formulaires de déclaration de résidus, et indirectement, par l'entremise de publications scientifiques et autres. Enfin, la direction des pesticides déléguait chaque année des agents d'évaluation à nos rencontres scientifiques pour la tenue de consultations directes.
Depuis 1991, l'axe de mes recherches s'est déplacé des insecticides aux herbicides, des nouveaux produits aux produits plus anciens en grande partie homologués, et des expériences de contrôle d'efficacité à de plus vastes expériences de surveillance de l'environnement. J'ai effectué plusieurs expériences sur le lessivage des herbicides dans la nappe phréatique de l'Alberta. Je suis actuellement à quantifier les herbicides dans les pluies de l'Alberta.
La raison d'être de mes présentes recherches est de faire en sorte qu'Agriculture et Agroalimentaire puisse agir en toute connaissance de cause, d'une façon responsable et proactive axée sur la conservation des ressources à l'égard de tout problème environnemental causé par les herbicides.
Mes rapports avec les organismes d'enregistrement sis à Ottawa se sont considérablement transformés aux alentours de 1990 et de manière plus perceptible après 1995 avec la création de l'ARLA, sous l'égide de Santé Canada, qui a eu essentiellement pour effet de mettre un terme à tout contact avec les responsables de l'homologation de l'ARLA.
Il appert que la ligne de conduite adoptée était celle de l'absence de communications sauf peut-être en cas de problème, soit les seuls moments où l'ARLA recueillait des avis. Il n'existait pas de façon manifeste de soumettre des renseignements directement à l'ARLA. Ses représentants cessèrent de prendre part aux ateliers d'analyse des substances organiques à l'état de trace, qui se déroulaient dans l'Ouest. Il devint difficile d'obtenir des explications sur les décisions d'homologation qui étaient rendues.
Par exemple, je me suis efforcé de présenter des données sur le lessivage lorsqu'un produit herbicide de la société BASF du nom d'Accord, où quinclorac, était en instance d'homologation. J'ai eu du mal à obtenir une explication sur les raisons de l'éventuelle homologation du produit. Lorsque j'ai posé des questions plus pressantes sur l'explication fournie, je n'ai pas reçu la moindre réponse.
Depuis 1995 se pose pour moi le problème de décortiquer les rapports entre les divers organismes gouvernementaux rattachés à l'ARLA et les attributions relatives de l'ARLA, de Santé Canada, de la Direction générale de la protection de la santé, de l'ACIA, des agences provinciales, ainsi de suite, en plus de savoir avec qui communiquer au sein de l'ARLA et comment s'y prendre.
Pour ce qui est de l'aspect positif, on aura noté ces derniers temps de nettes améliorations du côté de l'ARLA en raison peut-être de la présence de votre comité. Elle s'est efforcée de rétablir la communication, ses responsables de l'homologation prennent part à nouveau aux ateliers d'analyse des substances organiques à l'état de trace, et sa page Web se fait de plus en plus utile. Sa ligne d'assistance 1-800 a déjà fait ses preuves. De bonnes relations de travail se sont créées entre l'agent régional de l'ARLA responsable des pesticides, et j'ai tout récemment fait part à l'ARLA de certains problèmes de conformité à l'échelle locale.
Si vous le permettez, j'aimerais saisir le comité des recommandations suivantes.
D'abord, qu'on publie, sur la page web de l'ARLA, la liste de ses employés, leurs attributions et la manière de les rejoindre.
Qu'on indique plus clairement, peut-être aussi sur la page web de l'ARLA, tous les organismes responsables des diverses activités en matière de pesticides au Canada.
Qu'on rétablisse des rapports de personne à personne entre les chercheurs indépendants, c'est-à-dire les sociétés n'oeuvrant pas dans les produits chimiques, et l'ARLA.
Qu'on favorise la communication dans les deux sens entre l'ARLA et les chercheurs d'Agriculture et Agroalimentaire Canada au sujet des écarts à combler au plan du savoir concernant les pesticides et les recherches qu'il importe d'entreprendre.
Qu'on rétablisse une formule directe de présentation des données de recherche à l'ARLA, sous forme électronique, assortie d'un accusé de réception officiel et d'une explication sur l'utilisation faite des données.
Que l'on n'impose aucune restriction à l'accès aux données d'enregistrement non exclusives, et que l'on mette à la disposition de tous des explications complètes sur les motifs à la base des décisions d'homologation.
• 0910
En conclusion, j'ai pu constater qu'on a déjà entrepris la
mise en oeuvre de certaines de ces recommandations, et j'ai bon
espoir que la bonne entente règne sous peu avec l'ARLA.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci.
Monsieur Blackshaw, souhaitez-vous faire une déclaration?
M. R.E. (Bob) Blackshaw (chercheur scientifique, Lutte aux mauvaises herbes, Centre de recherches de Lethbridge, Direction générale de la recherche, Agriculture et Agroalimentaire Canada): Oui, merci.
Je suis un chercheur scientifique et mon programme de recherches porte sur la lutte aux mauvaises herbes au sein des cultures de grandes productions des Prairies canadiennes. Le présent mémoire donne un aperçu de mes travaux sur les herbicides et de mes rapports restreints avec l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire.
C'est en 1986 que j'ai entrepris ma carrière de malherbologiste au Centre de recherches de Lethbridge en tant qu'expert en biologie végétale, en systèmes culturaux et en phytophysiologie. Je ne suis pas un expert en herbicides comme tels, ni en leurs diverses propriétés. Toutefois, il m'a été donné au cours des années de prendre part à des évaluations d'herbicides au plan de la tolérance des plantes à leur égard, de leur efficacité vis-à-vis de certaines espèces de mauvaises herbes et de leur utilisation au sein des systèmes de lutte intégrée contre les mauvaises herbes.
Auparavant, les scientifiques de la direction générale de la recherche participaient fort activement au processus d'homologation des herbicides. Les données sur les travaux des chercheurs des secteurs publics et privés et des universités, sur l'efficacité des herbicides et sur leur rémanence dans le sol étaient jadis publiées dans le rapport de recherches du comité d'experts sur la malherbologie, qui servait à tous au sein de l'ancienne direction des pesticides d'Agriculture Canada.
De plus, l'assemblée annuelle du comité d'experts sur la malherbologie donnait lieu à des échanges poussés entre les représentants de la direction des pesticides et ceux de la direction générale de la recherche et des universités, à savoir s'il y avait lieu d'homologuer un nouvel herbicide. Par ailleurs, les responsables de l'homologation effectuaient des visites des parcelles expérimentales des centres de recherches pendant les mois d'été pour y voir à l'oeuvre les herbicides d'essai et l'on tenait de nombreuses conférences téléphoniques.
Le processus d'homologation s'est considérablement transformé. De nos jours, le fabricant soumet directement toutes ces données à l'ARLA. Sa documentation peut, ou non, renfermer des données recueillies par des experts de la direction générale de la recherche ou d'une université. L'ARLA tient peu ou point de consultations avec les scientifiques agricoles des universités et de la direction générale de la recherche. On peut certes affirmer que la plus grande partie des données provient maintenant du fabricant.
Ces dernières années, les scientifiques de la direction générale de la recherche et des universités font beaucoup moins de recherches directes sur les pesticides, de sorte que leur rôle de fournisseurs de données pertinentes à la conduite d'évaluations par l'ARLA en vue de la délivrance de certificats d'homologation s'en est trouvé fortement diminué. Cela s'explique par une perte d'expertise scientifique dans le domaine et par le fait que les recherches sont plus fortement axées sur la mise au point d'autres méthodes de lutte aux ravageurs, comme la lutte biologique et les systèmes de lutte intégrée.
À l'heure actuelle, ma participation à l'homologation d'herbicides et aux travaux de l'ARLA se réduit au processus d'homologation de pesticides à usage limité en vertu duquel une société de producteurs présente une demande d'homologation appuyée de certaines de mes données de recherche.
Par exemple, j'ai participé aux démarches de l'Association des producteurs de carthame de l'Alberta qui demandait que l'emploi des herbicides trifluraline, éthalfluraline et sethoxydime soit autorisé sur leurs produits, et à celles de la Commission des producteurs de légumineuses à grains de l'Alberta, pour l'emploi de l'imazethapyr sur les haricots secs. Le traitement de ces demandes d'utilisation de pesticides à emploi limité prenait souvent beaucoup de temps, mais on sollicitait des avis au besoin et les homologations étaient délivrées.
À l'heure actuel, mon programme de recherches est principalement axé sur la mise au point de programmes efficaces et peu coûteux de désherbage pour les céréales, oléagineux et légumineuses à grains cultivés dans les Prairies. Pour ce faire, on se doit de dresser des seuils économiques qui permettent aux producteurs d'établir à quel moment la lutte aux ravageurs se justifie à l'aide de données sur la rotation des cultures, les densités de semis plus élevées, l'épandage en localisation d'engrais pour aider les cultures à concurrencer les mauvaises herbes de manière plus efficace, et le recours à des pratiques agricoles comme les plantes couvre-sol, les engrais verts et l'ensilage des récoltes. Enfin, dans le cadre de mes recherches en agriculture biologique, je participe à la mise au point de techniques permettant d'obtenir des cultures ne nécessitant pas l'emploi de pesticides.
En outre, nous nous affairons, mes collègues et moi, à mener des études sur l'incidence des rythmes de croissance des mauvaises herbes et des conditions du milieu sur l'efficacité des herbicides à diverses doses, dans le but d'établir dans quelles conditions on peut lutter efficacement contre les mauvaises herbes en employant des doses plus faibles. Toutefois, les données recueillies sont d'un usage plus restreint dans le cadre de notre système actuel d'homologation, en vertu duquel une seule dose d'herbicide est autorisée. Le producteur qui s'aventure à employer des doses moindres le fait à ses risques. Les vendeurs, les épandeurs hors série ou les fabricants de pesticides qui voudraient préconiser ou vendre un programme de doses réduites seraient frappés d'interdit étant donné que l'on ne peut employer que la dose indiquée sur l'étiquette du produit.
• 0915
Si vous le permettez, j'aimerais en terminant mettre de
l'avant ces quelques recommandations d'ordre général.
D'abord, il y aurait lieu d'examiner l'aspect légal de l'emploi de doses réduites de pesticides si nous souhaitons favoriser la lutte intégrée contre les parasites et l'usage limité des pesticides en agriculture.
Ensuite, bien que l'ARLA ait été expressément mise sur pied en tant qu'organisme indépendant, il importe d'améliorer les rapports hiérarchiques entre l'ARLA et les scientifiques agricoles au sein des universités et de la direction générale de la recherche d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, et ce, dans le but de résoudre certains problèmes et d'orienter les recherches pour l'avenir.
Enfin, on devrait remettre en place une formule permettant de soumettre à l'ARLA toute donnée scientifique pertinente qui a été publiée. Il arrive souvent que ces études contiennent des renseignements plus détaillés que ceux que l'on retrouve dans la documentation à l'appui des demandes d'homologation.
Merci.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci beaucoup, monsieur Blackshaw.
Nous allons commencer notre tour de table par Rick Casson.
Je tiens à préciser que M. Casson ne fait plus partie, depuis hier, du comité de l'environnement. Il a été affecté au comité de l'agriculture. Il a siégé au comité pendant deux ans et demi, et je tiens à le remercier pour le dévouement dont il a fait preuve. M. Gurmant Grewal va le remplacer.
Monsieur Casson, vous avez cinq minutes.
M. Rick Casson (Lethbridge, Réf.): Cinq minutes? Quand a-t-on changé la formule? N'avions-nous pas droit à dix minutes, l'an dernier?
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Non.
M. Rick Casson: D'accord. Merci beaucoup, madame la présidente. C'est gentil à vous de dire cela.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Il n'y a pas de quoi.
M. Rick Casson: Je voudrais d'abord m'adresser à M. Hill.
J'aimerais vous souhaiter la bienvenue à tous les trois, mais surtout aux témoins de Lethbridge. Il est bon d'entendre le point de vue de chercheurs locaux.
Monsieur Blackshaw, j'ai vu certaines des méthodes de lutte antiparasitaire et de désherbage que vous êtes en train de mettre au point au centre de recherches, et je trouve tout cela fort encourageant.
Monsieur Hill, vous avez proposé sept recommandations qui pourraient contribuer à accroître l'efficacité de l'ARLA. C'est très intéressant, car c'est le genre de renseignements dont nous avons besoin. Vous avez dit que la communication avec l'ARLA s'est améliorée ces derniers temps. Quand avez-vous noté pour la première fois qu'elle commençait à s'intéresser davantage à votre travail?
M. Bernard Hill: L'ARLA est entrée en contact avec moi au printemps dernier parce qu'elle souhaitait obtenir des renseignements sur l'étude que nous avions effectué au sujet des herbicides relevés dans les pluies.
M. Rick Casson: Nous envisagions, à ce moment-là, de procéder à un examen de l'ARLA, et je pense que cela y a été pour quelque chose.
L'étude que vous avez effectuée au centre de Lethbridge a révélé la présence d'une grande quantité de produits chimiques dans les pluies. Nous avons un imprimé ici qui semble être tiré d'un site web ou d'ailleurs.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Un instant, monsieur Casson. J'aimerais demander aux membres du comité s'ils veulent en avoir une copie.
D'accord, merci.
M. Rick Casson: Avez-vous d'autres précisions à nous donner? Cette étude porte sur les pluies, mais ce qui m'intéresse surtout, c'est la nappe phréatique. Avez-vous poussé vos recherches plus à fond, ou avez-vous effectué une analyse afin de déterminer si ces données sont toujours pertinentes?
M. Bernard Hill: C'est en 1991 que nous avons commencé à faire de la recherche dans le domaine des herbicides et de leur effet sur la nappe d'eau souterraine, en commençant par l'emplacement du centre de recherche. Nous avons signalé les premières détections d'herbicides dans les eaux souterraines en 1991. Avant cela, je ne crois pas que quiconque en Alberta se soit rendu compte d'un tel problème éventuel à cet égard.
Nous avons étudié les herbicides dans les eaux souterraines entre 1991 et 1997, dans le sud de l'Alberta, ainsi que dans le centre de l'Alberta, vers la région de Lacombe.
À partir de 1998, nous avons commencé à examiner la présence d'herbicides dans les précipitations pour avoir une autre image de ce qui se passe dans l'écosystème. Nous avons fait d'autres recherches sur les herbicides dans les précipitations en 1999 et comme nous avons une subvention de deux ans, nous allons de nouveau nous pencher sur la question en l'an 2000.
M. Rick Casson: D'accord.
Monsieur Mineau, vous avez dit que vous avez du mal à préciser le nombre de cas de mortalité de la faune ou des oiseaux. Faites- vous des recherches sur le nombre de ceux qui restent si vous ne pouvez pas dire combien disparaissent? Avez-vous observé une diminution des espèces et des nombres?
M. Pierre Mineau: Nous avons en fait effectué une analyse de la population des oiseaux des Prairies. On a découvert une diminution du nombre des oiseaux chanteurs nicheurs du Canada, notamment les oiseaux qui se trouvent dans les espaces découverts, les champs, les terres agricoles, et nous avons été en mesure d'établir un rapport entre cette diminution et l'utilisation d'insecticides granulaires, dont j'ai fait mention plus tôt. Il semble qu'il y ait un rapport entre les deux. Nous ne pouvons pas prouver la cause et l'effet, mais il semble qu'il y ait un tel rapport avec ce facteur, plus qu'avec les autres.
M. Rick Casson: Merci.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci beaucoup.
[Français]
Madame Girard-Bujold, s'il vous plaît.
Mme Jocelyne Girard-Bujold (Jonquière, BQ): Le service de recherche de la Bibliothèque du Parlement nous a remis une note de service dans laquelle on dit que vous revenez d'une affectation en Australie, docteur Blackshaw. Je ne sais pas en quoi consistait votre expérience australienne. J'aimerais savoir si ce que vous avez vu en Australie peut nous aider ici, au Canada.
On sait que présentement, au Canada, il y a beaucoup de problèmes reliés à la résistance aux herbicides. Je ne sais pas si vous avez vu des études concluantes. Est-ce attribuable à l'usage abusif d'herbicides ou s'il va falloir trouver une nouvelle façon de faire?
J'aimerais aussi que vous me parliez des aliments transgéniques.
Merci.
[Traduction]
M. Bob Blackshaw: Vous posez plusieurs questions. Je vais d'abord parler de mon expérience en Australie.
J'ai eu l'occasion de séjourner en Australie pendant un an pour mieux connaître le concept de résistance aux herbicides—le fait que des mauvaises herbes résistent aux herbicides—et pour voir les mesures que prennent les chercheurs et les agriculteurs australiens pour combattre cette résistance. C'est en Australie que ce problème est le plus aigu, si bien que c'était l'endroit idéal où aller; j'ai certainement beaucoup appris lors de mon séjour.
Les Australiens s'efforcent avant tout de mettre au point des programmes de gestion intégrée des mauvaises herbes. La recherche est fortement financée afin de trouver de nouvelles façons de lutter contre les mauvaises herbes en particulier—c'est mon domaine de recherche—et aussi d'assurer la transmission de l'information aux cultivateurs; tout cela donne de bons résultats.
Cela ne veut pas dire que nous ne faisons pas la même chose au Canada. Je crois que nous faisons de gros progrès et c'est sur quoi porte essentiellement mon programme de recherche. La recherche est toutefois un processus à long terme tout comme la transmission de l'information aux agriculteurs prend du temps.
Votre deuxième question porte sur les doses des produits. Une partie de notre travail consiste à examiner les doses réduites de pesticides—dans mon cas particulier, des herbicides. Dans tout programme de gestion intégrée des parasites, il s'agit essentiellement d'utiliser les doses les plus infimes de pesticides et, dans certains cas, de ne pas utiliser de pesticides du tout. Nous savons d'après certaines de nos études que si plusieurs mesures sont prises, comme par exemple l'augmentation de la densité de semis et une bonne rotation des cultures, il n'est plus nécessaire d'utiliser d'herbicides.
Mon travail avec les agriculteurs biologiques de la Saskatchewan et de l'Alberta a été très intéressant, puisque bien sûr, ils n'utilisent pas de pesticides. Même s'ils ont toujours beaucoup de problèmes de parasites, ils trouvent les moyens de fonctionner sans pesticides. D'après mon observation de ces agriculteurs, je crois que nous allons pouvoir trouver de nouveaux systèmes à un moment donné et je ne vois pas pourquoi les agriculteurs qui ne sont pas des agriculteurs biologiques ne pourraient pas adopter certains de ces systèmes dans leurs cultures.
Pourriez-vous répéter votre troisième question?
[Français]
Mme Jocelyne Girard-Bujold: J'aimerais que vous nous parliez de la culture transgénique.
[Traduction]
M. Bob Blackshaw: Ce problème est tout à fait différent d'une certaine manière. Dans l'Ouest canadien, le colza canola représente l'une des principales cultures, si bien que ces dernières années, la culture du canola transgénique a été importante. Je crois que de 50 à 60 p. 100 du canola de l'Ouest canadien cultivé cette année est du canola transgénique. Nous parlons essentiellement du canola résistant aux produits Roundup Ready et Liberty.
• 0925
À mon avis, les agriculteurs ont intérêt à lutter contre les
mauvaises herbes. Les options en matière de lutte contre les
mauvaises herbes ont été plus limitées dans le cas du canola que
dans celui d'autres cultures céréalières, comme le blé et l'orge.
Il était difficile de lutter contre certaines mauvaises herbes que
l'on retrouvait dans les champs de canola. Ces produits permettent
de mieux lutter contre les mauvaises herbes et je crois que c'est
pour cela que les agriculteurs ont adopté cette façon de procéder.
Je pense que les herbicides utilisés présentent également certains avantages. Les herbicides Roundup et Liberty seraient considérés probablement plus écologiques que certains des herbicides auparavant utilisés pour la culture du canola.
[Français]
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Au début de votre intervention, vous disiez qu'en Australie on faisait la lutte aux mauvais herbes et que le ministère transmettait l'information aux agriculteurs. Est-ce que les choses se font comme cela ici ou si c'est une nouvelle façon de faire qui sera adoptée ici à la suite des recherches que vous êtes allé faire en Australie?
[Traduction]
M. Bob Blackshaw: Nous sommes en train de transmettre une part de l'information de l'Australie et nous avons en fait entamé une nouvelle expérience de recherche, qui découle directement de mes expériences australiennes; nous examinons un plus vaste éventail de modes de gestion intégrée des mauvaises herbes. Cette expérience est menée à Lethbridge, à Lacombe, en Alberta, et à Scott, en Saskatchewan. C'est une expérience qui se fait en collaboration, qui est à long terme et qui durera au moins six années. Nous avons la possibilité de montrer ces expériences aux agriculteurs et c'est probablement la meilleure façon de leur transmettre l'information: les amener dans le champ pour leur montrer comment ces modes de gestion peuvent fonctionner.
À part cela, je suis l'auteur de plusieurs bulletins sur la gestion des mauvaises herbes telle qu'elle se pratique en Australie; ils ont été publiés dans les journaux des agriculteurs de l'Ouest canadien.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci.
Paddy Torsney, s'il vous plaît.
Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.): Merci. J'ai une ou deux questions techniques.
Tout d'abord, monsieur Hill, merci pour les objectifs que vous fixez si clairement et qui peuvent servir de guide.
Monsieur Blackshaw, votre dernier paragraphe ne me parait pas très clair. Peut-être pourriez-vous l'expliquer; vous dites:
-
[...] les données recueillies sont d'un usage restreint dans le
cadre de notre système actuel d'homologation en vertu duquel une
seule dose d'herbicide est autorisée. Le producteur qui s'aventure
à employer des doses moindres le fait à ses risques.
Je suis une personne de la ville et je ne sais pas exactement comment cela marche. Dans votre réponse, vous pourriez aussi peut- être me dire ce que sont les légumineuses à grains, car je ne connais qu'une sorte de légumineuses.
Deuxièmement, monsieur Mineau, encore une fois, je ne suis pas sûre de comprendre comment vous savez que vous n'avez que 25 p. 100 des carcasses d'oiseaux, bien que mon collègue—qui est agriculteur—me dise que vous avez en fait placé les carcasses dans les champs. Je ne comprends pas très bien et peut-être pourriez- vous expliquer ce travail de recherche. Je ne le comprends pas.
Vous avez dit également très clairement à la fin de votre exposé, je crois, que vous demandez une surveillance après homologation des pesticides par l'ARLA. Comment l'envisagez-vous? Vous avez parlé de millions de dollars par pesticide. Quel genre de budget affecteriez-vous? Qui serait le mieux placé pour le faire? Comment cela fonctionnerait-il?
Ce sont mes questions.
M. Bob Blackshaw: Les légumineuses à grains sont des légumineuses comestibles; il s'agit des lentilles, des pois chiches, des pois. Elles sont très nutritives et très bonnes pour la santé.
Pour ce qui est des doses des pesticides, une seule dose d'application est habituellement homologuée. Cette dose est censée traiter de multiples espèces de mauvaises herbes. Elle est censée lutter contre les multiples étapes de la croissance des mauvaises herbes tout en tenant compte de multiples conditions ambiantes. Il s'agit donc parfois d'une dose qui n'est pas la plus élevée qui soit, mais d'une dose qui permet de garantir au cultivateur de bons résultats efficaces, la plupart du temps. Nous savons qu'il existe des cas où il pourra diminuer cette dose. Si les mauvaises herbes sont très petites, il est plus facile de les détruire dans de nombreux cas. Si les conditions de croissance, d'humidité, de températures, sont bonnes, il est alors aussi plus facile de détruire les mauvaises herbes.
Dans notre système actuel, il est cependant difficile de conseiller aux agriculteurs de procéder de la sorte, car d'après la définition stricte de l'étiquette, ils sont censés s'en tenir à la dose indiquée. Pour ce qui est de la gestion intégrée des mauvaises herbes, en plus des conditions relatives aux étapes de croissance des mauvaises herbes et des conditions ambiantes, si la culture est très compétitive et qu'on utilise des engrais pour augmenter cette compétitivité par rapport aux mauvaises herbes, on sait qu'il est aussi possible de diminuer les doses d'herbicides. Dans notre système actuel, il est tout simplement difficile de le dire aux agriculteurs.
Dans certains pays, le système d'homologation renferme plus d'information sur les étapes de croissance et la densité des mauvaises herbes et une échelle mobile indique les diverses doses d'herbicide applicables. Le Danemark est un exemple de cette manière de procéder.
Mme Paddy Torsney: Je vais passer maintenant à l'autre question. Si je suis agricultrice et que je vais utiliser cet herbicide, je dois utiliser... Qui m'impose cette dose? Si le taux d'humidité est très élevé cette année, je peux modifier cette dose, qui me dit que je dois utiliser la dose qui a été homologuée? Je ne le comprends pas.
M. Bob Blackshaw: La dose indiquée sur l'étiquette est la dose légale.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Rick Casson peut intervenir et va nous servir de témoin.
M. Rick Casson: Si une société de produits chimiques vous dit d'utiliser une certaine dose de son produit et que vous ne le faites pas, et si les mauvaises herbes ne sont pas détruites ou si vous endommagez votre culture, vous ne pouvez alors pas vous retourner contre la société en question. Elle vous indique donc sur l'étiquette la façon dont ce produit doit être appliqué, ainsi que la dose à appliquer. Si vous vous en écartez, c'est à vous d'en subir les conséquences.
Mme Paddy Torsney: Comment la société le saurait-elle?
M. Rick Casson: Tous les agriculteurs sont fondamentalement honnêtes et vont dire la vérité.
Des voix: Oh, oh.
Mme Paddy Torsney: Je m'en doutais, mais je vais devoir m'adresser au Comité de l'agriculture pour comprendre. Désolée.
M. Pierre Mineau: Votre question comporte plusieurs éléments.
Oui, tout d'abord, ces chiffres sont donnés à titre d'illustration. Souvent, lorsque l'on procède à un essai d'un pesticide, des carcasses sont dispersées dans le champ. Cela permet de poser cette simple question: si un oiseau meurt, aurais-je la chance de le trouver? On place donc des petits poulets, des cailles, etc., dans certains endroits, à l'insu des chercheurs. Puis on les ramasse et on arrive à un taux de récupération. Puis, si l'on trouve des carcasses d'oiseaux de la faune, on se sert des taux de récupération comme facteur arbitraire pour déterminer le nombre d'oiseaux effectivement morts. Cela ne marche pas avec tous les composés. On procède de cette manière avec les pesticides qui permettent une récupération, habituellement des produits chimiques qui tuent assez rapidement, ce qui empêche aux animaux en question de fuir.
• 0935
Si j'ai parlé de tout cela, c'est simplement pour souligner le
fait que lorsqu'un agriculteur va dans son champ et dit: «je ne
vois pas d'oiseaux morts; vous me dites que ce produit tue 100 000
ou un million d'oiseaux par an, mais je ne les vois pas»—et
j'entends cet argument constamment—le fait est que même des
équipes de recherche bien disciplinées, bien formées ont beaucoup
de mal à trouver les carcasses. Parfois on utilise des chiens.
Toutes sortes de stratégies sont utilisées, parfois les oiseaux
sont bagués pour que l'on puisse les trouver. C'est un travail très
difficile.
Lors de l'application d'herbicides au printemps, notamment, il s'agit d'oiseaux qui, dans certains cas, se sont déjà rendus dans les arènes de reproduction, si bien qu'ils sont assez dispersés. Ils sont petits, énigmatiques et aiment rechercher un abri. Ils sont également dévorés très rapidement. Le placement des carcasses permet également d'avoir une idée de l'importance des charognards.
Pour répondre à la question sur la surveillance suivant l'homologation, tout ce que j'ai dit c'est que pour rassembler de telles équipes de gens d'expérience, leur fournir des locaux, trouver un terrain, etc., il faut généralement un budget assez généreux, ce que le gouvernement ne peut pas se permettre. Personnellement, je pense que la situation idéale, c'est lorsque ces exigences sont faites au requérant, qui a tout à gagner de l'homologation du produit chimique en question.
On fait les choses de manière différente dans différents pays. Comme je vous le disais, je crois que l'un des meilleurs systèmes que je connaisse est celui du Royaume-Uni, où l'argent est mis dans une caisse en fonction de la vente des pesticides, et le contenu de cette caisse est utilisé par les organismes gouvernementaux et non gouvernementaux—je crois que c'est parfois par appel d'offres—qui s'occupent de la surveillance après l'homologation.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Monsieur Reed, c'est à vous.
M. Julian Reed (Halton, Lib.): Merci beaucoup.
Monsieur Mineau, vous avez abordé un sujet très important, celui de l'argent et de qui paie. Si nous parlons au fabricant du pesticide visé, dans l'ordre des choses, le Canada n'entre en compte qu'après coup. Le pourcentage d'utilisation est très faible, donc il est difficile pour la compagnie de justifier une grosse dépense.
L'autre chose, c'est que si ont fait une comparaison avec d'autres pays, je dirais que ce n'est pas une comparaison juste, parce que les gouvernements subventionnent beaucoup plus généreusement les agriculteurs aux États-Unis et en Europe qu'au Canada. Donc, si le fardeau est imposé au fabricant et que le coût est transmis à l'agriculteur, il devient encore moins compétitif qu'actuellement. C'est un dilemme qui est important à mon avis, qui touche au coeur de tout le mécanisme d'homologation.
Par exemple, avec le temps, les pesticides sont graduellement devenus plus écologiques, du moins ils le semblent. On en voit apparaître de nouveaux à l'horizon dont la vente est autorisée aux États-Unis et ailleurs, qui sont meilleurs que ceux qui existent déjà, mais leur homologation au Canada semble être freinée dans une large mesure par des considérations d'ordre financier.
Pouvez-vous commenter cela?
M. Pierre Mineau: J'ai plusieurs choses à dire à ce sujet. Je ne suis pas économiste, mais je vous donnerai tout de même mon avis là-dessus. J'ai essayé de faire comprendre ici qu'en effet, le Canada utilise généralement peu de pesticides, et c'est pourquoi je prône l'utilisation sans restriction des données recueillies dans d'autres régions du monde.
En tant que scientifique, j'ai un peu de difficulté à accepter que l'on puisse se fier sur des données recueillies à l'étranger ou aux États-Unis pour homologuer des pesticides, mais que lorsque des problèmes surviennent avec ces produits, peut-être parce qu'il y a un meilleur système de surveillance là-bas, nous disons eh bien, personne n'est mort au Canada, donc il n'y a pas de problème ici. Ces deux poids deux mesures me posent un problème, et je crois que c'est lié à la question des coûts.
• 0940
Pour ce qui est des subventions, je ne parlerai pas des
subventions aux agriculteurs. Ce n'est pas mon domaine. Tout ce que
je pourrais dire c'est qu'avec nos recherches, nous avons pu
constater que souvent, sur une gamme de sept ou huit pesticides qui
sont sur le marché, si on éliminait les deux ou trois produits les
plus toxiques, le problème serait réglé à 90 p. 100. Il n'en
coûterait rien à l'agriculteur, ou très peu. Donc je ne pense pas
que d'imposer des restrictions rigoureuses et efficaces sur les
composés qui, de toute évidence, sont de mauvais produits, poserait
réellement un problème à nos agriculteurs.
Je ne suis pas tout à fait d'accord avec votre dernier argument, sur les nouveaux produits qui sont forcément plus écologiques. Oui, il y a de nouveaux produits qui sont une nette amélioration par rapport à ceux qui les précédaient, mais ce n'est pas toujours le cas.
Je siège au U.S. Science Advisory Panel, et l'administrateur de l'EPA m'a demandé il y a quelques mois d'examiner un nouveau produit qu'on se proposait d'homologuer aux États-Unis. À mon avis et à celui d'autres membres du Science Advisory Panel, ce produit était l'un des plus toxiques, des plus persistants, des plus insidieux qu'on ait jamais vu et on se propose actuellement d'en autoriser la vente aux États-Unis. Il est actuellement utilisé de façon limitée. D'après l'EPA, une demande d'homologation de ce produit a été déposée au Canada.
M. Julian Reed: Merci beaucoup.
Monsieur Hill, à propos des herbicides du type phenoxy dont vous avez étudié la présence dans l'air et l'eau, etc., est-ce qu'ils sont éliminés ou est-ce qu'ils s'accumulent?
M. Bernard Hill: Ils finissent par se disperser, se dégrader et disparaître.
M. Julian Reed: Sur une période de combien de temps?
M. Bernard Hill: Nous mesurons les choses par demi-vie, c'est- à-dire le temps que prend la moitié de la quantité mesurée pour disparaître. Selon que c'est dans l'eau, dans l'air ou dans la terre, généralement la demi-vie s'étend entre cinq et 30 jours.
M. Julian Reed: J'aurais une question très brève à vous poser.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Monsieur Reed, vous devrez attendre au deuxième tour de table.
Monsieur Jordan, avez-vous des questions à poser?
M. Joe Jordan (Leeds—Grenville, Lib.): Non, désolé.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Monsieur Hill, nous allons vérifier le hansard de la semaine dernière, mais il me semblait que l'un des témoins avait dit que l'évaporation ne posait pas vraiment de problème. Dans votre sommaire d'une page, vous dites que les herbicides entrent dans l'atmosphère lors d'épandages, par évaporation de la surface des plantes et du sol, et avec la poussière résultant d'une érosion. Peut-être pourriez- vous mieux expliquer cela aux fins d'inscription au registre, si vous voulez bien.
M. Bernard Hill: Nous pensons effectivement que ces produits entrent dans l'air de trois principales façons. L'évaporation n'en est qu'une. D'après les documents courants, les deux autres sont tout aussi importantes que l'évaporation, avec les épandages du printemps.
Avec l'évaporation de ces produits de la surface des plantes et du sol, à partir du moment où ils sont déposés et secs, soit environ deux heures après l'épandage, cette évaporation peut prendre jusqu'à 10 jours.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Peut-être pourriez-vous éclairer les esprits non scientifiques de ce comité en expliquant en quoi consiste l'évaporation.
M. Bernard Hill: Le produit chimique est vaporisé dans une préparation sur les mauvaises herbes. Il se pose sur la surface des feuilles. Une grande partie du produit se pose aussi sur le sol. C'est inévitable. Les produits chimiques sèchent ensuite, puisqu'ils sont mélangés à de l'eau. L'eau s'évapore, puis il reste le résidu du produit. Vous ne pouvez pas le voir. Ce sont des quantités infimes.
Mon travail consiste à recenser ces résidus dans l'environnement, mais ils peuvent s'évaporer directement dans l'air, passer de l'état solide à celui de vapeur. C'est la même chose, par exemple, lorsque la neige passe de l'état solide directement à l'état gazeux, dans l'air. Aussi, avec la rosée du matin ou les légères averses, ces produits sont de nouveaux mouillés, puis, alors que l'eau s'évapore, les produits se codistillent et s'évaporent encore une fois dans l'air.
• 0945
Donc, ce processus se répète tant qu'il reste des résidus. Il
y a aussi des processus parallèles, où la dégradation survient en
même temps. Il y a donc une course pour faire en sorte que les
résidus se dégradent et ne s'évaporent pas trop dans l'air.
Quant à l'autre problème, celui de l'érosion du sol, ces produits se fixeraient au sol, et avec les vents que nous avons dans le sud de l'Alberta en particulier, la poussière du sol est très facilement soulevée dans l'air. Ce sol ayant été traité, la poussière contient des herbicides.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Est-ce que des études ont été faites par temps froid, qui étaient axées sur les herbicides et les pesticides plus généralement? Je sais que le professeur David Schindler a fait des études en Alberta et en Colombie-Britannique sur le dépôt de BPC dans les montagnes. À l'origine, les BPC ne posaient des problèmes que plus loin au nord, mais on en trouve maintenant des dépôts dans les Rocheuses, ce qui est très près des sources d'approvisionnement d'eau des grands centres urbains. Je me demande si vous avez fait des études du même genre pour voir s'il y a plus de persistance dans l'air, parce que les BPC ne se dégradent pas aussi rapidement dans l'air plus froid.
M. Bernard Hill: Nous venons seulement de commencer. L'hiver dernier, nous avons pris des échantillons de neige pour voir si ces produits étaient dans l'air en hiver et s'ils se déposaient dans la neige, et nous en avons trouvé très peu dans la neige.
Au sujet de ces résidus d'herbicide que nous trouvons dans les pluies, nous pensons qu'il y a deux facteurs. Le premier est le transport à grande distance. Une fraction des herbicides semblent rester dans l'air en général et se déplacer constamment, mais il y a aussi une fraction, de loin la plus importante, qui proviennent des activités locales d'épandage. Lorsque nous faisons une analyse des pluies au cours de l'été, nous y constatons une augmentation du contenu d'herbicide en juin et au début de juillet, ce qui correspond à la saison d'épandage des agriculteurs et aussi à la saison de traitement des pissenlits sur les terrains privés. Je dirais donc que le niveau de fond de polluants qui flottent dans l'air à l'échelle globale, si vous voulez, est d'environ un dixième du tout.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Vous avez répondu à deux questions que j'avais à poser, sur le transport à grande distance et les effets de l'épandage local.
Avez-vous des questions, monsieur Casson, madame Girard- Bujold?
Monsieur Lincoln, aviez-vous des questions sur le premier tour de table?
M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.): Oui, j'aimerais bien poser une question.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Ce serait à propos du premier tour, monsieur Lincoln.
M. Clifford Lincoln: Oui. J'ai une question à poser à M. Hill.
Vous avez dit dans votre mémoire, monsieur Hill, qu'il ne faudrait imposer aucune restriction à l'accès aux données d'enregistrement non exclusives et qu'il faudrait mettre à la disposition de tous des explications complètes sur les motifs à la base des décisions relatives aux autorisations à la vente.
Vous savez peut-être que l'ARLA est en train de mettre au point une nouvelle loi qui ouvrirait l'accès du public à l'information, à l'exception des RCC, les renseignements commerciaux confidentiels des registraires. Cela semble créer une énorme faille dans l'accès public, parce que d'après les documents que j'ai vus, la définition qu'en donne le CBI semble assez vaste. Pourriez-vous commenter cela et nous dire ce qui à votre avis serait la règle optimale d'accès du public à l'information?
M. Bernard Hill: Je suis d'accord avec ce que vous avez dit. D'après ce que je comprends, ce qu'on appelle les renseignements de fabrication portent une définition trop vaste.
• 0950
Dans les premières phases du processus d'homologation, la
structure exacte du produit chimique et une partie de sa
composition devraient nécessairement rester un secret industriel et
constituer un renseignement de fabrication. Cependant, pour ce qui
est de la durée de sa persistance dans le sol, dans les récoltes,
quand le produit est pulvérisé, où il se retrouve, s'il y a
lessivage, s'il pénètre la nappe phréatique et quels essais de
lessivage sur colonne ont été faits, je ne vois pas pourquoi ces
données ne pourraient pas être accessibles au public à une certaine
étape du processus d'homologation avant que la décision définitive
soit prise.
M. Clifford Lincoln: Avez-vous fait cette suggestion ou cette recommandation à l'ARLA dans ces termes précis pour que votre avis puisse être tenu en compte dans l'élaboration de la loi?
M. Bernard Hill: Non. Pour être franc, c'est la première fois depuis longtemps que nous avons l'occasion d'intervenir dans une démarche de l'ARLA.
M. Clifford Lincoln: Je vous dirai, monsieur Hill, qu'il serait grand temps qu'une organisation de l'importance de la vôtre le fasse. Il me semble que la loi est en voie de préparation, et je crois que beaucoup de gens craignent que le CBI restreigne l'accès du public à l'information. Alors peut-être pourriez-vous faire une recommandation formelle.
Vous pouvez me corriger si je me trompe, mais j'ai compris d'après votre mémoire que l'ARLA se fie de plus en plus aux données des fabricants et qu'il y a peu de possibilités pour vous et les professeurs et autres scientifiques, de donner votre avis. Autrement dit, on se fie de plus en plus aux renseignements des fabricants et de moins en moins sur l'avis des tiers. Pourriez-vous commenter cela et confirmer l'impression que donne votre mémoire?
M. Bernard Hill: En général, vous avez raison, mais, à leur défense, je dois dire que ce n'est pas entièrement la faute de l'ARLA si nous ne pouvons pas donner d'avis sur certaines des décisions relatives à l'homologation. C'est ainsi que l'ARLA a été conçue en 1995, pour être autonome. On craignait alors qu'il puisse y avoir conflit d'intérêts parce que Agriculture Canada avait été responsable du système d'homologation avant 1995.
Il y a eu plusieurs choses. À la Direction générale de la recherche d'Agriculture Canada, nous n'avons plus le mandat d'étudier l'efficacité des herbicides ou des insecticides. Nous n'étudions plus, dans notre recherche, l'aspect de l'efficacité. Donc, du point de vue de l'efficacité du produit, puisque nous ne faisons plus de recherches à ce sujet, nous n'avons pas d'avis à donner.
Les fabricants qui demandent l'autorisation de vendre leurs produits chimiques sont les seuls à faire cette recherche, et peut- être aussi un chercheur universitaire ici et là.
L'autre facteur qui a joué, c'est cette exigence relative à la bonne pratique de travail en laboratoire. À cause de certains échecs survenus aux États-Unis, avec la falsification des données des études de toxicité, etc., la collecte des données à la suite de l'homologation est maintenant assujettie à des critères rigoureux. Même si ce n'est pas encore nécessaire au Canada, les fabricants de produits chimiques voudraient faire d'une pierre deux coups, et que toutes les données et la recherche relatives aux produits soient conformes aux bonnes pratiques de travail en laboratoire. Pour l'instant, les organismes gouvernementaux, y compris notre centre de recherche, n'ont pas les ressources pour effectuer des recherches conformément aux bonnes pratiques de laboratoire.
Il y a des bonnes raisons à la limitation de notre intervention dans les décisions relatives à l'homologation, donc ce n'est pas entièrement la faute de l'ARLA.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Vous aurez la parole au deuxième tour de table, monsieur Lincoln.
• 0955
Monsieur Hill, est-il possible de fournir au comité une copie
d'un document où sont décrits les critères des bonnes pratiques de
laboratoire? Suffit-il de nous adresser à l'ARLA pour cela?
M. Bernard Hill: Oui, il y a beaucoup de documents sur la question. C'est assez coûteux.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Est-ce qu'il existe un sommaire, ou quelque chose du genre, pour que les membres du comité puissent en connaître les grandes lignes, plutôt que quelque chose de très technique?
M. Bernard Hill: Oui, nous devrions pouvoir vous fournir cela.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Ce serait très apprécié. Merci beaucoup, monsieur Hill.
Nous en sommes au deuxième tour, monsieur Casson, vous avez la parole.
M. Rick Casson: Merci, madame la présidente.
Monsieur Blackshaw, que pouvons-nous attendre de la recherche que vous effectuez dans un avenir pas trop lointain, disons d'ici dix ans, sur la gestion ou le contrôle des mauvaises herbes sans recours aux herbicides? Est-ce qu'il devrait y avoir beaucoup de progrès dans le domaine? Ou y en a-t-il déjà? Dans quelle mesure utilisons-nous moins d'herbicides? Avez-vous la moindre idée de ce genre de statistiques?
M. Bob Blackshaw: Je ne pourrais probablement pas vous donner de chiffres exacts. Peut-être d'autres personnes pourraient-elles le faire. Les compagnies pourraient sûrement fournir ce genre de renseignements sur plusieurs années.
Je crois que nous pouvons espérer des réductions dans le futur. Premièrement, j'aimerais souligner que beaucoup d'agriculteurs sont intéressés à utiliser moins de ces produits, en partie pour une raison de coût. Ils voudraient réduire les coûts de la production. Et je peux dire que la plupart des agriculteurs sont très préoccupés par l'environnement, aussi, et qu'ils aimeraient bien aller en ce sens.
Dans nos travaux, nous trouvons des méthodes que les agriculteurs pourraient commencer à adopter pour utiliser moins de pesticides et d'herbicides. Je crois qu'il y a en fait deux façons de s'y prendre: la première est d'utiliser moins fréquemment un herbicide ou d'en asperger de moins grandes quantités dans le cadre du système général de gestion des mauvaises herbes, et l'autre démarche consiste tout simplement à éliminer le recours aux herbicides et à adopter un système de culture biologique. Donc, comme je le disais tout à l'heure, la recherche porte sur le long terme, et d'après moi, il faudra encore cinq ou dix ans avant que nous puissions fournir ce genre de renseignements aux agriculteurs.
M. Rick Casson: Monsieur Hill, dans la documentation que nous avons sur la recherche que vous avez faite à Lethbridge concernant les précipitations, j'ai noté un phénomène particulier, soit la quantité de 2,4-D extrêmement élevée que vous y avez relevée. À quoi est-elle attribuable? Êtes-vous retourné là-bas pour voir si elle était toujours aussi élevée? Cette concentration semble vraiment disproportionnée par rapport aux autres résultats.
M. Bernard Hill: Je suis d'accord avec vous. Nous utilisons beaucoup de 2,4-D dans le sud de l'Alberta. D'après les données les plus récentes sur les ventes qui datent de 1993—je vais obtenir celles de 1998, mais je doute que la situation ait beaucoup changé—, le comté de Lethbridge est celui où il se vend le plus de 2,4-D en Alberta.
Autre explication possible, nous employons beaucoup d'herbicides à base d'ester dans le sud parce que la région est semi-aride et que l'herbicide à base d'ester pénètre mieux les cuticules plus épais des plantes nuisibles que la formule à base d'amine. Les agriculteurs ont appris qu'ils en obtiennent plus pour leur argent en pulvérisant l'herbicide à base d'ester. Celui-ci a tendance à être plus volatil que celui à base d'amine. Cela pourrait être un facteur qui contribue à rendre unique la situation.
Il faut aussi tenir compte du temps qu'il fait. Le sud de l'Alberta est plus chaud, venteux et poussiéreux que les autres régions.
M. Rick Casson: Ce n'est pas si pire.
M. Bernard Hill: Plus particulièrement, il y pleut souvent en juin, comme vous le savez, et ceux qui font la culture à sec comptent sur ce phénomène pour survivre. La concentration élevée s'explique donc à la fois par un usage répandu du 2,4-D et par les conditions chaudes, venteuses et poussiéreuses. Les pluies fréquentes de juin nettoient l'air et précipitent le 2,4-D qui s'y trouve en suspension. Le mois de juin est le mois durant lequel les agriculteurs, les propriétaires de maison et les entreprises d'entretien des pelouses pulvérisent l'herbicide. Par conséquent, plusieurs facteurs semblent se conjuguer pour nous donner des concentrations de 2,4 D et de précipitations plus élevées que celles qui sont observées dans d'autres régions du Canada.
M. Rick Casson: N'utilise-t-on pas le 2,4 D dans les villes pour se débarrasser des plantes nuisibles dans les gazons?
M. Bernard Hill: Oui.
M. Rick Casson: Avez-vous une idée de ce qui a déplu dans votre étude à l'Agence de lutte antiparasitaire, qui vous a obligés à la retirer du Net?
M. Bernard Hill: L'Agence de lutte antiparasitaire s'est renseignée au sujet de notre étude sur les herbicides et les précipitations. Nous avions affiché les résultats initiaux de notre étude de 1998 sur notre page Web. La difficulté réside dans le fait qu'il s'agit de données préliminaires, mais que l'étude est financée au moyen de deniers publics. Il ne faut pas limiter l'information ou la garder pour soi. Nous avons donc rendu l'information publique sur notre site Web, dans une section traitant de questions et de préoccupations, non pas de conclusions.
Nous rendons les données publiques afin de susciter un débat et de connaître l'opinion du grand public. Une des questions et préoccupations à la fin traitait de la santé humaine. L'Agence se demandait si nous avions la compétence voulue pour soulever des points au sujet de la santé. C'est une interrogation valable qui relève de son mandat. La question était donc légitime. Cela ne nous posait pas vraiment un problème.
Toutefois, le Dr Paul Hasselback, médecin hygiéniste des autorités régionales de santé de Chinook, à Lethbridge, a pleinement collaboré à notre étude. Il était notre source d'expertise médicale. Il était préoccupé, sur le plan de la santé, par ce qui pourrait se trouver en suspension dans l'air de Lethbridge et aux alentours. On y mène des études indépendantes pour connaître la composition de la poussière.
Je crois que c'est le mot «asthme» qui fait peur. Comme vous le savez, il y a un taux élevé d'asthme dans le sud de l'Alberta. Il n'est pas démontré que les herbicides en sont la cause. Nous ne pouvons pas tirer de conclusion à cet égard. Nous sommes en plein coeur d'une étude de trois ans à ce sujet. Toutefois, taire les préoccupations et les questions ne rime à rien. C'est pourquoi cet énoncé s'y trouvait.
Après coup, je ne trouve rien à redire au fait que l'agence ait posé la question, à savoir pourquoi le ministère de l'Agriculture émettrait des commentaires au sujet d'une question de santé. La question est valable.
M. Rick Casson: Je vous remercie.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Je vous remercie beaucoup.
[Français]
Madame Girard-Bujold, s'il vous plaît.
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Monsieur Hill, votre mémoire me surprend beaucoup. Vous dites qu'avant 1990, vous aviez des contacts avec des organismes ici, à Ottawa. Depuis l'avènement de l'ARLA, vous n'avez plus de contacts et vous êtes tenus dans l'ignorance. Vous ne savez pas à qui vous adresser. Tout d'abord, pourquoi l'ARLA a-t-elle été créée? Était-ce pour vous aider ou pour vous mettre en échec? Était-ce pour vous donner de l'aide ou pour que tout soit mis sous silence? Avez-vous déjà averti l'ARLA de vos problèmes de communication avec elle?
[Traduction]
M. Bernard Hill: En réalité, ce qui s'est produit, c'est que les personnes que je connaissais à la Direction des pesticides, ancêtre de l'ARLA, ont quitté leur emploi ou changé de poste. Elles ont assumé d'autres responsabilités. Les numéros de téléphones ont changé. Il n'y avait tout simplement plus de moyen facile de savoir qui était responsable de quoi ou à qui s'adresser.
Simultanément, le nombre de fabricants de produits chimiques essayant de faire homologuer de nouveaux produits, des composés numérotés, a sensiblement chuté. Je crois que c'était dû à la lenteur du marché ainsi qu'à l'absence d'infestations. Lorsque les infestations de vers gris et de sauterelles dans l'ouest du Canada ont pris fin vers 1985-1986, la production de pesticides a ralenti dans l'ouest du Canada, et c'est le fabricant de produits chimiques qui déclenche le processus d'homologation. Tous ces éléments ont coïncidé.
• 1005
Il n'y a tout simplement plus eu de communication pendant un
certain temps. Nous avons continué à faire de la recherche et à en
publier les résultats. L'ARLA n'avait plus qu'à en prendre
connaissance. Mais il s'agit-là d'un échange dans un seul sens.
Nous supposons que l'ARLA suit nos travaux, comme il lui appartient
de le faire. Toutefois, ce serait beaucoup mieux si nous avions des
communications directes dans les deux sens, s'il existait des
rapports de personne à personne.
Cette page Web serait une excellente idée. Je ne vois pas pourquoi on ne peut pas avoir un nom, un numéro et qui est responsable de quoi sur la page Web, qu'il s'agisse d'un chercheur d'Agriculture Canada ou d'un membre du grand public, peu importe. Bien sûr, on ne peut pas s'attendre à obtenir la communication avec cette personne chaque fois et il faudra peut-être passer par des boîtes vocales, et ainsi de suite, mais au moins, on sait clairement à qui s'adresser.
[Français]
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Madame la présidente, je suis très surprise. Il y a toute une structure administrative dans l'ARLA. Combien de personnes travaillent au sein de cette agence? Elles doivent avoir des rôles bien précis. Comment se fait-ils qu'elles ne peuvent pas communiquer avec nos témoins? Est-ce que des représentants de l'ARLA sont déjà venus se faire interroger par les membres de notre comité?
[Traduction]
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Oui, nous avons entendu des porte-parole de l'ARLA; en fait, des témoins de l'ARLA sont venus deux fois.
Prévoit-on les entendre à nouveau?
Le greffier du comité: À ce stade-ci, aucune décision n'a été prise à cet égard, madame la présidente.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Il se peut que nous les invitions à revenir.
[Français]
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Madame, depuis le début de nos audiences, beaucoup de gens sont venus se plaindre de l'ARLA. Hier, un organisme avait 45 plaintes contre l'agence. Je pense qu'il serait peut-être temps que ces gens viennent répondre à toutes les plaintes qui ont été déposées devant nous. Même le Dr Blackshaw dit dans son exposé qu'il avait auparavant des contacts, mais que ces contacts ont cessé. De plus, le processus d'homologation s'est considérablement transformé. Tout a été complètement changé. Est-ce qu'ils vous avaient avisés de ce que la façon de faire devait être changée, ou s'ils ont fait cela unilatéralement, sans vous consulter? C'est ce que je voudrais savoir.
[Traduction]
M. Bob Blackshaw: Voilà une question à laquelle il est difficile de répondre.
M. Hill a mentionné tout à l'heure qu'une partie de ces changements avait été effectuée délibérément. Certes, M. Hill et moi-même n'avons pas fait partie de ces discussions. Toutefois, on s'inquiétait peut-être des conflits d'intérêts, parce que la Direction des pesticides était abritée par le ministère de l'Agriculture et relevait du ministre de l'Agriculture. Une partie de notre travail consiste de toute évidence à promouvoir l'agriculture. Une des raisons pour lesquelles l'ARLA a été établie comme organisme distinct était donc, selon moi, d'en faire un organisme très indépendant qui soit perçu comme tel. Il n'y a peut- être en réalité rien de mal à cela.
Je crois qu'au même moment, on a en réalité coupé la communication avec de nombreux autres ministères, et il a fallu beaucoup de temps avant de la rétablir.
M. Hill a également dit que, de bien des façons, nous ne faisons pas les mêmes choses à la Direction de la recherche que nous avions l'habitude de faire, il y a dix ans. Donc, pour ce qui est de contribuer des données pour l'homologation, en réalité, nous n'avons tout simplement plus beaucoup de données à fournir. Là où nous pouvons peut-être jouer un rôle plus grand, c'est dans le processus de discussion de certaines questions ou de certaines préoccupations. Nous avons la compétence voulue parce que nous travaillons à la périphérie de l'homologation des pesticides et de leur utilisation. Donc, parfois, nous aimerions qu'il y ait plus de dialogue.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci beaucoup. Madame Girard-Bujold.
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Je lis vos mémoires et je suis renversée, parce que vous vous plaignez tous trois de l'ARLA. Je pense que l'ARLA a été créée pour vous aider. Les représentants de l'Environnement disent que l'ARLA ne les avertit pas quand elle homologue quelque chose et quand quelque chose va dans l'atmosphère. Vous tous trois le même problème. Est-ce que vous en avez déjà fait part à l'ARLA? Est-ce que l'ARLA s'est assise avec vous pour discuter de mesures qu'elle pourrait prendre pour diminuer ses contraintes envers vos champs respectifs d'implication? En tout cas, je suis renversée, madame la présidente.
[Traduction]
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Veuillez répondre brièvement, je vous prie.
[Français]
M. Pierre Mineau: Oui, nous avons essayé d'améliorer le dialogue. En fait, une entente formelle a été conclue entre les deux ministères, mais on a discuté pendant au-delà d'un an avant de la signer, en grande partie parce qu'on n'était pas d'accord sur le processus qui était mis en place. On voulait suggérer certaines choses, par exemple un échange plus libre de l'information qui est considérée comme confidentielle. On suggérait qu'avant de prendre une décision impliquant l'homologation d'un produit qui pourrait porter atteinte aux oiseaux, qui sont de notre compétence, on pourrait nous en avertir à l'avance pour que nous ayons la possibilité de discuter avec eux afin de voir si c'était une bonne idée. C'est nous qui sommes aux prises avec le problème une fois que le produit est sur le marché. Cela nous a été refusé chaque fois.
Mme Jocelyne Girard-Bujold: [Note de la rédaction: Inaudible].
M. Pierre Mineau: Non. C'est tout simplement que, comme les autres ici l'ont indiqué, l'agence a été établie comme une agence à part, a pris ce rôle très au sérieux et s'est enfermée dans sa coquille.
[Traduction]
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Je vous remercie.
[Français]
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Merci.
[Traduction]
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Le Commissaire à l'environnement et au développement durable, Brian Emmett, doit comparaître devant le comité. M. Emmett examine beaucoup de ces questions de différentes façons dans son plus récent rapport sur les pesticides.
Il importe que nous entendions à nouveau les porte-parole de l'ARLA pour avoir l'autre côté de la médaille et que nous essayions de comprendre certains des problèmes. Si j'ai bien compris, et je fais peut-être erreur à cet égard, plusieurs personnes qui faisaient partie de l'ancienne ARLA sont passées à la nouvelle. Le problème n'est donc pas que vous traitez forcément avec des inconnus, n'est-ce pas? Ou les visages ont-ils changé là-bas?
M. Pierre Mineau: Je vais répondre à cette question, puisque je suis celui qui a probablement eu les relations de travail les plus étroites avec l'ancienne ARLA, car nous faisions vraiment partie du processus d'homologation.
Il est très vrai qu'une grande partie des personnes qui travaillent actuellement à l'ARLA vient de l'ancienne Direction des pesticides d'Agriculture Canada, qu'un grand nombre vient aussi, bien sûr, de Santé Canada et d'Environnement Canada, où elles travaillaient à la Direction de l'évaluation des produits chimiques commerciaux.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Les changements survenus touchent donc la structure, plutôt que les personnes comme telles. Vous n'avez pas à commenter cela.
Des voix: Oh, oh!
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Ce n'est pas un problème.
Deuxième tour. Nous commençons par M. Lincoln, suivi de M. Jordan.
[Français]
M. Clifford Lincoln: Docteur Mineau, est-ce que les membres du comité pourraient avoir une copie de l'accord qui a été conclu entre l'ARLA et Environnement Canada? C'est un document public, n'est-ce pas?
M. Pierre Mineau: Oui. Je ne pense pas qu'il y ait de problème.
M. Clifford Lincoln: J'ai entendu dire que ce document ne donnait pas beaucoup d'ouverture à Environnement Canada par rapport à l'ARLA et qu'Environnement Canada avait laissé beaucoup de plumes là-dedans. Êtes-vous de cet avis?
M. Pierre Mineau: C'est mon avis personnel et l'avis de mon équipe. Disons que l'échange se fait dans une direction seulement. On nous dit: Si vous avez des résultats à nous faire parvenir sur la performance de produits après l'homologation, envoyez-les nous, merci beaucoup.
M. Clifford Lincoln: Pourriez-vous faire parvenir une copie de l'accord au comité? Excusez-moi. Je vois que j'ai...
[Traduction]
Monsieur Blackshaw, il y a eu débat au sujet de certains commentaires faits par le Commissaire à l'environnement et au développement durable concernant un herbicide utilisé dans les canaux d'irrigation, c'est-à-dire l'acroléine.
• 1015
L'ARLA et le ministère des Pêches et des Océans étaient d'avis
contraire, dans ce dossier. Selon le ministère des Pêches et des
Océans, le produit détruit le poisson; par conséquent, il relève de
la Loi sur les pêches, et il faudrait en interdire l'utilisation.
Selon l'ARLA, par contre, l'herbicide est utilisé uniquement dans
les canaux d'irrigation qui ne sont pas un habitat du poisson. Je
me rappelle avoir interrogé les porte-parole de l'ARLA et d'autres
gens, de leur avoir demandé comment un produit qui va dans les
canaux d'irrigation et qui tue le poisson peut être bon pour les
cultures et la santé?
Quelle est la position de votre ministère à cet égard et votre opinion personnelle en tant que chercheur scientifique concernant l'utilisation de l'acroléine? Faudrait-il cesser de l'utiliser?
M. Bob Blackshaw: J'en sais vraiment très peu au sujet de ce produit. Tous mes travaux concernent l'application d'herbicides aux récoltes. Je n'ai jamais fait d'étude visant la lutte contre les plantes nuisibles dans les canaux d'irrigation et je n'ai aucune compétence dans ce domaine particulier. Donc, en réalité, je ne suis pas qualifié pour émettre une opinion.
M. Clifford Lincoln: Quelqu'un d'autre a-t-il cette compétence?
[Français]
Docteur Mineau, connaissez-vous bien l'acroléine?
M. Pierre Mineau: Oui, l'acroléine m'est familière. J'ai déjà revu ces données. Il y a une chose que vous n'avez pas mentionnée, une chose qui nous préoccupe beaucoup. Ce sont les impacts sur les batraciens, les amphibiens, les grenouilles entre autres. Il y a des chutes de population très marquées dans plusieurs régions, entre autres dans les Prairies. Certaines études faites dans les milieux universitaires indiquent que les pesticides sont responsables, peut-être pas de tous les problèmes des batraciens, mais d'une bonne partie de ces problèmes.
Vous avez mentionné la toxicité de l'acroléine pour les poissons. Elle est tout aussi toxique pour toutes les formes de vie, y compris les batraciens et les oiseaux.
M. Clifford Lincoln: Si les laboratoires de recherche scientifique d'Environnement Canada ont la preuve que cette substance cause des dommages à toute la population qui habite l'écosystème, incluant les poissons et les batraciens, avez-vous un droit de regard dessus? Faites-vous des recommandations que l'ARLA décide d'accepter ou de ne pas accepter? Il semble que non seulement le ministère des Pêches et des Océans mais aussi Environnement Canada s'opposent à la chose, si je vous comprends bien.
M. Pierre Mineau: J'ai travaillé avec ce produit particulier à l'époque où nous étions directement branchés au système de revue des données et de demande d'homologation. Aujourd'hui, notre avis ne serait probablement pas sollicité.
M. Clifford Lincoln: Donc, en réalité, le ministère dont l'une des principales raisons d'être est le contrôle des produits toxiques au Canada n'est pas impliqué dans une décision qui a directement trait aux produits toxiques et à la santé humaine. C'est extraordinaire.
M. Pierre Mineau: S'il y avait une nouvelle décision de l'ARLA et qu'elle était jugée assez importante, l'ARLA publierait un document de discussion ou de décision, et on aurait 30 ou 45 jours pour offrir nos commentaires. Pour ma part, je n'ai jamais vu de documents sur l'acroléine. Je connais quatre ou six documents qui sont sortis depuis la création de l'ARLA. Aucun ne portait sur ce produit particulier.
M. Clifford Lincoln: Si le commissaire ne s'était pas impliqué, les gens comme nous, qui ne sont pas des scientifiques et qui ne travaillent pas dans ce domaine, n'auraient jamais su que la question se posait. Il me semble qu'il y a un manque d'information du public. Il y a aussi un manque d'implication des autres ministères qui est tout à fait inacceptable.
M. Pierre Mineau: Nous avons toujours la possibilité d'aller travailler à quelque pesticide que ce soit une fois qu'il est dans l'environnement. Peut-être n'avons-nous pas examiné l'acroléine d'assez près et peut-être sommes-nous en partie responsables de la situation.
Maintenant, pour notre défense, je dois dire qu'il y a 700 produits homologués au Canada et que j'ai ma liste de priorités. Le carbofuran en était une et il y en a d'autres qui suivent. Je pense que chacun fonctionne de la même façon. On ne peut pas être partout. C'est pour cela qu'il y a une agence d'homologation.
M. Clifford Lincoln: Mais vous n'êtes pas les bienvenus.
[Traduction]
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Je vous remercie. Nous nous en tiendrons là pour l'instant.
Joe Jordan, je vous prie.
M. Joe Jordan: Nous avons un thème commun ici. La prochaine fois que les porte-parole de l'ARLA se présentent devant le comité, ce devrait être fort intéressant. Je demanderais simplement au greffier de leur conseiller peut-être d'apporter de grandes feuilles de papier et des crayons, parce que je vais leur poser des questions précises sur des choses élémentaires.
Monsieur Hill, vous avez dit que vous espériez que l'ARLA lit vos documents de recherche, mais qu'il s'agissait d'un échange dans un sens seulement. Nous pouvons supposer qu'elle passe votre page Web au peigne fin. Quant à l'hypothèse qu'elle a été offusquée par la mention de l'asthme, je comprends que les effets sur la santé ne sont pas de votre ressort, mais d'un strict point de vue de politique gouvernementale, je me sentirais obligé de la mettre au défi de me dire qui a cette responsabilité et qui s'en occupe. Je ne vois rien de mal dans la mention que vous faites à la fin du document, en termes de questions et de préoccupations. Vous ajoutez à la qualité du débat public, quelque chose que nous devrions encourager.
J'aimerais que nous parlions un peu des restrictions imposées sur les renseignements que doivent fournir les fabricants au Canada. Un des sujets abordés avec d'autres témoins est la façon dont les forces de l'économie et du marché dictent les règles. Une plainte que nous entendons très souvent, c'est que, étant donné l'immensité du marché aux États-Unis et la petitesse du marché canadien intérieur, des entreprises américaines refusent de faire homologuer leurs produits au Canada, le marché étant trop petit par rapport aux coûts éventuels qu'elles pourraient devoir assumer.
Ce qui me rend perplexe, c'est lorsque les normes canadiennes sont inférieures aux normes américaines. Quelles forces du marché incitent les organismes de réglementation canadiens à décider qu'ils vont permettre aux entreprises américaines qui sont les principaux fournisseurs de ces produits de garder pour elles de l'information qu'elles sont obligées de fournir aux États-Unis? Qu'est-ce qui les motive?
Je sais qu'il s'agit simplement d'une question d'ordre général, mais je ne comprends pas pourquoi, quand la norme américaine est plus élevée, nous ne l'adoptons pas. L'argument des forces du marché ne s'applique plus. Qu'ont à gagner ces entreprises en ne fournissant pas au Canada ces renseignements? Cela a-t-il un rapport avec la façon dont nous utilisons les produits au Canada ou est-ce simplement qu'elles n'aiment pas, en règle générale, communiquer cette information?
M. Bernard Hill: Ce que vous me demandez déborde de mon champ de compétences, mais à pied levé, je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas avoir des... Le seul hic, c'est que l'Agence de protection environnementale est un organisme imposant aux États- Unis, regroupant beaucoup de compétences, de personnel et de ressources. C'est peut-être un facteur. Nous n'avons tout simplement pas la compétence et les ressources voulues pour évaluer à fond certaines choses.
Bien sûr, tout cela n'est que conjecture, et vous avez posé la question en tant que question d'ordre général. Cependant, nous nous fions peut-être à l'Agence de protection de l'environnement pour prendre ces décisions.
M. Joe Jordan: Ce qui est tout à fait correct, je suppose, tant qu'on fournit l'information voulue pour prendre ces décisions.
J'aimerais aborder une autre question. Elle m'est venue à l'esprit quand vous expliquiez à mon collègue, M. Casson, pourquoi les niveaux de concentration de 2,4-D étaient beaucoup plus élevés dans cette région de l'Alberta. Que vous sachiez, quand l'ARLA entame le processus de réglementation, examine-t-elle les courbes d'utilisation? Car il me semble qu'elles pourraient varier beaucoup au sein même du Canada.
Donc, quand elle homologue un produit, le fait-elle en fonction de son application en Ontario ou en Alberta? Examine-t- elle l'usage qui en fait en plus d'un endroit et se rend-elle là où le produit est le plus utilisé au Canada? Ce facteur entre-t-il en jeu?
M. Bernard Hill: Oui, je crois qu'elle le fait. C'est de notoriété publique.
M. Joe Jordan: D'accord.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Je vous remercie beaucoup.
Madame Paddy Torsney.
Mme Paddy Torsney: Je vous remercie. J'ai quelques questions à vous poser.
Avant l'établissement de l'ARLA, existait-il déjà un arriéré des évaluations et des réévaluations?
• 1025
Monsieur Mineau, Environnement Canada a-t-il les mêmes
préoccupations qu'Agriculture Canada, soit que trop de
renseignements sont considérés comme étant exclusifs?
Vous avez mentionné que le Royaume-Uni avait un bon modèle de suivi. M. Blackshaw a dit que le Danemark avait un bon modèle pour les autres utilisations conseillées ou changements d'utilisations. Plutôt que de réinventer la roue, existe-t-il à l'étranger des formules que nous pouvons reprendre? Quelles sont les tribunes où vous débattez de ces questions entre scientifiques? Y êtes-vous présents, ou seuls les chercheurs de l'ARLA y vont-ils?
Dernier point, avons-nous l'assurance que nous faisons pousser les produits qui cadrent avec nos sols, nos températures et notre climat canadien? Je sais qu'en Californie, une région de sécheresse, on craignait être en train de faire pousser des produits qui exigeaient trop d'eau. Est-ce approprié? On s'est mis à cultiver du riz dans le nord de l'Ontario, parce que cette région a beaucoup d'eau. Avons-nous la réponse, ou faut-il encore en débattre? Le débat aurait probablement lieu au sein d'un autre comité, pas du nôtre.
Ce sont là mes questions. Vous pouvez y répondre dans l'ordre qu'il vous plaît.
M. Pierre Mineau: Dans le cadre de la réponse, j'inclurai en réalité un commentaire qui s'adresse à M. Jordan concernant sa dernière question et, pour le faire, je m'appuierai sur mes douze années d'expérience dans l'examen de données soumises par l'industrie.
L'industrie ne fournira que l'absolu minimum exigé pour faire homologuer un produit. En fournir davantage ouvre la porte à plus de questions, et plus de questions signifie plus de temps consacré à examiner les données et, partant, une perte de profit. Par conséquent, la rigueur scientifique du processus d'homologation est fonction de l'évaluateur qui précise les données à fournir. Nous avons été préoccupés récemment par la quantité de données exigées par l'ARLA et très inférieure à ce que nous considérions comme étant essentielle quand nous participions au processus d'examen.
La mesure dans laquelle les renseignements commerciaux sont désignés comme étant confidentiels au Canada nous préoccupe-t-elle? Oui, elle nous préoccupe beaucoup. C'est une préoccupation de longue date chez nous, une préoccupation que nous avons fait valoir auprès de l'ARLA à plusieurs occasions. Pour ma part, j'estime légèrement anormal que des données soient considérées ici comme étant exclusives alors que, sur simple demande, je puis les obtenir de l'Agence de protection de l'environnement des États-Unis sur disquette et sur fichier. Si je vis en France, je n'ai qu'à utiliser le Minitel pour l'obtenir en direct. Il y a donc de réelles incohérences ici.
Je crois comprendre que l'industrie jouit en réalité d'une protection des données pour empêcher un autre déposant d'utiliser ces mêmes données pour obtenir une homologation ailleurs. Je comprends fort bien que toute l'étude, accompagnée des détails essentiels, puisse être utilisée par un autre organisme de réglementation ailleurs dans le monde. Je comprends fort bien que l'on veuille limiter cela. Toutefois, à mon avis, la teneur de l'étude—c'est-à-dire à quel point le produit est toxique et quelle est son incidence environnementale probable, une fois qu'il est dans la nature—ne devrait pas être confidentielle. Beaucoup trop souvent au fil des ans, j'ai pu constater qu'étaient confidentielles les données qui faisaient voir le produit sous un mauvais jour, même si elles étaient réunies par des universitaires. Toutefois, si l'étude était flatteuse, l'entreprise faisait souvent connaître les données à des réunions scientifiques. Par conséquent, si l'on permet qu'à peu près n'importe quel renseignement commercial soit désigné comme étant confidentiel, cela fausse les informations mises à la disposition du grand public.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Je vous remercie beaucoup.
Monsieur Blackshaw.
M. Bob Blackshaw: J'aimerais faire un commentaire au sujet de la question que vous avez posée concernant les cultures, à savoir si les produits que nous faisons pousser sont appropriés.
Je crois qu'ils le sont effectivement. J'aimerais faire remarquer que nous avons fait beaucoup de progrès dans la diversification des cultures partout au Canada au cours des 10 à 20 dernières années. Ce facteur a eu beaucoup de poids économique pour les agriculteurs, mais il a aussi eu beaucoup d'importance dans la lutte antiparasitaire.
Le principe numéro un de la lutte antiparasitaire est probablement la rotation des cultures. Nous aurions les plus grands problèmes si nous faisions constamment pousser du blé et rien que du blé. Il y aurait accumulation des organismes causant des maladies, des organismes causant des infections et des infestations, et les plantes nuisibles feraient concurrence aux récoltes.
• 1030
Un principe fondamental de toute lutte antiparasitaire
intégrée est donc la rotation des cultures. Bien sûr, pour
l'agriculteur, il faut que ses récoltes lui rapportent de l'argent.
Il faut qu'elles soient rentables. Nous avons fait de l'excellent
travail, selon moi, pour trouver différentes cultures que nous
pouvions faire pousser au Canada.
Une des difficultés, c'est que toute nouvelle culture que nous introduisons au pays, de par sa nature même, ne sera pas mise à l'essai sur de vastes étendues. Sur le plan économique, il n'est donc pas important qu'une entreprise fasse homologuer un pesticide d'un usage limité. C'est pourquoi le Canada a mis en place un régime d'homologation de produits d'usage limité dans le cadre duquel de l'argent est affecté à l'homologation de pesticides utilisés sur de petites cultures, que ce soit dans le champ, en horticulture, dans des serres et ainsi de suite.
Je pense qu'on y consacre actuellement environ 200 000 $ par année. Il y a beaucoup trop d'inscriptions. Nous n'affectons pas, d'après moi, assez d'argent à ce programme de pesticides à usage limité. Je sais que beaucoup d'administrations provinciales qui oeuvrent dans ce domaine en conviendraient.
C'est un secteur que nous pourrions améliorer.
Mme Paddy Torsney: J'ai posé une question sur l'arriéré.
M. Bernard Hill: Je pense que l'arriéré est lié à la réévaluation des anciens produits homologués, dont le nombre est supérieur à 100. C'est une tâche monumentale et, pour être honnête avec vous, ce serait une bonne chose que l'Agence s'en acquitte.
La réévaluation a été négligée depuis un certain temps. Autant que je sache, on n'en fait pas. Je crois que les questions commerciales ou autres ont la priorité. Il faut dire toutefois, à la décharge de l'ARLA, qu'elle est actuellement en pleine réorganisation. C'est regrettable, mais c'est ainsi.
Mme Paddy Torsney: Au sujet des autres modèles, où peut-on discuter de la façon d'améliorer le processus d'homologation? Où rencontrez-vous des chercheurs d'ailleurs dans le monde, si vous vous rencontrez?
M. Bernard Hill: Nous nous rencontrons dans des réunions scientifiques. Dans mon mémoire, j'ai parlé d'une rencontre à laquelle je participe régulièrement. Je dirais qu'avant l'ARLA essayait d'envoyer des représentants à ces rencontres, ce qui nous permettait d'établir des contacts personnels. Depuis un certain temps, à cause de sa réorganisation et de compressions budgétaires ou de sa charge de travail—je ne connais pas vraiment ses problèmes—aucun représentant ne participe à ces rencontres. Je pense que ses représentants ne peuvent plus participer autant qu'ils le voudraient aux rencontres de ce genre.
Je pense qu'il est très important que des représentants de l'Agence sortent d'Ottawa pour assister aux rencontres scientifiques sur les pesticides qui se tiennent un peu partout dans le pays. Je ne sais pas quel problème interne les en empêche, mais tout se résume à une question d'argent, je pense.
Mme Paddy Torsney: Et sur la scène internationale?
M. Bernard Hill: Je ne sais pas à combien de rencontres internationales les représentants de l'ARLA participent. Je ne peux vous en parler.
Mme Paddy Torsney: Pourrait-on faire faire des recherches pour savoir quels sont les lieux de discussion et quels sont les pays qui font des choses intéressantes à ce sujet? Étant donné que les spécialistes ne le savent pas ou ne peuvent nous en parler, pouvons-nous faire des recherches pour savoir ce qu'il en est.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Oui, c'est une bonne suggestion.
Monsieur Reed.
M. Julian Reed: Merci madame la présidente.
Monsieur Blackshaw, il y a un groupe au sein de l'ARLA qui s'occupe de trouver des solutions de rechange aux pesticides. Je ne sais pas grand-chose à ce sujet mais j'aimerais savoir s'il vous consulte.
M. Bob Blackshaw: Je n'ai pratiquement aucun contact avec les membres de ce groupe.
M. Julian Reed: Y aurait-il guerre de territoire?
M. Bob Blackshaw: Je ne pense pas. Je pense que le manque de communication n'est pas voulu. Je pense que c'est simplement ainsi.
• 1035
Je crois que beaucoup de gens au sein de l'ARLA aimeraient
rétablir les communications, et je pense que c'est possible.
M. Julian Reed: Merci.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): J'aimerais parler de la directive rendue publique par l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire. C'est sa stratégie pour mettre en oeuvre la politique de gestion des substances toxiques. Hier, des témoins nous ont dit que l'Agence ne la mettait pas en oeuvre assez rapidement.
Je veux revenir sur certaines observations faites par M. Mineau dans son mémoire, surtout au sujet de la surveillance suivant l'homologation.
Dans une note produite par l'ARLA, datée du 12 mars 1999, on peut lire:
-
Les conditions d'homologation peuvent exiger de fournir des données
précises, notamment sur la surveillance des incidences
environnementales.
Savez-vous, et je m'adresse à tous les témoins, s'il arrive souvent qu'on exige, comme condition d'homologation, de fournir des renseignements sur la surveillance des incidences environnementales, ou est-ce simplement discrétionnaire?
M. Pierre Mineau: Auparavant, probablement avant la création de l'ARLA, on accordait une homologation temporaire quand on considérait que des informations manquaient. Certaines des informations demandées pouvaient avoir trait d'une certaine façon à la surveillance des incidences environnementales. À ce que je sache, on n'a jamais posé cette condition dans le cas d'un composé ayant reçu une homologation complète, et je ne pense pas qu'on le fasse aujourd'hui.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): M. Blackshaw ou M. Hill veulent-ils ajouter quelque chose? Avez-vous des informations à ce sujet?
M. Bernard Hill: Madame la présidente, je ne comprends pas très bien la question. Vous voulez savoir si, en principe, pour un produit déjà homologué, l'ARLA demande de recueillir des données sur les incidences environnementales...?
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): On dit ici:
-
Les conditions d'homologation peuvent exiger de fournir des données
précises, notamment sur la surveillance des incidences
environnementales.
M. Bernard Hill: Avant l'homologation?
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Bien, au sujet de l'élimination de fait des substances figurant sur la liste de la voie 1, on dit:
-
[...] toute demande pour maintenir l'homologation du produit
—et j'imagine qu'il s'agit d'une homologation de cinq ans—
-
sera examinée en fonction des informations requises ainsi que de
toute nouvelle donnée sur les risques pour la santé et
l'environnement, et la présence continue de circonstances
exceptionnelles.
En fait, il s'agit d'une substance figurant sur la liste de la voie 1 dont l'élimination de fait est prévue en vertu de la politique de gestion des substances toxiques.
M. Bernard Hill: On ne m'a jamais demandé de réunir des informations sur les incidences environnementales d'un produit déjà homologué directement par l'ARLA. Comme l'a dit M. Mineau, il y avait un processus d'homologation temporaire auparavant. Je travaille dans le domaine depuis 22 ans et je sais qu'on a demandé une surveillance additionnelle quand un produit avait reçu une homologation temporaire dans des cas d'urgence, comme une invasion de sauterelles. Mais on ne me l'a pas demandé récemment.
Pour ce qui est d'études et de vérifications concernant un produit ayant obtenu une homologation complète, je pense que ce sont des considérations ministérielles.
J'aimerais bien que l'ARLA fournisse des directives sur la recherche. C'est ce que j'aimerais.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): En fait, dans le cas d'une substance figurant sur la liste de la voie 1 ou d'une substance en voie d'élimination de fait qui est assujettie à une condition d'homologation, je me demande qui est en mesure d'effectuer la surveillance des incidences environnementales si Environnement Canada ne peut le faire?
• 1040
Je n'ai pas les informations avec moi, mais je crois que le
règlement a été publié dans la Gazette du Canada. Je vais attendre
d'obtenir ces informations avant de poser la question.
J'aimerais savoir qui effectue la surveillance des incidences environnementales quand elle est exigée?
M. Pierre Mineau: Je vous remercie d'avoir posé deux questions sur Environnement Canada.
Il y a un problème actuellement avec les substances figurant sur la liste de la voie 1 et nous avons un composé à l'étude. Un document de discussion a été publié par l'Agence sur un nouveau fongicide qui contient un contaminant qui est une substance figurant sur la liste de la voie 1. Je pense que la question est actuellement à l'étude, parce que l'ARLA a évalué les risques de ce produit et notre ministère considère que c'est une substance figurant sur la liste de la voie 1 et qu'il faut procéder à son élimination de fait. Le contaminant est le 2,3,7,8 tétrachlorodibenzo-p-dioxine.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Je crois aussi comprendre, d'après les informations que nous avons reçues de l'ARLA, que deux produits contenant des microcontaminants de dioxines ont été approuvés au cours de la dernière année. Environnement Canada participe-t-il d'une façon quelconque à la surveillance des effets de ces produits?
M. Pierre Mineau: C'est peut-être le cas dont je parle; je n'en suis pas certain. Nous étudions actuellement un document de discussion rendu public par l'Agence sur le fongicide à base d'hexaconazole qui contient de la dioxine.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): J'aimerais revenir sur certaines des observations formulées par M. Hill sur votre site web. Je remarque qu'on cite le nom de M. Hasselback comme expert dans le domaine de la santé dans la région de l'Ouest. Il me semble donc que, si un expert a pris part à cette étude, vous êtes, comme on dit dans le milieu scientifique et universitaire, en mesure de parler de ces problèmes de santé.
Je me demande si M. Hasselback a des données sur les problèmes de santé, qui pourraient être déposées auprès du comité. Nous pourrions les examiner, et je me demande si vous savez quelque chose à ce sujet.
M. Bernard Hill: Je crois que l'Association canadienne de santé publique a comparu devant le comité au cours des dernières semaines et qu'elle a déposé de la documentation. J'ai lu ses mémoires.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Bien. J'étais peut-être absente ce jour-là. Est-il question de la situation dans le sud de l'Alberta?
M. Bernard Hill: Pas directement du 2,4-D dans l'air ou de l'asthme.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): M. Hasselback a-t- il publié de la documentation à ce sujet?
M. Bernard Hill: Non. Il est toutefois au courant des incidences d'asthme dans le sud de l'Alberta. On a communiqué avec lui quand le problème est apparu et il approuve ce qui figure dans les questions et préoccupations de notre site web. Sans même savoir de quoi il s'agissait, il était entièrement d'accord.
C'est une question de terminologie. Nous essayons de favoriser la discussion publique, et on a appelé cela questions et préoccupations. L'ARLA est peut-être préoccupée par ses conclusions.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Je m'excuse; j'ai manqué la fin.
M. Bernard Hill: Je pense que l'ARLA a peut-être craint que nous ayons formulé une conclusion, alors que nous essayons seulement d'ouvrir le débat et d'obtenir l'avis du public. Il s'agit seulement d'hypothèses, rien de plus pour l'instant.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Oui.
L'Ontario Medical Association a publié un rapport qui établit un lien entre l'ozone au niveau du sol et les problèmes de santé, les morts prématurés et l'asthme. Savez-vous si l'Alberta Medical Association a effectué des études semblables ou des études sur les problèmes de santé liés aux pesticides dans la province de l'Alberta?
M. Bernard Hill: Non, pas que je sache.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Très bien. Merci.
Je crois que M. Lincoln a une troisième série de questions à poser.
M. Clifford Lincoln: Monsieur Mineau, je viens d'obtenir copie de l'accord. Il semble qu'on fait beaucoup pour qu'Environnement Canada ait des données. On dit ici:
-
Environnement Canada poursuit ses recherches et sa surveillance
concernant la présence et le devenir dans l'environnement des
pesticides, leurs incidences sur l'environnement, les stratégies
d'évaluation des pesticides et les mesures de réduction des risques
[...]
-
L'ARLA et Environnement Canada ont des mandats indépendants mais
reliés [...]
-
Environnement Canada et l'ARLA [...] collaborent et s'entraident
[...] pour s'acquitter de leurs responsabilités liées à la
conservation et à la protection environnementale [...]
-
Environnement Canada et l'ARLA s'assurent [...] que les politiques
sur la protection environnementale [...] sont complémentaires et
conçues pour bien protéger l'environnement.
-
Environnement Canada et l'ARLA favorisent de bonnes relations de
travail en établissant des mécanismes et des liens pour partager
les informations [...]
-
Pour les décisions sur l'homologation des pesticides qui sont
précédées par la publication de projets de décision réglementaire
[...] l'ARLA offrira à Environnement Canada l'occasion de
présenter, par écrit ou en personne, les préoccupations qu'il
pourrait avoir sur l'incidence environnementale des décisions à
l'étude [...]
-
L'ARLA examinera les résultats et les conclusions des travaux de
recherche et des programmes de surveillance d'Environnement Canada
pour décider [...]
-
[...] l'ARLA donnera à Environnement Canada accès aux données
confidentielles sur l'homologation en tenant compte des contraintes
imposées par la loi; elle donnera aussi à Environnement Canada
accès aux informations des bases de données que l'ARLA établira sur
l'utilisation des pesticides [...]
-
Environnement Canada et l'ARLA s'échangeront des documents et des
informations sur les questions d'intérêt commun concernant la lutte
antiparasitaire [...]
Et cela continue.
D'après la façon dont le document est rédigé, Environnement Canada et l'ARLA sont censés entretenir des relations de travail vraiment très étroites. Pouvez-vous me dire pourquoi, d'après vous, les choses ne se passent pas ainsi, pourquoi la théorie et la réalité ne concordent pas?
M. Pierre Mineau: Je vais essayer, mais j'aimerais d'abord dire que nous essayons actuellement d'améliorer nos rapports avec l'ARLA. Nous organisons des réunions régulièrement pour essayer de favoriser le dialogue.
Il y a cependant des obstacles. Par exemple, le partage des renseignements commerciaux confidentiels est assujetti aux exigences de la loi. Comme je l'ai indiqué dans mon mémoire, ces renseignements ne peuvent être utilisés que dans le but pour lequel ils ont été recueillis. Cela limite énormément leur utilisation. C'est un des cas où l'ARLA croit ne pas pouvoir divulguer d'informations.
Nous pouvons fournir des conseils ou des avis, mais après la publication des documents de décisions ou de discussions, comme tout autre citoyen canadien. Depuis la création de l'ARLA, il y a eu six de ces documents. Je suis certain que beaucoup plus de produits ont été homologués par l'Agence pendant la même période. Nous avons essayé d'en obtenir la liste, mais sans succès. Nous formulons des observations sur les problèmes que nous constatons, quand nous en avons la possibilité.
Je dois dire que, même si nous participions auparavant au processus d'examen, nous n'avons pas l'intention de travailler à la place de l'Agence. Nous ne voulons faire son travail. Nous avons beaucoup d'autres problèmes à régler. Nous voulons simplement avoir l'assurance que nos ressources et notre mandat sont pris en considération.
• 1050
Nous espérons qu'un jour nous n'aurons pas à examiner en
détail chaque décision prise par l'Agence, et qu'elle prendra des
décisions en fonction des risques pour la faune et le milieu en
général.
M. Clifford Lincoln: Je crois que vous avez dit que, si vous pouviez vous occuper d'un ou deux pesticides importants, beaucoup de problèmes seraient réglés. Pouvez-vous me dire quels sont les pesticides que vous avez en tête?
M. Pierre Mineau: Je peux faire mieux, si vous voulez. Je viens de rédiger un article de recherche et d'étude qui examine tous les cas documentés de rapaces morts—les aigles et les faucons par exemple—au Canada, aux États-Unis et au Royaume-Uni; je fais des comparaisons et j'examine précisément quels sont les produits qui causent des problèmes et dans quelles conditions. Pourquoi y a- t-il des problèmes ici, par exemple, quand ils n'existent pas en Europe? C'est essentiellement parce que nous utilisons, ici, une poignée de pesticides très toxiques qui ont été réglementés, interdits ou éliminés, ou encore utilisés en très faibles quantités dans les pays d'Europe. C'est la cause de beaucoup des problèmes que nous avons ici.
M. Clifford Lincoln: Alors pourquoi ne les interdisons-nous pas ici? Avons-nous décidé délibérément de ne pas les interdire ou attendons-nous de faire une étude?
M. Pierre Mineau: Nous essayons de le faire. Comme je l'ai signalé dans mon mémoire, en 1987, nous avons découvert que le carbofuran est l'insecticide qui tue le plus d'oiseaux dans notre pays. Je crois que c'est probablement le produit qui en tue le plus dans le monde, parce que les cas de mortalité ont été documentés pratiquement partout où on a sérieusement examiné le problème. Nous sommes maintenant en 1999, et il y a encore des gens qui peuvent utiliser ce produit. C'est un produit autorisé. Et ce qui m'inquiète, c'est qu'on continue de l'homologuer en Amérique latine, par exemple.
C'est la seule partie de mon mandat qui m'amène à protéger, si vous voulez, les oiseaux migrateurs. On peut réussir à faire assouplir la réglementation après dix ans ou plus d'efforts au Canada, mais les oiseaux peuvent mourir quand ils migrent vers le sud pour l'hiver.
Je me suis occupé de très près d'un problème survenu récemment en Argentine. On a constaté la mortalité d'un grand nombre de buses de Swainson dans les plaines d'Argentine à la suite d'activités de lutte contre les sauterelles. Dans ce cas, nous avons eu du succès. Nous avons réussi à inciter le ministère de l'Agriculture de l'Argentine à modifier la situation et à interdire complètement le produit.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci. Il y a trois autres députés sur la liste. Vous nous avez amenés à poser d'excellentes questions ce matin, et je vous en remercie.
Paddy Torsney, Rick Casson et Julian Reed veulent poser des questions. Vous avez cinq minutes à vous partager.
Mme Paddy Torsney: Bien. Si l'Agence n'aimait pas que vous posiez la question de savoir si la quantité d'herbicides dans la région de Lethbridge était néfaste pour la santé publique et avait une incidence sur l'augmentation des cas d'asthme, pourquoi ne vous a-t-elle pas tout simplement demandé de retirer la question? Ne l'auriez-vous pas retirée? Pourquoi l'Agence publie-t-elle des instructions sur le site d'Agriculture Canada? Vous êtes sûrement indépendants l'un de l'autre. Si elle peut agir de façon indépendante, vous le pouvez aussi.
M. Bernard Hill: L'Agence nous a effectivement demandé d'enlever cette déclaration ou tout ce qui avait rapport à cela sur le site Web, et la direction a décidé de tout enlever. La diffusion de l'état des recherches sur le site Web fait actuellement l'objet de discussions à notre centre de recherche, parce que les répercussions sont grandes. Nous aimerions être complètement ouverts et respecter le droit de savoir de la population, mais il faut aussi tenir compte de la crédibilité scientifique et de l'évaluation par les pairs. Nous sommes donc confrontés à un dilemme. Il faut trouver un juste équilibre. Nous étudions actuellement la question.
Mme Paddy Torsney: Vous n'avez peut-être qu'à ajouter un avertissement au début de la partie «Questions et préoccupations».
M. Bernard Hill: Nous en avons discuté.
Mme Paddy Torsney: Je pense que c'est un outil très utile et que les gens sont intéressés. Cela prouve que nous offrons un service public qui permet aux gens de prendre des décisions plus éclairées. C'est passionnant de lire sur les recherches que vous faites, et vous soulevez l'intérêt des gens.
M. Bernard Hill: Merci.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Monsieur Casson, vouliez-vous poser une question?
M. Rick Casson: Non, je vais passer mon tour.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Très bien. Monsieur Reed, allez-y.
M. Julian Reed: Merci.
J'ai une très brève question à poser à M. Mineau. Depuis combien de temps les problèmes que vous étudiez sont pris en considération dans l'approbation des pesticides? Quand a-t-on commencé à en tenir compte?
M. Pierre Mineau: Quand j'ai commencé à m'intéresser aux pesticides, en 1982, il y avait déjà quelqu'un au Service canadien de la faune qui étudiait les données de l'industrie pour évaluer la sécurité de la faune dans son sens large.
M. Julian Reed: Aurait-on commencé à en tenir compte à la suite des problèmes causés par le DDT?
M. Pierre Mineau: Dans une large mesure, oui. On a commencé à s'intéresser à la question, je pense, à la réunion fédérale- provinciale au cours de laquelle on s'est penché sur le problème du DDT ainsi que de la contamination et de la disparition d'oiseaux. Il a alors été convenu par tous les intéressés—les ministres de l'Environnement des provinces et le gouvernement fédéral—que le Service canadien de la faune porterait le flambeau, si vous voulez, et qu'il effectuerait des recherches et des études dans ce domaine pour le compte de toutes les provinces. C'est le mandat dont s'acquitte mon service depuis.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): J'ai une brève question à poser. Quel délai s'est-il écoulé entre le moment où on a observé les effets néfastes de l'insecticide carbofuran et celui où il a été décidé d'en interdire les formulations de granulés? À partir du moment où vous avez constaté les dommages causés, combien de temps a-t-il fallu pour interdire les formulations de granulés de carbofuran?
M. Pierre Mineau: J'ai annexé à ma déclaration la chronologie des événements. C'est un peu compliqué parce qu'il y a différentes formulations de granulés et que les problèmes sont survenus à différents moments. Mais je pense qu'on peut parler d'une période de dix ans.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Dix ans. J'imagine, même si vous ne le dites pas, que vous pensez que c'est une période de temps assez longue. Pensez-vous que cela a pris trop de temps?
M. Pierre Mineau: J'ai perdu beaucoup de cheveux depuis que j'ai commencé à étudier ce produit, ce qui peut vous donner une idée.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): C'est pour cela que vous portez la barbe aujourd'hui, n'est-ce-pas?
M. Pierre Mineau: Oui.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Comment pourrait-on écourter cette période, selon vous? Vous vous attaquez maintenant au problème du carbofuran liquide, mais si c'était...
M. Pierre Mineau: Je pense que, dans l'ensemble, l'Agence de réglementation—et je parle de façon très générale—répond aux pressions et à l'opinion publique, et à ce qu'elle croit être la volonté populaire. J'ai parlé du Royaume-Uni. C'est un pays où le bien-être de la faune en général, et des oiseaux en particulier, est très important pour beaucoup de gens. Par conséquent, l'Agence de réglementation intervient dès que survient un seul incident entraînant la mort d'oiseaux, et c'est habituellement une question de mois avant que les mesures correctrices soient prises.
Dans d'autres pays, comme aux États-Unis, où il est prouvé que certains produits causent la mortalité d'oiseaux depuis un bon moment, rien n'est fait avant qu'un important mouvement populaire ne le demande. Dans les pays d'Amérique latine où j'ai travaillé, on se préoccupe bien peu du bien-être des oiseaux dans les champs, et il y a beaucoup de travail d'information à faire.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): On dirait parfois que l'abondance dont nous jouissons fait notre malheur. Je pense que la richesse de notre faune et l'étendue de nos grands espaces nous font croire que nous pouvons nous permettre de perdre...
M. Pierre Mineau: Malheureusement, les chiffres montrent qu'au Canada ainsi qu'aux États-Unis et en Europe, le nombre des oiseaux vivant dans les régions agricoles diminue rapidement. Je pense que l'abondance est plutôt éphémère.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Bien, merci beaucoup. Nous avons vraiment apprécié votre témoignage aujourd'hui.
La séance est levée.