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ENVI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON ENVIRONMENT AND SUSTAINABLE DEVELOPMENT

COMITÉ PERMANENT DE L'ENVIRONNEMENT ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 7 décembre 1999

• 0859

[Français]

Le président (l'hon. Charles Caccia (Davenport, Lib.)): Bonjour, mesdames et messieurs. Nous reprenons notre travail conformément à l'alinéa 108(2) du Règlement. Nous effectuons un étude de la performance de l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire en matière de prévention de la pollution et de protection de l'environnement et de la santé humaine.

• 0900

[Traduction]

Nous souhaitons la bienvenue ce matin à nos témoins dans le contexte de cette série d'audiences. Nous avons l'intention de terminer nos audiences avant Noël afin d'être en mesure de présenter un rapport en février. Comme certains d'entre vous le savent sans doute, nous avons amorcé ce processus en mai dernier.

Aujourd'hui, nous avons l'honneur et le plaisir d'accueillir Eleanor Heise, présidente de Canadian Organic Growers, de Shawville; M. Allen Graff, président du Conseil consultatif canadien de la production biologique, qui est venu d'aussi loin que Vulcan, en Alberta; Peter Stonehouse, attaché de recherche à l'Université de Guelph, et le dernier, mais non le moindre, Jeremy McNeil, de l'université Laval, qui est présentement en congé sabbatique à Oxford.

Collègues, M. McNeil comparaît devant nous car il est possible qu'il existe un lien entre les monocultures et les infestations par les insectes. C'est un problème qui intéresse les entomologistes et d'autres spécialistes depuis plusieurs décennies, et il serait important que nous sachions s'il existe effectivement des liens entre l'agriculture intensive et extensive et la présence de certains types d'insectes favorisée par les technologies liées à la monoculture.

J'invite nos témoins à présenter un bref exposé. Pour que nous puissions avoir une période de questions fructueuse, il serait bon que chacun d'entre eux prenne au maximum 10 minutes.

Madame Heise, voulez-vous commencer?

Mme Eleanor Heise (présidente, Canadian Organic Growers): Merci, j'en serais ravie.

Tout d'abord, je pense qu'il convient de définir ce que nous entendons par l'adjectif «biologique». L'agriculture biologique est une agriculture dénuée de pesticides, de fertilisants artificiels et de composants modifiés génétiquement.

Les producteurs biologiques considèrent la terre et sa culture comme une partie intégrante de l'écosystème terrestre. Nous sommes des agriculteurs sérieux dont les enfants comptent reprendre l'exploitation agricole familiale. Au Canada, la consommation d'aliments biologiques augmente d'environ 1,5 p. 100 par année et la demande commence à dépasser l'offre. Notre gagne-pain est menacé par l'utilisation des pesticides et par la culture de plantes modifiées génétiquement.

L'agriculture doit être le fondement de la viabilité de nos régions rurales. Le modèle actuel de l'industrie agricole provoque la mort du monde rural. Au Canada, le consommateur moyen consacre 10 p. 100 de son revenu aux aliments et l'agriculteur en obtient 1 p. 100. Les agriculteurs forment le maillon le plus vulnérable de la chaîne alimentaire. Nous voyons les agriculteurs des Prairies faire faillite tout en écoutant les compagnies de pesticides et de biotechnologie vanter les mérites de leurs produits que l'on nous présente comme la solution devant mener à des récoltes plus abondantes et à des aliments meilleur marché. C'est un mythe que l'agriculture doit dépendre des pesticides pour produire suffisamment d'aliments pour nourrir notre population. L'épandage de ces produits chimiques doit être le dernier recours pour tous les agriculteurs, et non seulement les producteurs biologiques. On n'enseigne pas aux agriculteurs qu'il y a des solutions de rechange.

L'industrialisation, la spécialisation, le gigantisme, la standardisation, la centralisation de l'agriculture, tout cela fait du travail agricole l'équivalent du travail à l'usine, sauf que l'ouvrier n'a pas de toit au-dessus de sa tête. Les gestionnaires de l'industrie agricole utilisent les pesticides et la biotechnologie pour gérer des superficies toujours plus grandes. Ce système ne tient pas compte des problèmes de biodiversité, de qualité des sols, de l'eau et de l'air, et des techniques de gestion durable des sols. L'agriculture à l'échelle industrielle aboutit à la dégradation des sols; les herbicides exterminent la flore et les insecticides exterminent la faune de ses microsystèmes.

Tout gain réalisé au niveau de la quantité des récoltes grâce à l'utilisation de pesticides est annulé par le coût des pesticides et, souvent, le résultat net est une perte financière. Chose certaine, il y a une perte nette de viabilité des sols. L'utilisation des pesticides peut aussi perturber les systèmes immunitaires des plantes et leur faire perdre leur résistance naturelle aux parasites et aux maladies. Plus on en utilise, plus on en a besoin.

• 0905

L'utilisation d'insecticides, d'herbicides et de fongicides contamine les puits des fermes, les eaux souterraines locales et, à partir de là, la nappe phréatique qui se déplace partout dans le monde. Par conséquent, cela nous touche tous.

Le système appliqué à l'heure actuelle a provoqué la disparition de petites et moyennes exploitations agricoles familiales. Les collectivités se sont effondrées. Il y a des faillites et des suicides. Il est évident que le modèle agricole actuel n'est pas durable sur le plan environnemental ou social.

Les pesticides pulvérisés et emportés par le vent mettent en danger le gagne-pain des agriculteurs biologiques. Nous sommes assujettis à des règles de certification très strictes et si l'on trouve la moindre trace de pesticides ou de plantes modifiées génétiquement dans une exploitation agricole biologique, l'agriculteur doit passer trois ans à démontrer de nouveau que son exploitation est bel et bien biologique.

Un tiers des plantes a besoin des insectes pour assurer la pollinisation. Les applications de pesticides ne tiennent pas compte de cela. À chaque fois que nous éliminons un insecte, nous héritons de son emploi. À cause des pulvérisations à grande échelle, les abeilles indigènes, dont il existe des centaines d'espèces—et je suis sûr que nous en entendrons parler—, deviennent rares et les abeilles à miel sont menacées. L'agriculture biologique repose sur un équilibre entre les populations d'insectes. Certains insectes sont des prédateurs des parasites qui dévorent les cultures et nous les encourageons par un ensemencement équilibré et la création de refuges préservés des cultures. D'autres insectes bénéfiques et des organismes du sol sont tués par l'application de pesticide et les micro-écosystèmes sont bouleversés.

L'utilisation de pesticides provoque la résistance, de sorte que les produits ont une période d'utilité limitée. Chacune des conséquences est encore aggravée par l'escalade continue dans la diversité et la puissance des nouveaux pesticides. On peut en donner comme exemple le moustique vecteur de la malaria, qui est devenu résistant même au DDT, avec le résultat que la maladie est maintenant plus répandue que jamais. On pourrait même assister à un retour de la malaria au Canada.

Les pesticides résiduels dans les aliments sont une source constante de préoccupation pour la santé. Ces jours-ci, le proverbe n'est plus vrai: une pomme par jour peut vous amener tout droit chez le médecin. Chaque pomme produite par les méthodes conventionnelles contient au moins 24 types de pesticides résiduels. Il importe de signaler que même les insecticides et les herbicides dont l'ingrédient actif se dissocie en quelques heures laissent des résidus. Aux termes des essais standard des pesticides pour en démontrer l'innocuité pour la santé et l'environnement, seul l'ingrédient actif est examiné, et non les autres ingrédients. Nous ne savons pas si ceux-ci ont des effets sur l'environnement ou sur la santé ni quels sont les effets cumulatifs d'une grande diversité de pesticides résiduels sur la santé humaine et animale.

La culture de plantes génétiquement modifiées n'est pas une solution de rechange aux pesticides, comme on le prétend. La plupart ont été créées pour que les agriculteurs puissent utiliser encore plus de pesticides, les deux étant fabriqués par les mêmes entreprises, bien sûr. Par exemple, une application à forte dose de glyfosate (non commercial Roundup) dont on a prouvé que c'est un produit cancérigène pour la femme et l'homme, est répandue dans un champ avant que l'on plante une variété de canola mise au point pour résister au Roundup. C'est d'ailleurs l'une des principales cultures d'exportation du Canada. Or, cet herbicide tue toutes les plantes qui se trouvent dans le champ et beaucoup d'organismes qui sont dans le sol, mais le canola peut survivre. Des graines de ces plantes de canola ont contaminé des fermes adjacentes, donnant naissance à des variétés hybrides formées à partir d'autres plants de canola non modifiés génétiquement. Encore là, il s'agit d'une autre menace à l'agriculture biologique.

Les compagnies de technologie agricole ne s'intéressent pas tellement à la mise au point de plantes capables de résister à long terme aux parasites et aux maladies. Les plantes cultivées sont choisies uniquement en fonction de leur rendement, et non de leur valeur globale pour la santé humaine, et l'on suppose que les agriculteurs qui les planteront répandront nécessairement des insecticides et des herbicides pour protéger leurs cultures. Les plantes génétiquement modifiées pour résister aux parasites dépendent de cette résistance attribuable à un seul gène et on s'attend à ce que cette résistance disparaisse en quelques années à peine.

Les pommes de terre et le maïs génétiquement modifiés renferment un gène tiré du micro-organisme Bacillus thuringiensis, Bt, qui permet aux cellules des plantes ainsi traitées de produire un insecticide qui est normalement fabriqué par ce bacille. L'insecticide est une endotoxine qui détruit les cellules tapissant l'intestin de l'insecte, et qui le tue. Ce produit est conçu pour endommager les cellules intestinales et des études ont démontré qu'il endommage effectivement les intestins des rats. D'autres études ont fait état de dommages aux intestins des humains.

Dans les quelques années qui suivront l'introduction de la toxine Bt, de nouvelles générations d'insectes résistants apparaîtront. Le Bt a été un outil utile pour les agriculteurs biologiques. Par contre, le Bt produit par mutation génétique donnera naissance à des insectes qui y seront résistants, ce qui fera perdre cet outil à nos producteurs.

• 0910

En fait, le seul résultat notable de l'utilisation des pesticides en agriculture est d'accroître les profits des compagnies qui les fabriquent.

Les percées de la science moderne sont passionnantes, mais elles ne sont miraculeuses que si on les perçoit isolément, comme une minuscule parcelle d'un ensemble beaucoup plus vaste. On ne tient pas compte du contexte ni de leurs conséquences, surtout à long terme. Personne n'assume de responsabilités à l'égard des résultats imprévus. Le gouvernement doit imposer des essais indépendants et à long terme de tout nouveau produit. Les nouvelles plantes génétiquement modifiées et les nouveaux pesticides artificiels exigent qu'on leur applique les mêmes normes en matière d'essai que pour les nouveaux médicaments. Les médicaments sont examinés rigoureusement, même quand leur utilisation potentielle touche une minuscule fraction de la population, alors que les plantes génétiquement modifiées et les pesticides sont étudiés uniquement par la compagnie qui les fabrique, même s'ils nous touchent tous. Le DDT et la thalidomide sont des exemples de produits qui avaient subi des essais trop limités dans le temps. Il faut obtenir des données solides, indépendantes et à long terme sur les effets des pesticides et des plantes génétiquement modifiés sur les humains, sur les animaux et sur l'ensemble de l'écosystème.

Il y a deux semaines, j'ai entendu un agriculteur parler d'une famille vivant dans son voisinage. La mère, qui a aujourd'hui 93 ans, a eu 18 garçons. Ses fils étaient tous à l'affût des nouvelles méthodes et utilisaient beaucoup de pesticides. À l'époque, et ça se fait probablement encore aujourd'hui, les producteurs ouvraient avec la bouche les embouts des tubes servant à l'épandage des pesticides, et ils ne se donnaient à peu près pas la peine de porter des vêtements protecteurs. Ses 18 fils sont morts du cancer.

Parce que les pesticides sont dangereux, il faut les réglementer. Charles Benbrook, dans son ouvrage Pest Management at the Crossroads, déclare que les États-Unis ont dépensé 1,2 milliard de dollars en 1997 pour la réglementation de l'utilisation des pesticides. Le Canada dépense un montant proportionnel. Au lieu de dépenser de l'argent pour réglementer l'utilisation de produits chimiques nuisibles, nous ferions certainement beaucoup mieux de dépenser le même montant pour trouver des solutions de rechange à l'utilisation de ces produits.

Nous devons aussi remettre en question l'exportation de pesticides vers les pays en développement, et nous interroger sur l'éthique d'une telle pratique. Le modèle des pays en développement est celui de l'agriculture de subsistance sur une petite échelle, avec peu de liquidités. Les agriculteurs des pays en développement ne doivent pas être forcés de dépendre de pesticides coûteux pour leurs récoltes.

De plus, on revient toujours sur le fait que les pesticides et le génie génétique sauveront le monde de la famine, ce qui est faux, comme on peut le démontrer. Il n'y a pas de problème d'insuffisance de production alimentaire, comme peuvent en attester les agriculteurs; le problème est plutôt le manque d'argent pour acheter de la nourriture, le manque d'accès à des terres ou à de l'eau pour produire de la nourriture, la répartition inéquitable de la nourriture et enfin la politique. Ce dont ont véritablement besoin les pays en développement, c'est d'une réforme agraire, d'apprendre les pratiques de l'agriculture durable et d'atteindre l'autarcie alimentaire. Les problèmes de santé de l'écosystème et des humains en tant que partie de l'écosystème doivent être notre principale préoccupation.

J'aimerais vous parler brièvement du modèle de l'agriculture durable. C'est possible.

Les agriculteurs biologiques aiment gérer leurs terres dans une optique de complexité et résoudre les problèmes de l'agriculture en faisant appel à leur créativité. Tout en gagnant des revenus intéressants, nous savons que nous laissons la terre dans un état aussi bon et habituellement même meilleur que celui dans lequel nous l'avons trouvée avant de commencer à la cultiver. L'agriculture durable est un mode de vie profondément satisfaisant. L'agriculture biologique intensifie les processus naturels, au lieu de les enrayer, afin d'accroître la production et d'augmenter le rendement. Elle respecte la santé des humains, des autres espèces et des écosystèmes. Elle met l'accent sur la qualité, et non pas sur la quantité.

Nous obtenons des récoltes bien intéressantes en faisant bien attention à enrichir notre sol et à équilibrer notre exploitation. Des plantes différentes nécessitent différents éléments nutritifs du sol. Nous pratiquons donc la rotation des cultures, pour ne pas cultiver les mêmes plantes au même endroit pendant plus d'une saison. Les légumineuses comme les pois, les fèves et le trèfle fabriquent l'un des principaux éléments nutritifs des plantes, l'azote, et nous insérons donc ces plantes dans notre rotation à peu près à tous les trois ans.

Nos techniques de culture donnent des plantes qui sont en bonne santé et qui ont une résistance naturelle aux maladies. Oui, les plantes ont aussi un système immunitaire, tout comme les humains. Un nombre croissant d'agriculteurs biologiques mettent de côté leurs graines provenant de leurs plantes les plus solides, qui ont bien poussé dans leurs secteurs particuliers, compte tenu des conditions climatiques et de sol. L'établissement de banques de graines possédant des caractéristiques différentes ajoute à la diversité génétique, par opposition à la monoculture, caractérisée par la culture d'une seule et unique variété, modèle que favorise l'industrie agroalimentaire et qui entraîne une diversité de plus en plus réduite et accroît le risque de destruction généralisée des récoltes par la maladie.

• 0915

Chaque région du Canada a des conditions de culture différentes et des problèmes différents en matière de parasite et de maladie. En informant les agriculteurs et en les encourageant à participer aux efforts locaux d'obtention végétale, on obtient des plantes qui sont spécifiquement adaptées aux conditions locales. La mise en banque de graines et l'obtention végétale sur une petite échelle sont des facteurs clés pour réduire l'utilisation des insecticides, des herbicides et des fongicides.

Un excellent exemple de cela est la ferme familiale Loos située à l'Île-du-Prince-Édouard, où l'on a mis au point une variété de pommes de terre appelée Island Sunshine, qui possède une résistance naturelle à la brunissure de la pomme de terre, sans qu'on ait besoin d'épandre aucun produit.

Pour lutter contre les mauvaises herbes, les agriculteurs biologiques cultivent ce qu'on appelle des plantes de couverture, comme l'ivraie vivace et le trèfle, qui poussent plus vite que les mauvaises herbes, ce qui les étouffe et les empêche de pousser. L'ivraie vivace est également allopathique, c'est-à-dire qu'elle nuit à la croissance d'autres plantes. Plus tard durant la saison de croissance, les mauvaises herbes sont enrayées par la culture. Il n'est plus nécessaire d'épandre des herbicides.

Une autre technique utile est le compagnonnage des plantes. Certaines plantes poussent bien en compagnie l'une de l'autre, par exemple les tomates et le basilic, le maïs et les fèves. Les agriculteurs de la Saskatchewan ont beaucoup de succès avec le blé contre-ensemencé de trèfle. Les mauvaises herbes ne peuvent pas rivaliser avec cette combinaison.

Comparez les montagnes de fumier puant que produisent les fermes d'élevage industriel à l'agriculture biologique, où cette denrée devient un élément utile. Le fumier est stérilisé par la chaleur du processus de compostage et sert ensuite à l'amendement des sols. Comme il n'y a pas de ruissellement de lisier, de pesticides ou d'engrais artificiels, l'eau demeure potable autour des fermes biologiques.

Les agriculteurs biologiques ressentent profondément la nécessité d'une bonne intendance de la terre, ce qui se traduit par un engagement envers un mode de vie rural amélioré. Comme l'agriculture biologique exige une gestion serrée, elle fournit plus d'emplois à la population locale. Et comme les aliments biologiques ne sont pas imbibés de pesticides, ils ont un goût délicieux.

Le président: Pourriez-vous conclure, je vous prie?

Mme Eleanor Heise: Oui. Je pense que vous avez copie de ma déclaration.

Vous pouvez peut-être lire ce que j'ai écrit sur le système actuel de financement de la recherche et le financement public de l'industrie de la biotechnologie, dont la proportion est probablement de 400 pour 1 ou de 500 pour 1 par rapport à la culture biologique.

J'aimerais simplement vous parler brièvement du sol. C'est un élément primordial pour l'agriculture biologique, qui dépend d'un bon sol. Le sol est immensément complexe. Il y a 100 000 acariens dans un mètre carré de sol. Dix mille espèces de biotes dans quatre tasses de sol, et une énorme quantité et variété d'autres organismes comme des algues, des nématodes, des champignons, des bactéries et des virus. Le sol est un biosystème vivant et complexe.

Je vais laisser tomber le reste et vous parler un peu de ce dont l'agriculture biologique a besoin en fait d'aide, et j'espère que vous allez en parler à vos collègues du comité de l'agriculture.

L'agriculture biologique est une solution de rechange durable et viable au modèle conventionnel non durable qui dépend de l'utilisation des pesticides. Nous encourageons le comité à recommander à tous les ministères et à tous les paliers de gouvernement d'encourager activement cette solution.

Je vous résume maintenant les éléments qui sont nécessaires pour obtenir un taux de participation plus élevé à la production biologique au Canada.

Nous avons besoin de facultés d'agriculture biologique dans chaque région du Canada et de l'établissement d'un programme d'étude. Nous ne disposons d'à peu près aucune de ces formes d'aide. Nous avons besoin d'un soutien aux agriculteurs conventionnels qui veulent se convertir à la culture biologique. Beaucoup aimeraient le faire, mais ils n'en ont pas les moyens. Nous avons besoin du soutien de la recherche pour trouver des variétés optimales de chaque plante pour chaque région, et au moins deux fermes biologiques de démonstration dans chaque région. Nous avons aussi besoin qu'on développe les marchés pour les produits de culture biologique; nous avons besoin d'installations séparées ainsi que d'un soutien pour faire naître une industrie de la transformation d'aliments biologiques. Le potentiel à ce sujet est énorme.

Le comité se préoccupe de développement économique durable. Le modèle actuel de l'agriculture industrielle, utilisant des pesticides et des engrais synthétiques, et maintenant des plantes génétiquement modifiées, qui a proliféré depuis 50 ans, n'est pas durable. L'agriculture biologique est viable et durable. Il n'est pas nécessaire de recourir aux pesticides pour cultiver suffisamment de nourriture pour nourrir le monde ou pour rentabiliser l'agriculture. L'agriculture biologique est la solution de rechange et il faut l'appuyer au maximum et en faire la promotion.

J'aimerais vous faire une petite démonstration pratique. J'ai prélevé des échantillons du sol de ma ferme. Le premier vient d'une partie que j'ai cultivée. Je fais de la culture maraîchère et j'enseigne comment être autosuffisant en faisant pousser des légumes biologiques. Voici le sol dont je me sers pour faire la culture. Voici maintenant un échantillon du sol d'une autre partie de la ferme qui est laissée en foin et qui n'a pas été cultivée. J'aimerais faire circuler ces échantillons pour que vous puissiez les examiner. Vous pouvez voir qu'une de nos priorités est de travailler le sol et d'en prendre soin.

• 0920

Monsieur le président, voilà qui met fin à mon exposé.

Le président: Je vous remercie, madame Heise. Vous avez une approche fort intéressante.

Monsieur Graff, aimeriez-vous être le prochain?

M. Allen Graff (président, Conseil consultatif canadien de la production biologique): Merci, monsieur le président.

J'aimerais tout d'abord vous parler un peu de moi-même. Je viens du sud de l'Alberta, une région très venteuse et presque semi-aride. Sur mes terres d'une superficie tout juste inférieure à 3 000 acres, je cultive uniquement des produits biologiques depuis 1984 environ, et jusqu'ici—et je crois que cela se maintiendra probablement—, la productivité des cultures et des sols a augmenté.

Mon exposé s'intitule «Joindre les politiques aux gestes». Je représente le Conseil consultatif canadien de la production biologique, un organisme qui compte des membres un peu partout au Canada.

Au cours du siècle qui s'achève, la production vivrière et l'élaboration de politiques agricoles en sont venues à dépendre de plus en plus d'une agriculture intensive qui mise sur un apport élevé en fertilisants inorganiques et en pesticides synthétiques pour obtenir une productivité élevée et pour réduire le risque de pertes attribuables aux parasites et aux maladies. Ces pratiques et politiques ont largement contribué à la productivité agricole canadienne. Pourtant, une production excessive couplée à la chute des prix des produits agroalimentaires et aux coûts croissants des facteurs de production aux fermes non renouvelables ont mené à une réduction générale du revenu agricole dans bien des secteurs au cours des dix dernières années.

Nous accumulons de plus en plus de preuves empiriques que les systèmes de production intensive à apport élevé accélèrent le déclin de la fertilité des sols, minent l'efficacité des pesticides synthétiques dans la lutte antiparasitaire et ont des incidences négatives sur la qualité globale de l'environnement comme sur la santé humaine. On ne s'étonnera donc pas que la durabilité de l'agriculture dite «moderne», dans le monde entier, soit devenue un sujet de vive préoccupation pour les décideurs gouvernementaux, les universitaires, les représentants du secteur agricole et les consommateurs.

La croissance remarquable de l'agriculture biologique dans les pays développés au cours des 20 dernières années est, dans une large mesure, une réaction directe des consommateurs aux problèmes qu'ils perçoivent dans les systèmes modernes de production agroalimentaire. La perte de confiance du consommateur à l'égard de l'assurance de la qualité au sein de ces systèmes s'est traduite par un déclin discernable, de longue date, de la part de marché détenue par les produits agroalimentaires depuis le début des années 90, dans certains secteurs. L'augmentation des surfaces affectées à la production biologique au Canada est liée plus directement à la demande du marché qu'à la restructuration des appareils politiques, économiques, scientifiques et techniques en faveur des systèmes agricoles plus durables qui dominent la politique agricole en Europe. En d'autres mots, ils sont récompensés financièrement pour avoir adopté des méthodes de production biologique. Au Canada, nous avons réussi à le faire par nos propres moyens.

Selon une approche holistique ou systémique visant à réaliser le développement durable, les systèmes d'agriculture biologique présentent beaucoup de traits spécifiques qui remettent en cause le paradigme de l'agriculture dite moderne et de la lutte antiparasitaire. Étant donné le mandat du Comité permanent de l'agriculture et du développement durable de la Chambre des communes, le Conseil consultatif canadien de la production biologique croit fermement qu'une politique révisionniste relative à la gestion et à l'utilisation futures des pesticides synthétiques au Canada doit tenir compte de l'important rôle qu'ont eu et que continueront d'avoir les systèmes agricoles biologiques dans la baisse de l'importance des intrants externes dans la lutte antiparasitaire comme unique moyen d'augmenter la production agroalimentaire.

• 0925

Passons maintenant aux obstacles à la lutte antiparasitaire durable. Les fondements de la substitution de procédés et de ressources naturels de lutte antiparasitaire en agriculture aux apports externes au cours des cinq dernières décennies sont nombreux et complexes. Dans le passé, le développement agricole a été dominé par des analyses de projet à courte vue et par la recherche de solutions rapides. Les pesticides synthétiques ont généralement remplacé les méthodes mécaniques, culturales et biologiques de lutte antiparasitaire. Les fertilisants inorganiques ont supplanté les fumiers, les composts et les cultures fixatrices d'azote. Comme conséquence directe de cette dépendance, le savoir et l'information qu'utilisent les exploitants agricoles pour prendre des décisions de gestion ont migré, des sources locales aux fournisseurs d'intrants.

L'industrialisation de l'agriculture ayant emprunté la même voie, les intéressés, les chercheurs et les décideurs agricoles ont renforcé le besoin d'apports externes dans leur poursuite d'une plus grande part de marché, d'avantages technologiques et d'aliments moins chers. Devant de tels points de vue, les pratiques qui favorisent et améliorent la santé des récoltes et des élevages, la diversité et le rendement optimal—tous des éléments directement reliés à la résistance aux maladies et aux parasites—ont été négligées en faveur de pratiques qui encouragent les monocultures et les rendements maximisés qui, à leur tour, sont plus sensibles à l'éclosion de maladies et aux infestations.

Cette politique économique à courte vue a un prix et il est élevé, comme en témoigne le déploiement rapide et continu d'apports externes parce que les parasites développent de plus en plus de tolérance, de résistance et de résistance croisée aux pesticides synthétiques. Le prix grimpe encore plus quand des organismes utiles non visés s'en trouvent plus sensibles et moins efficaces.

Compte tenu de la forte dépendance à l'égard d'apports externes qu'entraînent de tels systèmes, il est très difficile de persuader les agriculteurs d'utiliser moins de pesticides synthétiques. Cette dépendance est renforcée par la croyance tenace selon laquelle, grâce aux récentes découvertes de la biotechnologie transgénique, on peut passer outre à la dynamique de l'agroécologie plutôt que de la gérer. D'après ce scénario, les notions de dérive génique, de bioamplification, de contamination écologique, de résistance des parasites et d'expositions indirectes des organismes non visés peuvent avoir des conséquences totalement différentes de celles qu'ont eues les pesticides synthétiques conventionnels.

Arrêtons-nous à cette question pour quelques instants. Le fait que les produits chimiques utilisés ont une demi-vie et sont éliminés, alors que ceux qui sont utilisés en biotechnologie—en d'autres mots, qui font partie des plantes—sont des caractéristiques génétiques permanentes et sont toujours vivants nous préoccupe énormément.

Le grand défi de la lutte antiparasitaire dans le cadre d'un système agricole durable consiste à réduire au minimum le recours aux apports externes, en soi, ou à combiner cette réduction à la régénération plus efficace des ressources internes. Dans un système d'agriculture biologique, on y arrive d'abord par l'incorporation du cycle des substances nutritives, de la fixation de l'azote dans le sol, de la promotion et de l'augmentation des ennemis bénéfiques et naturels des parasites dans l'agroécologie.

Ensuite, on réduit ou élimine les apports externes, hors fermes et non renouvelables risquant le plus de nuire à l'environnement, au milieu rural ou au consommateur qui remplacent d'autres stratégies et tactiques de lutte antiparasitaire.

Troisièmement, on utilise de façon plus productive la résistance phénotypique et génotypique inhérente aux cultivars et aux élevages—ce qui signifie que l'on choisit les élevages et les cultures qui conviennent le mieux à l'environnement.

Quatrièmement, on s'efforce d'adapter les cultivars et les méthodes de production aux contraintes écologiques de la région biogéographique et de l'agroécologie afin d'optimiser le rendement et la résistance aux parasites.

• 0930

Cinquièmement, on a un recours productif au savoir et aux pratiques agronomiques locaux, dont des approches novatrices qui n'ont peut-être pas encore fait l'objet d'études scientifiques.

Enfin, on adopte une approche de la rentabilité et de la production efficace qui met l'accent sur l'intégration de la gestion agricole, de la conservation et de l'amélioration des ressources.

En ce qui concerne les engagements visant à redéfinir la politique, l'agriculture durable exige un engagement beaucoup plus grand à l'égard de l'investissement à long terme dans l'infrastructure, la recherche et la mise en place d'institutions que l'agriculture conventionnelle. Il y a actuellement pénurie, au sein des organismes agricoles fédéraux et provinciaux, des maisons d'enseignement et du secteur commercial, de programmes de recherche ou d'information coordonnée en faveur de l'adoption plus poussée de pratiques biologiques dans les exploitations agricoles canadiennes. Bien que la valeur ajoutée de l'agroalimentaire biologique soit un facteur important pour expliquer l'arrivée de nouveaux producteurs biologiques, la transition ne se fait pas sans heurts.

Ainsi, les producteurs tentés de se convertir ou de s'adapter à des systèmes de lutte antiparasitaire et de production plus durables sont fortement influencés par les effets de ce changement: un rendement réduit ou inégal, avec les conséquences que cela comporte pour les ressources, les revenus, la production et la gestion.

La promotion de stratégies durables de lutte antiparasitaire peut s'exprimer de différentes manières. Ainsi, on peut encourager la réduction de l'usage de pesticides en imposant des peines à la suite de mauvais usage ou de contamination environnementale, resserrer les conditions de délivrance des permis d'application, réglementer la quantité de pesticides appliquée selon les programmes prescriptifs que suivraient au besoin des spécialistes autorisés en lutte antiparasitaire ou augmenter les taxes sur les produits chimiques agricoles.

D'un autre côté, plusieurs pays européens ont versé des incitatifs financiers aux producteurs pour l'élimination des pesticides et fertilisants synthétiques des systèmes agricoles par le biais de programmes intégrés à la politique agricole et environnementale. Ces incitatifs se sont soldés par une augmentation spectaculaire des terres agricoles converties à la production biologique dans toute l'Europe, par un enrichissement de la base de connaissances des producteurs et des consommateurs et, en plus, par l'augmentation du volume de produits biologiques certifiés destinés aux marchés extérieurs.

Le secteur canadien de l'agriculture biologique, pour sa part, demeure dépourvu de programmes subventionnés appuyant la promotion du secteur agroalimentaire biologique. De fait, la politique agricole donnant la priorité ou accordant des incitatifs ou d'autres types de subvention à la recherche agricole et au développement de tactiques de lutte antiparasitaire à court terme et à gain levé peut avoir un effet néfaste sur la croissance du secteur biologique car elle détourne les fonds destinés à la recherche sur la lutte antiparasitaire à long terme fondée sur les systèmes agricoles durables.

Qui plus est, des subventions démesurées au développement de certaines tactiques antiparasitaires synthétiques risquent de miner directement l'intégrité des programmes de production biologique par le risque accru de contamination qu'elles posent et par les dépenses de vérification qu'elles entraînent, à moins que des stratégies et tactiques de rechange soient également élaborées et encouragées.

En ce qui concerne l'avenir, de concert avec les directives nationales sur la production, le traitement, la manutention et l'étiquetage des produits agroalimentaires biologiques, le Conseil consultatif canadien de la production biologique croit fermement qu'un système d'homologation détenteur d'une accréditation nationale, de concert avec le leadership soutenu de l'industrie, feront une contribution importante à la sensibilisation accrue et à la promotion à valeur ajoutée des produits agroalimentaires biologiques canadiens sur les marchés nationaux et internationaux.

De telles capacités serviront de moteur à l'encouragement et au recrutement de nouveaux producteurs et de nouveaux transformateurs qui satisferont la demande de produits agroalimentaires biologiques. À leur tour, les incitatifs économiques favorisant le développement intersectoriel de l'agriculture biologiques, de pair avec des politiques fédérales révisées, accéléreront l'atteinte de nombre d'objectifs écologiques fédéraux et provinciaux visant expressément à réduire l'usage des pesticides et à promouvoir des systèmes agricoles favorisant la pérennité de la production agricole et améliorant la qualité de l'environnement de tout le Canada.

• 0935

Ceci dit, monsieur le président, j'ai seulement quelques commentaires à ajouter. J'aimerais vous expliquer comment j'en suis venu à pratiquer la culture biologique.

Quand j'étais plus jeune, j'ai été la victime d'un traitement des semences—une espèce de vaccin pour les semences, si vous voulez—destiné à contrôler divers parasites. J'ai été hospitalisé très longtemps. J'avais 15 ans à l'époque, en passant. Une fois sorti de l'hôpital, j'ai juré que s'il y avait moyen de faire de l'agriculture sans produits chimiques, je le trouverais.

Au fil du temps, j'ai observé autour de moi et, quand j'avais 18 ou 19 ans—c'était à l'époque appelée hippie—j'ai vu ces gens qui venaient des villes faire un retour à la terre. Ils mettaient au point une méthode dite biologique. À ce moment-là, comme je croyais que les agriculteurs savaient ce qu'ils faisaient, j'ai pensé que cela ne me concernait pas.

J'ai donc conservé mes méthodes pendant bien des années, presque encore 10 ans, avec des produits chimiques. J'en suis venu au point où je devais embaucher de l'aide pour faire l'application des herbicides. Je devenais très, très malade au moment de l'épandage, rien qu'à mélanger les produits chimiques dans mon pulvérisateur. Il ne me restait plus qu'un choix: quitter la ferme et trouver un emploi ailleurs, ou y rester et devenir très, très malade.

C'est à peu près à cette époque que j'ai fait la découverte d'une méthode appelée la culture biologique, ou l'organiculture. Il s'agit de ne pas utiliser de produits chimiques dans l'agriculture. J'ai fini par adopter un modèle d'agriculture qui m'a permis de gérer mes propres moyens de production, de rester agriculteur et de continuer de gagner ma vie comme j'avais choisi de le faire, c'est-à-dire en pratiquant l'agriculture.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Graff, et merci aussi pour ce profil biographique. C'était très intéressant.

Monsieur Stonehouse, êtes-vous prêt à prendre la parole?

M. Peter Stonehouse (chargé de recherches, Département de l'économie et du commerce agricoles, Université de Guelph): Merci, monsieur le président.

En tant que spécialiste de l'économie agricole à l'Université de Guelph, j'aimerais souligner aux fins du compte rendu les grands avantages et contributions qu'a eus ce qu'on appelle l'agriculture conventionnelle—dont je donnerai la définition dans un moment—pour le système agroalimentaire et pour les consommateurs canadiens.

L'agriculture traditionnelle, c'est à mes yeux le principal modèle d'agriculture contemporaine, hautement industrialisé et à participation élevée, qui nécessite une quantité excessive d'interventions de l'extérieur de l'exploitation agricole.

Comme Allen l'a souligné, la contribution de ce genre d'agriculture a été, surtout depuis une cinquantaine d'années, de nous fournir des aliments en abondance, qui sont ainsi devenus très abordables. Ce sont généralement des produits de haute qualité, bien qu'on devrait faire très attention à la définition qu'on peut donner au mot «qualité», à cause des résidus de pesticides dans les aliments, qui peuvent être très nocifs. Ces produits sont aussi présentés de manière très pratique, les consommateurs n'ayant qu'à ouvrir le congélateur, en extraire un emballage et le mettre dans le four à micro-ondes, et le tour est joué, le souper est prêt. C'est très pratique et utile pour les consommateurs d'aujourd'hui, qui sont très occupés.

Le facteur économique le plus important, dans tout cela, c'est qu'au Canada, la proportion du revenu personnel disponible qui est consacré à l'alimentation a atteint le plus bas niveau jamais connu et continue de baisser. Un seul pays au monde destine une moins grande proportion du revenu personnel disponible à l'alimentation, et ce sont les États-Unis. Sur le plan de l'agriculture, donc, nous faisons de l'excellent travail.

• 0940

Vous pourriez donc proposer que nous continuions sur la lancée de ce modèle particulier d'agriculture. À cela, je répondrai: soyons prudents et examinons certains des effets secondaires de ce genre de pratique agricole.

Il apparaît—j'en discute assez en profondeur dans l'espace limité qui m'était accordé pour mon rapport écrit—que l'agriculture hautement industrialisée est exactement ce modèle d'agriculture auquel sont attribués les plus hauts niveaux de détérioration du sol, d'érosion du sol, de tassement du sol, de détérioration de la matière organique, d'augmentation des parasites et des maladies dans le système, ainsi que d'effets nocifs indirects sur les autres espèces, ce qui mine l'écologie. En plus de miner l'environnement et l'écologie, il se pourrait très bien que l'agriculture traditionnelle ait des effets nocifs indirects sur les consommateurs humains d'aliments, par le biais de la consommation de résidus de ces pesticides utilisés dans la production, le traitement et la préservation des aliments qu'on trouve sur les rayons des magasins comme Loblaws et Safeway dans tout le pays.

Donc, il ne fait pas de doute que l'agriculture traditionnelle a certains avantages, mais elle a aussi des effets nocifs, qu'on a tout intérêt à reconnaître.

Au milieu des années 80, je me suis demandé s'il y avait de meilleures pratiques agricoles, de meilleures méthodes de production des aliments, et j'ai fait des demandes de subvention pour pouvoir comparer les autres modèles d'agriculture. L'un des diagrammes que j'ai insérés dans mes documents démontre que nous pouvons envisager une multitude de systèmes d'exploitation agricole, en partant du système traditionnel que j'ai déjà décrit jusqu'au modèle d'agriculture biologique, que mes deux collègues ont très bien définis. Il est donc inutile que je décrive encore l'objet de la culture biologique. Entre ces deux extrêmes, nous avons une gamme de degrés d'intensité et de modèles d'agriculture hautement industrialisée, y compris le système agricole viable à faible apport d'intrants—le LISA, comme il est appelé aux États-Unis—la gestion intégrée des parasites etc.

Ce que j'ai tenté de faire, dans mon travail de recherche, c'est de poser une question et d'y trouver une réponse, pour savoir quels sont les avantages des différentes méthodes agricoles de cette gamme? Je ne pouvais pas tous les étudier. J'ai décidé, plutôt, d'en examiner trois—les deux extrêmes de l'agriculture traditionnelle et de l'agriculture biologique de chaque côté et, quelque part au centre, ce que je voyais comme l'agriculture pondérée. On peut définir l'agriculture pondérée comme toute méthode agricole où l'application de pesticides chimiques synthétiques est réduite autant que possible dans la production et le traitement des aliments.

Au milieu des années 80, j'ai demandé une subvention au ministère de l'Agriculture et de l'alimentation de l'Ontario, qui m'a octroyé une subvention dans le cadre du programme Production alimentaire 2002. C'était un programme très intéressant, plutôt courageux et ambitieux du Parti libéral de l'Ontario à la fin des années 80, qui visait la réduction de moitié, pour l'année 2002, de l'application et de l'utilisation des pesticides chimiques dans le système agricole de l'Ontario, d'où le titre de Production alimentaire 2002.

J'ai l'impression, après coup, que s'ils avaient su, au ministère, les conclusions qui ressortiraient de cette recherche, ils ne m'auraient peut-être jamais subventionné. Ces résultats ont plutôt mené à la controverse et, en fait, m'ont surpris moi-même.

• 0945

Je partais d'une hypothèse, un simple énoncé de ce que je j'entrevoyais comme résultat, en me fondant sur la logique déductive a priori, avant d'entamer le travail de recherche. Cette hypothèse était que l'agriculture biologique s'avérerait être le modèle le moins industrialisé, à faibles intrants mais aussi à production réduite, le moins productif et probablement, par conséquent, le modèle le moins rentable de tous en matière de culture agricole.

Eh bien au contraire, la conclusion à laquelle je suis parvenu était toute autre. J'en dirai plus dans un moment.

Je me suis concentré, en particulier, pour ce qui est de l'application de pesticides synthétiques en agriculture, sur les herbicides. Pourquoi? Parce que les herbicides comptent pour environ 68 p. 100—du moins c'était le cas à l'époque, à la fin des années 80—de l'ensemble des produits chimiques utilisés en agriculture en Ontario qui, comme vous le savez, en fait un usage intensif en raison de la concentration sur les produits de culture intensive comme la volaille, le lait et l'horticulture.

J'ai donc pensé que si je pouvais concentrer ma recherche sur les principales cultures où sont utilisés le plus d'herbicides, lesquels servent au contrôle des mauvaises herbes, je toucherais au coeur du sujet de l'utilisation des pesticides en agriculture.

J'ai cherché des données qui auraient été publiées, fondées sur des travaux de recherche antérieurs de chercheurs biologiques puisque, tout bon économiste vous le dira, la valeur de ses données économiques est celle des données biophysiques sous-jacentes sur lesquelles elles s'étayent. Je n'ai rien trouvé.

Cela m'amène à insister sur ce que disaient Eleanor et Allen avant moi: la recherche sur les systèmes de culture biologique ne reçoit à peu près aucun soutien au Canada—c'est à peu près nul—au contraire des pays de l'Union européenne, qui non seulement soutiennent un programme de recherche très actif sur les techniques de culture biologique et les systèmes d'agriculture pondérée, et où une infrastructure appuie ce genre de technique agricole par la prestation de services de conseils, mais aussi qui subventionnent la conversion des agriculteurs du modèle traditionnel vers les modèles de culture biologique. Là-bas, en Europe, tout cela est subventionné.

Nous n'appuyons rien. Au ministère de l'Agriculture de l'Ontario, nous affectons une demi-personne par année au soutien à la culture biologique et à l'aide aux agriculteurs biologiques—une demi-personne, c'est tout.

Donc, je ne pouvais rien trouver qui ait été publié. Que pouvais-je faire alors? J'ai sélectionné des agriculteurs qui appliquaient les modèles d'agriculture qui m'intéressaient, et je n'ai pu en trouver que très peu qui faisaient la culture biologique, parce qu'il n'y en avait pas beaucoup, et ils n'étaient pas tous disposés à m'aider dans mes travaux de recherche. En apprenant que je venais de Guelph, le bastion de l'agriculture traditionnelle en Ontario, et certains diraient même au Canada, ils répliquaient «Qu'avez-vous fait pour nous, les agriculteurs biologiques, dernièrement?». J'étais forcé d'admettre très peu, sinon rien. Je répondais cependant: «J'essaie de dévoiler certaines vérités sur la rentabilité des systèmes d'exploitation agricole. M'aiderez-vous?» J'ai enfin pu convaincre neuf cultivateurs biologiques de collaborer avec moi.

Donc, j'ai choisi, avec l'aide des représentants du ministère de l'Agriculture de l'Ontario, neuf cultivateurs appliquant des méthodes d'agriculture pondérée et neuf agriculteurs traditionnels. Je suis allé observer chacune de leurs méthodes assez en détail et j'ai obtenu toutes leurs données techniques, et aussi économiques, et même en plus certaines données sur l'aspect environnemental, la détérioration de l'environnement.

Je vous épargnerai les détails de ma recherche, dont je vais résumer, monsieur le président, les principaux résultats...

Le président: Il s'agit, je présume, du tableau 3 de votre document?

M. Peter Stonehouse: Oui, c'est cela. Tous ces tableaux, en fait, illustrent une comparaison utile de ces trois méthodes de culture.

• 0950

Il est apparu que si on se concentre uniquement sur les coûts de la lutte contre les mauvaises herbes selon les différentes méthodes, les agriculteurs biologiques dépensent beaucoup plus que les autres. Leurs coûts étaient de loin supérieurs à ceux des agriculteurs pratiquant l'agriculture traditionnelle ou pondérée, pour les trois principaux groupes végétaux sur lesquels était axée la recherche, soit le maïs, les fèves et les céréales à grain, comme le blé, le seigle et l'épeautre. Il y avait une bonne raison à cela. Les cultivateurs biologiques doivent consacrer beaucoup de temps et d'efforts aux solutions autres que la bouteille de produit chimique, laquelle est si facile pour le cultivateur traditionnel, et beaucoup moins coûteuse.

Alors qu'en est-il des autres coûts de la production, pour tous les autres matériaux utilisés dans la production des cultures, dont la main-d'oeuvre, la machinerie, etc., pour l'ensemencement, les engrais, l'entretien après la germination, la récolte, l'entreposage, etc.? En faisant le total de tous ces coûts de production, on a constaté que les cultivateurs biologiques avaient un énorme avantage, leurs frais étant nettement inférieurs, au bout du compte. Donc, bien que le facteur du coût du contrôle des mauvaises herbes, pris seul, était nettement supérieur, les coûts directs généraux de la production étaient bien inférieurs, et de loin, du point de vue statistique.

Les agriculteurs pratiquant l'agriculture pondérée se trouvaient quelque part au milieu. Ils arrivaient effectivement à payer moins pour certains aspects de la production, comparativement aux agriculteurs traditionnels.

Faisons le calcul, donc, des coûts inférieurs de production avec le prix unitaire plus élevé que les agriculteurs biologiques obtiennent pour leurs produits sur le marché et les récoltes comparables... Voilà un facteur intéressant qui contredisait mon hypothèse de départ. Je pensais que les agriculteurs biologiques auraient des récoltes beaucoup moins importantes. Non, ce n'était pas le cas. C'était assez comparable. Si on fait le calcul des récoltes comparables avec les prix unitaires plus élevés et le coût de production inférieur, devinez quoi? Les profits se trouvaient largement du côté du système d'agriculture biologique.

Qui, pensez-vous, était à la queue du groupe? C'était la vaste majorité des agriculteurs canadiens, qui font partie de la catégorie des agriculteurs traditionnels.

Comme je l'ai dit dans mon document, mes méthodes ont été largement critiquées. Je me suis fait dire «Vous aviez un échantillon très restreint et en passant, cet échantillon englobait toutes sortes d'agriculteurs qui n'avaient pas leur propre exploitation d'élevage. Vous avez donc comparé des pommes avec des oranges et des bananes.» À cela, j'ai répondu «Oui, c'est un fait, mais dans la mesure où l'on compare des systèmes qui sont si différents les uns des autres dans les principes de base et les méthodes de gestion, j'ai fait de mon mieux.»

Quoi qu'il en soit, j'ai entamé une deuxième phase de recherche où les agriculteurs traditionnels et des agriculteurs biologiques avaient été triés sur le volet, tous étant exploitants de fermes laitières. C'était le facteur commun. De plus, ils étaient tous de la même région du sud de l'Ontario, ce qui fait qu'ils avaient une ressource naturelle et une infrastructure communes.

Les données venaient du début des années 90 et précédaient, par conséquent, les prix élevés qui sont maintenant payés aux exploitants de fermes laitières de l'Ontario pour leurs produits, dans le cadre du programme de marketing des Dairy Farmers of Ontario. Ce programme n'est entré en vigueur qu'après que j'ai terminé ma recherche. Donc tous les exploitants de fermes laitières, quelle que soit la méthode qu'ils appliquaient, étaient payés la même chose.

Une fois encore, il est apparu qu'il en coûtait beaucoup moins aux agriculteurs biologiques pour produire un hectolitre de lait mis sur le marché, comparativement aux agriculteurs traditionnels, ce qui menait à la conclusion que la méthode de production biologique de lait était beaucoup plus rentable. Cela est donc indicatif...

Le président: Est-ce que je peux vous demander d'arriver à la conclusion, je vous prie?

• 0955

M. Peter Stonehouse: Oui. Si nous pouvons commenter les conclusions tirées de tout cela, c'est qu'il semble qu'il n'est pas nécessaire d'appliquer une méthode hautement industrialisée, en ce qui concerne l'utilisation de pesticides dans le système d'agriculture et de traitement des aliments, pour avoir une exploitation rentable. Vous pouvez être tout aussi prospère, et même plus, en adoptant la démarche pondérée, et presque autant si vous appliquez la méthode biologique. Les agriculteurs n'ont donc rien à craindre de la conversion à l'agriculture biologique, à part le fait que le gouvernement n'appuie pas leur cause. Nous n'avons aucune infrastructure pour soutenir les agriculteurs biologiques, comme il y en a dans les pays de l'Union européenne et, bientôt, aux États-Unis.

À mon avis, nous manquons le coche en ce qui concerne la croissance des marchés, non seulement au Canada, comme Allen Graff l'a sûrement souligné, mais aussi à l'étranger, particulièrement dans les pays de l'Union européenne. Ils insistent pour que tous nos produits dits biologiques soient effectivement biologiques. Il faut qu'ils soient certifiables. Fort heureusement, nous avons franchi cet obstacle le printemps dernier, avec l'entrée en vigueur d'une norme nationale s'appliquant aux produits alimentaires biologiques.

À mon avis, c'est là que réside l'avenir de l'agriculture biologique au Canada, voire même l'avenir de l'agriculture en général. J'anticipe l'élargissement du marché des aliments biologiques et le déclin des aliments produits selon les méthodes conventionnelles en raison des dommages potentiels qu'ils peuvent causer. Je dis bien «potentiels», car nous ne savons encore clairement en quoi consistent ces dommages même si la dégradation de l'environnement et le déséquilibre des écosystèmes nous en fournissent la preuve.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Stonehouse.

Monsieur McNeil, je vous prie.

[Français]

M. Jeremy McNeil (professeur de biologie, Université Laval): Merci, monsieur le président.

Je suis professeur de biologie à l'Université Laval et je travaille depuis plus de 30 ans à l'écologie et au comportement des insectes dans le but de trouver des moyens alternatifs de lutte contre les insectes nuisibles.

[Traduction]

On vous a déjà parlé de l'incidence des pratiques agricoles utilisées depuis les 50 dernières années. Nous avons opté pour de très grandes superficies, extrêmement simplifiées, non seulement dans les champs eux-mêmes, mais dans les environs aussi. Les haies et autres choses du genre, qui sont extrêmement importantes d'un point de vue écologique, sont en beaucoup moins grand nombre partout, ce qui nuit énormément à l'environnement.

Il nous faut prendre en compte les diverses façons dont ce que nous appelons les agroécosystèmes diffèrent des écosystèmes naturels.

Le premier aspect est la diversité des espèces. Lorsqu'on se promène dans une forêt ou dans un champ ordinaire, on rencontre un nombre extrêmement élevé d'espèces de plantes. Or, on ne voit pas cela dans de nombreux agrosystèmes. On y trouvera peut-être une seule espèce ou un nombre restreint d'espèces. Par conséquent, la diversité fait défaut.

Le deuxième aspect est la diversité génétique. En l'occurrence, nous choisissons une souche qui donne un très haut rendement et comporte certaines caractéristiques. Pour leur part, les écosystèmes naturels affichent une très grande diversité à l'intérieur d'une espèce donnée de leur bassin génétique, ce qui n'est pas sans avoir un effet.

Le troisième aspect est la diversité phénotypique. Dans une forêt, on peut voir un grand nombre d'épinettes ou de bouleaux, mais ils ne sont pas tous du même âge. Ils n'en sont pas tous au même stade de développement. Dans une culture, ils ont tous la même taille et ils sont exactement au même stade de développement. D'ailleurs, leur stade de développement détermine dans quelle mesure ils sont vulnérables aux parasites, que ce soit un pathogène ou un insecte. Pour ma part, je suis davantage spécialisé dans les insectes. C'est donc un facteur auquel il faut penser.

Par exemple, dans les forêts du Canada, la tordeuse des bourgeons de l'épinette est un parasite important. Il s'attaque de préférence aux vieux arbres et, bien entendu, ce sont ces vieux et gros arbres qui nous intéressent. D'un point de vue écologique, une épidémie de tordeuse des bourgeons de l'épinette serait une très bonne chose car cela élimineraient les vieux arbres et provoquerait la régénération des forêts. Malheureusement, nous avons maintenant un conflit entre deux visions. C'est donc un dilemme.

L'autre aspect que bien des gens oublient est la viabilité dans le temps ou la continuité. Le passage d'un champ à une forêt repose sur diverses étapes de succession normales. En agriculture, ce n'est pas le cas. Dans de nombreux cas, le cycle s'accomplit en trois ou quatre mois. Évidemment, cela perturbe l'équilibre écologique normal et a un effet néfaste sur les écosystèmes. Entre les insectes nuisibles, les plantes, les ennemis naturels, etc, nous n'avons jamais vraiment la possibilité d'instaurer un équilibre.

• 1000

Par conséquent, nous sommes en présence d'une monoculture. D'aucuns répliqueront qu'il existe des monocultures naturelles. Si l'on va plus au Nord, dans la toundra, on peut en trouver qui sont très simplifiées. Mais elles sont diversifiées. Elles sont diversifiées sur le plan génétique et phénotypique. Elles ne sont pas aussi simplifiées que les agroécosystèmes.

Essentiellement, c'est une lutte entre les écosystèmes naturels et les monocultures. La meilleure façon de décrire cela consiste à faire une analogie avec des lignes électriques. Dans un écosystème naturel, il y a de multiples sources à différents niveaux: le sol, les plantes, les herbivores qui les mangent et les choses qui mangent les herbivores. Il y a donc plusieurs niveaux. On peut imaginer qu'il existe au Canada un grand nombre de stations hydroélectriques dans le nord, le centre et le sud du pays. Mais il existe un réseau qui réunit les différents systèmes pour qu'advenant une panne sur une ligne, les autres puissent prendre le relais. De cette façon, le système conserve un équilibre relatif.

Mais dans ce système où il y a la plante, un ou deux insectes et un ou deux ennemis naturels, si l'un de ces liens fait défaut, l'énergie n'est pas convenablement acheminée dans l'ensemble du système, et c'est le chaos. C'est essentiellement ce que l'on constate dans de nombreux agrosystèmes.

Un grand nombre d'agrosystèmes sont éminemment vulnérables aux pathogènes en raison des caractéristiques dont je viens de parler. Lorsqu'intervient un herbivore qui peut exploiter cette ressource, cela se traduit manifestement par une reproduction intensive du parasite et une croissance massive. En raison de cette discontinuité, seule une poignée de ses ennemis naturels est présente. Ils arrivent sur les lieux, mais avec un certain retard. On constate donc une explosion de la population et un fort taux de défoliation. D'où, la perte de récoltes. Nous avons donc un problème sur les bras.

Dans de tels cas, nous nous sommes tournés vers la pulvérisation. À bien des endroits, la pulvérisation d'insecticides chimiques a été salvatrice. Je ne pense pas que l'on devrait minimiser ou nier les avantages qu'a tirés l'humanité du recours aux insecticides chimiques.

Cela dit, ils posent également des problèmes, et c'est ce dont il faut se rappeler alors que nous embrassons un système de type tapis roulant. Par exemple, au cours de mes études de premier cycle, j'ai travaillé sur une culture agricole très importante que je considère comme une mauvaise herbe, le tabac. J'avais une culture que je n'avais pas pulvérisée, et une autre, plantée à la même date, qui avait été pulvérisée une fois seulement. Or, elle a enregistré un taux de défoliation de 4 p. 100 inférieur. Après deux générations de lutte antiparasitaire, le taux de défoliation est passé à 100 p. 100 car si nous avions éliminé le parasite, nous avions aussi éliminé tous ses ennemis naturels. Le parasite en question est un très gros papillon nocturne qui peut couvrir plusieurs dizaines de kilomètres en une seule nuit. Il a de nouveau envahi les récoltes. Ses ennemis naturels, qui sont très petits, ont pris beaucoup plus de temps à revenir. Lorsqu'ils sont arrivés, il était trop tard. Voilà donc le genre de problèmes.

Il se développe aussi une résistance aux insecticides, comme on vous l'a expliqué. Il faut comprendre que dans le cas de nombreux insectes, il n'y a pas de résistance comme telle, car il existe déjà une prédisposition génétique à un très faible degré, et on se trouve à en faire la sélection. Il n'y a pas vraiment de bons exemples de cas où ce phénomène se produirait spontanément.

Il existe une résistance croisée à l'égard des insecticides. Il faut prendre en compte les effets directs non ciblés sur les agents de pollinisation, les insectes bénéfiques, la santé humaine, etc., sans oublier les effets écologiques. On les retrouve dans les réseaux d'aqueduc. Ainsi, on est en présence d'une bioamplification des hydrocarbures par le DDT, qui suit la chaîne alimentaire et se retrouve en forte concentration. Ce sont là des problèmes. Ces insecticides ne sont plus utilisés maintenant.

Il faut également tenir compte de l'incidence sur la structure de la communauté. Lorsque je m'adresse à des enfants, j'aime bien prétendre que je suis un insecte. Je leur dis que les insectes sont la nourriture du monde parce qu'un très grand nombre d'autres organismes dépendent des insectes. Par conséquent, si la pulvérisation d'insecticides permet de se débarrasser des insectes, elle a également pour effet de priver de nourriture les poissons, les oiseaux, etc.

Il y a donc des raisons—et nous le savons—qui devraient nous inciter à réduire l'utilisation d'insecticides.

Il faut comprendre une chose: bon nombre des problèmes auxquels nous faisons face sont causés par une mauvaise utilisation ou une utilisation abusive des insecticides. Par exemple, des agriculteurs à qui on avait dit de pulvériser quatre onces d'insecticides par hectare en avaient pulvérisé dix onces en espérant que cela donne de meilleurs résultats. A ces agriculteurs, je dis: «Feriez-vous la même chose avec des médicaments? Si le médecin vous prescrivait deux comprimés par jour, en prendriez-vous 10? Prendre une dose plus élevée que la dose prescrite peut être mortel.»

Il y a également des agriculteurs qui prennent ce que l'on appelle des mesures de prévention. Ils appliquent un insecticide périodiquement, même s'ils ne sont pas certains d'avoir un problème d'insectes. D'ailleurs, nous avons au Canada un exemple absolument incroyable de ce phénomène. En effet, les gens font pulvériser des herbicides et des pesticides sur leurs pelouses trois fois par été en guise de mesure de prévention, qu'ils aient ou non des parasites.

• 1005

Nous avons été partie prenante au problème nous-mêmes, et il faut le comprendre. Nous devons changer.

Il existe des initiatives en vue de réduire le recours aux insecticides même dans le contexte de l'agriculture traditionnelle. Ainsi, des systèmes de surveillance permettent de dire aux agriculteurs: «Vous avez un problème de parasites en ce moment; vous devriez envisager d'intervenir» ou, dans un autre cas, «Vous n'avez pas suffisamment d'insectes, inutile de vous inquiéter; pourquoi dépenser 100 $ pour contrer une perte de récolte d'une valeur de 12 $? C'est illogique.» Nous avons ce que nous appelons des éclaireurs, qui sont embauchés collectivement par les agriculteurs, et qui sont là pour les conseiller sur le moment et la façon d'intervenir. Cette stratégie permet effectivement de réduire l'utilisation des insecticides.

Cependant, dans notre réflexion sur diverses solutions de rechange, il faut tenir compte du fait que nous sommes en présence d'un système dynamique. Ce n'est pas comme dire tout à coup qu'il n'est plus question de porter des espadrilles; que les espadrilles sont interdites; qu'elles seront supprimées; que tout le monde doit aller chez Sears ou ailleurs pour s'acheter une paire de souliers en cuir. Il s'agit d'un système dynamique. Il faut trouver des solutions de rechange, mais celles-ci qui ne donneront pas toujours les résultats escomptés: les résultats varieront selon les années ou les régions. Il faut vraiment que nous comprenions à fond les systèmes que nous voulons gérer.

Lorsque je faisais mes études universitaires à la fin des années 60, à l'époque hippie—une époque des plus intéressantes—, le premier colloque mondial sur la gestion intégrée des parasites a été organisé par mon directeur de thèse de doctorat. Le concept de la gestion intégrée des parasites existe depuis plusieurs décennies. Le but visé est de trouver des moyens acceptables de contrôler les parasites sur les plans économique, sociologique et écologique. On souhaite atteindre productivité élevée, grande qualité et viabilité. La gestion intégrée des parasites prévoit une multitude d'approches qui peuvent être utilisées unilatéralement ou conjointement.

On vous a parlé de la résistance des plantes. Évidemment, autrefois, on procédait par voie de sélection, et nous savons que les agriculteurs biologiques procèdent de cette façon maintenant. Ils conservent les semences des plantes qui croissent le mieux. C'est précisément, ce qui se fait dans le monde agricole depuis des centaines d'années. Il n'y a là rien de nouveau.

Aujourd'hui, nous sommes aux prises avec le problème des aliments transgéniques. Je sais que c'est un sujet très délicat et je ne m'y attarderai pas, mais ce n'est pas une solution permanente non plus. Si l'on sème des plantes résistantes dans les champs, les insectes vont les attaquer; les pathogènes qui les attaquent sont des organismes vivants; il se fera une sélection.

Par exemple, une variété résistante aux pucerons ne dure sans doute pas plus de quatre ou cinq ans avant que l'un d'eux ne réussisse à percer le bouclier protecteur. On a qualifié le phénomène de «course aux armements écologiques». Un camp devient plus résistant et l'autre trouve un moyen de percer une brèche. C'est un peu comme un jeu de dames.

Nous utilisons des agents pathogènes. Les insectes, tout comme nous, sont affectés par des maladies. Il y a des virus—et tout le monde s'alarme en disant qu'on ne peut utiliser un virus, qu'est-ce qui va se passer?—. Les virus des insectes sont tout à fait différents des virus des mammifères, et on les utilise dans certains cas. C'est un phénomène naturel. J'ai perdu un projet de recherche écologique entier pour lequel j'avais reçu une subvention. Il a été complètement décimé par un virus.

Nous pouvons utiliser des champignons; nous pouvons utiliser des bactéries. On vous a parlé du Bt. Bien des gens ont commencé à dire que c'est terrible; que se passe-t-il avec les champignons et les bactéries? Nous aurons peut-être des problèmes. À cela, je réponds toujours que je suis d'accord, qu'il faut penser à notre affaire, mais dans un premier temps, cessez de manger du yogourt; cessez de manger du fromage Stilton. En effet, on y trouve des champignons et des bactéries. Nous en utilisons dans la fabrication de la bière et du vin. Oubliez tout cela.

Il y a aussi la possibilité d'avoir recours aux ennemis naturels. Ce sont les parasitoïdes, les prédateurs, et ils sont très utiles. Nous pouvons les introduire dans le milieu. Il existe au Canada des entreprises qui sont très avancées dans ce domaine, qui élèvent et fournissent des ennemis naturels que l'on peut introduire pour accroître la densité au début. Comme je vous l'ai dit, il y a un retard. La récolte croît, les parasites s'installent et ensuite, les ennemis naturels arrivent, mais il sera peut-être trop tard avant de pouvoir faire une différence.

Bien sûr, il y a le problème de temps, les cultures annuelles, par exemple, et la disparition de tous les milieux environnants, les haies, parce que les insectes et les pollinisateurs... Ils ont besoin de pollen à d'autres moments de l'année, pas seulement au moment de la culture. Si on supprime tout, il y aura des insectes pendant un moment, puis ils vont mourir ou aller ailleurs. La diversité est nécessaire et il faut y penser.

Il y a des pratiques agricoles. Nous avons des connaissances à ce sujet.

Pour revenir aux ennemis naturels, nous avons entendu parler de la résistance, et on essaie de sélectionner des individus qui sont résistants aux insecticides nécessaires, de sorte que les ennemis naturels sont moins vulnérables aux insecticides que les parasites. Donc, s'il faut utiliser un insecticide, celui-ci lutte contre les insectes nuisibles, et les ennemis naturels, parce qu'ils peuvent contrecarrer les effets des insecticides, devraient réussir à faire le reste.

• 1010

Il existe des pratiques agricoles. Nous avons entendu parler de la rotation des cultures. C'est une méthode qui fonctionne. Cependant, elle ne fonctionne pas toujours parce qu'il faut se rappeler qu'un insecte peut se déplacer. Un agent pathogène peut se disperser dans l'écosystème. Un insecte qui se trouve à 10 kilomètres peut découvrir en quelques jours que vous pratiquez la rotation des cultures à deux kilomètres de distance. Ils sont remarquables. Ce sont des adversaires de taille, qui sont nombreux et très bien adaptés.

Les cultures mixtes sont une autre méthode possible, comme le travail réduit du sol. En travaillant moins le sol, on limite l'érosion, notamment. Par contre, il faut connaître les habitudes des insectes. En effet, certains insectes préfèrent se poser sur le sol travaillé et cultivé, tandis que d'autres préfèrent un sol comprimé avec un tapis de végétation. Donc, selon l'endroit où vous vous trouvez et les insectes nuisibles que vous avez, cette méthode peut même aggraver le problème. Il faut bien connaître son milieu.

Nous pouvons utiliser des régulateurs de croissance, qui sont en fait des hormones, des hormones de croissance—j'en prends régulièrement avec espoir. Cependant, en fait, ils interviennent dans la mue des insectes. S'il est possible de perturber cette étape de leur évolution, on pourrait s'en débarrasser. Les régulateurs affectent aussi la reproduction. Cependant, il y a beaucoup d'autres invertébrés qui utilisent des hormones de croissance et il faut donc les utiliser avec prudence. Actuellement, leur utilisation est limitée aux cultures de serre.

Je travaille actuellement à l'étude de composés modifiant le comportement. Il s'agit de substances produites naturellement, comme les phéromones. Ce sont des substances chimiques dont se servent les organismes vivants pour obtenir et transmettre des informations—par exemple, un insecte aime les choux et un autre n'aime pas les oignons. Ce sont des messages chimiques et les insectes les reconnaissent.

Il y a des phéromones, par exemple, qui servent à trouver un partenaire. Elles agissent comme un parfum. Nous les utilisons pour concevoir des systèmes de contrôle. C'est au sein de l'espèce, et nous créons des pseudo-femelles pour attirer les papillons nocturnes que j'étudie. On peut s'en servir pour soit les contrôler—et faire de l'épandage quand il y en a beaucoup—soit perturber leur développement.

C'est vraiment une voie à suivre—qui peut inclure les insecticides. Est-ce que la gestion intégrée des parasites fait des miracles? Non, elle n'en fait pas. Elle ne peut en faire parce qu'on a affaire à des organismes vivants. Nous devons les comprendre et les étudier, et ce n'est pas un problème qu'on peut régler une fois pour toutes.

Il faut élaborer des stratégies agricoles—il y a des spécialistes dans ce domaine—qui tiennent compte de l'ensemble de l'exploitation. On gère son exploitation en fonction de la pente, du type de sol, etc. Quelle est la meilleure pratique de rotation, que devrait-on cultiver, quelle culture fixatrice d'azote devrait-on adopter? Ce sont donc des stratégies possibles.

Le dernier élément est l'information publique. Je m'adresse à beaucoup d'enfants parce que je pense que c'est important. Mais on tient tellement à avoir des pommes qui sont esthétiquement belles. C'est absolument incroyable.

Je terminerai en rappelant un souvenir d'enfance que je garde de ma grand-mère qui faisait de délicieuses tartes aux pommes. Je la revois encore couper des pommes dans la cuisine, et enlever la pyrale de la pomme. La tarte était très bonne. Elle n'avait qu'à enlever un petit morceau de la pomme avec son couteau.

Si on pouvait changer les mentalités, on pourrait avoir une agriculture durable qui soit sociologiquement, économiquement et biologiquement durable. Merci.

Le président: Merci beaucoup monsieur McNeil.

[Français]

Je donne la parole à Mme Alarie, qui sera suivie de M. Lincoln et de M. Reed.

Mme Hélène Alarie (Louis-Hébert, BQ): Je vous remercie d'être ici. En fait, vous prêchez à une convertie. Vous n'avez pas grand mérite avec moi ce matin.

Cela me fait plaisir de rappeler que j'ai été éduquée par un père qui était professeur à la même université que M. McNeil et qui a initié le Québec au compost. Dans les années 1950, il ne passait pas pour un visionnaire, mais pour un illuminé. Donc, j'ai vécu les hauts et les bas des dogmes et de la culture biologique pendant presque toute ma vie, et c'est pour cela que je suis très sensibilisée au sujet dont nous discutons ce matin.

J'aimerais maintenant poser une question à M. Graff. Je serai moins prudente que M. McNeil. Je vais parler des organismes génétiquement modifiés parce que cela me tracasse beaucoup par les temps qui courent.

• 1015

Vous dites que vous avez maintenant une accréditation, qui est assez récente, avec toutes les normes qui ont été acceptées. Ces normes biologiques sont très délicates. Actuellement, les agriculteurs biologiques, qui ont mis énormément de temps à monter leur entreprise, sont constamment menacés quand leurs champs se trouvent à proximité de champs où on cultive des plantes transgéniques. J'aimerais savoir comment vous réagissez à cela. Je pense que c'est une grande menace pour votre accréditation.

[Traduction]

Le président: La question n'a pas trait aux pesticides mais, si vous voulez y répondre, allez-y.

[Français]

Mme Hélène Alarie: Le document du Dr McDonald en parlait justement.

[Traduction]

M. Allen Graff: Je sais que cette réunion porte sur les insectes nuisibles et les pesticides mais, en même temps, cette technologie intègre aussi un pesticide. C'est essentiellement une forme de production avec pesticide implanté. Nous sommes très inquiets à ce sujet parce que la Communauté européenne refuse d'acheter nos produits biologiques à cause de présumés «effets résiduels des OGM» dans les produits.

Essentiellement, nous ne savons pas quoi faire. Si vous cultivez des plantes semblables aux plantes trangéniques cultivées à proximité, tout ce qu'on vous suggère, c'est de retarder l'ensemencement pour avoir une floraison suspendue, ou de ne pas cultiver cette plante. Si des associations agricoles ou des groupes de producteurs n'engagent pas de poursuites, nous ne pouvons rien faire, sauf discuter avec ceux qui sont chargés de la réglementation, comme vous qui nous écoutez actuellement.

[Français]

Mme Hélène Alarie: Oui, madame.

[Traduction]

Mme Eleanor Heise: J'ajouterais que nous aimerions beaucoup qu'il y ait une procédure de notification, selon laquelle un producteur cultivant des plantes trangéniques en avertirait les producteurs biologiques, pour qu'il soit possible de planifier en conséquence.

[Français]

Mme Hélène Alarie: Ma prochaine question s'adresse à M. Stonehouse. J'ai été très étonnée des résultats de l'enquête que vous avez faite. J'aurais fait la même hypothèse que vous, pensant que les fermes biologiques ne sont pas les plus rentables. Donc, les chiffres que vous nous donnez sont très étonnants. Comment peut-on changer la perception des gens? On a un problème de perception vis-à-vis de l'agriculture biologique et des petites fermes. Avez-vous envisagé de régler ce problème de perception?

[Traduction]

M. Peter Stonehouse: J'ai beaucoup réfléchi à cette question. Je vais reprendre un point de vue exprimé par mon savant confrère ici présent, Jeremy McNeil. Il a parlé de la durabilité et de la complexité des procédés utilisés en agriculture biologique et, en fait, de tous nos modes de production alimentaire. Il a parlé de cela.

En agriculture biologique, si on ne peut utiliser de composés chimiques synthétiques comme le font les agriculteurs conventionnels, il faut trouver des solutions de rechange, qui sont extrêmement complexes comme la rotation des cultures, et notamment les cultures d'étouffement et de couverture, qui tiennent le sol en place et brisent le cycle de vie des insectes nuisibles. Il y a aussi les méthodes de travail des sols, le dépistage des mauvais herbes et des insectes, et même des méthodes de contrôle comme le désherbage manuel. C'est extrêmement complexe, et ce n'est pas facile à appliquer.

• 1020

De plus, c'est tellement différent de ce qu'on enseigne aux étudiants dans les collèges agricoles, qui suivent les méthodes conventionnelles de production en vigueur au pays qui n'ont vraiment rien à voir avec l'agriculture biologique. Il n'y a aucun cours sur l'agriculture biologique, qui est écologiquement, économiquement ou sociologiquement viable, à l'Université de Guelph. Nous n'offrons aucun cours là-dessus.

Beaucoup de producteurs qui sortent du collège agricole de Guelph et commencent à pratiquer leur métier se mettent peut-être à se demander, comme Allan Graff le fait, ce qu'ils sont en train de faire. Ne vivons-nous pas dangereusement en utilisant ces composés chimiques?

À qui peuvent-ils demander des conseils s'il n'existe pas d'infrastructure de recherche, d'information et de consultation au Canada? C'est ce que j'ai demandé aux producteurs. Je leur ai demandé ce qu'ils faisaient. Ils m'ont répondu qu'ils traversaient la frontière pour aller au Michigan. Ils vont aux États-Unis parce qu'il n'existe aucun service au Canada pour eux.

Je pense que nous devons commencer par établir une infrastructure de ce genre. Nous n'avons pas besoin de l'argent des contribuables pour cela. C'est une question controversée. Nous n'avons pas besoin de verser d'énormes subventions aux agriculteurs. Je pense, toutefois, qu'on doit commencer à se demander sérieusement s'il n'est pas nécessaire d'établir une infrastructure de recherche, d'information et de consultation qui à tout le moins offre aux producteurs biologiques des renseignements et une aide technique pour qu'ils sachent quoi faire, ce qui fonctionne et ne fonctionne pas et dans quelles circonstances.

[Français]

Le président: Merci, madame Alarie.

Je voudrais signaler à de ceux qui sont ici présents que notre collègue Mme Alarie a été sous-ministre de l'Agriculture au Québec avant d'être élue au fédéral.

Monsieur Lincoln.

[Traduction]

M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.): Je sais que toute la question des subventions agricoles est actuellement étudiée par l'OMC et pourrait devenir un sujet de discussion, mais quelqu'un parmi vous pourrait-il me dire quel est actuellement le modèle européen? Prévoit-il une période de transition pour passer d'un mode de culture à l'autre? Comment détermine-t-on ce qui est une transition efficace de ce qui n'en est pas une? Comment cela fonctionne-t-il?

J'ai une deuxième question à poser sur la commercialisation. Pouvez-vous nous dire comment le marché, les supermarchés, acceptent les produits biologiques? Est-ce une lutte difficile? Quel débouché trouveriez-vous dans les marchés habituels pour y faire entrer votre produit de façon massive si nous devions adopter l'agriculture biologique?

Enfin, monsieur McNeil, pour ce qui est de l'information publique, dont nous avez parlé, quelles mesures aimeriez-vous retrouver dans la nouvelle loi sur les pesticides que le ministère prépare actuellement et qui doit être déposée bientôt?

Le président: J'aimerais bien que vos réponses soient brèves. Qui aimerait commencer?

Madame Heise.

Mme Eleanor Heise: Nous avons étudié la question des subventions dans le monde. Il y a actuellement six pays qui versent des subventions aux agriculteurs conventionnels qui veulent se convertir à la culture biologique. L'Autriche est le pays qui offre le programme le plus élaboré et qui accorde un financement élevé. La transition est d'environ trois ans; c'est une norme internationale.

J'ai discuté récemment, au cours d'une conférence, avec la présidente de la Soil Association britannique—l'équivalent de la Canadian Organic Growers—qui me disait qu'on est très préoccupé, en Grande-Bretagne, parce que beaucoup d'agriculteurs veulent se convertir à la culture biologique et que ce n'est pas facile.

Comme vous l'avez probablement compris aujourd'hui, c'est un mode d'agriculture complexe. Il faut être prêt à régler des problèmes. Il faut être souple. Il faut peut-être davantage tenir compte des forces naturelles que ne le font les agriculteurs conventionnels.

Les Britanniques se préoccupent beaucoup du taux de succès des agriculteurs au moment de la période de transition. Ils étudient le problème, sans toutefois avoir encore trouvé de solution.

Quelqu'un d'autre peut-il parler...?

Le président: Monsieur Stonehouse.

Mme Eleanor Heise: Oui, certainement.

• 1025

M. Peter Stonehouse: D'abord, pour ce qui est des débouchés sur les marchés, je pense que je peux répondre assez facilement à cette question. C'est difficile de trouver de l'espace d'étalage. C'est l'expression utilisée dans les magasins d'alimentation au détail. Zehrs et Loblaws collaborent bien. Ils réservent de la place aux produits biologiques.

Cela dépend de la région du pays où on se trouve; cela varie d'un endroit à l'autre.

C'est une lutte difficile, qui demande beaucoup d'efforts, je pense. Les consommateurs hésitent à payer plus cher pour acheter des produits biologiques. Les détaillants comme Loblaws le savent et n'en achètent donc pas de grandes quantités, sinon leurs ventes baisseraient considérablement.

Pour ce qui est de l'Union européenne, il existe un excellent programme de recherche à l'université Friedrich-Wilhelm de Bonn, ancienne capitale de l'Allemagne. C'est un très bon programme de recherche. Il permet d'offrir aux agriculteurs biologiques l'aide et les conseils que nous ne pouvons offrir au Canada.

Un programme de recherche sera bientôt en place aux États-Unis. C'est le genre de chose que nous devrions faire en premier. Je ne crois pas que nous puissions promouvoir l'idée de la production d'aliments biologiques au Canada à moins de pouvoir offrir de l'assistance, car les agriculteurs vont se demander comment faire cette difficile transition.

Ne nous leurrons pas: elle est difficile. La production biologique part de principes tout à fait différents. Il faut penser en termes holistiques. Il faut tenir autant compte de la vie animale que des cultures dans un système intégré qui vise le plus possible l'autonomie et l'autosuffisance. C'est là que réside la difficulté. Si les tests révèlent que votre sol manque de phosphore, la solution n'est pas d'acheter de l'engrais. Ce genre de chose ne se fait pas. Vous ne tendez pas la main vers la bouteille d'herbicide dès que vous êtes envahi par des plantes nuisibles. Il faut avoir recours à d'autres moyens, sans quoi vous perdez votre accréditation.

C'est le principal obstacle qui empêche de convaincre de nombreux agriculteurs de pratiquer la production biologique. La transition est difficile. Il faut se réoutiller, réapprendre, en l'absence de tout appui structurel.

Actuellement, au sein de l'Union européenne, on offre des subventions permettant de traverser la difficile période de transition de trois ans. La transition se fait sans heurts si vous avez beaucoup d'argent. Aux termes du Programme agricole commun de Bruxelles, l'argent est là. Ils ont les poches pleines d'argent. Ils ont une assiette fiscale de 380 millions d'habitants; c'est la même chose aux États-Unis. Au Canada, ce n'est pas le cas. Je ne crois pas que nous puissions faire beaucoup plus que de la recherche et du conseil en matière d'extension.

Le président: Monsieur Graff, je vous prie.

M. Allen Graff: Les subventions de l'Union européenne sont très élevées par rapport à ce qui se fait ici, en Amérique du Nord.

Je n'ai pas les données exactes, mais d'emblée, je dirais que l'Angleterre verse actuellement aux alentours de 265 livres environ par hectare, L'enveloppe prévue pour trois ans est déjà épuisée. Ils l'ont utilisée dans les six premiers mois, parce que les gens y ont eu recours. Elle était destinée à une conversion directe.

Ailleurs, le modèle est différent. Le programme de subventions sert à encourager une baisse d'utilisation des pesticides. On subventionne les agriculteurs qui retournent sur les bancs d'école pour apprendre à connaître et à utiliser le système, qui est déjà en place. La conversion est certes un peu plus lente, mais elle est tout de même plus étendue et plus rapide que ce qui se fait au Canada.

Pour ce qui est de votre question concernant les supermarchés, les grandes surfaces commencent tout juste à s'intéresser aux produits biologiques. Peter a fait allusion à certains principes. Un des principes de la production biologique est que le point de production soit le plus près possible du point de consommation; en d'autres mots, du champ à l'assiette, il faut que la distance soit très courte. Les grandes chaînes acceptent maintenant de libérer de l'espace sur leurs tablettes pour la production biologique et parlent même de l'accroître. Il existe tout un processus, et c'est-là qu'intervient notre norme, car il faut que chacun soit accrédité, du fermier au distributeur en passant par le transformateur. En bout de ligne, avec l'appui de certaines marques commerciales, cela justifiera de nous accorder de l'espace sur les tablettes. Donc, de ce point de vue-là, l'industrie nord-américaine en est à ses premiers balbutiements, mais elle connaît une croissance extrêmement rapide.

• 1030

Le président: Monsieur Graff, je vous remercie.

Monsieur Reed, si vous voulez bien.

M. Julian Reed (Halton, Lib.): Monsieur le président, quoi que dise le rapport, je tiens à faire savoir officiellement que je vais continuer de consommer de la bière, du fromage et du yaourt, même s'il faut que je continue de les faire moi-même.

Madame Heise, estimez-vous que l'hybridation fait partie du génie génétique ou la placez-vous à part?

Mme Eleanor Heise: Elle ne relève pas du tout de ce domaine. Nous faisons de l'hybridation depuis des années, de même que la sélection qui la précède. Dans les aliments transgéniques, n'oubliez pas que nous parlons de croisements d'espèces. Ceux qui produisent des organismes transgéniques ont tendance à occulter le fait. C'est très différent.

M. Julian Reed: Je suis heureux que nous ayons pu éclaircir ce point, car il règne beaucoup de confusion à cet égard.

Mme Eleanor Heise: Oui. N'oubliez pas que le génie génétique fait des croisements entre espèces.

M. Julian Reed: D'accord. Je vous remercie beaucoup.

Mme Eleanor Heise: Du maïs croisé avec un scorpion.

M. Julian Reed: Monsieur Stonehouse, j'ai étudié l'élevage à Guelph, il y a 43 ans. Je m'étonne des cours qui sont actuellement offerts, car je ne me rappelle pas avoir été dirigé particulièrement vers l'utilisation de produits chimiques ou ce que nous appelons maintenant l'agriculture conventionnelle.

Je me souviens avoir été exposé aux notions fondamentales, et vous vous rappellerez le professeur Bill Ewen, une véritable mine de renseignements et un enseignant hors pair. Il nous a tout appris au sujet de la rotation des cultures et tout le reste et de son importance. Je corresponds encore avec Bob Forshaw, mon prof de nutrition. Toutefois, le genre de cours que nous suivions—il faudrait que je retrouve mes notes de cours—ne mettaient pas l'accent sur les monocultures. On n'insistait pas particulièrement sur la lutte antiparasitaire chimique dans la culture du blé, mais on nous fournissait le plus d'information possible.

Qu'est-il arrivé?

M. Peter Stonehouse: Ah! Si seulement nous pouvions revenir à cette belle époque. C'est tout ce que je demande, qu'on nous permette de donner l'information aux étudiants, à la prochaine génération d'agriculteurs et de transformateurs d'aliments—de manière à ce qu'ils puissent faire des choix éclairés. Nous ne pouvons pas le faire à Guelph, parce que nous n'enseignons qu'un volet de l'agriculture que je vous ai décrit tout à l'heure sous le vocable d'agriculture conventionnelle, la façon dont elle a évolué.

Lorsque vous avez fréquenté l'école de Guelph, vous étiez à la toute pointe d'un virage. Le milieu des années 50 a marqué la fin de la période où l'agriculture était enseignée selon les préceptes du début du siècle de nos grands-pères et arrières-grands-pères, soit comment intégrer la vie animale aux cultures et faire la rotation des cultures pour supprimer les insectes, les plantes nuisibles et ainsi de suite—de manière naturelle, en collaboration avec la nature. C'est là toute l'idée.

La production biologique reprendrait beaucoup de ces préceptes. En fait, elle les reprendrait tous. Elle y intégrerait toutefois des techniques perfectionnées comme la génétique. Nous pouvons utiliser la génétique en agriculture biologique. Cela ne pose pas problème. Ce que nous n'aimons pas, ce sont les intrants chimiques synthétiques, les hormones synthétiques comme la somatotrophine dont l'utilisation au Canada, Dieu merci, n'a pas été recommandée par le comité de l'agriculture.

Ma propre formation remonte à la fin des années 50 et au début des années 60. On commençait alors à faire l'éloge de tous ces produits chimiques synthétiques comme la simazine, l'atrazine et ainsi de suite, qui se vendent pour presque rien aujourd'hui.

Le président: Je crois que M. McNeil aimerait prendre la parole.

• 1035

M. Jeremy McNeil: J'aimerais répondre à la question posée par M. Lincoln au sujet de la sensibilisation du public, mais cette réponse recoupe ce dont il est question ici. Depuis que je suis à Laval, c'est-à-dire depuis 1972, je donne à des agronomes un cours de lutte antiparasitaire intégré qui a toujours été offert. À mon avis, pour être tout à franc, je crois qu'un changement s'impose dans notre système d'enseignement quand les agronomes et les biologistes qui sortent de nos universités ne comprennent pas les principes des systèmes qu'ils sont censés gérer, alors qu'on leur en a décrit les avantages et désavantages.

L'envers de la médaille, bien sûr, c'est que j'ai découvert au fil des ans que la meilleure façon de communiquer avec les parents de mon quartier est de passer par les enfants. C'est un volet de l'information publique que je conçoive aisément, d'aller parler aux enfants dans les écoles. Ils regardent un nombre remarquable d'émissions sur la nature à la télévision, des émissions éducatives, et ce serait un moyen de les orienter.

Pour ma part, je prends la parole devant des groupes de producteurs et des clubs d'horticulture et ainsi de suite afin d'essayer de faire comprendre qu'il existe d'autres moyens. Dans mon propre quartier, j'ai vraiment dit à tous mes voisins que, plutôt que de pulvériser des insecticides, ils pouvaient venir nous consulter, moi ou mon épouse—nous sommes tous deux entomologistes—, et que nous essaierions de trouver un moyen de les débarrasser des insectes nuisibles sans avoir recours aux insecticides.

Le mouvement viendra en partie de la base, mais il existe des moyens, par exemple de passer par les écoles

[Français]

d'innover dans les écoles, etc. où

[Traduction]

on peut vraiment faire passer le message. Cependant, en toute franchise, j'avoue être un peu horrifié d'apprendre qu'il existe des universités dont les facultés d'agriculture n'offrent pas de cours de production biologique et ainsi de suite.

Le président: Monsieur Graff, si vous voulez bien être bref, je vous prie.

M. Allen Graff: En réponse à une question que vous avez posée au sujet de votre formation, dans ma recherche en tant qu'agriculteur, j'ai eu à lire des rapports et d'autres documents datant essentiellement de 1959, de 1956 et même d'années antérieures pour la plupart, pour trouver des renseignements de base sur la production biologique—des applications de l'étude des sols que je peux utiliser en production biologique.

Il y en a plus récemment, peut-être parce que c'est plus à la mode d'avoir un programme de recherche sur la production biologique ou durable. Ce que je trouve frustrant, toutefois, c'est que nous possédons déjà la réponse aux questions posées dans les programmes de recherche en cours actuellement, du moins dans ceux dont je suis au courant.

Il reste tant à apprendre. Cela me semble autrement plus intéressant. J'appuierais cet aspect, plutôt que ce qui a déjà été fait. Je sais qu'il existe des personnes qui font de la recherche statistique dans des publications antérieures de recherche, entre autres, avant de passer à autre chose. Je crois qu'il s'agirait là d'une pratique beaucoup plus durable que ce nous faisons actuellement, soit tenter de faire la preuve de ce qui a déjà été démontré.

Le président: Monsieur Graff, je vous remercie.

Je cède maintenant la parole à M. Jordan, qui sera suivi de M. Herron, de M. Jaffer et de la présidence.

Monsieur Jordan.

M. Joe Jordan (Leeds—Grenville, Lib.): Je tiens à remercier les membres du panel. Je suis d'accord avec ce qui s'est dit et je suis conscient également que la solution est très complexe et qu'elle viendra de diverses sources.

Je me demande simplement, monsieur Stonehouse—et je ne parle pas à la blague... Votre étude, dans laquelle vous comparez les coûts et les marges, est une pièce maîtresse, car je crois que vous avez mentionné le fait que vous avez démontré la fausseté de votre propre hypothèse. Je viens d'un milieu rural. Je n'ai jamais entendu de fermier avouer qu'il faisait un profit. Je me demande donc comment vous avez réuni ces renseignements.

M. Peter Stonehouse: Nous avons interrogé avec soin l'agriculteur en utilisant des questions établies très minutieusement avec...

M. Joe Jordan: Cependant, vous êtes sûr d'avoir de bonnes réponses, je suppose.

M. Peter Stonehouse: Oh, oui!

M. Joe Jordan: D'accord. Je vais mettre la théorie de côté pour l'instant. Ce que j'entends en règle générale, c'est que, contrairement à ce qu'on aurait pu croire, la production biologique se traduit en bout de ligne par une marge de profit plus élevée. Toutefois, le produit se vend plus cher, de sorte qu'une partie de cette marge de profit vient de cette cherté.

M. Peter Stonehouse: C'est juste.

M. Joe Jordan: Quel pourcentage du prix du produit fini, de la marge accrue, pourrions-nous éliminer grâce à des économies d'échelle si plus de gens pratiquaient la production biologique ou si nous avions des systèmes de distribution mieux informés des produits? Je suppose qu'en fin de compte, vous dites que les producteurs biologiques peuvent faire plus, mais, s'il s'agit simplement d'exiger un prix plus fort, nous ne sommes guère avancés.

• 1040

Y aurait-il moyen d'abaisser le prix à un niveau concurrentiel? De combien est la différence? Quelle est la différence de prix entre un légume biologique et le légume ordinaire? Quant à faire valoir l'argument économique, il est toujours merveilleux de pouvoir le faire, mais à quel point se défend-il? Si nous vendions le légume biologique au même prix que l'autre, à quel point faudrait-il compenser à la ferme? Je suppose que c'est ce que je veux savoir.

M. Peter Stonehouse: Eh bien! Vous venez d'ouvrir là toute une boîte de Pandore.

Commençons par répondre à la question la plus facile. L'écart de prix au détail, dans un supermarché comme Safeway, varie de 5 à 50 p. 100, selon le produit visé et la région du pays où vous vous trouvez.

J'aimerais également dire—car je n'ai pas eu la possibilité de le faire au cours de mon exposé—que ce n'est pas uniquement en raison de la différence de prix que l'agriculture biologique est plus rentable. Nous avons fait une petite expérience et avons rabaissé les prix de l'agriculture biologique à ceux de l'agriculture conventionnelle et c'est toujours l'agriculture biologique qui était plus rentable. Pourquoi? Parce que les coûts de production sont plus bas. C'est ce qui explique tout. Les coûts que doivent supporter les producteurs biologiques sont moins élevés. Supposons que les 270 000 agriculteurs de notre pays soient tous des agriculteurs biologiques. Il serait inutile de les subventionner, contrairement aux Américains pour ce qui est des coûts de production.

Comment donc régler ce problème de fixation des prix, etc., par rapport aux coûts de production? Oui, si tous nos agriculteurs pouvaient être convaincus de devenir biologiques, les prix baisseraient en quelque sorte pour se rapprocher des prix conventionnels. Je pense toutefois qu'il y aurait toujours un point de référence de base sur la scène internationale. Nous nous ouvrons de plus en plus à la concurrence internationale, si bien que le point de référence de base équivaudrait au prix de vente des produits biologiques en Europe et aux États-Unis. Toutefois, on arriverait à une certaine convergence si tous nos agriculteurs devenaient des producteurs biologiques.

Le président: M. McNeil et M. Graff, s'ils veulent bien répondre également.

M. Jeremy McNeil: Cela a trait à l'économie.

Il y a un marché là où je passe mon année sabbatique et on y retrouve une boucherie et un magasin de légumes qui vendent de la viande et des légumes biologiques. De toute évidence, c'est une option viable; toutefois, j'ai remarqué que les prix sont de 25 à 40 p. 100 plus élevés que les magasins d'à côté. J'ai également observé qui fréquente ces magasins et je pense qu'il faut être très réaliste et reconnaître que c'est le gratin.

Compte tenu du système actuel, tant que l'agriculture biologique ne sera pas plus courante, elle exclura certaines personnes. Je crois qu'il faut être réaliste à ce sujet—je le vois sur le marché maintenant—mais je suis toujours convaincu qu'avec les outils disponibles et ceux qui peuvent être mis au point, cette différence peut s'estomper.

Le président: Monsieur Graff, s'il vous plaît.

M. Allen Graff: Merci.

La différence de prix est assez considérable et j'aimerais faire mention... Je reviens d'une réunion de la Commission canadienne du blé à laquelle a participé John Lister qui travaille dans une minoterie en Angleterre; selon lui, ce n'est pas le gratin, mais plutôt des étudiants qui ont très peu de source de revenu, des gens de moins de 37 ans, dont la plupart n'ont qu'un seul revenu familial, qui se situe en général dans la moyenne. Ce sont ses conclusions.

Deux raisons expliquent la différence de prix. La première, c'est le concept au sein même de l'industrie biologique voulant que l'agriculteur doive bénéficier d'un rendement de son investissement. L'un des coûts, c'est la certification, l'autre, c'est la production. De ce point de vue, le prix ne peut être que plus élevé.

Je sais que je m'aventure sur un terrain glissant, mais l'autre facteur, c'est qu'il y a certainement une différence nutritionnelle. Lorsque vous achetez des aliments biologiques, vous devez avoir la garantie qu'il s'agit de produits d'une qualité donnée. De ce point de vue, ces aliments renferment une plus grande quantité de minéraux et de nutriments—je peux vous donner un exemple.

• 1045

Je suis éleveur de bovins de race Angus, lesquels sont visés par un programme d'évaluation génétique. Tout ce qui va dans le parc d'engraissement est mesuré à la sortie. Lorsque je me suis converti, je leur ai donné la même quantité de grains; il s'agissait des mêmes bovins et les hivers étaient à peu près les mêmes—je parle du milieu des années 80. Lorsque j'ai commencé à leur donner des grains biologiques, je me suis aperçu que je pouvais leur en donner 15 p. 100 de moins pour arriver au même indice de conversion. Par conséquent, je peux utiliser moins de grains et obtenir le même résultat pour le même poids de boeuf de qualité. Les réactions en chaîne sont auto-entretenues et cela finit par revenir moins cher au consommateur. Au bout du compte, il est donc moins coûteux de poursuivre le programme biologique.

Le président: Joe, très rapidement, s'il vous plaît.

M. Joe Jordan: Je suis peut-être sur un terrain glissant également, mais j'imagine que l'un des problèmes, ce n'est pas tant que vos produits soient trop chers, mais c'est que les prix des produits conventionnels ne tiennent pas compte de tous les coûts.

Mme Eleanor Heise: Les coûts environnementaux, notamment.

M. Joe Jordan: Exactement.

J'ai un autre point rapide à soulever, monsieur le président.

Je pense que la conjoncture est favorable vu que, si l'on prend comme exemple ma circonscription de Leeds—Grenville, on s'aperçoit que les agriculteurs sont âgés d'environ 58 ans et qu'ils vont bientôt transmettre leurs exploitations à leurs enfants; le moment est peut-être venu de prévoir des programmes qui leur sont utiles. Dans de nombreux cas, ces nouveaux agriculteurs ont besoin de financement et peut-être pourrions-nous le leur accorder à la condition qu'ils fassent des études dans ce domaine.

Le président: Merci, monsieur Jordan, vous me faites un plaisir fou.

M. Herron, M. Jaffer et le président.

M. John Herron (Fundy—Royal, PC): Merci, monsieur le président.

Pour ce qui est du financement économique, il arrive parfois que nous devenions un peu nerveux lorsque nous commençons à parler de subventions supplémentaires dans notre société. J'ai été quelque peu rassuré d'entendre que l'on devrait financer davantage la R et D, que l'on devrait se placer davantage dans une perspective de défense des intérêts plutôt que dans celle d'un transfert de fonds.

J'aimerais ramener le débat sur les questions de santé, puisque la Loi sur les pesticides est une loi présentée par le ministère de la Santé. Ce qui nous préoccupe au sujet des pesticides, ce sont les questions de santé si bien que je vais essayer de ramener le débat sur cette voie.

Les observations faites au sujet de l'utilisation des pesticides dans les villes sont certainement inquiétantes. En règle générale, il ressort de nos discussions que les solutions chimiques et le recours aux pesticides ont un rôle à jouer dans notre actuelle structure agraire.

Mme Eleanor Heise: Deux d'entre nous pourraient bien contester une telle affirmation.

M. John Herron: C'est possible.

Ceci étant dit, j'ai deux questions à poser. Pour ce qui est de l'éducation, chaque fois que j'achète des produits pour mes cultures, je dépense de l'argent. Si je suis agriculteur, je ne veux pas dépenser. Pour ce qui est de nos programmes d'éducation dans nos écoles d'agriculture, dans quelle mesure encourageons-nous les agriculteurs à utiliser moins de produits?

La deuxième partie de ma question porte sur le fait que la Loi sur les pesticides n'exige même pas de fiche signalétique de sécurité de produit. Tient-on compte en fait de la santé des agriculteurs qui vont vivre dans ces exploitations, qui vont y élever leurs enfants—s'inquiète-t-on de leur exposition aux pesticides? Les programmes d'éducation de nos universités parlent-ils de la santé dans le domaine des pesticides?

Le président: Pouvez-vous répondre, monsieur McNeil?

M. Jeremy McNeil: De toute évidence, lorsque nous parlons de gestion intégrée des parasites dans les cours, nous parlons également des options qui sont offertes, des avantages et des inconvénients. Bien sûr, les questions de santé sont envisagées, tout comme les questions écologiques, pour lesquelles il est beaucoup plus difficile de préciser les coûts.

Donc, les questions de santé sont examinées et c'est extrêmement important de notre point de vue. Par contre, il faut être très prudent lorsqu'on en parle, car il faut être très bien documenté.

• 1050

Je suis désolé, mais je ne suis pas du tout d'accord avec vous lorsque vous parlez des 18 fils qui sont tous morts du cancer. Le bagage génétique joue certainement un rôle très important et de là à dire que c'est à cause des insecticides...

Mme Eleanor Heise: La mère est toujours en vie.

M. Jeremy McNeil: Oui, je sais, mais le père a également une influence. Tout ce que je veux dire, c'est que vous citez cet exemple en disant «18 enfants sont morts à cause de l'utilisation d'insecticides», alors qu'en fait, ils sont tous morts du cancer. Je ne dis pas que cela n'a aucun rapport avec les insecticides, je dis que vous n'avez pas de preuve scientifique à cet égard. C'est l'un des graves problèmes reliés aux plantes transgéniques, etc.

Il y a aussi le problème qui s'est récemment posé au sujet de l'expérience sur les souris. Beaucoup de gens ne sont pas contre la recherche, mais s'opposent simplement à son coût. Le protocole scientifique utilisé pour cette expérience sur les souris n'était pas parfait, mais on en a beaucoup parlé dans les médias. Ce dont nous avons besoin pour l'éducation du public également, c'est l'intervention d'une personne comme le Prince Charles qui défend merveilleusement la cause de l'agriculture biologique en Angleterre.

Le président: Merci, monsieur Herron.

Monsieur Jaffer, s'il vous plaît.

M. Rahim Jaffer (Edmonton—Strathcona, Réf.): J'aimerais remercier tous les témoins pour leur exposé d'aujourd'hui.

Ma question fait suite à celle de M. Jordan sur la réalité économique qui nous inciterait à encourager plus d'agriculteurs à faire de l'agriculture biologique. J'aimerais bien savoir ce que M. Stonehouse et M. Graff—ou tout autre intervenant—ont à dire à ce sujet.

Si je comprends bien, lorsqu'on a essayé d'encourager les agriculteurs à opter pour d'autres méthodes comme l'agriculture biologique, il me semble que beaucoup de ceux qui s'y sont intéressés n'ont bénéficié que peu d'appui du gouvernement, voire pas du tout. Si je comprends bien, les coûts peuvent être peu élevés et les marges de profit peuvent être assez importantes.

Je me demande simplement pourquoi il n'y a pas eu plus de gens qui se soient intéressés à ce genre d'agriculture, alors qu'elle offre autant d'avantages. Quels facteurs externes l'expliquent-ils? Est-ce la qualité du produit final? Est-ce à cause des subventions accordées à l'agriculture conventionnelle? J'aimerais savoir pourquoi il n'y a pas eu plus d'agriculteurs qui aient opté pour ce genre d'agriculture, vu que normalement les avantages offerts auraient suffit pour les inciter à le faire.

M. Peter Stonehouse: Tout d'abord, le système d'éducation n'encourage pas le recours à des techniques biologiques, comme cela l'a été dit. Pour bien faire connaître ce type d'agriculture, il faut permettre la R-D et proposer de bons programmes d'éducation dans le domaine de l'agriculture biologique dans tout le pays.

Deuxièmement, il est coûteux en termes de temps et de prise de risques de passer de l'agriculture conventionnelle à l'agriculture biologique. Il n'est pas facile d'abandonner l'agriculture conventionnelle; c'est comme si l'on voulait s'arrêter de fumer, si vous voulez. Il est beaucoup plus facile de dire que l'on ne va pas se servir de produits chimiques que de ne pas s'en servir effectivement.

Nous n'avons rien qui puisse encourager les agriculteurs à faire ce changement. Ils sont bien informés et si on leur fait comprendre que les risques ne sont pas vraiment aussi grands lorsque l'on sait ce que l'on fait, beaucoup plus d'entre eux passeront de l'agriculture conventionnelle à l'agriculture biologique.

La meilleure façon de procéder, je pense, c'est de mettre l'accent sur le processus d'éducation. Il suffit de sensibiliser les agriculteurs à cette question lorsqu'ils font leurs études au Collège d'agriculture de l'Ontario, par exemple.

Sur une note positive, je peux vous dire qu'au Collège d'agriculture à Guelph, nous privilégions de plus en plus la méthode qui consiste à utiliser moins de produits. Il n'y a rien sur l'agriculture biologique, c'est un fait, mais nous faisons tout pour bien montrer les répercussions sur la santé et les autres conséquences éventuelles—je pèse mes mots—ainsi que les détriments environnementaux et écologiques dont il faut tenir compte.

En résumé, nous disons qu'il vaut mieux diminuer la quantité de produits chimiques synthétiques. Nous en sommes à la moitié du chemin.

M. Rahim Jaffer: Absolument.

J'aimerais savoir, monsieur Graff, le genre de préoccupations ou d'expériences que vous avez dans ce domaine, car en Alberta, d'où je viens également, les agriculteurs sont assez nombreux. Quelle réaction vos collègues de l'agriculture conventionnelle ont-ils manifesté à votre égard?

M. Allen Graff: C'est exactement ce dont j'allais parler en réponse à vos premières questions.

Puis-je revenir à mon point de départ? Socialement, la réaction a été très négative. Beaucoup des amis que j'avais à l'époque jouaient un rôle très important dans la diffusion de l'information provenant du secteur agricole. J'ai perdu des amis; personne ne veut perdre ses amis, mais lorsque vous rendez visite à vos amis et que vous ne pouvez leur parler que du temps et de vos méthodes d'agriculture qui sont complètement différentes des leurs, il est évident que la discussion dégénère et que vous pouvez vous fâcher.

• 1055

Lorsque j'ai fait de la recherche sur les diverses techniques qui m'intéressaient pour mon exploitation agricole, mes amis ont de nouveau eu la même réaction négative: «Tu ne vas jamais y arriver, les mauvaises herbes vont t'envahir et les insectes vont tout engloutir.» Autre chose assez intéressante, on me demandait: «Où sont tes chevaux?» Soit dit en passant, j'ai des machines agricoles de luxe.

Je dirais que c'est parce que le système d'éducation et parce que ceux qui se chargent de la diffusion de l'information appartiennent à ce que les agriculteurs biologiques appellent la culture chimique que les agriculteurs ne se précipitent pas sur ce genre d'agriculture.

Mes voisins se sont certainement posé des questions. J'ai la chance depuis 17 ans de pouvoir récolter mes produits. Ils me voient à l'oeuvre; j'ai un tracteur, comme eux, j'ai un cultivateur, comme eux, mais mes techniques sont différentes au niveau du sol. J'enfouis des engrais verts et j'adopte d'autres pratiques culturales qui leur sont certainement étrangères. Il reste toutefois que de leur point de vue, je ne suis tout simplement pas un bon agriculteur.

Ce qui dérange le plus ces gens-là, c'est que mon produit me rapporte plus. Ils ne semblent pas comprendre que cet avantage est le fruit de tout un processus. On peut parler de jalousie ou d'envie—j'en ai aussi fait l'objet. Par conséquent, dans un tel contexte, il faut être fort de caractère, pouvoir se défendre envers et contre tous et être en mesure de chercher soi-même l'information dont on a besoin.

Aujourd'hui, comme je le disais plus tôt, il semble que les programmes de recherche sur l'agriculture biologique ou durable soient à la mode. À mon avis, plus cette façon de faire sera encouragée, plus nombreux seront ceux qui feront de l'agriculture biologique, surtout lorsqu'ils s'apercevront de la rentabilité d'un tel procédé.

Le président: Merci.

Mme Catterall, puis le président.

Mme Marlene Catterall (Ottawa-Ouest—Nepean, Lib.): Au chapitre des attitudes—ce qui fait parfaitement la transition qu'il me faut—il me semble que l'attitude de la collectivité joue un très grand rôle pour ce qui est de la présence des produits biologiques sur le marché. Lorsque je vais à Vancouver, la plupart des gros supermarchés offrent un choix quasiment complet de produits. Ce n'est pas la même chose à Ottawa.

Je me demande si vous savez comment nous pourrions changer les attitudes de la collectivité—je parle des représentants du gouvernement ou des représentants de l'opposition dans le cas des députés de l'autre côté de la table, ainsi que de vous-mêmes, les spécialistes du domaine. Que faut-il faire à cet égard?

Vous avez dit une seule question; je n'en ai pas d'autre.

M. Allen Graff: Il y a aujourd'hui beaucoup de labels certifiant que les produits en question sont des produits biologiques. Comme vous le savez, nous avons une norme au Canada et le Conseil consultatif canadien de la production biologique prépare un système de certification. Lorsque nous aurons conçu un label de certification, que nous pourrons en faire la publicité comme dans le cas de plusieurs autres labels englobés dans le même système, et que nous serons en mesure d'éduquer le public quant à la valeur de ce label, le consommateur aura la garantie qu'il s'agit véritablement d'un produit biologique.

Je crois qu'avec un tel label et compte tenu des autres valeurs qui seront indiquées, comme les valeurs nutritives et autres sur lesquelles nous travaillons, le consommateur sera plus sensibilisé et comprendra davantage pourquoi les produits biologiques coûtent plus cher.

Le président: Monsieur McNeil.

• 1100

M. Jeremy McNeil: Lorsque l'on cherche à persuader les agriculteurs d'adopter des méthodes autres que celles qui consistent à pulvériser des produits chimiques sur tout ce qui bouge, on se rend compte que certains d'entre eux sont très influents dans leur milieu et on s'efforce alors d'essayer de leur faire voir les choses sous un autre jour. Ce qui est surprenant, c'est que les autres se disent alors: «C'est un agriculteur, un homme d'affaires qui a parfaitement réussi et il se met à changer de méthodes; il ne prendrait pas un tel risque si cela ne marchait pas.» Cela a donc un effet sur les autres.

Nous devons donc, en tant que scientifiques, essayer de trouver la meilleure façon de les convaincre. Quand vous leur dites, au début, «les guêpes peuvent vous être utiles», ou «utilisez du phéromone», ils vous regardent et répondent, «voyons, il est plus facile d'avoir recours à la pulvérisation», comme l'a mentionné mon collègue.

Le président: Monsieur Stonehouse, brièvement.

M. Peter Stonehouse: À mon avis, il faut surtout éviter de subventionner directement l'industrie de produits biologiques, surtout qu'elle en est encore à ses débuts. Il faut mettre l'accent sur la sensibilisation, la R-D, accroître notre savoir. Nous devons améliorer notre base de connaissances. Nous pourrons ensuite dire à la nouvelle génération d'agriculteurs, par le biais de programmes de sensibilisation, que cette méthode est plus efficace, ou que cette méthode alternative est rentable ou plus rentable.

Il ne faut pas, pour l'instant, faire comme l'Union européenne et subventionner directement les agriculteurs. Ce serait prématuré de notre part, parce que nous ne possédons pas encore cette base de connaissances. On commence à peine—il faut l'admettre—à faire des recherches dans ce domaine au Canada. On fait beaucoup plus à l'étranger. Il y a peu de recherches qui sont menées au Canada et il faut intensifier nos efforts.

Le président: Madame Heise.

Mme Eleanor Heise: J'ai oublié de mentionner, quand j'ai présenté mon exposé, que le gouvernement finance l'industrie de la biotechnologie, par l'entremise de nombreux ministères, à hauteur d'au moins 400 millions de dollars par année—et il est très difficile d'obtenir des chiffres précis. Quant à l'agriculture durable, on lui accorde moins de un million de dollars par année. Nous devrions peut-être diriger une partie de ces fonds vers un modèle d'agriculture plus durable.

Le président: Merci, madame Catterall.

Notre temps est écoulé, mais monsieur Stonehouse, pouvez-vous nous dire rapidement quels mécanismes nous devrions mettre en place pour développer un marché d'exportation viable pour les produits biologiques?

M. Peter Stonehouse: Nous devons établir des normes, monsieur le président, ce qui constitue un point de départ logique, pour que les gens à l'étranger sachent qu'ils achètent des produits biologiques certifiés. Il nous faut donc des normes. Nous devons ensuite encourager la production de produits biologiques. Si je me fie aux quelques données qui existent, il y a, en Europe notamment, un important marché que nous ne pouvons desservir parce que notre volume de production est trop faible.

Le président: Pouvez-vous être un peu plus précis? Dans quel domaine, par exemple?

M. Peter Stonehouse: Je pense à l'épeautre, par exemple, une céréale qui sert...

Une voix: Le soya.

M. Peter Stonehouse: Le soya est un autre exemple, et le colza aussi. Si nous arrivions à accroître notre production de façon soutenue, à avoir des fournisseurs plus fiables... parce que nous sommes en mesure de répondre à la demande du marché étranger. Nous pouvons, par exemple, encourager la production biologique dans ce pays en faisant valoir le fait que les méthodes conventionnelles ne sont pas rentables.

Il y a une question que j'aime bien poser aux étudiants qui suivent des cours de gestion agricole à Guelph. La question est la suivante: combien d'entre vous connaissent un agriculteur, un voisin, ou même un membre de votre famille qui pratique l'agriculture et qui est en difficulté financière? Tous dans la classe lèvent la main. D'accord, merci beaucoup. Maintenant combien d'entre vous connaissent un fabricant ou un fournisseur de pesticides agrochimiques qui est en difficulté financière?

• 1105

Des voix? Oh, oh!

M. Peter Stonehouse: Tous se retournent pour voir s'il y a des mains levées, sauf que, bien entendu, il n'y en a pas. Donc, en utilisant ces produits synthétiques, vous enrichissez, en tant qu'agriculteurs, les fabricants.

Ce qui m'amène au point suivant: pourquoi le collège agricole de Guelph s'attache-t-il à défendre les méthodes dites conventionnelles? Parce que se sont les fabricants de produits chimiques synthétiques qui financent une grande partie des travaux de R-D dans le secteur agricole en Ontario. Par conséquent, l'industrie de produits biologiques ne peut soutenir la concurrence. Quand, en tant que chercheur, je demande à ces personnes, «pouvez-vous me fournir des fonds pour que je puisse poursuivre mes recherches?» Ils me répondent, «Non, nous n'en avons pas». Et le gouvernement, lui, ne fait pas grand chose. C'est plutôt triste comme situation.

Le président: Pour terminer, monsieur Stonehouse, avez-vous des commentaires à faire au sujet de l'attitude que devrait adopter la Commission canadienne du blé à l'égard de l'agriculture biologique?

M. Peter Stonehouse: Eh bien, il serait bon qu'une agence comme celle-là s'attache à promouvoir l'agriculture biologique, du moins à commercialiser—en tant que distributeur exclusif—le blé produit au pays, peu importe la façon dont il est cultivé. Je pense que si le produit biologique est bien étiqueté et identifié... ce serait une très bonne chose si la CCB appuyait le système de production biologique.

Le président: Monsieur Graff, brièvement.

M. Allen Graff: La Commission canadienne du blé est en train d'identifier les distributeurs. J'ai assisté, l'autre jour, à un colloque organisé par la Commission qui portait sur la place des produits biologiques dans le marché. Elle est en train d'informer ses clients à l'étranger que nous produisons du grain biologique.

Pour ce qui est de savoir si elle peut agir comme agence de commercialisation, non, je ne crois pas que cela va se produire, car elle ne connaît pas le prix du grain, elle ne peut justifier le prix demandé, et elle n'a pas accès à un compte de mise en commun pour le grain biologique. Toutefois, il existe un mécanisme de rachat en vertu duquel les producteurs biologiques rachètent le grain qu'ils produisent de la Commission canadienne du blé, et ensuite le revendent à leurs clients à l'étranger ou dans l'Est canadien. Cela nous permet de participer de manière générale au compte de mise en commun et de continuer de vendre notre produit au prix fort.

Le président: Merci.

Nous allons maintenant lever la séance. Au nom des membres du comité, je tiens à vous remercier d'être venus nous rencontrer. La discussion a été fort utile.

La séance est levée.