ENVI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON ENVIRONMENT AND SUSTAINABLE DEVELOPMENT
COMITÉ PERMANENT DE L'ENVIRONNEMENT ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 26 septembre 2000
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan (York-Nord, Lib.)): La séance est ouverte.
Je tiens à souhaiter la bienvenue à tous ceux qui sont présents ici ce soir, à nos membres du comité ainsi qu'à nos témoins.
• 1945
Avant de commencer, j'aimerais vous parler du processus que
nous allons suivre ce soir. Nous tenons une réunion spéciale du
Comité permanent de l'environnement et du développement durable.
Or, jeudi dernier, le comité a adopté deux motions. La première
presse le ministre de l'Environnement de tenir une évaluation
environnementale complète de la proposition de créer une décharge
dans la mine Adams. La seconde demande au Comité permanent de
l'environnement et du développement durable de tenir une séance
publique avec témoignages avant le 29 septembre 2000, au sujet du
projet de site d'enfouissement envisagé sur le site de la mine
Adams dans la région du Témiscamingue en Ontario.
Je vous rappelle que la réunion de ce soir est une séance d'information. Elle permet aux députés d'entendre des témoignages pour et contre le projet afin que nous soyons mieux renseignés. Ces consultations sont d'ailleurs l'un des aspects les plus merveilleux du processus parlementaire et de la démocratie. En tant que députés du Parlement canadien, nous pouvons en effet convoquer des témoins devant les comités permanents afin que nous soyons en mesure d'exprimer non seulement la volonté de nos électeurs mais aussi celle de la population du Canada.
Le dossier dont nous sommes saisis ce soir a déjà provoqué des réactions très vives des deux côtés. Je tiens à rappeler à nos membres, aux membres de notre comité s'entend, que la réunion leur permettra de se renseigner sur les faits et sur les tenants et les aboutissants de la question elle-même. Je prie donc mes collègues d'éviter les longs discours politiciens à ce sujet. Je les encourage au contraire à poser des questions aux témoins. Je préciserai les règles à suivre et rappellerai les intervenants à l'ordre s'ils dépassent leur temps de parole, et de la façon la plus stricte. Notre greffier a d'ailleurs un chronomètre, il faudra donc que nous soyons très attentifs.
• 1950
Avant d'entendre notre premier groupe de témoins, je précise
que chacun aura cinq minutes pour un exposé, et chaque membre du
comité aura cinq minutes pour poser des questions. Il n'y aura
qu'un tour de questions. Comme à notre habitude, nous entendrons
d'abord les questions de l'opposition. Les représentants de chaque
parti d'opposition poseront donc une question, à savoir le
représentant réformiste, celui du Bloc, du NPD et des Progressistes
Conservateurs. Ensuite, nous permettrons aux députés du Parti
ministériel de poser quatre questions, s'ils sont quatre, ou trois,
enfin au fur et à mesure que les Libéraux arriveront. Après cela,
nous alternerons entre une question de l'opposition et une question
du Parti gouvernemental. Je le répète, il n'y aura qu'un tour de
table ce soir. Les cinq minutes qui vous sont allouées en temps de
parole comprennent aussi les réponses des témoins. J'espère qu'on
permettra aux témoins de bien répondre à vos questions.
J'aimerais maintenant vous présenter M. Paul Bernier, de l'Agence canadienne d'évaluation environnementale. M. Bernier sera au côté de tous les groupes de témoins ce soir. Je vous félicite monsieur car la soirée sera longue. M. Bernier est des nôtres pour répondre aux questions que les membres voudront lui poser sur la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale et l'Agence par rapport à ce projet précis.
Je vais maintenant vous présenter les témoins du premier groupe, mais auparavant je demanderai aux membres et aux témoins de bien s'en tenir à notre ordre du jour car nous allons le suivre. Cela dit, nous accueillons du canton de Harris, M. Martin Auger; de la municipalité régionale du comté de Témiscamingue au Québec, M. Fidel Baril; de la ville de Toronto, M. l'échevin Saundercook, et je crois d'ailleurs que ce dernier va inviter M. Michael Garrett, son directeur municipal, à partager son temps de parole; enfin, du canton de Larder Lake, en Ontario, nous souhaitons la bienvenue à Mme Joanne Thompson, qui en est le préfet.
Bienvenue à tous. Nous allons commencer par entendre les représentants du canton de Harris.
M. Martin Auger (préfet, canton de Harris): Merci, madame la présidente et mesdames et messieurs les membres du comité. Je vous suis reconnaissant de me donner la parole aujourd'hui. Je m'appelle Martin Auger, et je représente ce soir 19 municipalités du Témiscamingue.
J'aimerais vous éclairer au sujet de la controverse entourant l'utilisation de l'expression «hôte de plein gré», c'est-à-dire vous préciser en quoi consiste un «hôte de plein gré». Le canton de Boston, où est située la mine Adams, n'est pas une municipalité au sens stricte. Cela signifie que le canton est administré par la province et qu'il n'a pas le pour de se dire hôte de plein gré.
Selon un sondage Oracle sur le projet de la mine Adams préparé pour M. David Ramsay, député de Témiscamingue—Cochrane à l'Assemblée législative provinciale, une majorité non équivoque, c'est-à-dire 62 p. 100 des répondants de la région nord du Témiscamingue, qui comprend Kirkland Lake, Larder Lake et Englehart, s'opposaient au projet de la mine Adams. À noter également qu'en 1997, lors des élections municipales de Kirkland Lake, M. Richard Denton, qui se présentait à la mairie en s'opposant vivement au site d'enfouissement de la mine Adams, l'a emporté haut la main sur ses adversaires. À l'heure actuelle, la liste des candidats aux élections municipales de cet automne comprend dans chaque camp des adversaires du projet de la mine Adams.
Récemment, les citoyens de Larder Lake ont signé une pétition s'opposant très vivement au même projet. Il y a environ cinq ans, selon un sondage effectué à Larder Lake, 95 p. 100 des répondants étaient contre le projet, et à son tour, Larder Lake aura une liste de candidats aux prochaines élections municipales qui comprend dans chaque camps des adversaires du site d'enfouissement de la mine Adams.
• 1955
Il y a quelques semaines, le Révérend Shute d'Englehart a
effectué un mini référendum, et 95 p. 100 des personnes interrogées
étaient contre le projet de la mine Adams. Dans la partie sud de la
région du Témiscamingue, c'était 86 p. 100 des répondants qui
étaient contre le même projet selon le sondage Oracle. On fait
aussi présentement circuler des pétitions dans diverses parties de
la région du Témiscamingue, et elles indiquent une opposition d'au
moins 95 p. 100 au projet de la mine Adams. Pouvons-nous faire fi
de ces chiffres et tenir pour acquis que le Témiscamingue est un
hôte de plein gré? Certainement pas.
L'essentiel dans ce dossier, c'est que la décision relative à la mine Adams devrait relever du district, c'est-à-dire d'une majorité des 26 municipalités et de la centaine de municipalités non constituées, car en démocratie, on ne devrait pas s'en remettre à la décision de trois conseils qui demeurent sourds aux préoccupations exprimées par leurs propres contribuables.
Il me paraît important de préciser que deux des trois municipalités dont on dit qu'elles sont des hôtes de plein gré et qui représentent, tout au plus, un tiers de la population du Témiscamingue et qui recevront des redevances sans devoir assumer la moindre responsabilité envers leurs voisins, sont situées en amont du projet de décharge. Leurs nappes phréatiques ne sont donc pas menacées par l'initiative.
Le Témiscamingue est une région de forêts, de lacs, où l'on s'adonne à la chasse, à la pêche et à l'agriculture, et où l'on trouve aussi de petites entreprises de fabrication, des industries de services, des exploitations forestières, du tourisme, des mines, du tourisme hivernal et de l'euro-tourisme, et bien souvent toutes ces activités sont étroitement reliées. En mettre une ou quelques-unes en péril menace les fragiles structures économiques de la région. Un projet, quel qu'il soit, qui risque de nuire à nos agriculteurs mérite-t-il notre appui? Pour créer quelques emplois, sommes-nous prêts à courir le risque de perdre au moins une partie d'une économie agricole en plein essor après un siècle d'efforts?
Comment puis-je expliquer à mes enfants et à mes petits-enfants qu'ils n'ont rien à craindre malgré le fait que des milliers de tonnes de déchets domestiques toxiques seront acheminées tous les ans à la mine et traitées au moyen d'un processus qui n'a pas fait ses preuves? Comment puis-je leur dire qu'ils n'ont rien à craindre?
Bien que nous nous plaignions souvent de notre rude climat au Témiscamingue, nous jouissons là-bas d'une qualité de vie que nous n'échangerions pour rien au monde, et nous devons la transmettre à nos enfants et à nos petits-enfants. Or une telle qualité ne doit pas être compromise par un projet que la majorité des citoyens du Témiscamingue ne veut ni n'accepte, par un projet qui à notre avis n'est pas assez sûr pour que nous mettions en péril notre avenir et celui des générations futures.
N'oublions pas que les conséquences néfastes que pourrait avoir ce mégaprojet nuiront à tous ceux qui habitent autour du bassin hydrographique de la rivière Blanche et du lac Témiscamingue. Or, cela touche aussi nos voisins de la province de Québec et nos amis des Premières nations algonquines. Je suis très fier de me joindre à eux pour demander une évaluation environnementale par le gouvernement fédéral, puisqu'il est important de protéger les droits fondamentaux que nous partageons à titre de Canadiens.
Merci.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci, monsieur Auger.
Nous accueillons maintenant M. Fidel Baril, de la municipalité régionale de Témiscamingue.
[Français]
M. Fidel Baril (maire de Notre-Dame-du-Nord et préfet suppléant, Municipalité régionale de Témiscamingue): Madame la présidente, nous tenons à vous remercier pour cette occasion que vous nous donnez d'exprimer les volontés de notre population concernant le projet d'enfouissement des déchets de la ville de Toronto dans la mine Adams près de Kirkland Lake, en Ontario.
Nous avons déjà transmis au greffier du comité une version complète de notre présentation ou, si vous préférez, de notre mémoire. Nous avons également produit aujourd'hui une liste des appuis à notre position. Dans le futur, nous déposerons des copies de nombreuses lettres, pétitions et autres sur ce sujet.
Notre population est unanime: le projet de la mine Adams est très inquiétant et inacceptable. Voici la position officielle de la MRC de Témiscamingue, des 21 municipalités et des 18 027 citoyens qui la composent.
-
Considérant que le projet d'un site d'enfouissement de
la ville de Toronto à la Mine Adams près de Kirkland
Lake comporte des risques pour notre environnement,
notre économie et notre qualité de vie, pour notre
population et les générations à venir;
-
Considérant que la population s'indigne et s'inquiète
devant ce mégaprojet de dépotoir d'un procédé et d'une
envergure incomparables dans le monde! Il s'agit d'un
site d'une ancienne mine de fer à ciel ouvert, fissuré
à l'extrême par 25 ans de dynamitage intensif.
Cet immense cratère d'environ
600 pieds de profondeur est
rempli d'eau jusqu'à 340 pieds. Les déchets de la
région de Toronto y seraient transportés par train:
1 million de tonnes de déchets par année, durant 20 ans;
85 wagons de train par jour, 7 jours par semaine;
-
Le modèle d'exploitation comprend un système de
pompage pour le traitement de 300 millions de litres
d'eaux usées par année, durant 100 ans. Les ruisseaux
avoisinants (rivière Blanche) se déversent dans
le lac Témiscamingue situé à 75 km du site;
-
Considérant que les gouvernements du Québec et du
Canada doivent soumettre leur propre expertise puisque
ce projet localisé en Ontario pourrait causer des
effets environnementaux et socio-économiques négatifs
pour le Québec en général et le Témiscamingue en
particulier;
-
- dans les circonstances nous nous opposons
au projet d'un site de dépotoir à la Mine Adams;
-
- nous demandons à la ville de Toronto et aux régions de
Peel, York et Durham de renoncer à l'utilisation de la
Mine Adams pour la gestion de leurs déchets;
-
- nous demandons aux gouvernements du Canada et du Québec
de s'assurer que le projet soit suspendu, le temps de
réaliser eux-mêmes une étude d'impact environnemental
sérieuse et complète, conformément aux dispositions des
articles 46(1) et suivants de la Loi canadienne sur
l'évaluation environnementale dans l'intérêt des
générations actuelles et futures.
À la lecture de notre mémoire, vous constaterez que le Témiscamingue est un milieu naturel dont l'économie est basée sur l'exploitation de ses ressources, que nous voulons garder intactes pour les générations futures.
Nous vous remercions.
[Traduction]
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci.
Nous accueillons maintenant MM. Bill Saundercook et Michael Garrett, de la ville de Toronto.
M. Bill Saundercook (conseiller, York Humber, et président du Comité des travaux publics, Ville de Toronto): Merci, madame la présidente et mesdames et messieurs les députés. Nous sommes ravis de comparaître, malgré le peu de préavis qu'on nous a donné.
Je suis accompagné aujourd'hui du directeur municipal, Michael Garrett. Je lui céderai sous peu la parole pour qu'il vous présente les données qui sont les nôtres à la ville depuis déjà assez longtemps. Nous accompagnent également dans l'auditoire le directeur général de la Gestion des déchets, M. Bacopoulos, qui pourra répondre à des questions, si vous en avez, de même que le gestionnaire de projet et expert-conseil en hydrologie, qui pourra aussi nous aider au besoin.
Brièvement, je représente ici le côté politique du dossier, puisque je préside le Comité des travaux publics. Je demanderai maintenant à M. Garrett de nous faire part des données.
M. Michael Garrett (directeur municipal, Ville de Toronto): Merci, monsieur Saundercook.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Monsieur Garrett, nous avons consigné votre énoncé de position au procès-verbal de la réunion. C'est bien. Comme votre nom n'apparaît pas sur la liste officielle des témoins, je voulais m'assurer que c'était exact.
M. Michael Garrett: Puis-je prendre la parole?
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Oui.
M. Michael Garrett: Le site d'enfouissement de la mine Adams a été proposé par un groupe de promoteurs dans le cadre d'une stratégie intégrée de gestion des déchets à long terme pour la ville de Toronto. La ville avait en effet lancé une demande de propositions afin de savoir quels étaient les meilleurs prix et les meilleures solutions environnementales à long terme à ses problèmes d'élimination des déchets.
Le site d'enfouissement de la mine Adams n'est qu'une facette de la stratégie municipale. La ville a reçu une proposition d'utiliser des sites d'élimination des déchets aux États-Unis pour évacuer ses déchets commerciaux et industriels, mais elle veut avoir recours à la mine Adams pour évacuer les déchets municipaux de la ville de Toronto et aussi des régions de York et Durham, de même qu'éventuellement d'autres régions situées dans le grand Toronto métropolitain.
Les gens de la mine Adams, le groupe RCN, nous ont proposé une soumission avantageuse, car elle n'inclut pas de clauses nous obligeant à maintenir le volume des déchets, sous peine de compensation. Dans le domaine de la gestion des déchets, nous savons qu'à l'avenir, le recyclage et les activités novatrices de retraitement seront considérables, et que, par conséquent, la quantité de déchets à évacuer diminuera probablement. C'est ce qui explique l'importance d'avoir un contrat qui nous permette de réduire le volume de déchets sans être obligés de payer une amende, et c'est là un aspect important de la proposition de Rail Cycle North. C'est la seule entreprise, parmi toutes celles qui nous ont envoyé des soumissions en vue de notre stratégie d'évacuation des déchets, qui nous offre cette facette importante.
Vous savez peut-être que la ville s'est engagée à retraiter quelque 50 p. 100 de ses déchets d'ici l'an 2006. C'est pourquoi nous cherchons activement des solutions novatrices nous permettant de retraiter les matières organiques et autres parties du flux des déchets, de façon à ne pas être obligés de tout envoyer à l'installation d'évacuation. Vous comprenez donc pourquoi un des aspects les plus intéressants de la soumission qui a été acceptée, c'est la crainte de moins en moins présente au fil des ans d'avoir à payer une pénalité pour faire évacuer nos déchets.
• 2005
Je sais que ce qui vous préoccupe surtout aujourd'hui, c'est
le lieu d'enfouissement lui-même de la mine Adams, et je sais que
le temps mis à notre disposition est limité. Si jamais vous aviez
besoin de poser à nouveau des questions, nous sommes venus
accompagnés d'experts qui pourront y répondre.
Vous savez qu'il ne s'agit pas d'une installation appartenant à la ville de Toronto, mais que nous avons dû demander des soumissions. Il s'agit d'un lieu d'enfouissement appartenant à un tiers, et ce lieu a fait l'objet d'audiences complètes sur l'évaluation environnementale qui ont permis d'en connaître les caractéristiques sur le plan environnementale. Or, tous les experts qui ont émis leur opinion ont dit que le lieu était sûr. Il y a eu une évaluation technique complète et exhaustive de la part du ministère ontarien de l'Environnement, et l'approbation a été donnée par le gouvernement ontarien. Vous vous rappellerez que le gouvernement fédéral et la province de l'Ontario ont harmonisé leurs systèmes d'évaluation environnementale et que les normes qui s'appliquent sont donc les mêmes.
Au fur et à mesure que l'évaluation environnementale était effectuée par le ministère de l'Environnement, le ministère des Pêches et des Océans et le ministère des Transports, le promoteur consultait activement le gouvernement fédéral. Ces ministères sont aujourd'hui convaincus que le lieu est sûr. Toute la démarche d'évaluation a pris quelques années, et il a été déterminé que le lieu d'enfouissement était sûr.
Madame la présidente, j'aimerais faire une comparaison: prenez un seau vide et remplissez-le de pinces, avant de l'immerger dans une baignoire. Dans le cas de la mine Adams, l'eau irait remplir le contenant, et serait ensuite pompée dans une installation de traitement des eaux usées, une installation de traitement des produits de lixiviation, puis épurée avant d'être évacuée. Autrement dit, le contenu du lieu d'enfouissement de la mine Adams ne peut en aucun cas s'infiltrer dans la nappe souterraine. En effet, la pression de la nappe souterraine a pour effet de maintenir l'écoulement de l'eau. Tant que l'élévation est moindre que celle de la surface de la nappe environnante, le flot est maintenu.
Les plus grands spécialistes dans le domaine se sont donc penchés sur la question et ont conclu que le lieu était sûr. Le gouvernement fédéral a également pris part à la réflexion, tout comme y a aussi pris part le ministère ontarien de l'Environnement; et tous deux ont dit que c'était satisfaisant.
En guise de conclusion, madame la présidente, sachez que la question est urgente et qu'on en discute déjà depuis de nombreuses années. Nous sommes à 18 mois à peine du terme de la capacité. Il faut donc prendre une décision d'ici 18 mois pour qu'un entrepreneur s'affaire à préparer un lieu d'enfouissement, et d'après notre calendrier, une décision devra être prise dans un avenir rapproché. En fait, les prix que nous ont fournis les entrepreneurs lors de ces soumissions ne sont en vigueur que jusqu'au 15 décembre.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci beaucoup, monsieur Garrett.
Passons maintenant à Joanne Thompson, préfet du canton de Larder Lake.
Mme Joanne Thompson (préfet, canton de Larder Lake, Ontario): Merci, madame la présidente.
Je suis Joanne Thompson, préfet de Larder Lake. Je suis aujourd'hui la porte-parole des conseils de Kirkland Lake et de la ville de Englehart, ainsi que de toutes les municipalités qui ont appuyé l'aménagement du lieu d'enfouissement de la mine Adams depuis 1990. Je suis venue pour parler au comité des faits du dossier plus particulièrement de la demande faite au gouvernement fédéral de s'investir dans le processus d'approbation du lieu d'enfouissement de la mine Adams. Je ne suis pas venue vous parler d'hôtes consentants ni de référendums, car le comité n'a pas été saisi de ces questions et elles n'ont rien à voir avec la demande qui a été faite d'avoir une évaluation environnementale fédérale.
Je suis ici pour m'opposer à toute évaluation environnementale qui serait entreprise à ce moment-ci par le gouvernement fédéral. Je veux aussi déclarer clairement que nos municipalités et nos résidents se sont pleinement investis dans le processus d'approbation et sont satisfaits de sa transparence et de son équité. Les études et rapports techniques ont été entièrement communiqués à la population. Les résidents ont eu accès à des conseils indépendants et des évaluations par des pairs de la part de Gartner Lee Associates au cours des cinq dernières années. Au cours de la démarche, 10 séances portes ouvertes ont été organisées à l'intention des résidents au cours desquelles tous les aspects touchant au lieu d'enfouissement ont été expliqués et discutés. La province de l'Ontario a organisé des audiences publiques à Kirkland Lake, avant même qu'il y ait approbation du lieu.
Pour ce qui est des audiences, après cinq ans de consultation, nous sommes convaincus d'avoir fait le tour de toutes les questions environnementales. La question clé de la contamination des eaux souterraines a été examinée pendant ces audiences publiques et c'est ce que les résidents réclamaient.
Nous ne comprenons pas cette demande d'évaluation environnementale fédérale. Sauf erreur, Environnement Canada a participé à l'étude d'évaluation. Ce qu'ils ont appris a dû les satisfaire, sinon le projet ne serait pas passé à l'étape d'approbation.
• 2010
Où étaient les Autochtones ces trente dernières années quand
leurs terres et l'environnement étaient massacrés par
l'exploitation minière? Nous nous demandons qui tire les ficelles
et pour quelles raisons.
J'ai participé à la plupart des réunions, aux séances publiques, aux réunions du PLC à Témiscamingue et je n'y ai jamais beaucoup vu nos élus. Je trouve odieux la rhétorique actuelle, les menaces de violence et le chantage politique auxquels sont soumises nos communautés.
Je ne le répéterai jamais assez fort: nous sommes convaincus de la sûreté de ce projet. Je peux le dire car nous avons participé à toutes les réunions et à toutes les audiences. Les discours enflammés des adversaires du projet, dont la majorité vivent au moins à 50 kilomètres du site, commencent à devenir absurdes. Tout d'un coup, ceux qui devraient savoir de quoi ils parlent font de la mine Adams un lac naturel.
Le projet de site d'enfouissement à la mine Adams représente une opportunité pour toute notre région. C'est une opportunité économique mais également une opportunité environnementale. Ce site offrira à tout le nord-est de l'Ontario une capacité d'enfouissement supérieure et plus sûre que ce que nous avons actuellement.
Le gouvernement fédéral et notre député libéral ont fourni une partie des 70 000 $ accordés à notre comité de gestion des déchets et au Northern College pour établir un centre d'écotourisme sur le site de la mine Adams. Ils pensaient que c'était une bonne idée. Nous ne savons pas ce qui se passe maintenant. Est-ce que c'est parce qu'on parle d'élections? À propos, j'ai un plan, la brochure d'écotourisme préparée par le Northern College à votre disposition.
Pour conclure, si l'intervention du gouvernement fédéral incite Toronto à ne pas utiliser la mine Adams, ce sont nos municipalités qui seront perdantes. Nous perdrons des créations d'emplois, nous perdrons des investissements et nous perdrons la possibilité de participer à un système de gestion des déchets de classe mondiale.
Je répète que c'est un projet qui présente toutes les garanties. Il répond aux critères, voire dépasse les critères d'évaluation environnementale de l'Ontario. Représentant les communautés qui accueilleront ce projet, nous sommes satisfaits.
Merci.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci, madame Thompson.
Au début de la réunion, j'ai rappelé les règles de procédure pour les membres du comité, et je sais qu'ils respecteront pleinement ces règles, mais j'ai oublié les témoins. J'aimerais rappeler aux témoins que tout ce que vous dites devant notre comité parlementaire est protégé. Cependant, je vous demanderais de faire preuve de retenue et d'éviter certains termes lors de votre déposition.
Nous passons maintenant aux questions en commençant par M. Reynolds, suivi de M. Brien, de M. Gruending et de M. Herron. Merci.
M. John Reynolds (Vancouver-Ouest—Sunshine Coast, Alliance canadienne): Merci, madame la présidente.
Monsieur Bernier, selon un des témoins, le gouvernement fédéral doit être satisfait de la procédure ou autrement on ne serait pas passé à l'étape suivante. Quelle a été jusqu'à présent la participation du gouvernement fédéral au niveau de ce projet?
M. Martin Auger: C'est à moi que vous posez cette question?
M. John Reynolds: Non, c'est à M. Bernier que je la pose. Je me demande quelle a été jusqu'à présent la part de l'Agence canadienne d'évaluation environnementale dans l'évaluation de ce projet.
M. Paul Bernier (vice-président, Secteur de la prestation des programmes, Agence canadienne d'évaluation environnementale): La participation de l'Agence canadienne d'évaluation environnementale est très récente. Je peux vous dire ce que fait actuellement l'Agence. D'ailleurs, j'ai préparé un mémoire puisque je croyais que je venais comme témoin et non pas comme personne-ressource et ce mémoire, en anglais et en français, est entre les mains de votre greffier. Il explique très clairement la situation actuelle de la participation de l'agence conformément à l'application potentielle de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale.
Par conséquent, la participation de l'agence est très récente. Elle fait suite à la réception par le ministre de l'Environnement d'une pétition de la Première nation de Témiscamingue. L'agence examine cette pétition à la lumière des dispositions transfrontalières de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Mon mémoire décrit la procédure.
• 2015
Permettez-moi de vous dire que nous donnons une haute priorité
à l'enquête nécessaire. Elle concerne à la foi l'applicabilité
juridique de la loi, potentiellement, et les aspects techniques
liées à la science appliquée. Pour ce qui est de cette dernière,
nous faisons appel à Environnement Canada, qui a participé à
l'étude provinciale, et aussi à Ressources naturelles Canada.
M. John Reynolds: Le ministre a-t-il le pouvoir d'ordonner une évaluation?
M. Paul Bernier: C'est la question que le ministre a demandé à l'agence d'examiner, il lui a demandé de déterminer s'il a une autorité juridique. S'il est a, il est alors important de comprendre si ses pouvoirs conférés par les dispositions transfrontalières de la loi sont différents des autres pouvoirs qui se trouvent ailleurs dans la loi. Ils concernent exclusivement... Si le ministre conclut à des conséquences délétères importantes pour l'environnement, il peut demander la constitution d'un groupe d'examen. Dans un tel cas, ce groupe serait chargé uniquement d'examiner les conséquences délétères transfrontalières pour l'environnement et non pas toutes les conséquences pour l'environnement comme ce serait le cas pour une évaluation environnementale normale en vertu de cette mesure législative.
M. John Reynolds: À votre avis, il semblerait que le gouvernement de l'Ontario, par le biais de sa propre agence d'évaluation environnementale, ait fait une évaluation et approuvé ce projet. À ce niveau, vous arrive-t-il fréquemment d'être en désaccord? Après qu'une évaluation a été faite par une agence provinciale, vous arrive-t-il de contester les méthodes utilisées pour approuver un projet?
M. Paul Bernier: Je ne peux répondre à cette question dans l'abstrait. Cependant, je peux dire que l'enquête que nous mènerons avec l'aide d'Environnement Canada et de Ressources naturelles Canada prendra en compte le travail fait par la province. Et ce qui sera aussi important c'est qu'alors nous étudierons les arguments avancés par le pétitionnaire, la Première nation de Témiscamingue.
La question que nous poserons aux scientifiques sera la suivante: «À la lumière de ces autres renseignements que nous avons maintenant reçus, les conclusions auxquelles vous aviez auparavant abouti, lorsque vous avez participé à l'examen provincial, sont-elles différentes?»
M. John Reynolds: Si tout a été fait en Ontario, y a-t-il un moyen juridique quelconque d'empêcher demain ce projet de démarrer?
M. Paul Bernier: Demain? Non.
M. John Reynolds: Merci.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci.
Monsieur Brien.
[Français]
M. Pierre Brien (Témiscamingue, BQ): Ma première question s'adresse aux gens de la Ville de Toronto. Vous avez affirmé avoir choisi cette solution parce qu'elle vous permettait de réduire le volume des déchets que vous alliez envoyer, donc de vous garder l'option de faire du recyclage à l'avenir.
Vous avez dit que c'était la meilleure solution pour vous compte tenu de ce qu'elle comportait au niveau de la réduction du tonnage que vous pourriez faire.
Pourquoi, à ce moment-là, n'était-ce pas votre premier choix, car au mois de juin dernier, votre premier choix était un autre endroit?
[Traduction]
M. Michael Garrett: Pourquoi est-ce que c'est notre premier choix alors qu'en juin dernier un autre choix avait notre préférence?
La recommandation initiale faite par le personnel au conseil envisageait la prolongation de la durée d'utilisation du site d'enfouissement de Keele Valley. Subséquemment—et je crois que c'est à cela que vous faites allusion—comme partie de la solution pour nous donner un peu plus de temps pour agrandir la capacité d'accueil de Keele Valley afin de mieux utiliser le site existant... La province nous a répondu. En fait, le premier ministre nous a répondu que ce n'était pas possible et que la province ne le permettrait pas. Le conseil a décidé de ne pas poursuivre cette option et a refait un appel d'offres pour d'autres sites. Nous avons reçu cinq offres.
• 2020
Ce sont ces sites qui ont été évalués et qui semblaient tous
présenter toutes les garanties du point de vue environnemental.
Tous n'étaient pas d'une très grande capacité et c'était un des
problèmes car nous avons pratiquement 1,8 million de tonnes chaque
année dont nous devons nous débarrasser, d'où la recommandation qui
nous donnait un petit peu de souplesse dans la perspective de
possibilités de recyclage.
[Français]
M. Pierre Brien: J'ai une question courte mais technique. Est-ce vrai qu'il est prévu au contrat que vous allez recevoir une ristourne de 1,50 $ la tonne de plus que convenu à l'origine si vous fournissez plus de déchets que prévu?
[Traduction]
M. Michael Garrett: Je ne peux pas répondre à cette question. Je n'en connais pas la réponse. Vous devrez la poser aux représentants de Rail Cycle North. Je crois savoir qu'ils vont témoigner ici et il serait préférable de leur poser la question. La ville ne leur versera certainement pas de redevances. Nous avons recouru comme d'habitude à un appel d'offres et nous avons accepté la soumission la plus basse qui convenait.
M. Pierre Brien: J'ai en main un document où l'on peut lire:
-
Le projet d'accord inclut une redevance de 1,50 $ la tonne que
versera RCN à la ville de Toronto pour chaque tonne de déchets
livrés quand on aura dépassé 13 millions de tonnes sur les dix
premières années.
Cela fait-il partie du contrat?
M. Michael Garrett: Je ne peux pas répondre précisément à cette question; nous avons des employés qui pourraient probablement y répondre. Voulez-vous que je les invite à s'approcher, madame la présidente?
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Certainement.
Pourriez-vous venir à la table, s'il vous plaît? Et je prierais ceux qui s'approcheront de bien vouloir donner leur nom et indiquer leur poste.
Vous aurez droit à quelques minutes de plus, monsieur Brien.
M. Michael Garrett: Je vous présente notre directeur général de la gestion des déchets, Angelos Bacopoulos.
M. Angelos Bacopoulos (directeur général, Gestion des déchets solides, Services des travaux publics et des urgences, Ville de Toronto): Bonsoir.
En effet, cela fait partie du contrat proposé. Essentiellement, il s'agit d'une redevance pour chaque tonne que nous mettons sur ce site au-delà du nombre que vous avez mentionné, sur une période de dix ans. Cette redevance reviendrait aux usagers du lieu d'enfouissement. Dans ce cas, ce serait la ville de Toronto et n'importe quel membre de la région du Grand Toronto qui utilise ce site.
[Français]
M. Pierre Brien: Est-ce que cela va vous inciter à faire du recyclage?
[Traduction]
M. Angelos Bacopoulos: Il est certain que cette redevance de 1,50 $ qui reviendrait à la ville serait appliquée à des programmes de recyclage.
[Français]
M. Pierre Brien: Vous allez payer moins cher et vous allez... Non, c'est beau. Voilà qui termine le premier tour.
[Traduction]
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Vous avez la parole, monsieur Gruending.
M. Dennis Gruending (Saskatoon—Rosetown—Biggar, NPD): Merci.
Madame la présidente, je pense qu'il vaut la peine d'expliquer à nos invités que c'est à une réunion tenue la semaine dernière que nous avons voté en faveur d'une motion pour tenir une réunion comme celle de ce soir. La motion a été adoptée par huit voix contre sept, tous les députés libéraux sauf un ayant voté contre. Je ne sais pas exactement où ils sont ce soir, ils ont probablement d'autres engagements. J'espérais qu'ils seraient ici pour vous entendre, parce qu'il s'agit d'une question importante.
Monsieur Saundercook, n'existe-t-il pas d'autres solutions que d'utiliser la mine Adams? On nous a dit, et vous venez de le mentionner en répondant à une question, que ce n'était pas la solution que préférait la ville elle-même en juin dernier. Si j'ai bien compris, vous utilisiez déjà d'autres lieux d'enfouissement qui pouvaient encore servir pendant quelque temps, et vous pouviez également envoyer une partie de ces déchets au Michigan. N'existe-t-il pas d'autres solutions qui seraient moins perturbatrices que celle qu'on envisage maintenant?
M. Bill Saundercook: Madame la présidente, je dirai d'abord que le processus décrit il y a un instant montre que nous avons cherché une solution à court terme en pensant au lieu d'enfouissement qui appartient à la ville dans la région avoisinante de York. Mais nous n'y avons pas eu accès. Le premier ministre nous l'a fait savoir dans une lettre.
Les autres options possibles en Ontario et qui figuraient sur notre liste finale—un endroit à London et un autre à Windsor—étaient deux lieux d'enfouissement de taille très réduite qui pourraient accueillir 100 000 tonnes dans un cas et 125 000 dans l'autre. On a examiné ces deux possibilités au début, en même temps que celle de la mine Adams. Lors de la deuxième étape, un lieu d'enfouissement au Michigan, appelé Republic, a remplacé ces deux endroits.
• 2025
Je pense que je vais céder la parole à M. Bacopoulos, s'il a
quelque chose à ajouter.
M. Angelos Bacopoulos: Cette solution que nous avons d'abord proposée était une solution à court terme, et elle était aussi la plus prudente sur le plan financier à ce moment-là, lorsque l'utilisation de notre propre lieu d'enfouissement aurait coûté beaucoup moins cher que n'importe quelle autre solution envisagée. C'est pourquoi mon personnel avait alors décidé, compte tenu de tous les aspects, c'est-à-dire pas seulement les aspects environnementaux mais aussi les aspects financiers, que c'était de loin la meilleure solution pour la ville, sur le plan économique.
M. Dennis Gruending: Je suis curieux de savoir si vous avez une idée de la raison pour laquelle le premier ministre a rejeté une certaine proposition que vous avez mise de l'avant en juin et que vous estimiez être la meilleure.
M. Bill Saundercook: Madame la présidente, je crois savoir que la date de fermeture fin 2002—M. Bacopoulos me corrigera si je fais erreur—a été déterminée en fonction des quantités de déchets que nous envoyons à ce lieu d'enfouissement. D'après la quantité livrée quotidiennement, la date de fermeture était prévue pour la fin de 2002.
Nous avons demandé s'il était possible de choisir d'y envoyer de moins grandes quantités, en envoyant plus de déchets dans l'État de Michigan, peut-être, et de continuer d'envoyer de plus petites quantités de déchets après l'an 2002, peut-être jusqu'à 2005, ce qui nous aiderait à résoudre notre problème, mais cette proposition ne figurait pas parmi les options examinées.
M. Dennis Gruending: Vous ne savez pas pourquoi? Bien.
Monsieur Bernier, j'ai une question à vous poser. Il semble que ce soit un comité de parlementaires qui insistent pour qu'une évaluation environnementale soit effectuée, ce qui me paraît un peu étrange. Pour autant que nous puissions le voir, ce projet présente un risque considérable pour l'approvisionnement en eau au-delà des limites de la province, d'après ce qu'on nous a dit. Il y a différentes zones économiques: on nous a dit qu'il y avait le secteur agricole, forestier, touristique, ainsi que les Premières nations. Je me demande si ce processus s'est démantelé. Si l'on constatait l'existence d'un lessivat, contenant une substance délétère identifiée, je me demande si l'alarme serait immédiatement donnée et si cela déclencherait automatiquement le processus voulu.
Je me demande pourquoi nous sommes ici ce soir et pourquoi le processus ne fonctionne pas encore.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Je vous prie de répondre brièvement, monsieur Bernier.
M. Paul Bernier: Merci, monsieur Gruending.
Comme nous l'avons déjà dit, Environnement Canada a participé au processus provincial d'évaluation environnementale qui a eu lieu, et la raison de notre participation—je veux parler de l'Agence canadienne d'évaluation environnementale (ACEE)—est l'incidence possible sur l'environnement au-delà des limites provinciales, qui pourrait être importante. On nous a invités à participer au processus en raison d'une pétition à laquelle le ministre est tenu de donner suite, et il nous a demandé notre avis au sujet de cette pétition.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Je vous demande d'être très bref.
M. Dennis Gruending: Combien de temps cela prendra-t-il?
M. Paul Bernier: Nous venons de recevoir cette information il y a peu de temps et nous sommes en train d'en faire part aux ministères spécialisés dans le domaine tout en effectuant nous-mêmes une analyse des implications juridiques. Tout ce que je peux dire pour l'instant, étant donné que le processus vient à peine de commencer, c'est que cela prendra plus que quelques jours.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci.
Vous avez la parole, monsieur Herron.
M. John Herron (Fundy—Royal, PC): Merci, madame la présidente. Je veux poser très rapidement une question liée à celle de Dennis.
Nous sommes ici parce que notre comité a adopté une motion, et il faut reconnaître en toute justice que des députés de tous les partis l'ont demandé. Il s'agit essentiellement d'une question à laquelle tiennent les députés de l'opposition, c'est-à-dire des membres de l'Alliance et du Bloc, ainsi que des Néo-démocrates et des Conservateurs, qui estiment que nous devrions l'examiner. Le député de York-Nord a également accepté de nous aider à faire adopter une motion à ce sujet.
Cela montre à mon avis que la question suscite suffisamment d'attention et d'intérêt pour justifier une intervention de cette nature, une chose qui est pratiquement sans précédent à ce comité depuis trois ans et demi.
Ma question s'adresse à M. Bernier. Quand l'ACEE est-elle intervenue? Vous dites que ce n'est que dernièrement. Pourriez-vous me donner la date exacte?
M. Paul Bernier: La Première nation de Témiscamingue, je crois, a présenté la documentation au ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien en mars ou en avril de cette année. C'est seulement quelques mois plus tard que nous en avons appris davantage à ce sujet, et nous avons alors pensé que même si la question avait été soumise au ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, nous pouvions considérer cette lettre comme une pétition qui aurait pu être présentée à notre ministre, étant donné qu'on lui en a envoyé une copie. Je pense donc que c'est seulement en août que l'agence a commencé à intervenir.
M. John Herron: Vous avez dit qu'Environnement Canada était de la partie dès le début, en collaboration avec le gouvernement provincial. J'imagine que vous avez parcouru les documents d'Environnement Canada et que le ministère a consigné ses préoccupations ou ses observations. Avez-vous consulté cela?
M. Paul Bernier: Non. La Loi sur l'évaluation environnementale s'applique à quelque 5 000 ou 6 000 projets par année...
M. John Herron: Je parlais de la question... Vous avez dit qu'Environnement Canada collaborait avec la province qui faisait l'évaluation. Cela doit bien être consigné quelque part, sinon il se pourrait que vous ne sachiez même pas ce qui s'est fait, n'est-ce pas?
M. Paul Bernier: Comprenez bien que je ne représente pas Environnement Canada. J'appartiens à l'Agence canadienne d'évaluation environnementale.
M. John Herron: Oui, mais une des premières choses à faire était de vous renseigner sur ce que le gouvernement fédéral avait à dire à propos de cette question lorsqu'il collaborait avec son homologue provincial, n'est-ce pas?
M. Paul Bernier: C'est précisément la question que pose l'agence actuellement à Environnement Canada dans le cadre de ses travaux.
M. John Herron: Vous n'avez donc jamais passé en revue le dossier jusqu'à ce jour?
M. Paul Bernier: Non, et nous n'avons eu aucune raison de le faire parce que la Loi fédérale sur l'évaluation environnementale n'a pas été activée; elle ne l'a pas été au moment où Environnement Canada a participé à l'évaluation provinciale et ne l'est toujours pas.
M. John Herron: Mais il n'y a pas de mal à vérifier pour voir ce qui a été dit à l'époque. Est-ce que ce ne serait pas un réflexe normal?
M. Paul Bernier: Non, et c'est ce que j'essayais d'expliquer la première fois que j'ai répondu. Il y entre 5 000 et 6 000 évaluations fédérales chaque année et l'agence ne passe pas en revue toute l'information recueillie par les 25 ou 30 ministères chargés d'appliquer la Loi fédérale sur l'évaluation environnementale. C'est un régime d'autoévaluation.
M. John Herron: Si vous deviez faire une évaluation environnementale de ce dossier, quel serait approximativement votre délai pour faire un travail complet?
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci, monsieur Herron.
Pouvez-vous nous donner une réponse?
M. Paul Bernier: La seule façon dont il pourrait y avoir une évaluation environnementale fédérale dans ce dossier serait sous l'angle des dispositions sur les effets transfrontières que l'on trouve dans la loi. Il faudrait pour cela que le ministre détermine que la question exige une évaluation par une commission, le niveau le plus rigoureux.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci.
Chez les ministériels, madame Redman.
M. John Herron: Et le délai?
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Désolée, je croyais que vous aviez fini de répondre.
M. Paul Bernier: En vertu des critères applicables aux commissions, 13 mois sont prévus pour une question qui n'a jamais été étudiée et cela exclut le temps dont a besoin le promoteur pour préparer l'énoncé des incidences environnementales exigé par la commission.
M. John Herron: Merci beaucoup, madame la présidente.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci.
Du côté des ministériels, madame Redman, monsieur Lincoln et monsieur Pratt.
Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, madame la présidente.
Une des dimensions du dossier, que la loi ait été activée ou non, est l'effet hors frontières et les intérêts autochtones, deux points qui sont à l'origine de deux pétitions qui ont amené le ministre à demander l'intervention de l'agence. Lorsque Environnement Canada a étudié le dossier, le ministère s'est-il prononcé sur ces deux points?
M. Paul Bernier: Je vous avoue ne pas avoir eu l'occasion d'examiner quelle avait été la participation d'Environnement Canada à l'évaluation provinciale. Je ne peux donc pas vous dire en connaissance de cause si l'on a étudié les effets à grande distance du projet d'enfouissement à la mine. J'imagine par contre que les effets à proximité ont été étudiés.
Mme Karen Redman: Je comprends que vous appartenez à l'agence d'évaluation, mais est-ce que Environnement Canada va se prononcer sur les effets hors frontières ou la dimension autochtone maintenant que des renseignements supplémentaires ont été reçus?
M. Paul Bernier: Oui. Nous invitons actuellement le ministère à passer en revue les nouveaux renseignements présentés par la Première nation de Témiscamingue. Nous croyons savoir qu'il y aura peut-être une deuxième pétition; elle n'avait toujours pas été reçue il y a quelques heures encore. Quoi qu'il en soit, nous allons leur demander d'examiner les nouveaux renseignements, dans le contexte de l'information présentée lors de l'évaluation provinciale, et nous allons leur demander à eux et à Ressources naturelles Canada de nous dire si, vu ces nouveaux renseignements, les conclusions seraient différentes des précédentes.
Mme Karen Redman: D'autres ministères sont-ils en cause ici? J'essaie de mesurer la complexité de cette enquête, jusqu'où elle va.
M. Paul Bernier: Nous tenons pour acquis pour le moment que les deux ministères dont j'ai parlé sont les deux seuls qui devront être consultés par nous par suite de l'information que nous avons reçue. Le ministère de l'Environnement est chargé de l'application de certaines dispositions de la Loi sur les pêches applicables au rejet de substances nocives dans les plans d'eau; cela fait donc intervenir les attributions en matière de pêche en vertu de la Loi sur les pêches. Pour l'instant, nous estimons que cela suffira.
Mme Karen Redman: Merci.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci, madame Redman.
Monsieur Lincoln.
M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.): Madame la présidente, je regrette de devoir prendre du temps pour discuter d'une question un peu hors de propos, mais j'estime que je dois le faire.
J'ai été très déçu d'entendre les propos de M. Gruending. Tout d'abord, je tiens à le dire publiquement, si nous nous reportons au compte rendu de la dernière réunion, nous avions décidé entre nous que si nous faisions précéder votre motion pour une audience d'une autre qui demandait au ministre d'envisager l'évaluation environnementale, la deuxième motion serait écartée. C'est sur la foi de cette entente que la majorité des députés libéraux ont voté contre, dont moi. C'est ce que j'avais compris. S'il y a eu méprise, ce n'est pas moi qui ai mal compris puisque c'est ainsi que l'ont interprétée la majorité d'entre nous ici. Je dois admettre que notre collègue de York-Nord l'a interprétée différemment.
Deuxièmement, il n'est pas juste de mentionner l'absence de nos députés ici. Un caucus se tient ce soir; de fait, trois députés ont manqué le caucus pour être ici. Le ministre chargé de l'ACEE comparaît devant le caucus du Grand Toronto métropolitain et c'est la raison pour laquelle les députés n'ont pu être ici ce soir. Je ne trouve pas juste de faire intervenir des considérations politiques dans le débat. Quelqu'un qui est d'ordinaire aussi juste, M. Gruending... J'ai été très déçu.
La même chose vaut pour M. Herron. L'objet de la réunion de ce soir n'était pas de faire intervenir la politique politicienne.
Je pose la question suivante aux gens de Toronto. Lorsque j'étais ministre de l'Environnement au Québec, ma position a toujours été qu'on garde ses ordures chez soi et qu'on ne les envoie pas chez le voisin. J'aimerais savoir, par acquis de conscience: pensez-vous que ce serait juste si demain Windsor ou Témiscamingue envoyaient leurs ordures à Toronto? Qu'est-ce que vous diriez? Vous les accepteriez à bras ouverts?
M. Bill Saundercook: En un mot, si nous avions l'espace, je dirais oui. Si Keele Valley n'autorisait pas l'expansion de la zone domiciliaire jusqu'au périmètre de la décharge, nous pourrions sans doute continuer à y déposer nos ordures pendant 10 ans encore. Et oui, nous pourrions peut-être même être en mesure d'accepter les ordures de nos voisins, comme nous le faisons là-bas. Nous acceptons les ordures de nos voisins aujourd'hui, et continuerons de le faire jusqu'à la fermeture de Keele Valley.
En un mot, donc, oui.
M. Clifford Lincoln: Eh bien, moi j'ai constaté qu'il est très commode d'envoyer ses déchets chez quelqu'un qui n'en veut pas.
On m'a déjà parlé d'étanchéité garantie des décharges. Il y en avait une dans ma circonscription quand j'étais au gouvernement provincial et c'était censée être 100 p. 100 étanche et ne pas produire de percolat. Cela nous a causé un véritable cauchemar. J'en ai vues beaucoup qui ne produisent pas de percolat et qui créent quand même ce problème.
• 2040
Cela nous ramène à l'évaluation provinciale, qui était censée
être minutieuse. Est-il vrai que pour l'évaluation provinciale, les
audiences étaient limitées à 15 jours?
M. Bill Saundercook: Je vais demander à un de mes collaborateurs de vous répondre. Auparavant, je tiens à vous dire qu'à ma connaissance la décharge de Keele Valley est un modèle du genre qui, j'imagine, a été soumise à la réglementation du ministère provincial de l'Environnement.
En ce qui concerne les délais, je vais devoir demander à M. Bacopoulos de vous répondre. Je ne le sais pas.
M. Angelos Bacopoulos: Monsieur, en ce qui concerne le nombre de jours, l'audience a porté sur les questions essentielles: la sûreté du site et la sûreté du processus de confinement proposé. J'estime que tout le temps nécessaire à l'étude de cette question précise a été accordé à chacun de ceux qui étaient contre.
M. Clifford Lincoln: Pouvez-vous être précis? Est-ce que c'était 15 jours?
M. Angelos Bacopoulos: Encore une fois, il est très difficile pour moi de répondre parce que nous n'étions pas là, mais le promoteur est ici et il peut répondre à la question.
M. Clifford Lincoln: Très bien. Eh bien, si vous pouvez me dire si c'était 15 jours...
Deuxièmement, vous avez dit que l'audience portait spécifiquement sur la sûreté. Qu'en est-il des questions environnementales? Qu'en est-il des questions sociales? Des questions démographiques? De l'écosystème? Ces questions ont-elles été étudiées?
M. Angelos Bacopoulos: Encore une fois, ce sont autant d'études qui ont été réalisées. Je pense que la personne la plus désignée pour vous en parler est M. McGuinty, qui comparaîtra plus tard.
M. Clifford Lincoln: Très bien. Je vais vous poser une dernière question. Je crois savoir que la commission a abouti à une décision partagée: deux contre un. Il y a eu une deuxième évaluation environnementale, qui encore une fois a laissé beaucoup de doute dans les esprits, mais le gouvernement provincial a quand même donné son approbation.
M. Angelos Bacopoulos: Il faut comprendre que les commissaires n'avaient pas de formation scientifique. C'était des gens ordinaires qui ont décidé en fonction des arguments des experts qu'ils ont entendus. Ils ont voté deux contre un en faveur de ce qui leur avait été soumis. Il s'agissait donc de leur jugement. Mais il ne s'agissait pas de scientifiques. Ils avaient entendu des spécialistes scientifiques...
M. Clifford Lincoln: Ce que je veux faire ressortir c'est que l'évaluation a abouti à une décision partagée. Il y a eu un autre examen, le gouvernement a donné son approbation puis il y a eu une audience de 15 jours. Quand j'entends dire qu'il y a eu une évaluation fantastique par le gouvernement de l'Ontario, je peux vous assurer que je reste sceptique parce que des évaluations, j'en ai vues beaucoup. M. Bernier a même dit que dans le cas de certaines évaluations environnementales, une commission peut prendre jusqu'à 13 mois. Une étude de 15 jours ce n'est sûrement pas très exhaustif, à mon avis.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Monsieur Bacopoulos, voulez-vous répondre?
M. Angelos Bacopoulos: Une évaluation environnementale complète a été effectuée. Elle a été revue par le ministère de l'Environnement et approuvée par le ministère. M. McGuinty pourra vous donner plus de précisions, mais notre contrôle préalable nous a amenés à conclure qu'un examen approprié du lieu avait été fait.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci.
Monsieur Pratt.
M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.): Merci, madame la présidente.
Il apparaît clairement que certaines des questions que se posent les députés ici autour de la table conviendraient mieux aux autorités environnementales du gouvernement ontarien. Il serait donc peut-être bon de les inviter à comparaître au comité.
Ma question—et peut-être M. Bernier pourra-t-il y répondre, et peut-être aussi les représentants de la Ville de Toronto—concerne la technologie utilisée dans cette décharge. Mes antécédents sont dans l'administration municipale. J'ai travaillé pendant six ans à la Municipalité régionale d'Ottawa-Carleton et trois ans à la Ville de Nepean. Dans ma circonscription à moi aussi il y a une décharge, celle de Trail Road. Quand nous avons voulu agrandir la décharge il y a quelques années, il a fallu installer une doublure inférieure soigneusement confectionnée, un dispositif collecteur de gaz, une pompe à percolat et une couverture de protection une fois la décharge remplie. Je ne vois rien de cela dans cette proposition.
• 2045
Je le sais de par mon expérience dans l'administration
municipale, une nappe phréatique stable peut devenir instable pour
Dieu sait quelle raison et on assiste à un revirement de situation.
Vu ce que vous en savez, pourquoi la norme dans le nord de
l'Ontario est-elle différente de ce qu'elle est dans l'est ou dans
l'ouest de la province? Quelqu'un peut-il me répondre?
M. Angelos Bacopoulos: Je vais essayer.
La technologie en usage ici est différente des technologies traditionnelles que vous connaissez. Nous gérons une décharge dans la ville de Vaughan avec une doublure d'argile et les mêmes dispositifs que ceux que vous avez décrits pour la décharge de Trail Road à Ottawa. Mais il s'agit ici d'une technologie différente en ce sens que l'on ne veut pas nuire à l'écoulement des eaux dans la décharge. En installant une doublure d'argile ou une barrière synthétique autour de la décharge, vous empêcheriez l'eau d'entrer dans la décharge alors que le principe même du confinement du percolat et des contaminants dans la décharge repose sur l'apport d'eau. Il faut donc encourager l'apport d'eau. Vous maintenez une différence importante entre le niveau de l'eau à l'intérieur de la décharge et le secteur avoisinant et vous continuerez d'avoir de l'eau qui entre sans que les contaminants ne s'échappent.
M. David Pratt: Je sais que c'est un système différent. Mais ma question est de savoir pourquoi il n'y a pas de méthode standard à la grandeur de la province pour garantir un niveau plus élevé de protection environnementale? Je ne suis pas géologue, mais il y a eu des cas dans ma circonscription où la nappe phréatique s'est modifiée pour diverses raisons.
Il se pose aussi une autre question. À votre connaissance, y a-t-il d'autres cas dans la province où ce système est employé?
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): J'aimerais intervenir un instant. Je sais que beaucoup de questions ont été adressées aux témoins de la Ville de Toronto, mais j'encourage les autres témoins à intervenir s'ils le veulent.
Poursuivez, je vous en prie.
M. Angelos Bacopoulos: Il y a une décharge en Saskatchewan qui utilise une technologie semblable. Elle ne reçoit pas d'ordures ménagères mais plutôt des résidus d'uranium. Je pense que la décharge existe depuis environ cinq ans; elle utilise le même genre de technologie d'apport d'eau dans le puits pour contenir les contaminants. Cette décharge est en service et fonctionne bien depuis cinq ans maintenant.
M. David Pratt: Cela me réconforte énormément, je vous assure.
Des voix: Oh, oh!
M. David Pratt: Savez-vous qui a payé les études d'hydrologie qui ont été utilisées pour la décision sur l'évaluation environnementale?
M. Angelos Bacopoulos: Nous n'avons pas été partie prenante. Je pense qu'il vaudrait mieux poser la question à M. McGuinty quand il comparaîtra ce soir.
M. David Pratt: Bon.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci, monsieur Pratt.
Pour en terminer avec nos questions à ce groupe, je donne la parole à Mme Girard-Bujold.
[Français]
Mme Jocelyne Girard-Bujold (Jonquière, BQ): J'aimerais demander aux représentants de la Ville de Toronto s'ils étaient prêts, afin de démontrer leur bonne foi et puisqu'ils sont convaincus qu'ils ont raison, à surseoir à la signature du contrat jusqu'à ce que l'Agence canadienne d'évaluation environnementale ait terminé son mandat.
[Traduction]
M. Bill Saundercook: Madame la présidente, je commencerai par ma propre intervention et je laisserai ensuite le directeur administratif conclure.
Je crois que nous avons de graves contraintes de temps. Les offres que nous avons expirent le 15 décembre. Notre dernière réunion du conseil aura lieu les 3, 4 et 5 octobre et nous ajournerons ensuite jusqu'aux élections du 13 novembre. Pour ces deux raisons, je pense donc que c'est très difficile.
Je laisse la parole au directeur administratif.
M. Michael Garrett: J'ajoute que nos limites de temps sont très importantes à ce stade. D'après les meilleures informations scientifiques dont nous disposons, le site est sans danger. Il s'agit d'une nappe d'eau confinée au fond d'une mine. Ce n'est pas une voie d'eau navigable ou une rivière poissonneuse. À moins que l'on constate que la technologie ne marche pas, ce qui serait constaté dans l'étude, nous devons aller de l'avant avant la fin de l'année. Il y a peut-être d'autres moyens légaux de s'occuper de cela. Toutefois, si l'on établit la preuve que le site n'est pas sûr, nous n'irons pas de l'avant. Je pense que c'est la position que la ville a toujours eue. Nous avons toujours tenu à respecter les règles et dit que si les experts pouvaient montrer que ce site n'était pas sûr, nous souhaitions le savoir.
[Français]
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Vous avez prévu conclure un contrat avec les promoteurs. Si vous constatiez que vous ne pouvez le respecter parce que de éléments nouveaux surgissent, seriez-vous en mesure d'invoquer certaines clauses du contrat qui vous permettraient de le résilier? Le contrat renferme-t-il de telles clauses? Si oui, j'aimerais que vous me les expliquiez.
[Traduction]
M. Michael Garrett: Les conditions sont très rigoureuses. Le contrat prévoit des garanties de bonne exécution et, comme vous l'imaginez, il y a une soixantaine de conditions dans le certificat d'approbation qui est émis pour ce site, des conditions qui stipulent des contrôles très poussés de la part à la fois du gouvernement provincial et des ministères fédéraux. En cas de fuite, le promoteur devrait prendre immédiatement des mesures pour rectifier le problème. Ce n'est donc pas un site qu'on va remplir et abandonner ensuite. Il sera contrôlé de très près. C'est quelque chose qui est possible. S'il y a un problème, il pourra être réglé.
[Français]
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Je cherchais plutôt à savoir combien cela vous coûterait si vous décidiez, après avoir obtenu de nouveaux renseignements, de résilier ce contrat. Est-ce qu'on a déjà prévu une somme précise pour une telle éventualité?
M. Pierre Brien: Est-ce que des pénalités sont prévues?
[Traduction]
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Combien?
M. Michael Garrett: Vous voulez dire si nous signons le contrat et qu'ensuite on l'annule?
M. Angelos Bacopoulos: J'imagine que nos avocats sont mieux placés pour répondre à cette question. Le contrat n'a pas encore été signé. Si nous le signons et que nous recevons ensuite certaines informations, je suis convaincu que le ministère de l'Environnement, qui a émis le certificat d'approbation pour ce site, aura son mot à dire. S'il retire le certificat d'approbation, j'imagine que notre contrat avec le promoteur deviendra nul et non avenue.
[Français]
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Dans ma région, les contrats renferment habituellement des clauses relatives à des pénalités dans l'éventualité d'une résiliation. Je ne comprends pas que la Ville de Toronto n'ait pas demandé qu'on inscrive de telles dispositions au cas où le promoteur ne respecterait pas ses engagements.
[Traduction]
M. Michael Garrett: Il y a des exigences de rendement dans le contrat, et si elles ne sont pas respectées, comme vous l'envisagez dans votre scénario...
[Français]
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Oui, mais...
[Traduction]
M. Michael Garrett: ... nous ne serons pas obligés de payer. En fait, ce sont eux qui nous paieront parce qu'ils n'auront pas respecté leurs obligations.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Je voudrais remercier les témoins. Avant de conclure avec ce groupe, je voudrais savoir s'il y a d'autres témoins qui veulent ajouter quelque chose. Non. Merci beaucoup.
Nous allons maintenant passer à notre second groupe. Il s'agit de Carol McBride, grand chef de la Première nation de Témiscamingue, et de David Nahwegahbow et Patrick Nadjiwan, conseillers juridiques.
• 2055
Je souhaite chaleureusement la bienvenue au grand chef Carol
McBride, et je rappelle aux membres du comité que M. Bernier reste
avec nous.
Je croyais que David Nahwegahbow serait avec vous. Est-il là ce soir?
M. Patrick Nadjiwan (conseiller juridique, Première nation de Témiscamingue): Je le remplace, madame la présidente.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci. Nous allons vous donner dix minutes pour votre exposé au comité.
Le grand chef Carol McBride (Première nation de Témiscamingue): Nous allons nous partager ce temps.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Cinq minutes chacun, c'est bien, ou moins si vous voulez. Vous n'êtes pas obligés d'utiliser les dix minutes au complet, mais il est convenu que vous pouvez disposer de ce temps.
M. Patrick Nadjiwan: Madame la présidente, je sais qu'on distribue des documents. Je vais en parler, et le chef McBride aussi. Je constate qu'on est simplement en train de les distribuer maintenant.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Est-ce qu'on distribue ces documents? Nous avons un problème, car ils sont dans une seule langue. Nous veillerons à les faire traduire et ils seront distribués plus tard.
M. Patrick Nadjiwan: Il y a d'autres documents que nous avons pu faire traduire dans le temps dont nous disposions. Il y a aussi une carte disponible dans les deux langues. J'en parlerai, si je le peux.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Très bien. Voulez-vous nous désigner ces documents ou sont-ils faciles à reconnaître?
M. Patrick Nadjiwan: Nous avons remis le résumé du témoignage et la pétition. Dans le résumé du témoignage, il y a la carte à laquelle je voudrais me reporter.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Très bien. Nous allons pouvoir faire circuler ces documents et vous pourrez préciser aux membres du comité ce qui y figure dans les deux langues.
M. Patrick Nadjiwan: Oui.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Il y a du français ici. Bon. J'allais dire sehr gut, mais ce n'est pas une des langues officielles du Parlement du Canada—peut-être en Allemagne, mais...
La soirée sera longue, donc je donne la parole au grand chef et à M. Nadjiwan.
Le grand chef Carol McBride: Tout d'abord, je souhaite m'excuser auprès du groupe francophone de ne pas avoir eu le temps de faire traduire le texte.
• 2100
Honorables députés, membres du comité, mesdames et messieurs,
je m'appelle Carol McBride. Je suis chef de la Première nation de
Témiscamingue et grand chef du Secrétariat de la Nation algonquine.
Je suis venue ici au nom de mon peuple pour attirer votre attention
sur les risques d'effets dévastateurs sur ma communauté de la
décharge que l'on envisage d'aménager à la mine Adams.
La Première nation de Témiscamingue a une population de 1 433 individus, et environ un tiers de nos membres résident dans la réserve indienne de Témiscamingue, près de Notre-Dame-du-Nord, au Québec, au nord-est du lac Témiscamingue. Le lac Témiscamingue est situé sur la frontière entre l'Ontario et le Québec.
Contrairement aux Premières nations voisines de l'Ontario, la Première nation de Témiscamingue n'a jamais conclu de traité de renoncement à des terres avec la Couronne. Comme dans le passé, nous continuons à utiliser et à occuper les terres et les eaux des deux côtés de la frontière interprovinciale, y compris celles qui se situent à proximité du site de la mine Adams. Nos témoignages historiques montrent que nous avons utilisé et occupé continuellement notre territoire traditionnel depuis au moins 1760. Notre Première nation revendique donc un titre ancestral non éteint pour toutes ces terres et ces eaux, y compris le site de la mine Adams, qui sont situées dans son territoire traditionnel.
La carte que vous avez dans vos documents indique le territoire de la Nation algonquine. Cette carte a été établie à partir de recherches poussées. Fondée sur des documents du commerce des fourrures, de la colonie du gouvernement fédéral et des missions, elle représente, d'après les meilleures données disponibles, la partie nord des territoires traditionnels de la Première nation de Témiscamingue en date de 1867. Le site de la mine Adams se situe dans ce territoire.
Le site de la mine Adams est situé dans un bassin hydrographique qui fait partie du territoire traditionnel de la Première nation de Témiscamingue. La carte en couleur que vous trouvez à la troisième page de notre document montre bien les bassins hydrographiques de cette zone. La grosse ligne noire au sommet de la carte représente la hauteur des terres d'où les rivières partent vers le nord et la baie James. Le site de la mine Adams et la réserve de Témiscamingue sont désignés par les points bleus sous cette ligne.
Toute la zone de drainage se resserre comme un entonnoir en un couloir étroit, la rivière Blanche, qui se déverse à la tête du lac Témiscamingue. La nappe phréatique de la mine Adams fait partie de la source d'approvisionnement en eau de la réserve de Témiscamingue et d'autres communautés situées entre les deux sites.
Ma communauté risque de subir les mêmes conséquences que les municipalités dont les représentants m'ont précédé. Toutefois, je vous ferai respectueusement remarquer que ma Première nation souffrira encore plus. Étant Algonquins, nous avons un lien particulier avec la terre, qui s'accompagne de responsabilités spéciales, notamment la responsabilité de transmettre aux générations futures nos terres telles que nous les avons reçues.
Nos membres continuent à pêcher et à chasser le gibier et la sauvagine, ainsi qu'à recueillir des plantes médicinales dans la région en question. De graves questions ont été soulevées au sujet des incidences potentielles sur la chaîne alimentaire de la décharge envisagée. Nous risquerions de ne plus rien avoir à transmettre aux générations futures. Les incidences sur notre culture et nos traditions seraient dévastatrices et irréversibles.
En résumé, les répercussions sur mon peuple se feront sentir sous forme d'une contravention au titre ancestral au site de la mine Adams, d'une contamination de l'écosystème du bassin hydrographique dont se servent nos membres pour s'approvisionner, d'une contamination de l'approvisionnement en eau de notre réserve, et de conséquences de cette situation pour la santé et la sécurité de mon peuple.
Au nom de mon peuple, je remercie le Comité de l'environnement de se soucier des risques d'incidences néfastes de la proposition de décharge de la mine Adams. Nous vous demandons de poursuivre l'appui que vous nous apportez en veillant à ce qu'un examen environnemental complet soit réalisé avant que les promoteurs de ce projet puissent infliger des dommages irréparables à notre terre, nos intérêts, notre culture et notre peuple.
Nous vous conjurons d'aider le gouvernement du Canada à s'acquitter de ses obligations fiduciaires et morales auprès de la Nation algonquine. Merci. Meegwetch.
M. Patrick Nadjiwan: Madame la présidente, honorables députés, merci de nous écouter ce soir. Nous vous en sommes reconnaissants. Je vais essayer d'être bref.
• 2105
Je vais d'abord parler de la question de la compétence. La
compétence du gouvernement fédéral et de la Loi sur l'évaluation
environnementale n'est nullement remise en question. Lorsqu'il y a
une question environnementale qui relève d'une autorité de la
sphère fédérale, il existe le pouvoir d'intervenir sur les
incidences environnementales. Cela n'est pas spécifiquement précisé
dans la répartition des pouvoirs, mais c'est quelque chose qui
relève des autorités désignées.
En l'occurrence, le ministre doit faire un contrôle tout à fait clair, et dans mon intervention, je voudrais dire que les faits qui ont été communiqués au comité aujourd'hui lui donnent les preuves dont il a besoin. Il suffit que le ministre se dise d'avis que le projet risque d'avoir des retombées environnementales assez graves sur une autre province, ce qu'on appelle les retombées transprovinciales. À notre avis, le projet en question répond aussi aux critères du paragraphe 48(1), qui concerne les terres domaniales, y compris les terres des réserves, et où il est dit que le ministre doit être d'avis que le projet peut avoir d'importants effets environnementaux néfastes sur les terres réservées aux Indiens, d'autres terres domaniales ou des terres sur lesquelles les Indiens ont des intérêts. Je soutiens que le projet en question, de par sa nature, correspond parfaitement à ce critère.
Il s'agit d'un lac artificiel dans lequel on va déverser des millions de livres de déchets. Nous aurons besoin d'un système de pompage qui fonctionnera pendant plus de cent ans pour nous assurer qu'il n'y ait pas d'incidences environnementales néfastes. Le critère à appliquer ici consiste à savoir s'il y a un risque important d'incidences environnementales, et le projet lui-même est la preuve de l'existence de ce critère.
Nous voulons surtout insister sur les conséquences de tout cela pour les droits des Autochtones qui sont en jeu. À mon avis, ce projet pourrait influer sur trois groupes de droits ancestraux. D'emblée, je signale que les droits des Autochtones sont, par leur nature et de facto, uniques en leur genre. Ce ne sont pas des droits qui peuvent être rachetés ou cédés. Ce sont des droits dont jouissent les Premières nations du fait qu'elles occupent et utilisent ce territoire depuis des temps immémoriaux. On ne peut tout simplement demander aux Autochtones de s'installer à une quarantaine de miles plus loin et attendre d'eux qu'ils aient les mêmes liens avec cette terre.
Si ce projet a des conséquences négatives pour cette réserve, elles seront d'autant plus négatives que les droits de cette Première nation sont irremplaçables.
Le premier ensemble de droits, énoncé par la loi, qui sera touché est celui qui concerne les réserves. Comme les membres du comité peuvent le voir d'après la carte figurant dans le résumé des preuves que nous vous avons fourni, la réserve Témiscamingue se trouve au fond du bassin hydrographique. Si on connaît des problèmes avec l'eau de la mine Adams, cette eau s'écoulera nécessairement sur les terres de la réserve. Il est fort possible que ce projet ait des effets interprovinciaux, et nous estimons aussi qu'il est assujetti à l'article 48 et qu'il pourrait avoir des effets néfastes sur les terres de la réserve.
Il importe de noter que ces terres sont détenues par la Couronne fédérale en vertu d'une fiducie créée par la loi à l'usage et au profit de cette Première nation. Il ne s'agit donc pas d'une terre détenue en fief simple en vertu d'un titre normal. Cet organe, ce parlement, détient ce territoire en fiducie pour cette Première nation. Ça signifie que le gouvernement a l'obligation de s'assurer qu'il ne s'y produit pas de dommage accidentel et qu'il n'est pas soumis à des effets néfastes.
Le deuxième ensemble de droits qui sont en jeu est la revendication des Algonquins relativement à tout ce bassin hydrographique. Déjà, la Première nation a revendiqué ce territoire. Nous sommes à rassembler les documents nécessaires. Toutes les parties en cause savent que la Première nation en question n'a pas signé le traité. Cette terre est assujettie à la proclamation royale, et personne n'a de droit à son égard tant qu'il n'y a pas eu cession en bonne et due forme, ce qui n'a pas encore eu lieu en l'occurrence.
Il est assez révélateur de voir comment certains représentants du gouvernement fédéral ont décrit ce territoire. Je vous cite un bref extrait d'une lettre adressée par John Leslie, Centre de la recherche historique du ministère des Affaires indiennes, au ministère ontarien de l'Environnement en 1997:
-
Les données historiques, anthropologiques et archéologiques
indiquent que ces populations algonquines ont, dans le passé,
exploité des terres et des ressources dans le Nord-Est de
l'Ontario, y compris la mine Adams. Des études sur l'usage actuel
font état d'activités continues, jusqu'à ce jour, de récoltes et
d'exploitation par les Autochtones dans cette région.
Je vous cite ces propos pour vous prouver que cette revendication n'est pas sans fondement. Elle est très sérieuse, et le ministère des Affaires indiennes et du Nord en est conscient. Ses fonctionnaires reconnaissent le sérieux de notre revendication. Il incombe au Parlement, en vertu de son obligation de fiduciaire, d'assurer la protection des droits que nous confère la Constitution et de tenir compte, à tout le moins, de nos revendications au moment de déterminer l'impact environnemental.
• 2110
Le titre ancestral a changé depuis l'arrêt Delgamuukw. C'est
un fait qui est maintenant clairement établi en droit. Ce titre
grève le titre sous-jacent, et ce, avant même qu'on reconnaisse
l'existence de ce titre. Le gouvernement fédéral devra assumer la
responsabilité de ce qu'il adviendra de ces droits dorénavant s'il
refuse de les reconnaître pendant encore 20 ans. Le gouvernement
devrait garder ça à l'esprit lorsqu'il lui faudra évaluer des
incidences environnementales de cette envergure.
On me fait signe d'en arriver à la conclusion.
Je dirai donc simplement qu'il m'apparaît important de reconnaître l'insuffisance du processus adopté par l'Ontario. Ce processus a exclu les intérêts autochtones dès la détermination de l'envergure des audiences. Ces audiences de 15 jours étaient d'une portée si étroite qu'il n'a même pas été possible de soulever la question des droits des Premières nations.
Nous n'avons été inclus que dans les consultations menées par le promoteur et qui, comme je l'indique dans mon mémoire, étaient loin d'être dignes de ce nom. Comment peut-on permettre que le promoteur d'un projet d'un milliard de dollars dise après avoir rencontré les Indiens: «Nous les avons entendus; nous n'avons plus besoin de les entendre. Nous avons réglé la question de leurs intérêts.» Il est peu probable qu'ils changent d'avis, peu importe ce qu'on leur dira. Ce n'est pas là ce que j'appelle de véritables consultations. Or, le gouvernement fédéral a l'obligation de mener des consultations.
Enfin, notre relation avec le gouvernement fédéral diffère de celle que nous entretenons avec l'Ontario. On ne peut compter sur l'Ontario car cette province n'a pas d'obligations fiduciaires claires à notre égard comme le gouvernement fédéral. Mais il faut qu'on tienne compte de nos besoins et qu'on satisfasse à nos besoins. Si ce projet est conforme aux exigences environnementales, tant mieux. Si c'est ce que pensent les promoteurs, où est le problème? Allons de l'avant.
À mon sens, il est important de prévenir un autre Walkerton. J'aimerais bien savoir quelle serait la position du gouvernement fédéral dans 20 ans si une catastrophe écologique se produisait et si la revendication était jugée fondée. Quelle serait la position du gouvernement fédéral alors? La seule façon de prévenir une telle situation est de procéder à l'évaluation dès maintenant.
Je remercie la présidente et les membres du comité de m'avoir écouté. Moi et la chef serons heureux de répondre à vos questions.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci beaucoup.
Monsieur Brien, suivi de M. Gruending et de M. Herron.
[Français]
M. Pierre Brien: Je vous remercie des documents que vous nous avez remis et dont la majorité ont été traduits. Certaines organisations qui disposent de moyens beaucoup plus significatifs que les vôtres ne prennent pas la peine de faire le même exercice.
J'ai entendu un promoteur nous dire à plusieurs reprises que les Algonquins avaient été consultés et qu'ils avaient participé à ce processus depuis 1995. Que répondez-vous aux promoteurs lorsqu'ils affirment une telle chose?
[Traduction]
M. Patrick Nadjiwan: Je peux vous donner deux ou trois réponses.
D'abord, le temps que nous avons passé avec le promoteur en 1997 totalise une heure et 45 minutes. Je sais que le promoteur soulignera les consultations qui ont été menées auprès des autres Premières nations, mais à mon avis, on ne peut remplacer un visage rouge par un autre. Chaque Première nation a le droit d'être consultée et, en l'occurrence, nous ne l'avons pas été.
Une de ces réunions a commencé à 9 h 45 et s'est terminée à 10 h 30; le représentant autochtone a clairement indiqué au promoteur qu'il ne s'agissait pas là, à ses yeux, d'une séance de consultation, mais plutôt d'une séance d'information. Le promoteur était prêt à l'entendre, mais pas à le consulter véritablement. Rien ne s'est fait depuis.
[Français]
M. Pierre Brien: À la lumière du témoignage que nous avons entendu, la Ville de Toronto ne semble pas vouloir changer d'idée et elle semble déterminée à signer ce contrat dans sept ou huit jours. Quel calendrier ou échéancier l'agence fédérale devrait-elle adopter, selon vous? Quand prévoyez-vous une intervention ou une réponse de la part du fédéral? Est-ce que cette date la semaine prochaine est importante et significative pour vous dans le cadre de ce processus?
[Traduction]
Le grand chef Carol McBride: Il nous faut une réponse dans les meilleurs délais. Je crois savoir—et je n'ai pas de connaissance technique, je ne prétends pas en avoir—qu'on est sur le point de commencer l'assèchement de la mine. Il semble qu'on commencera au début de novembre, une fois que le contrat aura été signé.
La procédure d'assèchement nous inquiète. Nous demandons aujourd'hui au gouvernement fédéral de prendre sa décision concernant l'évaluation environnementale dans les meilleurs délais afin de protéger le site dans son état actuel. J'espère qu'on invoquera l'article 50 qui interdit les travaux jusqu'à ce que l'évaluation soit terminée.
M. Pierre Brien: J'aimerais entendre M. Bernier là-dessus. Avez-vous une façon de vous assurer que le projet n'ira pas de l'avant tant que vous n'aurez pas terminé l'évaluation de la requête?
M. Paul Bernier: Il n'y a aucune façon de faire ainsi. Le pouvoir existe si le ministre conclut, après avoir reçu nos avis, que la position mérite un examen par une commission ou une médiation. Dans ce cas-là, comme le chef McBride l'a indiqué, il existe un pouvoir d'injonction en vertu de l'article 50 de la loi. Le ministre peut ordonner que le promoteur ne fasse rien pour permettre que le projet aille de l'avant.
M. Pierre Brien: Le fait que le contrat sera signé la semaine prochaine constitue-t-il pour vous une donnée que vous prenez en considération dans la vitesse à laquelle vous devez soumettre votre recommandation au ministre?
M. Paul Bernier: Oui, et je puis vous dire que malgré la complexité des enjeux abordés, l'agence nous assure que son travail sera fait avec la participation des autres ministères et le plus rapidement possible.
M. Clifford Lincoln: L'agence assure quoi?
M. Paul Bernier: L'agence assure que le travail qu'elle va faire avec la participation des autres ministères se fera le plus rapidement possible. Je suis conscient des échéances, mais comme je l'ai dit plus tôt d'ailleurs, d'après ce que l'on peut comprendre pour l'instant, ce n'est pas une question de jours. Nous partageons nos renseignements avec les ministères experts aussitôt que nous les avons. Donc, ce n'est pas une question de jours.
M. Pierre Brien: Comme il ne reste qu'environ cinq jours ouvrables avant la décision, on ne peut pas penser que votre recommandation va arriver avant l'échéance du conseil municipal prévue pour la semaine prochaine.
[Traduction]
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Monsieur Gruending, vous avez la parole.
M. Dennis Gruending: Merci.
Monsieur Bernier, vous avez indiqué plus tôt que la Première nation de Témiscamingue a envoyé des documents au gouvernement en mars ou avril et que c'est votre agence ou ministère qui les a examinés en août.
M. Paul Bernier: J'ai indiqué que le chef McBride a écrit au ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien en mars ou avril pour lui demander d'invoquer l'article 48 de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Je crois qu'une copie conforme a été envoyée au ministre de l'Environnement. Je parlais plutôt de documents additionnels qui ont été envoyés depuis, plus récemment, soit au début de septembre ou à la fin d'août. Je crois avoir ici quelque part la date de réception de ces documents...
M. Dennis Gruending: J'en parlerai au chef dans un moment. Ma question est la suivante: si les documents sont arrivés au ministère des Affaires indiennes en mars ou avril, pourquoi n'est-ce que cinq mois plus tard qu'ils ont été envoyés à un autre ministère et passés en revue?
M. Paul Bernier: J'ai parlé de documents que nous avions demandés après avoir lu la lettre originale qui avait été envoyée à un autre ministre, pas le nôtre... en guise de pétition adressée à notre ministre.
• 2120
Pour faire suite à cette lettre, nous avons demandé à la
Première nation de nous remettre des documents supplémentaires. Je
ne crois pas que la lettre initiale contenait toutes les
informations que les Autochtones voulaient nous transmettre, mais
ils pourront vous le dire mieux que moi. Ils nous ont fait parvenir
d'autres renseignements, que nous avons reçus assez récemment.
M. Dennis Gruending: J'aimerais connaître votre point de vue à vous, chef McBride. Vous avez envoyé une lettre au ministre des Affaires indiennes en mars ou avril. Vous attendiez-vous à ce qu'on y donne suite assez rapidement, ou que cela prenne des mois?
Le grand chef Carol McBride: Je le répète, je n'ai pas de connaissances techniques. Je m'attendais à ce que le ministère communique avec nous plus tôt. Nous avons néanmoins envoyé les autres documents le 31 août.
M. Dennis Gruending: Est-ce que le ministère a communiqué avec vous pour vous demander des documents additionnels?
Le grand chef Carol McBride: Oui, mais seulement un peu plus tard.
M. Dennis Gruending: Beaucoup plus tard?
Le grand chef Carol McBride: Je ne me souviens pas précisément des dates. Si je vous donnais une date, elle serait très approximative, mais c'est certainement un certain temps après que nous ayons envoyé notre lettre.
M. Dennis Gruending: J'aimerais vous poser quelques brèves questions sur les relations que vous entretenez, comme Première nation, avec certains des autres groupes qui témoignent ici aujourd'hui. Je suis désolé de n'avoir pu leur poser des questions. Je voulais le faire, car je sais qu'ils viennent de loin, mais ça n'a pas été possible. Il semble que vous travaillez de concert dans ce dossier. Pourriez-vous nous décrire un peu cette collaboration, l'un ou l'autre d'entre vous?
Le grande chef Carol McBride: Je dirai d'abord que la Première nation de Témiscamingue travaille à ce dossier depuis 1995. Je n'étais pas grand chef à l'époque; c'est Harry St-Denis qui occupait ce poste, mais j'étais chef de la Première nation de Témiscamingue. J'ai toujours travaillé à ce dossier. Il m'apparaissait important et pouvait avoir des effets néfastes sur la santé et la sécurité de notre peuple.
Nous avons redoublé d'effort... Je vous parle maintenant spontanément et franchement. J'ai toujours cru que ce projet ne serait jamais mené à bien, car il m'apparaissait si peu sensé. Il met en danger la santé et la sécurité des habitants du Nord. Je me disais que les autorités gouvernementales, fédérales ou provinciales, feraient obstacle à un tel projet. Je ne travaillais donc pas activement à ce dossier car je me disais qu'il n'irait pas plus loin.
Lorsque je me suis rendu compte que tel n'était pas le cas, je suis devenue plus active. J'ai commencé à exprimer mon opinion lors de manifestations. C'était il y a peu de temps, il y a peine quelques mois, lorsque je me suis rendu compte que ce projet irait de l'avant et qu'il me fallait faire face à la réalité.
À mes yeux, nous sommes entrés dans l'histoire. Notre groupe compte des Autochtones, des députés du Bloc québécois, le député provincial de l'Ontario, des députés libéraux fédéraux, des maires, des agriculteurs. C'est assez révélateur. Cela témoigne bien de notre volonté d'unir nos efforts parce que nos vies et notre environnement sont en danger. Ce projet sera extrêmement nuisible pour notre région qui ne sera plus jamais la même, à mon avis. Nous avons trouvé des alliés qui partagent nos grandes préoccupations.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci.
Monsieur Herron
M. John Herron: Ma première question s'adresse à M. Bernier. Quand vous aurez recueilli la totalité de votre information, je soupçonne que même les discussions de ce soir en feront partie. Ai-je raison de dire que les témoignages recueillis pendant les audiences de notre comité seront utilisés pour l'évaluation?
M. Paul Bernier: Il est certain que nous présenterons au ministre tous renseignements pertinents auxquels nous avons accès.
M. John Herron: Quand vous formulez une recommandation à l'intention du ministre fédéral, vous contentez-vous de présenter les faits au ministre fédéral, lequel prend connaissance de tout cela et forge sa propre opinion? Ou bien votre recommandation prend-elle la forme d'un oui, d'un non, d'un peut-être ou d'un probablement?
M. Paul Bernier: Nous ferons une recommandation au ministre, comme je l'ai dit tout à l'heure, en faisant appel aux compétences spécialisés du personnel scientifique d'Environnement Canada et de Ressources naturelles Canada. Cette recommandation portera sur le risque d'effets environnementaux hors frontières importants découlant de ce projet.
M. John Herron: J'ai deux autres questions à poser. Je suppose que cette recommandation sera du domaine public. Nous pourrons en prendre connaissance. Tous les parlementaires pourront prendre connaissance du mémoire que vous remettrez au ministre, dans l'intérêt de l'ouverture et de la transparence, oui ou non?
M. Paul Bernier: C'est le régime habituel qui s'appliquera. Pour ce qui est de l'accès, vous connaissez mieux que moi les dispositions de la Loi sur l'accès à l'information.
M. John Herron: Il nous faudra donc en faire la demande. Vous ne rendrez pas cela public.
M. Paul Bernier: Personnellement, je n'ai pas réfléchi à la nature de la recommandation.
M. John Herron: Une dernière question, madame la présidente. Les témoins qui ont comparu durant la deuxième moitié de cette triple comparution ont dit clairement qu'à leur avis, il existe des dispositions mettant en cause les Affaires indiennes et du Nord canadien qui pourraient déclencher une intervention fédérale. Êtes-vous également de cet avis?
M. Paul Bernier: J'en reviens toujours au document que j'ai rédigé à l'intention des députés, parce que je crois que l'on y trouvera des renseignements très utiles. J'ignore si vous en avez pris connaissance...
M. John Herron: Je n'ai pas eu le temps de le lire, mais vous pourriez peut-être me dire ce qu'il en est.
M. Paul Bernier: Bien sûr, avec plaisir.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Je crois que nous avons ce document.
M. Paul Bernier: Sera-t-il joint au compte rendu?
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Oui.
M. Paul Bernier: Il serait plus facile de vous y reporter. La réponse à votre question est que...
M. John Herron: Je vous demande...
M. Paul Bernier: J'essaie justement de vous répondre.
M. John Herron: Ma question porte sur le témoignage que nous avons entendu à propos de la possibilité d'une intervention fédérale déclenchée par les Affaires indiennes et du Nord canadien. À votre avis, cela pourrait-il déclencher une évaluation?
M. Paul Bernier: L'explication que j'ai mise par écrit et dont je peux vous faire part maintenant est que nous examinons la question de savoir si le gouvernement fédéral doit rendre une décision quelconque en rapport avec ce projet aux termes des dispositions sur les effets hors frontières. Il est essentiel de tirer cela au clair, parce que si les autorités fédérales doivent prendre une décision ou en ont déjà pris une au sujet de ce projet, alors ces dispositions sur les effets hors frontières ne peuvent pas s'appliquer. Il ne pourrait donc y avoir aucune évaluation environnementale fédérale dans ces circonstances. Nous n'avons pas terminé l'analyse juridique qui nous permettrait de répondre à cette question.
Si l'on met de côté les dispositions de la loi relatives aux effets hors frontières, je peux vous dire que dans le passé, quand par exemple Environnement Canada a participé à l'étude provinciale, à ce moment-là et jusqu'à ce moment-là, aucun élément précis ne déclenchait l'application de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Cela veut dire que le gouvernement fédéral n'est pas un promoteur du projet, qu'il n'y contribue pas financièrement, qu'il ne fournit pas de terrain pour la réalisation du projet, et qu'il n'est pas appelé à rendre une décision réglementaire ou une décision dictée par une loi fédérale en rapport avec le projet. Par conséquent, pour ce qui est d'un élément déclencheur qui entraînerait l'application de la loi, jusqu'à maintenant, la réponse est non.
• 2130
Ce à quoi nous réagissons maintenant, c'est une pétition qui
indique que le projet suscite des préoccupations, que le ministre
a prises très au sérieux et qui évoquent d'éventuelles effets hors
frontières du projet, peut-être sur les terres de la réserve de la
Première nation ou, de façon plus générale, dans la province de
Québec. Ce sont les deux dispositions que nous examinons et nous
nous demandons si elles peuvent s'appliquer.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci beaucoup.
Monsieur Lincoln.
M. Clifford Lincoln: Monsieur Bernier, il semble bien qu'en mars ou avril dernier, des démarches ont été faites aux Affaires indiennes et que vous en avez eu indirectement connaissance. Est-ce exact?
M. Paul Bernier: Nous en avons eu connaissance par la suite, en effet.
M. Clifford Lincoln: À ce moment-là, on a demandé de plus amples renseignements et je crois savoir qu'une rencontre ou des rencontres avec l'agence ont eu lieu avant que le chef vous envoie sa lettre du 1er septembre. Est-ce exact?
M. Paul Bernier: C'est exact. J'ai rencontré le chef McBride à la mi-août, de même qu'un ou deux représentants du ministre.
M. Clifford Lincoln: Maintenant, si l'on prend tout cela en considération, et aussi le fait qu'il y a extrême urgence—j'espère avoir mal entendu quand vous avez dit que votre décision pourrait malheureusement être rendue après la signature du contrat si celle-ci a lieu la semaine prochaine, ce qui serait une véritable tragédie—dans tout ce dossier, et compte tenu de ce que M. Nadjiwan a dit au sujet de la loi, et je suis entièrement d'accord avec lui... Je ne l'avais jamais entendu auparavant, j'ai examiné la question avec mes collègues et j'ai constaté que ce qu'il disait, surtout en ce qui concerne les répercussions sur les terres indiennes et les terres administrées en fiducie, était très convaincant au regard de la loi, à savoir qu'aux termes des articles 46, 48 et 50, qui confèrent au ministre le pouvoir de retarder la réalisation d'un projet s'il est convaincu qu'il faut déclencher aux termes des articles 46 et 48...
Si l'on tient compte de tout cela et qu'on jette un coup d'oeil sur cette carte géographique, qui montre que le projet se situe à environ 1 400 pieds au-dessus du niveau de la mer et que le terrain s'abaisse graduellement vers le lac Témiscamingue, de sorte que l'eau coule en direction du lac, y a-t-il moyen pour l'agence d'évaluation de faire une recommandation sans se lancer dans des détails tellement complexes qu'ils déclencheraient l'application de la loi?
Si ce n'est pas possible, si l'on examine l'évaluation environnementale qui a été faite par l'Ontario, on constate que l'on n'a pas tenu compte des questions socio-économiques ou écosystémiques sur une grande échelle, et on n'a assurément pas examiné les questions autochtones. Par conséquent, comment ces gens-là pourraient-ils se protéger sinon en invoquant notre loi? Nous sommes les fiduciaires des Indiens. C'est pourquoi cette disposition a été insérée dans la loi. Comment se fait-il que nous ne puissions pas dire: oui, nous allons les protéger et nous allons veiller à ce qu'ils soient entendus? Si nous ne le faisons pas, qui le fera? Tout cela me rend perplexe.
M. Paul Bernier: Je comprends votre question, monsieur Lincoln. Évidemment, le travail effectué par l'agence en rapport avec la pétition est régi par les pouvoirs conférés au ministre de l'Environnement par le Parlement. C'est là notre priorité: comprendre si les pouvoirs conférés au ministre par le Parlement peuvent effectivement être invoqués en l'occurrence conformément à l'intention du législateur. Si le ministre, après avoir reçu l'avis de l'agence, en arrive à la conclusion qu'il y a lieu de faire intervenir une commission d'évaluation, le mandat de cette commission est également circonscrit par les pouvoirs que le Parlement a conférés au ministre. Je veux dire par là que l'évaluation des incidences environnementales ne sera pas nécessairement aussi étendue qu'on pourrait le souhaiter. Nous devons respecter la loi. L'évaluation portera donc uniquement sur les incidences transfrontalières...
M. Clifford Lincoln: Nous convenons tous qu'il faut respecter la loi, évidemment.
Voici la question que je voulais vous poser. Vous avez entendu M. Nadjiwan donner une interprétation claire de la disposition. Avez-vous quelque objection à ce qu'il a dit aujourd'hui, ou bien, puisqu'il a fait connaître son opinion, l'agence, avec tous les pouvoirs dont elle dispose, avec tous ses effectifs, sans compter qu'elle peut faire appel au ministère de la Justice, est-elle capable d'en arriver à une opinion dans le même délai qu'un petit cabinet d'avocats comptant seulement trois ou quatre personnes?
Êtes-vous en désaccord avec ce qu'il a dit ce soir?
M. Paul Bernier: Tout ce que je peux dire, c'est que notre analyse juridique est incomplète, pour la raison que l'information qui nous est accessible jusqu'à maintenant ne nous permet pas de la compléter. Supposons, par exemple, et ce n'est qu'une possibilité, mais supposons qu'un ministère a une décision à prendre en rapport avec ce projet, et cela n'a pas été exclu; dans cette situation, les dispositions de la loi relatives aux incidences transfrontalières ne s'appliquent pas. Par conséquent, le ministre n'est pas habilité par la loi à faire intervenir une commission d'évaluation.
Donc, au lieu de perdre du temps à essayer de préciser l'analyse juridique, nous avons décidé de travailler parallèlement à deux dossiers: d'une part, nous essayons de préciser l'analyse; en même temps, nous nous penchons sur les nouveaux renseignements communiqués par les Premières nations pour en évaluer l'importance. Nous faisons ces tâches simultanément et non pas consécutivement, afin de pouvoir en arriver à une conclusion plus rapidement et de conseiller le ministre en conséquence.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Je tiens à dire aux autres témoins, comme je l'ai fait pour le groupe précédent, qu'il arrive parfois qu'une série de questions sont adressées au même témoin. Si vous souhaitez intervenir, n'hésitez pas à le signaler à la présidence.
Je voudrais savoir si vous avez des observations à formuler sur les questions qui ont été posées jusqu'à présent.
Le grand chef Carol McBride: Je pourrais vous parler très longuement des sentiments qui m'étreignent en ce moment. À titre de chef de ma communauté, ce que j'entends ce soir n'est pas de nature à me calmer. Toronto va se prononcer par un vote dans cinq ou six jours. J'ai une population à tenir en main, parce que je peux vous dire tout de suite qu'ils ne vont pas permettre cela. Ils ne le permettront pas.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci, grand chef.
La parole est maintenant à Mme Redman.
Mme Karen Redman: Merci, madame la présidente. C'est manifestement une question qui soulève beaucoup de passion et d'intérêt.
Monsieur Bernier, pouvez-vous nous dire quel rôle jouent les préoccupations du public relativement aux éléments transfrontaliers de ce dossier?
M. Paul Bernier: Si le ministre devait conclure, après avoir pris connaissance des recommandations qui lui sont transmises par l'agence, et après avoir pris conseil par ailleurs, qu'il y a lieu de saisir de ce dossier une commission d'évaluation, il pourrait seulement le faire, en application de la loi, en invoquant le risque d'importantes incidences environnementales néfastes et de nature transfrontalière. Il n'est pas habilité par le Parlement à réclamer l'intervention d'une telle commission sur la base des préoccupations du public, ce qui est un facteur qui entre en ligne de compte dans d'autres parties de la loi, mais pas dans les dispositions sur les incidences hors frontières.
Mme Karen Redman: Y a-t-il eu des décisions fédérales susceptibles d'influer sur cette affaire?
M. Paul Bernier: Non. Jusqu'à maintenant, il n'y a eu aucune décision fédérale sur la mise en application de la Loi sur l'évaluation environnementale. Pour ce qui est de tout autre attribution, obligation ou fonction aux termes d'autres lois fédérales, c'est justement l'une des raisons qui expliquent pourquoi nous n'avons pas encore terminé notre analyse juridique. Nous croyons qu'il n'y en a pas, mais nous n'en avons pas la certitude et nous devons en être certains pour pouvoir aviser le ministre quant aux pouvoirs dont il dispose. Si d'autres attributions ou obligations fédérales quelconques s'appliquent en rapport avec le projet, alors ces dispositions sur les effets hors frontières ne peuvent pas s'appliquer.
Mme Karen Redman: Merci.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci beaucoup.
Monsieur Pratt, suivi de Mme Girard-Bujold.
M. David Pratt: Je dispose de combien de temps, madame la présidente?
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Vous avez cinq minutes.
M. David Pratt: D'accord.
Ma question, monsieur Bernier, porte sur le document que vous avez remis au comité. J'ai eu le temps de le lire en bonne partie. La rubrique «Évaluation provinciale» a attiré mon attention. À la deuxième ligne, je lis ceci:
-
Des experts scientifiques d'Environnement Canada ont pris part à
cet examen.
... l'évaluation environnementale du gouvernement provincial remonte à 1996. Et plus loin, sous la rubrique «L'analyse technique», page 3, on dit:
-
L'analyse technique portera spécifiquement sur la contamination
possible de la nappe phréatique et des eaux de surface découlant du
Projet sur des territoires québécois et sur des terres sur
lesquelles la Première nation du Témiscamingue ont un droit. Pour
entreprendre l'analyse, l'Agence fera appel à l'expertise de
scientifiques d'Environnement Canada et de Ressources naturelles
Canada.
Tout d'abord, ce n'est peut-être pas grand-chose, mais je me demande seulement pourquoi Ressources naturelles Canada n'a pas pris part à l'évaluation de 1996.
M. Paul Bernier: Je n'ai pas la réponse à cette question.
M. David Pratt: Bien.
Ma deuxième question porte sur l'évaluation supplémentaire par Environnement Canada et Ressources naturelles Canada. Il me semble que, normalement du moins, d'après ce que j'ai vu, Environnement Canada et peut-être même Ressources naturelles Canada n'auraient pas nécessairement les compétences nécessaires relativement au site d'enfouissement de manière générale. Pour obtenir une opinion d'expert sur des sites d'enfouissement, il faut s'adresser aux instances qui s'occupent régulièrement de sites d'enfouissement, à savoir les gouvernements municipaux.
Au sujet de cette analyse technique supplémentaire qui est en cours, je me demande seulement si vous n'avez pas songé à vous adresser à un gouvernement municipal, qui vous donnerait des conseils indépendants et vous dirigerait peut-être vers des experts qui pourraient vous donner davantage de conseils indépendants sur cette question. Est-ce une chose que vous pouvez envisager?
M. Paul Bernier: Comme nous avons essayé de l'expliquer dans notre texte, l'agence examinera toutes les informations pertinentes qu'elle a reçues, et cela comprendra certainement, à mon avis, bon nombre d'informations qui ont trait aux perceptions de l'entrepreneur, à ses conseillers et à d'autres analyses. Cela va de soi, et il s'ajoutera à cela les informations que nous aura fournies le requérant.
À mon avis, il nous appartient de nous tourner dans un premier temps vers nos propres compétences internes. Je ne sais pas si l'on va me dire que les ministères mentionnés ici n'ont pas les compétences voulues. Je pars de l'hypothèse qu'elles existent. Si l'on nous dit le contraire, nous devrons réévaluer la situation.
M. David Pratt: J'imagine qu'étant donné la notoriété de cette affaire, le grand intérêt que cela a suscité dans le public, ne croyez-vous pas qu'il serait bon que l'on montre plus de rigueur dans ce cas particulier, en faisant appel à des compétences techniques indépendantes, de l'extérieur?
M. Paul Bernier: Je n'ai aucune raison de ne pas avoir confiance dans les compétences que l'on trouve en ce moment au sein de l'administration fédérale.
M. David Pratt: Bien.
Pour ce qui est de la dernière phrase du dernier paragraphe traitant de l'analyse technique, il est dit que le ministre pourrait soumettre le projet à une commission d'examen ou à une médiation en vertu de la loi. Pouvez-vous nous dire brièvement en quoi consisterait cette médiation? Est-ce qu'elle obligerait par exemple le gouvernement provincial à rouvrir certains aspects de son évaluation environnementale? Comment cela fonctionne-t-il? Pouvez-vous nous expliquer cela?
M. Paul Bernier: Pour que la médiation réussisse—et j'emploie le terme dans son sens générique—, il est évident que toutes les parties concernées doivent s'entendre. Par conséquent, l'un des premiers critères consisterait à savoir si ces parties peuvent s'entendre sur les mérites d'une médiation plutôt que sur les mérites d'une commission d'examen.
Normalement, la médiation se fait plus ou moins publiquement, et traditionnellement, pour parvenir à un accord, il faut que le nombre de personnes intéressées soit très restreint. Plus il y a de gens, plus la médiation est difficile; ce n'est pas impossible, mais c'est certainement plus facile lorsqu'il y a moins de monde et moins d'enjeux.
Donc pour déterminer si cette affaire exige l'intervention d'une commission d'examen ou une médiation, le ministre devra mesurer les avantages et les inconvénients de ces deux procédures.
M. David Pratt: J'ai une dernière question, madame la présidente, très rapidement.
D'après ce que vous savez de cette affaire en ce moment, qu'est-ce qui devrait se produire selon vous si le ministre décide d'invoquer les articles pertinents de la loi? Est-ce qu'on aura une médiation, ou aura-t-on à votre avis plutôt une commission d'examen?
M. Paul Bernier: Je ne dispose pas des renseignements qui me permettraient de me prononcer là-dessus aujourd'hui.
M. David Pratt: Merci.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): C'est au tour de Mme Girard-Bujold, après quoi j'aurais quelques questions.
[Français]
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Monsieur Bernier, vous avez indiqué dans votre mémoire et répété à plusieurs reprises ce soir qu'Environnement Canada avait participé à l'évaluation environnementale qu'avait faite le ministère ontarien de l'Environnement.
Je voudrais savoir sur quoi s'est fondé Environnement Canada car, comme le disaient la grande chef et son conseiller, il existe un lien de fidéicommis entre le Canada et les Premières Nations. Est-ce que, lors de son évaluation, Environnement Canada a tenu compte de ce lien de fidéicommis? Y a-t-il eu une analyse à ce niveau? Sinon, je vous suggérerais de répondre à la requête des Premières Nations.
M. Paul Bernier: Je dois avouer ne pas connaître de façon approfondie l'intervention d'Environnement Canada face à l'examen auquel a procédé son homologue provincial. Nous communiquerons avec ce ministère afin de savoir si, à la lumière des renseignements supplémentaires, il en est venu à des conclusions différentes de celles auxquelles il en était venu à l'époque au sujet de ce projet.
L'agence est maintenant saisie de cette question relative aux répercussions sur les Premières Nations, laquelle constitue évidemment un élément très important qui influera sur la programmation que nous proposerons au ministre.
Bien que je sois porté à croire qu'Environnement Canada ne s'est pas penché sur cet aspect jusqu'ici, je puis vous assurer que cette question fera l'objet de beaucoup de sérieux dans le cadre de l'analyse à laquelle nous procéderons en collaboration avec les ministères de l'Environnement et des Ressources naturelles.
Mme Jocelyne Girard-Bujold: À la lumière de votre réponse à ma question, je vous demande pourquoi vous ne suspendez pas immédiatement ce processus. Nous sommes face à une cause qui touche directement la nation autochtone et vous devriez être en mesure de recommander au ministre de l'Environnement, avant le 2 octobre prochain, de suspendre ce processus. Nous devrions pouvoir obtenir des éclaircissements qui nous permettront de comprendre toutes les facettes du dossier avant que la Ville de Toronto ne prenne des engagements fermes face au promoteur.
M. Paul Bernier: Je dois vous répondre que l'agence n'a pas le pouvoir d'empêcher la Ville de Toronto de s'engager ainsi, pas plus que ne peut le faire le ministre, à ma connaissance. Il s'agit d'une décision qui ne nous appartient pas. La loi prévoit que le ministre a l'obligation d'examiner les renseignements que lui ont soumis les Premières Nations et qui ont trait à la pétition. Il doit d'abord déterminer s'il existe des répercussions néfastes importantes relatives aux frontières. Il ne peut pas recourir à une injonction avant d'avoir établi que de tels effets néfastes existent bel et bien.
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Nous reconnaissons tous que les Premières Nations ont des droits. Vous avez dit que le ministre examinerait attentivement les revendications des Premières Nations. Vous avez convenu que ces dernières avaient un droit de regard sur ce projet et vous reconnaissez qu'elles n'ont pas été consultées d'une façon très approfondie. Elles n'ont pas eu l'occasion de faire connaître leurs préoccupations aux ministères de l'Environnement fédéral et provincial. Je crois donc que nous avons en main un élément de plus qui nous permettrait de dire au ministre que les Premières Nations n'ont pas été vraiment entendues. Je vous rappelle à nouveau ce lien de fidéicommis entre le gouvernement canadien et les Premières Nations. À mon avis, vous pourriez présenter au ministre une recommandation en ce sens et il serait en mesure d'agir avant le 2 octobre prochain.
M. Paul Bernier: Je dois simplement souligner que l'agence s'acquitte de son mandat conformément aux dispositions prévues dans la loi et aux pouvoirs que lui a conférés le Parlement. Nous agissons le plus rapidement possible afin de nous assurer que le ministre est saisi de tous les renseignements pertinents et qu'il est en mesure de prendre une décision sans plus tarder.
[Traduction]
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci beaucoup.
Je n'ai que quelques brèves questions. Le lac Moosehead sera-t-il touché? Cette question est une courtoisie de M. Herron. Le lac Moosehead sera-t-il touché par ce projet?
M. Patrick Nadjiwan: Comme le chef l'a dit, elle n'a pas les compétences techniques voulues pour répondre, et je suis moi aussi loin du compte. Je ne suis pas sûr si c'est le cas ou non.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Bien.
M. Patrick Nadjiwan: Les experts techniques que nous avons consultés ne sont pas...
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Quelqu'un d'autre peut-il nous répondre?
M. Patrick Nadjiwan: Il y a d'autres témoins qui le savent peut-être, qui représentent d'autres parties.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Très bien.
Veuillez nous dire votre nom et qui vous représentez, et veuillez parler au micro pour les besoins de la transcription.
M. Stan Gorzalinscky (conseiller technique, Campagne contre la mine Adams): Je m'appelle Stan Gorzalinscky, et je suis le porte-parole technique pour la Campagne contre la mine Adams. Je suis ingénieur mécanicien de métier, je suis donc un peu en dehors de mon domaine, mais j'ai une très bonne connaissance des sciences de la terre, je suis le projet depuis cinq ans et j'ai lu toutes les études qui ont été faites. Je peux donc vous donner une opinion technique en toute confiance.
En réponse à votre question, le lac Moosehead se trouve dans la région touchée. Il va accueillir des rejets d'effluents traités. Il sera également touché par l'assèchement du puits. J'imagine pour le moment que, si l'assèchement du puits se fait trop vite, cela pourrait avoir un effet nocif. On pratique la pêche en eau froide dans le lac Moosehead. On y trouve des espèces comme la truite mouchetée qui sont très sensibles aux perturbations des eaux. Le lac est également très sensible à la gradation du contenu en oxygène et à d'autres éléments comme l'ammoniaque.
• 2155
Je ne sais pas si j'ai bien répondu à votre question.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Votre réponse était plus que satisfaisante. Je vous en remercie vivement.
Lorsque M. Nadjiwan a fait son exposé, il a parlé de trois ensembles de droits autochtones qu'il a expliqués au comité, et il a expliqué aussi les effets de ce projet sur les peuples autochtones et leurs terres. Si je me souviens bien, lorsque j'écoutais l'échange entre M. Lincoln et vous, monsieur Bernier, il vous demandait si vous étiez d'accord avec certaines thèses que M. Nadjiwan a exposées au comité. Cependant, j'ai remarqué une certaine irritation chez mon collègue peut-être parce que vous compreniez mal, ou parce que vous sembliez vous attarder à certaines questions relatives aux eaux transfrontalières. Pourriez-vous nous dire si vous êtes d'accord avec certaines choses que M. Nadjiwan a dites concernant les droits autochtones et certaines choses qu'il a dites aussi au sujet des effets sur les peuples autochtones, comment cela pourrait influencer le processus et si l'ACEE pourrait intervenir utilement.
M. Paul Bernier: Chose certaine, j'ai écouté avec le plus grand respect les observations qui ont été faites, et je pense qu'elles sont très valides. Tout ce qui a été dit ce soir est important dans la compréhension de cette affaire. Je ne mentionnerai pas de témoins en particulier. Pour ma part, je voulais seulement expliquer aux membres du comité et aux témoins les limites de l'application de la loi.
Pour ce qui est des effets de ce projet sur les terres mentionnées à l'article 48 de la loi, il y a certaines catégories qui sont visées. Nous n'avons pas discuté de ce détail technique, mais chose certaine, les terres qui sont occupées par la Première nation constituent une catégorie de terres en particulier, qui englobent la réserve elle-même, ce qui est défini, et cela entre dans la catégorie de terres où nous devons examiner les effets transfrontaliers potentiels. Pour le moment, c'est la seule catégorie de terres mentionnée par l'article 48 que le ministre est autorisé par la loi à examiner. La loi ne lui permet pas d'examiner d'autres catégories de terres. Par exemple, si on soumettait une revendication territoriale qui englobait un territoire plus grand que le titre foncier original, ce ne serait pas une catégorie qui correspond en ce moment à la définition de la loi.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Vous n'avez peut-être pas voulu mentionner de témoins en particulier, mais moi oui. Je me demandais si vous étiez d'accord avec certaines des choses que M. Nadjiwan a dites.
J'aimerais également entendre M. Nadjiwan ou le chef McBride.
M. Patrick Nadjiwan: Si vous le permettez, madame la présidente, quelques mots: normalement l'article 48 ne mentionne pas expressément des terres appartenant à une réserve, mais l'article englobe aussi des terres où les Indiens ont des intérêts. Dans mon interprétation à moi, cela comprend des intérêts comme le titre autochtone, qui est protégé en vertu de la Constitution et que le gouvernement fédéral a l'obligation fiduciaire de protéger. Je pense que cela comprend aussi des intérêts comme la troisième catégorie des droits autochtones, qui portent sur des sites en particulier, et où les Autochtones sont autorisés à s'adonner à certaines activités comme la chasse, la pêche et des cérémonies sacrées, qui, si elles ne relèvent pas exactement du titre autochtone sont quand mêmes utilisées et occupées à l'exclusion de toute autre personne, et cela est aussi un droit, un intérêt dans une terre, et cela est protégé en vertu de la Constitution.
• 2200
Dans mon mémoire au comité, je dis que le ministre peut et
doit, outre les territoires des réserves qui sont bien définis,
tenir compte des intérêts qui sont prévus par la loi et exercés en
ce moment.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Monsieur Bernier.
M. Paul Bernier: Je veux seulement signaler à toutes les personnes présentes que je comprends ce que vous dites relativement aux terres où les Indiens ont des intérêts. Cependant, c'est un terme qui est défini très explicitement dans ce texte de loi, et c'est une définition que vous allez trouver au paragraphe 48(6) de la loi et qui permet au ministre d'intervenir, et il ne s'agit pas d'une définition large.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci beaucoup. Je tiens à remercier les témoins et les députés pour cet entretien. Nos audiences se sont fort bien déroulées ce soir.
Je tiens à vous remercier encore une fois, grand chef McBride, d'avoir été des nôtres ce soir, et je vous remercie d'avoir exprimé du fond de votre coeur les préoccupations de votre peuple. Nous allons vous écouter avec nos oreilles mais aussi avec notre tête et notre coeur. Merci mille fois.
Je tiens aussi à remercier M. Bernier. Vous allez rester pour notre troisième groupe, et je pense qu'une pause de cinq minutes vous fera du bien. Nous vous savons vivement gré de votre patience.
Nous allons faire une pause de cinq minutes, puis nous allons entendre notre troisième et dernier groupe.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Nous reprenons.
M. Clifford Lincoln: Madame la présidente, j'invoque le Règlement, et je tiens seulement à mentionner que notre collègue, Benoît Serré, qui s'intéresse de très près à ce projet et qui a joué un rôle de premier plan dans ce dossier avec d'autres collègues depuis bien des mois, nous a fait savoir qu'il ne peut être des nôtres ce soir étant donné le décès de son beau-père. Je tenais seulement à le faire savoir aux gens parce qu'ils se demandent peut-être pourquoi il n'est pas ici ce soir.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci beaucoup, monsieur Lincoln. Je pensais que Benoît Serré devait être présent et qu'il participerait...
M. Clifford Lincoln: Oui, mais c'est l'explication.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci beaucoup. Je n'étais pas au courant de cette autre situation.
Passons maintenant à notre troisième groupe de témoins. Il est regrettable que nous ne puissions pas faire cela plus rapidement. Non? Personne ne veut être millionnaire?
Nous avons quatre témoins. Il y a Gordon McGuinty, président, Notre Development Corporation; Steve Usher, hydrogéologue chez Gartner Lee Ltée.; Pierre Bélanger, porte-parole de Campagne pour la coalition contre la mine Adams et, sauf erreur, Brennain Lloyd, coordonnateur de Northwatch, prendra la parole également. Il y a également à la table... J'essaie de lire l'écriture de mon greffier. C'est un homme merveilleux, d'une grande efficacité, qui a préparé tout à la dernière minute, mais il va devoir écrire en majuscules ou à la machine pour moi. Il y a Pierre-Alexandre Ayotte, attaché au Comité de sauvegarde du lac Témiscamingue—mon français est terrible et l'écriture de notre cher greffier ne me facilite pas la tâche—ainsi que M. Gorzalinscky, qui servira également de personne ressource.
Chaque témoin de ce groupe—ils sont au nombre de quatre—fera un exposé de cinq minutes, après quoi nous passerons aux questions dans le même ordre qu'avant. Nous pourrions peut-être donner la parole pour commencer à M. McGuinty, président de la Notre Development Corporation. J'ajoute que M. McGuinty a remis une trousse d'information au comité. Malheureusement, les documents sont en anglais uniquement. Merci.
Monsieur McGuinty.
M. Gordon McGuinty (président, Notre Development Corporation): Merci beaucoup, madame la présidente. Nous sommes heureux de rencontrer les membres du comité. Je vais essayer d'utiliser du mieux possible les cinq minutes à ma disposition.
Je tiens à donner l'assurance au comité que la mine Adams a, au cours d'une période de cinq ans, fait l'objet d'une évaluation environnementale complète. J'aimerais dire également que le gouvernement fédéral a participé de façon intensive au processus jusqu'ici et continuera de le faire à l'avenir. Je signale que la pétition des Premières nations est à l'étude. À notre avis, elle n'apporte aucun élément nouveau. Enfin, je voudrais dire que l'approbation finale du processus par la Commission d'évaluation environnementale du gouvernement de l'Ontario garantit le maintien des communications et la participation des Premières nations.
• 2215
Je vous présente nos excuses pour avoir fourni ces
renseignements uniquement en anglais. Nous y avons été obligés par
manque de temps et je m'en excuse.
Dans la première feuille d'information que vous nous avons remise, il est dit que le processus d'évaluation environnementale entrepris en Ontario a été transparent. Quiconque voulait participer au processus au cours des cinq ans pouvait le faire. En outre, j'ajoute que vers la fin du processus, la Commission d'évaluation environnementale a constitué un comité de liaison avec la collectivité, composé de 12 membres différents, y compris des représentants des Premières nations.
Dans la trousse d'information que je vous ai remise se trouvent, en ordre chronologique, les 10 ans d'activités et de mesures de contrôle préalable technique relatives à l'approbation de la mine Adams en Ontario. Quant à la question de savoir si une évaluation environnementale complète a été effectuée, je tiens à donner l'assurance au comité que tous les aspects ont été examinés. Aucun des éléments prévus dans la Loi sur l'évaluation environnementale de l'Ontario n'a été laissé de côté. Même si des choses comme le bruit, la poussière et le transport n'étaient pas des facteurs clés étant donné l'emplacement de notre site d'enfouissement, nous avons fait des études à ce sujet. Nous avons examiné la situation pour voir si cela aurait une incidence sur l'agriculture. Nous avons examiné les conséquences sociales. Nous avons étudié tous ces secteurs. Là encore, je tiens à donner l'assurance au comité que tout ce travail s'est fait, et que non seulement notre société mais également la province de l'Ontario a fait preuve d'une diligence raisonnable dans ce dossier.
Pour ce qui est de l'intervention et de la participation du gouvernement fédéral à ce processus, vous avez entendu dire lors de certains témoignages qu'Environnement Canada et Pêches et Océans Canada ont tous pris part au processus. J'ai présenté à nouveau un aperçu de la documentation précise qui a été remise à ces organismes, lesquels ont pu faire des commentaires et donner leur avis. En outre, j'ai préparé à votre intention une liste des mesures précises qui ont été prises, et à quelle date, ainsi que des communications échangées entre notre société et le ministère de l'Environnement et divers organismes fédéraux.
Ce qu'il importe de bien comprendre c'est que le certificat d'approbation fourni par la province de l'Ontario stipule qu'un Groupe de travail de surveillance et de planification d'urgence a été en place pendant plus de deux ans, groupe dont faisaient partie des responsables d'Environnement Canada et de Pêches et Océans, ces derniers continuant de faire partie du groupe. Au cours des deux prochaines années, lorsque le site d'enfouissement sera créé, il y a des points de déclenchement précis et diverses mesures à prendre, et le gouvernement fédéral continuera d'être consulté par ce groupe créé à la demande du ministre de l'Environnement de l'Ontario.
Quant à nos communications avec les Premières nations, nous vous avons donné un aperçu qui montre que nous avons entamé nos consultations sur ce projet en 1990. Il va s'en dire que ce projet représente de l'avis de tous le site d'enfouissement le plus grand de l'Ontario qui a sans doute fait l'objet de l'examen public le plus minutieux. Notre rôle dans le processus d'évaluation environnementale de l'Ontario consistait à veiller à ce que toutes les Premières nations désireuses de participer aux consultations à ce sujet puissent le faire.
J'ai donc essayé d'établir pour votre gouverne la chronologie des événements et des échanges et communications que nous avons eus. Il va s'en dire que toutes les Premières nations n'ont pas souhaité participer à la consultation. Bon nombre d'entre elles ont décidé de ne pas y prendre part. Nous avons rencontré des membres de la Première nation de Témiscamingue. Ces derniers pouvaient continuer à participer au processus s'ils le souhaitaient. Le processus d'évaluation environnementale de l'Ontario n'empêche pas une Première nation de venir au Québec donner son avis. Rien ne les empêchait de le faire.
Je voudrais dire toutefois que, lorsque l'Ontario a fait tenir les audiences publiques, ces dernières ont duré pendant six semaines et les Premières nations y ont été représentées par la communauté de Beaver House, soit la plus proche de la mine Adams. Les Autochtones ont demandé d'être participants à part entière aux audiences publiques. La Commission d'évaluation environnementale leur a accordé ce statut et ils ont été représentés par des conseillers juridiques pendant toutes les audiences.
• 2220
À la fin de l'audience, comme je l'ai dit au début, la
Commission d'évaluation environnementale de l'Ontario a inclus dans
notre condition d'approbation que la Première nation Beaver House
fasse partie du comité de liaison avec la collectivité; de ce fait,
au cours des 20 ans que ce site d'enfouissement sera en service,
les membres de cette Première nation pourront continuer de
participer au processus et de savoir exactement ce qui se passe
pendant toute cette période.
Je sais que vous aurez de nombreuses questions à poser, mais pour résumer mon exposé, je rappelle qu'il y a eu donc une évaluation environnementale complète en Ontario, ainsi que des audiences publiques et ouvertes. À notre avis, le gouvernement fédéral a joué un rôle constructif pendant les périodes de deux et trois ans respectivement où ont duré ces audiences. Nous estimons que le gouvernement ontarien a tenu compte des personnes consultées et nos experts-conseils, de leur côté, ont tenu compte de l'avis du gouvernement.
En ce qui concerne la pétition dont sont saisis votre ministre et l'ACEE à l'heure actuelle, nous estimons qu'il n'y a aucun élément d'information nouveau et, d'après nos renseignements, cela a été confirmé par le ministère de l'Environnement de l'Ontario.
Notre Development Corporation a toujours eu à coeur de tenir compte de l'avis des Premières nations dans le cadre de tout processus entrepris dans notre pays à l'heure actuelle. Nous ne pouvons pas les obliger à participer, mais nous leur en donnons la possibilité et continuerons de le faire.
Enfin, notre société n'a pas la moindre hésitation à se porter garante de la documentation technique, qui a fait l'objet de maints examens, notamment de la part d'autres experts comme les nôtres, et il faudrait à notre avis dépolitiser toute cette question. Nous avons, de l'avis de notre société, le site d'enfouissement le plus sûr qui existe dans tout l'Ontario. Nous n'avons aucune hésitation à dire que l'ACEE peut terminer son étude. Nous avons entendu M. Bernier dire qu'il doit tenir compte de certains facteurs d'ordre juridique et voir si certains éléments d'information n'ont pas été négligés dans l'évaluation environnementale initiale. Nous comptons sur son ministère pour prendre une décision dans les plus brefs délais.
Je vous remercie.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci monsieur McGuinty.
Monsieur Usher.
M. Steve Usher (hydrogéologue, Gartner Lee Ltd.): Merci.
Je m'appelle Steven Usher et je suis ingénieur de profession. Mon domaine, tant d'études que de travail, est l'hydrogéologie et les contaminants. Depuis 20 ans, je fais des recherches, je conçois, je construis et je surveille des sites d'enfouissement en Ontario. À ce titre, j'ai été reconnu comme expert en la matière par la Commission d'évaluation environnementale de l'Ontario, et j'espère pouvoir ce soir aider votre comité en répondant à certaines de ses questions d'ordre technique.
Je travaille pour la Société Gartner Lee Ltd. Nous avons été engagés pour la première fois en 1995 par le comité de liaison publique. Ce comité a été constitué par la ville de Toronto, ou par la région métropolitaine de Toronto à l'époque, pour assurer la liaison avec la population locale. Le conseil municipal nous a engagés à titre indépendant et nous n'avions aucun lien de dépendance avec les auteurs du projet. Lorsque le comité a été transformé en comité de liaison avec la collectivité, ce dernier a à nouveau retenu nos services pour assumer la même fonction.
Je suis ici pour vous faire part de ce que je sais des cinq dernières années de travaux. J'aimerais vous aider en répondant à vos questions d'ordre technique ce soir, et si vous me permettez de parler de la sécurité environnementale de la mine, j'aimerais le faire.
Ce site a fait l'objet d'une évaluation environnementale complète effectuée par des ingénieurs et des géoscientifiques professionnels engagés par le promoteur du projet pour examiner celui-ci. Le site a fait l'objet d'un examen et a été accepté par les experts du ministère de l'Environnement chargés de délivrer le certificat d'approbation, il a été examiné par les experts de la municipalité de Toronto dans le cadre du contrôle préalable qu'ils ont effectués l'an dernier, et je l'ai également passé au peigne fin pour le compte du comité de liaison publique et du comité de liaison avec la collectivité.
Je peux dire aux membres du comité, sans la moindre réserve, que ce site d'enfouissement des déchets est tout à fait sûr. La conception se fonde sur l'apport d'eau souterraine. Celui-ci repose sur le principe de la pesanteur.
J'ai préparé un petit texte mais j'aimerais m'en écarter pour le moment, car plusieurs questions ont été posées et je pense pouvoir y répondre.
J'aimerais fournir certains renseignements sur la question des effets hors frontières abordée sous l'angle technique. L'eau qui s'échappera de ce site d'enfouissement ira dans une usine de traitement des eaux d'égout. Elle sera nettoyée exactement comme tous les lixiviats des sites d'enfouissement de l'Ontario et même de l'Amérique du Nord. C'est une technologie courante. Il n'y a rien de nouveau là-dedans. Les eaux ne seront pas rejetées dans le lac Moosehead, mais dans la crique Moosehead, un petit ruisseau qui s'écoule vers la Misema. Cette dernière se déverse dans la Blanche, rivière qui rejoint le lac Témiscamingue, à 75 kilomètres de là. Toutes les voies d'eau que je nomme, à l'exception du lac Témiscamingue, se trouvent en Ontario. Le débit de ces eaux qui proviennent de cette région de 5 000 kilomètres carrés est nettement plus important que tout rejet d'eau même propre provenant de ce site d'enfouissement de déchets.
• 2225
J'aimerais parler également de l'hypothèse de l'incidence. Ce
soir, certaines personnes dans la salle ont tenu des propos quant
à l'incidence que ce projet aura sur elles, ou sur telle autre
chose ou encore telle autre. Toute la conversation de ce soir porte
sur les incidences de ce site d'enfouissement. Or, il n'aura aucune
incidence. Il fonctionne grâce à la loi de la pesanteur. L'eau sera
traitée et sera conforme aux objectifs provinciaux en matière de
qualité des eaux, lesquels sont établis pour la protection du
poisson, des insectes, des oiseaux, de tout ce qui utilise l'eau.
En vertu des conditions d'approbation du projet, nous devons
respecter ces objectifs. Il y a des mesures d'urgence au cas
contraire. Il y a des mesures de surveillance pour déceler toute
lacune à cet égard.
J'ai lu dans les journaux des articles qui parlent de pollution très répandue. Nombre des observateurs que nous avons entendus ce soir découlent de cette crainte. Ces prédictions sont simplement erronées et sans fondement scientifique.
Ces mêmes questions m'ont été posées par le comité de liaison publique en 1995 et on y a répondu en présentant les études techniques faites alors. Nous avons également posé des questions au nom du comité de liaison; nous avons posé des questions difficiles et techniques, que ce soit moi ou mes collègues d'autres disciplines scientifiques, entre 1995 et 1999. Nous avons également obtenu des réponses et, dans bien des cas, d'autres études ont permis d'y répondre.
Le comité de liaison publique nous a demandé d'étudier en particulier la région de Témiscamingue parce que le promoteur n'avait pas jugé nécessaire de le faire à l'époque. Nous avons répondu à la même question en disant qu'il fallait examiner la chose et voir s'il y avait un problème. On nous a posé plusieurs questions: qu'arrive-t-il à l'eau de la mine? Atteindra-t-elle Témiscamingue? Nous avons conclu qu'elle ne passerait pas dans l'eau souterraine. On nous a demandé si au cas où la décharge fuyait—et elle ne fuira pas—cela pourrait avoir une incidence sur les ressources en eau souterraine de Témiscamingue? Ce n'est pas physiquement possible.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Veuillez résumer. Merci.
M. Steve Usher: Je me ferai un plaisir de m'arrêter tout de suite et de répondre à vos questions le moment voulu.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci beaucoup.
Nous avons ensuite Pierre Bélanger qui est le porte-parole de Campagne contre la mine Adams.
[Français]
M. Pierre Bélanger (porte-parole, Campagne contre la mine Adams): Madame la présidente, mesdames et messieurs, je m'appelle Pierre Bélanger. Je suis heureux d'être ici pour représenter les intérêts de la Campagne contre la mine Adams. J'aimerais vous présenter mes coéquipiers: Brennain Lloyd, qui représente Northwatch, et Pierre-Alexandre Ayotte, du Comité pour la sauvegarde du lac Témiscamingue, de même que Stan Gorzalinscky, ingénieur et expert-conseil pour nous, qui ne fera pas de présentation mais qui sera là pour répondre à vos questions techniques.
[Traduction]
L'évaluation environnementale de l'Ontario en 1998 qui était très limitée dans sa portée et à la suite de laquelle on a accordé un permis d'exploitation au promoteur, ne considérait pas les intérêts fédéraux—c'est-à-dire, l'incidence sur les terres domaniales ou sur les terres comportant un intérêt autochtone—ni sur les eaux de surface, les rivières et les lacs situés au Québec et en Ontario. Le groupe d'experts n'a examiné que l'aspect conceptuel du projet: le confinement hydraulique jouerait—il dans cette application? L'eau ne ferait-elle qu'entrer dans la mine de tous les côtés pendant 120 ans, ou en ressortirait-elle par les parois? Les experts n'ont pas pu répondre. Un membre du groupe n'était pas du tout d'accord et nous pourrions vous fournir son opinion dissidente. Les deux autres l'ont renvoyé à un directeur du ministère de l'Environnement déclarant que c'était à lui de décider.
• 2230
Si nous vous demandons une évaluation environnementale
fédérale, c'est parce que l'évaluation provinciale nous semble
insuffisante et trop limitée dans sa portée. On n'a pas entre
autres examiné les questions d'incidence sur les eaux de surface en
ce qui concerne les intérêts fédéraux ou autochtones dans les
terres en aval si les incidences hors frontières sur le lac
Témiscamingue.
Merci.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Monsieur Ayotte, faites-vous aussi un bref exposé?
[Français]
M. Pierre-Alexandre Ayotte (président et porte-parole, Comité pour la sauvegarde du lac Témiscamingue): Oui. Je partage mon temps avec M. Bélanger.
Je tiens à remercier Mme la présidente ainsi que le comité pour l'occasion qui m'est offerte de me faire entendre sur cette demande.
Je m'appelle Pierre-Alexandre Ayotte. Je suis résidant du Québec et je demeure dans le village de Laverlochère, dans le comté de Témiscamingue. Ce village est situé à 90 kilomètres de la mine Adams.
Je suis président et porte-parole du Comité pour la sauvegarde du lac Témiscamingue et je suis signataire de la pétition demandant une évaluation environnementale fédérale du projet d'enfouissement de déchets à la mine Adams.
Compte tenu que je présente une pétition de 5 200 noms de citoyens et citoyennes du comté québécois de Témiscamingue qui expriment ainsi leurs inquiétudes face à ce projet en partie expérimental, compte tenu que 700 personnes sont venues appuyer les démarches du comité pour contrer ce projet qui peut altérer notre qualité de vie lors d'un rassemblement à Ville-Marie, et compte tenu qu'il y a, sur le lac Témiscamingue, une activité de pêche commerciale et que je suis mandaté pour représenter M. Denis Lampron, pêcheur commercial de Saint-Bruno-de-Guigues, qui retire 30 000 livres de poisson frais pour la vente de ce plan d'eau et que quelque pollution que ce soit pourrait mettre en péril cette activité, je demande, en mon nom, en tant que citoyen canadien et président du comité, et au nom des personnes signataires des pétitions, que le ministère fédéral de l'Environnement fasse une étude environnementale complète afin d'évaluer les conséquences que ce projet pourrait avoir sur notre environnement transfrontalier, tant sur la qualité des sols que sur celle des eaux de surface et souterraines.
Cette demande est faite en vertu du paragraphe 46(1) de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale.
Merci de votre attention.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci beaucoup.
[Traduction]
Mme Lloyd est la coordinatrice de Northwatch.
Mme Brennain Lloyd (coordinatrice, Northwatch; Campagne contre la mine Adams): Merci, madame la présidente. Nous sommes ici ce soir pour vous parler de la pétition que nous avons soumise officiellement au ministre de l'Environnement le 20 septembre et du mémoire qui l'accompagnait. Je crois que le greffier vous a remis notre lettre et un résumé de cette lettre et du mémoire qui l'accompagnait.
Il y a plusieurs questions. C'est un projet qui a une longue histoire—11 ans d'histoire. Nous nous occupons du dossier depuis le début. Un certain nombre de problèmes ont été soulevés ce soir, et nous pourrions passer beaucoup de temps à revenir sur les détails de chacun d'entre eux, mais nous laisserons cela pour la période de questions. Dans les quelques minutes qui nous sont imparties ce soir, nous aimerions nous pencher sur les responsabilités fédérales et sur le rôle fédéral dans le contexte de ce projet et de son évaluation.
Comme on vous l'a dit, dans le contexte de la Loi fédérale sur l'évaluation environnementale, il y a trois déclencheurs qui s'appliquent à cette situation. Les deux premiers sont discrétionnaires. C'est au ministre de décider s'il veut ou non y avoir recours, et le premier est le paragraphe 48(1) qui concerne les intérêts autochtones. Comme la Campagne contre la mine Adams
[Français]
et le Comité pour la sauvegarde du lac Témiscamingue,
[Traduction]
nous avons officiellement adopté la pétition et les allégations de la Première nation de Témiscamingue. Le deuxième est le paragraphe 46(1) qui porte sur les incidences hors frontières et je vais vous en parler un instant.
Ces deux déclencheurs sont dits discrétionnaires. Il y a aussi un déclencheur obligatoire, à notre avis, aux termes de la Loi sur les pêches. Cette loi figure dans la liste des lois auxquelles s'applique la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Il y a des incidences pour les pêches. Il s'agit en effet d'une substance délétère qui sera déposée dans des eaux fréquentées par le poisson. C'est ce que l'on trouve dans la Loi sur les pêches et je vais en parler brièvement.
Considérons tout d'abord le paragraphe 46(1) sur les incidences hors frontières. Comme on vous l'a dit, ce projet se situe au sommet du bassin versant du lac Témiscamingue et de l'Outaouais. Les modes de drainage sont tels que toute l'eau—eau de surface, eau du site et eau souterraine—entre dans le réseau hydrographique que partagent l'Ontario et le Québec.
• 2235
Les incidences sur ce bassin hydrographique commun suivront
trois voies. Le percolat ou les contaminants atteindront ce bassin
en empruntant trois chemins différents. Tout d'abord, le percolat.
Vous avez entendu dire que le projet de construction prévoit que
toutes les eaux souterraines et les précipitations se déversent
dans un grand puits à ciel ouvert, qui sera rempli d'ordures. L'eau
sera aspirée, après un traitement minime et relâchée dans le milieu
récepteur, c'est-à-dire dans la crique Moosehead, la Misema, la
Blanche et dans ce bassin commun que sont le lac Témiscamingue et
l'Outaouais. Ce déchargement de percolat est énorme: 312 millions
de litres d'eau contaminée chaque année; 83 milliards de litres
pour la durée de cette opération.
Je vous donnerai simplement quelques exemples des problèmes associés à ce percolat, sachant que le promoteur n'a considéré que 17 contaminants. Un expert auprès du comité de liaison publique, au cours de la phase 1995, M. Fred Lee, avait recensé des dizaines de milliers de contaminants, ou déclaré à ce comité en tant qu'expert, et je crois aussi à la Première nation Témiscamingue, qu'il y avait des dizaines de milliers de contaminants. Or le promoteur n'en a examiné que 17.
Je vous donne deux exemples, la teneur en chrome, une des substances examinées, est censée être 20 fois supérieure à ce qui est autorisé dans les lignes directrices canadiennes sur la qualité de l'eau. Le cadmium dépassera aussi le niveau permis dans les lignes directrices provinciales. Vous savez peut-être que le cadmium est une substance toxique persistante. Il est bioaccumulatif dans le poisson et c'est un produit dangereux qui inquiète énormément ceux qui tiennent à protéger ce bassin parce qu'ils en dépendent.
La deuxième voie est ce qu'on appelle un dépôt de déchets. Le puits sera rempli d'ordures. Une fois rempli, les ordures continueront à s'accumuler jusqu'à 55 mètres au-dessus de la nappe phréatique. On nous demande de compter sur une fine couche de drainage pour empêcher la migration des contaminants qui à nouveau aboutissent à ce bassin commun à l'Ontario et au Québec.
Le troisième est un problème de conception. On a dit que toute l'eau devait entrer; que rien ne ressortirait. En fait, il y a des tas d'avis différents à ce sujet. C'est exactement le point sur lequel le groupe d'experts chargé de l'évaluation environnementale n'a pas pu se prononcer. Il a conclu qu'il aurait besoin de plus d'informations. Il en a obtenu plus, deux sondages de plus. Malheureusement, ce n'est pas lui qui a reçu les résultats, c'est le ministère de l'Environnement. Les experts disent que cela montre qu'il est très probable que le percolat sorte par les parois du puits.
Ce sont les trois voies vers l'eau de surface. Elles sont importants. Ce n'est pas quelque chose d'anodin.
Je n'ai pas beaucoup de temps et je me contenterais donc de dire très brièvement que le déclencheur obligatoire concerne la Loi sur les pêches. En 1997, le ministère des Pêches et des Océans a rédigé un commentaire à l'intention du ministère de l'Environnement où il reconnaissait que la crique Moosehead et la Misema étaient l'une et l'autre des habitats de poisson. Il a reconnu qu'il y aurait un dépôt de substances délétères pour ces poissons mais que, d'après les informations fournies, la proposition n'indiquait pas que l'on entreprendrait une activité dans cette région qui provoquerait une détérioration; qu'ainsi il ne serait pas nécessaire d'obtenir une autorisation aux termes du paragraphe 35(2) de la Loi sur les pêches. Comme le promoteur n'a pas déclaré au ministère des Pêches et des Océans ce qu'il en était, le ministère des Pêches et des Océans n'a pas agi.
Je maintiens que ce projet aura de graves conséquences sur les pêches. C'est une responsabilité du ministère des Pêches et des Océans, et il existe un déclencheur obligatoire qui justifie au moins un examen préalable, à mon avis, sans compter les déclencheurs discrétionnaires. Il faut que ce projet soit soumis à une commission d'examen.
Je vous remercie.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci beaucoup.
Selon notre liste, nous allons entendre M. Brien, M. Gruending, M. Herron.
[Français]
M. Pierre Brien: Pensez-vous que la science ne se trompe jamais? Vous nous dites aujourd'hui que vous avez la certitude qu'il n'y aura jamais quelque risque que ce soit, ni maintenant, ni dans 25 ans, ni dans 50 ans. Vous êtes capable d'affirmer cela, vous.
[Traduction]
M. Steve Usher: En ce qui concerne ce site d'enfouissement, il ne s'agit pas d'un site ayant une sous-couche d'argile d'où l'eau, qui veut s'échapper, est retenue par la sous-couche; il s'agit d'un site d'enfouissement où l'eau se trouve retenue par la loi de la pesanteur. Donc je peux répondre avec certitude oui, monsieur, dans ce cas.
[Français]
M. Pierre Brien: Je vous trouve d'un optimisme quasi délirant. Madame la présidente, je m'excuse de mon commentaire, mais je me méfie de deux choses dans la vie: le dogme de la Bible et celui de la science. Je me méfie des deux.
Je vais vous citer, monsieur McGuinty. Je vous écoutais lors de la conférence de presse tenue aujourd'hui et vous avez dit ceci en réponse à une question sur les appuis locaux:
[Traduction]
«Je crois que dans la région de Kirkland Lake, de Englehart et de New Liskeard assurément, que nous avons un groupe de gens bien informés. L'opposition vient d'en dehors et je pense qu'elle essaie simplement d'influencer les manoeuvres politiques visant à tâcher d'empêcher la ratification de ce contrat. C'est aussi simple que ça.»
[Français]
Vous avez dit cela cet après-midi. Je suis allé à Earlton cet été et j'ai vu 2 000 personnes dans une aréna qui étaient contre le projet. J'en ai vu 700 au quai à Ville-Marie, la semaine passée. Il y a 5 000 personnes sur une population de 15 000 habitants dans ma région qui ont signé la pétition et il y en a eu plusieurs du côté ontarien. Est-ce là votre définition d'un hôte accueillant?
[Traduction]
M. Gordon McGuinty: Tout d'abord, je tiens à rectifier une erreur que j'ai faite à cet égard. J'ai parlé de New Liskeard. J'aurais dû dire plutôt Larder Lake—et vous avez entendu le témoignage du préfet.
Je ne veux absolument pas laisser entendre qu'il n'y a aucune opposition à ce projet ni non plus que cette opposition n'est pas importante. Ce que je déclare très clairement, toutefois, c'est que depuis dix ans nous avons travaillé assidûment avec les collectivités de Kirkland Lake, de Larder Lake et de Englehart. Je n'hésite nullement à dire que la population de ces collectivités est éclairée. Il y a encore des gens dans ces collectivités, effectivement, qui ont des préoccupations et qui s'opposent à l'établissement de ce site d'enfouissement. Mais je déclare sans hésitation que la majorité des gens de cette région avec lesquels nous traitons régulièrement n'ont pas le même type de préoccupations que celles exprimées par les personnes qui comparaissent ici, par exemple.
[Français]
M. Pierre Brien: Je suis content de vous entendre dire cela, parce que le 13 novembre, en Ontario, il y aura des élections dans toutes les municipalités. Comme vous êtes convaincu de la solidité de vos appuis locaux, de la même façon que vous êtes convaincu des mérites techniques de votre projet, pouvez-vous prendre l'engagement devant nous, aujourd'hui, de ne signer aucun contrat avant que l'agence fédérale ait terminé ses travaux, dans un premier temps, et dans un deuxième temps, d'attendre le résultat des élections municipales pour vous assurer que vous avez toujours des hôtes accueillants? Est-ce que vous pouvez prendre cet engagement devant nous ce soir?
[Traduction]
M. Gordon McGuinty: Nous ne pouvons pas prendre cet engagement ici ce soir essentiellement pour une raison précise. Nous nous sommes engagés dans un processus de deux ans avec la Ville de Toronto. Nous nous apprêtons à conclure un contrat qui exige que nous fournissions un service d'ici l'automne de l'an 2002. Nous devons commencer les travaux sur ce site, pratiquement immédiatement. Autrement, nous ne pourrons pas respecter les conditions de notre contrat; et nous pourrions peut-être être pénalisés ou voir notre contrat annulé. C'est pourquoi nous ne sommes tout simplement pas en mesure de le faire.
[Français]
M. Pierre Brien: Donc, vous me dites que si la Ville de Toronto ne signe pas le contrat avec vous le 3 octobre, techniquement, vous ne serez jamais capables de respecter l'échéancier prévu. C'est ce que vous nous dites. Si par hasard Toronto vous le donnait le 2 décembre, vous diriez que vous n'êtes pas capables de le faire dans les délais prévus.
M. Gordon McGuinty: Nous supposons, d'après votre question, que Toronto va signer le contrat. Si elle le signe, nous devrons être à pied d'oeuvre sur ce site et nous mobiliser dans les 30 jours pour respecter le délai nécessaire nous permettant d'honorer le contrat.
[Français]
M. Pierre Brien: J'ai une dernière question. À combien peut-on estimer la valeur du contrat total avec les trois municipalités, York, Peel et Durnham?
[Traduction]
M. Gordon McGuinty: Pour l'instant, Peel n'a pas décidé d'y participer.
En ce qui concerne York, Durham et Toronto, la quantité totale de déchets représente environ 1,8 million de tonnes pour toutes ces municipalités. Sur ce nombre, environ 500 000 tonnes seront expédiées aux États-Unis. Un contrat sera accordé à Rail Cycle North pour que cette entreprise s'occupe du 1,3 million de tonnes qui restent. Le chiffre divulgué par l'agglomération torontoise est de 51 $ la tonne pour la totalité du tonnage. Nous sommes pratiquement à égalité avec l'entreprise américaine.
[Français]
M. Pierre Brien: Donc, on parle d'au-delà d'un milliard de dollars. Sur 20 ans, cela correspond à plus d'un milliard de dollars.
[Traduction]
M. Gordon McGuinty: Il s'agit d'un montant considérable d'argent, effectivement, monsieur.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Je me demande simplement si d'autres témoins ont des commentaires ou des réactions au sujet de ce dernier échange.
Monsieur Bélanger.
M. Pierre Bélanger: Merci, madame.
Sur la question de savoir s'il y a des appuis importants ou une opposition marquée au projet parmi la population du Témiscamingue, autant au Québec qu'en Ontario, la liste des opposants au projet est extrêmement longue et elle s'allonge chaque jour. Qu'il suffise de dire que 20 municipalités ontariennes ont fait connaître leurs objections et ont demandé au ministre fédéral, M. Anderson, d'intervenir à titre d'intermédiaire fédéral. Vingt autres municipalités du nord de l'Ontario ont maintenant adhéré à ce mouvement d'opposition. Je signale en passant que, parmi les opposants, on trouve des municipalités situées le long de l'Outaouais, comme Pembroke et d'autres villes de la Vallée de l'Outaouais; toutes les municipalités du côté du Québec, à l'unanimité; la Confédération des syndicats nationaux; le Conseil régional de développement de l'Abitibi-Témiscamingue, organisme de développement économique régional québécois; des comités de promotion du tourisme; 8 000 pétitionnaires ontariens et 5 000 Québécois. La liste s'allonge et je ne vais pas vous embêter en continuant de la lire.
Je voudrais toutefois dire qu'il y a quelque chose qui manque à la discussion que nous avons ce soir, quand nous nous interrogeons sur l'ampleur de l'opposition publique. Elle existe, elle est réelle, elle est documentée, elle est mesurée. Cet aspect a été une pierre d'achoppement dans nos relations avec Toronto, mais je pense que ce n'est pas le cas ici. La question fondamentale, si l'on en revient à la proposition elle-même, c'est qu'il s'agit d'un concept expérimental inédit pour se débarrasser des déchets solides d'une municipalité.
Nous vous avons distribué un document qui illustre la réalité: Il s'agit d'un puits inondé de 300 pieds de profondeur. Nous avons obtenu beaucoup de nouveaux renseignements sur ce puits grâce à un géologue qui y travaillait pendant qu'on pompait l'eau. Il fallait pomper constamment. Les défenseurs du projet ont bien sûr rejeté du revers de la main cet argument. Après tout, cet homme était géologue depuis seulement 30 ans dans la région, il a un doctorat et il est à l'emploi du gouvernement de l'Ontario. Pendant tout ce temps, il n'a cessé de consigner ses arguments contre ce projet.
On propose en fait de déverser des ordures dans un environnement qui fuit, ce qui est contraire aux lignes directrices du ministère de l'Environnement de l'Ontario et à toutes les autres lignes directrices qui existent en Amérique du Nord en ce qui a trait aux décharges. Le projet prévoit que l'eau souterraine va percoler à travers les ordures et les nettoyer, après quoi il faudra assainir l'eau et la remettre dans l'environnement. C'est une proposition qui vise à polluer volontairement la nappe phréatique à hauteur d'environ 190 000 gallons d'eau par jour pendant 120 ans. C'est pour l'essentiel la phase toxique du projet. Ensuite, pendant environ 880 ans, le drainage naturel du site fera le reste avec les infiltrations d'eau, car le promoteur du projet reconnaît que de l'eau circule actuellement dans ce puits.
• 2250
C'est un concept d'ingénierie invraisemblable. Il y a
peut-être des chances que cela fonctionne, mais nous croyons... Et
puis, il n'y a pas de sous-couche. Celle qu'on propose est une
sorte de croûte de tarte dont on enroberait le puits, une couche de
gravier de 15 pieds d'épaisseur, afin que l'eau percole plus
rapidement vers le fond. Si vous voulez de plus amples explications
techniques sur les risques que cela suppose, peut-être que notre
propre conseiller et expert local, Stan Gorzalinscky, pourrait
prendre la parole.
Merci.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci.
Je demanderais à M. McGuinty ou à M. Usher s'ils ont quelque chose à dire en réponse à cela.
M. Steve Usher: Madame la présidente, je ne sais pas par quel bout commencer.
Le puits est plein d'eau; c'est un puits de mine. La nappe phréatique autour de la mine atteint presque la surface. Comme vous l'avez vu sur la photo, le niveau d'eau dans le puits se trouve à 100 mètres plus bas et il y a effectivement 100 mètres d'eau dans le puits. La pression exercée par une colonne d'eau de 100 mètres de hauteur... imaginez 100 mètres d'eau qui pèsent lourdement sur le fond du puits. Il ne peut y avoir de fuite.
J'ai entendu il y a un instant quelqu'un dire qu'il fallait pomper l'eau du puits pour assécher ce dernier. Voilà qui démontre clairement que l'eau s'écoule vers le puits. La couche de gravier, que l'on a décrite comme une croûte de tarte de cinq mètres d'épaisseur—elle est aussi épaisse que la longueur de ces tables mises bout à bout—entoure les déchets. L'eau souterraine ne passe pas à travers les déchets; l'eau souterraine s'écoule dans le puits, elle atteint la couche de gravier et tombe au fond. Ce qui provoque un percolat dans cette décharge, c'est l'eau de pluie qui tombe et qui percole à travers les déchets. Elle va rejoindre l'eau souterraine au fond, elle est diluée. Cette eau est alors pompée et traitée.
J'ai lu dans le journal, et cela a été mentionné ce soir, que l'eau coule d'un côté du puits et qu'elle sort de l'autre. C'est physiquement impossible. J'ai entendu parlé d'une expérience très simple où l'on perce des trous dans un sceau et que l'on met dans une baignoire pleine d'eau, et l'on ne voit jamais l'eau entrer d'un côté du sceau et sortir de l'autre. C'est une image qu'on peut visualiser aisément.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Monsieur Gruending, s'il vous plaît.
M. Dennis Gruending: Merci, madame la présidente.
Je veux répondre brièvement à M. Lincoln. Premièrement, je vous prie d'excuser mes observations sur la présence des députés ce soir. Deuxièmement, si j'en juge d'après vos propres questions pointues et informées, vous serez sans doute d'accord pour dire que nous avons bien fait de nous rencontrer.
J'aimerais adresser une question à M. McGuinty. Il semble que cette façon de faire les choses n'était pas le premier choix de Toronto. Les gens qui vivent sur ce parcours, dans des endroits comme Gravenhurst et Huntsville, semblent être inquiets, du moins d'après les journaux que j'ai lus. On a entendu parler ce soir de ce qui semble être une opposition généralisée dans la région, peu importe ce qu'a dit l'un des préfets, propos que je respecte, mais il semble que la plupart de ces gens sont contre.
Ma question est simple: si les gens de Toronto ne semblent pas vraiment convaincus que c'était la solution, du moins dans la ville, mais qu'ils y ont été contraints, si les gens qui vivent le long de la voie ferrée—ce dont nous n'avons d'ailleurs pas parlé ce soir—sont inquiets, et que les gens de la région concernée sont pour leur part très inquiets, pourquoi, au bout du compte, tenez-vous tant à donner suite au projet?
M. Gordon McGuinty: Je répondrai d'abord simplement qu'il y a dix ans que je travaille là-dessus, et j'affirme catégoriquement que, si Toronto décide d'y donner suite, nous aurons là le système de gestion des déchets le plus avancé au monde ainsi que la décharge publique la plus sûre qui soit.
En réponse à votre question au sujet des options de Toronto, la ville étudie ce projet depuis 1990. Elle détenait en fait une option d'achat sur le site depuis cinq ans mais elle a préféré s'adresser au secteur privé et retirer ce projet des mains du secteur public. Au cours des quatre dernières années, la ville a tenu deux appels d'offres et invité le secteur privé à trouver une solution. Pour ce qui est de la situation actuelle, comme M. Garrett l'a mentionné, je crois, il n'y a pas de solutions pour la ville de Toronto dans la province de l'Ontario, sauf deux.
La première, ce serait l'expansion de la décharge de la vallée de la Keele, qui a atteint—et je pense que tout le monde l'admet—le fait de saturation. Oui, on a proposé une nouvelle prolongation pour quelques années afin de gagner du temps, mais c'est ce qu'on avait déjà fait en 1996. On a envisagé une option à long terme, et on l'a allongée. Mais la décharge de la Keele a atteint son point de saturation.
L'autre solution pour la ville de Toronto, et les régions environnantes, serait un envoi massif de déchets vers le Michigan. Si on ne donne pas suite au projet de la mine Adams, si Toronto ne signe pas le contrat, si le ministre fédéral, dans sa sagesse, décide d'exiger une évaluation environnementale du projet et retarde les choses, la ville de Toronto et les régions environnantes ne pourront expédier que 1,8 million de tonnes sur la 401 qui franchira le pont menant au Michigan. Il n'y a pas d'autres solutions, et ça fait dix ans que la ville en cherche une.
M. Dennis Gruending: À quelle distance va-t-on expédier...
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): [Note de la rédaction: Inaudible]... M. Gruending, et nous accorderons un peu plus de temps. Mme Lloyd veut intervenir également.
M. Dennis Gruending: Très bien.
Mme Brennain Lloyd: Si l'on me permet de répondre brièvement, je crois qu'il est absolument inexact de dire que Toronto n'a pas d'autres solutions. J'habite très loin de Toronto, mais j'ai passé beaucoup trop de temps dans des salles de comité à Toronto ces dernières années à suivre les processus qu'on étudie, lesquels semblent invariablement les mener vers le Nord. Il y a d'autres solutions.
Leur première solution de rechange est le déroutement. Les propres experts-conseils de la municipalité de Toronto ont remis à celle-ci en 1995 un rapport disant qu'il serait possible de dérouter de 80 à 85 p. 100 des déchets dans un délai de cinq ans. Le délai de cinq ans est écoulé et on en est à 24 p. 100.
Quant aux options pour l'élimination des déchets, il est vrai que la demande de propositions n'a pas débouché sur une longue liste d'options possibles, mais il en est quand même ressorti plus de possibilités que ce que M. McGuinty veut bien nous le dire. En réponse à la demande de sites d'élimination, les responsables ont reçu six propositions de Rail Cycle North, quatre autres sont restées à l'étude jusqu'à la fin, deux étaient pour le Michigan et deux autres pour le sud-ouest de l'Ontario. Une cinquième option relative au site d'enfouissement Ridge a été retirée parce que la société Canadian Waste Services, qui est en train de racheter les intérêts de M. McGuinty dans Rail Cycle North, a également acheté Ridge; le Bureau de la concurrence est donc intervenu en disant qu'on ne pourrait pas donner suite à ce projet. Je ne peux pas vous donner plus de détails ce soir, mais je pourrai certainement vous les communiquer plus tard. Le site de Ridge était donc disponible mais l'offre a été retirée uniquement à cause d'une décision commerciale de Canadian Waste Services, un partenaire de M. McGuinty.
Il y a sauf erreur 176 millions de tonnes de capacité de décharge disponibles dans le sud de l'Ontario à l'heure actuelle. Toronto a de nombreuses options à sa disposition, tant pour le déroutement que pour l'élimination des déchets. Si ce processus n'apporte pas à la ville les réponses qu'elle attend, c'est peut-être parce que le processus est lacunaire. Les options et les possibilités existent.
Merci.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Monsieur Gruending, nous vous donnons deux minutes de plus.
M. Dennis Gruending: Je vous remercie sincèrement. Les interventions des deux côtés étaient bonnes.
J'aimerais poser une question à M. Bernier. Deux témoins viennent de parler du paragraphe 35(2) de la Loi sur les pêches en disant qu'il fallait en tenir compte avant de prendre une décision au sujet d'une évaluation environnementale. On a dit qu'une lettre a été envoyée par le ministère de l'Environnement à l'Ontario en 1997. Dans le mémoire que vous nous avez remis—peut-être cela m'a-t-il échappé—, il n'est pas question des pêches comme déclencheur, pour reprendre le mot employé ce soir. J'aimerais savoir si vous envisagez désormais d'invoquer la Loi sur les pêches pour déclencher une évaluation environnementale.
M. Paul Bernier: Lors de l'étude que nous avons effectuée jusqu'ici pour répondre à la pétition de la Première nation Témiscamingue, nous avons communiqué avec certains ministères, en demandant à chacun d'entre eux s'il avait pris une décision, ou, de façon plus générale, pour reprendre les termes de la loi, exercer un pouvoir, ou assumer une fonction à ce sujet. Cela portait sur tous les facteurs susceptibles de déclencher la Loi sur l'évaluation environnementale. L'un de ces ministères était Pêches et Océans, qui n'a rien fait jusqu'ici. Si le ministère juge utile de le faire à l'avenir, comme je l'ai expliqué dans mon mémoire, cela empêchera le ministre de l'Environnement d'appliquer l'une des dispositions transfrontalières de la loi.
Le ministre ne peut invoquer les dispositions transfrontalières de la loi que si aucun pouvoir n'est exercé, ou aucune fonction assumée au niveau fédéral au sujet du projet. Dans ce scénario, si le ministère des Pêches disait: «Oui, nous allons le faire», compte tenu des renseignements dont nous disposons aujourd'hui, il nous faudrait délivrer une autorisation aux termes du paragraphe 35(2). Cela élimine la possibilité d'invoquer les dispositions transfrontalières. Comme vous l'avez dit, on se trouverait donc dans une situation où les pêches pourraient dire qu'il leur faut faire un examen préliminaire relativement à ce projet—aux termes des autres dispositions de la loi, et non en invoquant les dispositions transfrontalières.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Madame Lloyd, et je vous demanderai d'être brève.
Mme Brennain Lloyd: D'après mon interprétation de la loi—et M. Bernier y consacre sans doute plus de temps que moi—, c'est l'autorité responsable qui doit décider si la question doit faire l'objet d'un examen préalable ou d'une étude approfondie. Le ministre peut alors soumettre l'étude approfondie à l'examen d'un groupe d'experts. Les choses ne s'arrêtent donc pas à l'examen préalable.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Il ne s'agit pas uniquement d'un examen préalable. Il revient au ministre d'exercer sa discrétion pour déterminer...
M. Paul Bernier: En l'occurrence, je n'ai pas examiné le projet pour voir s'il est assujetti au règlement qu'on appelle le règlement sur la liste d'étude approfondie; est-ce que, par définition, ce projet figure sur cette liste? Si c'est le cas, alors oui, il revient au ministre de l'Environnement d'examiner la question. Dans le cas contraire, il s'agirait simplement d'un projet qui ferait l'objet d'un examen préalable, sans possibilité d'une étude approfondie.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci.
Monsieur Herron.
M. John Herron: Dans une vie antérieure—il y a peine trois ans et demi—j'ai été directeur de projets industriels d'envergure. Je me souviens d'avoir été à la table et si les deux parties voulaient que quelque chose se fasse, cela se faisait.
Dans ce contexte, disons que la meilleure option pour Toronto, ou même la seule option, c'est d'envisager le site de la mine Adams. Supposons toujours, qu'un peu plus tard, Toronto est disposé à attendre tant que le gouvernement fédéral n'aura pas décidé s'il doit y avoir ou non un examen, question de quelques semaines. Si Toronto était disposée à attendre quelques mois, cela changerait les contraintes de temps dont vous avez parlé.
En fait, je suppose que je vous demande si Toronto disait: «Si le gouvernement fédéral veut examiner ce projet, nous sommes disposés à en reporter la mise en route et si nos données scientifiques sur lesquelles il repose—en fait, j'accepte les données scientifiques et la Bible—se révèlent valables et permettent de faire démarrer le projet, rien ne nous empêche, nous sommes tous adultes, de reporter la mise en chantier du projet et d'attendre que M. Bernier ait examiné, sous tous les angles possibles, la question de savoir s'il doit ou nom effectuer un examen.
D'un point de vue commercial, si Toronto disait qu'on peut attendre un mois, ça ne vous gênerait pas, n'est-ce pas?
M. Gordon McGuinty: Je pense monsieur Garrett—je ne sais plus au juste comment il l'a dit. Le problème, c'est qu'on dispose d'environ 18 mois avant que l'installation de la vallée Keele ne ferme. Il y a donc un problème. En ce qui concerne les contrats, l'échéancier est un peu plus serré que si nous allions au Michigan, parce que dans ce cas, le Michigan n'a qu'à fabriquer de grandes quantités de remorques et de camions qui emprunteront l'autoroute 401. Nous devons construire un site d'enfouissement.
Ce qu'on craint c'est qu'après deux ans d'une démarche très exhaustive, tout retard indéterminé nuise à la possibilité de fermer le site de la vallée Keele.
M. John Herron: Ce que je veux dire, c'est que si l'on disait par exemple: «Écoutez, il nous faudra peut-être intervenir pour modifier le retard de 30 jours» cela aurait peut-être un effet négatif. Toutefois, si Toronto est disposée à reporter la mise en route du projet de 30 jours afin que les choses s'arrangent comme il faut, et si c'est la meilleure option pour Toronto et que vous vouliez conclure le contrat vous aussi, ce retard de 30 jours n'aura pas d'incidence. Quel serait...
M. Gordon McGuinty: Clairement, je pense que tout revient à l'avis que M. Bernier donnera-t-il au ministre. S'il faut procéder à une évaluation environnementale complète, Toronto ne pourra pas utiliser la mine Adams à temps.
Je ne conteste pas votre argumentation. Si on s'en tient à un retard de 30 jours, c'est possible. Mais ce n'est certes pas possible—tant pour nous que pour eux—si nous voulons respecter les conditions du contrat et ne pas être passibles de pénalités. Nous éprouverions des difficultés. Encore une fois, je n'essaie pas d'éluder la question car je comprends votre argumentation, mais tout dépendra de la décision du ministre.
M. John Herron: Merci. C'est une réponse assez claire.
Brièvement, bien que nous tentions de choisir les membres de ce comité de façon judicieuse, parfois, nous, les représentants des tout petits partis, nous bagarrons. Certains partis sont incapables de...
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Monsieur Herron, nul besoin d'en discuter...
M. John Herron: Excusez-moi, je reviens à la question.
Si l'on invoquait en fait le paragraphe 35(2) de la Loi sur les pêches, il faut que l'habitat du poisson qui est visé soutienne, directement ou indirectement ou ait le potentiel de le faire, une pêche commerciale, récréative ou de subsistance. Si c'est le cas, si cette disposition devient un déclencheur, dites-vous que vous n'examinerez pas les aspects connexes, c'est-à-dire les effets hors frontières ainsi que la plainte des Premières nations? Il n'y a qu'un aspect qui vous intéresse, lorsque vous entreprenez l'examen et ces deux autres aspects ne vous intéressent pas? C'est tout ou rien?
M. Paul Bernier: Vous parlez d'un exemple où l'on invoquerait le paragraphe 35(2) de la Loi sur les pêches. S'il en était ainsi, si le ministère des Pêches et des Océans décidait de faire appliquer cet article de la loi qui porte sur la perturbation et la destruction de l'habitat du poisson, alors le ministère, aux termes de la Loi, aurait le pouvoir d'évaluer le projet. Le ministre de l'Environnement n'aurait pas le pouvoir, dans cet exemple, d'invoquer les dispositions concernant les effets hors frontières. Dans ce cas c'est le ministère des Pêches qui examinerait le projet ainsi que les facteurs qui doivent faire l'objet d'une évaluation. Tout reviendrait alors au ministère des Pêches et nous ne serions pas en mesure d'effectuer une évaluation.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan:) Merci.
Monsieur Pratt, je vous en prie.
M. David Pratt: Merci, madame la présidente.
Mes questions s'adressent à M. Usher. J'essaie de comprendre comment on a appliqué la réglementation dans le cas de la mine Adams. J'ai posé des questions précédemment sur ce qui s'est passé dans la région d'Ottawa-Carleton lorsque nous avons mis en service une décharge à écran d'étanchéité artificiel. Je me demande si le type de décharge dont il est question à la mine Adams... si l'on a approuvé la topologie avant de recevoir la demande, avant que cette proposition n'aboutisse. Avant le projet de la mine Adams, est-ce que ce genre de site était légal en Ontario?
M. Steve Usher: Je ne comprends pas très bien la question. Vous me demandez je crois si la décharge du chemin Trail a été approuvée...?
M. David Pratt: Non, non. Nous savons que la décharge du chemin Trail est une décharge à écran d'étanchéité artificiel sans restriction...
M. Steve Usher: Oui.
M. David Pratt: ... avec récupération des lixiviates, etc., toutes les options. Je veux toutefois savoir si le site Adams, tel que vous l'avez décrit avec l'infiltration d'eau, était légal en Ontario avant même qu'on en parle.
M. Steve Usher: Oui, je peux répondre à cette question. C'était certainement le cas. La décharge de Halton dans la région de Halton, à l'ouest de Toronto, a été approuvée en 1989. Il s'agit d'un site à confinement hydraulique. La décharge de la Ville de Peterborough en est une aussi en partie. La décharge de Taro à Stoney Creek est également un site à confinement hydraulique. Dans tous ces sites, on applique le même principe d'écoulement centripète.
M. David Pratt: Le principe est le même mais la géologie l'est-elle?
M. Steve Usher: La décharge de Taro est constituée de roches fracturées, oui, mais j'aimerais ajouter quelque chose. L'Ontario a récemment ajouté de nouvelles normes relativement à la conception de sites d'enfouissement. Aux termes de leur procédure d'évaluation environnementale, si vous choisissez le modèle type, vous n'êtes pas assujetti à la procédure d'audience, à condition de respecter certains critères. Si vous choisissez un modèle différent, il doit être supérieur au modèle type, ce que vous devez démontrer en vous soumettant à l'évaluation environnementale, ce qu'a fait la mine Adams. Donc, en bref, oui, on a suivi les lois et les règlements.
M. David Pratt: Très bien. Ce qui me préoccupe au sujet de la mine Adams cependant, c'est la composition géologique. Ce qui me préoccupe, c'est le passé du site puisque c'était une mine de fer que l'on a dynamitée pendant 30 ans. Il devient—évidemment je suis un profane—problématique de prédire l'écoulement de l'eau dans une telle situation. Je pense que nous convenons tous qu'en principe, l'eau s'écoule vers le bas. Toutefois, une fois dans un site, il devient difficile de prédire si l'eau au fond d'un site va effectivement s'écouler vers le bas, tout dépend de la composition du terrain.
Quel genre de modélisation informatique avez-vous fait, si c'est le cas, pour analyser l'écoulement de l'eau? Sur quoi vous êtes-vous fondé dans cette modélisation?
M. Steve Usher: Il ne faut pas oublier que lorsque je réponds à ce genre de questions, c'est en fonction de l'examen que j'ai fait du travail effectué par Golder Associates et de l'examen de leur modélisation. Le modèle ne dépend pas de la modélisation informatique de l'eau souterraine. En fait, nous avons indiqué, dès le début, qu'on avait constaté un débit intérieur en provenance de toutes les directions mais que l'on n'avait pas foré en dessous du puits. On a foré un trou sous le puits à notre demande, c'est-à-dire pour le CLP.
M. David Pratt: Le CLP?
M. Steve Usher: Le comité de liaison publique en 1995. Le groupe d'audition a exigé que l'on fore deux trous de plus sous le puits pour les mêmes raisons, et l'on a constaté que le niveau de l'eau dans ces puits était au-dessus du niveau de l'eau dans la mine. Donc, chaque fois qu'on est retourné pour obtenir plus d'information, on a constaté la même chose.
En ce qui concerne le dynamitage—et nous avons tous l'impression que le dynamitage fracture les roches et il doit y avoir un énorme fouillis dans ce puits—en 13 ans le puits ne s'est rempli qu'au cinquième de son volume, de sa taille. Il faudrait 50 ans, vu la quantité d'eau disponible, pour le combler. C'est un rythme très lent. Cela donne environ six litres à la seconde. Vu toutes les fissures et les dégâts du dynamitage,—et en passant, ce genre de dégâts se répercute très loin dans la roche, c'est un fait connu—l'eau s'infiltre... Si vous remontez en arrière, cette roche, y compris les fissures est beaucoup plus serrée que toute autre sous-couche d'argile de site d'enfouissement en Amérique du Nord.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Monsieur Gorzalinscky, vouliez-vous ajouter quelque chose?
M. Stan Gorzalinscky: Oui, j'aimerais demander à M. Usher de préciser une chose qu'il a dite au cours de son exposé. Il a déclaré que les deux trous forés dans le puits, dans le cadre des audiences provinciales d'évaluation environnementale, ont révélé un niveau d'eau supérieur au niveau d'eau dans le puits. Même si c'est vrai, il a oublié de mentionner que ces deux trous ont également révélé des niveaux d'eau inférieurs à une étape de l'espérance de vie de la décharge. Je remonte un peu en arrière; il se fait tard.
Il y a une étape d'écoulement sous l'effet de la pesanteur au cours de laquelle on permet au produit de lixiviation de remonter dans le puits jusqu'à un certain niveau. Pour que l'écoulement puisse continuer pendant cette période, il faut que l'eau souterraine remonte à travers le plancher du puits. Les deux trous que l'on a forés l'ont été dans le but de démontrer que la pression d'eau en dessous du puits était suffisamment élevée pour maintenir l'écoulement centripète.
• 2315
Donc essentiellement, il fallait que la hauteur soit
supérieure à la hauteur pendant la phase de drainage par l'action
de la pesanteur. C'est une comparaison de chiffres, en fait.
Lorsque l'on a foré le premier trou... De mémoire, compte tenu des
13 résultats, aucun n'était supérieur à la hauteur au cours de
l'étape de drainage par l'action de la pesanteur. Le deuxième trou
a donné 14 résultats; huit n'étaient que supérieurs à la hauteur au
cours de la phase de drainage par gravité. Cela révèle qu'au cours
de l'étape de drainage par l'action de la pesanteur. Cela révèle
qu'au cours de cette étape il y aura écoulement centrifuge du
puits.
Je ne suis pas expert en la matière. C'est ce que j'en ai déduit d'après l'analyse des données.
J'aimerais que M. Usher tire les choses au clair, après quoi j'aimerais lire une déclaration au comité, si vous le permettez.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Très bien. Monsieur Usher.
M. Steve Usher: Oui, je vais volontiers vous expliquer la situation.
Ces trous de sonde visaient à confirmer qu'il s'exerçait une pression centripète. Ce n'était pas pour confirmer que le niveau d'eau était plus élevé que la bonde de vidange par l'action de la pesanteur. Quand ce puits sera vidé, que l'on aura pompé l'eau qui s'y trouve, le niveau de la nappe phréatique diminuera également et restera au-dessus du puits. Il ne peut pas en être autrement. Lorsque le puits se remplira d'eau dans 120 ans, le niveau de la nappe phréatique augmentera également.
Je ne vous demande pas de me croire, mais je vous affirme que lorsqu'on pompera l'eau du puits, conformément aux directives du ministère de l'Environnement de l'Ontario, il faudra surveiller ces trous pour vérifier si ce que j'ai dit est vrai ou non. Je n'ai pas inventé cela: c'est ce qu'ont dit les experts-conseils du promoteur du projet. J'ai examiné et approuvé ce projet, ainsi que le ministère de l'Environnement, qui était d'accord également.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Monsieur Gorzalinscky.
M. Stan Gorzalinscky: Ce que je vais vous lire émane d'un certain M. Paul Bowen. C'est un hydrogéologue qui a les mêmes titres de créance que M. Usher. Il a 30 ans d'expérience dans le domaine de la conception des sites d'enfouissement. Je vais vous lire ce texte mot pour mot. Il n'est pas très long. Le voici:
-
En ce qui concerne les résultats des deux nouveaux trous de sonde,
je ne peux pas conclure de façon catégorique que les niveaux
enregistrés de la nappe souterraine supporteront le confinement
hydraulique dans le puits sud de façon à protéger l'environnement
à la fois pendant les phases de pompage et de drainage par l'action
de la pesanteur. Au contraire, je suis d'avis que les résultats des
nouveaux trous de sonde confirment la présence de structures de
substratum rocheux conductif qui provoqueront ou permettront
l'échappement vers l'extérieur du percolat du puits sud pendant la
phase de drainage sous l'effet de la pesanteur.
Ce témoignage n'a jamais été examiné par une tribune publique. Il a été présenté après les audiences provinciales.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci.
Monsieur Bélanger.
M. Pierre Bélanger: Rapidement, madame la présidente, le projet exige une véritable perfection de la fonction mécanique. N'oublions pas qu'il faut pomper pendant 120 ans et nettoyer toute cette eau avant qu'elle soit libérée. Je tiens simplement à rassurer le comité que l'on n'est pas confronté à des citoyens hystériques victimes du vieux syndrome «pas de ça chez moi». Ce n'est pas parce que nous avons peur des déchets à cause de la mention de Toronto sur les sacs. Ce qui nous fait peur, c'est la conception de ce projet, une conception peu orthodoxe, jamais mise à l'essai, de nature très expérimentale et hypothétique.
Je tiens simplement à rappeler les propos des ingénieurs qui ont conçu ce projet pour M. McGuinty, Golder Associates. En 1991—je lis des extraits du hansard de l'Ontario, et je pourrais le remettre au greffier—, voici ce que ces personnes ont déclaré. C'est le même expert-conseil qui a travaillé pour le conseil municipal de Guelph à l'égard d'un projet de décharge que l'on envisageait de créer dans un secteur où la masse rocheuse était fracturée. Voici ce qu'ont dit ces experts au sujet des zones où le substratum rocheux est fracturé et où l'on propose de créer des décharges: «Le déplacement des contaminants dans ces formations aquifères posera un risque énorme pour la nappe phréatique.» Il est difficile «... de prédire quand ces contaminants se répandront et d'adopter des mesures correctives d'urgence...».
Voilà le problème que pose ce genre de décharge. Il n'y a pas de plan B. Si le projet se solde par un échec, il est impossible de forer et de trouver où se déplace le percolat. Ces produits de lixiviation se répandent rapidement dans les fissures et on ne peut rien y faire. Si le projet échoue, il n'y a pas de plan B. Voilà ce qui est important.
• 2320
Puis ils concluent en disant:
-
[...] les mesures d'urgence, si elles se révèlent nécessaires, ne
pourront pas être prises avec la même garantie de résultats que
s'il s'agit de sols poreux (sable, gravier, argile ou limon). Par
conséquent, installer un site d'enfouissement dans un secteur qui
pourrait entraîner la migration de contaminants dans des roches
fracturées est tout à fait inadmissible.
C'est ce que disait en 1991 l'expert-conseil lorsqu'il travaillait pour le conseil municipal de Guelph. C'est son avis depuis qu'il travaille, ces dernières années, pour M. McGuinty et Notre Development. Il estime que c'est un réceptacle idéal pour les déchets.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Quelqu'un veut-il répondre?
M. Steve Usher: Oui, si vous le permettez. Il n'est pas juste d'établir une comparaison entre ce site d'enfouissement et celui de Guelph. Les deux sont très différents. Il s'agit ici d'un grand puits dont l'étanchéité a été prouvée. Il n'y a pas de formation aquifère dans les environs. Le puits le plus proche se trouve à 7 kilomètres de là. Il n'y a aucune comparaison. À mon avis, cet expert-conseil, Golder, n'a pas été logique en donnant cet avis car il s'agissait d'un site tout à fait différent.
Quant à l'observation au sujet de l'absence de plan B, sauf erreur, il existe un important groupe de travail de surveillance et d'urgence, dont j'ai fait partie, qui a justement prévu ces mesures d'intervention et d'urgence et les moyens de surveillance en vue de les déclencher, et des fonds ont été réservés à cette fin. Il existe donc un plan B.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Monsieur McGuinty.
M. Gordon McGuinty: En un mot, je ne suis pas sûr que M. Bowen soit titulaire d'un doctorat ou possède les mêmes titres que M. Usher. Le témoignage qui a fait l'objet d'un examen, d'après ce qu'a déclaré M. Gorzalinscky, n'était qu'un avis non étayé par des documents factuels.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci.
Monsieur Lincoln, êtes-vous prêt à poser vos questions?
M. Clifford Lincoln: Oui.
Tout d'abord, j'aimerais dire que c'est peut-être le dernier espoir possible pour Toronto. Il y a douze ans, Montréal voulait faire exactement la même chose. Lavalin avait protégé d'acheter une grande mine au Nord de l'Outaouais, d'y installer un site d'enfouissement et d'y amener les déchets par train. C'était censé être le dernier espoir possible pour Montréal. Dieu merci, nous avons empêché ce projet de se réaliser. Montréal s'est bien débrouillée depuis au moins 12 ans. Ce qui est encore plus intéressant, dernièrement, c'est que la ville de Montréal, en raison de son énorme problème d'ordures, a adopté un règlement municipal pour accroître les activités de recyclage dans les immeubles locatifs. Le recyclage a triplé depuis un an ou deux. Il y a donc toujours une solution.
Je ne suis pas d'accord avec M. Bélanger sur ce point. À mon avis, une collectivité doit s'occuper de ses propres déchets. Je suis convaincu qu'une ville comme Toronto, qui ne manque pas de ressources financières et technologiques, doit trouver une autre solution.
Ce qui m'inquiète vraiment ici—et j'aimerais savoir ce qu'en pensent M. McGuinty, M. Usher et les autres témoins—c'est qu'il semble que les avis soient tout à fait contradictoires à chaque fois. M. Bélanger et d'autres nous disent que l'évaluation faite en Ontario ne portait que sur une question d'ordre technique liée à la conception technique et à la sécurité au sujet des produits de lixiviation, qu'aucune autre question n'a été étudiée, et que le ministre avait fixé une date butoir de quinze jours. Nous entendons dire que l'évaluation environnementale, en revanche, a pris des semaines, qu'elle a porté sur tous les autres points, qu'elle a porté sur les questions liées aux Autochtones, sur le bassin hydrographique—sur tout le reste. Une des parties, comme l'a dit M. Brien, nous dit qu'il est certain, voire garanti, que rien ne pourra se produire et que cela ne présente pas plus de danger qu'une maison. De l'autre côté, il y a un autre expert d'avis contraire. Il y a M. Bowen. Il y a M. Lee, l'expert-conseil de Californie. M. Lee n'a pas mâché ses mots en critiquant le système de confinement du percolat proposé par Notre Development, et il a écrit ceci:
-
Nous recommandons que le grand public s'oppose énergiquement à la
solution proposée par Notre Development pour la création de ce site
d'enfouissement car elle ne protège pas suffisamment les intérêts
de la collectivité.
• 2325
Nous sommes donc confrontés à des messages tout à fait
contradictoires qui nous rendent extrêmement sceptiques. Je dirais
que si j'ai des doutes... Mme Lloyd nous dit que Toronto a
plusieurs solutions, et on nous présente maintenant deux messages.
D'une part, on nous dit que le projet est très sûr, que c'est bien,
sans danger, formidable, sensationnel; il faut le mettre tout de
suite en application au risque de voir Toronto disparaître sous ces
déchets. D'autre part, on nous dit que non, il y a des problèmes,
qu'il y d'autres solutions possibles, que l'évaluation
environnementale ne s'est pas faite dans les normes ou qu'elle a
été tout à fait insuffisante.
Puis lorsque M. Usher me dit que cela sera assujetti aux normes de surveillance de l'eau provinciale—je l'ai noté quand vous l'avez dit—alors ça me fait vraiment peur—vu ce qui s'est passé à Walkerton et à tous les inspecteurs qui travaillaient là-bas et qui n'y sont plus, alors ça me fait très peur. Je me dis que si c'est votre garantie de succès, on ferait bien de revoir tout ça.
Pourriez-vous concilier toutes ces contradictions et essayer d'apaiser nos craintes?
Mme Brennain Lloyd: Permettez-moi de commencer, monsieur Lincoln. Je pense qu'il faut une évaluation environnementale fédérale. C'est une affaire très compliquée qui remonte à 11 ans, et il n'est pas raisonnable de vous demander de débrouiller cet écheveau en une soirée.
En ce qui concerne les questions concernant l'évaluation environnementale, lorsque les partisans de l'idée vous disent qu'il y a eu une évaluation environnementale complète... En 1995, la ville de Toronto a commencé une évaluation. Elle a produit une pile de documents épaisse comme ça. Le ministre a préapprouvé la mine Adams et a transmis une seule question d'ordre technique au groupe chargé de l'évaluation environnementale. C'est la différence. Oui, ils ont produit une pile de documents mais il est aussi vrai que l'audience n'a porté que sur une seule question technique. C'est donc dire que, même si nous avons présenté des mémoires et des documents sur tout un éventail de questions, l'examen public n'a porté que sur une seule question technique.
Cela explique peut-être la contradiction apparente. Je pense que les partisans de l'idée veulent vous faire voir un seul aspect de la chose. Il faut bien que vous compreniez qu'il n'y a eu qu'une audience publique sur une seule question technique. Le ministre a imposé un délai, un calendrier, qui n'a permis que 15 jours d'audiences avant que le groupe ne doive présenter son rapport au ministre.
Merci.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Monsieur McGuinty.
M. Gordon McGuinty: La mine Adams a fait l'objet d'une évaluation environnementale complète en vertu des lois de l'Ontario. Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous avons étudié chaque discipline technique. Il y a eu divulgation complète de toutes ces disciplines. La population a pu être consultée lors des études et le ministère s'est prononcé sur toutes les disciplines relatives aux problèmes soumis à l'audience.
Le ministre a sollicité les vues de la communauté à propos des questions qui la préoccupaient. Je n'ai pas le chiffre exact, mais je vous dirai que 95 p. 100 de la population s'inquiétait de la contamination de la nappe phréatique. C'est le problème, outre notre capacité de la collecter, et la structure; quant à savoir s'il y a des fuites, il en a été question à l'audience du Conseil des relations environnementales.
En ce qui concerne l'équité de l'audience, je précise que l'opposition était représentée par tous ses avocats et comme groupe nous avons essentiellement dit—y compris le promoteur—à la Commission que nous n'étions pas d'accord avec le délai imposé par le ministre de l'Environnement. La Commission d'évaluation environnementale s'est adressée de nouveau su ministre de l'Environnement de l'Ontario et a dit que les gens qui se présentent à l'audience veulent avoir plus de temps et ont besoin de plus de temps pour bien évaluer notre décision. Le ministre de l'Environnement a changé la date et il y a eu entente unanime sur les délais de l'audience.
En réponse à la question de M. Lincoln—et je comprends votre dilemme—je dirai seulement, du point de vue du prometteur de l'idée après 10 ans, la différence c'est que pendant cette période nous avons dû prouver sans arrêt ce que nous avions à dire. Même si je respecte le droit des gens d'exprimer leur désaccord, ils donnent une opinion; ils ne fournissent pas de preuves.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Brièvement, messieurs Usher et Ayotte.
M. Steve Usher: Très brièvement, je pense pouvoir vous rassurer sur les normes provinciales. Je ne peux pas parler de Walkerton puisque je ne m'en occupe pas. La situation est très différente. Dans ce cas, il s'agit d'approvisionnement en eau, alors qu'ici c'est une décharge. Les normes provinciales dont je parle sont les normes de qualité de l'eau. Elles doivent être suivies, et elles devaient être suivies aussi à Walkerton. Elles n'ont pas changé, donc elles doivent toujours être respectées.
En ce qui concerne le personnel, il y a un inspecteur à plein temps du ministère de l'Environnement tenu en vertu du certificat d'approbation d'être présent sur le site sept jours par semaine.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Monsieur Ayotte.
M. Pierre-Alexandre Ayotte: J'ai une simple question. Cela va peut-être faire rire tout le monde, mais elle s'adresse à M. McGuinty.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Par l'intermédiaire de la présidence, s'il vous plaît.
M. Pierre-Alexandre Ayotte: Oui, bon.
Voici ma question: Quel est le moyen le plus sûr de se débarrasser de 26 millions de tonnes d'ordures, de n'importe quel genre de déchets: le confinement hydraulique à 300 pieds en dessous de la nappe phréatique, le recyclage ou l'incinération? C'est une question simple. Vous n'avez pas besoin d'experts pour y répondre. Je voudrais simplement le savoir.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Monsieur McGuinty, vous avez le choix de répondre ou de ne pas répondre.
M. Gordon McGuinty: Dans un monde utopique, on voudrait bien pouvoir recycler ou dérouter ces déchets en totalité. Je ne veux pas entrer dans tout un débat sur les mérites de l'incinération par opposition au dépotoir; je me contenterai de dire que nous avons prouvé catégoriquement que le dépotoir de la mine Adams était le site d'enfouissement le plus sûr que nous puissions aménager en Ontario.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci.
Madame Girard-Bujold.
[Français]
Mme Jocelyne Girard-Bujold: C'est à M. Usher que je voudrais poser une question. Je m'inquiète de la qualité de l'eau que vous allez pomper dans le cadre du procédé que vous nous avez expliqué. Vous dites que Toronto va trier ses déchets et vous dire en quoi ils consistent au moment de vous les envoyer, et que votre processus de pompage va déverser l'eau filtrée dans un lac près de la mine.
Vous dites à tout le monde que vous êtes sûr que rien ne va nuire à l'environnement dans votre procédé. Je voudrais savoir pourquoi vous êtes si sûr de votre procédé et pourquoi vous nous dites que tous les opposants ont tort et que vous avez raison.
[Traduction]
M. Steve Usher: L'eau qui sortira de cette usine devra respecter toutes les normes provinciales de qualité de l'eau, qui stipulent les concentrations autorisées pour tous les paramètres de l'eau. Autrement dit, il faudra que l'eau respecte certaines normes, sinon le déversement ne sera pas autorisé. Il faudra que l'eau soit contrôlée, échantillonnée, et qu'on en fasse la démonstration.
[Français]
Mme Jocelyne Girard-Bujold: On disait tout à l'heure que si Toronto vous fournit plus d'un certain nombre de tonnes de déchets, vous allez lui donner une redevance. Je voudrais que le promoteur me confirme si cela est vrai et qu'il me dise si des pénalités sont prévues au contrat au cas où Toronto déciderait après un certain nombre d'années, disons au bout de cinq ans, de se retirer du projet parce qu'on n'a pas respecté les conditions qu'on s'était engagé à respecter. Est-ce qu'il y a des pénalités prévues au contrat?
Je voudrais savoir quelles seraient les pénalités contre Toronto. On doit savoir cela. Est-ce qu'on peut avoir le libellé des barèmes de votre contrat? Quand on fait un contrat, il y a toutes sortes d'hypothèses. Vous avez sûrement envisagé des hypothèses. Je voudrais savoir si ces hypothèses ont été envisagées. Que se passera-t-il si Toronto ne vous donne pas le tonnage dont vous avez besoin et se retire du contrat? Je voudrais aussi savoir si vous donnerez des redevances à Toronto si la ville vous donne plus de déchets.
M. Gordon McGuinty: En ce qui concerne la redevance mentionnée tout à l'heure, en gros nous avons consenti à verser à la ville de Toronto une redevance de 1,50 $ la tonne au cours des 10 premières années si elle ne nous fournit pas 13 millions de tonnes. Ceci est lié à l'intention de cette ville de dérouter la plus grande quantité possible de déchets. Comme M. Garrett vous l'a dit, nous n'avons pas de contrat fixe avec la ville. Nous sommes en partenariat pour essayer de faire en sorte qu'elle détourne la plus grande quantité de déchets possible, car on n'est pas pénalisé pour cela. Si la ville détourne une plus grande partie de ses déchets et ne nous en envoie pas autant qu'elle l'envisage, nous aurons une capacité additionnelle à offrir aux autres municipalités ou autres clients de l'Ontario, et nous avons accepté de verser une redevance à ce titre à la ville de Toronto. Ce sera en fait un remboursement de certains de ces coûts, comme M. Bacopoulos l'a dit, et elle pourra à ce moment-là se servir de ce remboursement pour financer son programme de gestion des déchets.
Quant à la deuxième partie de votre question sur les pénalités, etc., nous sommes tenus d'exécuter un contrat de rendement très strict avec la ville de Toronto. Nous sommes tenus à des résultats par notre cautionnement, nos engagements d'entretien et tout ce que nous devons faire. Comme l'a dit M. Garrett, si jamais il arrivait que nous ne respections pas les termes de notre certificat d'approbation, la ville de Toronto pourrait annuler le contrat sans encourir de pénalités. Nous sommes donc tenus d'exécuter notre contrat et de respecter les conditions d'approbation que nous a fixées le ministre de l'Environnement.
[Français]
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Je constate, monsieur, que votre collègue qui est à vos côtés et vous-même voulez faire preuve de transparence. Êtes-vous prêts à déposer ici ce soir le contrat que vous avez avec Toronto? Deuxièmement, je vous pose la même question que j'ai posée à la Ville de Toronto. Est-ce que vous voulez faire preuve de bonne foi et suspendre les négociations avec Toronto jusqu'à ce que M. Bernier ait remis son rapport au ministre de l'Environnement et que ce dernier dise qu'il va donner suite aux recommandations que M. Bernier et son équipe lui ont faites?
[Traduction]
M. Gordon McGuinty: Pour ce qui est de la première question, je ne peux pas vous donner ce contrat. C'est le service juridique de la Ville de Toronto qui est en cause, et c'est donc à ce service qu'il faudrait adresser cette demande. Je ne pourrais pas moi-même vous donner cet engagement.
Pour ce qui est de la deuxième question sur l'annulation de la signature d'un contrat, comme je vous le disais, nous ne pouvons pas le faire actuellement étant donné les exigences de rendement stipulées dans le contrat. Nous ne savons pas combien de temps il faudrait à M. Bernier ou au ministre pour prendre une décision.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Très, très brièvement.
[Français]
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Si la Ville de Toronto est d'accord, est-ce que vous vous opposerez à ce qu'elle dépose le contrat?
[Traduction]
M. Gordon McGuinty: Ce serait à la Ville de Toronto de prendre cette décision. Comme l'a dit M. Garrett, l'un des problèmes des autorités, c'est qu'il y a un échéancier pour les prix, que nous leur avons donné il y a presqu'un an, et qui va jusqu'au 15 décembre 2000. Je ne peux pas vous dire que nous le ferions, car nous risquerions de voir notre concurrent intervenir et prendre ce contrat sans raison. Je ne peux donc pas me prononcer sur ce genre de scénario.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci.
J'aimerais poser quelques brèves questions. J'ai tout à fait confiance dans le gouvernement provincial et je suis certaine qu'on peut lui faire confiance dans certains domaines. Sans vouloir critiquer en quoi que ce soit le projet dont nous discutons, je voudrais signaler qu'il y a un dépotoir à Lindsay qui fuit, et qu'on a consenti à agrandir ce dépotoir. M. Lincoln a mentionné la situation à Walkerton, qui n'est pas exactement la même que dans ce projet ici, mais qui montre bien que le gouvernement de l'Ontario a des problèmes d'ordre environnemental. Croyez-moi, le gouvernement fédéral n'échappe pas non plus à ces problèmes. Si vous lisez les témoignages recueillis par ce comité, vous verrez que les députés libéraux sont parmi ses critiques les plus assidus.
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J'aimerais savoir ce qui se passe si une entreprise fait
faillite ou se dissout pour une raison quelconque. Que se passe-t-il
du côté de la responsabilité et de l'entretien de
l'installation?
M. Gordon McGuinty: Le gouvernement de l'Ontario a stipulé dans le document d'approbation des exigences très rigoureuses d'entretien perpétuel. Durant toute la durée de vie du dépotoir, nous devons veiller, par le biais de dépôts, de cautionnements ou de lettres de crédit, à ce qu'il y ait toujours suffisamment d'argent disponible au moment éventuel de la fermeture du dépotoir, que l'entreprise existe encore ou non. Il y a suffisamment d'argent dans une fiducie ou dans des fonds garantis par la province de l'Ontario pour que le traitement des produits de lixiviation, le pompage et tout le reste continuent pendant les 100 ou 120 ans à venir nécessaires.
Sur ce point particulier, les économistes de la province ont examiné la question dans le cadre du processus d'évaluation environnementale. Ils ont fait des calculs. La Commission des évaluations environnementales de l'Ontario a aussi demandé au comité de liaison communautaire de procéder à un examen de la question avant de remettre son certificat d'approbation. C'est donc quelque chose de très solide et de très exigeant, et il y a des réserves d'argent suffisantes pour l'avenir.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci.
Je crois savoir que le gouvernement de l'Ontario a éliminé le financement d'interventions pour les affaires d'évaluation environnementale. Je me demande quelles risquent d'être les répercussions de cette initiative sur les groupes de citoyens dans ce cas particulier.
Mme Brennain Lloyd: Dans ce cas particulier, nous n'avons eu qu'un seul et unique témoin, Paul Bowen, dont on n'a déjà parlé. Il y a eu une attribution des dépens, donc le promoteur a consenti à l'avance à verser ce montant. Ce que cela a eu comme conséquence pour la coalition de citoyens, qui englobait un certain nombre de groupes, par exemple les groupes d'agriculteurs, d'environnementalistes et les organisations communautaires, c'est que nous ne nous sommes présentés qu'avec un seul témoin, en pensant qu'on ne mettrait pas d'autres fonds à notre disposition. Voilà l'effet que cela a eu.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci.
Nous avons eu un long débat sur l'intervention publique dans la législation sur les espèces menacées. Je pense qu'il est très important que le public intervienne dans toute forme de législation environnementale.
Je voudrais remercier tous les témoins que nous avons entendus ce soir, en particulier M. Bernier. Est-ce que vous avez trouvé que c'était une séance marathon?
M. Paul Bernier: C'était plus long que d'habitude.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Plus long que d'habitude. Le comité a commencé à 9 heures ce matin. J'ai l'impression que nous avons siégé pendant 24 heures aujourd'hui.
Je remercie tous les membres du comité de leur merveilleuse coopération ce soir. À l'exception d'un incident mineur, les choses se sont remarquablement bien passées.
La séance est levée.