FAIT Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE
COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 21 mars 2000
Le président (M. Bill Graham (Toronto-Centre—Rosedale, Lib)): Chers collègues, je déclare la séance ouverte.
Nous avons le plaisir d'accueillir l'honorable Sergio Marchi, que nous avons déjà eu l'occasion de rencontrer. Bienvenue, Sergio, et merci de comparaître devant le comité.
Si vous vous souvenez bien, certains membres du comité ont dit souhaiter vous rencontrer pour parler de votre rôle à titre d'ambassadeur. Vous occupez ce poste depuis déjà un certain moment, mais compte tenu des événements de Seattle et du travail que vous effectuez à l'OMC, les membres du comité aimeraient en savoir plus sur le rôle que vous jouez, et sur l'avenir de l'organisation. Donc, merci d'être venu nous rencontrer.
Je présume que vous avez une déclaration à faire. Nous passerons ensuite aux questions.
M. Sergio Marchi (représentant et ambassadeur du Canada auprès du Bureau des Nations Unies et de l'Organisation mondiale du commerce): Merci beaucoup, Bill. En effet, c'est un plaisir pour moi de me trouver de nouveau devant ce comité et de revoir un grand nombre d'amis et d'anciens collègues.
Comme vous l'avez mentionné, monsieur le président, l'objectif premier de la séance d'aujourd'hui est d'examiner mon rôle à titre d'ambassadeur du Canada à l'Organisation mondiale du commerce et aux organismes des Nations Unies à Genève. Mais je sais que vous vous intéressez aussi vivement au climat qui entoure présentement l'OMC à la suite de la conférence ministérielle de Seattle et, peut-être plus important encore, à ce qui s'en vient. C'est pourquoi j'aimerais débuter mon propos en vous donnant un aperçu de l'importance que revêt l'OMC pour le Canada et vous dire quelques mots sur les compétences que j'applique dans mes fonctions d'ambassadeur du Canada.
[Français]
Je tiens tout d'abord à souligner l'honneur que m'a fait le premier ministre en m'offrant de servir mon pays dans une fonction aussi importante. La mission du Canada à Genève couvre un large domaine d'intérêts, tant commerciaux que diplomatiques. Mon rôle premier est de représenter les intérêts du Canada à l'OMC. Mais notre mission s'étend également aux Nations Unies et à d'autres organismes internationaux qui se consacrent à des questions telles que le désarmement, les droits de la personne, le travail, la santé mondiale et les conditions de vie des réfugiés.
Même si les opérations courantes menées sous l'égide des Nations Unies relèvent de mon collègue Chris Westdal, lui aussi ambassadeur du Canada, je m'intéresse toujours, compte tenu de mon expérience, aux questions comme la migration des populations, les conditions difficiles des réfugiés et l'environnement global. De fait, je m'emploie à établir de bons rapports avec les dirigeants de plusieurs organismes internationaux afin de renforcer le rôle et la position du Canada dans des domaines très variés.
[Traduction]
Les membres du comité savent l'importance que revêt l'OMC, en tant qu'institution, pour le Canada, à cause d'une part de l'impact qu'ont le commerce et l'investissement sur la création d'emplois chez nous et sur la prospérité économique de notre pays, et en raison d'autre part du rôle déterminant que joue le commerce dans la promotion d'une économie mondiale vigoureuse.
L'OMC joue un rôle crucial en abaissant les barrières commerciales et en établissant des règles équitables et prévisibles. Et j'ajouterais qu'après cette ère d'après-Deuxième Guerre et d'après-guerre froide, l'OMC a contribué directement au resserrement des liens de commerce et d'amitié entre les nations et les peuples. Cela dit, je ne prétends pas que le processus a été parfait, nous savons tous que ce n'est pas le cas. Pas plus que je n'affirmerais que l'OMC est le seul joueur. Mais en tant qu'organisation vouée à la promotion du commerce international, de la prospérité et du développement, elle a joué un rôle important.
• 1540
Chacun ici connaît l'issue de la conférence ministérielle de
Seattle. Nous sommes certes déçus des résultats de cette rencontre,
mais nous demeurons convaincus qu'elle n'a rien enlevé à la
pertinence de l'OMC. Les 135 pays membres de l'OMC devront faire
preuve d'une collaboration plus étroite entre eux pour trouver des
accommodements aux différents enjeux et pour s'ouvrir et dire au
grand public ce qui se fait l'OMC.
Il ne faut pas oublier que le système commercial international, représenté d'abord par le GATT et maintenant par l'OMC, fonctionne depuis plus de cinquante ans et que l'importance de sa mission ne devrait pas être minée par cinq mauvaises journées à Seattle. En fait, comme l'a souligné le ministre Pettigrew, des progrès ont été réalisés à Seattle dans un certain nombre de domaines.
Par la suite, la réunion du 7 février du Conseil général de l'OMC a donné le coup d'envoi aux négociations sur l'agriculture et les services. Dans le domaine de l'agriculture, nous allons diriger nos efforts vers une réduction appréciable des subventions qui faussent les échanges, particulièrement en matière d'exportation. Nous chercherons également à améliorer l'accès aux marchés mondiaux pour les produits agricoles canadiens. Ces pourparlers devraient profiter directement à nos agriculteurs. Nous avons pour défi d'assurer le déroulement continu des négociations et de travailler à obtenir des résultats préliminaires.
Nous avons par ailleurs préparé le terrain pour une libéralisation du commerce dans le domaine des services, secteur de notre économie qui connaît l'expansion la plus rapide. Les négociations à cet égard profiteront à un large éventail d'exportateurs canadiens. D'ailleurs, pour reprendre une déclaration on ne peut plus claire du ministre Pettigrew, je puis vous assurer que les systèmes publics canadiens de santé et d'éducation ne seront pas sur la table des négociations dans le domaine des services.
Je suis également heureux de signaler, monsieur le président, l'invitation qui m'a été faite par le Conseil général de présider le Conseil du commerce des services, organe qui mènera les négociations sur les services. C'est un honneur pour moi, ambassadeur nouvellement entré en fonction, que d'être investi d'une telle responsabilité. Il faut aussi voir là une preuve de la confiance que les membres de l'OMC accordent au Canada, à titre de joueur central dans le système commercial multilatéral.
Il est entendu que le programme de l'OMC pour les mois à venir débordera du cadre de l'agriculture et des services. Nous voulons tout particulièrement faire avancer trois questions essentielles pour renforcer l'institution et aider les pays en développement à participer avec succès au système commercial. Il s'agit d'une initiative spéciale, sous forme notamment de mesures d'assistance technique et de facilitation de l'accès aux marchés, destinée aux pays les moins avancés; d'un programme touchant les questions de mise en oeuvre laissées en plan à Seattle; et d'un projet de réforme du processus décisionnel et de la transparence à l'OMC. Ce sont certes là des questions complexes et comme toujours, les choses se corseront davantage dans les détails, mais si chacun démontre de la bonne foi et accepte de mettre de l'eau dans son vin, il est permis d'attendre des progrès significatifs.
En concrétisant ces mesures de renforcement de la confiance, nous nous rapprocherons du lancement d'un nouveau cycle de négociations. Nous poursuivons nos efforts en ce sens, monsieur le président, mais il est encore trop tôt pour dire si un nouveau cycle pourra s'amorcer cette année ou l'an prochain.
Permettez-moi maintenant de vous décrire un peu plus en détail mes fonctions à titre d'ambassadeur à Genève. Mon travail consiste essentiellement à diriger notre équipe de professionnels talentueux pour promouvoir les intérêts et les positions de politique du Canada dans quantité de domaines. Il s'agit avant tout d'un processus de négociations, d'accommodement et de jugement. Il s'agit, en définitive, de travailler avec des gens. En dépit de la technologie moderne, un engagement par télécopieur ne remplacera jamais un engagement pris en présence de son interlocuteur. C'est là une réalité bien connue de tout représentant élu à des fonctions publiques. Et comme vous pouvez l'imaginer, avec 135 délégations des quatre coins du monde, l'OMC est une tribune hautement exubérante et politique, presque aussi colorée que la Chambre des communes.
• 1545
En fait, tout comme la politique, l'OMC revêt un caractère de
plus en plus local, étant donné la plus grande place que bon nombre
de pays accordent au commerce sur la scène nationale. Cette
situation tient à un croisement plus direct que jamais entre les
politiques étrangères et nationales et, comme chacun sait, au fait
qu'un nombre accru d'organisations internes s'intéressent à l'OMC.
Dans ce contexte, l'expérience que j'ai acquise à titre de représentant élu, aussi bien comme député que comme ministre du Cabinet, m'a été extrêmement utile. Comme vous le savez, j'ai été député pendant 15 ans, dont 9 dans l'Opposition. Et tout comme vous, j'ai siégé à de nombreux comités et j'ai participé à l'élaboration et à la négociation de projets de loi et autres mesures législatives. Il s'agit là d'un processus juridique et politique par lequel on se familiarise avec les enjeux, on détermine jusqu'où on peut aller, on fait valoir ses intérêts et, en bout de course, on cherche à obtenir un consensus.
Mon expérience au Cabinet m'a également servi. J'ai été ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, puis ministre de l'Environnement et enfin, pendant deux ans, ministre du Commerce international. Je continuerai, comme je l'ai fait à titre de ministre, à envisager le commerce dans une perspective holistique, en le situant comme un élément parmi plusieurs autres, crucial il et vrai, sur lequel appuyer nos efforts pour améliorer la qualité de vie des Canadiens et leur offrir plus de débouchés économiques.
Les enjeux débattus à l'OMC ne sont pas nouveaux. J'ai eu à traiter de bon nombre de ces questions dans le passé, comme le fait actuellement le ministre Pettigrew. Mes fonctions de ministre du Commerce international m'ont apporté une riche expérience en matière de politiques qui est extrêmement pertinente au travail que j'effectue à Genève. Je pense par exemple au lancement de négociations commerciales en vue de la création d'une zone de libre-échange des Amériques et aux démarches engagées pour régler des différends avec les États-Unis.
À travers cette expérience, j'ai pris conscience du rôle véritable de la politique commerciale. Il s'agit d'un outil bien concret, destiné à du vrai monde, qui vit dans de vraies communautés et qui a besoin de vrais emplois. À cet égard, j'ai travaillé en étroite collaboration avec des gens d'affaires canadiens à la promotion du commerce, mettant à profit la politique commerciale pour ouvrir des portes à leurs produits et services sur les marchés mondiaux.
Je crois donc pouvoir contribuer à transposer le monde de l'OMC dans le monde réel qui est celui de nos citoyens. Et j'aimerais encourager les Canadiens de diverses sphères d'activité à se rendre plus nombreux à Genève pour qu'ensemble, nous puissions mieux comprendre et influencer le travail qui s'y effectue.
[Français]
En outre, les compétences que nous acquérons et sur lesquelles nous nous appuyons en tant que députés trouvent une application dans les efforts du Canada pour réformer l'OMC, car l'OMC doit s'ouvrir, évoluer et susciter un engagement accru du grand public dans le monde entier.
Relever de tels défis publics, voilà un domaine que je connais bien, ayant été député. C'est ce que vous faites tous les jours en Chambre et tout particulièrement aussi dans vos circonscriptions, en vous appuyant sur votre capacité d'écouter les gens, de communiquer des idées et de rapprocher des positions qui s'opposent. C'est cette expérience que je fais valoir à l'OMC, à l'avantage du Canada.
[Traduction]
En terminant, je vous dirai que je vois mon expérience à titre de député comme un réel privilège que je chérirai longtemps. Et c'est aussi un privilège que de pouvoir représenter mon pays à l'étranger. Il s'agit là d'une expérience qui m'offre, à maints égards, une perspective unique du grand pays qu'est le Canada.
À ce propos, je me réjouis à l'idée de travailler avec les membres de ce comité et avec la Chambre et le Sénat, à faire du Canada un pays toujours plus fort et plus prospère.
Merci.
Le président: Merci beaucoup...j'allais dire monsieur le ministre. Monsieur l'ambassadeur.
Des voix: Bravo!
M. Sergio Marchi: Je pense que je vais partir tout de suite.
Des voix: Oh, oh!
Le président: Vous êtes invité à déjeuner.
Monsieur Obhrai, avez-vous des questions à poser?
M. Deepak Obhrai (Calgary-Est, Réf.): Merci. J'ai droit à combien de minutes?
Le président: Cinq.
M. Deepak Obhrai: Merci, monsieur l'ambassadeur, d'être venu nous rencontrer. J'ai trois questions à poser. Comme je n'ai pas beaucoup de temps, je vous demanderais de répondre rapidement à toutes les trois. Je sais que vous aviez l'habitude de ne pas répondre aux questions, mais maintenant que vous occupez le poste d'ambassadeur, j'espère que vous serez en mesure de nous fournir des réponses.
Monsieur l'ambassadeur, les Canadiens veulent savoir s'ils ont perdu ou gagné du terrain par suite de votre nomination à l'OMC. Certaines personnes, y compris les membres de mon parti, ont trouvé étonnant qu'on laisse partir un négociateur commercial chevronné avant le lancement des discussions de l'OMC.
Quand M. Weekes a comparu devant nous, en mai dernier, il a dit que l'ambassadeur du Canada avait pour mandat non pas d'élaborer la politique du Canada, mais de défendre la position du Canada lors des négociations. Compte tenu de vos antécédents surtout politiques, j'aimerais savoir si vous estimez que votre nomination à l'OMC est pleinement justifiée.
Ma deuxième question est la suivante: est-ce que M. Weekes a quitté son poste volontairement, ou l'a-t-on écarté pour que vous puissiez prendre sa place?
Bien entendu, ma troisième question est la suivante: M. Weekes est-il maintenant payé par le gouvernement fédéral, que ce soit de façon directe ou indirecte, à titre de conseiller ou autre, pour vous aider à apprendre les rouages à Genève? Dans l'affirmative, ne croyez-vous pas que cette nomination a coûté cher aux contribuables canadiens?
M. Sergio Marchi: Vous vous attendiez, pour une raison quelconque, à des réponses différentes. En fait, j'espérais que l'opposition me pose des questions différentes, mais je suppose qu'il est difficile de se débarrasser de vieilles habitudes.
M. Deepak Obhrai: Je pensais que vous aviez dit que vous aviez passer plus de temps dans l'opposition qu'au pouvoir. Vous devriez donc savoir comment ça se passe.
Des voix: Oh, oh!
M. Deepak Obhrai: Mais c'est votre nomination qui nous intéresse avant tout. C'est pour cette raison que nous sommes ici.
M. Sergio Marchi: Voulez-vous poser les questions, ou y répondre?
M. Deepak Obhrai: Allez-y. Je vous ai posé trois questions.
M. Sergio Marchi: Avec plaisir.
Les trois questions partent du principe... Vous avez lu en quelque part ou entendu quelqu'un demander si l'ambassadeur Weekes avait été écarté, ou s'il figure sur une liste de paie quelconque. Cette déclaration est fausse et injuste.
D'abord, John Weekes a bien servi son pays. Il était un excellent ambassadeur, un ambassadeur chevronné.
Ensuite, je tiens à préciser que son pays et son ministère lui ont eux aussi rendu de grands services, que John a rempli trois mandats à Genève, qu'il en était à la quatrième année de son dernier mandat, qui devait prendre fin en décembre de l'année dernière. Le premier ministre m'a demandé de le remplacer, et je suis arrivé à Genève le 1er septembre.
Tout le monde savait aussi, quand j'étais ministre, que John, après avoir longtemps travaillé pour le service extérieur, envisageait de passer au secteur privé, ce qu'il a fait.
Pour ce qui est de savoir si le Canada a gagné ou perdu du terrain, manifestement, chaque ambassadeur apporte avec lui des compétences différentes. Comme j'ai essayé de l'expliquer, étant donné que l'OMC est à un tournant décisif et que les questions commerciales et nationales sont de plus en plus étroitement liées, je ne suis pas prêt à dire qu'un titulaire de charge publique ou un représentant élu n'a pas les compétences voulues pour rapprocher l'OMC des Canadiens.
Ensuite, les enjeux commerciaux doivent être négociés de façon collective. D'abord, tout, dans la vie, se prête à négociation. Quand vous êtes ministre du Commerce, vous devez négocier de façon bilatérale, que ce soit avec Charlene Barshefsky, pour les magazines, ou Sir Leon, pour d'autres questions, ou qu'il s'agisse encore de l'ALE ou de la Quadrilatérale. La négociation fait partie intégrante du rôle d'un ministre du commerce.
• 1555
Ensuite, concernant les négociations, oui, l'ambassadeur doit
jouer un rôle de chef de file à Genève. De plus, des spécialistes
des questions commerciales sont affectés à la délégation
canadienne, comme c'est le cas pour les autres délégations. Ils
négocient avec leurs homologues, leur transmettent des
renseignements, que ce soit sur les services, l'agriculture, ainsi
de suite.
M. Deepak Obhrai: Le fait est que nous avions un négociateur...
M. Sergio Marchi: Qui...
M. Deepak Obhrai: C'est à mon tour de poser des questions.
Le président: Ne parlez pas tous en même temps.
M. Deepak Obhrai: Revenons aux questions précises que j'ai posées...
M. Sergio Marchi: Vous en avez posé trois. Je vous ai donné au moins deux réponses.
M. Deepak Obhrai: ...au sujet de votre nomination et de M. Weekes, qui était le négociateur commercial. Est-ce que M. Weekes a quitté son poste de son propre chef ou non? D'après ce que vous dites ici, vous avez certaines compétences en la matière. Oui, vous en avez certaines, sauf que nous avions un négociateur commercial qui en possédait d'excellentes. Le Canada aurait-il été mieux servi s'il était resté à son poste?
La question est donc la suivante: a-t-il quitté son poste volontairement ou non? Ensuite, est-ce qu'il est payé pour vous conseiller?
Le président: Je ne veux pas intervenir outre mesure dans le débat, mais je pense que la prudence s'impose. Je ne crois pas que M. Marchi soit en mesure de répondre à la question concernant la démission de M. Weekes, parce qu'il n'était pas sous-ministre...
M. Deepak Obhrai: Il était le ministre du Commerce international.
Le président: Il vous a dit que M. Weekes était là depuis très longtemps et que...
M. Deepak Obhrai: Mais il était le ministre du Commerce international. Ma question est très simple.
Le président: Oui, mais vous n'êtes tout de même pas en train de dire qu'il a renvoyé M. Weekes et que, du jour au lendemain, il s'est retrouvé de l'autre côté de l'Atlantique.
M. Deepak Obhrai: Je ne dis pas qu'il a été renvoyé. Je ne fais que poser la question.
Le président: Ne laissons pas sous-entendre qu'il y a eu conspiration. Laissez-le répondre à la question.
M. Sergio Marchi: J'étais en train de terminer ma réponse à votre première question. Des fonctionnaires en poste à Ottawa vont également prendre part aux négociations, en raison surtout de leur domaine de spécialisation, et aussi parce qu'ils doivent consulter les intervenants à l'échelle nationale. Enfin, le ministre du commerce agit à titre de négociateur en chef parce que c'est le ministre, par l'entremise du cabinet, qui approuve ou non toutes les décisions.
Pour ce qui est de savoir si M. Weekes est payé par le gouvernement fédéral pour me seconder dans mes fonctions ou pour seconder notre bureau à Genève, la réponse est non.
M. Deepak Obhrai: Ni son cabinet de consultants...?
M. Sergio Marchi: Pas à ma connaissance.
M. Deepak Obhrai: Pas à votre connaissance.
M. Sergio Marchi: Non.
M. Deepak Obhrai: Donc, M. Weekes ne participe absolument pas aux négociations.
M. Sergio Marchi: Il ne travaille pas pour mon bureau.
M. Deepak Obhrai: Est-ce que M. Weekes a démissionné de son propre chef ou...
M. Sergio Marchi: C'est à lui qu'il faut poser la question.
M. Deepak Obhrai: Je pensais que vous étiez le ministre du Commerce international.
M. Sergio Marchi: Je l'étais.
M. Deepak Obhrai: Écoutez, les Canadiens veulent savoir. Il est question ici d'une nomination politique, et les Canadiens ont le droit de savoir comment s'est fait cette nomination. Voilà la question que nous posons. Nous voulons aller au fond des choses, parce qu'il se trouve que l'ambassadeur était le ministre du Commerce international.
Vous avez dit que le ministre du Commerce international agit en qualité de négociateur en chef. C'est faux. Ce sont les négociateurs en chef qui remplissent le rôle d'ambassadeur là-bas. Le ministre du commerce établit la politique, mais qui la négocie? Comme vous le savez, j'ai participé moi aussi à la rencontre de l'OMC et nous avons vu comment les négociations se sont déroulées. Or, cette question est toujours en suspens. J'essaie d'obtenir une réponse.
M. Sergio Marchi: Il n'y a pas de question en suspens. Le premier ministre m'a offert le poste, et après réflexion, je l'ai accepté. M. Weekes était un excellent fonctionnaire. Il a bien servi son pays. Il continue de défendre les intérêts du Canada. Officiellement, il n'y a pas d'affiliation. Il n'y a pas de question en suspens, sauf sur le fond des négociations.
Je pense que les Canadiens s'intéressent davantage aux enjeux qu'à la question de savoir s'il y a eu combine politique ou non, ce que vous cherchez surtout à savoir.
Le président: Votre temps est écoulé. Vous pouvez réfléchir aux questions que vous allez poser au deuxième tour, s'il y en a un.
M. Deepak Obhrai: J'espère pouvoir poser d'autres questions.
[Français]
Le président: Monsieur Marceau.
M. Richard Marceau (Charlesbourg, BQ): Merci, monsieur le président.
D'abord, monsieur l'ambassadeur, je vous souhaite la bienvenue. Il me fait plaisir de vous recevoir ici aujourd'hui. Je trouve un peu regrettable la réaction de certains de mes collègues qui riaient des questions posées par le député du Parti réformiste, parce que certaines questions me sont venues à l'esprit.
• 1600
Je suis un libre-échangiste assez farouche—pas au
sens où mon collègue Bachand l'entend, je pense—, et
l'importance de l'OMC pour le Canada a été
soulignée à maintes reprises par vous, de même que par
votre patron, le ministre du Commerce international, M.
Pettigrew.
L'OMC peut être considérée comme le principal traité commercial du Canada compte tenu de son importance, et la conférence ministérielle à laquelle nous avons participé ensemble à Seattle a nécessité beaucoup, beaucoup de préparation. Vous n'êtes pas sans savoir qu'une telle conférence se prépare des mois, voire des années à l'avance. Or, trois mois à peine avant la conférence de Seattle, on apprend que le principal négociateur, M. Weekes, est un peu tassé et sera remplacé par vous. Certains experts—et j'espère un jour pouvoir être considéré comme faisant partie du groupe, mais en attendant j'étudie en vue de le devenir—disent qu'ils se sont posé des questions. Il y a même un article du Financial Times de Londres, qui ne parle pourtant pas très fréquemment du Canada, où on mentionne ne pas comprendre la raison pour laquelle le Canada a laissé tomber M. Weekes à peine quelques semaines avant la conférence de Seattle et où on se demande pourquoi vous étiez le premier politicien, parce que vous étiez un homme politique, à être nommé à ce poste. Comment expliquez-vous le fait que quelques semaines avant ce qui pouvait être la plus importante rencontre ministérielle de notre histoire commerciale, le principal négociateur du Canada soit remplacé? Est-ce que vous trouvez que ce geste a aidé le Canada?
[Traduction]
M. Sergio Marchi: D'abord, je ne suis pas le premier homme politique à occuper le poste d'ambassadeur, et je ne serai sûrement pas le dernier. Il y a une douzaine d'ambassadeurs au sein de l'OMC qui ont déjà été ministres. En fait, comme vous le savez, le directeur général lui-même, Mike Moore, a lui aussi été ministre du Commerce, en Nouvelle-Zélande. Un de ses sous-directeurs généraux a été ministre du Commerce du Burkina Faso. Ces gens viennent d'horizons différents. Les ambassadeurs ne sont pas tous des spécialistes des questions commerciales. La plupart oui, mais il y en a qui ont travaillé pour le service extérieur. Plusieurs d'entre eux viennent du milieu universitaire, et d'autres du milieu politique.
Quand vous viendrez à Genève, vous allez constater que l'OMC ne s'occupe pas uniquement de dossiers techniques. Il s'agit là, bien sûr, d'une composante importante du travail de l'OMC, mais c'est un milieu hautement politisé. L'OMC appartient aux gouvernements, aux gouvernements démocratiquement élus qui donnent à leurs ambassadeurs et à leurs missions le mandat de conclure le genre d'ententes qui servent les intérêts de leur pays.
Deuxièmement, vous avez laissé entendre que je suis arrivé en poste le 1er ou le 2 septembre. Cela ne veut pas dire que je n'étais pas au courant du mandat de l'OMC et que je n'ai pas participé aux travaux préparatoires en vue de la rencontre de Seattle. En fait, si vous vous souvenez bien, quand j'étais encore ministre, j'ai demandé au comité de consulter les Canadiens de toutes les régions sur les attentes et les préoccupations du Canada, dans le contexte de la rencontre de Seattle. Le comité a entendu les vues de tous et préparé un excellent rapport, rapport auquel le gouvernement a répondu.
En tant que ministre, j'ai également participé aux Groupes de consultations sectorielles sur le commerce extérieur, ces organes auxquels nous avons demandé conseil au sujet des renseignements propres à chaque secteur. J'ai certes participé aux travaux de ces groupes et reçu les rapports de leurs présidents. Cela m'a permis de prendre le pouls de chaque secteur.
Par ailleurs, j'ai aussi participé au Conseil consultatif d'Équipe Canada Inc. Ce conseil, présidé par le président de BCE, Red Wilson, ex-délégué commercial, avait pour préoccupation principale, entre autres, la stratégie et les moyens offensifs et défensifs qu'emploierait le Canada devant l'OMC, à Seattle. Bien que j'aie assumé les fonctions d'ambassadeur le 1er ou le 2 septembre, mon travail en tant que ministre au sujet du cycle que nous espérions lancer à Seattle a commencé beaucoup plus tôt. En fait, une partie considérable de mon travail, de mes voyages et de mes réunions avec des homologues visait en réalité, sur un plan multilatéral, à trouver un moyen d'amorcer le processus à Seattle.
• 1605
Il ne faudrait donc pas confondre le début de mon mandat
d'ambassadeur avec le début de ma préparation pour Seattle.
[Français]
M. Richard Marceau: Dans votre réponse, monsieur l'ambassadeur, vous mentionnez que l'OMC est une organisation très politisée et vous invoquez votre passé de politicien pour dire que vous étiez très qualifié pour l'emploi. Connaissant la politique comme vous la connaissez—et comme tous ceux autour de la table la connaissent, puisque c'est un peu ce que l'on fait—, vous savez très bien que la politique est basée sur des semaines, des mois, des années de contacts, de relations interpersonnelles, de poignées de mains, de repas, de bières, de cafés et de déjeuners partagés avec des gens ici et là, etc. Il faut du temps pour développer un bon réseau à l'intérieur d'une organisation telle que l'OMC, surtout à Genève, où tout est centralisé.
Or, je ne dis pas que vous ne connaissez pas le dossier. Vous avez été le ministre du Commerce international; je n'ai jamais dit que vous ne connaissiez pas le dossier. Mais compte tenu qu'il s'agit d'une organisation aussi politisée, où les liens de confiance entre les négociateurs en chef des différentes missions—parce que c'est ça le rôle de l'ambassadeur, au fond—sont très importants, ne trouvez-vous pas un peu singulier que deux mois et demi ou trois mois avant la conférence de Seattle, le Canada mette en danger ces liens de confiance qu'avait bâtis M. Weekes durant les trois mandats—c'est ce que vous m'avez dit—où il a été ambassadeur? On a mis en danger ces liens de confiance, ce réseau de contacts qu'il avait établi partout dans le monde, et on l'a remplacé par quelqu'un qui connaissait peut-être très bien les aspects techniques du dossier, mais qui n'avait pas fait trois mandats à titre d'ambassadeur pour établir des contacts, des réseaux, des liens de confiance. Vous savez que c'est un milieu très dur. Il faut un bout de temps pour s'établir comme il le faut. Ne trouvez-vous pas cela un petit peu particulier?
Si vous étiez M. ou Mme Tout-le-Monde et que vous voyiez cela, ne vous diriez-vous pas que si M. Weekes avait fait son temps, on aurait peut-être pu le remplacer après la conférence de Seattle, que l'on ne devrait pas changer de cheval au milieu de la course?
[Traduction]
M. Sergio Marchi: Vous avez droit à votre opinion, mais c'est une opinion que je rejette. Je refuse de croire que le Canada a compromis sa position en changeant d'ambassadeur. Je ne crois pas et n'accepte pas que le premier ministre, si tel avait été le cas, aurait même envisagé de le faire.
J'ai essayé de vous donner une idée des enjeux durant la période où j'étais ministre du Commerce, des enjeux qui suscitaient certes de grandes préoccupations et un vif intérêt, ainsi que du genre de questions qui étaient sur la table. Il est regrettable que nous n'ayons pu nous rapprocher d'une entente au sujet de plusieurs questions différentes et mieux concilier les intérêts du Nord et du Sud.
De plus, comme toute autre chose, il faut manifestement du temps, que vous soyez un député nouvellement élu ou un nouvel ambassadeur. J'ai toutefois essayé d'expliquer à votre prédécesseur que toute la question des négociations ne relève pas uniquement de l'ambassadeur. Il est vrai que c'est l'ambassadeur qui négocie. Cependant, il faut aussi compter les 12 délégués commerciaux de la mission canadienne ou les 20 délégués de la mission américaine qui y participent également, de même que les spécialistes travaillant dans les capitales nationales, les intéressés et, en bout de ligne, le ministre. Ces trois autres genres d'intervenants contribuent beaucoup aux négociations, et il faut que tous agissent de façon concertée. Vous n'entrez jamais dans une pièce sans savoir où réside l'intérêt canadien et jusqu'où vous pouvez aller et ne pas aller.
Troisième point, si j'étais si peu sûr de moi, je ne crois pas que l'OMC m'aurait demandé de présider le groupe chargé des négociations dans le secteur des services. J'ose croire que c'est en reconnaissance de mes aptitudes et de ma capacité que j'ai été nommé président, qu'ils ont suffisamment confiance en moi peut-être pour me laisser diriger les négociations.
De plus, il y a une valeur ajoutée à ma présence, en termes non seulement de connaissance des enjeux, mais également de la dimension politique ou publique que j'apporte à l'OMC au moment même où cet organisme se trouve en direct sur tous les écrans de télévision. C'est un avantage de plus, et il faudrait cesser de se sous-estimer à cet égard. Chacun contribue au processus une palette différente de talents, et cette palette représente la valeur ajoutée à toute l'équipe qui s'occupe des enjeux nationaux. Rien n'a été compromis et rien ne le sera.
Le président: Merci. C'est au tour de M. Bachand, maintenant.
M. André Bachand (Richmond—Arthabaska, PC): Monsieur l'ambassadeur Marchi, cela me fait plaisir de vous revoir. Vous avez l'air en forme, bon teint et tout. C'est très intéressant. Je ne sais pas si vous l'avez remarqué—j'allais vous appeler M. le ministre—, mais l'ambiance au comité vous est très favorable. Il faut dire qu'on avait toujours de bons échanges, autant ici, au comité, qu'à la Chambre des communes. Donc, c'est avec grand plaisir que nous vous revoyons.
Je voulais vous parler de M. Weekes, mais je pense qu'on a fait le tour de la question. Vous avez dit qu'il y aurait un nouveau cycle de négociations dans un an ou deux. Donc, tout de suite après les cinq mauvaises journées de Seattle—cinq mauvaises journées sur cinq, six ou sept, c'est un taux d'échec de 80 ou 100 p. 100—, on parle d'un nouveau cycle dans un an ou deux alors qu'il y a déjà des négociations sectorielles qui se déroulent. Qu'entendez-vous par un nouveau cycle de négociations alors que présentement, on négocie l'agriculture et les services, dont vous vous occupez à titre de président du comité sur les services? Je ne comprends pas où l'on en est. Est-ce qu'il y aura une autre grande conférence ou si dorénavant, compte tenu des résultats obtenus à Seattle, il y aura des conférences sectorielles qui devront se terminer dans deux, trois ou quatre ans? Qu'en est-il exactement?
[Traduction]
M. Sergio Marchi: Je vous remercie de votre accueil.
Je crois que l'essentiel pour le Canada et, oserai-je dire, pour la plupart des États membres de l'OMC est de lancer un nouveau cycle de mesures de libéralisation du commerce, en reconnaissance de deux réalités: tout d'abord, que le travail n'est pas terminé en ce qui concerne les nouveaux enjeux et les nouvelles façons de brasser des affaires dans le monde et, ensuite, que l'abaissement de ces barrières commerciales va accroître la prospérité de tout un chacun.
Après la conférence de Seattle, on a eu l'impression que l'on cherchait à départager les gagnants et les perdants, qu'on a du moins essayé de le faire. Cela ne sert à rien selon moi, car tous les intéressés à ces négociations de l'OMC, c'est-à-dire les 135 membres, ont été perdants parce qu'ils ont été incapables d'amorcer les négociations. Donc, au moment où nous nous parlons, je crois qu'on reconnaît à l'OMC que les négociations avantagent tant les pays en développement que les pays industrialisés et qu'il faudrait se consacrer à atteindre ces objectifs.
Le deuxième enjeu, c'est qu'on se rapprochera du début des négociations, pas forcément en raison de circonstances externes ou d'élections dans une région du monde, ou encore d'un nouveau régime au pouvoir dans un pays, mais plutôt selon la mesure dans laquelle nous réussirons à combler le fossé entre, par exemple, les pays du Nord et les pays du Sud, dont les attentes étaient différentes. Les pays en développement disaient que le cycle d'Uruguay n'avait pas donné les résultats promis, qu'ils continuaient d'avoir de la difficulté à respecter certains engagements, qu'ils continuaient d'essayer de mettre en oeuvre les ententes du cycle d'Uruguay et qu'on leur demandait maintenant de se lancer dans un nouveau cycle du millénaire. Le Nord disait également qu'il faudrait le faire.
Il y avait donc un grand écart entre le Nord et le Sud, mais il y avait aussi beaucoup de divergences quant aux enjeux. En agriculture, il y avait, d'une part, le groupe de Cairns, y compris le Canada, les États-Unis et de nombreux pays en développement, qui souhaitait faire de réels progrès, et, d'autre part, l'Union européenne, soutenue par le Japon, la Corée, la Norvège et la Suisse, qui souhaitait procéder plus lentement. Un énorme fossé séparait donc les deux camps, et les pays en voie de développement y voyaient un enjeu considérable, sur le plan du développement.
Il y avait aussi la question de mise en oeuvre, qui pose des problèmes aux pays en développement. Ceux-ci affirmaient que, avant de pouvoir miser sur un nouveau cycle, il faut d'abord régler les vieilles questions en suspens—combler le grand fossé. Il y avait divergences au sujet du travail, particulièrement quand M. Clinton a non seulement parlé des normes du travail mais également de sanctions commerciales et, que ce soit à tort ou à raison, les pays en développement y ont vu un message de protectionnisme et une tentative en vue de leur retirer leurs avantages comparatifs.
Je crois donc que nous ne pourrons pas amorcer un nouveau cycle de négociations tant que nous n'aurons pas commencé à combler le fossé.
Troisième point, les négociations portant sur les services et l'agriculture sont inextricablement liées à l'amorce de nouvelles négociations. Pourquoi? Parce qu'après Seattle, nous tenons à faire la preuve que l'OMC est bel et bien présente et dynamique. En dépit de Seattle, nous avons amorcé les négociations dans deux grands secteurs qui représentent 35 p. 100 presque du commerce mondial de services—taux qui va croissant.
• 1615
Il faut qu'il y ait progression sur ces deux fronts avant de
pouvoir entamer un nouveau cycle. Par contre, on se rend peut-être
compte qu'il sera impossible d'en arriver à une entente complète au
sujet de ces deux questions si toutes les autres questions ne sont
pas réglées. Nous offrons donc un menu varié aux différentes
économies du monde.
La question est de savoir si le nouveau cycle de négociations sera amorcé cette année ou l'an prochain. Il est encore trop tôt pour le dire, mais je ne crois pas qu'il faudrait tenir compte du facteur temps. Il faudrait plutôt se consacrer à combler le fossé que nous n'avons manifestement pas eu le temps de combler à Seattle.
[Français]
M. André Bachand: Je ne voudrais pas vous interrompre, mais on voit que l'ambassadeur connaît bien le fonctionnement du comité. Il ne me reste que quelques instants. J'ai deux petites questions très courtes, monsieur l'ambassadeur.
Au sujet de l'agriculture, je voudrais parler de l'entente, entre guillemets, sur les organismes génétiquement modifiés, qui fait en sorte que le fardeau de la preuve repose maintenant sur les pays producteurs de produits qui pourraient contenir des organismes génétiquement modifiés. Par exemple, le Canada doit être en mesure de prouver aux Européens que son boeuf, son maïs et ses atocas ne comportent pas d'organismes génétiquement modifiés ou qu'ils ne sont pas dangereux. C'est nouveau. Le fardeau de la preuve est renversé. J'aimerais savoir si, dans le cadre des négociations qui se tiennent présentement sur l'agriculture, l'entente qui régit les OMG s'applique ou ne s'applique pas au niveau de l'OMC.
J'ai une dernière question. Je sais qu'il ne reste pas beaucoup de temps, mais vous me pardonnerez, puisqu'il s'agit d'une petite question sur mon village natal, Asbestos. On sait que le rapport du groupe de travail prévu pour le mois de mars a été reporté au mois de juin. Ma question est fort simple: s'agit-il d'une bonne ou d'une moins bonne nouvelle?
[Traduction]
M. Sergio Marchi: En ce qui concerne toute la question des OMG, du point de vue du Canada, il s'agit clairement d'une question qu'il faut régler en s'appuyant sur des données scientifiques. Il ne faudrait pas estimer au jugé, ni décider en fonction des barrières commerciales ou non commerciales. Si nous changeons d'approche au sujet des OMG, en fonction non pas de la preuve scientifique mais d'expédients politiques ou de ce qui convient à un pays, nous compromettons certes le fondement même d'une partie de l'OMC.
L'OMC vise en partie à créer des marchés accessibles et stables dans le monde entier, ce qui avantagerait le Canada, puisque 77 p. 100 de ses échanges se font sur le marché international. De plus, elle vise à mettre en place des règles du jeu équitables et prévisibles.
À mon avis, les OMG, tel que nous les connaissons au Canada et dans plusieurs autres pays, ont le potentiel—énorme—d'accroître la qualité des aliments et d'en améliorer l'offre. Ceux qui prétendent que les OMG sont dangereux doivent le prouver ou étayer leur argument. Par conséquent, c'est la science qui de toute évidence servira à en faire la preuve. Sur cette base, le Canada continue d'avoir confiance dans ces produits.
Par ailleurs, en ce qui concerne le report du rapport sur l'amiante, je ne suis pas sûr qu'il soit prudent de dire que c'est une bonne ou une mauvaise nouvelle. En tant qu'ambassadeur du Canada, j'espère que c'est une bonne nouvelle. Vous et moi en avons déjà parlé. En tant qu'ex-maire, vous maîtrisez certes bien le dossier. Nous persistons à dire que l'amiante n'est pas un produit dangereux.
[Français]
Le président: Merci. Monsieur Patry.
M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.): Merci, monsieur l'ambassadeur, de votre visite.
L'an dernier, lorsque vous étiez ministre du Commerce international, vous aviez comparu devant ce comité au moment où on faisait notre étude en vue du sommet de Seattle. Vous connaissez les résultats du sommet de Seattle. J'aimerais savoir si, dans les négociations qui s'amorcent, on a pris en considération les leçons de Seattle. C'est ma première question.
• 1620
Le 7 février dernier, l'OMC a donné le coup
d'envoi aux négociations sur l'agriculture et les
services.
Dans les négociations sur la Zone de libre-échange des
Amériques, on a fait une place à la société civile,
d'où ma question: dans les négociations qui s'amorcent
actuellement, est-ce que l'OMC a modifié ses règles
afin d'inclure la société civile et
quelle est votre position, celle du Canada,
quant à la possibilité d'inclure la société
civile dans les négociations?
[Traduction]
M. Sergio Marchi: Pour ce qui est des enseignements à tirer de Seattle, la première chose à faire, selon moi, est de situer ce sommet dans un contexte plus général. La conférence ministérielle de Seattle n'a pas été un échec, mais, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, il ne faudrait pas non plus penser qu'un échec serait fatal à l'OMC. L'OMC—ou son prédécesseur, le GATT—a vécu d'autres rencontres qui se sont soldées par un échec, ce qui ne l'a pas empêchée de revenir à la charge et, en bout de ligne, d'arriver à un résultat concret.
Comme première leçon, il faut prendre acte de la façon dont le grand public voyait le Sommet de Seattle, non pas en tant que spécialistes du commerce, mais comme nombre de gens pour qui l'OMC, jusque là anonyme, a pris de la notoriété presque du jour au lendemain. Aux yeux de certains, elle est devenue célèbre pour les mauvaises raisons ou, du moins, c'est ce qu'on a laissé croire. Donc, en tant que comité, qu'ambassadeur ou que gouvernement, il faut reconnaître que c'était là pour l'OMC une terre inconnue.
En plus, il ne faudrait pas sauter aux conclusions et croire que les protestations visaient exclusivement l'OMC. Par là, j'entends que nous avons été témoins de manifestations analogues en ce qui concerne l'AMI, à l'OCDE. L'an dernier, ce fut Seattle. Le mois suivant, la semaine suivante ou l'année suivante, ce pourrait être le FMI ou la Banque mondiale.
Tout cela me porte à croire que les préoccupations légitimes de la population concernent plus qu'un simple organisme. J'ai l'impression qu'elle souhaite que les gouvernements nationaux et les organismes multilatéraux se concertent en vue de gérer l'avenir. C'est pourquoi, pour le Canada, la cohérence a tant d'importance. Je veux dire que l'OMC ne peut pas régler tous les problèmes du monde, sans quoi elle deviendrait vraiment un organisme mondial. Or, ce n'est pas un organisme mondial. C'est une organisation du commerce mondial. Il faudrait donc la voir comme une partie de la solution, mais il existe d'autres organismes multilatéraux—ayant pour mission première le domaine du travail, des droits de la personne ou de la santé—qui font aussi partie de l'équation. C'est là un autre enseignement qu'il faudrait tirer, selon moi.
Troisième leçon, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, l'issue du Sommet de Seattle n'a pas été dictée par les manifestations de la rue, mais plutôt par l'incapacité, dans la salle de conférence comme telle, de régler les différends très importants qui divisent les pays au sujet de certaines questions très précises. Il faut s'efforcer, étape par étape, de solidifier la plate-forme qui servira en bout de ligne au lancement des négociations. Si la plate-forme n'est pas solide, le lancement n'aura jamais lieu.
Il faudrait donc que, cette année, l'OMC adopte une approche graduelle et qu'elle prépare le terrain pour que, lorsque les ministres se rencontreront à nouveau, ils aient suffisamment de temps pour surmonter les obstacles dans ces dossiers difficiles à régler.
Votre deuxième question concerne l'inclusion de la société civile dans les négociations. Le président du conseil de l'OMC a convoqué une réunion pour le 28 mars en vue de discuter de transparence tant interne qu'externe. Ce devrait aussi être l'année durant laquelle, pendant que nous définissons graduellement le programme des questions à aborder, nous déciderons ce que nous pouvons, en termes concrets, changer pour le mieux. Sur le plan de la transparence interne, comment faire participer pleinement tous les organismes membres de l'OMC? Ensuite, comment mieux faire participer nos populations, à la fois aux gouvernements nationaux et à l'OMC?
On n'a pas encore décidé des changements à apporter sur le plan de la transparence, mais cette réunion amorcera la discussion. Avec un peu de chance, nous serons en mesure d'essayer, en tant qu'organisme qui fonctionne par décision consensuelle, de situer l'OMC de manière à mieux faire face aux réalités contemporaines.
[Français]
M. Bernard Patry: J'ai une deuxième question. Vous nous avez parlé de l'agriculture. Le 7 février, il y a eu beaucoup d'envois aussi à l'agriculture, mais vous savez très bien que lors de l'étude de l'année dernière, toujours en prévision du sommet de Seattle, plusieurs agriculteurs canadiens se sont plaints ici du fait que l'agriculture canadienne n'était pas subventionnée comparativement à celles de l'Union européenne et des États-Unis.
• 1625
Maintenant, vous nous dites qu'on va essayer de
réduire les subventions de façon appréciable. Pour moi,
il y a une certaine ambiguïté. Pourquoi avoir des
négociations si l'Europe et les États-Unis n'en
tiennent pas compte et n'ont pas suivi les
recommandations au préalable? Disons que c'est au
détriment des Canadiens.
[Traduction]
M. Sergio Marchi: C'est exactement pourquoi j'ai dit qu'il était important de faire des progrès dans le domaine de l'agriculture et des services si nous voulons être en mesure d'amorcer des négociations, car l'agriculture est un enjeu que le Canada et d'autres membres du groupe de Cairns, entre autres, prennent très, très au sérieux. C'est justement la raison pour laquelle nos agriculteurs subissaient, en partie, les pressions qui étaient exercées sur eux et c'est la raison pour laquelle le gouvernement ressent la pression. Ils se font coincer dans la guerre que se livrent, d'une part, les Européens avec leurs incroyables subventions et, d'autre part, les Américains avec leurs poches pleines d'argent qui font non seulement du tort aux agriculteurs canadiens, mais qui faussent également les règles du jeu sur le marché international.
C'est pourquoi nous revenons à la table de négociations de l'OMC avec trois priorités fondamentales.
La première est d'éliminer ces subventions insoutenables. Même les Européens ne peuvent pas les soutenir. Pouvez-vous vous imaginer ce qui arrivera, s'ils élargissent la communauté européenne...? Ils envisagent d'y intégrer la Pologne, qui compte 10 millions d'agriculteurs. Ces subventions sont de toute évidence insoutenables. Plus tôt nous les éliminerons, mieux ce sera pour nos agriculteurs et pour ceux du monde entier.
La deuxième priorité est de mettre fin aux distorsions sur notre marché intérieur et de régler la question des structures de soutien.
La dernière est d'ouvrir nos marchés aux produits agricoles, plutôt que de les fermer.
Donc, à Seattle, tant le ministre Pettigrew que le ministre Vanclief, qui y assistait et jouait un rôle de premier plan, avaient pour grande priorité l'agriculture, qui continue d'être une de nos grandes priorités. La difficulté, toutefois, c'est que l'OMC, en tant que grande famille réunissant 135 pays, ne peut pas aller plus vite que le plus lent de ses membres. L'agriculture continue donc, de toute évidence, à être une préoccupation centrale. Un village aura besoin... Je suis convaincu toutefois qu'en bout de ligne, les Européens et les Japonais verront que leur position est insoutenable, particulièrement à la lumière des ambitieuses négociations qu'ils veulent mener.
Le président: Monsieur Obhrai, vous disposez de cinq minutes.
M. Deepak Obhrai: Monsieur l'ambassadeur, vous avez dit que M. Moore, ex-ministre du Commerce de la Nouvelle-Zélande, dirige l'OMC et vous vous êtes servi de son exemple pour justifier votre propre nomination politique.
J'étais à Seattle, et j'oserais dire que, jusque dans une certaine mesure, l'échec de l'OMC était également attribuable à M. Moore. Je dirais probablement que, de par sa nomination politique, il porte une grande partie du blâme.
Mes collègues et moi-même, en tant que membres de l'opposition, aimerions avoir confiance en vous, aimerions pouvoir dire que vous représentez les intérêts du Canada, plutôt que ceux du gouvernement libéral. Chaque fois que je pense à votre nomination, même moi, en tant que porte-parole en matière de commerce international, je me demande si je peux faire confiance à mon ambassadeur. Comme vous le savez, les ambassadeurs sont des fonctionnaires. Puis-je faire confiance à mon ambassadeur? Cette nomination politique laisse planer un doute.
Comme vous êtes ici devant le comité aujourd'hui, vous pouvez peut-être nous dire, à nous, les membres de l'opposition—nul besoin de s'inquiéter du parti ministériel puisque, comme nous le savons, vous avez de solides liens avec lui—que nous pouvons vraiment compter sur vous pour nous faire comprendre les enjeux, pour nous communiquer l'information que nous, en tant qu'opposition, aimerions avoir pour bien faire notre travail. Bien que tous la voient comme une nomination partisane, nous nous attendrions que votre nomination à ce poste d'ambassadeur ne soit pas partisane. Vous pouvez peut-être établir ce climat de confiance.
M. Sergio Marchi: Pour ce qui est de votre première question, il serait très injuste...
M. Deepak Obhrai: C'est une question d'opinion.
M. Sergio Marchi: ...d'essayer de faire porter le blâme, ou l'échec comme vous l'avez dit, à Mike Moore.
M. Deepak Obhrai: Jusqu'à un certain point. J'étais là, de sorte que je sais de quoi je parle.
M. Sergio Marchi: Une autre source de division a été le temps qu'a mis l'OMC à choisir son directeur général. J'étais ministre du Commerce international durant toute cette campagne marathon durant laquelle Roy MacLaren, ex-ministre du Commerce, était également en lice. Il est regrettable selon moi que l'OMC ait gaspillé autant de temps et d'énergie qui aurait mieux servi à préparer le sommet ministériel de l'OMC.
Je crois aussi que l'OMC a confié une tâche herculéenne à Mike Moore. Donc, à son arrivée, le 1er septembre, à quoi faisait-il face? Il faisait face à la famille de l'OMC composée de 135 pays environ, dont la moitié avaient voté pour lui et l'autre moitié, pour un autre candidat, M. Supachai. La situation n'était pas facile, et il fallait que tout soit prêt pour décembre.
De plus, nous avons tous fort bien énoncé nos positions nationales. C'est pourquoi le texte soumis à Seattle était si volumineux, pourquoi il comportait tant de parenthèses, parce que nous avions été incapables d'en arriver à une position commune. Je crois que nous avons trop versé dans le détail. Nous avons oublié qu'il s'agissait d'un document visant à amorcer les discussions, plutôt que d'un document servant à mettre les barres sur les «t» et les points sur les «i».
M. Deepak Obhrai: Monsieur l'ambassadeur, sauf votre respect, j'étais là. Je vous saurais gré de me donner les assurances que je vous demande.
M. Sergio Marchi: C'était là la réponse à votre première question.
La seconde, où vous parlez d'un «doute qui plane», me rappelle... Je crois que c'est dans la bande dessinée de Charlie Brown qu'un personnage a constamment un nuage au-dessus de la tête. Peut-être n'y a-t-il rien à faire? Je ne suis pas sûr que je peux vous aider à dissiper le doute.
M. Deepak Obhrai: Donnez-moi une assurance.
M. Sergio Marchi: Je peux dire que votre comportement au sein de ce comité-ci est très différent de celui que vous avez avec moi, que ce soit à Seattle ou ailleurs, puisque vous n'avez jamais exprimé un pareil doute, une telle suspicion, que vous ne m'avez jamais pris à part pour me dire que vous étiez préoccupé par cette question. Jusque-là, nos relations ont toujours été empreintes du plus grand respect, de coopération. Je dirais même qu'elles étaient joviales. Selon moi, si ce climat était bon pour vous et moi individuellement, en tant que membres de la délégation canadienne, j'espère que vous arriverez à vous débarrasser du doute lorsque vous entrez dans la salle du comité.
M. Deepak Obhrai: Nous savions que vous veniez témoigner. C'est pourquoi je n'en ai pas parlé là-bas. Qui plus est, il me semble inconvenant, quand on est à l'étranger, de commencer à régler de telles questions ou d'y transposer nos différends politiques. Nous pouvons faire cela chez nous, ce que nous faisons en ce moment. C'est pourquoi je vous pose toutes ces questions.
J'espère que j'ai néanmoins l'assurance qu'en dépit de votre nomination là-bas, nous continuerons d'avoir de bonnes relations de travail.
Je vais maintenant vous poser une question au sujet de cette plate-forme de lancement dont vous avez parlé. Je suis conscient, monsieur l'ambassadeur, qu'aux États-Unis, le président Clinton tente désespérément de relancer les pourparlers de l'OMC avant la fin de son mandat et je crois savoir que les Américains frappent aux portes pour convaincre les autres d'amorcer le processus avant son départ de la Maison-Blanche. Je suppose qu'il ne souhaite pas quitter la Maison-Blanche avec une mauvaise note, que les livres d'histoire disent que, sous son régime, les négociations de l'OMC n'ont pas progressé. C'est ce que j'ai compris.
Simultanément, notre ministre du Commerce international défend l'idée de doter l'OMC d'une structure apparentée en quelque sorte à celle des Nations Unies. Étant donné que nous avons...
Le président: Désolé de vous interrompre, mais vous avez dépassé votre temps de parole. Si vous voulez, posez votre question rapidement de manière à ce que notre témoin puisse répondre. Je ne voudrais pas que la question prenne plus de temps, car vous ne pourrez pas obtenir de réponse.
M. Deepak Obhrai: Faites-nous donc part rapidement de ce que vous pensez, monsieur l'ambassadeur.
Le président: Je peux uniquement vous demander de faire en sorte que votre réponse soit plus courte que la question.
M. Sergio Marchi: Il est vrai que je crois que les États-Unis continuent d'être en faveur d'un nouveau lancement des négociations. Nous travaillons sans aucun doute avec les États-Unis et avec nos autres partenaires de l'OMC à Genève pour cet ultime lancement des négociations.
Il est également vrai que le président Clinton et l'administration américaine ont d'autres priorités commerciales à Washington, y compris l'accession de la Chine à l'OMC; le débat au Congrès sur le maintien de la présence des États-Unis à l'OMC, qui va faire l'objet d'un vote; le projet de loi sur le commerce avec l'Afrique, qui est important pour M. Clinton du point de vue du développement.
Il ne s'agit donc pas uniquement d'une priorité accordée au lancement de ces négociations, mais aussi de ces autres priorités commerciales. Nous espérons être en mesure de lancer ces négociations d'ici peu. Comme je l'ai dit toutefois, il est difficile de prévoir la rapidité avec laquelle nous pourrons combler le fossé entre pays et entre ministres.
Deuxièmement, pour ce qui est du ministre Pettigrew, il a présenté plusieurs idées dont nous allons donner des détails, à la rencontre du 28 mars, à des fins de transparence. Je pense que la question posée par le ministre Pettigrew est une question clé. Compte tenu du fait que l'OMC compte 135 membres et que l'on ne peut certainement pas saisir tous ces pays de toutes les questions à la fois, le ministre Pettigrew demande en fait s'il ne serait pas possible d'envisager un conseil d'administration qui rendrait l'institution non pas moins démocratique, mais beaucoup plus efficace—on pourrait également séparer les questions liées aux négociations de celles portant sur l'administration. C'est à mon avis une bonne question, car je crois qu'il est admis que le nombre de pays adhérant à l'OMC a considérable augmenté.
Au moment de la ronde Uruguay, on ne comptait que 90 pays membres. Nous en avons aujourd'hui 135, 30 autres pays demandant leur accession. De toute évidence, plus on est de fous plus on rit, si l'on se place dans une perspective de commerce mondial, mais cela rend le processus de décision plus difficile à accélérer, compte tenu en particulier de la rapidité du monde des affaires et des changements qui s'y produisent.
Il s'agit donc à mon avis d'une question pertinente. Au bout du compte, nous allons arriver à un genre de consensus qui permettra d'améliorer l'efficacité ainsi que l'aspect démocratique et consensuel qui reste essentiel pour l'OMC.
Le président: Madame Bulte.
Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.): Merci, monsieur le président.
Bienvenue, monsieur l'ambassadeur; je suis ravie de vous voir dans votre nouveau rôle et j'aimerais vous féliciter pour votre nomination au poste de président du Conseil du commerce des services.
J'ai une observation rapide à faire. J'ai remarqué au cours de votre déclaration liminaire que vous invitez les Canadiens et le comité à venir avec vous à Genève. Pour préciser les choses, je voudrais m'assurer que cette invitation s'adresse également au sous-comité qui, comme vous le savez, est en train d'examiner la question des relations entre le Canada et l'Europe. Je voulais simplement avoir cette précision.
Mme Jean Augustine: Cherchez-vous à vous faire inviter?
Mme Sarmite Bulte: Non, non. Je voulais simplement m'assurer que l'invitation est également faite au sous-comité, car je parle en son nom.
Dans votre déclaration liminaire, vous dites également qu'en tant qu'ambassadeur, votre travail consiste à promouvoir les intérêts et les positions de politique du Canada. Lorsque vous avez répondu à M. Marceau, vous avez parlé de votre expérience des divers GCSCE, alors que vous étiez ministre du Commerce international.
L'un des documents GCSCE sans doute les importants publiés lorsque vous étiez ministre est sans doute celui portant sur la culture, dans lequel il est question d'un instrument distinct pour la culture. Dans le rapport du comité permanent, il est question d'essayer d'inscrire si possible l'instrument de la culture dans le cadre de l'OMC.
En tant que ministre du Commerce international, vous avez dit parfaitement clairement et sans équivoque que la culture canadienne ne ferait pas l'objet de négociations au cours de ces pourparlers et pourtant, j'ai remarqué que lorsque vous avez parlé de ce qui ne serait pas sur la table des négociations—les services de santé et d'éducation—vous n'avez pas fait mention de la culture. Vous n'avez nullement fait mention de la culture dans votre rapport. J'aimerais savoir ce que vous avez à dire à ce sujet.
J'aimerais également savoir, si possible, en ce qui concerne votre rôle en tant que président du Conseil du commerce des services, dans quelle mesure, le cas échéant, vous pouvez influer sur le programme et promouvoir les intérêts et les positions de politique du Canada.
M. Sergio Marchi: Pour répondre à votre première question, les déplacements à Genève, j'ai bien dit ce que je voulais dire, et cela ne s'applique pas uniquement à votre comité. Dans des villes comme Genève pour l'OMC, ou Paris pour l'OCDE, je crois qu'en raison de la globalisation du marché, il est absolument essentiel que nos instances politiques, que vous représentez, ainsi que les milieux d'affaires et les ONG du Canada, viennent voir ce qui se passe dans ces capitales. Ces décisions et ces capitales, à cause de la globalisation, finissent par influer sur les sociétés et les pratiques de notre pays.
• 1640
Il est donc à espérer que l'on pourra assurer une présence
régulière du Canada. Par exemple, si les gens d'affaires se rendent
chaque année à Davos, en Suisse, je ne vois pas pourquoi on ne
pourrait pas organiser un programme d'une journée de manière qu'ils
rencontrent la mission du Canada ainsi que tous nos représentants;
qu'ils rencontrent Mike Moore, le directeur général; qu'ils
rencontrent les ambassadeurs des pays en développement et des pays
développés et qu'ils rencontrent le personnel du secrétariat de
l'OMC qui prend les décisions clés.
Je lance donc cette invitation afin que l'on essaie de comprendre cette ville et que, au bout du compte, on continue d'assurer la présence du Canada à l'OMC qui ne devrait cesser de prendre de l'importance, puisque les antécédents sont très positifs.
Deuxièmement, je crois que le GCSCE chargé de la culture a pris une décision marquante, car depuis 20 ans, les GCSCE recommandent à leurs gouvernements de faire de la culture une exception. Modifier cette position et passer d'une exemption culturelle à la création d'un instrument international tombe véritablement à point nommé. Je crois, comme je l'ai dit plus tôt à l'OMC, que c'est devant cette organisation que les Américains ont plaidé leur cause au sujet des magazines et non pas dans le contexte de l'ALÉNA.
On ne retrouve pas à l'OMC quoi que ce soit qui se rapproche de règles relatives à la culture. Nous sommes sensibles à la culture, car nous voulons promouvoir et conserver notre caractère distinct par rapport à nos amis et voisins du Sud. Tout autre pays occupant ce vaste espace se serait retrouvé dans la même position, mais il est à noter que d'autres pays prennent également des positions semblables. Je crois que la culture va continuer sur sa lancée et susciter de l'intérêt, de l'aspiration et des préoccupations si bien qu'au bout du compte, l'OMC, dans l'esprit de notre GCSCE chargé de la culture, devra aborder cette question.
Je n'en ai pas fait mention dans les services de santé et sociaux, car je crois qu'il s'agit de deux questions différentes. Nous voulons que l'OMC élabore éventuellement des règles relatives à la culture. Au sujet des services de santé et des services sociaux, j'ai essayé de reprendre les termes de notre ministre qui a clairement déclaré que le système AGSC des services représente une démarche ascendante. Nous prenons les engagements auxquels nous pensons pouvoir répondre. Nous ne prenons pas d'engagements que quiconque nous forcerait à prendre.
Notre ministre s'est exprimé très clairement à cet égard. Nous n'avons pas cédé sur la question des services de santé et des services sociaux à la ronde Uruguay, nous ne l'avons pas fait à Seattle et nous le ferons pas au moment du lancement d'une nouvelle série de négociations. Ce n'est pas ainsi que fonctionne l'AGCS. Chaque pays peut prendre les engagements qu'il souhaite.
Je pense que la plupart des pays développés ne prendront pas d'engagement sur les services de santé et les services sociaux. Ce n'est donc pas uniquement une position du Canada et je crois que vous verrez beaucoup d'autres pays adopter pareille position.
[Français]
Le président: Monsieur Marceau et ensuite Mme Augustine.
M. Richard Marceau: D'abord, monsieur l'ambassadeur, je suis un peu déçu du ton personnel des échanges précédents. La nomination d'un ambassadeur à l'OMC est quelque chose d'important, je pense, et elle mérite que l'on s'y attarde, mais sans pour autant servir de prétexte à des attaques personnelles.
Cela étant dit, lorsque le comité a préparé son rapport sur l'OMC, je n'y étais pas, mais un des éléments qui ont fait consensus a été la création d'une assemblée des parlementaires. Cette idée qui, je crois, a été acceptée par tous les partis autour de cette table, même ceux qui ont présenté un rapport dissident, a été reprise lors d'une rencontre de Seattle où se réunissaient des parlementaires de tous les pays. Un vote a été pris, et seul un parlementaire, qui n'avait pas le droit d'être là, un membre du Front national français, le parti raciste et antisémite d'extrême droite en France, s'y est opposé. Donc, il y avait unanimité parmi les délégués des divers pays pour la création d'un forum des parlementaires.
• 1645
Je voulais savoir ce que vous,
en tant qu'ambassadeur du Canada à l'OMC, avez fait
pour promouvoir cette idée qui avait fait l'unanimité
parmi les partis représentés à la Chambre des
communes du Canada.
[Traduction]
M. Sergio Marchi: Comme l'a dit bien sûr le ministre Pettigrew et comme j'ai déjà assumé le rôle des parlementaires, non seulement dans la préparation d'un important document qui a été présenté à Seattle mais en fait dans l'engagement des parlementaires en tant que délégation canadienne à Seattle, j'ai crû que c'était très utile.
Deuxièmement, le ministre Pettigrew a certainement dit qu'il envisage un engagement plus grand de la part des parlementaires en matière de commerce mondial, y compris l'OMC, et je partage ce point de vue, non seulement à titre d'ambassadeur mais aussi d'ancien ministre.
Troisièmement, nous verrons à cette réunion du 28 mars si les parties autour de la table de négociation en arrivent ou non à un consensus, parce que, au bout du compte, il s'agira de transiger à l'amiable.
Enfin, je crois en ce que dit le ministre Pettigrew, globalement pour deux raisons. La première c'est que l'OMC appartient aux gouvernements. La mission du Canada—ou la mission des Nations Unies ou de n'importe quel autre membre—consiste à être là en tant que prolongement du gouvernement et des gens qu'il représente et, de toute évidence, il revient en fin de compte au gouvernement de prendre position à l'OMC. Il est donc tout à fait légitime, étant donné ce rapport, que la classe politique du Canada ou de n'importe quel autre pays soit engagée, non pas désengagée.
Deuxièmement, je crois aussi très fermement que lorsque nous parlons de société civile, cela laisse aussi supposer un engagement de la part de la classe politique, parce qu'en fin de compte, c'est à elle qu'il incombe d'engager la société civile à l'égard d'un large éventail de questions auxquelles est confronté notre pays, y compris le commerce. Il est donc tout à fait logique, à mon avis, que l'OMC se penche sur le rôle que peuvent jouer les parlementaires. En fin de compte, ce sont les gouvernements et les parlements, qui sont démocratiquement élus, qui permettent à l'OMC de se faire entendre et par conséquent de s'attaquer aux problèmes auxquels se heurte la société civile.
[Français]
M. Richard Marceau: Justement, il y a peut-être un problème de mots. Vous avez dit que l'OMC appartenait aux gouvernements. Je ne fais pas partie du gouvernement. Vous en avez fait partie. Je n'en fais pas partie, et 30 millions de Canadiens n'en font pas partie non plus. Lorsque l'idée d'une assemblée parlementaire a été lancée, c'était pour ouvrir un peu la porte à des gens autres que ceux qui font partie des gouvernements. Sans vouloir en faire un enjeu politique, je vous rappelle que le gouvernement libéral actuel a été élu avec 38 p. 100 de l'appui populaire. Donc, 62 p. 100 des gens ne se reconnaissent pas dans ce gouvernement. Alors, on voulait permettre à ces 62 p. 100 des électeurs de se sentir partie prenante à l'OMC et essayer de faire en sorte que cette organisation ne soit plus perçue comme un démon. Il ne s'agit pas d'un nouveau Satan, malgré ce que certaines personnes veulent en faire. Une des intentions était d'essayer d'y amener des personnes autres que des représentants des gouvernements, afin d'ouvrir la porte un petit peu. Peut-être que ma question n'était pas assez précise.
Lors de votre prochaine rencontre, le 28, allez-vous faire en sorte que la mise sur pied d'une assemblée parlementaire, qui fait l'unanimité au sein de tous les partis politiques réunis autour de cette table—il n'y a pas beaucoup d'enjeux sur lesquels il y a unanimité au Canada—, soit une priorité pour le Canada et ainsi donner suite à une décision qui a été prise à l'unanimité par les parlementaires qui étaient présents à la réunion de Seattle? Est-ce que vous allez en faire une priorité lors de votre prochaine réunion?
[Traduction]
M. Sergio Marchi: Lorsque j'ai dit que l'OMC appartenait au gouvernement, je n'avais certes pas l'intention de dire que seuls les députés ou les sénateurs du parti ministériel en étaient propriétaires ou pouvaient aller à l'OMC. Je voulais dire par là qu'un lien existe entre les deux et que l'OMC est redevable aux gouvernements.
• 1650
De toute évidence lorsque j'ai utilisé le mot «gouvernement»,
je voulais dire au sens du Canada, le gouvernement parlementaire.
Il n'est jamais arrivé, par exemple au lancement d'une ronde de
négociations, que la délégation ne comprenne pas de membres de
l'opposition, il va sans dire. Nos délégations impriment la force.
En fait, nous le faisons aussi bien sinon mieux que de nombreux
autres pays, qu'il s'agisse non seulement d'envoyer une délégation
parlementaire mais aussi d'inclure des intérêts non commerciaux au
sein du groupe et cela continuera. Je voulais donc dire, de toute
évidence, un engagement de la part des gouvernements et j'entends
par là non seulement les membres qui siègent sur les banquettes du
parti ministériel mais aussi de l'opposition.
Pour ce qui est de la réunion du 28, il va sans dire que nous allons tenir compte dans notre approche du désir de notre ministre... Il en certainement discuté de cette question non seulement avec le président de ce comité, qui était à Seattle, mais aussi avec un grand nombre d'entre vous qui êtes ici et avec les députés qui sont à la Chambre: il veut que la «famille» de l'OMC examine cette question.
Et maintenant, est-ce que je peux amener les 134 autres pays à adopter diverses politiques de transparence tant à l'interne qu'à l'externe? Je ne peux vous le garantir. Certains pays, par exemple, peuvent s'en tenir à une transparence à l'interne sous prétexte que la transparence à l'externe ne relève pas nécessairement, selon eux, de l'OMC en tant qu'institution mais du gouvernement national. Au contraire, nous croyons qu'il est possible d'atteindre les deux, qu'il ne s'agit pas de concurrence avec les gouvernements nationaux mais d'un complément.
Je ne peux donc pas vous dire quels engagements prendront les 134 autres pays. C'est l'objet de la réunion: tout le monde devra jouer cartes sur table pour ce qui est de la transparence à l'interne ou à l'externe afin d'en discuter. Nous verrons après cette réunion quels sont les points sur lesquels nous nous entendons et ceux pour lesquels nous divergeons d'opinion de même que les solutions qui s'offrent pour combler l'écart. Au bout du compte, nous espérons progresser vers les changements qui permettront d'améliorer l'institution et de la rapprocher les gouvernements et des gens autour du monde.
Le président: Je crois qu'il est juste de dire, ambassadeur, que M. Moore, lorsqu'il est venu à la réunion à laquelle M. Marceau et moi-même avons assisté à Seattle, a bel et bien dit que la création d'un groupe parlementaire s'imposait pour combler le déficit démocratique de l'OMC. Je pense donc que nous cherchons un suivi quelconque. Je crois donc que nous examinons en quelque sorte une solution. Si je me fie au ministre Pettigrew et à vous, le Canada à tout le moins exercerait des pressions à cet égard. J'avais espéré que le sénateur Roth des États-Unis aurait suffisamment de poids, qu'il convaincrait le gouvernement américain d'exercer des pressions—et quelques autres également—mais la question est certes sur la table pour qu'on en discute, je suppose.
M. Sergio Marchi: Elle est certes sur notre table...
Le président: D'accord.
M. Sergio Marchi: ...et nous soulèverons cette question. Nous espérons que suffisamment de gens en auront discuté à leur table pour en faire un sujet de préoccupation permanent.
Le président: Je pense que c'est là=dessus que nous voulons être rassurés.
Madame Augustine.
Mme Jean Augustine (Etobicoke—Lakeschore, Lib.): Merci monsieur le président.
Bienvenue, monsieur l'ambassadeur et félicitations. Je crois qu'il nous arrive souvent en tant que Canadiens de sous-estimer les nôtres—que vous seriez la nouvelle coqueluche. Vous avez été choisi pour présider le Conseil du commerce des services. Vous venez maintenant à ce comité et les membres de l'opposition vous disent assurez-moi ou donnez-moi l'assurance... Lorsqu'on voit la confiance que l'on vous fait dans une arène où des gens ont la compétence qu'il faut pour émettre un jugement, j'imagine dans le cadre d'une conversation privée M. Deepak reprendrait sa parole.
Nous nous sommes penchés sur ce que je considère être le principal aspect de votre travail, c'est à dire l'OMC. Il me semble aussi que votre mission s'étend également à d'autres organismes des Nations Unies qui se consacrent à des questions telles le désarmement, les droits de la personne, le travail, la santé mondiale, les réfugiés etc. Comment arrivez-vous à y mettre de la cohérence et dans quelle mesure votre domaine de responsabilité a des conséquences sur ces différents organismes?
M. Sergio Marchi: Merci Jean.
J'ai dit dans mes remarques liminaires que je joue un rôle au sein de l'OMC et que ma mission s'étend à des organismes des Nations Unies mais j'ai aussi dit que mon rôle premier est de représenter les intérêts du Canada à l'OMC. J'ai un collègue, comme vous le savez—en fait il a comparu devant ce comité il n'y a pas si longtemps relativement au désarmement—Chris Westdal. C'est M. Westdal, en sa qualité d'ambassadeur canadien, qui s'occupe de la gestion quotidienne des dossiers des Nations Unies comme ceux que vous avez mentionnés.
• 1655
Je crois que ma responsabilité, étant donné que mon rôle
premier est de représenter les intérêts du Canada à l'OMC, comporte
deux volets. Le premier consiste à apporter exactement cette
cohérence avec M. Westdal de même qu'avec nos agents commerciaux et
les agents des Nations Unies. Notre mission comporte environ 50
personnes à Genève, qui se répartissent à peu près équitablement
entre le commerce et les opérations menées sous l'égide des Nations
Unies. Nous rencontrons à intervalles réguliers tous nos agents
pour saisir quelle sont les priorités, les préoccupations, les
questions qui se posent pour le Canada à n'importe quel moment et
sein de n'importe quel de ces organismes. De toute évidence, il
faut surveiller, tant du point de vue administratif que du point de
vue politique, les différents dossiers au fur et à mesure de leur
progression.
Deuxièmement, j'estime que mon rôle consiste également à veiller à entretenir de bonnes relations de travail avec les chefs de ces organismes. Lorsque je dois compléter l'effort de M. Westdal, je peux certes apporter une certaine valeur ou une certaine aide à la tâche entreprise. C'est la raison pour laquelle je rencontre tous les chefs d'organismes que vous avez rencontrés pour qu'ils sachent qu'un autre ambassadeur s'intéresse également à ces dossiers.
Troisièmement, j'ai aussi dit que mon expérience dans les domaines de l'environnement et de l'immigration m'a permis d'apporter tout un bagage de connaissances à Genève. Il a bien sûr fallu que je me renseigne sur certaines de ces questions ainsi que sur certaines des personnalités—Mme Ogata du HCR par exemple, Juan Somavya de l'Organisme international du travail et Mme Brundtland avec qui j'ai travaillé auparavant et qui dirige maintenant l'Organisation mondiale de la Santé. C'est donc M. Westdal qui mène les opérations courantes sous l'Égide des Nations Unies. J'assume assurément la responsabilité globale. Jusqu'à maintenant nous travaillons en étroite collaboration et j'ai l'impression que nous maîtrisons ces dossiers.
Enfin, j'ai dit que nous nous occupons de promouvoir les intérêts du Canada, et ces intérêts sont variés. On doit pouvoir négocier un document comme la déclaration de Seattle ou un aspect de celle-ci. Il faut bien connaître les dossiers. Il faut rencontrer des centaines de personnes qui viennent à notre bureau chaque mois, que ce soit des représentants des administrations publiques fédérale, provinciales ou municipales, des représentants des ONG, des membres de délégations commerciales, les organisateurs de la visite du ministre Axworthy à l'occasion de l'inauguration de la 56e réunion de la Commission des droits de la personne, ou encore MM. Manley ou Pettigrew.
Donc, les intérêts sont variés en ce qui concerne le travail et le rôle de l'ambassadeur, mais je pense qu'on accorde parfois trop d'attention aux ambassadeurs, ce qui porte ombrage aux talents incroyables des Canadiens et des Canadiennes qui sont affectés à notre bureau à Genève—et à d'autres bureaux—qui sont vraiment très compétents et qui rendent des services inestimables. Bien franchement, dans bien des domaines spécialisés dont j'ai parlé, ils s'occupent beaucoup de la préparation et du suivi des dossiers.
Sur le plan des grandes orientations, notre réputation est bien établie. Je pense que notre initiative et notre influence dans ce domaine sont beaucoup plus grandes que ne le permettrait normalement notre importance sur le plan économique. Je pense que nous devons donc rendre hommage aux hommes et aux femmes qui travaillent en coulisses pour créer la nouvelle.
Mme Jean Augustine: J'ai une dernière question à poser. Quelles sont vos relations avec les groupes des Nations Unies? Il y a des organismes équivalents aux Nations Unies, et comment collaborez-vous avec eux à New York?
M. Sergio Marchi: M. Westdal passe quatre semaines à New York l'hiver, et il y restera cinq semaines de plus au printemps pour s'occuper des dossiers des droits de la personne et du désarmement. On essaie toujours de concilier le programme de travail dans les deux capitales, mais c'est lui qui s'occupe d'aller à New York, et non moi. C'est aussi quelque chose qui est harmonisé avec M. Fowler, notre représentant permanent aux Nations Unies. Avec M. Fowler d'un côté, nous à Genève de l'autre et, bien sûr, avec l'aide des fonctionnaires canadiens des Affaires étrangères et du commerce, nous réussissons à accomplir le travail.
Le travail est accompli avec le sentiment que le Canada a du succès sur le plan commercial mais qu'il en a aussi dans le domaine des droits de la personne. Il joue un rôle de premier plan dans le domaine des réfugiés, non seulement parce qu'il discute de la question mais aussi parce qu'il passe à l'action et parce qu'il prêche par l'exemple. Notre réputation est fondée sur des gestes et non seulement des paroles et je pense que c'est bon pour nous. Cette réputation nous oblige cependant à faire plus et c'est parfois un défi compte tenu des contraintes auxquelles est confronté le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, pour ce qui est des ressources financières et humaines.
Le président: Merci.
Nous avons écoulé le temps prévu, monsieur l'ambassadeur, mais je me demande si vous accepteriez de rester. Je sais que M. Bachand doit partir, mais je ne crois pas qu'il y en ait d'autres qui doivent partir. M. Casson a une question à poser et moi aussi, j'ai deux questions que j'aimerais vous poser si c'est possible.
M. Rick Casson (Lethbridge, Réf.): Merci monsieur le président.
Merci de nous accorder du temps, monsieur l'ambassadeur.
J'aimerais revenir à l'agriculture si je le peux, et sur certains de vos propos sur les OGM, et sur le fait que nous devons fonder nos décisions et nos interventions sur des connaissances scientifiques solides. C'est encourageant. Vous avez parlé un peu des divergences d'opinions entre certains pays du monde qui veulent agir rapidement et réduire les subventions faussant les échanges et l'Union européenne, qui n'est pas du même avis.
Nous connaissons une crise parce que les prix des produits de base de nos exploitants agricoles sont bas, surtout dans le secteur des grains et des oléagineux. Nos producteurs sont en difficulté et notre industrie aussi. Nous essayons d'offrir du financement ici et là, sans présenter un programme à long terme efficace pour nous aider à régler le problème. Les discussions sur le commerce agricole qui devaient commencer... On ne peut s'entendre sur le choix du président. Il semble toujours y avoir un problème quel que soit le groupe qui se réunit.
Nous devons agir assez rapidement au sujet des subventions au sein de l'Union européenne qui font accroître la production et baisser les prix des produits de base. Selon certains, il faudra attendre dix ans avant de ressentir les effets des négociations qui se déroulent maintenant. Il faudra attendre dix ans avant que les choses ne changent pour les producteurs. Qu'est-ce que notre pays peut faire? Je crois comprendre que nos producteurs sont les plus touchés par la situation, et c'est donc à notre pays qu'il appartient d'insister le plus pour que les négociations soient engagées et que les choses changent.
Avez-vous quelque chose à nous dire à ce sujet? Quand des résultats positifs vont-ils poindre à l'horizon?
M. Sergio Marchi: Je peux sûrement vous assurer que le Canada à Genève et le gouvernement du Canada estiment que cette question fait partie des grandes priorités.
Comme vous le savez, nous faisons partie du groupe Cairns. Ce groupe, non seulement avant la rencontre de Seattle et à Seattle, mais aussi après, a essayé de faire valoir l'urgence et l'importance des distorsions liées aux produits agricoles. Nous avons fait tout ce qui était possible dans le cadre d'un processus de concertation.
Ensuite, nous estimons qu'il est extrêmement regrettable que les Européens n'aient pas encore réussi à s'entendre avec pratiquement tous les membres de l'OMC au sujet du choix du président. J'imagine que tout le monde a le droit à son opinion, mais nous pensons que nous ne pouvons pas perdre de l'énergie et du temps à discuter de questions de procédure qui peuvent finalement l'emporter sur le fond. Il faut vraiment s'en tenir à l'essentiel. Il faut évidemment s'entendre sur le choix du président sans toutefois faire traîner les choses trop longtemps. Les réunions vont avoir lieu bientôt et le fond de la question est vraiment plus important que les jeux de procédure.
Enfin, pour ce qui est d'un échéancier, on s'est entendu pour que la négociation dure trois ans à Seattle. On a jugé que l'Uruguay Round, qui s'est prolongé pendant près de huit ans, a duré beaucoup trop longtemps pour que les membres puissent récolter les fruits de cette laborieuse négociation commerciale. Ensuite, en huit ans, le monde a le temps de changer bien des fois, et on a pensé qu'il faudrait procéder par étapes pour pouvoir suivre l'évolution des échanges commerciaux dans le monde.
Nous sommes d'avis que nous pouvons faire avancer les choses dans le domaine de l'agriculture et ainsi rétablir la justice dans un domaine qui en a bien besoin. J'espère, et le gouvernement aussi, qu'il ne faudra sûrement pas attendre dix ans avant d'offrir un soulagement aux producteurs en faisant en sorte que les autres pays mettent fin aux pratiques regrettables qui faussent les échanges.
• 1705
J'espère que nous allons y arriver plus rapidement que vous
l'avez dit, mais il faudra bien sûr que les membres de l'OMC
bougent à ce sujet. Je crois bien qu'ils vont intervenir parce que
ce ne sera pas possible pour le Trésor européen de maintenir le
plafond actuel.
M. Rick Casson: Je vous le souhaite, parce que la situation est sombre et il faut faire quelque chose pour que notre industrie agricole reste viable.
Le président: Pour terminer, sans pénétrer dans les méandres du Congrès américain, pourriez-vous nous indiquer quand la Chine deviendra membre de l'OMC pour que nous puissions clore ce dossier?
M. Sergio Marchi: Le Canada espère, et je pense qu'on peut dire que bien des membres l'espèrent aussi, que la Chine fera partie de la famille de l'OMC cette année. Je pense qu'un des principaux points en suspend vient encore de l'Union européenne. Le commissaire Lamy doit aller à Beijing la semaine prochaine. On pense qu'il n'irait pas si on n'était pas sur le point de s'entendre. Ce n'est pas le seul point en suspend, mais c'en est un important. Il faudra ensuite engager des négociations multilatérales sur le mandat.
J'espère que la Chine sera membre de l'OMC et je pense que ce sera une façon d'instaurer la confiance. Il y a 29 autres pays en développement qui veulent faire partie de l'OMC. Si cette organisation n'offre pas d'avantages, on est en droit de se demander pourquoi tous ces pays veulent toujours en faire partie. Il est clair qu'il y a des obligations, mais il y a aussi des avantages à faire partie de l'OMC.
La famille de l'OMC ne sera pas complète tant que la Chine n'en sera pas un membre en règle, compte tenu de son importance économique. Je pense que l'adhésion à un ensemble de règles aura des avantages qui dépassent le plan commercial.
Le président: La question de la Chine et de Taïwan est reliée. Est-ce que tout le monde a compris que les deux vont devenir membres en même temps, ou l'un immédiatement après l'autre? C'est réglé maintenant, n'est-ce pas? Ce n'est pas un obstacle pour vous?
M. Sergio Marchi: Je ne pense pas qu'il y aura de problème à ce sujet.
Le président: Très bien.
Merci beaucoup d'être venu nous rencontrer, monsieur l'ambassadeur. Nous vous sommes reconnaissants de nous avoir consacré du temps et nous vous offrons nos meilleurs voeux de succès. Nous savons que vous allez représenter tous les Canadiens du mieux que vous le pourrez à Genève et nous profiterons de votre invitation pour vous rendre visite.
Nous reprendrons nos travaux jeudi. La séance est levée.