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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 30 novembre 1999

• 0930

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): La séance est ouverte. Je souhaite la bienvenue à tout le monde ce matin.

Comme vous le savez, le comité des finances s'est déplacé d'un bout à l'autre du pays pour écouter la population canadienne et connaître ses propositions concernant la teneur du budget de l'an 2000. De plus, vous savez aussi probablement que lorsqu'il a fait sa mise à jour économique et financière à London, le ministre des finances nous a demandé de recueillir les opinions se rapportant à l'élaboration d'un plan quinquennal, ce que nous faisons donc aussi par la même occasion.

Nombre d'entre vous ont déjà comparu devant notre comité et vous savez probablement comment il fonctionne. Je vais vous présenter les organisations que nous accueillerons aujourd'hui ce matin. Vous disposez de cinq à sept minutes pour faire vos exposés. Ensuite, nous passerons aux questions.

Nous avons parmi nous l'Association dentaire canadienne, l'Association canadienne des soins de santé, l'Association médicale canadienne, l'Association des infirmières et infirmiers du Canada, l'Association des pharmaciens du Canada et le Groupe d'intervention action santé.

Nous allons commencer par l'Association dentaire canadienne, en la personne de son président, le Dr John Diggens. Soyez le bienvenu.

Le Dr John Diggens (président, Association dentaire canadienne): Merci, monsieur le président. C'est avec plaisir que je comparais devant vous aujourd'hui en ma qualité de président de l'Association dentaire canadienne dans le cadre de vos consultations prébudgétaires.

L'Association dentaire canadienne représente 16 000 dentistes répartis un peu partout au pays. Porte-parole national de l'art dentaire au Canada, elle se dévoue au service de ses membres et, ce qui est peut-être encore plus important, elle favorise la prestation de soins de santé bucco-dentaires optimaux à tous les Canadiens.

L'ADC tient à féliciter le Comité permanent des finances de la Chambre des communes de tenir à nouveau cette année des consultations poussées en prévision du prochain budget fédéral. Bien que notre intervention ne porte pas directement sur les cinq grands thèmes de la consultation, les enjeux que nous avons retenus et notre compétence nous permettent de parler avec assurance de réduction des impôts et de réforme fiscale, d'infrastructure sociale et de productivité. À nouveau cette année, nous avons décidé d'aborder des questions qui ont soit un impact direct sur les membres de notre organisme ou un impact plus global sur l'art dentaire en général et sur la santé bucco-dentaire des Canadiens.

Avant de commencer à discuter de nos recommandations pour 1999, j'aimerais revenir une fois de plus sur la question de la déductibilité des primes correspondant au plan dentaire des personnes travaillant à leur compte au Canada et non constituées en société. Les maux dentaires sont considérés comme étant l'un des problèmes de santé les plus courants dans le monde actuel mais, étant donné qu'en général ils ne présentent pas une gravité suffisante et ne menacent pas la vie des gens, leurs répercussions globales sur la santé n'ont pas été suffisamment prises en compte. L'Association dentaire canadienne se rend bien compte que la santé dentaire peut avoir des effets d'un point de vue fonctionnel, psychologique et social sur l'ensemble de la santé des individus. Les maux dentaires réduisent l'activité quotidienne et les heures de production, et ont des incidences néfastes sur la productivité de l'économie canadienne.

L'ADC préconise une santé buccale optimale pour l'ensemble des Canadiens, que procure un régime de soins libre, souple et qui figure parmi les meilleurs au monde. Le financement public est tout à fait indiqué lorsque par manque d'argent on ne peut pas accéder aux services. L'ADC continuera à oeuvrer avec le gouvernement et toutes les parties prenantes pour garantir à tous les Canadiens un accès abordable aux soins dentaires. L'ADC considère que la meilleure façon d'y parvenir est d'améliorer les régimes de soins privés et publics qui existent actuellement. Aucun changement fondamental ne devrait être apporté aux régimes de soins en vigueur au Canada tant que l'on n'aura pas pleinement consulté toutes les parties prenantes.

Au Canada, c'est traditionnellement un partenariat entre les professionnels, les gouvernements, les entreprises et les syndicats qui nous a permis de disposer de soins de santé buccale accessibles et abordables. Cette façon de procéder nous a permis d'instaurer un régime administré par le secteur privé qui privilégie la prévention et favorise les soins dentaires préventifs.

Toutes les parties prenantes ont apporté séparément leur contribution. À l'échelle du Canada, la profession dentaire a fait d'énormes progrès pour limiter l'augmentation des coûts. En moyenne, la progression des honoraires des soins dentaires préventifs, des habituels nettoyages et des examens annuels ont moins progressé depuis plus d'une décennie que l'indice des prix à la consommation qui sert de référence. Les employeurs ont fait leur part en finançant les plans de leurs employés. Les responsables des plans dentaires se sont mis au service de ce partenariat en concevant des plans qui figurent parmi les meilleurs au monde, et le gouvernement fédéral a prévu des dégrèvements fiscaux s'appliquant aux primes devant être payées par les employeurs. Avant le budget de 1998, cette incitation fiscale était limitée et ne s'appliquaient pas aux personnes travaillant pour leur compte et non constituées en société au Canada.

• 0935

L'ADC remercie toutes les parties prenantes qui ont défendu le projet visant à étendre la déductibilité des plans aux personnes travaillant à leur compte et non constituées en société. Nous remercions tout particulièrement votre comité, monsieur le président, qui a recommandé précisément cette mesure dans le rapport prébudgétaire de 1997, ainsi que le ministre des finances, qui l'a adoptée dans le budget de 1998.

L'ADC félicite les membres de l'Association canadienne des compagnies d'assurance de personnes et de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante d'avoir pris l'initiative de mettre sur le marché des plans s'adressant à des entreprises constituées en société, qui n'offraient jusque-là aucune prestation de ce type à leurs employés, et d'avoir conçu et mis sur le marché des plans s'adressant aux entreprises non constituées en société.

Monsieur le président, je vais maintenant aborder une question très importante au sujet de l'association et des différents dentistes qui en sont membres dans le pays. Il s'agit du tabagisme.

Les dentistes constatent tous les jours les méfaits du tabac. Cela suffit à convaincre nos membres de se motiver pour lutter contre cette habitude désastreuse. Par l'intermédiaire de l'ADC, les dentistes ont collaboré avec Santé Canada à faire connaître les dangers du tabac. Malheureusement, nous constatons que le pouvoir d'accoutumance des produits du tabac rend très difficile la tâche de convaincre les fumeurs de cesser de fumer. Certains qui ont fumé durant la plus grande partie de leur vie adulte ne sont même pas convaincus lorsque s'installe une maladie connexe dévastatrice. Les risques pour la santé des fumeurs comme des non-fumeurs sont nombreux et bien connus. D'autres formes de tabagisme, comme le tabac à priser, sont dangereuses pour la santé.

Santé Canada a estimé qu'en 1993 le coût du tabagisme pour la société s'est monté à 11 milliards de dollars, dont 3 milliards consacrés directement aux frais de santé tels que l'hospitalisation ou les visites aux médecins, les 8 milliards restants devant être attribués aux pertes de productivité, notamment au manque à gagner dans les foyers. Travail Canada estime qu'un employé qui fume coûte entre 2 308 $ et 2 613 $ de plus dans son travail qu'un non-fumeur, en raison de l'absentéisme, de l'augmentation des primes d'assurance-vie et d'assurance-santé et du manque de productivité. À titre de comparaison, on estime que pour l'exercice 1993-1994, les droits et les taxes d'accise fédérales se sont montés à 2,6 milliards de dollars, soit un chiffre nettement moindre.

Monsieur le président, l'ADC appuie les efforts déployés par le sénateur Colin Kenny pour faire adopter une loi portant création d'un fonds d'affectation spéciale ou d'une fondation grâce au prélèvement d'une taxe sur les ventes de cigarettes en vue d'informer les enfants des dangers du tabagisme. Nous invitons votre comité à aborder cette question et à la faire figurer dans les recommandations de votre rapport afin d'aider les enfants à éviter les dangers de ce terrible produit.

Monsieur le président, je voudrais aussi aborder la question des frais de scolarité et des prêts étudiants. Comme d'autres associations professionnelles, l'ADC est préoccupée par le niveau élevé et la rapide escalade des frais de scolarité de l'enseignement professionnel au Canada. En mai 1998, l'Ontario a déréglementé les frais de scolarité visant la formation dans des domaines menant à des carrières professionnelles telles que la profession dentaire. Certes, l'Ontario est la seule province qui ait déréglementé les frais de scolarité, mais dans tout le pays ces frais augmentent.

Par le passé, il était relativement facile et abordable de suivre une formation de dentiste dans tout le pays quelle que soit la situation socio-économique de la personne concernée. Nous avons bien peur que le montant élevé des frais de scolarité crée un déséquilibre au niveau des admissions dans les écoles dentaires en favorisant les couches les plus favorisées de la société, fermant ainsi la porte à d'excellents candidats qui n'ont pas les moyens de payer les cours de l'école dentaire.

Monsieur le président, nous faisons confiance à votre comité pour qu'il prenne des mesures sur cette question très importante. Nous recommandons une augmentation du financement des écoles professionnelles et un appui accru aux étudiants pour que ces derniers puissent s'adapter aux fluctuations annuelles des frais de scolarité. Si les frais de scolarité augmentent, il faudrait que les prêts et les bourses augmentent en proportion.

Monsieur le président, nous avons aussi fait figurer dans notre mémoire des recommandations portant sur les revenus de retraite. L'ADC est membre de deux coalitions qui ont fait des interventions auprès du gouvernement sur cette question. L'alliance pour les REER vous a fait connaître sa position plus tôt cet automne et la coalition pour les revenus de retraite a comparu devant votre comité en soirée, le 17 novembre.

Pour terminer, monsieur le président, je tiens une fois de plus à vous remercier, vous et votre comité, d'avoir entrepris de tenir ces audiences, qui nous sont précieuses. C'est un plaisir que d'avoir la possibilité de présenter nos recommandations devant une instance aussi ouverte et aussi accessible.

Le président: Merci, docteur Diggens.

Nous allons maintenant entendre Mme Sharon Sholzberg-Gray, de l'Association canadienne des soins de santé. Soyez la bienvenue.

Mme Sharon Sholzberg-Gray (présidente et directrice générale de l'Association canadienne des soins de santé): Je vous remercie. Je suis heureuse de me présenter aujourd'hui au nom de l'Association canadienne des soins de santé. Nous sommes une fédération des organisations provinciales et territoriales des hôpitaux et des soins de santé qui cherche à renforcer le système de soins de santé du Canada. Je suis aussi la coprésidente de HEAL, le Groupe d'intervention action santé, que vous allez aussi entendre comme témoin ce matin.

• 0940

L'ACSS saisit avec plaisir l'occasion qui lui est donnée d'expliquer au comité les raisons pour lesquelles le financement public d'un régime de santé durable doit faire partie intégrante du budget fédéral de l'an 2000. La santé reste l'une des grandes priorités des Canadiens. Le budget de 1999 a constitué un premier pas, mais il n'a pas suffi à instaurer un système durable répondant aux besoins des Canadiens. Ce budget ne répondait pas aux besoins de l'avenir, il ne faisait que remédier en partie aux compressions effectuées par le passé.

Le montant attribué aux soins de santé, par l'intermédiaire du TCSPS, dans le budget de février 1999 pouvait sembler impressionnant—11,5 milliards de dollars sur cinq ans. Pourtant, ces fonds permettront seulement de combler les besoins les plus critiques. Ce montant ne permettra pas de s'attaquer aux problèmes persistants, notamment le financement par le déficit dans les administrations régionales de la santé, les hôpitaux et les établissements et organismes de soins de santé, qui n'ont pas d'autre choix pour assumer leurs obligations en matière de santé, même si les déficits sont interdits par la loi; la frustration que ressentent les dispensateurs de soins de santé; la pénurie de ressources humaines dans le domaine de la santé; les investissements devant être effectués pour assurer l'entretien des installations et intégrer les programmes restructurés; l'accroissement du financement privé, avec un rapport entre le public et le privé d'environ 70:30, ce qui dépasse la moyenne de 80:20 des pays de l'OCDE; enfin, les disparités dans la couverture des régimes d'assurance-maladie, ce qui entraînent une augmentation des privatisations et des frais déboursés personnellement.

Le gouvernement fédéral a déclaré—c'est d'ailleurs Paul Martin qui l'a dit dans son discours du budget de février—que la santé serait une priorité à l'avenir, à mesure que la situation budgétaire ira en s'améliorant. Cette situation s'est améliorée puisque l'on envisage un excédent de près de 100 milliards de dollars sur les cinq prochaines années, et pourtant notre régime de soins de santé éprouve d'énormes difficultés.

Le secteur des soins de santé continue à dispenser des soins de qualité malgré le manque de financement, une population qui augmente et qui vieillit et les changements apportés par la technique. Il y a pourtant le risque—et c'est en train de se produire—que les compressions budgétaires fédérales n'aient fait que transférer le marasme financier du gouvernement pour le faire supporter par le secteur de la santé publique.

Comme le fait HEAL, l'ACSS exhorte le gouvernement fédéral à s'engager d'ici le 1er avril 2000 à verser au moins 1,5 milliard de dollars au régime canadien de soins de santé pour stabiliser le régime actuel et jeter les bases d'un programme national de soins à domicile et communautaires. Nous exhortons aussi le gouvernement à appliquer une échelle mobile aux versements en espèces effectués dans le cadre du TCSPS d'ici à l'an 2001 pour assurer la durabilité à long terme de notre régime de soins de santé.

D'aucuns soutiennent que notre régime de soins de santé est un véritable gouffre pour les dollars des contribuables. Ils estiment qu'un régime à deux vitesses tenant compte des moyens financiers et non pas des besoins de soins serait plus efficace et moins onéreux. Ce serait une erreur, pour quatre raisons:

Tout d'abord, l'accès aux soins de santé en fonction des besoins et non pas des moyens financiers est un principe fondamental au Canada. C'est indispensable si nous voulons respecter nos engagements en faveur de l'équité et de la qualité de la vie.

En second lieu, le financement public des soins de santé est un avantage concurrentiel qu'apprécie le secteur privé. Charles Baillie, le PDG de la Banque TD, l'a exprimé en ces termes:

    Mettre au rancart notre régime universel public d'assurance-maladie à contributeur unique serait non seulement une erreur morale, ce serait aussi une grave erreur économique. C'est un fait que le marché libre, aussi efficient et souhaitable soit-il, ne peut pas fonctionner dans le contexte du régime universel d'assurance-maladie.

En troisième lieu, les dépenses de santé publiques et privées sortent toutes de la même poche, celle des Canadiens. Tout rejeter sur le secteur privé, c'est faire une fausse économie. Les États-Unis consacrent 14 p. 100 de leur PIB à la santé, contre 9 p. 100 pour le Canada, et pourtant 40 millions d'Américains ne sont pas assurés.

Enfin, la privatisation sans aucune coordination des soins de santé empêche le gouvernement de maintenir des normes nationales et gêne son action lorsqu'il s'agit de déterminer de quelle façon les crédits consacrés à la santé doivent être dépensés.

Vous allez vous demander pour quelle raison le gouvernement fédéral devrait investir davantage d'argent dans la santé alors que les provinces, peut-on penser, reçoivent déjà suffisamment d'argent qu'elles peuvent consacrer à la santé. Nous pouvons vous répondre immédiatement que vous consacrez—et cela, selon l'estimation la plus généreuse—22 p. 100 des crédits affectés à la santé, même si certains vous diront que ça ne dépasse pas huit pour cent, ce qui est bien difficile à savoir en raison du flou entourant le TCSPS. Il m'apparaît cependant que le gouvernement fédéral se doit d'avoir l'autorité morale et effective lui permettant de s'assurer que les Canadiens, quel que soit l'endroit où ils habitent, aient accès à toute une gamme de services répondant à des normes comparables. Il ne peut pas le faire si sa part n'est que de 22 p. 100. Il faut que le gouvernement fédéral fasse son devoir, qu'il agisse conformément à ses principes et fasse retomber les conséquences politiques sur les provinces, qui pourraient dépenser davantage dans le secteur de la santé, mais rognent sur leurs dépenses.

L'ACSS exhorte le gouvernement fédéral, en collaboration avec les gouvernements provinciaux et territoriaux, à appuyer la mise au point d'un processus transparent et actif de surveillance et d'évaluation du financement et de la prestation des soins par le secteur privé dans le cadre du système canadien des soins de santé, et à élaborer des normes nationales pour la participation du secteur privé à la prestation de services de santé tant dans le secteur public que dans le secteur privé.

• 0945

Il est indispensable d'apporter un financement public suffisant à long terme, mais ce n'est que l'une des composantes d'un régime durable de soins de santé. L'ACSS a fait parvenir son document de discussion sur la durabilité à l'attaché de recherche du comité, mais nous sommes heureux d'en remettre une copie aux membres du comité. Notre mémoire préparatoire au budget et notre étude générale sur la durabilité font des recommandations portant sur les ressources humaines en matière de santé, sur les nouveaux mécanismes de financement, sur le devoir de rendre des comptes, sur l'information et la recherche en matière de santé et, bien entendu, sur le lien important qui existe entre la productivité et la santé.

Nous savons qu'il y a de nombreuses propositions d'affectation de l'excédent, notamment sous la forme d'allégements fiscaux et de versement de crédits destinés aux enfants. Nous sommes favorables à l'affectation de ressources aux enfants. Il faudrait toutefois que le gouvernement fédéral évite d'opposer entre eux les différents secteurs et augmente aussi bien les crédits destinés à la santé que ceux qui s'appliquent à l'ensemble de l'infrastructure sociale. L'ACSS invite d'ailleurs le gouvernement à tenir compte des besoins de santé des Canadiens à tous les stades de la vie. Nous tenons aussi à ajouter que nous nous félicitons de voir que des crédits ont été affectés dans le budget de 1999 à l'amélioration de la santé des Autochtones, qui sont parmi les plus défavorisés de ce point de vue au Canada.

Il convient de comparer les avantages des allégements fiscaux à l'augmentation des investissements privés dans le secteur de la santé. Les niveaux et les disparités des revenus ayant une influence déterminante sur la santé, il convient que les allégements fiscaux fassent diminuer, et non accroissent, les inégalités de revenus dans la société canadienne. Il nous faut aussi envisager de cibler les crédits consacrés à la santé. Dans bien des cas, la meilleure façon d'y parvenir est d'augmenter la qualité de la vie plutôt que de procéder à des allégements fiscaux.

L'ACSS exhorte le gouvernement fédéral à faire preuve d'initiative en prévoyant dans le budget de l'an 2000 de nouveaux investissements publics raisonnables visant à doter notre pays d'un régime de soins de santé durable, devant nous permettre de vivre dans une société productive, prospère et juste alors que le Canada entre de plain-pied dans le XXIe siècle.

Merci.

Le président: Je vous remercie.

Nous allons maintenant entendre, au nom de l'Association médicale canadienne, son président, le Dr Hugh Scully, et son secrétaire général et directeur général, le Dr Peter Vaughan. Soyez les bienvenus.

Le Dr Hugh Scully (président, Association médicale canadienne): Merci, monsieur le président.

Je suis le Dr Hugh Scully, président de l'Association médicale canadienne. Je suis venu ici aujourd'hui représenter les 47 000 médecins qui sont membres de l'Association médicale canadienne, sur les 56 000 qui pratiquent dans notre pays.

L'AMC a pour mission de promouvoir les normes les plus élevées de santé et de soins de santé pour les Canadiens, et c'est pourquoi nous sommes ici aujourd'hui, déterminés à faire en sorte que le Canada continue à bénéficier d'un système de santé de grande qualité, accessible, et—comme d'autres intervenants sont déjà venu vous le dire—viable.

La dernière fois que nous avons témoigné devant votre comité, nous avions, avec toute la vigueur possible, enjoint le gouvernement de faire preuve de leadership stratégique en réinvestissant dans notre système national de soins de santé. Dans le budget fédéral qui a suivi, nous avons pu constater avec plaisir que le gouvernement avait fait un premier pas important dans ce sens, mais il y a encore beaucoup de chemin à parcourir si nous voulons assurer un système de soins de santé viable pour les Canadiens. La viabilité du système de soins de santé est au coeur de notre mémoire sur les consultations prébudgétaires. Vous en avez un exemplaire assez détaillé devant vous et c'est sur cette question que je ferai porter aujourd'hui mes observations.

En réinvestissant 11,5 milliards de dollars dans les soins de santé, le budget fédéral de l'an dernier a donné un signal important et très attendu. Cependant, même le rétablissement intégral des fonds fédéraux d'ici 2003-2004 ne ramènera le système de santé qu'au niveau des dépenses nominales de 1995, quelque sept ans plus tard, sans aucun rajustement visant à tenir compte du vieillissement de la population et de l'accroissement des besoins en soins de santé qui s'ensuivra, de l'inflation, des progrès techniques ou de la croissance économique.

Même si le réinvestissement de l'an dernier avait pour but de résoudre la crise dans le système de soins de santé, il est passé à côté d'autres préoccupations cruciales. La première d'entre elles est l'indexation des droits en argent au moyen d'un facteur de progression du transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. Il y a ensuite la pénurie critique de fournisseurs de soins de santé, médecins, personnel infirmier et autres, et il nous faut enfin entreprendre d'assurer la continuité des soins, davantage qu'on ne l'a fait jusqu'à présent, entre l'hôpital et la communauté.

Pour faciliter la stabilisation continue du système de santé et en assurer la viabilité, nous recommandons que le gouvernement fédéral, à tout le moins augmente, à compter du 1er avril 2000, les fonds destinés aux soins de santé d'une somme supplémentaire de 1,5 milliard de dollars. Nous sommes tout à fait d'accord sur ce point avec l'ACSS et HEAL, dont nous sommes aussi membres. Nous reprenons les mots du premier ministre, qui a déclaré, dans un discours prononcé au printemps:

    Nous considérons l'assurance-maladie comme le meilleur exemple de la façon dont une bonne politique sociale peut devenir une bonne politique économique. Tout en traduisant le désir des Canadiens de faire preuve de compassion les uns envers les autres, l'assurance-maladie demeure l'un de nos avantages concurrentiels clés.

• 0950

L'absence d'un transfert de fonds fédéraux réservé à la santé au titre du TCSPS continue de préoccuper l'AMC. Même si les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux comprennent la répartition des fonds du TCSPS, nous sommes également conscients que les priorités du gouvernement peuvent changer. Nous considérons que les Canadiens veulent savoir si leurs impôts serviront à financer les programmes pour lesquels ils étaient prévus, et ils méritent qu'on leur réponde. Il s'agit là simplement du devoir de rendre des comptes, dont l'honorable Allan Rock, en sa qualité de ministre de la santé, a parlé à maintes reprises, certainement devant nous, et devant d'autres instances. Il s'agirait par là de reconnaître pleinement le fait que le gouvernement fédéral réinvestit de l'argent dans le secteur de la santé.

Réserver une partie du TCSPS à la santé permettrait de régler ce problème et, du même coup, favoriserait une imputabilité publique, une transparence et une visibilité accrues des transferts fédéraux en argent vers les provinces et les territoires. Je soulignerais également que, eu égard au rétablissement complet du TCSPS, ce que préconisent tous les ministres de la santé, les ministres des finances et les premiers ministres provinciaux, les coûts de l'éducation liés à l'augmentation des inscriptions dans les écoles de médecine, aux possibilités accrues de perfectionnement et à la recherche ne devraient pas être assumés uniquement par le budget national de la santé.

À maintes reprises, les Canadiens nous ont dit craindre de ne pouvoir accéder au système de soins de santé lorsqu'ils en auront besoin. Le gouvernement fédéral doit répondre aux besoins futurs de santé de notre population et s'assurer de la permanence du régime. Nous vous assurons de notre pleine collaboration pour vous aider à atteindre cet objectif.

La croissance démographique, le vieillissement de la population, l'expansion du savoir et les nouvelles technologies sont autant de facteurs qui, combinés, feront grimper la demande de soins dans le système de santé à un niveau encore jamais vu. Si les politiques actuelles de financement se poursuivent, les pressions écraseront bientôt le système. Il est essentiel de savoir maintenant quelles mesures immédiates et successives peuvent être prises pour établir à long terme et de façon viable le financement de notre système de santé.

Au sujet de l'initiative budgétaire prise l'année dernière, j'ai fait remarquer que cela revenait à faire sortir le malade de l'unité de soins intensifs pour le placer dans le service des convalescents, ce qui ne veut absolument pas dire qu'il soit guéri et prêt à rentrer chez lui. Si nous ne réglons pas le problème, le malade va se retrouver très vite aux soins intensifs. Pour assurer que la contribution fédérale en argent continuera de répondre aux besoins futurs de santé des Canadiens, il faut l'assortir d'un facteur de progression pleinement indexé.

La viabilité du système de soins de santé dépend de ses effectifs. Pour bien fonctionner, il est essentiel que le système s'appuie sur une population suffisante de médecins, de personnel infirmier et de professionnels de la santé. Ce n'est certainement pas le cas aujourd'hui et, si les politiques et les modèles de pratique actuels ne changent pas, la situation ne fera que s'aggraver.

Les inscriptions dans les écoles de médecine au Canada ont diminué de 17 p. 100 depuis le début de cette décennie. Cela correspond à une baisse de 30 p. 100 des possibilités offertes aux étudiants canadiens de suivre des cours dans une école de médecine—c'est le pire dossier de tous les pays du monde occidental.

Notre population de médecins vieillit. Ainsi, nous avons à l'heure actuelle plus de 6 000 médecins de plus de 65 ans et 2 000 de plus de 70 ans qui exercent à plein temps, dont un grand nombre aimeraient prendre leur retraite. Nous avons effectivement aujourd'hui 1 000 médecins qui prennent leur retraite chaque année. Ce chiffre va passer à 1 100 en 2010 et à 1 500 en 2020.

Le problème de la fuite des cerveaux retient l'attention et c'est certainement le cas pour les médecins. Nous avons perdu environ 4 000 médecins ces dix dernières années, principalement au bénéfice des États-Unis, nombre d'entre eux peu après l'obtention de leur diplôme et un quart d'entre eux alors qu'ils étaient au sommet de leur carrière. C'est un exode que nous ne pouvons tout simplement pas nous permettre.

Beaucoup de régions du Canada, tant urbaines que rurales, tentent de faire face aux répercussions d'une pénurie de médecins, pas seulement dans les régions éloignées, mais de plus en plus aujourd'hui dans les petites localités et dans les grands centres urbains. Il importe de prendre des mesures sans tarder pour faire revenir les médecins canadiens—dont un bon nombre détiennent toujours leur permis d'exercer au Canada alors qu'ils habitent à l'étranger—et pour mettre en oeuvre des politiques de recrutement et de rétention des effectifs canadiens dans notre pays.

En guise de conclusion, monsieur le président, l'AMC croit que les recommandations formulées dans notre mémoire représentent un programme stratégique dynamique pour le Canada, non seulement pour cette année mais, comme vous l'avez fait remarquer au début de la séance, pour les cinq prochaines années et au-delà. Ensemble, elles aideront à stabiliser le système de soins de santé et à s'assurer que les Canadiens peuvent avoir accès aux soins de qualité qu'ils attendent.

• 0955

Je vous signale—je n'ai pas encore abordé la question—que vous trouverez des recommandations détaillées dans lesquelles nous nous félicitons des recherches entreprises en matière de santé en préconisant qu'elles se poursuivent. Nous nous sommes penchés sur les initiatives antitabac, que l'association dentaire a très bien exposées lors de son intervention. Il y a les questions de la TPS et des services des médecins, des limites de cotisation au REER, des initiatives antitabac, et d'autres encore.

Monsieur le président, membres du comité, je vous exhorte à veiller à ce que le prochain budget fédéral reflète les recommandations qui vous ont été présentées aujourd'hui.

Je vous remercie.

Le président: Merci, docteur Scully.

Nous allons maintenant entendre la directrice générale de l'Association des infirmières et infirmiers du Canada, Mme Mary Ellen Jeans. Soyez la bienvenue.

Mme Mary Ellen Jeans (directrice générale, Association des infirmières et infirmiers du Canada): Merci. Je suis heureuse d'avoir l'occasion de présenter les recommandations du personnel infirmier concernant le budget fédéral de l'an 2000.

L'AIIC est le porte-parole des infirmières autorisées au Canada. Nous avons pour mission de faire progresser la qualité des soins infirmiers dans l'intérêt du public. Nous nous intéressons aussi à l'élaboration des politiques publiques, tant au plan national qu'à l'échelle internationale, ainsi qu'à la coordination des normes nationales dans l'exercice de notre métier et à l'homologation des spécialités en sciences infirmières.

Je suis par ailleurs coprésidente du Groupe d'intervention action santé et l'AIIC est membre de l'Alliance nationale pour les enfants. Il me semble que ces deux coalitions doivent intervenir devant votre comité.

Je vais décrire aujourd'hui une situation qui est loin d'être rose et qui ne laisse pas d'être inquiétante. J'aurais peut-être dû faire figurer sur mon mémoire un avertissement au lecteur. Mon exposé comprend deux parties, chacune partant d'un point de vue différent se rapportant aux sciences infirmières.

J'examinerai tout d'abord le régime de santé tel qu'il se présente en 1999 et les répercussions du dernier budget fédéral. Je parlerai des défis que doit relever la profession infirmière. Cela vous rappellera peut-être certaines expériences personnelles ou celles de vos administrés. Enfin, je préciserai quels sont les investissements prioritaires devant nous permettre de remédier aux difficultés du régime de santé et de la profession infirmière.

Notre régime de santé s'appuie sur des institutions et sur des infrastructures. Cette réalité est confirmée par l'application du budget fédéral de 1999. La plus grande partie de l'augmentation de 2 milliards de dollars des crédits fédéraux a servi à combler les déficits d'exploitation des établissements de soins de santé du pays.

Et pourquoi pas? Nous n'avons aucune vision claire du régime de santé, de ses différents éléments, de la manière dont ils se coordonnent dans un cadre commun, et rien ne nous prouve que l'accès à des soins de santé de qualité se soit amélioré. Où voit-on que les fonds affectés aient permis de faire progresser les structures ou l'administration des services de santé de substitution? Où sont les investissements dans l'expansion et l'intégration des soins à distance? Où sont les investissements visant à redonner aux clients la première place dans la conception des soins de santé? Où sont les investissements dans les services de santé communautaires tels que soins infirmiers des services de santé publique, promotion de la santé ou prévention des maladies?

Hawaii, l'Afrique du Sud, l'État de Victoria en Australie ainsi que la Nouvelle-Zélande ont des programmes universels de visites postnatales à domicile. Cela signifie qu'à plusieurs reprises, une infirmière de la santé publique vient rendre visite à tous les nouveau-nés et à leurs mères au cours des premiers mois suivant la naissance. Ces visites permettent de faire une détection précoce des problèmes de santé et (ou) d'apprentissage et de développement. Ces infirmières se chargent si nécessaire de renvoyer les enfants vers des services de traitement et de soins spécialisés. Elles procurent un soutien aux jeunes mères.

Les ouvrages sur le développement des enfants ne manquent pas de confirmer l'intérêt des programmes de visite à domicile d'un point de vue social, psychologique, sanitaire et économique, et pourtant je dois constater que pas un seul dollar du budget de l'année dernière n'a été affecté à un programme national s'adressant aux nouveau-nés canadiens.

Il en va de même des écoles infirmières. Combien d'entre nous se souviennent du rôle que jouaient les infirmières dans les classes lorsqu'elles venaient donner des conseils en matière d'hygiène, de saine sexualité, de prévention des maladies, etc.? Combien d'entre nous se souviennent d'avoir consulté une infirmière au sujet d'une maladie, d'un problème survenu dans la cour de l'école, des tensions dans le travail ou des relations avec les pairs? Est-ce pour vous une surprise que les enfants ne puissent plus consulter une infirmière à l'école?

• 1000

De tous les pays développés, c'est le Canada qui a le plus fort taux de suicide chez les jeunes. Le Canada n'a pas de quoi se vanter de l'augmentation du nombre de grossesses chez les adolescentes ainsi que des maladies sexuellement transmissibles.

Que faisons-nous pour remédier à ce genre de situation? Là encore, on lit dans les ouvrages spécialisés qu'il est important que les enfants puissent compter sur l'appui d'adultes prêts à les aider et en qui ils aient confiance. Je ne vois pas qu'un gouvernement ait investi dans des programmes de santé publique s'adressant aux enfants et aux adolescents dans le cadre de nos régimes de santé ou d'enseignement.

Le 4 novembre, Statistique Canada a publié les résultats d'une enquête qui montre que 2,1 millions de Canadiens, soit 11 p. 100 de la population adulte, prennent soin de membres de leur famille. Le budget de l'année dernière ne tient pas compte du fardeau que doivent supporter les familles qui prennent soin de personnes malades ou convalescentes.

Les effets sur la productivité du Canada sont énormes. Je sais que les patients sont libérés plus tôt des hôpitaux. Les infirmières qui dispensent des soins à domicile rencontrent des personnes incapables, pour des raisons financières, de poursuivre les traitements et de bénéficier des services prescrits.

Ni le régime d'assurance-santé, ni les assurances privées ne tiennent compte de la réalité des soins à domicile. Les Canadiens qui ont des problèmes de santé encourent dans le meilleur des cas des «frais supplémentaires» et souvent doivent se contenter des étiquettes «mal portant» ou «rétablissement complet peu probable».

L'augmentation du nombre de blessures dans notre pays est alarmante. Pour que les patients puissent se rétablir et retourner travailler, il faut qu'ils puissent bénéficier de services infirmiers, d'une physiothérapie, d'une ergothérapie et souvent d'une thérapie psychologique. Aucun de ces services essentiels n'est pleinement remboursé par le régime actuel de soins de santé. Le budget de l'année dernière n'a rien fait pour combler ce gouffre.

Rien ne me permet de conclure que l'on a remédié aux problèmes d'accès à des soins de santé de qualité; bien au contraire. Des salles d'opérations ferment dans notre pays. On nous dit que c'est par manque de personnel. Dans le nord du Manitoba, des services d'infirmerie ont disparu en raison de la pénurie de personnel. On nous parle d'attentes de trois jours pour remettre en place une jambe cassée. Là encore, on accuse le manque de personnel. J'ai lu qu'il fallait attendre quelque 12 à 19 semaines pour obtenir un traitement anticancéreux en Ontario. À quoi doit-on s'en prendre? Au manque de personnel.

Dans les Territoires du Nord-Ouest, 33 p. 100 des postes d'infirmières ne sont pas pourvus. Des lits d'hôpitaux ont fermé à St. John's, à Terre-Neuve, parce que l'on ne pouvait pas trouver le personnel.

Je sais que les infirmières qui travaillent dans les hôpitaux s'occupent de patients de plus en plus malades. Je reviendrai plus tard sur les répercussions de ce phénomène. Je dirai simplement pour l'instant que si l'on réglait les problèmes d'accès, les problèmes posés par la gravité des maladies commenceraient d'eux-mêmes à se résorber.

Si l'on excepte le Japon et l'Allemagne, les défis que doit relever le secteur infirmier au Canada ne sont pas différents de ceux qui se posent dans les autres pays développés, sauf pour une chose, que je tiens à souligner. Tous les pays du monde souffrent d'une pénurie d'infirmières professionnelles, d'une main-d'oeuvre vieillissante, des menaces de chômage, des problèmes d'accès aux services infirmiers dans les régions rurales et éloignées, du sous-emploi des infirmières, d'une insatisfaction de plus en plus grande dans le travail et de la baisse des inscriptions dans les programmes de sciences infirmières des universités et des collèges. La grande différence avec le Canada, c'est le phénomène de la précarité. Aucun autre pays du monde industrialisé n'a un régime de santé public qui place le personnel infirmier dans des emplois précaires, solution qui est une véritable catastrophe pour la profession au Canada.

La situation du secteur infirmier au Canada est catastrophique et l'avenir est sombre. Les infirmières ont en moyenne 45 ans. La plupart d'entre elles commencent à prendre leur retraite à 56 ans. Comme vient de le dire le Dr Scully, on va assister au cours des dix prochaines années à un flot continuel de départ à la retraite d'infirmières expérimentées.

Le nombre d'étudiants diplômés des programmes de sciences infirmières au Canada stagne depuis 1993. Avant 1990, notre pays produisait 10 000 infirmières diplômées. Aujourd'hui, ce chiffre est plus proche de 4 000. C'est là une baisse incroyable de l'arrivée de nouvelles infirmières dans le secteur de la santé.

Une enquête effectuée en 1999 au sujet du marché de la main-d'oeuvre nous révèle que trois infirmières diplômées sur dix quittent la profession dans les trois ans. La moitié des membres du personnel infirmier n'ont pas un emploi permanent ou à plein temps et 25 p. 100 ont des employeurs multiples. Ce sont les infirmières qui travaillent de manière occasionnelle.

De 1991 à 1998, le nombre d'infirmières travaillant en hôpital a baissé de 14 p. 100. Les ratios s'appliquant au nombre d'infirmières par rapport aux malades se dégradent et ne permettent plus de dispenser des soins compétents en toute sécurité.

• 1005

Ces chiffres ne rendent pas compte du fait que nombre de patients qui ont recours aux services infirmiers sont davantage malades qu'en 1998, ni de la demande accrue de soins infirmiers en provenance d'une population qui vieillit.

Bien souvent, les infirmières ayant une spécialité homologuée dans les soins d'urgence doivent se tenir à la disponibilité de leur service 24 heures par jour, sept jours par semaine, 12 mois par an. La sécurité des soins est menacée. La santé professionnelle est remise en cause.

Le Canada est de moins en moins en mesure de former de nouvelles infirmières étant donné les départs à la retraite au sein du corps professoral actuel et la pénurie d'étudiantes au niveau de la maîtrise et du doctorat. Entre 1991 et 1998, le nombre d'infirmières employées dans les établissements d'enseignement a baissé de 37 p. 100.

Un rapport publié en 1999 par le Conference Board du Canada nous enseigne que l'équivalent de 50 p. 100 de la promotion des infirmières diplômées de l'année dernière a émigré aux États-Unis. Le budget de l'année dernière n'a rien prévu concernant l'élaboration et la mise en place de stratégies de recrutement et de maintien dans leur poste des personnes chargées de dispenser des soins de santé. Vous vous souviendrez que nous avions effectivement demandé que des fonds soient spécialement affectés à la reconstitution des effectifs infirmiers au Canada. Nous avions demandé quelque 200 millions de dollars pour les besoins des stratégies de recrutement et de maintien des effectifs. Certes, nous avons apprécié l'affectation d'un fonds de 25 millions de dollars à la recherche, mais cela peut difficilement répondre aux énormes besoins en effectifs infirmiers.

Deux spécialistes des ressources humaines en matière de santé, Morris Barer et Greg Stoddart, ont avancé des arguments faisant état de la nécessité de prendre résolument des initiatives en matière de planification des ressources humaines dans le secteur de la santé au Canada ainsi que de la nécessité de changer les paramètres et de remettre en question l'affectation actuelle des tâches entre les personnes qui se chargent de dispenser des soins de santé. Dernièrement, ils ont plus particulièrement privilégié dans leurs commentaires les professionnels de la santé des régions rurales et éloignées.

Les professionnels de la santé s'accordent à dire que des investissements du gouvernement sont nécessaires pour garantir l'apport, la composition et la répartition d'un personnel suffisant dans le secteur de la santé. Il faut que le gouvernement appuie la formation et l'enseignement professionnels pour que le personnel de la santé au Canada reste à la pointe dans le monde.

Bien évidemment, pour être efficaces, les stratégies s'appliquant aux ressources humaines dans le secteur de la santé doivent découler d'un projet de santé. Ce projet, je l'ai dit tout à l'heure, est inexistant.

Pour ce qui est des priorités, nous considérons qu'il convient d'affecter des fonds pour compléter les investissements passés et présents dans le secteur de la santé. Plus précisément, nous avons besoin de ressources, et rapidement, pour élaborer un projet de santé axé sur les soins primaires, l'ensemble des professionnels de la santé servant de point de passage obligé pour les soins dispensés aux Canadiens.

En second lieu, nous avons besoin immédiatement de ressources pour faire progresser les différentes composantes du régime de la santé, notamment les services de santé communautaires et leur intégration au sein de l'infrastructure actuelle de la santé. Il convient de faire très tôt des investissements dans les services s'adressant aux enfants et aux jeunes.

En troisième lieu, des ressources sont nécessaires pour appuyer les stratégies de recrutement, de maintien en poste, de répartition et de définition des rôles des professionnels de la santé. Je n'insisterai jamais assez là-dessus. Si l'on ne fait pas immédiatement quelque chose, l'intégrité du régime de santé du Canada sera sérieusement menacée. Les infirmières représentent 75 p. 100 des professionnels de la santé. Elles sont véritablement les piliers du système et elles ont été décimées par dix ans de compressions budgétaires. Si nous ne faisons pas quelque chose cette année, je crois bien qu'il sera ensuite trop tard pour agir.

Le régime de santé du Canada s'appuie sur un partenariat entre la population canadienne, les professionnels de la santé et les gouvernements. Les professionnels de la santé ont pour rôle de dispenser des conseils et des soins spécialisés. Sans eux, il ne peut pas y avoir de régime de santé.

Les gouvernements ont pour rôle de prendre des initiatives stratégiques, de lancer des projets et de financer à long terme le secteur de la santé. Comme le savent les Canadiens, la décision prise par les gouvernements de comprimer les crédits a marqué le début de la dégradation du régime de santé public, et la privatisation ainsi que les menaces de mondialisation des services de santé, se traduisent par une pénurie de professionnels de la santé.

J'ai le plaisir de vous remettre une copie de notre mémoire sur les consultations prébudgétaires et je suis prête à répondre à vos questions.

Je vous remercie.

Le président: Merci, madame Jeans.

Nous allons maintenant entendre les représentants de l'Association des pharmaciens du Canada, le Dr Jeff Poston et Mme Noëlle-Dominique Willems. Soyez les bienvenus.

Le Dr Jeff W. Poston (directeur général, Association des pharmaciens du Canada): Merci, monsieur le président. Je vous remercie de nous donner l'occasion de comparaître devant votre comité.

Je représente l'Association des pharmaciens du Canada. Il s'agit d'une association bénévole nationale qui représente les pharmaciens pratiquant au sein de la collectivité et dans les hôpitaux. Nous comptons aussi des pharmaciens qui travaillent dans l'industrie et dans le monde universitaire.

• 1010

En tant que pharmaciens, nous tenons à ce que tous les Canadiens puissent bénéficier des médicaments dont ils ont besoin pour traiter les maladies aiguës et chroniques. Nous n'avons donc pas manqué d'applaudir le projet du gouvernement libéral, qui s'engageait dans le livre rouge à mettre en oeuvre un programme national d'assurance-médicaments. Nous considérons que la nécessité d'un tel programme nous est révélée par de nombreux sondages effectués auprès des consommateurs, qui font figurer l'accès aux médicaments parmi l'une des grandes priorités de la population canadienne.

Dans leur pratique quotidienne, les pharmaciens constatent toutes les difficultés que pose le manque de financement des plans s'appliquant aux médicaments au Canada. Certains malades sont obligés de faire des choix très difficiles.

De concert avec la majorité des associations canadiennes du domaine de la pharmacie, l'Association des pharmaciens du Canada a élaboré un document de travail sur les composantes d'un programme national d'assurance-médicaments et le rôle de tous les participants à un tel programme. Nous en avons remis une copie au comité. La version française n'est pas encore disponible, nous vous prions de nous en excuser.

Nous estimons important que les pharmaciens, experts dans le domaine, fassent part de leurs connaissances et de leur expérience dans le cadre du débat sur l'assurance-médicaments. Il nous fait plaisir de soumettre le présent document au comité puisque, en plus d'examiner le rôle et les responsabilités de chacun, il donne un aperçu du coût éventuel d'un tel programme et des étapes nécessaires à sa mise en oeuvre.

Nous souhaitons prendre appui sur les progrès déjà réalisés par tous les paliers de gouvernement par le biais de groupes de travail fédéraux, provinciaux et territoriaux sur les médicaments et contribuer au processus d'élaboration de ce programme si important pour la santé des Canadiens.

Un travail permanent doit être fait en faveur de la filière des médicaments dans le cadre du régime canadien de soins de santé. Il est évident que la pharmacothérapie est l'une des formes d'intervention les plus rentables de la médecine moderne. Pourtant, nous constatons que les coûts continuent à augmenter. Cela s'explique évidemment par une population qui vieillit et par le pourcentage de plus en plus élevé de personnes âgées dans notre population alors que nous allons entrer dans le nouveau millénaire, ainsi que par les progrès constants de la technologie. Chaque année apparaissent régulièrement de nouveaux médicaments plus performants. Lorsque nous aurons trouvé la solution magique contre le cancer qui, nous l'espérons tous, devrait se matérialiser pour le prochain millénaire, aurons-nous les moyens de dispenser ce traitement à tous nos citoyens?

Si nous voulons atteindre cet objectif, mieux vaut planifier à notre avis dès maintenant. Nous devons nous doter d'un programme à long terme pour que l'assurance-médicaments devienne une réalité pour tous les Canadiens. Il convient d'améliorer progressivement les programmes en partant de ce qui a déjà été fait par les provinces. L'Association des pharmaciens du Canada recommande que l'on affecte des crédits dans le prochain budget en procédant selon les étapes suivantes.

Tout d'abord, à l'instar du régime d'assurance-médicaments du Québec, on devrait faire entreprendre les démarches nécessaires pour mettre sur pied un programme national à l'intention de ceux qui ne bénéficient actuellement d'aucune assurance. Si l'on se fonde sur l'expérience du Québec, on peut estimer que cela touchera environ 14 p. 100 de la population canadienne.

Ensuite, nous estimons qu'en raison de la mobilité de la population active et de l'augmentation du taux de travailleurs à temps partiel qui ne bénéficient pas d'une couverture supplémentaire, nous avons besoin de créer un programme temporaire de transition accessible aux prestataires d'assurance-emploi, aux personnes temporairement sans emploi et aux personnes dans un lieu de travail où aucun employeur n'est financé par un régime d'assurance. Ce programme temporaire demeurerait en place jusqu'à ce qu'un régime d'assurance-médicaments soit mis sur pied.

Comme nous l'avons constaté au Québec, nous devons aussi veiller à ce que les enfants bénéficient d'une couverture et ce, peu importe leur situation. Cette recommandation est en accord avec les valeurs canadiennes et internationales actuelles en ce qui concerne la santé des enfants et la stratégie gouvernementale visant à résoudre le problème de la pauvreté chez les enfants au Canada. Nous proposons par conséquent que l'on envisage d'offrir une assurance-médicaments gratuite à tous les enfants jusqu'à l'âge de 18 ans et aux femmes enceintes.

Enfin, nous recommandons que la pharmacothérapie soit couverte pour les personnes qui font partie d'un programme canadien de soins à domicile. L'Association des infirmières et infirmiers du Canada a fait état des lacunes existant dans les domaines des soins communautaires et des soins à domicile. Nous considérons que c'est important. Nous recommandons en outre que cette composante de la couverture soit intégrée au programme national d'assurance-médicaments. Il faudra alors remédier au problème posé par les libéralisations anticipées de l'hôpital. Nombre de malades qui bénéficient d'une assurance-médicaments lorsqu'ils sont hospitalisés ne sont plus nécessairement suffisamment couverts lorsqu'ils doivent prendre leurs médicaments à domicile.

Pour commencer à mettre ces étapes en oeuvre, l'Association des pharmaciens du Canada propose que le gouvernement fédéral alloue, pendant les trois prochaines années, 1 milliard de dollars par an en transferts aux provinces dans le but précis d'offrir une assurance-médicaments aux couches de la population décrites précédemment.

• 1015

Je veux aussi me faire l'écho des préoccupations exprimées par mes collègues de l'Association médicale canadienne et de l'Association des infirmières et infirmiers du Canada au sujet des ressources humaines au Canada. Nous faisons face en ce moment à une grave pénurie de pharmaciens et nombre des difficultés qu'entraîne le vieillissement du personnel dans les secteurs de la médecine et des sciences infirmières s'appliquent aussi à la pharmacie.

Nous partageons les préoccupations de l'Association dentaire canadienne touchant l'augmentation des frais de scolarité dus à la déréglementation. Nous considérons que cela empêchera nombre de diplômés de l'école secondaire d'entrer dans les écoles professionnelles.

Je vous remercie.

Le président: Merci, docteur Poston.

Nous allons maintenant entendre M. Dan Stapleton, le directeur général de l'Association canadienne de physiothérapie, qui va parler au nom du Groupe d'intervention action santé. Soyez le bienvenu.

M. Dan Stapleton (directeur général, Association canadienne de physiothérapie; Groupe d'intervention action santé): Monsieur le président, mesdames et messieurs, bonjour.

Je m'appelle Dan Stapleton et je suis directeur général de l'Association canadienne de physiothérapie. J'ai le plaisir de représenter aujourd'hui le groupe HEAL, soit le Groupe d'intervention action santé.

HEAL est une coalition de 29 organisations nationales de protection de la santé et de défense des consommateurs. Voilà longtemps que nous participons à ce mécanisme de consultations prébudgétaires et nous avons comparu devant votre comité tous les ans depuis notre création en 1990.

Nous sommes heureux de pouvoir vous faire connaître les raisons pour lesquelles, à notre avis, le financement d'un régime de santé public au Canada devrait faire partie des grandes priorités du gouvernement fédéral en prévision du budget de l'an 2000 et de ceux du XXIe siècle.

Le message de HEAL reste le même: Un régime de soins de santé fort et durable est au Canada la condition d'une société productive et prospère tout au long du prochain siècle. Certes, nous apprécions les investissements faits dans le domaine de la santé par le gouvernement fédéral dans le budget de 1999, mais il ne s'agit là que d'une première étape. Comme le ministre des finances l'a reconnu lui-même, le travail n'est pas terminé.

Notre régime de santé financé par des fonds publics, si précieux, continue à préoccuper les Canadiens, qui craignent que nous ne puissions plus dispenser des soins de qualité à une population qui augmente et qui vieillit. Les difficultés d'accès, l'alourdissement du fardeau physique, psychologique et financier imposé aux familles qui dispensent des soins, et le coût élevé des pharmacothérapies indispensables, notamment en milieu communautaire, restent très préoccupants.

HEAL estime qu'il est temps de changer notre régime de santé—non pas en procédant à des modifications impromptues, dictées par le déficit, comme nous l'avons fait au cours des années 90—mais en instaurant un changement véritable découlant d'un projet commun de l'ensemble des gouvernements, des consommateurs et du personnel soignant. Nous espérons que dans le climat caractérisé par un renouvellement des relations fédérales, provinciales et territoriales, le gouvernement fédéral saura oeuvrer en faveur d'un projet de santé répondant aux besoins de la population canadienne à l'aube du XXIe siècle.

Ce projet doit à la fois renforcer le régime actuel, faire en sorte qu'il bénéficie de crédits suffisants et répondre aux nouveaux besoins des Canadiens pour que l'on puisse avoir un meilleur accès à un ensemble de soins mieux coordonnés. Nous entendons par là qu'il nous faut non seulement étendre le régime de santé public aux soins communautaires et à domicile, mais qu'il nous faut prendre en compte nombre des services essentiels, tels que les services de physiothérapie et de santé mentale, qui à l'heure actuelle ne sont couverts que dans une très faible mesure par les dispositions de la Loi canadienne sur la santé. Nous recommandons que le gouvernement fédéral oeuvre en collaboration avec les différents intervenants du secteur de la santé, les organisations non gouvernementales et le public afin de mettre en oeuvre ce projet.

Nous recommandons par ailleurs que le gouvernement continue à oeuvrer avec des intervenants comme HEAL et avec le public pour faciliter, dans le cadre du financement actuel des services assurés, une transition en faveur d'un ensemble coordonné de services communautaires et la mise en oeuvre d'un régime global de soins de santé n'offrant aucune discontinuité.

Pour ce qui est du montant actuel des crédits affectés à la santé, l'annonce dans le budget de 1999 d'un réinvestissement cumulé sur cinq ans de 11,5 milliards de dollars a constitué une bonne nouvelle. C'est une première étape, mais ce n'est pas suffisant. Cette formule va uniquement permettre au secteur de la santé de retrouver les niveaux de financement en dollars courants de 1995 sept années plus tard, sans que l'on ait fait aucun ajustement pour tenir compte de l'augmentation des besoins des Canadiens en matière de santé, de l'accroissement et du vieillissement de la population, de l'inflation et de la croissance économique.

La part fédérale dans le financement des soins de santé est tombée de 50 p. 100 à environ 22 p. 100 depuis la mise en place du financement public du secteur de la santé.

• 1020

Il faut que l'adoption d'un régime plus global de soins de santé s'accompagne d'un engagement significatif à long terme et durable amenant le gouvernement fédéral à verser de nouveaux crédits. HEAL recommande que le gouvernement fédéral augmente de 1,5 milliard de dollars à compter d'avril 2000 les montants en argent consacrés par le gouvernement fédéral à la santé. Nous incitons par ailleurs le gouvernement, comme nous l'avons fait par le passé, à appliquer une échelle mobile à compter d'avril 2001 au transfert en argent pour tenir compte de la croissance de la population, de son vieillissement, des nouveaux progrès techniques et de la croissance économique.

Les mécanismes de transfert des fonds fédéraux dans le secteur de la santé continuent aussi à préoccuper HEAL. Nous nous penchons actuellement dans ce secteur sur un projet visant à étudier d'autres solutions que le transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, qui ne prend pas expressément en compte la part consacrée par le gouvernement fédéral à la santé. À l'aube du XXIe siècle, les principes de responsabilité, de transparence et de visibilité devraient être incorporés aux ententes de transferts financiers aussi clairement qu'ils le sont dans d'autres secteurs relevant des compétences fédérales.

Pour que notre régime de santé soit viable à l'avenir, il est indispensable que nous prenions dès maintenant des mesures pour pouvoir disposer des effectifs et des compétences nécessaires en matière de santé. Les médias ont insisté sur la pénurie d'infirmières et de médecins qui frappe l'ensemble du pays, mais nous manquons aussi d'autres professionnels de la santé, qu'il s'agisse des pharmaciens, des psychologues ou des auxiliaires professionnels comme les travailleurs à domicile.

Le problème est difficile et il n'y a pas de solution miracle. Les promesses des pouvoirs publics d'engager davantage d'infirmières, de médecins ou de pharmaciens ne vont pas résoudre le problème s'il n'y a pas d'infirmières, de médecins ou de pharmaciens à engager. Les membres de HEAL souhaitent oeuvrer en collaboration avec le gouvernement fédéral à la mise en oeuvre d'un plan intégré de ressources humaines à long terme et nous sommes heureux d'apprendre que cette question a été considérée comme une priorité lors de la dernière rencontre des ministres de la santé fédéraux, provinciaux et territoriaux.

Enfin, le Groupe d'intervention action santé souhaite féliciter le gouvernement de ses récentes déclarations venant appuyer la recherche et la communication de l'information en matière de santé. Nous devons tirer parti de ces investissements pour faire en sorte que les résultats de la recherche soient largement partagés et que nos décisions prises en matière de santé soient fondées sur des faits et d'appuient sur des critères professionnels.

Les membres de HEAL continuent à s'engager à maintenir et à renforcer le régime de santé canadien financé par des fonds publics. Les Canadiens veulent un régime de soins de santé durable et accessible qui réponde à leurs besoins. La coalition HEAL tire sa force de sa grande expérience, de sa connaissance du domaine de la santé et de son engagement en faveur d'un régime public de santé à la disposition des individus et des familles au Canada.

Alors que le gouvernement met en place le projet arrêté pour le Canada à l'aube du XXIe siècle, tel qu'il a été exposé dans le discours du Trône, nous vous invitons à ne pas oublier que c'est notre population qui est le bien le plus précieux du Canada. Le meilleur investissement que nous puissions faire, c'est de maintenir les Canadiens en santé.

Je vous remercie.

Le président: Merci, monsieur Stapleton.

Nous allons maintenant passer aux questions. Chacun à son tour, chaque parti disposera de sept minutes. Si nous évitons les préambules, nous pourrons poser davantage de questions.

M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Réf.): Très bien, nous allons essayer.

Je vous remercie d'être venus ici aujourd'hui. Je vais adresser mes remarques ou plutôt poser des questions plus sérieuses à l'ensemble de nos témoins et laisser y répondre qui veut.

Vous vous souvenez que l'ex-ministre de la Santé, Mme Diane Marleau, s'exprimant au nom du gouvernement actuel, a dit qu'il y avait assez d'argent dans le système et qu'il suffisait de le dépenser de façon plus avisée. Cela étant, il ne faut pas s'attendre à une augmentation sensible du financement des soins de santé par rapport aux niveaux actuels, surtout pas après l'augmentation de l'année dernière.

Nous savons qu'il n'y aura jamais assez d'argent pour les dépenses sociales et, par-delà le fait que tous les témoins aujourd'hui soutiennent simplement qu'il leur faut plus de crédits pour les secteurs qu'ils représentent... Il est d'ailleurs intéressant de constater que tous les témoins ayant comparu devant ce comité—peu importe le secteur qu'ils représentaient, que ce soit les finances, l'environnement, la recherche, la culture ou autres—veulent qu'on réinjecte des fonds dans leur secteur.

Donc, outre que vous demandez davantage pour vos secteurs respectifs aux dépens des autres, ce qui sous-entend dès lors que vous valez mieux qu'eux, parlons du long terme et de ce qui serait des dépenses de soins de santé viables, parlons aussi de la nécessité croissante, pour vous, de pouvoir compter sur davantage de ressources. Quels conseils pourriez-vous donner pour protéger vos intérêts sans vous contenter de dire qu'il vous faut une part plus importante du gâteau mais en reconnaissant que ce gâteau doit être plus gros pour que vous puissiez ainsi obtenir davantage d'argent? Je suis bien conscient de vous mettre face au dilemme de la gouvernance et des ressources limitées, mais j'aimerais vous entendre nous conseiller sur ce qu'il faut faire.

Le président: Docteur Scully.

Dr Hugh Scully: Merci, monsieur le président.

• 1025

Je trouve votre question tout à fait appropriée. À mon avis, les parties présentes ce matin ont toutes recommandé que l'on respecte les principes de viabilité et de répartition équitable, puisqu'elles sont bien sûr conscientes des autres priorités et du fait que le gouvernement doit composer avec des priorités concurrentes.

Nous avons en fait signalé un recul du financement, entamé il y a quelque temps déjà, surtout sous la forme des transferts fédéraux. L'année dernière, nous avons accusé un recul sur ce plan. Nous recommandons l'indexation, pour tout de suite et pour l'avenir, afin que nous puissions évoluer au rythme prévu de la démographie et de l'économie au Canada.

Nous ne demandons pas des sommes disproportionnées. Nous comprenons bien qu'il faut réaliser un équilibre, mais nous réclamons un montant suffisant pour entretenir le système et pour le faire évoluer dans l'avenir.

M. Paul Forseth: Est-ce qu'un représentant d'un autre secteur veut répondre?

Mme Sharon Sholzberg-Gray: Oui, moi.

Comme beaucoup l'ont mentionné, il n'est pas possible de faire croître l'économie si nous ne sommes pas d'abord productifs et je crois que nous avons clairement établi le lien entre la santé des Canadiennes et des Canadiens et leur niveau de productivité.

Par ailleurs, il n'est pas possible de faire croître l'économie si nous ne sommes pas économiquement compétitifs et un grand nombre de représentants du milieu des affaires, notamment le pdg de la Banque TD et le porte-parole du Conference Board du Canada, ont déclaré que notre système de santé est un volet très important de notre compétitivité économique car, sans lui, il n'y aurait pas de croissance. Ainsi, nous estimons qu'il existe effectivement un lien très étroit entre la santé et la croissance en général.

De plus, nous avons bien précisé que nous ne demandons qu'une augmentation très raisonnable des transferts aux provinces en matière de santé. Nous ne réclamons pas 6, 7 ou 8 milliards de dollars par an. Nous demandons simplement une indexation en fonction de la croissance démographique et de la croissance de l'économie. Ainsi, nous essayons de nous montrer très raisonnables dans nos demandes.

Enfin, je tiens à dire qu'il ne faut pas s'illusionner car si le système de santé étatisé ne répond pas aux besoins des Canadiennes et des Canadiens en la matière, aucun autre ne nous permettra de le faire, or faut bel et bien répondre à ces besoins. En fin de compte, ce sont tous les Canadiens qui devront payer pour cela, que ce soit dans le cadre d'un financement privé ou d'un financement public.

Nous avons, je crois, démontré qu'un régime d'assurance-maladie à payeur unique est particulièrement efficace. Globalement, nous ne ferions aucune économie si le gouvernement payait moins et si quelqu'un d'autre—c'est-à-dire les employeurs, les Canadiens en tant que particuliers ou d'autres sources—payaient davantage. Nous devons donc trouver la façon la plus rentable et la plus efficace de financer le système. Quant à nous, la solution consiste à avoir un payeur unique. Notre proposition équivaut en quelque sorte à un plan de marche pour favoriser la croissance économique et, en même temps, pour garantir des soins de santé aux Canadiens.

M. Paul Forseth: Parfait, je vais essayer d'aborder la chose sous un autre angle. Les gens du secteur de la pharmacie nous ont indiqué qu'il leur faudrait environ 1 milliard de dollars. Il est intéressant d'entendre tous les représentants sectoriels présents aujourd'hui, médecins, infirmières, pharmaciens, etc., qui veulent tous davantage pour le secteur qu'ils représentent. Alors, voilà ce que je vais vous demander: dans quelle mesure vos différents secteurs négocient-ils entre eux pour présenter un seul point de vue convaincant quant aux priorités à adopter en fonction de recettes fiscales limitées?

Le président: Docteur Scully.

Dr Hugh Scully: Merci pour votre question.

Je me dois de revenir sur l'uniformité des points de vue exprimés de ce côté-ci de la table. Quand nous réclamons une augmentation du financement de 1,5 milliard de dollars pour cette année, nous nous exprimons au nom de tous les secteurs que nous représentons ici. Il n'est pas simplement question des médecins ni des infirmières. Comme nous vous l'avons indiqué, le Groupe d'intervention action santé compte de nombreux membres qui ont déjà tenu plusieurs réunions. S'agissant de notre demande en matière de viabilité, je suis certain que vous trouverez une certaine cohérence de points de vue dans les mémoires qui vous ont été soumis.

M. Paul Forseth: Quelqu'un d'autre veut-il répondre?

Le président: Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, j'aimerais que nous revenions à une question que vous avez posée à propos de ce que Mme Sholzberg-Gray a mentionné. Vous voulez que le financement soit lié à la croissance de l'économie et à la croissance démographique. Eh bien, que se passerait-il en cas de recul de l'économie? Est-ce que les besoins de santé des Canadiens et des Canadiennes diminueraient? Les besoins des Canadiens en matière de santé seraient-ils moindres?

Mme Sharon Sholzberg-Gray: Voilà une excellente remarque, qui fait ressortir pourquoi il fut important, à une certaine époque, que le gouvernement fédéral s'engage vis-à-vis d'un niveau de financement plancher. C'est là un problème. Voilà pourquoi nous ne disons pas que cette formule devrait varier d'une année sur l'autre—c'est-à-dire en fonction de l'évolution annuelle du PIB—mais qu'il faudrait établir un lien avec une moyenne.

Nous n'avons pas encore arrêté la façon dont cette indexation devrait fonctionner. Tout ce que nous pouvons dire c'est que sans indexation, le financement va forcément accuser un décalage. Nous pensons que l'économie va continuer de croître dans l'avenir. Je ne pense pas que l'économie se portera moins bien dans 10 ans d'ici, ce qui justifie l'application d'une formule d'indexation. Il est certain que, de temps en temps, l'économie accusera peut-être un recul ou suivra un plateau, et c'est pour cela qu'il faut faire une moyenne sur quelques années à la fois.

Le président: Très bien, je vous remercie.

Monsieur Forseth.

M. Paul Forseth: Je crois qu'un autre témoin veut prendre la parole.

• 1030

Dr Jeff Poston: Oui, moi aussi je voulais répondre.

Notre demande de financement de l'assurance médicament ne concerne pas un secteur en particulier mais plutôt les besoins des Canadiennes et des Canadiens en matière de soins de santé en général. Les thérapies médicamenteuses présentent un excellent rapport qualité-prix. Elles permettent de maintenir les patients au sein de la population active et contribuent grandement à l'économie parce que, grâce à elles, les gens peuvent continuer de travailler.

On ne peut donc pas parler de financement destiné à un secteur particulier. Il est plutôt question d'étendre la couverture offerte dans le cadre de ce régime. Nos propositions spécifiques portent donc sur l'élargissement de la couverture, sur l'élargissement du filet de sécurité pour qu'il soit possible de prendre en compte les patients qui ne sont actuellement pas assurés.

Le président: Merci, docteur Poston.

Nous allons maintenant entendre Mme Leung, le Dr Bennett, M. Gallaway et Mme Redman.

Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je tiens à vous remercier d'être venus nous faire part de vos idées et recommandations. Je veux aussi souhaiter la bienvenue au Dr Diggens de Vancouver, qui est le président de l'ADC.

Vous avez été nombreux à vous inquiéter de la pénurie de spécialistes dans les différentes professions qui, comme nous le savons, est préoccupante. De nombreux autres témoins nous en ont également parlé. Mais, comment allons-nous nous y prendre pour régler ce problème? Le Dr Scully, de même que Mme Sholzberg-Gray, le Dr Diggens et le Dr Jeans pourraient nous répondre.

Le président: Qui veut commencer? Le Dr Scully, le Dr Jeans?

Dr Hugh Scully: Merci de votre question.

Tout à l'heure, je vous ai parlé de la diminution des niveaux de recrutement de même que de la diminution du nombre de débouchés.

Nous avons formulé quelques recommandations particulières à cet égard aux ministres et aux sous-ministres de la Santé, fédéraux et provinciaux. La première de ces recommandations, celle qui est la plus rentable à court terme étant donné le genre de pénurie à laquelle nous sommes confrontés, consiste à adopter certaines mesures pour faire revenir les Canadiens qui ont quitté le pays, mais qui ont conservé leur licence.

Deuxièmement, nous devrons adopter des stratégies de recrutement et de rétention des spécialistes, ce que de nombreuses collectivités ont d'ailleurs déjà commencé à faire. Cela est bien sûr tout à fait approprié dans le cas des régions rurales et éloignées, mais de telles stratégies sont également importantes dans les centres urbains et les centres universitaires où l'on enregistre d'importantes pénuries dans certaines spécialités.

Pour répondre aux besoins à moyen et à long terme—étant entendu que l'école de médecine dure quatre ans après quoi il faut ajouter deux ans pour les médecins de famille et quatre à huit, voire neuf ans pour les spécialistes—il faut augmenter modérément les niveaux d'inscription dans les écoles de médecine.

Il convient, et c'est très important, d'accroître le nombre de postes ouverts au troisième cycle et cela pour trois raisons: d'abord, pour disposer d'une plus grande souplesse pour pouvoir effectuer des transferts entre les domaines où l'on compte suffisamment de médecins et ceux où il n'y en a pas assez; deuxièmement, pour permettre aux médecins déjà qualifiés de suivre une autre formation, ce qui se fait depuis toujours dans des spécialités comme l'anesthésie, l'obstétrique, la psychiatrie, la médecine de laboratoire et autres où 40 à 50 p. 100 des spécialistes sont des médecins venant d'autres domaines de spécialité. Troisièmement, ce qui est également très important-j'insiste-il convient d'améliorer notre capacité d'évaluer les diplômes étrangers.

Vingt-cinq pour cent des médecins qui pratiquent au Canada ont obtenu leur diplôme ailleurs que chez nous et ils contribuent énormément à la qualité de la médecine et du niveau de vie dans notre pays. Cependant, au départ, tous avaient les titres universitaires qui nous ont permis de les intégrer, et je pense qu'il faut continuer ainsi.

Voilà donc quelques-unes des mesures qui pourraient nous permettre de récupérer une partie de notre investissement, à court et à moyen terme, étant donné le vieillissement de la population de médecins et l'augmentation du rythme auquel ces gens-là prennent leur retraite.

Le président: Docteur Jeans.

Mme Sophia Leung: J'aurais voulu moi-même faire une remarque. Je pense également que l'on assiste à un très net recul du nombre d'inscriptions dans les écoles professionnelles. Pourquoi n'agit-on pas également sur ce plan étant donné les pénuries constatées?

Le président: Merci, madame Leung.

Docteur Jeans.

Mme Mary Ellen Jeans: Merci.

La semaine dernière, nous avons également rencontré les ministres de la Santé du fédéral, des provinces et des territoires et nous leur avons proposé d'adopter une stratégie intégrée.

D'abord, en ce qui concerne le secteur infirmier, je dois insister sur le fait—et la situation est un peu différente de celle des médecins—que les réductions effectuées au cours des 10 dernières années sont en partie responsables du problème auquel nous sommes aujourd'hui confrontés. S'agissant du financement des soins de santé, nous demandons un retour aux niveaux antérieurs à touts ces problèmes-là.

• 1035

Il faut mettre un terme aux emplois occasionnels dans la profession. Il faut offrir des emplois à temps plein et des emplois permanents à temps partiel aux infirmiers et infirmières du réseau. Nous devons créer un milieu de travail qui soit favorable à la pratique infirmière. Pour l'instant, la situation est particulièrement alarmante dans la plupart de nos établissements de santé. Les infirmières travaillent à 140 p. 100 et elles ne sont pas récompensées pour cela. Il faut les rémunérer correctement, comme tous les autres. Il faut leur permettre de suivre une formation professionnelle continue afin de demeurer au fait des nouveaux savoirs, des nouvelles découvertes et des nouvelles technologies.

Donc, si nous voulons attirer des jeunes dans le réseau de la santé, nous devons améliorer les conditions de travail des infirmiers et des infirmières. Puis, nous devons nous pencher sur le volet recrutement. Force est de constater que le nombre d'infirmières diplômées a considérablement diminué et, pour corriger cette situation, nous aurons besoin davantage de ressources. Nous pourrions offrir des bourses ou prévoir d'autres mesures d'incitation pour attirer des jeunes dans nos programmes de formation infirmière.

De plus, un grand nombre d'infirmiers et d'infirmières sont allés aux États-Unis. Nous aimerions pouvoir les faire revenir chez nous, mais pour l'instant notre système n'est pas du tout concurrentiel sur le plan des incitatifs. Les Américains recrutent activement chez nous; ils offrent de meilleurs salaires et proposent même de payer pour la formation continue, le perfectionnement, et ainsi de suite.

Il y aura bien des choses à faire, mais il faudra agir de façon intégrée et adopter une stratégie nationale. Sinon, les provinces se feront concurrence entre elles et les infirmiers et les infirmières seront ballottés d'un côté à l'autre du pays en fonction des meilleurs incitatifs qu'on leur proposera et cela n'aidera en rien la population canadienne. Voilà pourquoi nous réclamons l'adoption d'une stratégie nationale.

Le président: Merci, docteur Jeans.

Docteur Bennett.

Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je tiens tout d'abord à remercier Mlle Sholzberg-Gray, de l'Association canadienne des soins de santé, pour avoir fait la promotion de la viabilité, pour avoir défendu l'adoption de mécanismes de responsabilité appropriés, de systèmes de santé et de projets de recherche dans les soins de santé, et pour avoir soulevé la question de la productivité. J'appartiens moi-même à ce milieu et je me suis toujours dit que la viabilité ne tient pas tant à l'obtention d'un financement durable qu'à l'existence d'un système intrinsèquement viable, ce qui n'est possible que si nous avons à rendre des comptes.

J'aimerais que nos invités nous parlent de deux choses. D'abord, dans un document de 1995 de l'Université d'Ottawa et de l'université Queen, il est dit que si l'on imposait la viabilité du système et la reddition de compte, on pourrait réaliser des économies de 7 milliards de dollars dans le réseau de la santé, ce qui correspond à une somme mal utilisée à cause de stimulants qui nous poussent à ne pas dispenser des soins au bon niveau, à pratiquer des chirurgies inutiles, à prescrire trop d'antibiotiques ou à ordonner des tests de laboratoire. Par ailleurs, quand nous avons tenu notre table ronde sur la productivité, nous avons constaté que Statistique Canada ne dispose d'aucune donnée sur la productivité dans le réseau des soins de santé, soit qu'on ne récupère pas ce genre de chiffres au départ, soit qu'on ne sait pas ce qui se fait exactement. En outre, les données de l'ICIS concernent uniquement la facturation, laquelle est parfois faussée. Ainsi, nous ne mesurons pas la qualité des soins de santé comme nous le devrions.

C'est donc par-là que je vais commencer. J'aimerais que les représentants de l'AMC et de l'AIIC nous disent ce qu'ils pensent des recommandations 7 et 9 de la coalition HEAL à propos de la transparence, de la reddition de compte et des pratiques exemplaires. Je demanderai ensuite au groupe d'intervention HEAL pourquoi, dans son mémoire, il ne parle pas de la prévention—c'est-à-dire de la prévention des accidents ou de la lutte contre le tabac—dont il est, je crois, largement question dans les autres mémoires.

J'aimerais savoir pourquoi, dans le cadre de votre coalition, il y a des choses que vous proposez et d'autres pas. Il peut également être intéressant de se demander pourquoi l'Association dentaire canadienne ne semble pas faire partie de la coalition HEAL.

Commençons donc par la notion de reddition de compte.

Le président: Docteur Scully.

• 1040

Dr Hugh Scully: Très brièvement, monsieur le président, je crois que la reddition de compte peut jouer de plusieurs façons. Dans nos mémoires—celui de HEAL, de l'AMC et de l'AIIC, et de bien d'autres—nous recommandons d'adopter un système davantage comptable de l'argent dépensé. Nous sommes tous d'accord avec cela.

L'Association médicale canadienne et la profession dans son ensemble s'engagent à se montrer responsables pour tout ce qu'elles font. Vous savez, Carolyn, que nous avons déployé de nombreux efforts pour étayer ce qui se passe dans le milieu, par exemple sous la forme du réseau des soins cardiaques et des projets de liste d'attente. Nous travaillons en étroite collaboration avec les gouvernements et les autres professions à cette fin et il faudra poursuivre dans ce sens. En outre, il faudra exiger de la population qu'elle fasse preuve d'une certaine responsabilité dans l'accès et l'utilisation du réseau de soins de santé. Voilà ce que l'on peut dire de la reddition de compte.

Pour ce qui est de la productivité, vous avez tout à fait raison: il est difficile de la mesurer dans le secteur de la santé. On a tendance à la mesurer par le nombre d'actes effectués, plutôt que par le biais des résultats obtenus. Il est évident que nous allons devoir régler ce problème. Il est de notoriété publique que nous nous sommes engagés à travailler dans ce sens. Mais pour cela, il est très important que nous puissions compter sur des fonds destinés à la recherche et sur la base d'information de l'ICIS, et nous envisageons de travailler avec tout le monde pour que cela se produise.

Le président: Docteur Jeans.

Mme Mary Ellen Jeans: Pour ce qui est de la responsabilité, il est intéressant de constater que Statistique Canada et les instituts canadiens de recherche en santé ne recueillent aucune information portant sur le résultat des actes infirmiers. Ainsi, il serait possible d'améliorer la reddition de compte si l'on recueillait tout un ensemble de données et de renseignements sur les divers volets de notre système de soins de santé.

Les infirmiers et infirmières ne sont certes pas contre l'efficacité, mais nous croyons que le système n'obéit peut-être pas aux bons principes de fonctionnement. Nous recommandons que le système de soins de santé—ou que le réseau de santé—soit axé sur les principes des soins de santé primaires selon lesquels la population est appelée à participer davantage à la prise de décision relativement à l'organisation du réseau de santé et à la prestation des soins. En outre, d'après les mêmes principes, tous les professionnels de la santé sont autant de points d'accès au système et l'on utilise les compétences et les connaissances de ces gens-là aux bons endroits et au bon moment pour régler les problèmes devant effectivement être réglés. Nous estimons que ce genre de système, où l'on s'intéresserait davantage aux patients qu'aux établissements de soin, donnerait lieu à une plus grande responsabilisation et serait sans doute plus efficace.

Mme Sharon Sholzberg-Gray: Tout d'abord, pour ce qui est du groupe d'intervention Action santé, il est clair, je pense, que les 29 membres qui en font partie ont tous indiqué dans leurs mémoires—même s'ils ne répètent pas toujours les mêmes choses d'une année à l'autre—qu'ils veulent un système de soins de santé responsable où tous les prestateurs auront des comptes à rendre à la population pour ce qui est de la prestation des soins les plus efficaces et les plus rentables—de soins de haute qualité garants de résultats appropriés et positifs. Voilà pourquoi nous voyons d'un très bon oeil ce que font les instituts canadiens de recherche en santé ainsi que l'ICIS pour recueillir davantage d'informations. Sur ce plan, nous sommes tous d'accord.

Il est également évident, selon moi, qu'en ce qui concerne les instituts canadiens de recherche en santé, il est question de toute une variété de recherches, pas uniquement biomédicales et cliniques, mais aussi de recherches sur les systèmes de soins de santé et sur la santé de la population, afin que nous puissions avoir un effet positif sur la santé des Canadiens. Par ailleurs, je crois que nous sommes tous d'accord sur le fait que le financement n'est qu'une dimension d'un système de soins de santé viable—une dimension certes essentielle, mais qui ne nous exonère pas du devoir de nous intéresser également à d'autres aspects, comme la recherche, l'information, les ressources humaines et autres.

S'agissant de la question des ressources humaines dans le secteur de la santé, sachez que les adhérents de mon organisation sont des hôpitaux et des associations de santé provinciaux et territoriaux qui, soyons francs, contribuent au problème, même si ce n'est pas volontaire de leur part. À cause des réductions budgétaires, ils ont dû congédier des infirmiers et des infirmières, créer des emplois temporaires et effectuer des coupures dans le réseau de santé, qui sont autant de causes à ce problème. Ils veulent corriger la situation et ils nous ont indiqué que les ressources humaines en santé sont une de leurs principales préoccupations; c'est d'ailleurs pour cela que nous vous avons soumis notre cadre de viabilité.

Je pense donc que les membres du groupe d'intervention Action santé sont tous favorables à ce genre de cadre parce qu'ils veulent mettre sur pied un réseau viable. Mais pour cela, il faut de l'argent et il faut pouvoir aussi regrouper tout le reste.

Le président: Monsieur Gallaway.

M. Roger Gallaway (Sarnia—Lambton, Lib.): Merci, monsieur le président.

Ma question s'adresse au Dr Scully et peut-être à d'autres qui voudront éventuellement y répondre.

• 1045

Pour commencer, je dois vous préciser que je viens de l'Ontario et que ma connaissance de ce dossier est peut-être un peu influencée par la presse. Cela dit, j'aimerais que le Dr Scully nous dise ce que son association pense de la proposition de M. Klein, à la suite de ce ballon d'essai qu'on vient de lancer en Alberta à propos de ce que certains, notamment la presse, appellent un système de soins de santé à deux vitesses.

Deuxièmement, pensez-vous que la proposition de M. Klein est liée à un manque de fonds ou qu'elle tient plutôt de sa philosophie?

Dr Hugh Scully: Merci.

Monsieur le président, je ne puis réagir sur cette dernière remarque du député, parce que je connais pas suffisamment bien M. Klein ni sa philosophie personnelle pour faire un commentaire à cet égard.

Pour ce qui est de l'initiative lancée en Alberta, d'après l'interprétation que je donne des exposés et des discussions à ce sujet, il m'apparaît être clair que le système proposé continuera d'être alimenté par des fonds publics qui seront maintenant dirigés vers les établissements d'État et vers des établissements privés contractuels. Ce que nous voulons, c'est que les règles du jeu soient les mêmes pour tout le monde, autrement dit que tous ceux et toutes celles qui en ont besoin puissent continuer d'accéder au système de soins publics et qu'on ne fasse pas de différence dans le réseau privé quant aux services offerts.

À première vue, rien dans tout cela n'est contraire aux principes énoncés dans la Loi canadienne sur la santé. Cependant, il vaut certainement la peine de suivre ce dossier de près. Je répète que l'Association médicale canadienne continue d'appuyer le principe du financement public pour les services médicaux nécessaires et nous sommes prêts à collaborer si besoin est avec d'autres pour définir la gamme des services en question.

Il faudra donc suivre tout cela de très près, mais si le nouveau système prévoit l'accès universel et le maintien de la qualité des services, on peut affirmer qu'il est conforme à l'esprit de la loi. Mais si l'on s'écarte de cela, tel ne sera plus le cas et les Canadiennes et les Canadiens ne seront plus aussi bien servis. Or, rien ne prouve jusqu'ici que c'est ce qui va se passer.

M. Roger Gallaway: Très bien.

J'ai une autre question à poser à l'Association des infirmières et infirmiers du Canada, au Dr Jeans.

Je vis près de la frontière et, jour après jour, je m'entretiens avec des infirmières qui travaillent de l'autre côté, pour ainsi dire. Il y en a des centaines là où j'habite, et je n'exagère pas. Pensez-vous que la correction de ce problème, c'est-à-dire le rapatriement de ces gens-là, dépende essentiellement d'une augmentation des salaires des infirmiers et infirmières ou plutôt d'une amélioration des conditions de travail? Est-ce que nous ne leur avons pas offert assez? Avons-nous, essentiellement, négligé la profession infirmière dans ce pays?

Mme Mary Ellen Jeans: Le problème va certainement bien au-delà des salaires. Comme je le disais, les conditions de travail des infirmiers et infirmières n'ont cessé de se détériorer tout au long des 10 années de coupures opérées dans le système. C'est donc là une partie importante du problème.

Le plus grave en fait, c'est que la plupart des infirmières qui se retrouvent aux États-Unis sont nos jeunes diplômées, qui n'ont pu se trouver d'emploi à plein temps au Canada. Comme elles ne peuvent intégrer le réseau des soins de santé au Canada, il ne leur reste qu'à aller dans le sud. Voilà pourquoi nous devons d'abord offrir des emplois à temps plein, puis veiller à engager les jeunes diplômés dans ces emplois afin qu'ils acquièrent de l'expérience au Canada.

Soit dit en passant, tous les jours des infirmiers et infirmières qui sont allés aux États-Unis nous appellent pour nous demander si les choses changent, parce que certains d'entre eux ont l'intention de revenir. S'ils avaient la certitude de pouvoir décrocher un emploi ici et de retrouver un milieu de travail qui soit de nouveau favorable à la pratique professionnelle, ils seraient nombreux à revenir.

M. Roger Gallaway: J'aurais une toute dernière question à poser. Votre association dispose-t-elle de statistiques quant au nombre d'infirmiers et infirmières, que ce soit à l'échelon provincial ou national, travaillant à temps partiel?

Mme Mary Ellen Jeans: Oui.

M. Roger Gallaway: Avons-nous transformé nos hôpitaux en autant de Wal-Mart au point que tout le monde travaille à temps partiel?

Mme Mary Ellen Jeans: Non. Nous comptons environ 250 000 infirmiers et infirmières en activité au Canada dont la moitié travaillent à temps partiel, la moitié des 50 p. 100 restant occupe des emplois temporaires, ce qui veut dire qu'ils n'ont aucun avantage et qu'ils peuvent travailler dans cinq hôpitaux différents, ce qui n'est absolument pas sûr.

Vous savez, ce sont des patients très différents qui fréquentent les urgences des hôpitaux universitaires et les urgences des hôpitaux communautaires; l'organisation des lieux est différente et les équipes avec lesquelles on travaille—car il est essentiel que les gens travaillent dans le cadre d'une équipe—sont composées de gens totalement différents.

Ainsi, ces jeunes hommes et femmes qui essaient de progresser dans leur profession en travaillant dans quatre ou cinq lieux différents sont confrontés à un défi de taille. De plus, ce n'est pas sain pour le public.

M. Roger Gallaway: Très bien. Je vous remercie.

Merci, monsieur le président.

• 1050

Le président: Merci, monsieur Gallaway.

Monsieur Pillitteri, qui sera suivi de M. Nystrom et de M. Brison.

M. Gary Pillitteri (Niagara Falls, Lib.): Merci, monsieur le président. C'est un peu court.

Docteur Jeans, dans votre exposé de ce matin, vous avez parlé de ce qui se passe dans d'autres pays. Moi qui siège ici depuis de nombreuses années, je trouve parfois cela un peu contrariant. Je trouve contrariant que vous nous disiez que dans des pays comme en Afrique, les jeunes mères reçoivent des visites à domicile. Je vais vous dire d'où je viens et vous verrez si vous pouvez faire un lien avec tout cela.

Regardez les pays européens—et je ne vais même pas vous parler des pays du Tiers monde—qui dépensent moins que nous en santé. Au Canada, nous avons un des plus hauts niveaux de revenu par personne, exprimé en fonction du PIB, dans le monde et nous allouons presque 10 p. 100 de notre budget aux soins de santé. À l'analyse, il ressort que le seul autre pays qui dépense plus que nous est notre voisin du sud: les États-Unis. Les Américains dépensent entre 16 et 20 p. 100 du PIB dans l'assurance-santé. Où met-on la limite? N'a-t-on pas à faire davantage à un problème de répartition qu'à un problème d'investissement global dans le système? Voilà la première partie de ma question.

L'autre partie concerne les paiements de transfert en espèces qui ont augmenté de 11,5 milliards à 13 milliards de dollars et qui devraient passer à 14 et à 15 milliards de dollars par an. Mais nous avons également augmenté les transferts de points d'impôt aux provinces. Exigez-vous la même chose des provinces? Obtenez-vous votre juste part des provinces? À l'heure où nous augmentons les transferts en espèces, nous transférons également des points aux provinces. Est-ce que vous obtenez cette part des provinces? Assurez-vous un suivi de ce que les provinces vous transfèrent dans le réseau de l'assurance-santé, puisque ce sont elles qui s'en occupent?

Merci, monsieur le président.

Mme Mary Ellen Jeans: Je vais commencer par répondre à la première partie de votre question. Tout tend à indiquer que le fait de financer la santé publique, la promotion de la santé et les programmes de prévention des maladies a d'importante retombées bénéfiques sur la santé de la population. Nous avons affaire en partie à un problème de distribution. Je ne dis pas qu'il faut injecter des fonds nouveaux pour assurer un service de santé publique fondamental afin d'éviter les problèmes de santé chroniques chez les nouveau-nés ainsi que les problèmes de santé à long terme.

Par ailleurs, j'affirme que nous ne dépensons pas 10 p. 100 dans la santé. Nous en dépensons 9 p. 100 et peut-être légèrement moins. Tout ce que je dis, c'est que nous devons nous occuper de la santé et du développement des jeunes enfants, cela afin d'économiser en bout de course. C'est donc une question de répartition des fonds ainsi que de volonté politique de répartir l'argent de façon différente.

Mme Sharon Sholzberg-Gray: Pourrais-je répondre à la deuxième partie?

Le président: Bien sûr.

Mme Sharon Sholzberg-Gray: D'abord, je vais me faire l'écho de ce que Mary Ellen vient de dire en affirmant que nous dépensons 9 p. 100 du PIB dans la santé, ce qui, ne l'oublions pas, inclut les dépenses du secteur privé. Si l'on prend uniquement les dépenses du secteur public, la proportion n'est plus que de 6,5 p. 100. Il faut donc replacer tout cela en perspective. Nous ne sommes plus les deuxièmes pays de l'OCDE pour ce qui est des niveaux de dépenses, puisque nous nous retrouvons au cinquième rang. Il est toujours bon de savoir d'où l'on vient sur les plans de l'efficacité et de la rentabilité.

Deuxièmement, je vais vous répondre à propos des questions de transfert aux provinces et du fait que celles-ci encensent rarement le gouvernement fédéral pour les transferts de points d'impôt qui ont débuté en 1977, quand nous sommes passés au système de financement global et au financement des programmes établis.

Notre association, l'Association canadienne de soins de santé communique bien sûr à ses membres des provinces et des territoires qui le désirent les données concernant les transferts totaux aux provinces en matière de santé, d'éducation postsecondaire et de services sociaux. Je vous ferai remarquer au passage que le plancher potentiel de 15 milliards de dollars en espèces, prévu pour 2003, englobe non seulement les transferts en matière de santé, mais tous les autres. Nous communiquons tous les transferts à nos membres des provinces, notamment les transferts de points d'impôt et les transferts en espèces, et je vous ferai remarquer que nous allons bien au-delà des habituels discours politiques creux.

Mais même lorsqu'on tient compte des transferts de points d'impôt et des transferts en espèces, nous soutenons que, si le gouvernement fédéral veut demeurer l'un des principaux acteurs du système de santé dans l'avenir, il devra augmenter sa part de budget aux soins de santé. Nous lui attribuons toutefois le mérite d'avoir transféré ces points d'impôt. C'est ce que HEAL a toujours fait, nous l'avons toujours reconnu.

Le président: Docteur Scully.

Dr Hugh Scully: Merci, monsieur le président.

Il convient de reconnaître que près de 41 p. 100 du TCSPS vont aux soins de santé. Donc, ce n'est pas la totalité qui est transférée dans le domaine de la santé. À l'échelon fédéral, 9 p. 100 des dépenses vont à la santé, soit une très nette réduction de 50 p. 100 par rapport à la situation d'il y a 20 ans.

• 1055

Il est vrai que les provinces dépensent plus en santé, et cela est étayé. Au cours des dernières années, elles ont un peu plus dépensé que le gouvernement dans ce domaine. Le problème, ici, consiste à retrouver l'équilibre pour parvenir à une répartition qui soit plus équitable.

En dernier lieu, pour ce qui est de la comparaison avec les autres pays de l'OCDE, la Loi canadienne sur la santé nous oblige à financer les services médicaux nécessaires par des fonds publics, contrairement à ce qui se fait dans les autres pays dont vous avez parlé. Si nous voulons maintenir cette norme, le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux devront respecter leur engagement à cet égard.

Le président: D'autres remarques?

Très bien, passons à M. Nystrom pour sept minutes.

M. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD): Merci, monsieur le président.

Je vous souhaite la bienvenue à toutes et à tous et je reconnais d'ailleurs parmi vous certains vieux amis, comme Mme Sholzberg-Gray, Noelle-Dominique Willems et d'autres.

Je tiens à vous féliciter pour la cohérence de vos exposés. J'ai surtout été frappé ce matin par les récits effrayants, voire choquants, que vous nous avez relatés à propos du tarissement du financement des soins de santé. Dans quelques années, nous manquerons de 100 000 infirmières, nous manquerons de médecins, nous aurons des problèmes du côté des dentistes et des pharmaciens, nous serons confrontés à un problème de vieillissement de la population et au fait que la part de financement du gouvernement fédéral est tombée à 9 p. 100 contre 50 p. 100 il y a 25 ou 30 ans de cela. Eh bien, je trouve tout cela choquant et il était nécessaire qu'on nous le raconte.

Le ministre de la Santé est-il seulement au courant de cela? Pourquoi rien ne bouge? Est-il, par exemple, au courant du manque de médecins? Sait-il que nous allons être confrontés à une crise quant au nombre d'infirmiers et d'infirmières? Et s'il est au courant, alors quel est le problème? Est-ce un problème entre le ministre des Finances et le ministre de la Santé ou y a-t-il d'autres problèmes à propos desquels vous pourriez nous éclairer? Vous savez, je ne serais pas étonné qu'il y ait des heurts entre ces deux-là, pour toutes sortes de raisons, mais je suis sûr qu'il y a un problème. Serait-ce que le ministre de la Santé n'est pas au courant de la situation ou que le ministre des Finances essaie de le freiner un peu, pour une raison ou une autre?

Le président: Monsieur Scully.

Dr Hugh Scully: Je ne me lancerai pas sur ce dernier terrain, monsieur le président, mais les deux ministres savent qu'il y a un problème sur le plan de la santé car cela leur a été signalé l'année dernière.

L'honorable Allan Rock a présidé la rencontre de la semaine dernière, qui était coprésidée par le ministre de la Santé de l'Île-du-Prince-Édouard, rencontre à laquelle d'autres ministres ont participé. Je crois pouvoir dire qu'ils sont beaucoup plus au courant de la situation que ce n'était le cas lors de la dernière rencontre au début de cette année, également à l'Île-du-Prince-Édouard. Tous se sont engagés à continuer de collaborer avec les organismes du domaine de la santé—c'est-à-dire avec les infirmiers et infirmières, les médecins, les autres spécialistes, les pharmaciens et les dentistes—pour essayer de régler ce problème. J'ai retenu de cette réunion le fait que les gens sont optimistes et qu'ils pensent pouvoir réaliser certains progrès et commencer à régler le problème des pénuries au début de l'année prochaine.

M. Lorne Nystrom: Merci.

Le président: Quelqu'un d'autre veut-il faire une remarque à ce sujet?

Dr Jeff Poston: Je me dois bien sûr de rappeler que le gouvernement a organisé deux conférences nationales—l'une sur l'assurance-médicaments et l'autre sur les soins à domicile—pour recueillir des données et d'autres renseignements sur la portée et les répercussions de ces différents problèmes, sur l'absence d'un programme national d'assurance-médicaments et sur l'absence d'un programme de soins à domicile. Je crois donc pouvoir affirmer que le ministre devrait être au courant de ces différents problèmes.

M. Lorne Nystrom: Mme Sholzberg-Gray pourrait peut-être nous éclairer un peu à propos de ce ministère, de toute la question Rock-Martin dont je parlais. Je ne pense pas vous avoir entendu faire de remarques à ce propos.

Mme Sharon Sholzberg-Gray: Non, pas à cet égard, mais je tiens à rappeler l'un des passages du Discours du Trône où l'on dit qu'à un moment donné, dans l'avenir, on effectuera des investissements importants dans le domaine de la santé et où l'on parle de la nécessité de déterminer la meilleure utilisation possible de ces fonds.

Quant à nous, il n'y a aucun doute, c'est dans le financement et la stabilisation des composantes de l'actuel réseau des soins de santé—c'est-à-dire les hôpitaux et les médecins—que ces fonds seront le mieux employés. Par ailleurs, il convient d'élargir la gamme des services auxquels les Canadiennes et les Canadiens ont accès pour pouvoir justement bénéficier de services identiques, quel que soit leur lieu de résidence, et pour que les soins appropriés puissent être donnés en temps voulu par les fournisseurs les mieux désignés pour cela.

Il ne fait aucun doute, à nos yeux, qu'il faudra réaliser les prochains investissements le plus tôt possible, et nous sommes donc rassurés par ce qui a été dit à cet égard dans le Discours du Trône. Quant à mois, nous devrons surtout veiller à ce que cet engagement devienne réalité, et pas simplement dans un an ou deux d'ici.

Le président: Docteur Jeans.

Mme Mary Ellen Jeans: Je tiens à confirmer le fait que le ministre fédéral est très certainement au courant du problème. Il y a déjà deux ans et demi de cela, nous lui avons remis des rapports statistiques décrivant ces problèmes. Toutefois, je dirais que les choses sont complexes et qu'elles ne se limitent pas à un seul ministre. Pour parvenir à une stratégie nationale d'investissement dans les ressources humaines dans le domaine de la santé, j'inviterai M. Nystrom à s'entretenir avec sa propre ministre provinciale de la Santé qui semble penser que les infirmières sont un groupe de femmes opprimées réagissant à l'exercice d'un pouvoir auquel elles ne peuvent rien.

• 1100

Je ne suis pas convaincue que tous les ministres fédéraux ou provinciaux comprennent bien le lien qui existe entre le nombre d'infirmiers et d'infirmières, la qualité des effectifs et le genre de soins de santé que reçoivent les Canadiennes et les Canadiens.

M. Lorne Nystrom: Je me suis entretenu avec ma ministre provinciale et à plus d'une reprise. J'ai toujours soutenu les infirmiers et les infirmières de la Saskatchewan, comme le fils de la responsable du Syndicat des infirmières et infirmiers en Saskatchewan pourra vous le dire.

Je vais enchaîner sur une autre question posée par le sénateur Gallaway il y a quelques minutes. Le Dr Scully lui a répondu, mais j'aimerais entendre ce que le Dr Jeans et d'autres ont à dire à ce sujet. À propos de notre vieil ami Ralph Klein, pensez-vous qu'il aille à l'encontre des dispositions de la Loi canadienne sur la santé dans son projet de système de santé à deux vitesses et de privatisation des soins de santé? C'est un gros dossier. Je commence à recevoir des appels de mes électeurs à ce sujet, d'infirmières également et d'autres personnes en Saskatchewan. Alors, est-ce qu'il va à l'encontre de la Loi canadienne sur la santé?

Le Dr Scully a répondu à cette question et il a semblé un peu hésitant. Je pose la même question au Dr Jeans et aux autres et peut-être même également à Mme Sholzberg-Gray.

Mme Mary Ellen Jeans: Je ne suis pas avocate.

M. Lorne Nystrom: C'est tout à votre avantage.

Mme Mary Ellen Jeans: Je n'en suis pas sûre. Tout ce que je puis vous dire, c'est que je ne sais pas s'il est en infraction ou non des dispositions de la Loi canadienne sur la santé. Cependant, il est certain que l'AIIC est entièrement favorable à un système étatisé de soins de santé et nous savons qu'en présence d'un système à deux paliers, public et privé, la qualité des soins de santé se détériore dans les deux cas, parce que le système privé essaie évidemment d'offrir des services au moindre coût possible afin de réaliser des bénéfices ou du moins d'atteindre certains objectifs budgétaires. Nous ne voyons aucune raison, compte tenu de ce qui se passe dans les pays où ces deux systèmes cohabitent, d'essayer de faire la même chose. Cela étant, notre association n'est pas favorable à ce qui se fait en Alberta.

Mme Sharon Sholzberg-Gray: Tout d'abord, il faut faire la distinction entre financement public et...

M. Lorne Nystrom: Si je comprends bien, Mlle Gray est avocate.

Mme Sharon Sholzberg-Gray: Il faut donc faire la distinction entre financement public et financement privé et prestation des services. Si le gouvernement de l'Alberta a l'impression d'avoir trop réduit le budget du réseau hospitalier—tout semble indiquer que c'est ce qu'il a fait, sinon il n'aurait pas à envisager d'acheter des services auprès d'hôpitaux privés—il y a lieu de se demander pourquoi il ne réinvestirait pas dans les actuels hôpitaux sans but lucratif?

On pourrait également poser d'autres questions, par exemple: comment se fait-il que si cet hôpital était vraiment nécessaire il a été vendu à un prix de liquidation—et n'oubliez pas qu'à l'origine c'était un hôpital sans but lucratif—à une entreprise du secteur privé Bien sûr, le gouvernement de l'Alberta ne veut plus payer pour les murs, même s'il l'a fait au début. Voilà le genre de questions que l'on peut se poser.

Par ailleurs, si un hôpital traditionnel du secteur privé effectue des opérations de remplacement de hanche, par exemple, exigeant un suivi intense, des soins poussés et un programme de réadaptation, qui devra payer en cas de complication ou pour ces activités de suivi? Bien sûr, je suppose que ce sera l'hôpital ou les services sans but lucratif d'en face.

Il y a donc lieu de se poser des questions sur les véritables économies que permettra une telle politique. Quant à savoir si elle va à l'encontre de la Loi canadienne sur la santé, il nous faudra, pour cela, analyser le texte définitif qu'adoptera l'Alberta. Mais, a priori, je dirais que malheureusement tel ne sera pas le cas. Voilà pourquoi dans son mémoire l'ACSS réclame la tenue d'une évaluation et d'une analyse des conséquences de la privatisation des services de soins de santé bénéficiant d'un financement privé et public. Je crois qu'il y a lieu d'effectuer une telle analyse.

La privatisation des soins n'est pas quelque chose de nouveau au Canada. Cela existe déjà, comme vous le savez, dans le domaine des soins à domicile et des soins de longue durée. Les Canadiennes et les Canadiens ont, jusqu'ici, accepté cette réalité. Mais on dirait que, d'une certaine façon, un hôpital traditionnel a dépassé la limite sinon, il n'aurait pas suscité toute cette attention. Eh bien, nous estimons qu'il convient de se pencher sur cette limite afin de décider du genre de système de soins de santé dont nous voudrons dans l'avenir. Il semble que la plupart des Canadiens soient d'accord pour que l'on confie la prestation des services médicaux nécessaires au secteur public sans but lucratif.

M. Lorne Nystrom: Mon temps est écoulé et je vais maintenant céder la parole à un disciple de Ralph Klein: M. Brison.

• 1105

Des voix: Oh, oh!

M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Vous vous interrogiez à propos du manque d'ouverture des néo-démocrates de la Saskatchewan. Je peux vous dire que vous ne poserez pas cette question ni à mon propos ni à propos du Parti progressiste conservateur.

Une voix: Qui n'existe pas.

M. Scott Brison: C'est un autre problème.

Revenons-en à la situation de l'Alberta. Corrigez-moi si je me trompe, mais même dans ce que propose le Premier ministre Klein, le système est entièrement financé par les deniers de l'État. Il y a bien des services qui sont offerts par le secteur privé, mais ils demeurent financés à 100 p. 100 par le gouvernement, par le système à payeur unique. Est-ce que je trompe?

Mme Sharon Sholzberg-Gray: C'est le cas uniquement pour les aspects prévus dans la Loi canadienne sur la santé. Comme je le disais tout à l'heure, on compte au Canada énormément de services non hospitaliers assurés par le secteur privé et qui sont financés par les deniers publics.

M. Scott Brison: Bien sûr, mais la Clinique Shouldice de Toronto, par exemple, fournit des services spécifiques et apparemment les choses fonctionnent bien. Depuis combien de temps existe-t-elle cette clinique?

Mme Mary Ellen Jeans: Elle était déjà là avant qu'on adopte le système de financement public.

Mme Sharon Sholzberg-Gray: Elle existe depuis 1945.

M. Scott Brison: Ainsi, la prestation de services particuliers ne date pas d'hier.

Le président: Voulez-vous faire une remarque?

Dr Hugh Scully: À propos de votre question, et autant que l'on sache, jusqu'à présent les deniers publics servent à financer les services rendus à contrat par des établissements privés; on pourrait donc répondre ainsi à la question de M. Nystrom: «pas encore».

La question fondamentale à laquelle on n'a pas encore répondu est celle de savoir si l'on a optimisé la capacité de fonctionnement des établissements financés par les deniers publics. Je n'ai pas la réponse moi-même, mais je suis certain qu'il faudrait s'y intéresser.

La Clinique Shouldice est autonome. Par ailleurs, je signale que 99 p. 100 des médecins au Canada sont rémunérés par le système public, contre 1 p. 100 par des établissements employeurs ou autre. La Clinique Shouldice est un établissement autonome bénéficiant d'un statut d'antériorité et elle accueille de nombreux patients du monde entier, en plus des patients canadiens.

M. Scott Brison: Si l'on porte des oeillères et qu'on fait fi du genre d'ouverture et des exigences à prendre en considération pour que notre système de soins de santé soit compétitif, ne risquons-nous pas de nous retrouver avec un système de soins de santé à deux vitesses où des patients profiteront d'un financement canadien, où ils achèteront des services à l'extérieur du pays et investiront encore davantage de notre argent dans des centres d'excellence étrangers, comme aux États-Unis? Si nous ne veillons pas à répondre aux véritables besoins, plutôt que de nous en tenir à des contraintes philosophiques étroites, n'allons-nous pas courir un risque?

Dr Hugh Scully: Certains sont allés aux États-Unis pour se faire soigner, notamment des premiers ministres. Comme vous le savez très bien, cela se produit quand certains domaines ne sont pas suffisamment financés par le système public, par exemple dans le traitement du cancer et la prestation d'autres soins.

La difficulté, au Canada, consiste à maintenir un système public et à pouvoir compter sur un efficace approprié et donc concurrentiel. Le principe fondamental est celui de l'équité d'accès, et non la possibilité de bénéficier de soins en fonction de la capacité de les payer.

M. Scott Brison: Pour en revenir à la question de M. Nystrom, au sujet de la pénurie de médecins et d'infirmières, je crains que le ministre fédéral et les ministres provinciaux n'aient pas reconnu l'ampleur du problème dans le passé et je suis heureux d'entendre qu'ils sont peut-être en train de se convertir à cet égard.

Je m'inquiète des différences entre les régions rurales et les régions urbaines au Canada. Je pense que les collectivités rurales et les collectivités urbaines font face à des problèmes très différents quant aux effectifs de médecins et d'infirmières, et cela se vérifie également à l'échelle régionale. J'aimerais que vous me disiez un peu ce que vous pensez des différences entre les régions rurales et les régions urbaines tant en ce qui concerne les médecins que les infirmières.

Dr Hugh Scully: Vous avez tout à fait raison en ce qui concerne les médecins. Ce sont d'abord les possibilités offertes qui incitent les médecins à se rendre ou à rester dans une région rurale ou une région éloignée. Ils se demandent s'ils disposent des services dont ils auront besoin pour offrir leurs soins. En outre, je crois que c'est également vrai pour les infirmières et les autres professionnels de la santé. Le problème est le suivant: à cause des nombreuses coupures, ces services de soutien ont disparu.

• 1110

Intervient également le réseau de soutien professionnel, le fait de travailler en équipe. Il y a du travail pour tout le monde. On n'a pas assez favorisé cela et il convient de s'y intéresser.

Il y a aussi la question de l'éducation permanente et des possibilités sur ce plan. Quand on est sur appel sept jours sur sept, 52 semaines par an, on n'a tout simplement pas le temps de faire de l'éducation continue.

Les stratégies de recrutement qui ont donné des résultats aux États-Unis et ailleurs dans le monde, et qui, Dieu merci, sont maintenant de plus en plus utilisées au Canada, sont celles qui s'attaquent d'abord aux besoins des spécialistes, autrement dit à la question du milieu de travail et de la présence des autres spécialistes qui feront partie de l'équipe.

Deuxièmement, ces stratégies s'attaquent à l'aspect personnel. Nombre de médecins, d'infirmières et d'autres professionnels de la santé sont mariés et leur conjoint rapporte un deuxième revenu. Quarante-six pour cent des médecins de moins de 35 ans sont des femmes et les deux tiers d'entre elles sont mariées à d'autres spécialistes. Ainsi, si vous voulez recruter des femmes médecins, vous devriez ouvrir des débouchés pour leur conjoint, sinon elles n'envisageront jamais de déménager. Toutes ces mesures sont des incitatifs très intéressants. Les mesures de coercition ne fonctionnent tout simplement pas.

Et puis, il y a la question de l'éducation des enfants et des loisirs. Enfin, il y a celle de l'argent, c'est-à-dire du montant que l'on ramène au foyer, ce qui sous-entend des stratégies sur le plan fiscal entre autres.

L'un des aspects très importants qui a été soulevé plus tôt est celui du coût croissant de la formation des professionnels. La dette d'un finissant en médecine avoisine aujourd'hui les 100 000 $. C'est énorme. Il y a lieu de s'attaquer à cela.

M. Scott Brison: Et la licence? On m'a dit que plusieurs spécialistes ayant des licences étrangères se heurtent à d'énormes difficultés pour obtenir leurs documents canadiens afin, par exemple, de pouvoir pratiquer en région éloignée.

Dr Hugh Scully: Rien ne prouve que la proportion de diplômés étrangers exerçant en région éloignée soit très différente de la moyenne dans l'ensemble du pays. C'est le cas dans certaines provinces, surtout à Terre-Neuve et en Saskatchewan. En revanche, on s'est toujours intéressé à l'aspect sécurité pour le public et à la qualité des soins dispensés. J'ai recommandé qu'on augmente l'effectif de diplômés dans les postes de formation, et nous pourrions y parvenir en évaluant davantage de diplômés étrangers—c'est-à-dire de personnes ayant passé toutes les épreuves théoriques—afin de leur donner le droit de pratiquer là où on a besoin d'elles.

Le président: Docteur Jeans.

Mme Mary Ellen Jeans: Je vais répondre brièvement. Quand les choses vont bien, et que nous avons suffisamment d'infirmières dans le réseau de santé, nous n'en manquons pas dans le Nord. En revanche, dès qu'il y a pénurie d'infirmières ailleurs au Canada, la situation est beaucoup plus grave dans les régions rurales et du nord que dans les régions urbaines.

Par ailleurs, j'ajouterai à ce que vient de dire le Dr Scully que de nombreuses infirmières veulent aller pratiquer dans ces régions parce qu'elles sont beaucoup plus indépendantes et beaucoup plus responsables sur le plan professionnel. Par exemple, elles peuvent appliquer toutes les connaissances qu'elles ont acquises. Cependant, les infirmiers, infirmières et médecins qui pratiquent dans ces régions font face à des défis importants et il convient que le Canada adopte des plans novateurs et réalisables grâce auxquels nos compatriotes résidant dans les régions éloignées et rurales pourront obtenir le genre de services dont ils ont besoin et en fonction desquels les spécialistes de la santé pourraient assurer une présence par rotation. Je suis d'accord avec le Dr Scully quand il dit que le travail d'équipe permet d'offrir des soins de bien meilleure qualité et de conférer une bien meilleure expérience aux spécialistes des soins de santé.

Le président: Ce sera votre dernière question, M. Brison.

M. Scott Brison: Certains porte-parole d'organismes de financement d'hôpitaux nous ont dit que la fiscalité joue un rôle. Aux États-Unis, les titres échangés dans le public remis à une oeuvre de charité ne sont pas imposés pour les gains en capital, ce qui aide beaucoup. Au Canada, le taux d'imposition a été réduit, mais nous sommes encore très loin d'un taux nul. À cause de cela, les hôpitaux, de même que les universités et les fondations ne sont pas parvenus à récupérer les fonds nécessaires à la création d'une masse critique sur le plan de la recherche ou autres. J'aimerais que vous nous disiez ce que vous pensez de cela.

• 1115

Dans la même veine, si la fiscalité n'est pas forcément l'élément qui incite des professionnels de la santé, comme des infirmières ou des médecins, à aller travailler aux États-Unis, dans quelle mesure le régime fiscal américain permet-il de retenir un médecin ou une infirmière à Seattle, qui, avec un salaire de 60 000 $ par exemple, paie 28 p. 100 d'impôt, alors qu'à Vancouver il en paierait 51 p. 100?

Le président: Docteur Scully.

Dr Hugh Scully: Merci, monsieur le président.

Pour répondre à votre dernière question, il ne fait aucun doute que la politique fiscale et le revenu net sont des éléments importants. Comme vous le savez, cela explique en grande partie la fuite des cerveaux vers les États-Unis. C'est très inquiétant et c'est une question tout à fait légitime. Comme je paie personnellement beaucoup d'impôts, je suis tout à fait favorable à une diminution de la fiscalité. C'est une stratégie qu'il faudra adopter à tous les niveaux, pour pouvoir progresser.

Pour ce qui est des fondations je peux très certainement vous confirmer, puisque j'ai été chef du personnel à l'Hôpital général de Toronto, que vous avez raison à propos de la difficulté de mobiliser des fonds. J'espère qu'on tiendra compte de cet aspect lors de l'examen de la politique fiscale et qu'on reconnaîtra toute la légitimité des dons faits pour la recherche et pour l'éducation.

Le président: Docteur Jeans.

Mme Mary Ellen Jeans: Je tiens simplement à préciser que le problème fiscal n'est pas aussi grave pour les infirmiers et infirmières parce qu'on ne considère pas qu'ils sont de gros salariés. Toutefois, j'éviterais de me lancer dans un débat opposant l'amélioration du régime fiscal à l'investissement dans les soins de santé.

Je pense que, comme moi-même, la plupart de mes collèges ici présents veulent dire aujourd'hui au ministre des Finances qu'il est urgent d'investir dans le système de soins de santé canadien et que, si nous n'agissons pas tout de suite, il sera bientôt trop tard. Par «trop tard» je veux dire que nous allons prendre le chemin de la privatisation auquel les Canadiens ne sont pas favorables. La privatisation des soins de santé, où les riches ont accès à tous les soins alors que les pauvres doivent se contenter des miettes qu'on leur laissera, ne fait pas partie des valeurs canadiennes.

Je n'insisterai jamais assez sur le fait que nous sommes venus ici aujourd'hui pour que vous nous aidiez à conseiller le ministre afin qu'il finisse le travail de remise sur pied—non pas de construction mais bien de remise sur pied—du réseau des soins de santé pour le ramener à ce qu'il était il y a cinq ou six ans.

Le président: Docteur Poston.

Dr Jeff Poston: Je vais ajouter une petite chose sur la question des ressources humaines dans le secteur de la santé. Il y a vraiment lieu de réinvestir pour augmenter nos ressources sur ce plan. L'un des problèmes à cet égard tient au manque de professionnels dans le monde entier. Dans presque tous les pays occidentaux développés, on constate en effet une pénurie de pharmaciens. L'Australie est peut-être le seul pays où la situation semble être normale pour l'instant.

Les pays vont donc se faire de plus en plus concurrence pour recruter les professionnels de la santé formés à l'étranger, et il sera de plus en plus difficile de les attirer ici. Il convient donc de recommencer à investir dans notre propre système, d'augmenter nos propres ressources humaines—en pharmaciens, médecins, infirmières et dentistes—parce que le recrutement à l'étranger ne fonctionnera qu'à court terme. Cela sera de plus en plus compétitif.

Le président: Merci, docteur Poston.

Au nom du comité, je tiens à remercier nos invités. Comme à l'habitude, ces tables rondes sur la santé sont surtout intéressantes à l'époque des consultations prébudgétaires. Vous parvenez toujours à établir le bien-fondé de l'investissement dans les soins de santé.

Eh bien, vous pouvez tous être assurés que ce comité est tout à fait sensible à ces questions, parce que nous travaillons en fonction d'un grand objectif: l'amélioration de la qualité de vie des Canadiennes et des Canadiens. Comment parvenir à améliorer leur niveau de vie? À cet égard, nous sommes donc très ouverts à tout ce que vous avez à dire pour nous permettre de parvenir à mieux réaliser cet objectif.

Par ailleurs, comme nous devons veiller à la façon dont l'argent des contribuables est dépensé, nous nous intéressons à des questions comme la reddition de compte et la viabilité, ainsi qu'à toutes les questions importantes pour les Canadiens.

Soyez certains que vous avez beaucoup apporté à ce débat portant sur l'utilisation de l'excédent budgétaire. Au nom du comité, je tiens donc à vous exprimer toute notre gratitude.

La séance est levée.