HEAL Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON HEALTH
COMITÉ PERMANENT DE LA SANTÉ
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le lundi 5 juin 2000
Le président (M. Lynn Myers (Waterloo—Wellington, Lib.)): Je déclare ouverte cette séance du Comité de la santé. Conformément au paragraphe 32(5) du Règlement, nous étudions les projets de règlements sur le tabac.
Comme nous devons entendre aujourd'hui plusieurs témoins, j'essaierai de mener rondement la séance pour que nous puissions entendre avec toute la célérité possible non seulement vos points de vue et vos exposés, mais aussi les questions qui vous seront posées plus tard.
Monsieur Egerdie, je crois que vous êtes le porte-parole du groupe et que vous êtes le directeur général de la Ontario Convenience Stores, Association (Association ontarienne des dépanneurs). Vous êtes accompagné d'Arnold Kimmel, président de Quickie Stores et de Sam Jabbour, directeur de President Sam's Convenience.
Monsieur Egerdie, voulez-vous commencer?
M. R.F. Egerdie (directeur général, Ontario Convenience Stores Association): Oui.
Monsieur le président, mesdames et messieurs, c'est au nom de tous les membres de l'Association ontarienne des dépanneurs que j'aimerais vous remercier de nous accueillir.
Nous sommes trois à vouloir prendre la parole, et notre message sera donc divisé en trois parties. Je propose que nous fassions tous les trois un bref exposé oral, pour que vous ayez le maximum de temps pour nous poser des questions.
Notre association représente plus de 1 200 points de vente au détail partout en Ontario, et l'intérêt que nous manifestons pour les questions dont le comité est saisi est partagé par les propriétaires de plus de 16 000 dépanneurs au Canada que fréquentent, soit dit en passant, plus de 6 000 Canadiens par semaine. Partout au pays, les dépanneurs représentent plus de 8 milliards de dollars annuellement en biens et services. Notre industrie emploie plus de 160 000 Canadiens.
Au nom de nous tous ici réunis, je voudrais commencer par un élément clé. Nous considérons que la vente de tabac est une responsabilité très importante que nous ne prenons pas à la légère. Nous voulons en effet aider à réduire le tabagisme chez les jeunes, parce que c'est la loi et que nous avons l'intention de la respecter.
Les chaînes de dépanneurs sont aux premières lignes des programmes de formation et d'éducation pour notre personnel, programmes qui visent à faire respecter pleinement la loi. La campagne «Opération carte d'identité» a été élaborée par l'industrie du tabac, notamment pour partager ces programmes de formation avec les petits indépendants. Certaines des grandes compagnies effectuent même des vérifications ponctuelles de façon continue dans leurs dépanneurs—les évaluations mystères, comme on dit—en vue d'appliquer chez eux le principe de la tolérance zéro de la vente des produits du tabac aux mineurs.
Cela représente des efforts substantiels et cela fait appel à des dizaines de milliers de détaillants responsables partout au Canada. Ainsi, l'une des chaînes qui est membre de notre association dépense à elle seule plus de 500 000 $ par année, en Ontario seulement, pour former ses employés et pour se conformer à d'autres mesures.
Nous savons que notre industrie n'est pas parfaite et que certaines entreprises sont plus responsables que d'autres, mais le respect total de la loi ne sera possible que si tous les acteurs, y compris le gouvernement, continuent à déployer des efforts et à coopérer.
Dans un instant, M. Kimmel vous parlera des autres choses que nous pourrions faire—c'est-à-dire de certaines des mesures constructives qui pourraient permettre de lutter efficacement contre le tabagisme, surtout chez les jeunes. Mais tout d'abord, j'aimerais ajouter notre voix à celle des autres associations qui se sont dites outrées par le comportement scandaleux de Santé Canada—et je parle bien d'un comportement scandaleux.
Monsieur le président, votre comité a déjà entendu expliquer comment Santé Canada avait exclu systématiquement l'ensemble du secteur de la vente en gros et au détail de toutes les consultations sur les grands enjeux dont vous êtes saisis. On vous a déjà expliqué en détail comment Santé Canada avait exercé une manipulation cynique en vue de s'assurer que nos membres ne puissent prendre part au test d'impact sur les entreprises obligatoire. Maintenant que vous connaissez la vérité, nous sommes certains, monsieur le président et mesdames et messieurs du comité, que vous serez aussi outrés que nous l'avons été par ce que vous ont dit la semaine dernière les représentants de Santé Canada.
Laissez-moi vous citer le sous-ministre adjoint, M. Ian Potter:
-
Santé Canada a tout fait pour s'assurer que les décisions touchant
le contenu de sa proposition soient aussi éclairées que possible.
Or, les membres du comité ont entendu nombre de témoignages qui prouvent le contraire. Vous avez également en votre possession la chronologie complète des événements démontrant comment Santé Canada a tout fait pour s'assurer du silence de nos membres et de notre non-participation à la démarche.
Voici ce qu'a dit M. Potter lors de ce même témoignage à votre comité:
-
[...] d'après l'analyse de rentabilité, l'ensemble de l'économie et
les secteurs du détail et de gros en particulier devraient en fait
voir croître le nombre d'emplois [...]
Il a bel et bien dit: «voir croître le nombre d'emplois».
Puis, on a demandé à M. Potter ceci: «Avez-vous analysé l'incidence des règlements proposés sur les emplois?» Et M. Potter a répondu notamment ceci: «Il y aura une augmentation nette de 1 954 emplois...»
• 1540
Monsieur le président, vous pouvez imaginer notre état de choc et
même notre colère! Quelle analyse? D'où a-t-on tiré ce chiffre?
Certainement pas des tests d'impact sur les entreprises, puisqu'il n'y
en a pas eu. On ne le mentionne aucunement dans le REIR officiel
publié dans la Gazette du Canada.
En fait, pendant plus d'un an, Santé Canada nous a éloignés systématiquement du processus de consultation en prétendant précisément que les projets de règlements n'auraient aucune incidence sur notre industrie. Le 22 janvier dernier, Santé Canada affirmait dans la Gazette du Canada:
-
Les répercussions sur les distributeurs et les détaillants seraient
indirectes et seraient liées aux coûts supplémentaires qui leur
seraient transférés.
Monsieur le président, Santé Canada a tout à fait raison au sujet d'une chose: si les coûts des projets de règlements se transforment en une augmentation des prix des produits du tabac, tous les détaillants et grossistes du Canada seront directement touchés.
Comme on l'a vu de tout temps, l'augmentation des prix du tabac nous touche directement, car cela fait augmenter les incidences de crime et la croissance d'un marché noir qui n'est que trop heureux de vendre des cigarettes à des enfants. Santé Canada est en train de proposer des changements à ce point considérables qu'ils pourraient avoir une incidence profonde, voire dévastatrice, sur des milliers de petits détaillants de partout au Canada.
Monsieur le président, si Santé Canada essaie délibérément d'acculer les détaillants qui vendent des produits du tabac à la faillite, si c'est là l'intention véritable du gouvernement, le ministère a alors le devoir de faire connaître ses plans à la population pour qu'elle puisse les regarder de près.
Par ailleurs, si Santé Canada est en train d'acculer les détaillants à la faillite par simple ignorance, par manque de consultation, alors votre comité a la possibilité de rendre un très grand service à la population en faisant en sorte que nos voix soient entendues.
Dans le mémoire que nous avons fourni à votre comité et daté d'aujourd'hui, nous proposons 10 recommandations que j'aimerais répéter:
-
L'Association ontarienne des dépanneurs recommande que Santé Canada
retourne à la case départ et propose un nouveau mécanisme de
consultation véritable qui étudie dans leur contexte tous les
projets de règlements et qui se penche honnêtement sur des
solutions de rechange éprouvées, telles que l'opération Carte
d'identité.
Nous espérons que votre comité enjoindra à Santé Canada d'obtempérer, et nous vous remercions de nous avoir écoutés.
J'aimerais maintenant céder la parole à M. Arnold Kimmel, président des Dépanneurs Quickie.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Egerdie, de vos commentaires et de votre exposé.
Monsieur Kimmel, vous avez la parole.
M. Arnold Kimmel (président, Quickie Stores): Merci.
Monsieur le président, Quickie est une chaîne régionale de dépanneurs qui compte 42 points de vente dans l'est de l'Ontario et dans l'ouest du Québec. J'ai lancé cette entreprise il y a maintenant 27 ans et celle-ci a pris de l'ampleur, un dépanneur à la fois, sept jours par semaine et souvent 24 heures par jour. Je suis très fier de notre entreprise et du rôle que nous jouons au sein des collectivités que nous desservons.
Nous avons donné plus de trois millions de dollars à diverses installations et causes communautaires par le truchement de la Fondation communautaire Quickie et des Dépanneurs Quickie. Notre compagnie fait partie de l'Association ontarienne des dépanneurs et de l'ADA du Québec. Nous sommes parmi les détaillants sérieux qui appliquent la politique de tolérance zéro à l'égard de la vente des produits du tabac aux mineurs. Nous formons nos employés pour qu'ils ne vendent pas à des mineurs et pour qu'ils souscrivent à notre politique. Ma politique à l'égard de mes employés est très simple: dès que j'en vois un vendre des cigarettes à un mineur, il est mis à la porte, point final.
Il y a deux semaines, nous avons fait l'objet d'un test de conformité. Une heure après avoir appris que nous avions échoué le test, nous avons mis à pied l'employé qui avait vendu des cigarettes à un mineur.
Je suis ancien président du conseil d'administration de la National Association of Convenience Stores de Washington, D.C., soit la NACS, qui représente plus de 100 000 dépanneurs répartis dans toute l'Amérique du Nord. Je le mentionne parce que lorsque je siégeais au conseil d'administration de cette association, nous avons lancé un programme appelé «We Card». Le programme «We Card» comporte une formation complète et une trousse d'affichage et son objectif est de sensibiliser les propriétaires de dépanneurs au fait qu'ils ne doivent pas vendre de tabac aux mineurs.
Ce programme a recueilli l'appui national du gouvernement des États-Unis, du gouvernement de chaque État et de la plupart des municipalités. Il faisait appel à la participation de tous les intervenants dont les fabricants de produits de tabac, les grossistes, les détaillants, les organismes gouvernementaux et tous les paliers de gouvernement. Je peux vous assurer que la mise en oeuvre de ce programme a grandement contribué à restreindre l'accès des jeunes aux produits du tabac.
J'ai contribué à lancer au Canada le programme Opération Carte d'identité s'inspirant du programme américain. Le financement du programme a été assuré par le Conseil canadien des fabricants des produits du tabac. Dans le cadre de ce programme, qui n'a cependant pas connu autant de succès au Canada qu'aux États-Unis, des dizaines de milliers de trousses de formation ont été envoyées aux détaillants canadiens. Qu'est-ce qui explique le fait que le programme n'ait pas connu autant de succès au Canada qu'aux États-Unis? C'est que dès le lancement du programme, Santé Canada et le mouvement anti-tabac, au lieu d'appuyer le programme, ont fait les manchettes des journaux en le répudiant et en soutenant qu'il ne s'agissait que d'un miroir aux alouettes financé par les fabricants de produits du tabac.
• 1545
Le gouvernement n'a pas appuyé le programme. Bon nombre des symboles
figurant dans la trousse n'ont pas pu être utilisés parce que divers
ministères de la Santé du pays ont insisté pour qu'on utilise leur
propre symbole. Autrement dit, au lieu que tous concourent à mettre en
oeuvre un programme national, chacun a voulu protéger son propre
territoire. Deux villes canadiennes ont cependant appuyé le programme
et environ 99 p. 100 des détaillants de cette ville s'y conforment.
À titre de détaillant, j'en ai vraiment assez de servir de bouc émissaire. Il est vrai que certains détaillants sont prêts à vendre des produits du tabac à des mineurs, mais il suffit, pour les arrêter de le faire, d'appliquer rigoureusement la loi. Les détaillants qui ne respectent pas les conditions fixées dans leur permis et qui continuent de vendre des produits du tabac à des mineurs devraient perdre leur permis. Il ne faut pas faire porter le poids de l'irresponsabilité de certains détaillants à l'ensemble de l'industrie.
On ne peut pas imputer aux détaillants des produits du tabac la culture sociale qui influence nos jeunes. Si l'on veut vraiment empêcher les jeunes de commencer à fumer, il faut restreindre la demande parce que si les jeunes veulent quelque chose, ils l'auront. Même s'ils n'ont pas l'âge réglementaire, certains jeunes obtiennent aussi de la bière et de l'alcool.
Adoptez donc une loi qui comporte des sanctions rigoureuses. Faites en sorte qu'il soit illégal pour les mineurs d'avoir en leur possession des produits du tabac. Vous n'avez pas idée à quel point il est frustrant de voir un groupe de mineurs se rassembler à l'extérieur d'un dépanneur pour fumer. Quelle incidence cela a-t-il, pensez-vous, sur la crédibilité publique de ce détaillant qui a peut-être, par ailleurs, une politique de tolérance zéro en ce qui touche la vente de produits du tabac aux mineurs?
Faites en sorte que les enfants de la maternelle à la neuvième ou à la dixième année soient sensibilisés aux méfaits du tabagisme dans le cadre du programme scolaire. Permettez la vente chez tous les détaillants de produits qu'on peut obtenir sans ordonnance pour essayer d'arrêter de fumer.
Monsieur le président, voilà le type de mesures que nous pensons que Santé Canada devrait envisager. Or, nous craignons que le gouvernement songe à mettre en oeuvre des changements réglementaires qui mettront en péril les emplois dans notre secteur ainsi que nos entreprises sans que cela permette d'atteindre des objectifs sociaux ou des objectifs de santé importants.
Monsieur le président, nous sommes en particulier alarmés d'entendre dire que Santé Canada songe à augmenter le prix des produits du tabac afin d'essayer d'empêcher les mineurs de commencer à fumer. Lorsqu'elle a comparu devant le comité la semaine dernière, Mme Jane Meyboom de Santé Canada a estimé qu'il coûterait jusqu'à 700 millions de dollars au ministère pour mettre en oeuvre les seuls règlements portant sur l'étiquetage et l'établissement de rapports. Il ne fait aucun doute que ces augmentations de coût se répercuteront sur les prix de gros et de détail. M. Potter de Santé Canada a également mentionné que le gouvernement songeait à augmenter les taxes sur le tabac:
-
prix des produits du tabac, car nous savons que le facteur prix est
particulièrement déterminant pour les jeunes. Nous croyons que toutes
ces mesures auront un effet.
Monsieur le président, si les représentants de Santé Canada avaient mené des consultations auprès de notre industrie, nous leur aurions rappelé que toute hausse des prix du tabac s'accompagne d'un accroissement de la criminalité. Des voleurs ont jusqu'ici subtilisé cette année 60 000 $ de produits du tabac dans les magasins appartenant à ma chaîne. Qu'en est-il de la sécurité de mes employés? Qu'adviendra-t-il si je ne peux plus assurer mon entreprise?
Où aboutissent ces cigarettes? Sur le marché noir. Elles font l'objet de commerce de contrebande. La contrebande n'est pas seulement transfrontalière. Ces cigarettes sont vendues dans les cours d'école, à partir des coffres de voiture, chez des détaillants peu scrupuleux, et aboutissent entre les mains de criminels qui ne demandent pas qu'on leur présente une carte d'identité et qui ne paient pas de taxes.
• 1550
Monsieur le président, les fonctionnaires zélés du ministère de la
Santé doivent bien se souvenir pourquoi leur propre gouvernement,
notre propre gouvernement, a considérablement réduit les prix des
produits du tabac en 1994. Nous n'arrivons vraiment pas à comprendre
pourquoi un ministère voudrait répéter les erreurs commises.
Nous ne sommes pas la source du problème. Nous voulons participer à la recherche d'une solution à ce problème. Tenez compte de notre position et collaborez avec nous.
Je vous remercie, monsieur le président. Je cède maintenant la parole à M. Sam Jabbour de la Canadian Association of Independent Convenience Store Operators.
Le président: Je vous remercie beaucoup, monsieur Kimmel.
Monsieur Jabbour.
M. Sam Jabbour (président, Sam's Convenience; directeur, Canadian Association of Independent Convenience Store Operators Inc.): Monsieur le président, mesdames et messieurs, je suis honoré de comparaître devant vous aujourd'hui à titre de directeur de la Canadian Association of Independent Convenience Store Operators.
Notre organisation représente des milliers de Canadiens laborieux qui possèdent et exploitent des dépanneurs. Je comparais aujourd'hui officiellement au nom des membres de notre association, mais aussi au nom des membres de ma famille.
Monsieur le président, on vous a fourni beaucoup de statistiques. On vous a aussi beaucoup parlé des études qui ont été faites et des emplois qui existent dans notre industrie. Voilà des sujets dont on aime discuter à Ottawa. Je suis ici pour rappeler aux représentants de Santé Canada que nous discutons de vraies personnes, de vraies familles et de vraies petites entreprises. Nous discutons en fait de notre vie.
Permettez-moi de vous dire quelques mots au sujet de ma propre vie. Depuis dix ans, j'exploite un petit dépanneur à Mississauga. Comme c'est le cas de la plupart des dépanneurs indépendants, il s'agit d'une entreprise familiale. Ma femme et moi sommes presque les seuls employés de l'entreprise. C'est d'ailleurs tout ce que l'entreprise peut se permettre comme employés. Cela signifie que l'un d'entre nous travaille au dépanneur sept jours par semaine de 7 heures à 23 heures. Nous faisons à l'occasion appel à un employé à temps partiel. À l'occasion, nos enfants adultes nous aident.
Comme la majorité des détaillants, nous ne vendons pas de cigarettes aux mineurs. Nous ne l'avons jamais fait et nous ne le ferons jamais. Nous demandons toujours à voir la carte d'identité des acheteurs. Les jeunes à qui nous demandons leur carte d'identité nous en veulent tellement qu'ils ne reviennent jamais. Nous les perdons comme clients. C'est le prix que nous devons payer et nous l'acceptons.
Monsieur le président, nous travaillons pendant de très longues heures pour subvenir aux besoins de notre famille. Nous vendons des produits qui sont autorisés par la loi. Nous ne faisons rien de mal. Nous offrons un service à notre collectivité. C'est cela la vraie vie.
Quand les représentants de Santé Canada parlent d'augmenter le prix des cigarettes, je songe à la sécurité de ma famille, car je crains les vols par effraction et les vols à main armée. Lorsque le prix du paquet de cigarettes est monté à 6 $, nous avons fait l'objet de deux importants vols à main armée. Depuis la baisse du prix du paquet de cigarettes, nous n'avons fait l'objet d'aucun vol à main armée.
Quand Santé Canada parle d'emballage neutre et du fait que les cigarettes devraient être conservées sous le comptoir, je me demande ce qui se passera lorsque nous aurons la tête sous le comptoir. Je pense au vol à l'étalage. Je me rappelle le soir où mon fils s'est tourné le dos pendant quelques secondes tandis qu'il servait quelqu'un au comptoir. Ce soir-là, un homme a posé un fusil sur sa tempe.
Quand Santé Canada parle de mettre fin aux tarifs de location, cela revient à supprimer l'équivalent de tous mes profits. On parle de me retirer mon gagne-pain.
Santé Canada semble penser que nous allons trouver autre chose à vendre pour compenser le manque à gagner résultant de la disparition des tarifs de location ou de l'abandon de la vente de cigarettes.
C'est un grand problème que nous avons avec Santé Canada, monsieur le président. Le ministère réfléchit à des politiques. Il oublie la vraie vie. Il est bien certain que s'il existait un produit magique que nous pourrions vendre à profit dans nos magasins, nous le vendrions déjà, cigarettes ou pas.
• 1555
Nous pensions que c'était le genre de renseignement bien concret que
Santé Canada voulait obtenir par cette consultation. Puis nous nous
sommes rendu compte que Santé Canada ne voulait pas obtenir
d'information de nous. On ne voulait pas nous consulter, parce que peu
leur importait que nous perdions nos entreprises familiales.
Franchement, je n'ai pas été étonné par ce qui s'est produit à Montréal. C'était simplement une autre façon pour Santé Canada de nous faire comprendre que notre sort ne les intéressait pas, ni le sort de nos membres, ni celui de nos entreprises ni de nos familles.
Vous avez beaucoup entendu parler de ces projets de règlements. J'aimerais ajouter une observation, moi qui me tiens derrière le comptoir depuis 10 ans.
Je ne veux pas voir les enfants fumer, mais un enfant ne se met pas à fumer parce qu'il voit un paquet de cigarettes dans un magasin. Inversement, si l'on cachait les paquets de cigarettes sous le comptoir, croyez-vous honnêtement que les enfants ne fumeraient pas?
Au nom de mon association ainsi que de ma famille, j'aimerais vous présenter quelques demandes.
Quand Santé Canada vous parle de son test de l'impact sur les entreprises, pensez un peu à mon épouse et à moi, qui rentrons du travail vers minuit, et qui devons tâcher de répondre à des questions sur l'impact de réglementation du tabac sur la compétitivité globale de notre dépanneur.
Quand Santé Canada vous parle de groupes de discussion, d'initiatives de politique d'intérêt public et de stratégies complètes, pensez un peu à mon épouse et à moi, à des milliers d'autres couples comme nous qui travaillons tard le soir à nos magasins parce que nous n'avons pas le choix.
Enfin, la prochaine fois que Santé Canada vous parlera de son projet de réglementation du tabac qui créerait quelque 2 000 emplois, rappelez-vous qu'en réalité il est bien plutôt question de détruire nos entreprises et de dévaster nos familles.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Jabbour. Vous avez présenté une intervention très touchante.
Je vous remercie tous.
Soit dit en passant, quand vous parlez de la criminalité, je vous comprends bien. Avant d'être élu, je dirigeais la police régionale de Waterloo, qui compte 700 agents de police, et je sais bien ce qui peut se produire dans des dépanneurs comme le vôtre, par exemple, et j'imagine la terreur qu'on doit ressentir, par exemple, quand on vous braque un pistolet sur la tempe. Je tiens à vous dire qu'à ce propos je compatis grandement avec vous et avec votre famille.
M. Sam Jabbour: Merci, monsieur le président.
Le président: Monsieur Mills, vous avez la parole.
M. Bob Mills (Red Deer, Alliance canadienne): Merci beaucoup aux témoins d'être venus comparaître.
Vous vous en êtes pris à Santé Canada, et je pense qu'il faut dire en fin de compte que le ministère se préoccupe des 45 000 personnes qui meurent chaque année en raison du tabagisme. Je suis sûr qu'on essaie de trouver des solutions, aussi, de mettre fin à ce coup terrible pour la société et les familles qui sont touchées, les jeunes qui sont touchés, et tous les autres. Je suis sûr que vous reconnaîtrez avec moi que c'est un grand sujet de préoccupation et qu'on voudrait bien qu'il existe une solution simple ou un autre produit que vous puissiez vendre à la place des cigarettes.
Je crois que nous devrions aussi dire à Santé Canada qu'il lui faudrait encourager les compagnies de tabac à essayer de trouver une solution de rechange qui ne serait pas nuisible. Je pense toutefois qu'elles ont des intérêts qui les retiennent de le faire. Peut-être que nous y perdons tous par la faute de ces grosses sociétés, et je ne suis pas sûr qu'elles se préoccupent autant du bien-être de la population que nous le faisons au niveau local.
De plus, d'après les statistiques, 30 p. 100 au moins des petites entreprises, des dépanneurs, de ces magasins, vendent des produits du tabac aux jeunes et empochent ainsi des centaines de millions de dollars. Les jeunes sont un marché facile. Je me demande comment vous régleriez le sort de ceux qui enfreignent la loi.
Deuxièmement, je vais à l'occasion dans un petit dépanneur, comme nous le faisons tous—c'est une chose courante au Canada—et je vois que des cigarettes voisinent des tablettes de chocolat et des palettes de gomme à mâcher. Je ne peux pas m'empêcher de me demander pourquoi on ne les place pas ailleurs, pas à proximité des produits que les jeunes achètent, car la plupart des enfants et des adultes aiment bien les tablettes de chocolat aussi.
• 1600
Troisièmement, pour ce qui est du système de justice pénale, encore
là ce n'est qu'une observation, nous n'avons pas changé la Loi sur les
jeunes contrevenants, nous n'appuyons pas les forces policières comme
nous devrions le faire il me semble, et nous semblons nous préoccuper
davantage des criminels que des victimes. C'est en partie pour cela
qu'un marchand aurait lieu de craindre de se pencher derrière son
comptoir. Je ne suis pas sûr que cela tienne tellement à la
réglementation du tabac qu'à notre soutien à la police, et à tout le
système judiciaire qui, d'après ce que je constate, ne donne pas grand
résultat.
Voilà donc trois choses que je vous soumets. J'aimerais pouvoir proposer une réponse. J'aimerais qu'on puisse dire que c'est facile à résoudre, mais ce n'est pas le cas. Comment répondriez-vous à ces questions: les gens qui enfreignent la loi; l'emplacement des paquets de cigarettes et enfin la question du système judiciaire?
M. Sam Jabbour: Je répondrai d'abord à la première question.
Tout comme Santé Canada, nous sommes préoccupés par la situation des fumeurs. Bien sûr, nous faisons partie de la société. Le fait est toutefois que nous ne faisons pas partie du problème et nous ne voulons pas non plus en faire partie. Nous voulons contribuer plutôt à la solution. C'est pour cette raison que nous demandons qu'on déploie des efforts communs avec Santé Canada pour qu'il y ait un véritable test de l'impact sur les entreprises, un TIE.
Pour ce qui est du tabagisme chez les jeunes, nous prenons la question très au sérieux. Je suis sûr que la grande majorité tout au moins des membres de mon association prennent bien soin de ne pas vendre des cigarettes aux mineurs. Nous pouvons trouver une solution grâce à des efforts de coopération de notre part, de la part du gouvernement et de Santé Canada. Nous pouvons intégrer des programmes, conjuguer l'observation et l'éducation, parce que c'est à l'école et à la maison que ces enfants commencent à s'habituer à fumer. Nous devrions trouver un programme pour éduquer ces enfants pour qu'ils évitent de fumer et leur expliquer les dangers du tabagisme. Grâce à des efforts concertés, nous pouvons en arriver à une solution.
Nous devrions imposer des limites et des restrictions très strictes à ceux qui vendent des cigarettes. Quiconque vend des cigarettes à un mineur devrait être puni. Il devrait répondre de la façon irresponsable dont il a agi. Nous sommes prêts à collaborer avec le gouvernement, avec Santé Canada, pour trouver des solutions à ce problème.
M. R.F. Egerdie: Peut-être pourrais-je ajouter quelque chose.
Je trouve que le mot «coopération» est le mot clé, parce que tous les secteurs de la société, nous compris, les détaillants qui vendent des produits du tabac, le gouvernement, la police, la société en général et les éducateurs, tous ont un rôle à jouer.
Les seules mesures juridiques visant à interdire la vente de tabac aux mineurs concernent les détaillants, qui peuvent et devraient être poursuivis si on les prend en défaut. C'est contre la loi; il ne faut pas le faire. Une procédure judiciaire est prévue à cet effet. C'est une chose qui devrait nous aider.
Mais je pense que cela nous aiderait aussi s'il était illégal pour un mineur de posséder du tabac. Je ne veux pas dire que tous les policiers au Canada devraient s'efforcer d'arrêter les enfants qui ont des cigarettes en leur possession, mais je pense que cela aurait un effet très salutaire: d'abord, les enfants comprendraient qu'ils n'ont pas le droit d'avoir du tabac en leur possession, et ensuite les parents interviendraient et diraient à leur fils ou à leur fille qu'ils ne doivent pas en avoir en leur possession; qu'ils ne doivent pas fumer. Je pense que cela aurait un effet salutaire sur l'éducation que les parents donnent aux enfants. De plus, si les écoles utilisaient ce matériel pédagogique de la même manière, je pense que la société dans son ensemble concerterait ses efforts pour s'attaquer au ce problème.
M. Bob Mills: Devrait-on poursuivre les parents? Si on tombe sur des enfants qui ont des cigarettes en leur possession, devrait- on imposer une amende aux parents?
M. R.F. Egerdie: C'est une excellente question dont on aurait peut-être dû tenir compte dans le cadre du TIE auquel on ne nous a pas demandé de contribuer.
Le président: Très bonne réponse, monsieur Egerdie. C'était très diplomate de votre part. J'aime bien cela.
Madame Wasylycia-Leis.
Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD): Merci beaucoup, monsieur le président.
Je voudrais tout d'abord poursuivre dans la même veine en parlant de la stratégie générale utilisée pour lutter contre ce problème très grave qui touche la société aujourd'hui, notamment les jeunes, à savoir le tabac. À la fin de votre mémoire, vous faites de nombreuses recommandations. Il y en a quatre qui méritent, à mon avis, que l'on s'y attarde longuement.
D'une certaine façon, ma question s'adresse peut-être davantage au président. Y a-t-il un mécanisme en vertu duquel nous pouvons exiger un rapport ministériel sur chacune de ces recommandations pour voir quels sont les progrès qui ont été réalisés et quelles pourraient être les étapes prochaines pour le comité? Je ne sais pas si vous voulez répondre à cette question, monsieur le président, mais je voulais simplement signaler cette question à l'intention des membres du comité.
Je crois qu'il y a quatre solutions très importantes sur lesquelles nous devrions nous pencher et étudier les pour et les contre, notamment celle qui interdirait, par la force de la loi, aux jeunes de fumer. Certes, cette solution serait très controversée et pourrait même être difficile à mettre en oeuvre, mais nous devrions, à tout le moins, peser les pour et les contre.
Les autres solutions, cependant, sont...
Le président: Madame Wasylycia-Leis, nous aurons une autre réunion demain et il y aura un vote cet après-midi. Nous n'aurons pas tout le temps voulu. Je propose que nous nous réunissions de nouveau mercredi entre 12 h 30 et 13 h 30. Nous pourrons demander au ministère de préparer une réponse d'ici là. Je pense qu'ils auront suffisamment de temps pour préparer une réponse. Votre question est très pertinente.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Très bien. Je ne m'attends pas à recevoir un rapport complet et exhaustif sur chacune de ces recommandations...
Le président: Non, mais une mise à jour, évidemment.
Mme Judy Wasylycia-Leis: ... tout à fait, une mise à jour. Après cela, nous aurons l'occasion, au sein du comité, de poursuivre nos délibérations.
Il s'agit maintenant de déterminer comment élaborer une stratégie exhaustive, qui ne soit pas au coup par coup. Vous avez laissé entendre aujourd'hui que cette stratégie est très fragmentaire.
Dans ce même ordre d'idées, le gouvernement actuel a promis, lors de deux campagnes électorales consécutives, d'investir 20 millions de dollars par année au titre de programmes de sensibilisation aux dangers du tabac, de prévention et de renoncement à la cigarette. Si je soulève constamment cette question, c'est que je ne suis pas certaine que ces sommes sont dépensées comme nous croyons qu'elles le seraient. Avez-vous des renseignements prouvant que ces sommes sont dépensées comme convenu? Êtes-vous au courant de quoi que ce soit?
M. R.F. Egerdie: C'est une excellente question. Je vous remercie de l'avoir posée, car cela me donne l'occasion de vous parler d'un projet que nous avons mis sur pied il y a trois ans, ou presque quatre ans. Il s'agit de l'Opération Carte d'identité, mesure que l'on a appliquée dans tous les dépanneurs. Il s'agit essentiellement de demander une carte d'identité. Dans le cas d'Arnie, il demande à toute personne qui a l'air d'avoir moins de 27 ans de produire une carte d'identité pour s'assurer qu'il ne vend pas de cigarettes à des mineurs.
L'Opération Carte d'identité s'est répandue à l'échelle du pays, elle a distribué à tous les vendeurs de tabac en gros et au détail une trousse d'information pour leur montrer comment former les employés, comment apprendre aux caissiers de demander poliment à quelqu'un qui veut acheter du tabac de présenter une carte d'identité et comment signaler les problèmes, le cas échéant. On a notamment distribué des affiches informant les gens que la présentation d'une carte d'identité est obligatoire.
C'est un programme qui existe depuis trois ans au Canada. Soit dit en passant, Statistique Canada effectue des contrôles réguliers, tous les trimestres si je ne m'abuse, à l'échelle du pays pour voir si les épiceries se conforment aux exigences. Le taux de conformité s'est amélioré et frise maintenant les 65 ou 70 p. 100 en moyenne au pays.
Il y a un an et demi nous nous sommes demandé ce que nous pouvions faire pour le renforcer et le rendre plus efficace. On a créé un projet appelé Opération Carte d'identité: Zone scolaire. Essentiellement, très simplement, ce qu'on fait c'est qu'on cible des dépanneurs à proximité des écoles. On a commencé dans de petites villes. Le projet a vu le jour à Kelowna. On s'est adressé aux responsables des écoles, puis à l'ensemble de la collectivité, à la police, à la Chambre de commerce locale, aux associations parents-maîtres, pour dire que nous voudrions vraiment qu'on se montre intraitable envers ceux qui vendent du tabac aux mineurs.
Je suis très heureux de dire que dans cette ville, à Kelowna, au bout d'un an, le taux d'observation est de 98 p. 100. Le programme est mis en application dans d'autres villes. Dans neuf villes canadiennes en ce moment.
• 1610
Dans une ville en particulier, on a connu des difficultés. On a
rencontré différents obstacles, mais dans cette ville où on a établi
le programme, nos responsables se sont adressés à tous les différents
groupes, et nous avons constaté qu'en réalité le gouvernement
dénigrait le programme. D'autres groupes dénigraient aussi le
programme et certains, que vous entendrez au cours de vos audiences,
dénigraient également le programme. Toutefois, on l'a mis en place et
il fonctionne. Un certain nombre de ceux qui avaient refusé au départ
d'y participer se sont quand même joints à nous. Par exemple, la GRC
est revenue sur sa position et a décidé d'appuyer le programme dans
cette ville.
Le mot clé—pour reprendre le terme qu'a employé Sam—c'est la coopération. Je pense que nous visons tous le même but: Comment empêcher les jeunes de fumer. Nous ne pouvons pas le faire seuls en tant que détaillants, même si nous sommes censés être pénalisés et le sommes si nous le faisons. Il faut que tout le monde—les parents, les éducateurs, la police, l'ensemble de la société—collabore à ce programme. Nous ne nous opposons pas à Santé Canada. Nous ne nous opposons pas à ceux qui veulent supprimer le tabagisme chez les jeunes. Nous voulons aider, nous voulons contribuer à la solution et nous réclamons la participation des autres intéressés.
Pour revenir à votre question concernant les 20 millions de dollars, cela serait certainement utile à l'Opération Carte d'identité. Nous ne serions pas présents que dans neuf villes canadiennes; nous serions présents dans 90 ou peut-être même 900 villes. Je crois bel et bien que cette moyenne de 70 p. 100 que nous atteignons dans tout le pays pourrait être augmentée et qu'il y aurait beaucoup plus de villes où l'on afficherait un taux d'observation de 98 p. 100.
Excusez-moi pour cette longue intervention.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Vous nous êtes très utile.
Le président: Non, non, c'était très intéressant.
[Français]
Monsieur Charbonneau, s'il vous plaît.
M. Yvon Charbonneau (Anjou—Rivière-des-Prairies, Lib.): Nous avons entendu les représentants des magasins. Au Québec, nous appelons ces magasins des dépanneurs; vous les appelez convenience stores. Vous nous avez expliqué vos craintes au sujet de ces projets de règlements. J'ai entendu en particulier M. Jabbour, mais il n'était pas le seul à nous dire qu'il craignait en quelque sorte pour la sécurité.
[Traduction]
M. R.F. Egerdie: Excusez-moi, nous ne recevons pas bien l'interprétation.
Le président: Poursuivez, monsieur Charbonneau.
[Français]
M. Yvon Charbonneau: Je disais que j'ai écouté attentivement les présentations des représentants des convenience stores. Au Québec, nous appelons ces magasins des dépanneurs. M. Jabbour n'a pas été le seul à parler des dangers physiques auxquels lui ou son personnel pourraient être exposés advenant l'adoption de ces projets de règlements. Ils disent, par exemple, que s'ils doivent se pencher pour aller chercher un paquet de cigarettes sous le comptoir, il peut y avoir du vol à l'étalage, etc. Pourriez-vous me dire auquel des deux projets de règlements vous faites allusion?
Le premier projet de règlement porte sur l'information relative aux produits du tabac et le deuxième porte sur les rapports relatifs au tabac. Lequel des deux projets de règlements est en cause et traite, selon vous, de la disposition des paquets de cigarettes dans le dépanneur?
[Traduction]
M. R.F. Egerdie: Si vous le voulez bien, j'aimerais commencer à répondre à cette question.
Le problème tient au fait que nous ne tenons pas compte de l'ensemble de la situation. Le rapport n'est qu'un élément. À l'origine, dans la proposition de Santé Canada, il était question d'étalage et de promotion. Cela a été supprimé du programme il y a un an et demi environ, quoique le ministère ait très clairement dit que l'on donnerait très rapidement suite à cette question d'étalage et de promotion. À deux reprises, on a dit que cela se ferait en moins de deux ans et, à une occasion, on a dit que l'échéance serait d'un an.
• 1615
À notre avis, bien que la réglementation actuelle ne traite que d'un
aspect de la question, nous estimons qu'ils vont vouloir finir ce
qu'ils ont commencé et que subitement nous allons voir Santé Canada
prendre un véritable engagement pour supprimer les tarifs de location
et augmenter le coût des cigarettes au moyen des 700 millions de
dollars—et c'est le chiffre que j'ai entendu mentionner—qu'il
faudrait pour faire appliquer l'actuelle réglementation concernant les
rapports et l'emballage. Tous ces montants vont s'additionner jusqu'au
niveau du détaillant et cela va signifier qu'un carton de cigarettes
tout d'un coup ne coûtera plus 30 $ mais bien plutôt 50 $.
J'imagine qu'à ce moment-là la pègre, qui opère sur le marché noir depuis plusieurs années, va se frotter les mains et se dire: «Superbe. Nous allons aller un peu plus souvent cambrioler le magasin d'Arnie et celui de Sam pour rafler encore plus de stock qui vaut la moitié moins cher.» Tout d'abord, ils vont empêcher des gens de gagner leur vie correctement et deuxièmement, ils s'en fichent, ils vont aller vendre leur marchandise en la sortant d'un sac de gymnastique à la sortie de l'école, comme le dit Arnie.
Nous ne pensons donc pas que ce soit la bonne façon de voir ce programme de Santé Canada. Nous avons le sentiment qu'on ne nous présente que la moitié du tableau et que quand l'autre moitié va nous tomber dessus, cela va faire mal.
M. Sam Jabbour: Je parlais ici d'affichage et d'étiquetage. C'est le problème de la visibilité. Il y a une centaine de marques de cigarettes différentes. Si elles ne sont pas correctement identifiables, nous allons passer beaucoup de temps à chercher ce que le client nous demande. Si nous ne pouvons pas trouver des paquets de cigarettes parce qu'ils ne sont pas clairement identifiables, notre service va en pâtir. Il va y avoir des vols et notre existence va être menacée.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Charbonneau.
[Français]
M. Yvon Charbonneau: Si je comprends bien, messieurs, vous nous mettez en garde contre un projet de règlement qui n'est pas devant nous, qui a été retiré. Je n'ai pas assisté à ces discussions, mais il semble que dans le passé, vous ayez été consultés sur un projet de règlement qui comportait des mesures sur la disposition des paquets de cigarettes, sur l'étalage, etc. Mais les projets de règlements qui sont devant nous ne traitent pas de cette question.
Vous protestez contre un projet de règlement qui a été retiré. Il me semble que vous devriez féliciter le ministère de la Santé d'avoir retiré un projet de règlement qui ne vous convenait pas. Vous nous présentez vos craintes à propos d'un projet de règlement qui n'est pas à l'étude. Vous dites qu'il ne s'agit que de la moitié de l'histoire et vous nous mettez en garde contre la moitié de l'histoire qui n'est pas devant nous. J'essaie de suivre votre argument, mais je crois que vous parlez d'un projet de règlement qui n'est pas à l'étude maintenant. Si Santé Canada fait adopter les projets de règlements qui sont devant nous, notamment celui sur l'information relative aux produits du tabac, la moitié de la surface de chaque paquet servira à identifier la compagnie et l'autre moitié servira à identifier les problèmes. Croyez-vous qu'on aura tendance à cacher les paquets ensuite? À chaque fois qu'on va montrer le paquet, on va montrer le problème.
[Traduction]
Le président: C'est une question, monsieur Charbonneau?
[Français]
M. Yvon Charbonneau: La question est la suivante: pourquoi vous inquiétez-vous d'un projet de règlement qui n'est pas à l'étude?
[Traduction]
Le président: Nous avons un peu de retard, alors pourriez-vous essayer de répondre brièvement.
• 1620
Nous entendrons ensuite M. Proulx et nous en terminerons pour cette
partie.
M. R.F. Egerdie: Le programme de Santé Canada a débuté avec quatre facettes, dont ces deux-ci. Les deux autres ont été abandonnées en cours de route. Toutefois, les deux dont nous parlons comportent des dépenses considérables. C'est quelqu'un de Santé Canada, je crois, qui a dit que ces modifications pourraient coûter jusqu'à 700 millions de dollars. Nous savons que cela va se retrouver tôt ou tard dans le prix de vente au détail, que la valeur des stocks va augmenter et qu'il y aura donc des vols et des attaques à main armée dans nos magasins. La conséquence, c'est que vous avez ces gens qui ne paient pas de taxes, qui vendent à des mineurs, que pendant ce temps-là notre chiffre d'affaires baisse, ce qui nous place dans une situation impossible. On ne peut pas séparer cela en deux parties, il faut les aborder simultanément. Et, encore une fois, le deuxième volet va nous tomber dessus.
Le président: Merci beaucoup.
[Français]
Monsieur Proulx, s'il vous plaît.
[Traduction]
M. Marcel Proulx (Hull—Aylmer, Lib.): Merci, monsieur le président.
Merci, messieurs.
Monsieur Kimmel, je vous félicite de votre participation à la vie de la communauté de l'est de l'Ontario et de l'ouest du Québec. Je connais vos activités depuis des années, le Tour Quickie, etc., car je suis député de Hull—Aylmer. C'est un engagement remarquable, non seulement au sein de notre communauté, mais aussi au service de la santé.
Vous avez parlé de tests de respect de la loi effectués dans vos magasins. Qui effectue ces vérifications, et est-ce qu'on en fait souvent?
M. Arnold Kimmel: Il y a toutes sortes de contrôles. Nous effectuons nos propres vérifications mystères dans nos magasins 18 fois par an. Je ne sais pas à quelle fréquence la municipalité régionale d'Ottawa—Carleton fait.
M. Marcel Proulx: Vous faites vos propres vérifications.
M. Arnold Kimmel: Dix-huit fois par an dans nos magasins.
M. Marcel Proulx: Quelles seraient les conséquences de l'emballage neutre pour votre activité commerciale, je vous pose la question directement?
M. Arnold Kimmel: Ce serait un cauchemar.
M. Marcel Proulx: Ce serait fatal pour vos étalages.
M. Arnold Kimmel: Tant que vous n'avez pas travaillé dans ce milieu, que vous n'avez pas été de l'autre côté du comptoir, vous ne pouvez pas comprendre la complexité de cette activité ni combien il est difficile de vendre des produits contrôlés.
Comme le disait M. Jabbour, nous avons environ 150 unités de stock que nous devons vendre—pas que nous devons vendre, mais nos clients exigent toute cette variété de cigarettes. C'est déjà difficile actuellement de les trouver avec 75 p. 100 de publicité sur l'étiquette. Je le fais depuis 27 ans, mais si quelqu'un me demande un paquet de X, Y, ou Z, extra-longues, douces, légères en 100, cela peut me prendre cinq minutes. Il y a des choses très difficiles. Avec l'emballage neutre, cela tournerait vraiment au cauchemar.
M. Marcel Proulx: À moins que cet emballage neutre ne comporte des codes ou...
M. Arnold Kimmel: Il faut trouver le produit pour le remettre au consommateur.
M. Marcel Proulx: On ne peut pas parler d'emballage neutre qui mentionnerait uniquement cigarettes et le nom du fabricant. Il faut des codes pour qu'on puisse les reconnaître. C'est la même chose que quand on va chez le médecin et qu'il reconnaît les codes sur les dossiers.
M. Arnold Kimmel: Monsieur Proulx, je vous invite ainsi que tous vos collègues. Nous serions ravis de vous proposer de travailler au comptoir d'un de nos magasins.
M. Marcel Proulx: Je vais peut-être vous prendre au mot dans un de vos magasins d'Aylmer.
M. Arnold Kimmel: Avec plaisir. À ce moment-là, vous changerez peut-être certaines de vos questions.
M. Marcel Proulx: Bon. Parlons non seulement des ventes mais des pourcentages. Pouvez-vous nous dire quel pourcentage les cigarettes ou le tabac représentent dans votre chiffre d'affaires total? Les cigares ou le tabac à pipe ne représentent qu'un très petit pourcentage, n'est-ce pas?
M. Arnold Kimmel: Exact.
M. Marcel Proulx: Disons donc que nous parlons uniquement des cigarettes et des produits liés à la cigarette.
M. Arnold Kimmel: Les cigarettes sont le plus important élément de notre chiffre d'affaires.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Quel pourcentage?
M. Arnold Kimmel: Selon les magasins, de 25 à 40 p. 100.
M. Marcel Proulx: Compte tenu de vos tarifs de location de vos ventes et de tout le tralala, vous dites que vous réalisez 25 à 40 p. 100 de votre chiffre d'affaires avec les cigarettes.
M. Arnold Kimmel: Exact.
M. Marcel Proulx: Merci.
Le président: Nous allons maintenant passer au groupe suivant, mais nous vous remercions de vos remarques. Votre intervention a été excellente et nous vous en sommes reconnaissants. Merci beaucoup.
Nous passons maintenant au groupe suivant. Nous accueillons Garfield Mahood, de l'Association pour les droits des non-fumeurs; Neil Collishaw de Médecins pour un Canada sans fumée; et Les Hagen de Action on Smoking and Health.
Nous commencerons par M. Hagen.
M. Les Hagen (directeur exécutif, Action on Smoking and Health): Merci de me donner l'occasion de venir faire part à votre comité de notre point de vue sur cette très importante question de santé publique.
Action on Smoking and Health est la principale organisation de l'Ouest canadien qui se consacre au contrôle et à la prévention du tabac. Depuis plus de 20 ans, nous sommes à la pointe du débat local, provincial et national sur la question du tabac à partir de notre siège à Edmonton.
Je vais aborder plusieurs points dans mon exposé, notamment les consultations, les retombées économiques, la couleur et l'impression des emballages, la divulgation des ingrédients et l'appui du public.
Comme vous le savez, votre comité a commencé à tenir des audiences sur les emballages de cigarettes en 1994, à la suite de la réduction des taxes fédérales sur le tabac. Nous avons participé à ces audiences en 1994 avec pratiquement les mêmes personnages, les mêmes textes et les mêmes situations. La seule différence de fond depuis 1994, à mon avis, c'est que les preuves sont encore plus flagrantes.
Six ans, trois ministres de la Santé, une élection et une décision de la Cour suprême plus tard, nous sommes encore en train de discuter de l'utilité d'imposer des restrictions supplémentaires sur les emballages et l'étiquetage des produits du tabac. Au cours de cette période, plus d'un quart de million de Canadiens sont morts par suite de la consommation de tabac et plus d'un demi- million d'adolescents ont commencé à fumer. Dans la tradition de compromis du Canada, le débat au cours des six dernières années est passé d'une discussion sur l'emballage neutre à un débat pour savoir s'il fallait utiliser seulement 50 p. 100 du paquet pour faire passer un message de promotion de la santé.
Compte tenu du fait que le débat s'éternise et qu'il s'agit de la vie des gens, nous jugeons insultant qu'on laisse entendre que les propositions dont vous êtes saisis n'ont pas fait l'objet de discussion, de consultation ou d'examen. Nous avons attendu six ans pour enfin nous faire proposer cette demi-mesure qui n'est pas à la hauteur de la première recommandation qu'a faite votre comité en 1994. Il est absurde pour le lobby du tabac de prétendre qu'il n'y a pas eu de consultation et qu'on se prépare à adopter ces propositions en vitesse.
Depuis toujours, les compagnies de tabac s'opposent aux avertissements pour ensuite accepter ce qui avait été proposé. En 1969 et en 1971, elles se sont opposées à l'idée d'apposer des avertissements sur les paquets de cigarettes pour annoncer ensuite, en 1971, qu'elles le feraient volontairement. En 1988, les fabricants de produits du tabac étaient contre l'idée d'apposer des avertissements qui ne couvriraient que 20 p. 100 du paquet, devant et derrière, mais, en 1993, ils ont annoncé qu'ils accepteraient cette mesure et le nombre d'avertissements est passé de 4 à 8; ce à quoi ils ont aussi donné leur accord.
• 1630
En 1990, les fabricants se sont opposés vigoureusement aux
avertissements sur l'accoutumance et la fumée secondaire. Or,
aujourd'hui, ils apposent volontairement des avertissements sur les
paquets indiquant que les cigarettes créent l'accoutumance et que le
tabac provoque des maladies mortelles des poumons chez les non-
fumeurs.
En 1993, les fabricants de produits du tabac se sont opposés au règlement les obligeant à apposer au haut du paquet, en noir et blanc, des avertissements couvrant 25 p. 100 du paquet plus la bordure. En dépit du fait que la Cour suprême ait jugé ce règlement inconstitutionnel, l'industrie a décidé de continuer à apposer des avertissements de ce format sur les paquets. Bien que les sociétés productrices de tabac soient contre les nouveaux avertissements, elles finiront par les appuyer.
Je trouve aussi insultant que les auteurs de cette modeste proposition prétendent que 200 emplois sont plus importants que la vie des 45 000 Canadiens qui, chaque année, meurent prématurément d'une maladie qu'on aurait pu prévenir. Devrions-nous cesser d'appliquer les lois sur la conduite en état d'ébriété pour protéger les ateliers de mécanique automobile? Aurions-nous dû prolonger la Seconde Guerre mondiale d'une année pour sauver les usines de munition?
La dernière fois que votre comité s'est penché sur cette question en 1994, les imprimeries se sont plaintes que le nouvel emballage neutre détruirait leur secteur car les nouveaux emballages seraient moins coûteux à produire. Elles laissent maintenant entendre que le nouvel emballage sera trop compliqué et trop coûteux à produire. Il m'est impossible de croire que l'industrie canadienne ne puisse relever ce modeste défi ou que les entrepreneurs ne sauteront pas sur ces nouvelles occasions d'affaire.
Toutefois, même si ces conséquences terribles mais peu probables se concrétisaient, la vie de 45 000 Canadiens devrait primer aux yeux du comité. D'après le test de l'impact de Santé Canada, le règlement entraînera un gain net de 85 millions de dollars et de 2 000 emplois. Ces avantages économiques devraient primer la préservation d'un secteur dont les produits sont mortels.
Après avoir lu les exposés qui vous ont été présentés la semaine dernière, je ne peux qu'espérer que vos audiences ne se limiteront pas à une discussion technique bizarre sur les procédés d'imprimerie. Santé Canada a déjà trouvé une façon de faire imprimer les nouveaux emballages. Quelle preuve supplémentaire faut-il?
Les compagnies de tabac savent que la couleur les aide à vendre leurs produits et à mieux communiquer avec les consommateurs. Elles ne se limitent pas à deux couleurs sur les emballages de cigarettes, ni à des procédés d'impression archaïques. Les messages relatifs à la santé ne devraient pas se limiter à deux couleurs qui n'attireront pas l'attention des consommateurs comme le ferait un message multicolore.
J'ai ici des exemples d'emballages couleur imprimés aux États- Unis et au Costa Rica. J'espère que l'industrie canadienne sera en mesure de faire au moins aussi bien que le Costa Rica.
Il est scandaleux que les Canadiens obtiennent davantage d'information d'une boîte de céréales pour petit déjeuner que de l'emballage d'un produit dont les ingrédients peuvent avoir un effet mortel lorsqu'il est utilisé précisément comme l'avait prévu le fabricant.
On a beaucoup discuté des toxines qui devraient être mentionnées sur les emballages de cigarettes, et nous estimons qu'il faut fournir ces informations de façon à ce que les consommateurs les comprennent rapidement. Toutefois, nous sommes aussi d'avis que les consommateurs ont le droit de savoir précisément ce que contiennent les cigarettes, la teneur de chaque additif et ingrédient et les émissions toxiques.
Bien que Santé Canada exigera des compagnies de tabac qu'elles lui donnent ces renseignements, celles-ci ne seront pas tenues de donner la liste complète des additifs, des ingrédients ou des émissions toxiques sur l'emballage ou le tiroir. En refusant ces informations aux consommateurs, Santé Canada fait obstacle à la sensibilisation des consommateurs et ne traite pas les produits du tabac comme tout autre produit de consommation. Il est illogique d'exiger des fabricants des produits du tabac qu'ils lui donnent ces renseignements tout en refusant de les dévoiler aux consommateurs.
Il est aussi décourageant d'apprendre que Santé Canada ne fera pas la promotion sur les emballages de cigarettes, d'une ligne téléphonique nationale à l'intention de ceux qui voudraient cesser de fumer, comme on l'avait proposé à l'origine. L'un des meilleurs exemples du grand manque de ressources pour la lutte antitabagisme au Canada est l'absence d'un simple numéro 1-800 en guise de soutien pour ceux qui voudraient cesser de fumer. C'est une mesure qui ne nécessiterait aucun effort, mais qui est absente des propositions.
Comme vous l'avez entendu pendant les témoignages la semaine dernière, l'idée d'exiger des emballages comportant plus d'informations jouit d'un grand soutien populaire. L'été dernier, ASH a commandé à Environics un sondage national auprès de 2 018 Canadiens de 18 ans et plus. Les résultats de ce sondage sont justes à 2 p. 100 près, 19 fois sur 20. Les résultats ont été très positifs. Plus de 74 p. 100 des Canadiens, y compris la majorité des fumeurs—59 p. 100, pour être précis—ont appuyé le nouveau règlement proposé par Santé Canada exigeant que les messages de santé publique incluent des photos et occupent 60 p. 100 de l'avant et de l'arrière de l'emballage.
Les résultats ont été uniformes pour tout le pays, tous les âges, les deux sexes, tous les niveaux de revenu et d'instruction, toutes les occupations et même pour toutes les préférences politiques. En fait, dans tout l'échantillon, pas une seule catégorie de répondants ne s'est opposée à l'idée que les messages relatifs à la santé comportent une photo et occupent une plus grande surface.
J'ai remis à votre comité le tableau comportant toutes les données.
• 1635
Pour informer les Canadiens des répercussions de l'usage du tabac, le
moyen qui m'apparaît le meilleur est l'emballage même. Grâce à
l'emballage, on a chaque année 2 milliards de chances de communiquer
les risques du tabagisme. Nous vous mettons au défi de trouver une
méthode de promotion qui faciliterait à ce point la sensibilisation du
public à un coût moins élevé.
Comme l'ont révélé récemment des documents déposés en cour, les compagnies de tabac n'hésitent pas à se servir de l'emballage pour déformer la vérité sur leurs produits. La promotion continue de ce qu'on appelle les cigarettes «légères» est un parfait exemple de cette tromperie. Il faudrait contrer ces messages trompeurs et les images qui y sont associées en révélant la vérité sur le tabac. C'est l'emballage qui serait l'outil idéal pour ce faire.
Je terminerai mes remarques en reprenant une déclaration qu'a faite l'avocat d'Imperial Tobacco, Simon Potter, devant un comité du Sénat en 1997:
-
les avocats qui se plaignent qu'on s'attaque à la liberté d'expression
ne peuvent se plaindre quand le gouvernement rend publiques plus
d'informations que moins.
Mesdames et messieurs les membres du comité, les messages relatifs à la santé que l'on propose permettront aux gens de disposer de plus d'informations. Alors, de quoi se plaignent les fabricants de produits du tabac?
Le président: Merci beaucoup, monsieur Hagen, de votre exposé.
Nous cédons maintenant la parole à M. Collishaw.
[Français]
M. Neil E. Collishaw (directeur de recherche, Médecins pour un Canada sans fumée): Messieurs et mesdames, au nom des Médecins pour un Canada sans fumée, je vous remercie très sincèrement de nous donner l'occasion de comparaître devant vous. Je suis le directeur de recherche de cet organisme depuis le mois d'avril seulement, mais pendant huit ans, de 1991 jusqu'à l'an passé, j'étais l'expert responsable du dossier antitabac à l'OMS, l'Organisation mondiale de la santé.
Dans cette fonction, je conseillais des gouvernements partout dans le monde sur la mise en place de politiques antitabac. Il me plaisait énormément, en tant que Canadien, de constater le pouvoir de l'exemple canadien comme source d'inspiration pour la mise en vigueur de politiques antitabac dans les autres pays. Il est certain que plusieurs pays suivent actuellement l'exemple canadien, qui a été créé au début des années 1990. L'Australie, la Pologne, le Singapour, la Thaïlande et l'Afrique du Sud sont des pays qui se sont inspirés de l'exemple canadien pour l'étiquetage de leurs paquets de cigarettes. Pour en avoir la preuve, il suffit de regarder ces quelques paquets de cigarettes des pays que je viens de nommer. Vous pouvez les regarder pendant que je parle.
[Traduction]
Devant votre comité, on a soulevé des questions sur la compétence des fonctionnaires de Santé Canada qui ont élaboré ces règlements. Le gouvernement a-t-il fait son travail? A-t-il consulté tous les intéressés? Le processus a-t-il été juste? Ma réponse à toutes ces questions est oui, oui et oui.
À titre de participant et d'observateur du processus public de réglementation des 30 dernières années, j'estime que, dans ce dossier, Santé Canada s'est préparé de façon exemplaire. Peu de règlements ont été mis à l'épreuve aussi rigoureusement. En outre, il n'y a pas eu une, mais trois séries de consultations depuis janvier 1999.
Des sondages auprès de groupes de discussion menés avec soin par Santé Canada nous ont permis de constater que les mises en garde en noir et blanc que vous verrez sur ces emballages, grâce auxquelles le Canada a ouvert la voie dans le passé, sont devenus dépassées et doivent être remplacées par des mises en garde plus sévères.
Le temps est venu pour le Canada de reprendre sa place de chef de file mondial en matière de contrôle du tabac en adoptant les règlements qui sont proposés ici aujourd'hui. D'après mon expérience, lorsque le Canada donne l'exemple, il fait des émules.
Les décisions prises par ce comité auront une incidence non seulement sur la moitié de 1 p. 100 de la population mondiale qui vit au Canada, mais aussi sur les milliards de personnes qui vivent sur d'autres continents, en Europe, en Asie, en Afrique et ailleurs dans les Amériques.
Si le Canada agit comme chef de file et adopte des mesures d'hygiène publique fortes, d'autres lui emboîteront le pas aussi. Mais il y a aussi un côté négatif. Si le Canada cède au chantage économique et aux tactiques de malfaiteurs de l'industrie du tabac, deviendra-t-il le modèle à suivre pour d'autres pays? Malheureusement, ce sera aussi probablement le cas.
• 1640
La semaine dernière, on a entendu des arguments fallacieux au sujet
de contrats d'impression qui seront perdus si ces règlements sont
adoptés. Ce sont des balivernes. C'est de la foutaise. Le gros bon
sens nous dit que plus les exigences relatives à l'impression seront
complexes, pour les nouvelles mises en garde, plus il se créera
d'emplois dans l'industrie canadienne de l'imprimerie, et non le
contraire. Les arguments relatifs aux emplois perdus ne sont rien
d'autre que du chantage économique. Les seuls emplois perdus au Canada
seront ceux que l'industrie du tabac décidera d'éliminer.
J'ai déjà observé le recours au chantage économique de ce genre. Je l'ai vu partout ailleurs dans le monde. J'en ai même vu des versions bien plus malicieuses que ce à quoi on a assisté au Canada la semaine dernière.
Je peux vous donner l'exemple de la Pologne. En 1994, le Parlement polonais a fait l'objet d'un lobbying médiatique intensif de la part de l'industrie du tabac. Tous les moyens étaient bons, y compris des arguments fallacieux au sujet des conséquences économiques. Le Parlement polonais s'est fait rouler une fois, mais seulement une fois. Dès 1995, il a proposé une mesure législative révisée. C'est devenu une loi, en Pologne, en 1996. Ils ne se sont pas laissés aveugler par les arguments présentés la deuxième fois, et s'en sont moqués.
La Pologne a désormais les lois sur le contrôle du tabac les plus sévères et les plus efficaces de toute l'Europe du Centre et de l'Est. Elle s'est en grande partie inspirée des lois canadiennes sur le contrôle du tabac. Le Sjem ou Parlement japonais s'est fait avoir une fois par l'industrie du tabac mais a rapidement tiré les leçons qui s'imposaient et au bout du compte, a fait ce qu'il fallait. La consommation de tabac en Pologne, qui a déjà été la plus élevée du monde, décline rapidement, actuellement.
On a agité des épouvantails économiques au Canada. Des propositions législatives font l'objet de débats à ce Parlement depuis le début du siècle, soit 1904. D'autres propositions ont été faites en 1971, en 1987 et en 1997. Chaque fois, l'industrie du tabac a déclaré que des emplois seraient perdus et chaque fois, cela ne s'est pas produit. Un rapport de la Banque mondiale, qui fait autorité, révèle qu'une baisse du tabagisme créera de l'emploi, plutôt que d'en éliminer. Les emplois de l'industrie du tabac, une industrie très automatisée, passeront dans des secteurs où on a davantage recours à la main-d'oeuvre.
Je suis aussi troublé par les affirmations de certains témoins de syndicats de l'industrie du tabac selon qui un accord serait en négociation pour affaiblir les règlements, de manière à calmer les compagnies de tabac. Si Gordon Wilson, l'auteur de cette affirmation, a raison, j'espère que les membres du comité sont tout aussi vexés que moi qu'il y ait un système parallèle, travaillant là-dessus. Nous comparaissons ici de bonne foi, pour nous exprimer au sujet des règlements, en croyant que le ministre de la Santé et ses fonctionnaires les ont confiés de bonne foi au comité, qui lui- même les examine de bonne foi. J'espère que vous pouvez nous rassurer en nous disant qu'il n'y a pas de négociations secrètes en cours et que la démocratie n'est pas compromise au Canada.
Cette semaine, des gens du milieu du tabac vous ont dit que ces règlements allaient trop loin. Après trois décennies d'expériences dans le domaine de la santé publique, dont deux décennies de lutte contre les compagnies de tabac, je peux vous dire que les règlements ne vont pas assez loin. Ils comportent des lacunes que les compagnies de tabac se réjouissent de pouvoir exploiter. Je ne crois pas souhaitable de retarder l'adoption des règlements pour combler ces lacunes, mais je crois que le comité, dans son rapport—dans l'espoir que le comité présentera un rapport au Parlement—voudra attirer l'attention sur certaines questions dont pourrait traiter le gouvernement dans les années qui viennent.
Nous en parlons en détail dans notre mémoire. Je vous citerai les quatre principales. D'abord, enlever des emballages les renseignements sur les éléments toxiques, tels que déterminés par l'ISO, l'Organisation internationale de normalisation. Ces valeurs sont trompeuses. Le comité qui les fixe est dominé par l'industrie du tabac.
Il faut aussi supprimer l'exemption pour l'impression de mises en garde sur les tubes et autres articles de tabagisme. Cette lacune encourage l'emploi de boîtes de tubes comme véhicules publicitaires pour le tabac, aux points de vente.
Il faut aussi supprimer l'exemption pour les paquets souples, comme celui-ci, pour l'inclusion obligatoire d'un encart. Cette lacune encourage la mise sur le marché des paquets souples au Canada. Leur usage n'est pas aussi courant ici, actuellement, qu'il l'est dans bien d'autres pays, comme la Thaïlande. J'espère que vous pouvez tous lire ceci, en passant, c'est une mise en garde thaïlandaise.
En outre, la mise en garde doit obligatoirement figurer sur le tiroir, dans les emballages à coulisse et tiroir, plutôt que de permettre un encart facultatif, pour ce genre d'emballage.
• 1645
J'espère que votre rapport encouragera Santé Canada à suivre la
situation de près et à évaluer la mise en oeuvre et l'efficacité de
ces règlements, ainsi qu'à être prêt à proposer d'autres changements
aux règlements pour qu'ils soient maintenus, voire améliorés, comme
instruments efficaces de politique publique. J'espère que vous
confirmerez votre appui à l'emballage neutre, qui rendrait ces mises
en garde encore plus efficaces. On éliminerait ainsi l'iconographie
qui renforce le tabagisme en attirant de nouveaux fumeurs et en
augmentant les réticences des fumeurs à arrêter de fumer.
D'après mon expérience internationale, je sais que les décisions d'aujourd'hui et de demain de votre comité auront une importance bien au-delà des frontières du Canada. Je vous exhorte à prendre la bonne décision. En choisissant de protéger la santé publique au Canada, par exemple, vous choisissez de protéger la santé publique d'autres pays aussi. Adoptez ces projets de règlements.
[Français]
Choisissez de promouvoir la santé publique pour le Canada et pour tout le monde. Choisissez de faire adopter ces projets de règlements tels quels. Je vous remercie.
Le président: Merci beaucoup, monsieur.
[Traduction]
Monsieur Mahood.
M. Garfield Mahood (directeur exécutif, Association pour les droits des non-fumeurs): Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs du comité.
Toutes mes excuses, je suis un anglophone unilingue et je ne peux m'exprimer en français comme mon collègue. Je n'étais pas un très bon étudiant, sauf dans la discipline de l'industrie du tabac.
J'ai été à quelques reprises porte-parole pour la campagne nationale Le Tabac ou les Jeunes. De la part de tous ceux avec qui j'ai communiqué à ce sujet, je tiens à féliciter le comité, le gouvernement et Santé Canada d'avoir fait faire tant de progrès aux mises en garde. Elles sont très impressionnantes et auront l'effet dont vous ont parlé MM. Collishaw et Hagen, ainsi que d'autres.
Certains prétendent que ces mises en garde vont peut-être trop loin. Encore une fois, au nom de toutes les organisations en faveur de ces mises en garde... et certains d'entre vous avaient dans leurs bureaux, il y a un peu plus d'un an, cette boîte noire de la campagne nationale Le Tabac ou les Jeunes, utilisée par le milieu national des services de santé et des services sociaux pour mettre au point des mises en garde efficaces pour les emballages. Il y a plus de 200 organismes, pratiquement toutes les professions de la santé, presque toutes les organisations liées à la santé ou aux services sociaux, des enseignants, des églises, une liste incroyable—la liste est si longue qu'il a fallu la continuer au verso. Quand on considère cette liste, on voit que c'est un peu tout le monde au Canada qui vous dit: «Non, vous n'allez pas trop loin».
Je suis persuadé que vous pouvez être à l'aise avec ce que vous avez fait et qu'il faut même vous féliciter.
Au sujet du rôle de chef de file du Canada, la reconnaissance commence à se manifester. Ainsi, dans Tobacco Control, la revue professionnelle publiée par le British Medical Journal, les mises en garde proposées par le Canada font la une de la revue qui est envoyée aux fonctionnaires et aux organismes de la santé du monde entier. L'article vedette parle des mesures proposées par Santé Canada. C'est extrêmement impressionnant et, encore une fois, il faut en féliciter le gouvernement.
Comme vous le savez, il en a été question dans des bulletins de nouvelles provenant d'Irlande. Je sais personnellement qu'il se passe des choses en Australie. On y a pris différentes initiatives. En fait, en ce moment, au Sénat américain, on examine un projet de loi où l'on recommande ou l'on propose que les mises en garde canadiennes soient adoptées aux États-Unis. Notre pays fait preuve de leadership, nous vous en félicitons.
Pour ceux d'entre vous qui disent que les mises en garde vont trop loin, comme le dit le carton: «Pourquoi ne pas dire ce qu'il en est du produit?» S'il s'agit d'un produit qui tue, comme le disent l'Organisation mondiale de la santé et Santé Canada, trois millions de Canadiens qui sont vivants aujourd'hui... Quelles mises en garde seraient excessives? Quelles mises en garde seraient excessives quand le produit contenu dans l'emballage tue un usager à long terme sur deux? C'est à n'y rien comprendre. Certain d'entre nous qui travaillent à cette question, sur ces propositions... Peut-on raisonnablement dire que c'est aller trop loin?
• 1650
Pourquoi ces mises en garde donneront-elles des résultats?
Je reviens en arrière pour un instant pour dire que le paquet de cigarettes est au coeur de toute la mise en marché du tabac. C'est le coeur même, le noyau. La publicité est liée à l'emballage, la commandite est liée à l'emballage, le point d'achat est lié à l'emballage, tout ramène à l'emballage. Si on a un effet sur l'emballage, on a un effet sur le marché.
Et c'est tout à l'honneur de Santé Canada, il y a deux systèmes de mises en garde sur ce paquet. Le système extérieur avec les images et un système intérieur, ce dont très peu de témoins ont parlé au comité. Le potentiel est fantastique, parce qu'on y conjugue de l'information sur les risques avec de l'information sur la façon de se débarrasser de l'habitude de fumer.
Mais je pense que cela va encore plus loin. La mise en garde à l'extérieur du paquet porte sur la nature du risque de façon générale et la mise en garde à l'intérieur peut aller plus en détail et parler de la portée du risque. Ainsi, par exemple, la mise en garde extérieure peut parler du cancer du poumon, alors que la mise en garde à l'intérieur peut dire aux gens quel est le taux de survie une fois qu'on a le cancer du poumon.
La plupart des fumeurs ne savent pas que si l'on a le cancer du poumon, quand les premiers symptômes apparaissent, il est trop tard; c'est un arrêt de mort. Ce système de mises en garde, intérieures et extérieures, règle ce problème, un problème que, soit dit en passant, l'industrie a l'obligation juridique de régler depuis des années. Elle a fait fi de cette obligation de mises en garde qu'elle a en vertu du droit de la responsabilité civile délictuelle. Espérons qu'un jour les tribunaux lui demanderont des comptes.
Voici un paquet de comprimés de Tylenol; voici un paquet de comprimés d'aspirines; et ici une mise en garde d'un paquet de comprimés d'Advil. Toutes ces mises en garde comportent un texte d'environ 200 mots pour un produit qui, à toutes fins utiles, ne tue personne. Est-ce que ce système de mises en garde est extrémiste? Il comporte environ 200 mots pour un total de 16 mises en garde à l'extérieur du paquet, et il est question de 20 maladies terminales et de 50 maladies qui causent la morbidité. Est-ce trop extrême? Pas du tout.
Santé Canada a fait quelque chose de remarquable en créant un précédent dont peuvent s'inspirer d'autres pays.
Pour ce qui est des obstacles à la réforme, le premier c'est la disparition d'emplois, et Neil Collishaw en a parlé. Comme on ne peut nier le bien-fondé des mises en garde, on invoque la perte d'emplois.
Il y a un autre obstacle qui se dresse à tout propos. C'est cette croyance que d'une façon ou d'une autre on pourrait épargner 45 000 vies par années, qu'on pourrait en arriver à libérer la société du tabac, qu'on pourrait protéger les enfants et que, par magie, on aurait aussi en même temps une industrie du tabac qui serait prospère. C'est absurde. Bien sûr, certains seront touchés à mesure qu'on parviendra à enrayer cette épidémie. On présume que le Parlement est suffisamment avisé et peut faire preuve d'assez de leadership pour s'élever au-dessus de la mêlée et reconnaître qu'il y aura disparition de certains emplois. Je ne le pense pas personnellement, mais ce pourrait être le cas.
Ensuite, il y a ceux qui invoquent comme argument qu'ils ne peuvent imprimer les mises en garde. On fait généralement valoir deux raisons pour cela, mais comme je travaille sur ce dossier depuis déjà quelque temps et que nous avons dû imprimer nos propres paquets de cigarettes, cela m'a permis d'en apprendre un peu plus sur leur fabrication. Nous avons constaté que deux procédés étaient en jeu. D'abord, il y a le procédé que l'industrie voudrait vous voir accepter, puis, il y a le procédé que vous ont présenté comme solution de rechange Philip Shilton et Dick Warner.
Pour ce qui est du premier procédé, que j'appellerai le procédé A, la plupart des presses à imprimer, qu'elles servent à la rotogravure ou à la lithographie, comptent, si j'ai bien compris, environ huit groupes couleurs ou postes d'encre. Comprenez bien que je ne suis pas un spécialiste. Les compagnies de tabac utilisent la plupart du temps pour leurs emballages des couleurs d'accompagnement, qui leur sont particulières. Par conséquent, dès que Santé Canada les informe que le ministère veut ajouter quatre nouvelles couleurs, les imprimeurs répliquent qu'ils n'ont pas l'équipement voulu pour le faire, ni la capacité. Non seulement cela, ils répliquent également que la loi et la marque de commerce leur confèrent des droits qui les dispensent de ces nouvelles exigences.
Puis, arrivent dans le décor Philip Shilton et d'autres experts qui expliquent qu'il leur est tout à fait possible d'imprimer ces mises en garde avec sept ou huit couleurs et qu'il leur suffit pour cela de changer la formule. Autrement dit, le produit final reste le même, moyennant un changement réalisable.
• 1655
Par conséquent, comme l'industrie du tabac ne peut gagner son
argument sur la perte d'emplois éventuelle, elle décide tout bonnement
de refuser d'apporter ces changements. Elle tient donc les imprimeurs
en otage en invoquant à tort le droit des marques. En effet, la marque
de commerce ne confère à l'industrie aucun droit d'imprimer cette
marque sur les paquets de cigarettes, pas plus qu'un fabricant d'armes
à feu n'a le droit, en vertu du droit de marque, de diffuser sa marque
de commerce le samedi matin dans le cadre de dessins animés qui sont
diffusés à la télévision pour les enfants. Cela lui est interdit.
Par conséquent, si le Parlement prend une décision en ce sens, l'industrie du tabac ne peut invoquer le droit de marque pour empêcher la réforme. Voilà pourquoi, pour toutes ces raisons, l'argument de la perte d'emplois est un argument bidon.
Monsieur le président, et mesdames et messieurs du comité, nous souscrivons nous aussi aux recommandations proposées par M. Collishaw.
J'aimerais que vous jetiez un coup d'oeil à ces paquets-ci. Voilà ce vers quoi se dirige la commercialisation des produits du tabac.
Soit dit en passant, nous savons exactement combien de paquets nous vous distribuons, et nous voulons tous les récupérer après. Ces paquets de Joe Camel sont des objets de collection, et vous voyez ici des modèles de Joe Camel à motocyclette; des modèles de Joe Camel, le golfeur; des modèles de Joe Camel, le beau parleur qui se fait entreprenant auprès des jeunes femmes.
Voilà la nouvelle tendance dans les paquets de cigarettes. Il y a des gens qui ont vu ces paquets qui sont en état de choc, car ils ne peuvent tout simplement pas croire que l'industrie du tabac irait jusque-là pour attirer les jeunes. L'industrie du tabac est aujourd'hui en train de commercialiser des paquets sur lesquels se trouvent des images qui vont faire des produits du tabac un produit branché. C'est du jamais vu!
On en a parlé dans le New York Times et dans le National Post. On en a parlé à des tas d'endroits. Or, dès que vous opterez pour l'emballage neutre, vous enlèverez à l'industrie du tabac toute possibilité de cibler vos enfants et ceux des autres.
Nous vous demandons donc une chose essentielle, soit d'adopter les règlements tels quels, sans les amender. C'est en tout cas la première demande que nous vous faisons.
En second lieu, nous vous demandons de proposer un deuxième groupe de recommandations qui confirmeront le soutien que vous apportez à la proposition de l'emballage neutre, et qui demanderont à Santé Canada de faire rapport au Parlement sur certaines des lacunes et certains des problèmes en matière d'emballage.
Si l'un d'entre vous veut avoir plus de détails sur les lacunes, entre autres choses, moi-même ou mes collègues sommes prêts à répondre.
Il s'agirait donc de recommander que Santé Canada trouve une solution à ces problèmes dans un délai raisonnable. Ainsi, cela permettra de garder sous les feux de la rampe la qualité des mises en garde et leurs répercussions sur l'industrie du tabac, là où le milieu de la santé et le Comité de la santé peuvent les avoir à l'oeil.
Voilà quelles sont nos recommandations. Je vous remercie de votre patience, et je répondrai avec plaisir à toutes vos questions, si je le peux.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Mahood.
Monsieur Mills, vous êtes le premier à poser des questions.
M. Bob Mills: J'espère que le comité considérera vos recommandations comme étant la prochaine étape qui nous permettra d'avancer plus loin que là où nous en sommes actuellement.
Je voudrais relever une ou deux choses qui ont été dites, et plus spécifiquement quelque chose qu'a affirmé un des témoins précédents.
Pour avoir vu des paquets de 10 cigarettes circuler librement dans les cours d'école de bien des pays d'Amérique du Sud et d'Asie, je suis maintenant convaincu que l'industrie du tabac pose d'énormes problèmes, car elle souffre certainement d'un manque de conscience sociale. J'ai vu des gens distribuer gratuitement à des jeunes de 8, 9 et 10 ans des paquets de cigarettes. Rien pour rehausser l'opinion que j'ai des compagnies de tabac!
• 1700
M. Egerdie a mentionné une ville que le reste d'entre vous ne
connaisse sans doute pas. Il parlait de la ville de Red Deer, en
Alberta, et du programme Opération Carte d'identité, et j'imagine que
c'était pour mon propre bénéfice. Je voudrais dire publiquement que
les gens d'Opération Carte d'identité ont appelé les commissions
scolaires, la GRC, les centres de santé, mais sans vraiment expliquer
qui ils étaient. Les gens d'Opération Carte d'identité ont expliqué à
tous leurs correspondants comment ils feraient pour empêcher la vente
de produits du tabac aux jeunes et leur ont demandé s'ils étaient
d'accord avec l'initiative. Il est évident qu'une commission scolaire
ou qu'un centre de santé seront d'accord pour empêcher les jeunes de
fumer. Et c'est ainsi que les gens d'Opération Carte d'identité ont
mis le pied dans la porte et se sont organisés pour lancer leur
programme.
Or, il faudrait tout de même savoir qui finance l'Opération Carte d'identité et comment celle-ci fonctionne. Ce sont les fabricants de cigarettes qui en sont les seuls exploitants. En effet, les compagnies de tabac sont celles qui encouragent l'Opération Carte d'identité. Lorsque nous avons découvert le pot aux roses, nous avons réuni 39 divers organismes comme les commissions scolaires, les centres de santé, etc., et nous nous sommes interrogés sérieusement sur ce programme. Vous pouvez comprendre que tous les participants à la réunion se sont dits très inquiets de voir le renard se promener librement dans le poulailler, puisque c'est ce dont il s'agit lorsque l'on parle d'Opération Carte d'identité.
J'ai été très intéressé d'entendre M. Egerdie dire publiquement que la GRC appuie désormais ce programme. Vous pouvez être sûrs que j'ai bien l'intention d'appeler la GRC à la fin du comité, pour essayer d'établir si l'unité de la GRC de Red Deer a changé ou non d'avis. Je connais très bien le commandant, et je doute que ce qu'a dit M. Egerdie soit vrai. J'irai jusqu'au fond de l'histoire. En tout cas, j'en serais très surpris, puisque la GRC s'opposait au programme, de même que tous les autres groupes communautaires, y compris la Chambre de commerce de notre ville.
Monsieur le président, je tenais à dire publiquement qu'à mon avis, le témoin a déformé la réalité, il y a quelques minutes.
Le président: Monsieur Mills, pourriez-vous nous tenir au courant? Je serais très curieux de connaître la vérité, particulièrement en ce qui touche la GRC.
M. Bob Mills: Bien sûr. Je vais la contacter immédiatement après. Je suis sûr que le commandant sera très intéressé d'apprendre qu'il est censé avoir changé d'avis.
Que pensez-vous de ce genre de...? Vos divers groupes ont beaucoup d'expérience concernant l'industrie du tabac et la façon dont elle vise les jeunes. Leur auréole est certainement d'une autre couleur que celle des auréoles habituelles. Pourriez-vous nous en parler?
Quant à vos recommandations, elles frappent en plein dans le mille, à mon avis. On pourrait même dire qu'elles constituent la deuxième moitié de la stratégie.
M. Garfield Mahood: Je pense que M. Collishaw se meurt de vous répondre.
M. Neil Collishaw: Merci beaucoup, monsieur le président.
Ce n'est pas seulement à Red Deer que le programme a été proposé. On a réussi à convaincre des gens comme M. Luzhkov, le maire de Moscou. Des programmes de ce genre sont maintenant actifs en Europe centrale et de l'Est, et ailleurs dans le monde, et sont tous soutenus par l'industrie du tabac.
Il y a un thème qui est sous-jacent à l'Opération Carte d'identité. En effet, on met surtout l'accent sur le fait qu'il est illégal pour un jeune d'acheter des cigarettes. On entend rarement dire que dès qu'on se met à fumer, on court le risque de devenir dépendant, de tomber malade, puis de mourir des effets du tabagisme. Tout tourne autour du phénomène de l'illégalité pour les jeunes qui fument. Autrement dit, il n'y a pas de problème à fumer si vous êtes un adulte, mais c'est illégal si vous êtes un jeune. On occulte complètement le message de santé, et c'est justement ce qui est recherché ici.
Nous, nous voulons donner aux jeunes toute l'information qui leur permettra de prendre une décision judicieuse et de choisir de ne pas commencer à fumer pour ne pas tomber dans une vie de dépendance, comme certains voudraient les y inciter. Au lieu de cela, le message qu'on leur transmet c'est celui d'un plaisir délicieux, même s'il est illégal. Je suis désolé, mais ce programme se répand partout dans le monde et les organes de santé publique sont carrément incapables de réagir assez vite pour lutter contre la rapidité avec laquelle l'industrie du tabac fait accepter ses programmes dans beaucoup de pays.
Le président: Merci beaucoup.
[Français]
Monsieur Ménard, s'il vous plaît.
M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): J'ai trois petites questions. D'abord, qu'est-ce que la Pologne fait que le Canada ne fait pas?
Deuxièmement, vous avez mentionné, monsieur Collishaw, quatre points sur lesquels vous souhaiteriez que le gouvernement aille plus loin. J'aimerais que vous reveniez sur le deuxième point. Je ne l'ai pas très bien compris.
Votre premier point était de supprimer l'information sur les constituants toxiques. Je comprends cela. Vous dites aussi qu'il faut supprimer l'exemption sur les produits du tabac. Ce point-là, je ne l'ai pas compris. Par ailleurs, les points 3 et 4 étaient clairs pour moi.
• 1705
Ma dernière question s'adresse à M. Garfield Mahood. Vous dites qu'il
devrait y avoir un deuxième groupe de règlements sur l'emballage
neutre. Vous savez que ce comité a déjà produit un rapport sur
l'emballage neutre. Quel type de modification souhaiteriez-vous
apporter?
[Traduction]
Le président: Monsieur Collishaw.
[Français]
M. Neil Collishaw: En réponse à la première question, je voudrais préciser que le Canada conserve toujours une avance sur la Pologne, mais que depuis le début des années 1990, la Pologne a fait un grand pas en avant malgré de nombreuses difficultés. En 1994, il y avait beaucoup de lobbying contre ses efforts pour restreindre la publicité et pour adopter d'autres mesures de contrôle de l'usage du tabac. Maintenant, en Pologne, il y a une interdiction partielle de la publicité sur le tabac. Pour la publicité restante, on exige qu'elle comporte un avis sur la santé et les avis sur la santé qui sont imprimés sur les paquets s'inspirent d'une version antérieure des avis que l'on retrouve au Canada.
En Europe centrale, la Pologne est largement en avance sur les autres pays, mais le Canada, surtout avec l'adoption d'un tel règlement, aura toujours une avance sur la Pologne en matière de santé publique.
En ce qui concerne l'avenir de ces règlements, j'ai attiré votre attention sur la douceur de l'emballage. Actuellement, il y a une exemption. Le règlement actuel n'exige pas qu'il y ait de l'information à l'intérieur du paquet pour des raisons pratiques. Il semble qu'il serait trop difficile d'inclure un tel avis.
M. Réal Ménard: C'est vrai pour les petits paquets.
M. Neil Collishaw: Oui, c'est vrai pour les petits paquets souples.
M. Réal Ménard: D'accord.
M. Neil Collishaw: Je crois qu'on pourra trouver un moyen de le faire à l'avenir. Il faudra peut-être faire d'autres d'études, mais on pourrait inclure un petit feuillet d'information entre le plastique et le papier.
Le danger de cette exemption, c'est que même s'il ne s'agit pas d'un format très populaire au Canada pour le moment, le fait qu'il y a un trou pourra encourager l'introduction massive de ce format.
Veuillez répéter votre troisième question.
M. Réal Ménard: La troisième question ne s'adressait pas à vous, mais à votre collègue qui a parlé d'un deuxième groupe de règlements sur l'emballage neutre. Je voudrais avoir plus d'information.
[Traduction]
M. Garfield Mahood: Merci, monsieur le président et monsieur Ménard.
Pour ce qui est de l'emballage neutre... Soit dit en passant, en ce qui concerne les mises en garde qui vous ont été envoyées il y a un an, elles étaient apposées sur des emballages neutres, c'est-à-dire sur des paquets sur lesquels il n'y avait aucune présentation de l'industrie; il s'agissait de paquets sur lesquels il n'y avait ni dessin ni effet visuel. Un emballage neutre comme celui-là empêche l'industrie du tabac d'utiliser un paquet de cigarettes à des fins de mise en marché.
Laissez-moi vous expliquer à quelle rapidité ces réformes se répandent. Il y a cinq ou six ans, j'ai été invité par l'Institut national du cancer des États-Unis à faire un discours à Varsovie, en Pologne. Là-bas, le professeur Zatonski, qui dirige le Centre commémoratif Maria Sklodowska-Curie et l'Institut d'oncologie de Varsovie, a pris un des paquets de cigarettes de marque Camel que j'avais apportés à Varsovie et l'a apporté au Parlement le lendemain. Or, en moins de 24 heures, ces paquets de cigarettes avaient fait le tour du Parlement polonais, d'une tribune à l'autre. Et en un ou deux ans à peine, on retrouvait les mises en garde partout.
• 1710
Ce phénomène a son importance, dès lors qu'on sait qu'en Europe de
l'Est, on ne finançait jamais les organisations de lutte contre le
cancer, de lutte contre les maladies cardiaques ou de lutte contre les
maladies pulmonaires, et que, par conséquent, aucune information sur
les risques causés par le tabac n'était fournie dans nombre de ces
pays anciennement communistes où les produits du tabac étaient fournis
par l'État. Or, avec une seule mise en garde apposée sur les paquets
de cigarettes en Pologne, on a réussi à faire descendre le tabagisme
d'environ 4 p. 100. C'est une réussite phénoménale, lorsqu'on sait que
des millions de Polonais fumaient.
Les mises en garde canadiennes circuleront tout autant. Je répète que nous vous recommandons d'adopter les règlements tels quels et sans tarder, mais si vous allez encore plus loin et que vous recommandez que nous revenions pour proposer une réforme supplémentaire, celle de l'emballage neutre, et que nous nous penchons sur les quatre autres lacunes et zones problématiques dont parlait Neil, cela nous permettra de prendre l'initiative et d'avancer encore plus.
Vous savez, il y a une chose que le milieu de la lutte antitabagisme dans le monde entier a du mal à accepter, c'est que vous parliez d'un plan exhaustif dans le but d'enrayer une épidémie de décès qui est censée tuer quelque 500 millions de gens, d'après les chiffres recueillis dans le monde entier. Or, on ne peut endiguer une épidémie de ce genre avec un simple programme de mises en garde sur les emballages ou avec une interdiction de la publicité. Il faut un plan beaucoup plus global que cela.
La difficulté, c'est qu'à partir du moment où l'on adopte la première phase du plan, l'industrie du tabac en profite ensuite pour l'édulcorer. Et on se demande encore pourquoi les jeunes continuent de fumer! Il faut lutter avec un plan global, qui attaque sur tous les fronts. Un des fronts, c'est l'emballage neutre. Ensuite, il faut se débarrasser des appellations «légère» et «douce», qui découlent du problème de la fraude des normes ISO inscrites sur l'emballage... Voilà un autre problème qu'il faut régler. Enfin, il y a l'interdiction de publicité et de commandite. Si vous foncez sur tous les fronts, vous pourrez alors appeler le milieu de la santé dans 10 ans pour lui demander pourquoi votre plan d'attaque n'a pas réussi. Mais je répète qu'il faut proposer des changements sur tous ces fronts.
Nous en avons mentionné trois ou quatre que nous espérons que vous évoquerez dans un rapport séparé. Nous espérons que vous demanderez à Santé Canada de revenir vous en parler lorsque votre comité en aura terminé avec cette question.
Le président: Merci beaucoup.
Nous allons passer à un autre intervenant. Nous sommes conscients du fait que nous commençons rapidement à manquer de temps.
Madame Wasylycia-Leis.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Merci, monsieur le président. J'aimerais poursuivre davantage le débat sur cette question, sur l'idée d'un plan global pour lutter contre un problème très grave, soit le pourcentage très élevé de tabagisme dans notre société aujourd'hui.
Regardons les observations du dernier groupe de témoins et leurs préoccupations relativement à l'absence d'un programme d'éducation et d'autres mesures—nonobstant l'Opération Carte d'identité. Nous savons tous ce dont il s'agit. Face aux mesures que le gouvernement a mises en place pour s'attaquer à ce problème sous tous ses aspects, je pense que certains d'entre nous autour de cette table se sentent frustrés du fait que nous ne savons pas comment le gouvernement s'attaque à chacun de ces éléments, que se soit le contrôle des prix, la publicité, l'emballage ou les poursuites contre les compagnies de tabac pour récupérer les coûts des soins de santé. Nous avons un sentiment de frustration face à chacun de ces aspects.
Il a été frustrant pour nous de constater qu'après avoir franchi toutes les étapes, le projet de loi S-13 est tombé à l'eau car il n'a pas reçu la sanction royale. Il a été frustrant pour nous de constater que le gouvernement n'a pas investi dans l'éducation et la prévention conformément à ses promesses électorales. Je pense que ce que nous espérons retirer de tout cela... Il est clair que cela fait partie du problème et qu'il faudrait avoir un appui, mais comment pouvons-nous inciter le gouvernement à faire des progrès dans chacun de ces domaines?
J'aimerais bien avoir un commentaire général à ce sujet si le temps le permet, mais j'aimerais vous parler d'une question bien précise. Il s'agit des fonds pour l'éducation et la prévention, les 100 millions de dollars qui ont été promis pour une période de cinq ans. Comme vous le savez, j'ai déjà demandé pourquoi cet argent n'avait pas été dépensé et s'il le serait. J'ai l'impression qu'on va me dire que tous les fonds serviront au règlement sur l'emballage.
La question que je voudrais vous poser, et que je voudrais poser à Les, puisque vous dites dans votre mémoire: «Je ne peux penser à un meilleur moyen que l'emballage même», pour ce qui est de l'éducation et de la prévention, est la suivante: est-il acceptable que tout l'argent promis par le gouvernement au cours des dernières campagnes électorales soit utilisé pour le règlement sur l'emballage à l'heure actuelle et qu'on oublie tout le reste?
Le président: Monsieur Hagen.
M. Les Hagen: Merci.
J'ai lu le témoignage et je sais que c'est une question que vous posez systématiquement, une excellente question d'ailleurs.
Le président: Mme Wasylycia-Leis est très systématique.
M. Les Hagen: Je pense que la réalité est qu'il n'y a pas suffisamment d'argent—il n'y a jamais eu suffisamment d'argent—pour lutter convenablement contre cette épidémie. Plus vous pourrez aider les professionnels de la santé à faire passer ce message, le mieux ce sera.
Nous avons vu des exemples aux États-Unis, en Californie, au Massachussetts, en Floride, en Orégon et dans d'autres États qui ont investi considérablement pour réduire le tabagisme et ils en récoltent déjà les résultats. Pourquoi le Canada ne s'est-il pas donné le même objectif? C'est une très bonne question.
M. Garfield Mahood: Monsieur le président, le fait est que ce montant d'argent ne fera pas une grande différence, peu importe ce pour quoi il est dépensé. Ce n'est rien du tout par rapport à ce qu'il faudrait faire pour contrôler le tabagisme, selon les meilleures pratiques. Donc, qu'on consacre cet argent à l'application de la loi ou pour faire un peu de publicité à la télévision pendant quelques mois, cela n'aura pas un impact important.
Au fait, ici à la table se trouve la personne qui a rédigé je crois le plan global pour l'Organisation mondiale de la santé. Vous avez donc un expert dans ce domaine. Pardonnez-moi si je montre intéressé, mais j'ai prononcé l'allocution à la séance plénière de la conférence mondiale à Beijing sur le plan global.
L'une des choses que j'ai dites à l'époque, c'est que nous n'allions pas changer quoi que ce soit tant que les jeunes... Les gens pensent—et c'est là le sujet préféré de tous les professionnels de la santé qui travaillent dans ce domaine. Beaucoup de gens, des législateurs, des éducateurs dans le domaine de la santé ou même tout simplement des parents, pensent que si l'on cible les jeunes, on obtiendra des résultats. Ceux qui travaillent dans le secteur de la santé tentent de dire au Parlement que si vous ciblez les jeunes, ça ne va pas fonctionner. Les jeunes aspirent à devenir adultes. Les jeunes n'aspirent pas être des enfants. Les jeunes regardent ce que font les adultes. Ils regardent l'interaction. Ils observent ce qui se passe dans le monde adulte par rapport au tabac. Donc, en fait, l'une des meilleures choses que vous puissiez faire, c'est d'envoyer un message aux jeunes en disant que les adultes prennent finalement le problème au sérieux.
C'est donc quelque chose qui aura vraiment un impact sur les jeunes. Pas immédiatement. Il faut de nombreuses années pour que l'impact se fasse sentir. Mais il faut commencer par envoyer aux jeunes le message que les adultes prennent finalement le problème au sérieux, comme il se doit.
Si vous voulez que les jeunes réagissent à un plan global, il y a deux choses qu'il ne faut pas oublier. Il faut non seulement envoyer une bonne information dans le système—c'est ce dont il s'agit—mais il faut aussi éliminer du système toute désinformation. Et c'est là une chose que vous n'avez pas faite avec votre réponse aux commandites.
Comment peut-on dire à un jeune que les adultes prennent le problème au sérieux alors qu'il y a des panneaux publicitaires de Players partout au pays qui présentent paraît-il des modèles d'écuries, un comportement athlétique adulte étant associé à la marque Players? Voilà la désinformation que vous devez éliminer du système.
La deuxième chose qu'il faut faire, c'est éliminer l'hypocrisie qui existe entre adultes sur la question. Lorsqu'on commence à éliminer l'hypocrisie du système... et je vais vous donner un exemple. Jusqu'à tout récemment, il était possible d'entrer dans n'importe quelle pharmacie au Canada pour acheter des cigarettes—un établissement de soins de santé. Les jeunes se disent que si les cigarettes étaient aussi mauvaises pour la santé qu'on le dit, on ne permettrait pas qu'elles soient vendues dans les pharmacies. Les adultes n'ont pas compris, mais les jeunes eux ont compris.
Il faut donc faire ces deux choses: éliminer la désinformation et éliminer l'hypocrisie. Lorsque les adultes commenceront à faire cela, c'est à ce moment que l'on commencera à avoir un impact sur les jeunes.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Szabo.
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Le groupe précédent représentait les exploitants de dépanneurs. Je pense que collectivement vous avez rejeté leurs arguments. Je me demande quel message vous pensez que nous devrions transmettre aux exploitants de dépanneurs face au mouvement de réduction du tabagisme. Ultimement leurs ventes, 25 à 40 p. 100 de leurs recettes ou de leurs profits, selon les chiffres qu'ils nous donnent sont appelés à disparaître, avec leur gagne-pain, etc. C'est presque inévitable.
• 1720
Ce n'est pas un problème nouveau. Nous avons adopté la banalisation
des emballages en 1994, je pense, et toutes ces questions ont été
soulevées avec les mêmes arguments. Que recommandez-vous au
gouvernement fédéral de dire à ceux qui travaillent et dépendent des
industries qui se font peut-être attaquer?
M. Neil Collishaw: Je pense qu'il y a quelques éléments qu'il est important de comprendre. Le premier, c'est que rien ne va changer par magie du jour au lendemain. Même en présence de circonstances les plus favorables—je ne pense pas que nous en soyons nécessairement là du point de vue de la santé publique—on assistera seulement à un déclin graduel de l'utilisation du tabac au Canada. À la fin des années 90, il y avait environ six millions de fumeurs au Canada. Au milieu des années 60, il y en avait environ six millions. Le nombre a augmenté, puis il a diminué.
En fait, le changement se fait lentement et, à cause de cela, les grossistes, les détaillants et tous les autres intervenants dans la chaîne de distribution auront le temps de s'adapter à la nouvelle réalité économique. Des commerçants malins vont être conscients de ces tendances et ils vont s'adapter en conséquence. Ceux par contre qui s'accrochent désespérément au passé risquent de ne pas aussi bien s'en sortir. C'est cela, le monde des affaires.
M. Paul Szabo: Je pense que c'est probablement une image réaliste de ce qu'il adviendra probablement.
Il y a encore quelques questions sans réponse, et je me demande pourquoi personne d'entre vous n'a proposé des amendements aux règlements à ce sujet. Il y a par exemple la question de savoir s'il est préférable d'utiliser la glissière que l'encart. S'il n'en tenait qu'à vous... Ne devrions-nous pas plutôt dire que ce n'est pas une alternative, et que c'est ceci ou cela qu'il faut faire?
Par ailleurs, l'exemption des emballages souples ressemble à une échappatoire. Pourquoi donc? Cela n'a pas de sens. Ne devrions- nous pas avoir ou proposer un amendement aux règlements, est-ce que Santé Canada a donné suite?
Il y a aussi le problème du chiffrage ISO désignant le contenu. Il y a l'ancienne version et la nouvelle version, et toutes deux reposent sur des raisonnements totalement différents. Désormais, les deux chiffres vont apparaître sur le paquet. Cela ne semble pas vraiment être une bonne façon de rendre les choses plus claires, bien au contraire. Pourquoi ne recommandez-vous pas l'utilisation de la norme la plus récente et la plus fiable? Pourquoi ne pas le faire?
Je suis sûr qu'il y a bien d'autres choses encore, comme les litiges concernant les marques de commerce et l'impression. On y travaille d'ailleurs.
Mais le tout dernier point, et qui est probablement pour moi le plus important, c'est qu'il me semble que vous restez intimement convaincu qu'au bout du compte, la solution devrait être l'emballage générique. Cette question est mise en veilleuse. Je dirais que ce que vous avez fait, c'est de nous demander, par un moyen ou un autre, en plus de travailler sur les règlements qui nous sont soumis, de dire quelque chose du genre: «Nous voulons que la question de l'emballage générique soit remise sur le tapis».
Toutes les autres questions, non encore résolues, restent entières dans la mesure où à votre avis, il est possible qu'il soit prématuré de changer les règlements comme cela a été proposé, qu'il reste du travail à faire, mais vous voulez néanmoins que toutes ces questions restent ouvertes. Je pense personnellement que ce point de vue est valable et je recommanderais que nous envisagions de le faire, mais pour partir d'un bon pied, pourquoi ne pas changer immédiatement les règlements dans le sens où vous pensez que nous devrions le faire?
M. Garfield Mahood: Monsieur le président, je voudrais dire à M. Szabo qu'à mon avis, vous devriez effectuer une rapide analyse de rentabilité à ce sujet. Il arrive en effet que la santé publique et le monde de la politique aient une interface.
• 1725
Si nous apportions immédiatement des changements à ces règlements,
étant donné tout ce que nous avons appris au fil des ans au sujet du
processus réglementaire, et plus particulièrement ce qui se passe
actuellement, tout cela pourrait être retardé pendant au moins six
mois. Si l'industrie avait gain de cause, elle ferait dérailler
complètement tout le processus. Par conséquent, si les messages
d'avertissement sont adoptés aussi rapidement que possible et s'ils
apparaissent aussi rapidement que possible sur les paquets de
cigarettes, il serait littéralement possible d'empêcher des centaines,
voire des milliers, de décès. Certes, ce sera pour plus tard. Mais que
va-t-il arriver aux fumeurs pendant les six prochains mois? Vous
pouvez avoir une influence.
Pour ce qui est de votre deuxième question, nous en sommes parfaitement conscients. On le constate d'ailleurs déjà dans le monde entier. Lorsqu'il s'agit des populations des autres pays, il est possible d'intervenir tout de suite à cet égard, avant d'aller plus loin, ou encore d'en profiter sur le plan international en intervenant rapidement grâce à ce précédent, quitte à régler le problème en temps utile après coup.
Par exemple, si vous demandiez dans votre rapport—et cela vient de vous, monsieur Szabo—que l'exemption accordée aux emballages souples soit réexaminée et évaluée—en d'autres termes, que le comité rouvre le dossier plus tard—je ne pense pas que l'industrie investisse autant d'argent et fasse autant qu'elle le fait déjà pour exploiter cette échappatoire, sachant que c'est une question sur laquelle vous allez revenir plus tard. Il en va de même pour quelques autres problèmes. Peut-être l'industrie ne voudra-t-elle pas tenter d'exploiter cette échappatoire si elle sait que le comité de la Santé l'a dans son collimateur.
Je pense que vous seriez plus avancés si vous vous atteliez immédiatement à la réglementation.
Le président: Je vous remercie, monsieur Mahood. Vous faites valoir quelque chose de très intéressant et qui, à mon avis, met bien les choses en perspective.
Madame Wasylycia-Leis, c'est de cela que vous vouliez parler, n'est-ce pas?
Je pense que nous devrions nous en remettre pour l'instant aux bons soins du secrétaire parlementaire afin qu'il fasse la liaison avec le milieu de la santé pour ensuite nous soumettre une recommandation sur la meilleure façon de procéder. Je pense que vous nous avez bien dit, et en toute franchise j'en conviens avec vous, que nous devrions voir cela de plus près.
Monsieur Jordan.
M. Joe Jordan (Leeds—Grenville, Lib.): Merci, monsieur le président.
Comme c'est moi qui suis en quelque sorte entré dans le petit détail technique des questions d'emballage, je me sens un peu obligé de me défendre.
Monsieur Mahood, je pense que vous avez bien résumé la situation. Je vais paraphrasé M. Collishaw ainsi: «Les seuls emplois qui vont disparaître sont ceux que l'industrie du tabac voudra faire disparaître». Je pense que vous avez un peu remis les pendules à l'heure.
Si j'ai bien compris la question de l'emballage qui nous occupe actuellement, toutes les maquettes en quadrichromie changent le procédé utilisé par le compagnies de tabac pour leurs marques de commerce, dans la mesure où elles permettent la superposition d'un emballage transparent sur un emballage opaque. Nous pourrions aller jusqu'au moindre détail technique, mais pour commencer, avez-vous constaté que les fabricants de produits du tabac se montraient coopératifs à ce sujet?
M. Garfield Mahood: D'après la professeure McKeage, qui est actuellement le numéro deux au programme contre le tabagisme de l'Organisation mondiale de la santé, les monopoles de l'industrie du tabac dans certains pays asiatiques coopèrent effectivement, étant donné que si le gouvernement dit qu'il veut une solution à un problème, l'industrie acquiesce.
M. Joe Jordan: Mais est-ce que les fabricants de produits du tabac du continent nord-américain essaient de nous aider ou le contraire?
M. Garfield Mahood: À chaque étape...
M. Joe Jordan: Ils font obstacle.
M. Garfield Mahood: ... l'industrie du tabac... surtout en ce qui concerne le tabagisme chez les enfants. Sur tous les nouveaux fumeurs, 85 à 90 p. 100 sont des enfants et des adolescents. Si l'industrie ne parvient pas à accrocher les gamins, elle ne se fait pas de nouveaux clients.
M. Joe Jordan: Nous pourrions peut-être poursuivre parce que ce que je voulais entendre c'est qu'effectivement les fabricants ne coopèrent pas.
M. Garfield Mahood: En effet.
M. Joe Jordan: Je voudrais d'ailleurs vous citer une lettre envoyée par un certain M. Parker au président du comité suite à une série de questions que j'avais posées:
-
Je puis également vous confirmer, au nom de ceux de nos membres
avec lesquels je m'en suis entretenu, que si, par ces règlements,
le ministre Rock entend ordonner aux compagnies de modifier les
couleurs de leur marque de commerce, nous utiliserons tous les
recours juridiques possibles pour nous opposer.
Ainsi, l'adoption d'emballages génériques serait une bonne solution parce que cela ne poserait pas le problème des marques de commerce. Savez-vous comment nous pourrions nous y prendre pour imposer cela sans risquer de nous retrouver devant les tribunaux pour une question de marque de commerce?
M. Neil Collishaw: Je ne suis pas juriste, et je préférerais qu'un spécialiste du droit réponde à cette question, mais je puis néanmoins vous dire ce que je sais au sujet de l'Organisation mondiale de la santé où le même problème a été invoqué au niveau international. Lorsque j'étais à l'OMS, nous sommes allés consulter notre organisation parente, l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle qui administre la Convention internationale sur la protection de la propriété intellectuelle, une convention qui régit l'utilisation des marques de commerce dans le monde entier.
Nous avons une lettre du directeur général de l'OMPI adressée au directeur général de l'OMS dans laquelle il déclare catégoriquement que la Convention ne couvre que l'enregistrement des marques de commerce. En vertu de la Convention, une marque de commerce peut être enregistrée, par contre l'utilisation des marques de commerce est la prorogative des pouvoirs publics nationaux. Si un gouvernement estime qu'il y va de l'intérêt public de limiter l'utilisation d'une marque de commerce, le droit international ne l'empêche en rien de le faire. Il s'agit du droit international le plus ancien qui régit les marques de commerce sur le plan international. D'autres régimes ont été constitués, mais toujours dans le respect de celui-là.
M. Joe Jordan: Nous avons abandonné l'initiative de l'emballage générique parce que nous avions le sentiment que nous ne parviendrions pas à obtenir gain de cause. En convenez-vous?
M. Neil Collishaw: Devant les tribunaux?
M. Joe Jordan: Oui.
M. Neil Collishaw: Ce n'est pas ainsi que je vois les choses. Selon moi, c'est l'industrie qui aurait menacé de fermer ses usines au Québec à un moment particulièrement critique.
M. Joe Jordan: Peut-être quelqu'un de Santé Canada pourrait-il nous éclairer à ce sujet. J'avais cru comprendre que c'était le risque d'un recours en justice concernant les marques de commerce qui tué le dossier.
Le président: Comme vous le savez, il y a peut-être eu un certain nombre de raisons—certaines politiques, certaines économiques ou autres. Nous pouvons tenter de réunir toute l'information possible à ce sujet, et c'est ce que nous allons faire d'ici demain.
M. Garfield Mahood: Nous avons pour notre part fait parvenir au gouvernement les avis juridiques rendus par certains des plus éminents spécialistes du pays selon lesquels si le gouvernement canadien voulait imposer l'emballage générique, le GATT et l'ALENA ne seraient pas des obstacles. Cela ne veut pas dire pour autant que l'industrie n'en saisirait pas les tribunaux. Cela ne veut pas dire pour autant que l'industrie ne pourrait pas présenter une solide argumentation et monter un excellent spectacle. Mais au bout du compte, à l'issue des procédures, on aura gain de cause de l'avis de nos conseillers.
L'industrie du tabac va-t-elle s'adresser aux tribunaux? Elle est coutumière du fait. Certaines maisons mères ont leur siège aux États-Unis. Elles vont nous poursuivre en justice, ne serait-ce que pour ralentir les choses. Pour vous donner un exemple, ici au Canada, en contestant la Loi réglementant les produits du tabac, l'industrie a littéralement réussi à bloquer le précédent que nous avons créé au Canada en imposant des avertissements en noir et blanc. L'industrie a retardé de trois ans l'apparition de ces avertissements sur les paquets de cigarettes. Elle parvient à ralentir le cours des choses en recourant aux tribunaux, et c'est ce qu'elle va faire ici.
M. Joe Jordan: Je voudrais continuer un peu dans le même sens. Si nous parvenions à trouver le moyen d'avoir cette règle de 50 p. 100 de la surface consacrée au graphisme qui a invalidé l'argumentation de l'industrie sur les marques de commerce et imposé ses étiquettes sur les paquets de cigarettes aussi rapidement que possible, cela vaudrait-il la peine au moins d'envisager la chose?
M. Garfield Mahood: Personnellement, je ne...
M. Joe Jordan: Vous ne craignez pas une contestation devant les tribunaux avec l'argument de la marque de commerce?
M. Garfield Mahood: Je n'ai pas peur de cette question des marques de commerce. Cela signifierait-il que l'option est séduisante? Je n'en suis pas certain. À mon avis, il n'y a actuellement qu'une seule marche à suivre, et c'est d'approuver le train de règlements sous sa forme actuelle. Il est certain que je serai contre quoi que ce soit qui puisse faire dérailler cela. Mes collègues ont par contre sans doute leur avis à ce sujet.
Le président: D'accord. Merci, monsieur Jordan.
M. Joe Jordan: Je vous remercie.
Le président: Je remercie nos témoins.
Nous allons maintenant entendre le représentant du Small Guys Tobacco Group, M. Colm O'Shea. Je vais demander à M. Mills de présider cette partie de notre réunion étant donné que j'ai un autre engagement.
Avant de vous quitter, je voudrais rappeler aux membres du comité que nous nous réunissons également demain. À cette séance, qui nous permettra de faire le bilan, nous entendrons plusieurs témoins. Nous commencerons nos travaux à 15 h 30 mais il y aura également un vote demain après-midi, de sorte que nous voudrons peut-être les faire venir tous. Nous nous réunirons mercredi de 12 h 30 à 13 h 30 pour conclure. Y a-t-il des questions à ce sujet? Parfait. Merci beaucoup.
Monsieur Mills, auriez-vous l'obligeance d'assumer la présidence?
Le président suppléant (M. Bob Mills): J'aimerais que nous puissions commencer, et je vais demander M. O'Shea de nous faire son exposé.
[Français]
M. Colm K. O'Shea (Small Guys Tobacco Group): Merci, monsieur le président et membres du comité. Je ferai mes commentaires en anglais. J'apprends le français, mais je ne suis pas encore expert.
[Traduction]
Merci monsieur le président et tous les membres du comité. C'est un honneur pour moi de pouvoir vous faire cet exposé.
Cet exposé représente le point culminant de plusieurs mois de travail quant à cette question très importante, et j'espère que ces travaux nous permettront d'arriver à un résultat juste et équitable.
Je m'appelle Colm O'Shea et je représente notre entreprise familiale, House of Horvath, ainsi que le Small Guys Tobacco Group. J'aimerais vous parler un peu de notre organisme et de l'industrie que nous représentons afin de bien encadrer mes commentaires sur la réglementation qui est proposée.
Étant donné que cet exposé est le dernier de la journée et peut-être même le tout dernier devant ce comité, je ne pense pas décevoir qui ce que soit si je dis que mon intervention ne devrait pas prendre tout le temps qui m'a été accordé. Cela ne veut toutefois pas dire que mes commentaires ne sont pas importants. La réglementation proposée a une importance vitale pour mon secteur et les nombreuses entreprises familiales qui le composent.
Le Small Guys Tobacco Group fabrique et importe des cigares et du tabac à pipe. Notre groupe ne représente que 0,5 p. 100 de toute l'industrie du tabac au Canada. Sur un organigramme de l'industrie du tabac, notre présence ne serait pas plus visible qu'un cheveu.
Il est évident que la réglementation a été conçue pour le restant de l'industrie, soit 99 p. 100, pour les organismes qui ont des millions, voire des milliards de dollars investis dans des infrastructures de production et d'administration. Cette réglementation n'est pas là pour les petites entreprises familiales comme la mienne. Nous ne produisons pas à des millions d'exemplaires. Nous faisons la plupart de nos produits à la main. Une réglementation comme celle-là représente une grave obstacle pour les entreprises comme les nôtres.
Le Small Guys Tobacco Group est d'accord avec les objectifs du gouvernement et les soutient. Il est essentiel de réduire le tabagisme chez les adolescents s'il n'est pas possible de l'éliminer complètement.
Ce qui préoccupe notre groupe n'est pas de diminuer les effets du tabac sur la santé, c'est que le but et la cible de cette réglementation sont tout à fait hors contexte lorsqu'il s'agit de notre industrie, et cela pour les raisons suivantes.
Les adolescents ne fument pas le cigare. L'image d'un jeune fumant un cigare en faisant de la planche à roulettes est aussi incongrue que l'image d'un aîné qui ferait de la planche à roulettes.
La consommation de cigares par habitant au Canada est l'une des plus faibles du monde industrialisé. À titre comparatif, cette consommation n'est que le quart de ce qu'elle est aux États-Unis.
Lorsqu'on fume un cigare comme il faut, on n'inhale pas sa fumée. Le National Cancer Institute of America rapporte d'ailleurs que la grande majorité des fumeurs de cigares n'inhalent pas la fumée.
On fume également le cigare de façon occasionnelle. La vaste majorité des fumeurs de cigares consomment moins de trois cigares par mois, pas par jour, pas par semaine, mais par mois.
Notre produit est un produit de mode. Les ventes de cigares fluctuent selon les modes et, à l'heure actuelle, la mode n'est pas aux cigares et notre chiffre d'affaires s'en ressent. Le National Cancer Institute of America le confirme d'ailleurs, lorsqu'il dit que les cigares engendrent moins l'accoutumance que la cigarette.
La dernière raison est la capacité que notre industrie aurait de respecter cette réglementation. Notre industrie aurait énormément de difficultés à se plier aux exigences administratives imposées par la réglementation.
Pour toutes ces raisons et bien d'autres encore, nous exhortons le comité à apporter des modifications très mineures à la réglementation, dans le sens où nous le signalons dans notre brochure. Si vous ne l'avez pas, et si vous n'y voyez pas d'objection, je vais vous la distribuer lorsque j'aurai terminé, au lieu de m'interrompre tout de suite pour le faire.
• 1740
Nous estimons que notre industrie est différente de celle des
fabricants de cigarettes, et nous pensons aussi que la
réglementation devrait mieux en tenir compte.
Les modifications que nous proposons ne vont nullement nuire aux objectifs généraux poursuivis par la réglementation, elles permettront uniquement de faciliter le processus pour les petites entreprises familiales afin de leur permettre de mieux la respecter. Notre secteur par ailleurs n'entend pas éluder cette responsabilité que nous jugeons depuis longtemps être la prérogative de Santé Canada, c'est-à-dire informer et éduquer.
Nous vous soumettons donc les modifications suivantes.
Tout d'abord, nous ne voulons pas avoir à utiliser des dessins sur nos avertissements. Les dessins et illustrations ont été conçues plutôt pour les fumeurs de cigarettes et, d'après ce que j'ai entendu ici aujourd'hui, c'est surtout à eux qu'ils s'appliquent.
En second lieu, nous ne sommes pas en faveur de l'apposition de messages chocs sur nos emballages, nous préférerions une campagne qui ferait valoir des messages positifs à propos des cigares.
En troisième lieu, nous voulons avoir la possibilité de concevoir la forme des étiquettes d'avertissement en fonction de celles des paquets et emballages internationaux non normalisés, et cela afin d'améliorer à la fois la perception et la lisibilité du message d'avertissement.
Quatrièmement, nous voulons que le plafond pour l'examen des matières constituantes soit porté à 10 millions d'unités. Tout autre plafond imposerait des dépenses énormes à nos membres sans que les Canadiens en retirent un avantage si justificatif.
Cinquièmement, nous désirons que les rapports de ventes se fassent sur une base annuelle plutôt que trimestrielle.
Sixièmement, nous désirons être dispensés des autres obligations de comptes rendus qui ne s'appliquent pas à notre secteur, puisqu'elles se traduiraient par du travail inutile pour nos membres et pour le gouvernement, sans que cela profite, ou si peu, aux Canadiens.
Les cigares, les fumeurs de cigares, et le groupe que je représente—les petits fabricants et les importateurs—sont très différents et des fumeurs de cigarettes et des fabricants de cigarettes. En général, mon entreprise et les autres petites entreprises que je représente aujourd'hui sont vraiment hors de la cible de votre comité; nous sommes la souris derrière l'éléphant. Le revolver avec lequel vous visez l'éléphant—ce sont les règlements—fait très peur à la petite souris. Nous craignons d'être piétinés.
En conclusion, nous sommes très inquiets et croyons que les règlements proposés feront beaucoup de tort à une industrie qui est surtout composée de petites entreprises et d'entreprises familiales, sans qu'ils aient aucun effet visible sur la santé du groupe-cible en question, c'est-à-dire les jeunes fumeurs adolescents de cigarettes. Selon moi, il est important d'avoir des règlements, mais ils doivent être conçus de manière équitable.
Le président suppléant (M. Bob Mills): Merci, monsieur O'Shea.
Y a-t-il des questions?
M. Joe Jordan: Monsieur O'Shea, étant donné que vous importez des produits qui ont souvent des formes différentes, et qu'il n'y a pas vraiment d'uniformité, est-ce qu'on ne pourrait pas résoudre le problème en apposant un collant sur tous vos produits?
M. Colm O'Shea: C'est justement le genre de suggestion que nous faisons.
Toutefois, dans notre petit établissement, nous importons des produits qui ont plus de 160 différentes formes et tailles. Les cigares varient en taille. Nous avons l'intention d'apposer des collants, mais il s'agit d'emballages qui viennent de l'étranger, et les gens de l'OMS devraient comprendre que ce sont des paquets normalisés que nous importons. Les Européens font des paquets qu'ils peuvent vendre au monde entier. Mais vous avez raison, nous pourrions apposer un collant, et d'ailleurs nous le faisons déjà.
Du point de vue de nos petites entreprises, il faudrait que le message soit inscrit sur le paquet, mais que le message soit quand même représentatif du contenu de la boîte. Nous sommes évidemment obligés d'inscrire le nombre de cigares qui se trouvent dans une boîte. J'imagine que le ministère de l'Industrie et du commerce et le ministère des Douanes et Accise exigeraient d'avoir cette information. Il faut également inscrire le nom du pays d'origine. Il se peut donc qu'en collant une étiquette sur une boîte, nous cachions de l'information qui pourrait être importante pour différents ministères.
Le président suppléant (M. Bob Mills): Oui, monsieur Proulx.
M. Marcel Proulx: Bon après-midi, monsieur O'Shea.
Si le règlement devait demeurer tel quel, combien d'argent vous coûterait la fabrication de votre millionième cigare, étant entendu que c'est à partir d'un million de cigares que vous devez assumer des frais supplémentaires.
M. Colm O'Shea: D'après les chiffres estimatifs de Santé Canada, cela pourrait représenter de 5 000 à 5 600 $ par marque.
M. Marcel Proulx: Si les comptes rendus ne devaient se faire qu'une fois par an, plutôt que tous les trimestres, quelle différence cela représenterait-il pour vous comme importateur, sur le plan des coûts?
M. Colm O'Shea: L'information que souhaite recevoir Santé Canada est tout à fait inhabituelle pour nous. Dans le courant de nos activités, ce n'est pas quelque chose que nous colligeons régulièrement. Nous avons montré à Santé Canada notre chiffre d'affaires de l'année et nous avons demandé si cela correspondait au type d'informations dont a besoin le ministère. D'après ce que j'ai compris, cela pourrait satisfaire Santé Canada.
Faire un rapport trimestriel pour une entreprise comme la nôtre, cela reviendrait presque à stopper les machines. Nous n'avons qu'un seul préposé au classement, et il serait obligé de s'occuper de toute la compilation. Serions-nous en mesure de remplir cette obligation? Notre petit groupe serait en mesure de la faire, mais nous serions en droit de nous demander pourquoi un relevé annuel ne suffirait pas.
Pour ce qui est des autres entreprises plus petites que la nôtre qui exploitent des logiciels comme ACCPAC pour établir un petit nombre de factures de vente sommaires, je ne suis pas sûr que ces entreprises soient en mesure de fournir à Santé Canada le type d'informations détaillées qu'elle souhaite.
Si on nous donnait au moins un an, je crois que nous pourrions en effet compiler les chiffres manuellement, au besoin; si nous avions un système qui nous permette d'établir les chiffres, je crois que nous pourrions vous les fournir sans trop de difficultés tous les ans.
M. Marcel Proulx: Merci.
Le président suppléant (M. Bob Mills): Si mes collègues me le permettent, j'aurais une question à poser.
Au fond, vous ne représentez qu'une toute petite part du marché; or, tout homme d'affaires qui se respecte cherche à augmenter sa part du marché. Autrement dit, ne souhaiteriez-vous pas, comme homme d'affaires, que fumer le cigare devienne un peu plus à la mode?
M. Colm O'Shea: Comme vendeur de cigares, je peux vous dire que notre industrie a connu une certaine période de prospérité, mais que les ventes sont retombées aujourd'hui à leur niveau de 1995, qui précédait cette prospérité. Nous avons connu une petite expansion, mais la vente totale des cigares au cours de cette période s'est maintenue relativement stable, même si elle a augmenté légèrement du côté des cigares de qualité. Donc, nous avons quand même connu une certaine prospérité, nous qui sommes des petites entreprises, mais nous sommes revenus à la normale depuis.
Pourrions-nous inverser la tendance? Non, je ne le crois pas. Dans une de mes notes, j'avais d'ailleurs inscrit que nous avions perdu 50 p. 100 de notre part du marché depuis 1975. La situation se corrigera-t-elle d'elle-même? Je ne le crois pas.
Si nous sommes dans ce domaine, c'est parce que nous sommes une entreprise familiale. Ma famille est dans ce domaine depuis 1932. Nous vendons un produit dans un marché qui se rétrécit, mais d'après les gens à qui nous le vendons, il s'agit d'un produit qui dénote un style de vie particulier. D'après ce que nous voyons, le taux de consommation du cigare n'est pas en train d'augmenter. D'ailleurs, je vous signalerais qu'au Canada, la moyenne de consommation est de cinq cigares par personne, alors qu'aux États- Unis, elle est de plus de 20. Vous n'allez pas nécessairement vouloir applaudir à tout rompre, mais c'est un fait.
Je ne sais pas quel sera notre avenir. Au Canada, les mises en garde sont parmi les plus musclées qui soient. Nous avons le taux d'imposition le plus élevé du monde industrialisé. Ces deux facteurs, les obligations en matière d'avertissements et le taux d'imposition actuel, font que notre position reste statique, et qu'elle diminue même constamment. Si, d'ici 25 ans, nous perdions encore 50 p. 100 de notre part du marché, faudrait-il croire que sur une autre période de 25 ans, nous perdrions encore tout naturellement 50 p. 100 de la part du marché qui nous reste, peu importe les mesures que prendra le gouvernement? Je le crains fort.
Lorsque j'ai lu les règlements... Laissez-moi être honnête avec vous. Lorsque j'ai joint les rangs de l'entreprise familiale il y a environ six ans, mon beau-père m'avait expliqué à l'époque qu'il ne savait pas ce que nous réservait l'avenir. Il n'en sait toujours pas plus aujourd'hui. Ce qu'il faut comprendre, c'est que d'une année à l'autre, on nous a constamment imposé des changements en matière d'emballage sur lesquels nous n'avions aucun pouvoir.
Nous sommes heureux de pouvoir compter aujourd'hui sur l'appui de nos collègues qui sont dans le marché international, mais qui sait si leur appui sera indéfectible. J'espère que la tendance mondiale est à une plus grande uniformisation et standardisation; mais pourquoi vouloir nous retirer 0,5 p. 100 de notre part du marché en vue de normaliser une industrie mondiale beaucoup plus importante que la nôtre, alors que nos ventes sont marginales et insignifiantes à l'échelle mondiale?
Le président suppléant (M. Bob Mills): Y a-t-il d'autres questions?
Merci.
La prochaine réunion du comité aura lieu demain, à 15 h 30.
La séance est levée.