INDU Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON INDUSTRY
COMITÉ PERMANENT DE L'INDUSTRIE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 14 décembre 1999
La présidente (Mme Susan Whelan (Essex, Lib.)): La séance est ouverte. Conformément au mandat que lui confère le paragraphe 108(2) du Règlement, notre comité se penche sur la productivité, l'innovation et la compétitivité dans le secteur de la construction navale.
Nous sommes très heureux d'accueillir aujourd'hui les témoins suivants: M. Peter Cairns, président de l'Association de la construction navale du Canada; MM. Raymond Johnston, président, et Jim Campbell, vice-président et directeur général, Chambre du commerce maritime; MM. Donald Morrison, président, et Réjean Lanteigne, vice-président, Opérations, Association des armateurs canadiens.
Je propose que chaque témoin présente son mot d'ouverture avant de passer à la période des questions.
À moins que vous n'en ayez convenu autrement, nous allons commencer, selon la liste que j'ai donnée, par le témoignage de l'Association de la construction navale du Canada.
Monsieur Cairns.
M. Peter Cairns (président, Association de la construction navale du Canada): Madame la présidente, mesdames et messieurs, l'industrie de la construction navale est heureuse de pouvoir comparaître devant le Comité permanent de l'industrie.
Sauf erreur, vous avez déjà entendu le témoignage d'Industrie Canada. Ce matin j'entends donc mettre l'accent sur la raison d'être d'une industrie navale au Canada et dissiper les mauvaises perceptions que l'on peut avoir de l'état de ce secteur industriel dans son ensemble et du rôle que la construction navale au Canada peut jouer sur les marchés canadien et international.
L'Association de la construction navale du Canada, formée en 1995, est issue de l'Association canadienne des industries maritimes qui avait cessé ses activités l'année précédente. Son objectif vise la promotion et le développement de la construction navale au Canada, de la réparation des navires et des industries connexes d'équipement et de services maritimes.
L'Association représente la plupart des grands chantiers maritimes établis sur les bords de l'Atlantique, du Pacifique et des Grands Lacs.
Toute étude sur la construction navale doit tenir compte de trois principes qui ont eu et qui continueront d'avoir un effet important sur l'industrie.
Premièrement, où que ce soit dans le monde, les constructeurs de navires ne peuvent plus se fier à des marchés préférentiels comme ceux que leur fournissait jadis le gouvernement ou la marine de leur pays. Ils doivent trouver des marchés externes.
Deuxièmement, les forces libres du marché s'exercent peu, sinon jamais, dans l'industrie. La construction navale est devenue ce qu'elle est, non pas sous l'effet des forces naturelles du marché, mais bien de la manipulation politique, qui prend habituellement la forme de subventions. On l'oublie trop souvent et, dans les discussions sur l'industrie canadienne, on met l'accent sur le rôle du marché pour déterminer du succès ou de l'échec des entreprises. Dans cette industrie, ce n'est pas le marché qui en décide, mais les gouvernements.
Troisièmement, l'accès à du financement concurrentiel est un élément capital dans la décision d'un propriétaire de passer une commande à un chantier naval. En effet, il ne faut pas dénigrer les facteurs plus traditionnels de la concurrence. Qu'il suffise de dire qu'il est possible de dresser une bonne proposition technique à un prix excellent, mais, à moins de compter sur un solide financement, la proposition risque de rester lettre morte.
Quelles sont les perspectives du marché de la construction navale à l'échelle mondiale? Dans la plupart des études sur la construction navale, l'effet de la crise financière en Asie est à peine prise en compte, si toutefois elle l'est. Tout comme la chute du cours du baril de pétrole a nui à l'industrie de production de pétrole en mer, la crise financière en Asie fait chuter radicalement les tarifs marchandises. Ces deux événements ont nui aux chantiers navals du monde entier qui construisent les navires, les tours de forage et les structures qu'exigent ces deux marchés. Néanmoins, plusieurs facteurs importants devraient rester inchangés dans un avenir prévisible.
Selon le premier de ces facteurs, plus de 75 p. 100 des marchandises du monde entier continueront à faire l'objet de transport maritime. Le deuxième, c'est que le transport maritime sera le moyen de transport le plus rentable et le plus écologique dans un avenir prévisible.
Saviez-vous qu'avec 5 litres de carburant, on transporte une tonne de marchandises sur une distance de 6 kilomètres par avion, de 100 kilomètres par camion, de 333 kilomètres par train et de 500 kilomètres par navire?
L'an dernier, la société de classification allemande Germanischer Lloyd a fait paraître ses prévisions décennales sur les exigences mondiale en matière de construction navale, qui étaient fondées sur les résultats d'une recherche menée par l'Institute of Shipping Economics and Logistics, de Bremen, et l'Ocean Ship Consultants, de Liverpool. La société a conclu que, à cause de l'âge, du resserrement des exigences en matière de sécurité et des règlements de contrôle portuaires et nationaux, près de la moitié de la flotte mondiale de vraquiers, soit 3 000 navires, devront être mis en épave d'ici 2006. Il faudra donc livrer, au cours de cette même période, quelque 3 200 navires.
La demande visant le tonnage des pétroliers devrait se stabiliser au niveau actuel. La demande de transport de pétrole brut a été remplacée par celle du transport de produits tels que du gaz naturel liquide et du gaz de pétrole liquéfié. Environ 1 200 pétroliers devraient être retirés de la flotte et remplacés par 1 500 nouveaux. La demande de navires transporteurs de G.P.L. devait donner lieu à un effort soutenu pour construire 60 navires par an. Une hausse de la demande visant les navires transporteurs de produits chimiques devrait entraîner la livraison de quelque 500 navires sur une période de dix ans. Durant cette période, on devrait construire environ 9 400 navires de charge.
La croissance de la construction de porte-conteneurs devrait se poursuivre au rythme de 5 à 10 p. 100 par année. Dans un avenir prévisible, il existe un marché pour les navires. Le Japon, la Corée du Sud et la Chine devraient continuer à dominer dans l'industrie de la construction navale. À l'heure actuelle, ils ont 70 p. 100 du marché. Quant au Canada, il ne possède qu'une part de 0,04 p. 100 du marché mondial.
• 0910
C'est pourquoi les représentants du gouvernement fédéral ont
tendance à ne pas accorder d'attention à l'industrie. La preuve,
c'est qu'Industrie Canada ne comprend pas une direction maritime,
et encore moins de la construction navale.
Certains ont soutenu dernièrement que les Asiatiques ne se croisent pas les bras en attendant que le reste du monde rattrape le temps perdu. Il faut noter que les Coréens, par exemple, observent un autre livre de règlements et le font avec l'approbation de leur gouvernement. C'est d'ailleurs une des raisons qui expliquent le désordre qui règne dans l'industrie mondiale.
Daewoo est l'un des plus grands constructeurs de navires. Daewoo est endetté à un point qui ne serait toléré ni en Amérique du Nord ni en Europe. Les douze divisions principales de Daewoo ont une dette accumulée de 73 milliards de dollars US. Des ratios dettes/total de l'actif de 400 à 1 000 p. 100 ne sont pas rares en Corée. Les banques coréennes ont été accusées par l'Union européenne d'utiliser des fonds d'urgence du FMI pour refinancer la dette de sociétés comme Daewoo.
La Commission européenne a fait enquête sur neuf commandes de navires dans les chantiers de la Corée du Sud et a constaté qu'aucune ne permettait le moindre profit. Les prix inscrits sur les neuf commandes étaient inférieurs de 13 à 40 p. 100 aux coûts estimatifs.
Il semble que les chantiers coréens fixent les prix selon leur perception de l'activité du marché et non d'après une estimation fondée sur les coûts ascendants. L'Union européenne a indiqué son intention de faire comparaître la Corée du Sud devant l'Organisation mondiale du Commerce sous des allégations de subventions injustes aux chantiers navals.
La surcapacité fait problème dans l'industrie mondiale et les représentants s'empressent de l'invoquer pour expliquer que l'industrie canadienne ne vaut pas la peine d'être sauvée. Je ferai remarquer que la surcapacité est présente dans pratiquement toute industrie qui réussit. Il y a une surcapacité équivalente dans les industries mondiales de l'aérospatiale et de l'automobile. Les partisans du libre-échange soutiennent que les forces du marché viennent à bout naturellement des problèmes de surcapacité, de sorte que seules les entreprises efficaces survivent. Parce que les marchés de la construction navale sont manipulés artificiellement, l'inefficacité peut être récompensée et les petits chantiers efficaces n'ont jamais la chance de livrer concurrence.
Les gouvernements occidentaux, dont celui du Canada, ont laissé cette situation s'installer. Aujourd'hui que la situation est poussée à l'extrême, l'impression générale est que le pays est prêt à laisser tomber toute l'industrie. Nous exhortons les gouvernements à reconnaître leur rôle dans tout cela et à travailler consciencieusement avec l'industrie pour corriger la situation. Nous soutenons également que, dans l'intérêt économique du Canada, il est indispensable que la construction navale et ses activités commerciales ne soient pas entièrement entre les mains des puissances étrangères.
On insiste peut-être trop sur la situation de la construction navale à l'échelle mondiale. Nous n'avons pas l'intention de concurrencer directement les Coréens et les Japonais. Une question plus importante encore réside dans le rôle que joue l'industrie de la construction navale pour appuyer la flotte canadienne et son industrie de production de pétrole en mer.
Le Canada est en train de bâtir une industrie de la construction navale efficace. Cette industrie n'est pas trop grande et elle n'a pas besoin de l'être. Comme on le sait, nous employons actuellement quelque 5 000 personnes. Nous avons la capacité nécessaire pour fournir 12 000 autres emplois sans investir davantage dans l'infrastructure.
Dans le mémoire d'Industrie Canada, on s'est donné beaucoup de mal pour montrer que la surcapacité au Canada était comparable à celle qui existe à l'échelle mondiale. Nous ne sommes pas de cet avis. Une comparaison entre les industries canadienne et mondiale qui porte sur le tonnage brut aboutit à des conclusions erronées. Comme le tonnage brut est une mesure du volume intérieur, statistiquement, les pays qui construisent de gros navires font paraître minuscules les pays qui en construisent des petits.
L'industrie de la construction navale sur la côte Ouest en est une parfaite illustration. Depuis 1949, 2 550 navires ont été construits en Colombie-Britannique, mais seulement 20 de ces navires étaient de plus de 5 000 tonnes brutes.
Existe-t-il un marché intérieur pour la construction navale? Il y a 174 navires automoteurs de plus de 1 000 tonnes brutes dans la flotte marchande enregistrée du Canada. Il y a également 253 remorqueurs et 1 312 barges. La flotte canadienne des Grands Lacs a en moyenne 30 ans et devra être renouvelée. Il faudra doubler la coque des pétroliers canadiens d'ici 2010.
À l'heure actuelle, 26 navires sont en voie de construction pour des intérêts canadiens, dont dix le sont au Canada et 16, à l'étranger. Sur ces navires construits à l'étranger, quatre navires sont trop gros pour être construits au Canada, alors que les 12 autres auraient pu l'être. À cause des coûts et du financement, les armateurs canadiens ont décidé de s'adresser à des chantiers étrangers. Si les chantiers au Canada avaient été en mesure de livrer concurrence pour ces contrats, je n'aurais vraisemblablement pas comparu devant vous aujourd'hui. Il existe une possibilité d'égaliser les règles du jeu.
• 0915
La Jones Act et l'Accord de libre-échange nord-américain ont
nui aux constructeurs de navires canadiens. Les États-Unis et le
Canada sont les principaux partenaires commerciaux l'un de l'autre.
La valeur du commerce bilatéral s'élève à 312 milliards de dollars
US, ce qui a incité les partisans du libre-échange à déclarer que
l'ALENA fonctionnait.
Même si l'ALENA a avantagé des millions de personnes, il a fait peu pour l'industrie canadienne de la construction navale. La Jones Act est exclue de l'ALENA et, le 1er janvier 1998, tous les autres tarifs sur la construction navale et la réparation de navires ont été éliminés. Nous sommes maintenant aux prises avec la situation ridicule selon laquelle une entreprise canadienne peut construire aux États-Unis, bénéficier des dispositions de financement spéciales qui y sont offertes pour la construction navale puis importer le navire en franchise aux fins de commerce le long des côtes canadiennes, alors que nous ne pouvons avoir accès au marché intérieur américain.
Dans l'industrie, nous sommes d'avis que de telles mesures protectionnistes devraient être éliminées entre des pays libre-échangistes. Logiquement, le marché américain devrait être le marché du Canada. À l'heure actuelle, 169 navires sont en voie de construction pour des intérêts américains. Toute percée sur le marché américain devrait avoir un effet positif sur notre industrie.
Dans une tentative pour égaliser les règles du jeu, l'Organisation de Coopération et de Développement économiques, après des années de négociations, a élaboré un accord interdisant de subventionner directement et indirectement la construction navale. Cet accord devait entrer en vigueur en 1996. La décision des États-Unis—un des principaux responsables de l'initiative—de ne pas le ratifier a compromis le succès de tout accord futur. Dans l'industrie, nous pensons que l'élimination des subventions et des pratiques commerciales déloyales est essentielle à la survie de la construction navale en Europe et en Amérique du Nord.
Plus tôt cette année, l'Association de la construction navale du Canada a uni ses forces à celles du mouvement syndical. Nous avons élaboré conjointement un document stratégique que nous avons fait parvenir au gouvernement, proposant à sa réflexion sept initiatives. Je n'entrerai pas dans les détails maintenant, puisqu'on me dit que vous les connaissez bien. Je serai disposé à en parler au cours de la période des questions, si vous le voulez.
L'ennui, c'est qu'à quelques exceptions près, on ne s'intéresse pas à notre industrie. L'attitude générale semble être que, si le gouvernement faisait quelque chose pour l'industrie, il créerait un dangereux précédent et devrait faire de même pour toutes les industries. C'est illogique. Il y a toujours des dispositions spéciales qui sont mises en place pour des industries particulières. Nous avons donc l'impression que, non seulement le gouvernement refuse de s'asseoir pour discuter de bonne foi des problèmes de l'industrie et pour nous aider à trouver des solutions.
Dans ce dossier, le gouvernement fédéral adopte une position minoritaire. En effet, l'examen de la politique est préconisé par les provinces aussi bien que par bon nombre de petites et de grandes villes, les chambres de commerce, les partis d'opposition, les syndicats, le caucus des Libéraux de l'Atlantique et, selon le journal de ce matin, par le Comité des finances de la Chambre des communes.
Bien sûr, le gouvernement fédéral aide un peu l'industrie. On connaît le tarif de 25 p. 100 sur les navires non assujettis à l'ALENA, la nécessité de remplacer et de réparer au Canada les navires du gouvernement, l'aide à la rationalisation, la déduction pour amortissement accéléré, les crédits applicables à la R-D et les subventions de la SEE. Ce sont des mesures utiles et importantes pour l'industrie, mais elles sont inefficaces, compte tenu de la concurrence qui se livre sur le marché de nos jours. Le principal problème est que le marché est en constance évolution, de sorte qu'il faut réexaminer les mesures de soutien.
Notre association est d'avis qu'il faut améliorer l'aide financière du gouvernement. Mais comment peut-on régler les problèmes d'une industrie, quand on ne peut même pas dialoguer sérieusement avec ceux qui établissent les règles?
Quand on négocie de bonne foi, on aboutit à de belles réalisations. Si l'industrie n'a aucun avenir, comment se fait-il que nos activités avec la SEE augmentent chaque année?
Le principal avantage d'une saine industrie de la construction navale a trait aux emplois, en particulier dans les régions où les emplois rémunérateurs et hautement qualifiés sont rares. Il serait possible de créer environ 6 000 emplois directs, si les carnets de commandes étaient bien remplis, sans même modifier l'infrastructure actuelle de la construction navale. Or, les emplois dans ce secteur au Canada commandent un salaire moyen qui est supérieur de 33 p. 100 à la norme canadienne. En moyenne, 80 p. 100 des frais versés au constructeur de navires restent au Canada.
Une autre raison importante qui justifie la préservation d'une industrie de la construction navale au Canada, c'est que les compétences périssables en matière de haute technologie qui sont associées à la construction de navires modernes resteront au Canada et continueront de se perfectionner. La perte de ces compétences aura de graves répercussions sur la défense maritime du Canada.
Dans le pays maritime qui a pour nom le Canada, l'industrie de la construction navale a un rôle à jouer, mais notre survie dépend de notre accès aux marchés mondiaux. Au XXIe siècle, le Canada aura toujours besoin de navires. L'industrie de la production d'hydrocarbures en mer ne fait que commencer et il faudra faciliter sa croissance. Rien ne justifie que l'industrie canadienne ne joue pas un rôle important dans ces entreprises.
• 0920
Nous ne voulons pas forcer les armateurs canadiens à
construire des navires au Canada. Notre industrie veut livrer
concurrence en comptant sur ses propres mérites, mais elle n'y
parviendra jamais sans l'appui du gouvernement fédéral. Il faut se
rappeler l'époque où l'aérospatiale était dans le même bateau,
littéralement.
À l'heure actuelle, nous possédons 0,04 p. 100 du marché mondial. Un autre 0,06 p. 100, qui donnerait au total 1 p. 100 du marché mondial, ferait beaucoup pour garantir la viabilité et la vigueur d'une industrie de haute technologie. Cette industrie produirait non seulement des navires, mais il en résulterait aussi des citoyens bien rémunérés, hautement spécialisés et utiles. Qui s'opposerait à cet investissement?
Merci.
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Cairns.
Nous allons maintenant entendre M. Johnston, de la Chambre du commerce maritime.
M. Raymond Johnston (président, Chambre du commerce maritime): Merci. Je suis heureux de pouvoir venir faire un exposé devant le comité ce matin. Je suivrai une série de diapositives qui, je crois, vous ont été remises.
La Chambre de commerce maritime représente quelque 100 entreprises exerçant leur activité dans les transports maritimes, notamment dans la région des Grands Lacs et de la Voie maritime du Saint-Laurent. Elle est de portée binationale et représente un très large éventail d'intérêts maritimes. Parmi ses membres, elle compte d'importants expéditeurs exerçant leur activité dans la région des Grands Lacs et mondialement, des transporteurs tant intérieurs qu'internationaux, des ports établis le long de la voie maritime et une variété d'autres organismes fournissant des services maritimes. La Chambre a pour mission l'établissement de systèmes de transport maritimes efficaces et économiques qui favorisent la compétitivité de l'industrie canadienne.
Je voudrais faire quelques observations sur le transport par voie d'eau. C'est un domaine que je connais assez bien. Je suis au service d'une importante entreprise de transport canadienne depuis 23 ans et j'ai récemment accepté le poste que j'occupe actuellement au sein de la Chambre de commerce maritime.
Nombre d'industries ont besoin d'une flotte de navires marchands pour expédier leurs produits de base. L'industrie de l'acier du Canada, tant celle de l'Ontario que celle du Québec, compte sur la flotte de navires du pays pour le transport du minerai de fer et du charbon. De même, les exportateurs de céréales canadiens comptent fortement sur la flotte intérieure pour expédier le grain des Prairies par la voie maritime.
L'industrie s'est adaptée à la concurrence internationale, laquelle constitue même son principal stimulant. L'industrie de l'acier en est un bon exemple, car, dans le passé, notre principal concurrent était notre voisin. La concurrence s'est étendue à l'industrie américaine, qui est devenue notre compétiteur. Il est clair que, maintenant, la concurrence est composée des aciéries étrangères, soit celles de l'Extrême-Orient, de l'Europe et de pays en développement. Ces aciéries constituent les véritables concurrents de Stelco et de Dofasco.
Du point de vue du bien-être de la voie maritime, notamment en ce qui concerne les armateurs et expéditeurs canadiens, l'accès à des services de construction et de réparation de navires est d'une importance vitale.
La construction navale est un autre secteur où j'ai acquis une certaine expérience, qui me pousse à féliciter ce secteur de la qualité et de l'excellence de son travail. C'est une industrie fiable, contrairement à nombre de ses concurrents étrangers.
L'industrie de la construction navale canadienne se distingue d'une façon particulière dans son expérience sans pareille dans la construction de navires auto-chargeurs. Ces derniers sont des embarcations à technologie très avancée utilisées par d'importants expéditeurs qui transportent des millions et des millions de tonnes de matières premières vers des usines de la région des Grands Lacs, tant au Canada qu'aux États-Unis.
La main-d'oeuvre du secteur de la construction navale est spécialisée et profite à l'heure actuelle d'une amélioration du climat de travail. Ce secteur a rationalisé ses activités dans les 10 à 15 dernières années, avec l'aide des pouvoirs publics, les fabricants de navires cherchant à accroître leur productivité.
Sont en cours des programmes d'investissement et de modernisation axés sur le développement de capacités de haute technologie, la rationalisation et la recherche de nouveaux gains de productivité. L'activité s'est accrue dans les chantiers maritimes. Un certain de chantiers maritimes de la région des Grands Lacs se sont convertis de la fabrication de vraquiers à celle d'auto-chargeurs. Un chantier maritime a mis en oeuvre un important programme de reconstruction de l'avant-coque d'un certain nombre de ses auto-chargeurs. Tous les armateurs, compte tenu de l'âge de leurs flottes, ont entrepris d'importants travaux de carénage, de réparations métalliques et de prolongement de la vie utile des navires.
• 0925
Comparativement à leurs concurrents internationaux, les
constructeurs de navires canadiens souffrent d'un désavantage
concurrentiel qui est attribuable aux pratiques en matière de
relations de travail et aux bas salaires pratiqués dans les pays en
développement. Par exemple, en Chine, le coût de fabrication de
l'acier est inférieur de 25 p. 100 à celui des fabricants
canadiens, ce qui est largement attribuable à la différence des
coûts de main-d'oeuvre pratiqués en Chine.
Dans un grand nombre de pays, les pouvoirs publics viennent directement en aide à l'industrie au moyen de programmes de financement à faible coût et d'encouragements fiscaux. En outre, le seul fait que ces industries profitent d'économies d'échelle leur procure un avantage concurrentiel par rapport aux entreprises canadiennes qui n'en profitent pas. Les chantiers maritimes du Japon produisent des navires au même rythme qu'une chaîne de montage de voitures à Windsor ou Détroit.
L'un des domaines qui préoccupe l'industrie de la construction navale, c'est l'accès au marché américain. Les chantiers maritimes canadiens ont la possibilité limitée de concurrencer les chantiers maritimes américains pour les marchés publics de réparation, de construction et de rattrapage, alors que les armateurs canadiens peuvent confier de grands travaux et la construction de navires à des entreprises américaines. Des navires peuvent être construits ou réparés aux États-Unis et importés ou retournés au Canada, sans droits de douane.
J'estime que la concurrence s'en trouverait accrue si nos chantiers maritimes et nos armateurs jouissaient d'un accès juste et équitable à ces deux marchés.
Du point de vue de la Chambre de commerce, il s'agit d'une question économique complexe. L'intérêt premier de la Chambre et de ses membres consiste à fournir aux expéditeurs de produits canadiens un système de transport concurrentiel.
Je vous remercie.
La présidente: Merci, monsieur Johnston.
C'est maintenant au tour de l'Association des armateurs canadiens. Monsieur Morrison, à vous la parole.
M. Donald N. Morrison (président, Association des armateurs canadiens): Merci, madame la présidente. Nous voudrions vous remercier de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui. Vous avez nos transparents devant vous, et je m'en servirai durant mon exposé.
La construction navale est une importante industrie pour le Canada et elle intéresse vivement les armateurs canadiens. Nous sommes fiers des investissements que nous avons réalisés dans les navires commerciaux fabriqués au Canada ainsi que dans notre exploitation de ces derniers.
[Français]
Attendu que nous avons aussi d'énormes investissements au Canada en infrastructures au niveau des transports, nous croyons que les politiques canadiennes ayant trait à la construction navale doivent être débattues et étudiées en profondeur. C'est le message clair que nous voulons transmettre ce matin. Nous apprécions donc l'intervention du comité visant à porter une attention particulière à cette question. Nous appuyons l'idée d'un processus de révision détaillée pris en charge par Industrie Canada.
[Traduction]
L'Association des armateurs canadiens représente les sociétés exploitant des navires marchands à pavillon canadien. Elle compte 11 membres exploitant quelque 90 navires, la presque totalité d'entre eux étant de fabrication canadienne. En 1998, les navires des sociétés membres de l'Association ont transporté quelque 73 millions de tonnes de cargaisons dans les Grands Lacs, la Voie maritime du Saint-Laurent, sur la côte est américaine et canadienne et dans l'Arctique.
Veuillez vous reporter maintenant au premier transparent, qui s'intitule «Le Canada: une nation maritime».
[Français]
Le Canada est une nation maritime. Nous sommes bordés par trois océans et avons un accès privilégié aux Grands Lacs et à la voie maritime du Saint-Laurent, qui est la voie navigable intérieure la plus longue au monde. Comme nous avons une économie qui est dépendante du commerce, nous nous attendons à ce que le Canada maintienne à un haut niveau l'industrie du transport maritime. La construction navale est un élément crucial de notre industrie maritime.
[Traduction]
Comme nos collègues de l'Association de la construction navale du Canada l'ont dit dans leur énoncé de politique, l'industrie maritime représente quelque 40 000 emplois et compte pour 2 milliards de dollars par année dans notre économie. En tant que voie de transport pour les entreprises canadiennes, la voie maritime constitue un atout encore plus grand pour notre économie. Dans un monde dominé par la livraison juste-à-temps et les titres de croissance de haute technologie, on oublie parfois que le transport maritime constitue l'option la plus économique pour le transport de marchandises en vrac, notamment sur de longues distances, et qu'il revêt une importance particulière pour le Canada.
• 0930
À titre d'illustration, dans le secteur agricole, le Canada
s'est fixé l'objectif ambitieux de faire passer de 3 p. 100 à 4 p.
100 sa part du marché mondial des produits agricoles et de
l'alimentation. Certes, on s'attend à ce qu'une bonne partie de la
croissance vienne des exportations de produits transformés à valeur
ajoutée, mais pas moins de 60 p. 100 de nos 21 milliards de dollars
d'exportations agricoles sont à l'heure actuelle des produits de
base. Le grain de l'Ouest constitue encore l'un des principaux
produits transitant par les Grands Lacs et la Voie maritime du
Saint-Laurent, et le sera encore dans les années à venir. Au port
de Hamilton, par exemple, pas moins de 80 p. 100 du trafic maritime
est composé du minerai de fer et du charbon, qui alimentent les
aciéries du Canada. En tant qu'armateurs canadiens, nous sommes au
service de ces industries. Dans nombre de plus petites
agglomérations des Grands Lacs et du fleuve Saint-Laurent,
l'économie locale est largement fondée sur le transport maritime.
En passant au deuxième transparent, je céderai la parole au capitaine Lanteigne.
[Français]
M. Réjean Lanteigne (vice-président, Opérations, Association des armateurs canadiens): Madame la présidente, je tiens à vous saluer ainsi que les membres du comité.
[Traduction]
Sur le deuxième transparent figurent quatre questions qui, selon les armateurs canadiens, se trouvent au coeur même de la construction navale dans notre pays. La première concerne la flotte intérieure. Comme c'est le cas dans d'autres segments du secteur des transports au Canada, la qualité de notre infrastructure revêt une importance capitale pour notre productivité et notre compétitivité. Nos navires sont les principaux éléments de notre infrastructure maritime.
Le renouvellement de la flotte de navires marchands du Canada compte parmi les questions les plus pressantes qui assaillent les armateurs canadiens. L'âge moyen de notre flotte des Grands Lacs et de la Voie maritime du Saint-Laurent est de 27 ans. Quant aux vraquiers, qui transportent surtout du minerai de fer et du grain, ce dont a parlé M. Johnson, leur âge moyen est de 29 ans. Au cours des prochaines années, nombre de ces navires, voire la plupart, devront être remplacés.
Le maintien de cette flotte coûte cher et ne peut durer pour toujours. Les armateurs investissent dans de nouveaux navires, mais pas chez nous. En fait, comme vous l'avez sans doute lu dans les journaux depuis quelques semaines, Marine Atlantique, une société d'État, effectue actuellement une visite en Europe pour faire l'acquisition d'un traversier. Ainsi, nous investissons dans de nouveaux navires, mais nous ne le faisons pas ici, et ce, en dépit les droits de douane de 25 p. 100 qui frappent l'importation de navires fabriqués à l'étranger. Le dernier navire de charge construit au Canada date de plus de 15 ans.
À notre avis, ces réalités constituent certes une raison suffisante pour réexaminer sérieusement la politique canadienne en matière de construction navale. Les armateurs canadiens, du point de vue de la concurrence, devraient avoir accès au dernier cri de la technologie d'expédition ainsi qu'aux gains d'efficacité que cela comporte.
Le deuxième élément figurant sur le transparent concerne le rôle du gouvernement fédéral. Le gouvernement fédéral a un important rôle à jouer dans le maintien d'une industrie de construction navale et de réfection de navires de haute qualité. Comme il est responsable de la marine nationale, de la garde côtière et de la flotte de traversiers, le gouvernement est le plus important armateur du pays. De ce point de vue, la détérioration de la capacité de construction navale du Canada ne rend pas service à l'intérêt public.
[Français]
Les armateurs et les compagnies de navigation sont également affectés. Les navires de la Garde côtière et les traversiers sont des éléments importants de l'infrastructure maritime. Il est important que ces groupes offrant ces services aient accès aux meilleurs navires et à la fine pointe de la technologie.
[Traduction]
La politique canadienne en matière de construction navale se compose, notamment, de l'engagement à faire construire les navires appartenant à l'État ici même au Canada. Le gouvernement devrait donc s'intéresser de très près à la compétitivité, à la productivité et à la santé financière des chantiers navals du Canada.
Notre troisième préoccupation concerne la réparation de navires. Le débat a surtout porté jusqu'à maintenant sur la construction navale. Il devrait aussi porter sur le secteur de la réparation de navires, car les deux secteurs sont très différents à bien des égards. Certaines des solutions proposées pour les problèmes de construction navale, comme les subventions aux exportations, à titre d'exemple, ne répondent pas aux besoins du secteur de l'entretien et de la réparation. Nos membres, comme je l'ai déjà dit, ont fortement recours à ces services, le gouvernement aussi pour sa flotte. L'examen de la politique relative à la construction navale devrait donc porter tout autant sur l'entretien et la réparation. L'existence d'une industrie de réparation locale viable continuera à être un élément essentiel du maintien de notre flotte telle qu'elle existe actuellement.
M. Donald Morrison: Merci, Réjean.
Je voudrais parler de la productivité pendant quelques instants. Nous avons entendu MM. Cairns et Johnston parler du savoir-faire et de la capacité du constructeur naval canadien, et je dirais que les armateurs canadiens le soulignent. Les fabricants de navires canadiens sont aussi talentueux que ceux des autres pays. Les navires fabriqués au Canada témoignent d'une fière tradition dans le commerce maritime au Canada. La construction de frégates à la fine pointe de la technologie atteste l'expertise technologique canadienne, à l'instar des grandes réparations et du carénage dans les chantiers navals canadiens.
Pourquoi ne faisons-nous pas mieux? Pourquoi soulignons-nous ces questions? Vous avez déjà entendu parler de certaines d'entre elles, mais je voudrais simplement en faire ressortir quelques-unes de nouveau.
La surcapacité mondiale est souvent mentionnée comme étant le problème principal. Elle est peut-être un facteur, mais l'écrasante domination exercée sur l'industrie par la Corée du Sud, le Japon et la Chine nous a amenés à conclure différemment. La surcapacité est certes un problème un peu partout, mais il est clair que tous n'ont pas les mêmes difficultés. Dire que la surcapacité est le problème ne contribue guère à la recherche d'une solution.
Les constructeurs de navires canadiens ont montré que les subventions jouent un rôle important. Une étude récente de l'industrie de construction navale du nord de l'Europe présente également des points de vue intéressants. Elle souligne que les questions commerciales stratégiques et la productivité constituent des facteurs clés du déclin de l'industrie européenne et de la croissance de l'industrie asiatique. Selon le rapport, la productivité du Japon est particulièrement exceptionnelle. Même si elle offre le taux horaire le plus élevé de 10 pays ayant une industrie de construction navale, soit 33 p. 100 de plus que les pays européens et le double de la Corée du Sud, l'industrie japonaise présente, de loin, la productivité la plus élevée. En passant au troisième transparent, on observera la situation de plus près.
Nous estimons, madame la présidente, qu'il convient que le comité axe la discussion sur la productivité, l'innovation et la compétitivité. À notre avis, il n'y a tout simplement pas assez de réponses, et il faut examiner plus en profondeur les questions auxquelles l'industrie et la politique canadienne, ou l'absence de politique, sont confrontées. Les problèmes ne sont pas simples. Il ne suffit pas de se pencher sur les subventions et la surcapacité. Un examen complet de la compétitivité du secteur de la construction navale au Canada, de sa productivité, de sa santé financière, de sa structure et de sa capacité d'innover s'impose.
Dans les années 70, le gouvernement fédéral a mis en oeuvre un plan d'investissement où des bailleurs de fonds obtenaient des avantages fiscaux en investissant dans la construction navale au Canada. Ce plan s'est traduit directement par la construction d'une foule de navires qui sont maintenant en service et a permis à l'industrie canadienne de la construction navale de se doter d'une masse critique. Au moment où l'on examine les défis du renouvellement de l'infrastructure aujourd'hui, un plan semblable présente un certain intérêt. Nous avons joint une brève description de ce plan d'investissement au document fourni au comité.
À titre de dernière observation, je dirai que les armateurs canadiens font remarquer que le besoin d'une nouvelle politique canadienne en matière de construction navale se fait sentir. Nous avons lu avec intérêt les témoignages des invités aux séances précédentes. J'estime qu'il importe de mentionner que lorsque ces témoins ont comparu—et ce n'est pas pour les critiquer, mais simplement pour faire ressortir quelques-unes des difficultés avec lesquelles nous sommes aux prises, difficultés que le comité a sans doute lui-même éprouvées. Nous avions fait appel au ministère de l'Industrie, au ministère des Finances, à la Société canadienne pour l'expansion des exportations, lesquels ont, à l'occasion, suggéré au comité de faire appel aux Affaires étrangères.
Si vous pensez qu'il est difficile, du point de vue du comité, de concevoir une toute nouvelle politique ou une toute nouvelle démarche qui nous guidera dans cette période de renouvellement des navires, de l'infrastructure navale, je vous assure qu'il est extrêmement difficile pour nos membres de déterminer où, quand et comment ils investiront, comment ils mettront en oeuvre leurs plans d'entreprise, comment ils se positionneront sur le plan stratégique sur le marché canadien, car ils ne savent pas ce que l'avenir leur réserve. Quand on nous demande, par exemple, si nous sommes en faveur de l'amortissement fiscal accéléré, de la suppression des 25 p. 100, la réponse à cette question ne vous donne pas une politique. Nous avons besoin de quelqu'un, d'un ministère, d'un parrain pour examiner l'industrie canadienne de la construction navale.
• 0940
Par exemple, l'industrie maritime, ces dernières années, a été
confrontée à d'importants défis en matière de pilotage et de grain.
Dans ces deux cas, le gouvernement a jugé bon de créer un comité ou
de charger des gens d'étudier cela de manière approfondie. À
l'heure actuelle, le ministère de l'Industrie, qui est responsable
de la politique canadienne ainsi que de la productivité et de la
compétitivité des entreprises canadiennes, pourrait être le parrain
qui convient pour cette étude.
Nous recommandons que le ministère dirige l'étude en rencontrant les principaux intéressés, en faisant de la recherche supplémentaire et en s'engageant à concevoir une meilleure politique que celle qui existe maintenant. Cette étude pourrait être réalisée sous la direction et la présidence d'une personne indépendante.
Madame la présidente, nous vous remercions beaucoup de nous avoir donné l'occasion de faire valoir notre point de vue ce matin.
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Morrison.
Nous allons maintenant passer aux questions. Monsieur Penson, avez-vous des questions à poser?
M. Charlie Penson (Peace River, Réf.): Oui, merci, madame la présidente.
Bonjour messieurs.
J'estime que les témoins qui comparaissent devant nous ce matin ont présenté une question qui nous préoccupe tous, à savoir le fait que vous n'affrontez pas une concurrence loyale sur le marché international, et que vous n'êtes pas l'unique secteur que cela touche au Canada. L'agriculture en est un autre, comme chacun sait. Par conséquent, si le gouvernement doit réexaminer sa politique en matière de concurrence déloyale et sa stratégie à cet égard, je pense qu'il importe de savoir ce qui est demandé au gouvernement.
Monsieur Cairns, vous avez résumé votre excellent exposé en demandant qui ne voudrait faire pareil investissement. Eh bien, c'est peut-être le cas, mais nous devons savoir ce que sera cet investissement. J'estime que nous devons faire preuve d'honnêteté les uns envers les autres et dire quel est le coût de la sauvegarde de votre industrie afin que nous puissions faire ce dont vous avez parlé ce matin à propos de devenir concurrentiels et d'approvisionner le marché offshore, entre autres choses.
C'est ma première question. Qu'en est-il du coût? Vous avez parlé de la nécessité d'un plan de financement du crédit. Eh bien, nous devons être informés là-dessus.
M. Peter Cairns: Dans le document qui vous a été remis, j'ai donné l'exemple du programme Title XI des États-Unis, qui existe depuis sept ans. Si nous devions adopter un plan de financement semblable, ce pourrait être de l'autofinancement. Je pense que c'est bien ce que montre le document. Depuis sept ans, grâce aux frais d'utilisation qu'ils demandent, les Américains récupéreront les coûts de l'administration du programme, de sorte que nous estimons que ce qui est recommandé, c'est de l'autofinancement.
En ce qui concerne les questions liées au crédit-bail, outre le fait que le coût de gestion pour le gouvernement a été estimé à quelque 16 millions de dollars d'impôts reportés, nous estimons en fait qu'à long terme le coût sera minime pour le gouvernement, car celui-ci finit toujours par percevoir les impôts. Le paiement de l'impôt n'est que reporté.
Nous croyons donc essentiellement que ce sont des programmes relativement autofinancés.
En ce qui concerne le crédit d'impôt, si cela était envisagé, ce serait plus difficile à évaluer, à mon avis, parce qu'il faut avoir des contrats avant de savoir à combien s'élèvera le crédit d'impôt. Tout dépend des contrats qui seront obtenus. Compte tenu de l'expérience au Québec, où il existe un programme de crédit d'impôt, où il y a du travail dans les chantiers maritimes, je pense que cela pourrait marcher. J'hésite à avancer un chiffre, mais j'estime que le coût ne serait pas extraordinaire pour le gouvernement.
Les autres sont vraiment des questions de diplomatie. Nous n'aurions besoin de rien de tout cela si nous avions une entente de l'OCDE. Si c'était le cas, nous ne serions pas ici aujourd'hui parce qu'il n'y aurait pas de subventions directes et indirectes dans la construction navale dans la plupart des principaux pays.
M. Charlie Penson: Cependant, monsieur Cairns, nous n'aurions pas besoin de subventions en agriculture non plus si une entente avait été conclue sur les subventions.
M. Peter Cairns: Exactement.
M. Charlie Penson: Mais telle n'est pas la réalité.
M. Peter Cairns: Non, ce n'est pas la réalité, mais nous n'en étions pas loin. Nous sommes en fait venus bien prêts de conclure une entente. Il reste à voir si nous pouvons nous approcher de nouveau d'une entente. À cet égard, j'étais aux États-Unis pas plus tard que la semaine dernière, et j'ai constaté qu'il y a une puissante vague de fond au sein de l'industrie de la construction navale dans ce pays en faveur d'une entente. Jusqu'à ce que cela se produise, il nous faut une politique en attendant, je suppose.
M. Charlie Penson: D'accord. Je voudrais explorer l'aspect que représente le crédit, le crédit à long terme. Vous nous dites qu'il n'en coûterait pratiquement rien au gouvernement, mais je suppose que vous voulez que le gouvernement assure le financement à long terme.
M. Peter Cairns: Oui, c'est juste.
M. Charlie Penson: Nous sommes conscients, toutefois, que ce genre d'entente comporte un risque. Nous savons par ailleurs que la Société pour l'avancement des exportations a dû radier des emprunts depuis longtemps en souffrance—la Commission canadienne du blé par exemple.
M. Peter Cairns: Oui.
M. Charlie Penson: Cela comporte donc un risque non négligeable, ne croyez-vous pas?
M. Peter Cairns: Oui, il y a un risque, mais c'est une garantie du financement. Il ne s'agit pas du financement en tant que tel, mais plutôt d'une garantie fournie pour un emprunt. Et en fait...
M. Charlie Penson: Si l'emprunt est en défaut de paiement, qui le remboursera?
M. Peter Cairns: Ce serait un problème gouvernemental.
M. Charlie Penson: D'accord.
M. Peter Cairns: Cependant, le vrai problème, c'est qu'il faut épurer le programme et s'assurer de savoir dans quoi l'investissement est fait. Il n'est pas question d'investir dans des entreprises véreuses. Il faut vraiment que le programme soit très solide.
Quand ils ont révisé leur programme Title XI, à titre d'exemple, les Américains ont virtuellement éliminé le défaut de paiement. Ils l'ont fait par une rigoureuse épuration du programme et en adoptant une approche stricte en matière de conditions de crédit et de débiteurs.
M. Charlie Penson: D'accord. Je ne dispose pas de beaucoup de temps, de sorte que je voudrais poser encore quelques questions.
Monsieur Morrison, j'ai deux questions à vous poser, en tant que représentant de l'Association des armateurs canadiens. La première porte sur le coût qu'entraîne pour votre association les droits de douane de 25 p. 100. Vous avez dit qu'un armateur était en train d'acheter un nouveau traversier à l'extérieur du Canada en dépit des droits de douane de 25 p. 100. Quand vous avez achetez un navire, comment cela est-il réparti? Y a-t-il une pénalité? Les droits de douane de 25 p. 100 s'ajoutent-ils à vos coûts pour le navire en cause et, si oui, pouvez-vous nous en donner une idée?
La deuxième question que je voudrais vous poser est la suivante. Vous avez parlé de productivité et de la nécessité de vous mettre au diapason, je suppose, du Japon et des États-Unis, par rapport auxquels vous avez vraiment pris du recul—et votre étude le souligne. Eh bien, nombre d'éminents économistes sont d'avis que la solution à ce problème consiste à diminuer les impôts et la dette. C'est leur formule. Pierre Fortin n'est que le dernier à le dire. Vous reconnaissez que nous avons une dette de 573 milliards de dollars et que le service de celle-ci s'élève à 40 milliards de dollars tous les ans.
Nous sommes donc enfermés dans un dilemme, n'est-ce pas? Si on vient en aide à des industries comme l'agriculture et la construction navale, on aggrave le problème, mais on tente quand même de régler le problème de la productivité.
Je me demande si vous pouvez répondre à ces deux questions.
M. Donald Morrison: Pour répondre à votre première question, les droits de douane de 25 p. 100 sont payés sur le prix d'achat du navire. Récemment, un armateur a investi plus de 30 millions de dollars dans un navire et a dû payer près de 10 millions de dollars en droits de douane pour le faire entrer au Canada et l'exploiter dans le commerce de cabotage au Canada. Ces droits représentent donc un coût direct pour nous.
En ce qui concerne la productivité, je ne prétendrai pas que nous sommes des experts en productivité dans le secteur de la construction navale. Il me semble, toutefois, que tant que les principaux représentants des armateurs canadiens ne sauront pas quelle sera la politique, quelle sera la politique budgétaire ni quelle sera la teneur de toute politique ou de tout programme—et nous n'investissons pas au Canada actuellement au niveau auquel nous pourrions le faire—, nous ne réglerons jamais le problème de la productivité. Nous ne réglerons pas ce problème tant que l'industrie ne saura pas ce que l'avenir lui réserve et ne se sera pas dotée d'une planification stratégique à cet égard. Je pense que le problème de la productivité est aussi simple que de savoir si l'entreprise existera demain.
M. Charlie Penson: La confiance serait donc un facteur?
M. Donald Morrison: C'est exact.
M. Charlie Penson: Je n'ai pas d'autres questions. Merci.
La présidente: M. Lastewka a la parole.
M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.): Monsieur Morrison et monsieur Cairns, avez-vous quelque chose comme un examen réalisé par des tiers sur la main-d'oeuvre, le financement et d'autres éléments relatifs à la concurrence dans le monde?
M. Peter Cairns: Oui, j'ai des informations sur des études réalisées par des tiers.
M. Walt Lastewka: Pourriez-vous les présenter au comité?
M. Peter Cairns: Oui.
M. Walt Lastewka: Qui sont les tiers?
M. Peter Cairns: Il s'agit de Drury Ship Consultants. Je pense que ce sont des informations plutôt générales et non spécifiques, mais elles vous donneront une idée.
M. Walt Lastewka: Monsieur Cairns ou monsieur Morrison, des témoins précédents ont parlé de l'amortissement fiscal. J'ai demandé des exemples où la méthode de l'amortissement fiscal est utilisée comme dans le crédit-bail, et on m'a donné ceux de l'industrie du camionnage et celle du rail. Avez-vous des données à fournir au comité à cet égard?
M. Peter Cairns: Voulez-vous dire ce qui se passe dans l'industrie du camionnage et celle du rail?
M. Walt Lastewka: À ma connaissance, des témoins précédents ont parlé d'un amortissement rapide et ils ont qu'ils pratiquaient également le crédit-bail. J'ai donc donné ces exemples. Avez-vous des données montrant que l'amortissement fiscal et le crédit-bail s'appliquent aussi à l'industrie du camionnage et à celle du rail?
M. Peter Cairns: Je n'ai pas de données semblables.
M. Donald Morrison: Nous pouvons certainement trouver les données auxquelles s'appliquent le crédit-bail pour une valeur de moins de 25 000 $, et je voudrais faire des observations là-dessus.
Il semble qu'au sein du ministère de l'Industrie et de celui des Finances, on estime qu'étant donné qu'il s'agit de 25 000 $ ou moins, rien ne s'oppose à ce que l'accès aux dispositions du crédit-bail soit accordé. Selon ces dispositions, on peut acheter un train de 100 wagons à 100 fois 25 000 $ et profiter du crédit- bail, alors que pour l'achat d'un navire à un coût semblable, les dispositions du crédit-bail ne s'appliqueraient pas parce que ce serait un paiement forfaitaire.
Je pense qu'on peut envisager les dispositions du crédit-bail à cet égard, mais c'est un fait qu'elles peuvent s'appliquer aux véhicules et accessoires d'une valeur inférieure à 25 000 $.
M. Walt Lastewka: Pourriez-vous faire parvenir des renseignements là-dessus au comité? Nous sommes à la recherche de renseignements selon lesquels l'amortissement fiscal et le crédit- bail s'appliquent à l'industrie du camionnage ou à celle du rail.
Dans la proposition de crédit d'impôt que vous avez faite, où il y un crédit d'impôt remboursable sur la construction de navires, comme le montant consacré au premier navire, notamment, est si élevé, ne s'agit-il pas là d'une subvention directe appelée différemment?
M. Peter Cairns: Tout dépend du point de vue. Nous ne croyons pas que c'est une subvention directe appelée autrement. Nous avons fait cette proposition parce que si on se reporte au rapport Mintz sur le commerce et l'industrie, les auteurs de ce rapport, qui cherchaient à trouver de meilleures méthodes, ont recommandé le recours aux crédits d'impôt comme la nouvelle façon de faire des affaires, par opposition aux autres méthodes d'amortissement. Toutefois, nous ne savons pas si le ministère des Finances envisagera cette solution.
Tout dépend de votre définition de subvention et de votre point de vue. Tout ce que l'on fait pour venir en aide à une industrie peut être appelé subvention d'une manière ou d'une autre. Même l'aide de la Société pour l'expansion des exportations, entre autres, peut être qualifiée de subvention.
Il conviendrait peut-être de définir ce dont il est question. Cela risque de nous prendre quatre ans au comité et à moi, mais il reste que cela pourrait être considéré comme une subvention. Nous aurions tendance à adopter l'autre point de vue, mais c'est discutable.
M. Walt Lastewka: Monsieur Johnston, achetez-vous de nouveaux navires?
M. Raymond Johnston: Pas personnellement.
M. Walt Lastewka: Votre association achète-t-elle des navires?
M. Raymond Johnston: Non, pas maintenant.
M. Walt Lastewka: Il me semble que certaines des observations faites au sujet d'Industrie Canada et de l'obtention de données sur lesquelles nous sommes tous d'accord... Monsieur Cairns, vous avez dit qu'il faudra peut-être quatre ans pour définir ce terme. C'est trop long.
Nous en sommes presque au point où nous avons besoin d'une bonne étude réalisée par des tiers... J'ai griffonné quelques noms ici—des armateurs, des constructeurs, des syndicats, le ministère des Finances et Industrie Canada, une tierce partie se joignant à eux. Jouons cartes sur table parce que les données fournies par un organisme sont contredites par celles d'un autre organisme la semaine suivante. Il semble que nous éprouvions des difficultés dans la construction navale, le secteur des armateurs, l'industrie maritime à obtenir des données sur lesquelles nous sommes tous d'accord.
Ne croyez-vous pas?
M. Peter Cairns: Absolument.
M. Walt Lastewka: Est-ce que c'est cela le problème?
M. Peter Cairns: C'est un des problèmes. Nous estimons—et d'aucuns pourraient croire que nous ne sommes pas très gentils envers le gouvernement—, mais en fait, nous n'avons pas vraiment examiné la question, comme vous dites. Nous avons tendance à l'examiner par morceaux. Aujourd'hui, nous avons essayé de vous montrer que nous ne formons qu'un très petit morceau du casse-tête. Peu nous importe que les Coréens et les Japonais détiennent 75 ou 80 p. 100 du marché. Ce que nous voulons, c'est notre part de 0,5 ou de 1 p. 100.
• 0955
Nous devons concurrencer les autres pays dans les domaines où
nous sommes en mesure de le faire et construire le genre de navires
que nous pouvons construire. Nous ne voulons pas concurrencer les
Japonais en construisant des navires porte-conteneurs de 75 0000
tonnes. Nous voulons livrer concurrence aux autres pays dans la
construction de traversiers, de remorqueurs, de petits navires de
tous genres, des chalands, etc. C'est là que nous pouvons soutenir
la concurrence.
Il faut donc trouver un équilibre. Je suis d'accord avec vous pour dire que nous avons besoin d'obtenir des données plus précises, plus fiables et plus complètes.
M. Walt Lastewka: Je pense que vous revenez de loin parce qu'à une certaine époque, vous disiez que nous n'avions pas de politique de construction navale, alors qu'aujourd'hui vous avez reconnu à quatre ou cinq reprises que nous avons une... ou alors vous avez été mal cité.
M. Peter Cairns: Nous l'avons toujours reconnu, mais peut-être pas depuis assez longtemps.
M. Walt Lastewka: Les éléments qui me préoccupent sont ceux qui ont touchés par l'ALENA... Peut-on revenir en arrière et essayer d'obtenir de nouveau ce que nous avions demandé? Avez-vous des suggestions à faire à cet égard?
Je me réjouis de l'arrivée de M. Jones.
M. Jim Jones (Markham, PC): Je vous écoutais.
M. Walt Lastewka: Ses oreilles en bourdonnaient.
M. Peter Cairns: Je ne m'y connais pas assez. J'ai entendu parler de quantités de choses survenues derrière le rideau au cours des négociations de l'ALENA, mais j'ignore si elles sont vraies.
M. Walt Lastewka: Je veux parler de ce qu'on peut faire maintenant.
M. Peter Cairns: De ce qu'on peut faire? Je crois savoir que l'accord prévoit un réexamen de temps à autre, et il faut savoir quand cela est opportun. J'ai en fait posé la question à des fonctionnaires du ministère du Commerce international, et ils m'ont répondu que peu de temps après l'entrée en vigueur de l'ALENA, les États-Unis ont réexaminé leur politique et fait savoir qu'ils ne pouvaient rien faire avec la loi Jones. Par conséquent, nous devrons attendre un certain temps avant de pouvoir rouvrir les négociations. J'estime que ce pourrait être bientôt, l'accord ayant été conclu il y a quatre ou cinq ans.
Je pense qu'il y a une possibilité de rouvrir l'accord, et il en va de même de la loi Jones. Par exemple, pourquoi n'y aurait-il pas une loi Jones nord-américaine? Et si notre marché leur était ouvert et que le leur nous soit ouvert dans le domaine de la construction navale? Voilà ce dont il s'agit maintenant. Autrement dit, j'ai parlé à des Américains qui pensent que ce n'est pas une mauvaise idée. Les restrictions que prévoit la loi Jones quant à la proportion de réparations que l'on peut faire à son navire avant de violer la loi sont très strictes. Nous pourrions peut-être repousser un peu ces limites dans le secteur des réparations.
J'estime qu'attaquer de front la loi Jones est un exercice plus périlleux. Comment rouvrir l'ALENA? Je ne sais trop, monsieur, pour être parfaitement honnête avec vous. Les dispositions de l'accord doivent prévoir un moment où ce dernier sera réexaminé, et j'estime que ce moment-là n'est pas trop éloigné.
La présidente: Dernière question, monsieur Lastewka, s'il vous plaît.
M. Walt Lastewka: Vous avez soulevé un bon point en ce qui a trait aux grands travaux qui sont effectués. Lorsqu'un navire en réfection est tout à coup classifié comme un nouveau bâtiment, nous perdons au Canada tous les avantages découlant du projet.
C'est tout pour l'instant, madame la présidente. J'aurai d'autres questions plus tard.
La présidente: Merci.
Monsieur Dubé.
[Français]
M. Antoine Dubé (Lévis-et-Chutes-de-la-Chaudière, BQ): Avant de commencer, j'aimerais souligner, pour répondre à une question de M. Lastewka, que dans leur document, dans la partie concernant le crédit d'impôt, il y a un mot à ne pas oublier, soit le mot «remboursable».
Je suis heureux de vous voir tous ici ce matin. Il y la Chambre du commerce maritime, l'Association des armateurs canadiens et l'Association de la construction navale du Canada. Derrière vous, il y a des représentants de la coalition syndicale qui sont venus témoigner la semaine dernière. Il y a eu également avant vous des témoins du ministère de l'Industrie.
À juste titre, M. Morrison a souligné que pour ce qui est notamment du transport maritime, vous êtes impliqués avec plusieurs ministères. On n'avait pas pensé en parler jusqu'à maintenant, mais le ministère des Affaires étrangères et celui du Commerce international sont également impliqués parce qu'on parle du marché concurrentiel sur la scène mondiale.
• 1000
Après l'échec de l'OMC, on ne sait pas ce
qui va arriver. Avant qu'on reparle d'un plan mondial
de la construction navale, il va se
passer bien des années. Les pays de l'Europe l'ont compris. Ils
sont pourtant membres de l'OCDE et ils étaient
signataires de l'accord visant à mettre fin aux
subventions. Toutefois, comme les États-Unis n'ont pas
accepté d'y souscrire, ils ont
continué à subventionner.
Récemment, il y a eu l'exemple des Britanniques. Pour faire
la conversion d'un bateau, ils ont subventionné
dans une proportion de 4,5 p. 100 et ont pu battre la Corée
et le Japon.
Donc, l'écart n'est peut-être pas aussi grand parce que depuis la crise financière en Asie, les gouvernements en question ne sont plus en aussi bonne posture pour continuer la guerre des prix—il faut l'appeler comme ça—, la guerre des subventions et aussi la guerre fiscale, parce qu'il n'y a pas d'impôt pour les sociétés d'État qui sont propriétaires de chantiers maritimes.
Je termine mon préambule en soulignant l'intérêt et les efforts particuliers de M. Lastewka, dont j'admire la rigueur et la qualité des questions. Il se renseigne et examine chaque point. Je le respecte énormément. Je suis allé visiter, l'année dernière, un chantier maritime dans son comté, et il a essayé de relever tout cela avec d'autres. Il dit qu'il y a actuellement une politique de la construction navale. Il l'a répété maintes fois à la Chambre. L'association dit qu'il y a effectivement quatre points, dont le maintien du tarif de 25 p. 100.
Parmi les témoins, quelqu'un du ministère de l'Industrie, à la suite d'une intervention de M. Penson du Parti réformiste, disait que c'était une activité en déclin et qu'il valait mieux laisser tomber une activité en déclin parce qu'elle n'était pas compétitive. Il s'opposait un peu au sous-ministre adjoint du ministère de l'Industrie quant à savoir pourquoi on continuait à aider ce secteur en déclin. Pour se défendre, les gens avaient dit: «Non, non, on n'aide pas cette industrie de façon particulière. On fait la même chose que pour toutes les autres». Or, en ce qui vous concerne, vous demandez des choses particulières.
Je vais poser mes questions l'une à la suite de l'autre. En 1993, les libéraux s'étaient engagés à tenir un sommet. Pensez-vous qu'il serait bon de tenir prochainement un sommet avec tous les ministères, les gouvernements provinciaux, les syndicats et les intervenants impliqués dans ce secteur?
Deuxièmement, en attendant le sommet, il faut y aller avec des solutions temporaires. Cela avait été promis en 1993, on est en 1999 et on se dirige vers l'an 2000; peut-être faudra-t-il attendre encore cinq ans. Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de proposer au ministère des Finances, par le biais du Comité permanent de l'industrie—on l'a fait aussi au Comité permanent des finances—, qu'il y ait des mesures transitoires pour l'industrie?
Je connais bien ce que l'Association de la construction navale demande, et c'est la même chose pour les syndicats, et j'aimerais vous demander si vous approuvez, comme mesure transitoire importante, ce que propose l'Association de la construction navale, appuyée en cela par la coalition syndicale, par tous les premiers ministres provinciaux au Canada, par la Chambre de commerce du Canada, par beaucoup d'organismes au Canada et par 160 000 personnes qui ont envoyé une carte postale à M. Chrétien lui disant de faire quelque chose. Est-ce que vous appuyez cela?
[Traduction]
La présidente: Qui veut commencer? Monsieur Morrison.
Donald Morrison: La réponse à votre première question est oui, mais je ne me souviens pas de la question.
[Français]
Quelle est la première question que vous avez posée?
M. Antoine Dubé: C'était à propos de la tenue d'un sommet.
M. Donald Morrison: Je pense que cela continue d'être une idée qui, à notre avis, a du bon sens.
Deuxièmement, on aimerait bien avoir des mesures transitoires, mais je pense qu'on serait plus à l'aise d'accepter des mesures telles que celles décrites dans votre projet de loi. La seule chose que nous n'acceptons pas, c'est quand on parle de subsides. Ce sont les subsides directs qui nous posent des difficultés.
• 1005
Pour ce qui est des crédits, de
la taxation et ainsi de suite, nous pouvons les accepter.
Nous pouvons exercer des pressions
pour obtenir ces mesures-là, mais c'est l'idée des
subsides qui nous pose présentement des problèmes.
[Traduction]
La présidente: Vous avez posé une question à tout le monde.
[Français]
M. Antoine Dubé: J'ai seulement une précision à apporter parce que les trois mesures que je propose dans le projet de loi C-293 se retrouvent aux parties A, B et C de ce document.
M. Donald Morrison: Oui, mais dans ce document-ci, on parle de subsides, n'est-ce pas?
M. Antoine Dubé: Oui, à la fin.
M. Donald Morrison: À la fin.
M. Antoine Dubé: J'ai seulement les mesures qui se retrouvent aux parties A, B et C.
M. Donald Morrison: On peut accepter le vôtre parce qu'il n'inclut pas les subsides.
M. Antoine Dubé: Est-ce la même chose pour vous?
[Traduction]
La présidente: Monsieur Cairns ou monsieur Johnson?
M. Peter Cairns: Pour répondre à vos questions, je ferai remarquer que, dans le document conjoint que nous avons rédigé de concert avec les syndicats, nous demandons la tenue de ce que nous avons appelé un sommet, faut d'une expression plus juste. Nous avons réclamé une rencontre avec le gouvernement et tous les intervenants dans le but d'envisager toutes les possibilités et de déterminer si nous pouvons, oui ou non, régler ce problème de façon satisfaisante pour toutes les parties intéressées. La seule façon d'y parvenir, à mon avis, est de réunir tout le monde autour d'une table, comme le propose M. Lastewka, d'analyser toutes les données, de formuler toutes les solutions possibles et d'en discuter. Dans ces domaines, il nous a été impossible jusqu'à maintenant d'amorcer un bon dialogue. Il faut nous asseoir avec les personnes compétentes afin de faire le tour de la question et d'élaborer un programme. Il est possible de le faire sans qu'il en coûte trop cher au gouvernement.
Quant aux mesures transitoires, la question est de savoir combien de temps il faudra pour régler le problème. Si cela prend quatre ou cinq ans, alors nous demanderons des mesures transitoires. Par contre, si quelqu'un nous dit que nous commencerons dès février à discuter et à chercher une solution, nous pourrions ne pas avoir besoin de mesures transitoires. Le problème immédiat consiste à éviter de voir ce secteur d'activité disparaître pendant que nous cherchons une solution au problème, et la situation est actuellement assez grave.
M. Lanteigne, qui a parlé du secteur des réparations, a fait valoir un point très important. Nous avons beaucoup parlé de la construction navale, essentiellement parce que l'activité dans ce domaine nous permet d'attirer les jeunes les plus talentueux et d'assurer ainsi l'essor du secteur de la réparation navale. La question nous préoccupe grandement. Pourquoi un jeune ingénieur déciderait-il de nos jours de travailler dans le secteur de la construction navale, avec tout ce qui se dit au sujet du déclin de cette industrie, s'il n'y a pas de construction ni de véritable travail qui se fait? Il nous faut aussi régler ce problème, et c'est pourquoi la construction navale est si importante à nos yeux. La construction attire les plus brillants ingénieurs.
M. Raymond Johnston: L'idée d'un sommet serait certainement bien accueillie. De toute évidence, nous avons besoin de plus de renseignements et d'éclaircissements sur ces questions, notamment de statistiques précises et de faits bien documentés et compris de tous. Un sommet pourrait encadrer nos travaux et nous aider à atteindre ce but.
Quant à une politique de nature transitoire ou autre, j'imagine que, dans une certaine mesure, nous avons déjà une politique transitoire. Elle existe sous sa forme actuelle depuis environ quinze ans.
D'autres mesures qui pourraient être utiles à l'industrie méritent d'être étudiées. Au niveau de l'ALENA, des efforts concertés sont effectués pour élargir le marché auquel ont accès les constructeurs canadiens de navires. Je crois qu'il vous serait possible d'amorcer des négociations avec le gouvernement des États- Unis. Naturellement, l'industrie doit faire sa part. L'industrie américaine de même que l'industrie canadienne désirent améliorer l'accès non seulement au domaine du transport maritime mais également au secteur de la construction navale, afin d'accroître la concurrence au sein de cette industrie. Certains Américains estiment que la loi Jones limite la concurrence et augmente les frais de transport.
Vous n'avez qu'à observer l'industrie américaine de la construction navale dans la région des Grands Lacs. Elle est pratiquement inexistante. À l'heure actuelle, il est très difficile pour ne pas dire impossible de construire un navire aux États-Unis. L'industrie américaine est simplement disparue au cours des quinze dernières années. Dans les années 80, les Américains construisaient des navires de 1 000 pieds et de 60 000 tonnes. Ils en seraient incapables aujourd'hui. Il n'y a probablement qu'un seul chantier naval qui est physiquement en mesure d'en construire un, mais il n'a ni les ressources humaines ni les compétences pour entreprendre un tel projet.
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Comme le faisaient remarquer MM. Morrison et Cairns, il faudra
un jour remplacer la flotte de la marine marchande du Canada,
particulièrement dans la région des Grands Lacs. Pour l'instant,
quelques armateurs tentent de prolonger la durée de la vie de leurs
navires en les modernisant. Toutefois, la conjoncture ne leur est
pas favorable. Elle ne les incite pas à construire des navires
neufs. Les prix sont trop élevés, et le marché n'est pas propice.
En fait, tout tient à la conjoncture du marché. Le marché est- il propice à la construction navale? Aujourd'hui, je n'ai pas la réponse à certaines de ces questions, mais l'industrie canadienne de la construction navale joue un rôle crucial dans la survie de la flotte et du commerce maritime en Amérique du Nord. Personnellement, je crois qu'il serait dommage que les projets de construction soient entièrement confiés aux chantiers américains. Je pense que des mesures concrètes de nature transitoire ou autre s'imposent tant que nous n'aurons pas vraiment compris tous les éléments en jeu.
La présidente: Merci, monsieur Dubé.
Je signale aux députés que nous entendons la sonnerie d'appel. La Chambre s'apprête à tenir un vote. Le timbre doit retentir pendant trente minutes. Comme un autre comité doit tenir une séance dans cette salle à 11 heures, nous pourrions avoir de grands ennuis.
Je demanderais à M. Cannis d'être bref et ensuite nous passerons à M. Jones. Nous devrons ensuite quitter pour prendre part au vote, puis nous reviendrons.
M. John Cannis (Scarborough-Centre, Lib.): Merci, madame la présidente. Je serai très bref, mais permettez-moi tout d'abord de souhaiter la bienvenue aux témoins.
Comme le temps nous presse, je ne poserai qu'une seule question. Vous avez mentionné que la société Marine Atlantique se tourne vers l'Europe. Je voudrais savoir pourquoi. Auparavant, vous avec dit que l'Union européenne voulait s'adresser à l'OMC pour se plaindre des subventions. Pourquoi Marine Atlantique se tourne-t- elle vers l'Europe? Est-ce pour une question de technologie? Une question de subventions? Si c'est en raison des subventions, alors je ne comprends pas pourquoi l'Union européenne veut s'adresser à l'OMC pour se plaindre des pratiques déloyales employées par d'autres pays. Si c'est une question de technologies, nous pourrions tenter d'améliorer les nôtres.
Ce qui me pousse à poser ces questions, ce sont les déclarations de la Chambre de commerce maritime qui affirme, dans son énoncé, que la concurrence s'améliorera si les constructeurs de navires et les armateurs peuvent avoir un accès juste et équitable aux deux marchés. Définissez les adjectifs «justes et équitables». Au cours de votre exposé, vous avez mentionné, monsieur Cairns, certains programmes qui sont déjà en place. Voulez-vous dire que nous devons améliorer ces programmes?
La présidente: Je me vois dans l'obligation de suspendre la séance. On nous demande de nous rendre immédiatement à la Chambre pour le vote. Nous reprendrons la séance après le vote. Je m'excuse auprès des témoins, mais nous reviendrons.
La présidente: La séance reprend. Je m'excuse auprès des témoins pour la longue attente et le peu de temps qu'il nous reste.
Nous reprendrons avec M. Cannis, qui venait de poser une question. Les témoins ont eu amplement le temps de préparer leur réponse. Qui veut répondre à la question? Quelqu'un se souvient-il de la question? Monsieur Cannis, voulez-vous nous rafraîchir la mémoire?
M. John Cannis: Merci, madame la présidente. C'est très simple. Je sais que certains s'inquiètent du fait que l'Union européenne veut s'adresser à l'OMC pour se plaindre, je crois des subventions qu'elle juge déloyale. S'il est vrai que Marine Atlantique songe à faire un achat en Europe, je me demandais si c'était à cause des subventions ou de la technologie. Si c'est à cause des subventions, j'ai l'impression que quelqu'un ne joue pas franc jeu ici.
M. Peter Cairns: Je ne crois pas que ce soit à cause des subventions, monsieur. Marine Atlantique a plusieurs raisons d'agir de la sorte. Premièrement, cette société doit trouver rapidement une solution. L'an dernier déjà, on s'inquiétait du fait qu'on allait avoir du mal à transporter tous ceux qui veulent voyager du continent à Terre-Neuve ou vice versa. L'entreprise doit rapidement trouver un traversier.
Deuxièmement, il y a aussi, je crois, la question du coût. Je dois faire preuve de circonspection ici, car je ne peux pas vraiment parler au nom de Marine Atlantique, mais je crois que la société a analysé l'urgence du besoin et le coût et qu'elle songe à se procurer un traversier usagé provenant d'Europe, où l'on peut trouver ces temps-ci un certain nombre de ces bâtiments usagés.
À l'Association de la construction navale, nous pensons qu'il serait peut-être possible de combler ce besoin urgent en louant un traversier puis en examinant sérieusement la possibilité de construire un traversier pour Marine Atlantique dès que possible. C'est la solution que nous préférerions. Nous comprenons toutefois la décision de la société et ses motifs.
La présidente: Merci, monsieur Cannis.
Monsieur Jones, s'il vous plaît.
M. Jim Jones: Oui, merci, madame la présidente.
J'aurais premièrement une brève question au sujet de ce traversier. Si les Américains connaissaient une telle situation, il faudrait que le traversier soit acheté aux États-Unis, n'est-ce pas?
M. Peter Cairns: Absolument. J'ajouterai que ce n'est pas la première que nous vivons une telle situation. La même chose s'est produite avec le Lucy Maud Montgomery, lorsqu'il a fallu remplacer le traversier qui relie l'Île-du-Prince-Édouard et les Îles de la Madeleine. Cela se produit plus souvent que nous le souhaitons.
M. Jim Jones: Deuxièmement, j'avais l'impression que l'industrie de la construction navale se portait très bien aux États-Unis. M. Johnston semblait toutefois dire qu'elle était en déroute. Selon mes renseignements, aux États-Unis, le secteur de la construction navale vaut entre 8 et 10 milliards de dollars américains, tandis que, au Canada, il vaut environ 600 millions de dollars canadiens. Pourriez-vous expliquer davantage vos propos et ensuite nous donner votre opinion sur l'industrie américaine?
M. Raymond Johnston: Si je n'ai pas été assez précis, je m'en excuse. Je parlais en fait des chantiers maritimes des Grands Lacs et de leur capacité de construire des navires. Ce secteur de l'industrie américaine de la construction navale a beaucoup ralenti et s'est rationalisé. Effectivement, ailleurs aux États-Unis et particulièrement dans la région du golfe, l'industrie est très solide et prospère. Le long de la voie maritime, c'est surtout la capacité plus restreinte des chantiers navals des États situés près des Grands Lacs qui nous préoccupe.
M. Peter Cairns: Je suis d'accord. L'industrie est très solide aux États-Unis, sauf dans la région des Grands Lacs.
M. Jim Jones: Pouvez-vous me dire une chose...? J'écoutais la radio lorsque M. Lastewka m'a rappelé que je devais être ici et quelqu'un disait que les États-Unis voulait porter la question de la construction navale devant l'OCDE ou l'OMC. Pourquoi feraient- ils cela?
M. Peter Cairns: Je ne suis pas certain que les États-Unis veulent aborder la question de la construction navale. Je sais que l'Union européenne veut se plaindre auprès de l'OMC de la question des subventions accordées par la Corée et de la mauvaise gestion de ces subventions par les autorités coréennes. Je ne crois pas que les États-Unis veuillent, pour l'instant, s'adresser à l'OMC. Je sais par contre que les Américains ne s'entendent pas tous sur cette question. Il y a des gens qui voudraient que M. Clinton ne signe pas l'accord avec l'OCDE, d'autres pas. La discussion à ce sujet est fort animée et le problème n'est pas encore réglé.
M. Jim Jones: Quand vous dites des «gens», de qui voulez-vous parler, des dirigeants politiques ou d'autres intervenants?
M. Peter Cairns: Même les avis au sein de l'industrie de la construction navale sont partagés. Il y a deux grandes associations de la construction navale aux États-Unis, l'American Shipbuilding Association et le Shipbuilders Council of America. La première représente six entreprises qu'on appelle les six grandes sociétés et qui sont devenues par le fait des fusions et autres arrangements les trois grandes sociétés. Ces entreprises s'opposent à l'accord avec l'OCDE pour des raisons qui leur sont propres. Elles construisent essentiellement des navires pour le gouvernement américain et c'est, à mon avis, l'une des raisons pourquoi la question ne les touche pas tellement.
Le reste de l'industrie de la construction navale qui regroupe environ 55 000 personnes et qui est régi par le Shipbuilders Council of America est en faveur de la ratification de l'accord avec l'OCDE et en faveur de l'abolition des subventions, parce que ces gens doivent constamment soutenir la concurrence sur le marché international.
M. Jim Jones: Dans quelle mesure l'industrie canadienne de la construction navale est-elle concurrentielle par rapport aux industries des autres pays qui sont capables de construire la même catégorie de navires que les Canadiens, sans parler des subventions? Oublions les subventions. Dans quelle mesure êtes-vous concurrentiels sans aucune aide?
M. Peter Cairns: Nous sommes convaincus que nous parviendrions à survivre et que nous serions compétitifs dans les domaines de la construction des navires qui sont devenus notre spécialité et de la technologie de pointe. Il suffit d'examiner ce qui s'est produit dernièrement chez Davie, par exemple, où l'on a procédé à la remise à neuf du ponton d'exploitation pétrolier Spirit of Columbus, maintenant connu sous le nom de Petrobras 36, dont la capacité est passé de 100 000 barils par jour à 180 000 barils par jour. Il s'agit d'un ponton utilisé en eau profonde. Les Brésiliens eux- mêmes ont reconnu que très peu d'entreprises dans le monde auraient pu effectuer ce travail.
Donc, à mon avis, aux niveaux de la technologie et de la capacité, nous serions compétitifs. La vraie question est de savoir si, après l'élimination de tous les obstacles, nous serions en mesure de survivre ou si nous coulerions. En toute honnêteté, nous aimerions avoir l'occasion de le découvrir.
M. Jim Jones: J'ai une autre question. Je connais un peu le chantier de Saint John. Avez-vous fait les calculs et déterminé le genre de commandes que vous obtiendriez si ce n'était des subventions accordées par les pays étrangers?
M. Peter Cairns: En tant que président de l'Association de la construction navale, j'ai tenté de faire cet exercice, mais vous n'êtes pas sans savoir que certaines sociétés au sein de notre association, comme le groupe Irving ou la société de Vancouver, sont des entreprises privées. Pour dire vrai, ces sociétés sont réticentes à diffuser certains renseignements, comme leurs profits ou leurs pertes, ce qu'elles ont gagné et ce qu'elles n'ont pas gagné. La plupart des entreprises privées agissent de la sorte, que ce soit dans le secteur de l'électronique, de la construction navale ou autre. Donc, il nous est difficile d'obtenir les renseignements nécessaires. Je crois savoir toutefois qu'elles ont présenté de nombreuses soumissions. Elles ont bien failli obtenir des contrats. Je sais pertinemment que d'autres entreprises cotées en bourse ont, elles aussi, failli obtenir des contrats, qui leur ont toutefois échappé.
La présidente: Dernière question, monsieur Jones.
M. Jim Jones: Dans le même ordre d'idées, analysons les commandes. J'imagine que les entreprises ne veulent pas partager leurs renseignements, même si elles le devraient. Parlons du critère que vous désirez, des règles du jeu uniformes, car je crois comprendre qu'il y a, dans le monde entier, des commandes pour la construction de 2 700 navires qui sont en attente. Combien de commandes pourrions-nous obtenir, combien de navires pourrions-nous construire si les règles du jeu étaient uniformes?
M. Peter Cairns: Actuellement, il y a dix navires en construction au Canada. Dans l'exemple que je donne dans mon mémoire, je parle de 26 navires en construction à l'étranger, dont quatre que nous ne pourrions pas construire. Il en reste donc 12. Je crois que nous pourrions accepter 12 commandes de plus par année. Autrement dit, nous pourrions construire entre 20 et 25 navires par année—pas nécessairement par année, mais sur une base régulière—et nous aurions alors une industrie florissante.
M. Jim Jones: Merci.
La présidente: Monsieur Lastewka.
M. Walt Lastewka: J'allais aborder le même sujet que M. Jones, mais maintenant le temps nous presse. Votre réponse, monsieur Cairns, explique une partie du problème. Lorsque nous voulons obtenir des renseignements sur la compétitivité, il faut que les entreprises acceptent de partager leurs renseignements.
Si le groupe Irving ou une autre société refuse de partager ses renseignements, on ne va pas très loin, n'est-ce pas? On a un problème si les entreprises refusent de fournir toutes les données nécessaires. Elles ne peuvent se contenter de dire que le contrat leur a échappé, ce n'est pas suffisant.
M. Peter Cairns: Je suis d'accord, monsieur, que nous devons obtenir les données nécessaires et je partage entièrement votre avis. Je crois que, s'il y avait consensus pour s'asseoir et discuter de cette industrie, ces gens accepteraient de nous transmettre leurs renseignements.
Les entreprises privées n'ont pas tendance à diffuser des renseignements qui pourraient être utilisés n'importe comment, à leur avantage ou à leur désavantage. Dans le cadre d'un forum honnête, où les participants chercheraient vraiment à discuter des problèmes et à trouver des solutions, ces entreprises mettraient carte sur table.
La présidente: Merci.
M. Gordon Earle (Halifax-Ouest, NPD): J'invoque le Règlement, madame la présidente.
La présidente: Oui.
M. Gordon Earle: Je voudrais tout d'abord m'excuser d'être en retard à la séance. Je viens d'apprendre la tenue de cette séance et je remplace un membre régulier du comité.
J'aimerais avoir l'occasion de poser une question avant que vous leviez la séance.
La présidente: Je regrette, mais avec tout ce qui se passe à la Chambre, nous devons ajourner immédiatement.
Je m'excuse auprès des témoins pour la longue pause que nous avons dû faire. Nous aurons peut-être l'occasion de les entendre de nouveau.
M. Gordon Earle: Deux minutes.
La présidente: Je regrette, mais c'est impossible.
La séance est levée.