JUST Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS
COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 2 décembre 1999
Le président (l'hon. Andy Scott (Fredericton, Lib.)): Je déclare la séance ouverte. Le Comité continue d'entendre des témoignages sur le projet de loi C-3, Loi concernant le système de justice pénale pour les adolescents et modifiant et abrogeant certaines lois en conséquence.
Nous avons reçu avis hier matin de M. MacKay de Pictou—Antigonish—Guysborough relativement à... Enfin, je vais le laisser lui-même expliquer la motion. Avec la permission des membres, nous aimerions en discuter en premier lieu pour régler cette question, puis nous continuerons d'entendre les témoignages.
M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, P.C.): Je vous remercie, monsieur le président. Je serai bref par respect pour les témoins.
Comme vous le savez, la motion présentée au comité propose de convoquer la ministre de la Justice, le solliciteur général et le vérificateur général devant le comité auquel ils sont comptables pour expliquer le budget principal des dépenses. Elle a en fait été déposée plus tôt cette semaine, mais la traduction a causé des délais.
La motion est assez simple. Nous aimerions que les deux ministres et le vérificateur général comparaissent devant le comité pour défendre le budget principal des dépenses. Nous parlons en termes globaux de millions de dollars pour lesquels le ministère recevra...
[Français]
Le président: Un moment, s'il vous plaît.
[Traduction]
M. Peter MacKay: Il n'y a pas de traduction?
[Français]
Le président: Continuez, s'il vous plaît.
[Traduction]
M. Peter MacKay: Monsieur le président, ces ministres sont essentiellement responsables devant ce comité et c'est en fait la seule interaction directe que les députés peuvent avoir avec ces ministres relativement à l'affectation de ces importantes affectations budgétaires, à part la période des questions, qui n'est pas une tribune très efficace pour traiter des questions financières.
Comme vous le savez, le vérificateur général n'a pas été très chaleureux dans certains des commentaires qu'il a formulés sur ces deux ministères. Nous savons également que le commissaire à l'information a comparu devant le Comité et qu'il a fait part de certaines préoccupations.
Ces préoccupations ont principalement trait à la responsabilité parlementaire. Cette dernière traite directement de l'aptitude des députés à exercer une fonction très importante, c'est-à-dire à examiner ces budgets au cours d'une période pré- budgétaire à la Chambre des communes. Même une petite municipalité de Pictou—Antigonish—Guysborough ne traiterait pas ses contribuables avec aussi peu de respect. Je parlerais même de mépris. À mon avis, c'est très méprisant pour les députés qui travaillent aussi très fort de dire que les ministres n'ont pas le temps de comparaître devant nous. Quand on parle de millions de dollars qui sortent de la poche des contribuables, il me semble que les ministres pourraient trouver une heure ou deux pour venir défendre le budget et répondre aux questions des membres du Comité.
Voilà en bref l'objet de ma motion et je vous demanderais de bien vouloir accepter de la mettre aux voix.
Le président: Si je comprends bien, la motion vise à convoquer la ministre de la Justice, le solliciteur général et le vérificateur général en réponse à... Mais j'aimerais préciser quelque chose. Vous avez parlé à plusieurs reprises du budget principal des dépenses. Je crois que dans votre lettre, vous ne parliez que du budget supplémentaire des dépenses.
M. Peter MacKay: Le budget supplémentaire des dépenses.
Le président: D'accord.
Monsieur Maloney.
M. John Maloney (Erie—Lincoln, Lib.): J'ai seulement une question sur vos commentaires concernant le mépris, M. MacKay. Personne n'a encore refusé de venir et je ne vois donc pas pourquoi vous utilisez une expression aussi forte...
M. Peter MacKay: J'ai dit que tout ce qui aurait l'air d'un refus de leur part serait méprisant.
M. John Manley: Tout ce qui aurait l'air d'un refus...
Et pourquoi le vérificateur général? Le vérificateur général est celui qui a en fait soulevé la question sur le budget supplémentaire des dépenses. Je comprends que vous vouliez rencontrer la ministre de la Justice et le solliciteur général, mais je ne vois pas pourquoi vous voulez convoquer le troisième.
M. Peter MacKay: En ce qui a trait au vérificateur général, je crois que vous avez répondu à votre propre question. Le vérificateur général a déjà examiné le budget supplémentaire...
M. John Manley: Que nous avions déjà.
M. Peter MacKay: Que nous avions déjà. Et il me semble donc tout à fait logique qu'il fasse des commentaires à ce sujet. C'est un peu la même chose que de s'asseoir avec le comptable qui a rédigé votre déclaration de revenus pour en discuter en détail.
M. John Maloney: Vous voulez donc qu'il développe ce qu'il a déjà écrit noir sur blanc.
M. Peter MacKay: C'est cela.
M. John Maloney: Je n'ai pas d'autre question, monsieur le président.
Le président: Monsieur Abbott.
M. Jim Abbott (Kootenay—Columbia, Réf.): Je ne peux vraiment pas voir comment nous pourrions être en désaccord en ce qui a trait aux ministres.
Pour ce qui est du vérificateur général, j'aimerais simplement souligner que dans son plus récent rapport, il a mentionné précisément la Commission des plaintes du public, l'arriéré de 400 cas et ainsi de suite. Je crois qu'il serait utile au Comité d'entendre ce qu'il a à dire à ce sujet. Ce n'est là qu'un des problèmes qu'il a soulevés et je le donne en exemple.
Le président: Monsieur Grose.
M. Ivan Grose (Oshawa, Lib.): De ce côté-ci de la table, après avoir siégé au Comité des comptes publics pendant quatre ans, je suis d'accord pour dire que le Vérificateur général devait être présent. Il peut développer ce qu'il a déjà dit et nous donner des précisions. Sans lui, nous devons nous fier à ce qui est écrit. Sa présence est nécessaire.
Le président: Je crois que nous pouvons le faire sans avoir à adopter une motion s'il y a consensus. Nous n'avons pas quorum. Si je constate qu'il y a consensus, et je crois que c'est le cas, nous considérerons donc qu'il s'agit d'une demande formelle du Comité de convoquer le Vérificateur général, la procureure générale et le solliciteur général à comparaître pour défendre le budget supplémentaire des dépenses.
Monsieur Abbott.
M. Jim Abbott: Je suis curieux. Je ne connais pas bien le calendrier des opérations du Comité. Je me demandais quand le Président croyait qu'ils pourraient comparaître devant le Comité.
Le président: Je dois dire que notre calendrier est plutôt chargé d'ici la relâche des Fêtes.
Qu'en pensent les membres du Comité? Nous savons tous que notre calendrier est chargé. Nous devons donc décider si nous acceptons de poursuivre nos travaux ou si nous préférons remettre leur comparution au mois de février.
M. Peter MacKay: Monsieur le président. Je reconnais que le calendrier du comité est très chargé, mais en ce qui me concerne—et je serais heureux de savoir ce qu'en pensent les autres membres du Comité—je serais certainement prêt à y ajouter une séance si cela devait permettre à ces personnes de comparaître.
Le président: Nous devons également reconnaître que cela dépendra de leur disponibilité. Il est évident que nous devrons faire preuve de flexibilité. Néanmoins, je considère que cela signifie que nous serions prêts à les recevoir le plus rapidement possible.
M. Peter MacKay: Oui, c'est exact.
Le président: D'accord.
M. Ivan Grose: Je doute que le vérificateur ait le temps de venir d'ici à la relâche des Fêtes. Tout le monde est dans la même situation. Il sera certainement très occupé.
M. Peter MacKay: Il a terminé son rapport. Il devrait donc avoir du temps libre.
M. Ivan Grose: Cela signifie plutôt qu'il est très occupé. Tout le monde veut des explications sur son rapport. Tout comme nous.
Le président: D'accord, je crois que la situation est claire. Je vais demander au greffier de communiquer avec les bureaux de ces gens pour connaître leur disponibilité. Je vous tiendrai au courant des résultats.
M. Peter MacKay: Pour que la situation soit bien claire, je voudrais m'assurer que tous les membres du comité seraient d'accord...
Le président: Oui. Comme je l'ai dit, j'essaye d'éponger cette absence de quorum. Si je me rends compte que c'est ce que les membres du comité désirent, il est inscrit au procès-verbal que nous prendrons les mesures nécessaires pour arranger... M. MacKay, y a-t-il un ordre particulier dans lequel vous aimeriez que nous rencontrions ces personnes ou irons-nous selon la disponibilité de chacun?
M. Peter MacKay: Je ne tiens pas à un ordre en particulier. Je crois qu'il pourrait être utile d'entendre le vérificateur général en premier, s'il était disponible, mais j'aimerais que le processus soit enclenché aussi rapidement que possible.
Le président: Je vous remercie de votre flexibilité.
Merci tout le monde.
Nous passerons maintenant aux exposés de nos témoins. Nous recevons aujourd'hui M. Steve Sullivan, directeur administratif du Centre canadien de ressources pour les victimes de violence, Madame Erin Hatfield, directrice de la recherche du Centre des victimes de violence pour les enfants disparus, MM. Bruce McGloan et Tim Reich comparaissant à titre personnel, puis M. Don Holloway, président de la Fédération nationale des Retraités et Citoyens Âgés.
Avant de commencer, j'aimerais préciser officiellement certains points. Tout d'abord, on m'a fait savoir qu'il y a parmi les témoins des personnes qui ont un intérêt particulier pour des affaires actuellement à l'étude par le système de justice pénale, qui sont devant les tribunaux comme on dit. J'aimerais donc prévenir ces personnes que nous ne sommes pas prêts à discuter de quoi que ce soit qui pourrait être relié à un dossier actuellement à l'étude devant les tribunaux.
J'aimerais également profiter de l'occasion pour rappeler à tous et préciser officiellement qu'à titre de membres d'un comité, lorsque nous étudions une importante mesure législative, en étudiant divers articles et définitions et se penchant sur divers aspects importants de la politique gouvernementale, sur le système de justice pénale dans le cas présent, il est très important que nous ne perdions pas de vue que cela touche les Canadiens d'une façon très tangible. Il me semble bon de rappeler l'aspect humain de nos responsabilités de temps à autres.
Ceci dit, le groupe a-t-il décidé, par la force ou autrement, comment nous allions procéder? Très bien, nous suivrons donc l'ordre du jour prévu et nous entendrons d'abord M. Sullivan.
M. Steve Sullivan (directeur administratif, Centre canadien de ressources pour les victimes de violence): Je vous remercie, monsieur le président.
J'aimerais tout d'abord souligner que nous avons préparé un mémoire, mais il n'est malheureusement pas dans les deux langues officielles. Je m'en excuse. Comme vous le savez, le projet de loi est plutôt long et complexe et nous n'avons été avisés de notre comparution que la semaine dernière. J'ai mis la dernière main au mémoire hier soir et il était trop tard pour le faire traduire. Je peux vous le laisser en anglais seulement ou le faire traduire et vous le faire parvenir en format bilingue plus tard, selon ce que vous préférez.
Je vous remercie de nous donner la possibilité de nous présenter de nouveau devant le Comité. Il est évident que les intérêts des victimes ont été reconnus par le Comité et tenus en compte dans le projet de loi.
La Loi sur les jeunes contrevenants a probablement été une des mesures législatives les plus controversées des dernières décennies. Elle a suscité toutes sortes d'émotions intenses de tous, gouvernements, parents de contrevenants et de victimes, chercheurs et intervenants auprès des jeunes. Je crois que nous reconnaissons tous cependant que quelle que soit notre opinion, notre façon de traiter les jeunes a des conséquences directes sur le niveau de criminalité des adultes. Les jeunes que nous ne réussirons pas à aider deviendront plus tard des criminels adultes. Il est donc très important que nous le comprenions et que nous nous penchions sérieusement sur le problème de la criminalité chez les jeunes dès maintenant pour prévenir la criminalité adulte que nous voyons si souvent suivre dans les dossiers des jeunes auxquels nous n'arrivons pas à venir en aide.
Comme je l'ai souligné, nous avons mis du temps à préparer notre mémoire en raison de la longueur du projet de loi—en fait, je dirais que ce n'est pas tellement la longueur comme la complexité du projet de loi qui est en cause ici. On a déjà souligné devant ce comité que ce projet de loi semble à tout le moins prévoir un système de justice pénale pour les jeunes beaucoup plus complexe que ce qui existait auparavant, et cela pourrait bien constituer un grave inconvénient pour nous. Dans le système qui s'adresse aux adultes, il est évident que nous n'apprenons pas aux gens à accepter la responsabilité de leurs actes. Nous sommes devenus une société de droits sans responsabilités.
J'aurais espéré—et peut-être le projet de loi prévoit-il une certaine flexibilité—que nous aurions pu tirer des leçons des erreurs que nous avons faites dans le système pour adultes et essayer de rendre le système pour les jeunes plus flexible de façon à nous permettre de protéger les droits des jeunes et de comprendre qu'ils méritent qu'on protège leurs droits tout en les encourageant, dans un contexte étendu, à accepter la responsabilité de leurs actes pour que nous ne restions pas accrochés aux petites infractions. Les modifications apportées à l'admissibilité des déclarations en sont une bonne indication.
• 1055
Il est important de comprendre que si l'on adopte un système
de justice pénale distinct pour les jeunes, c'est qu'on veut les
traiter différemment des adultes. Aussi, si c'est ce que nous
voulons faire, si nous sommes tous d'accord dans ce sens, faisons
plus que de donner des sentences différentes et d'exercer des
restrictions sur la publication des noms. Penchons-nous réellement
sur la nécessité de traiter les enfants différemment des adultes.
Nous devons leur enseigner les leçons qu'ils devraient apprendre à
la maison, à l'école et dans nos institutions religieuses.
Il est toujours mieux de dire la vérité que de garder le silence. Ce principe devrait guider tous ceux qui travaillent auprès des jeunes. Ce devrait également être un principe directeur pour ceux qui sont chargés de faire appliquer la loi.
Il est aussi très important de se rendre compte que la plupart des jeunes Canadiens n'ont pas de démêlés avec la loi et que pour bon nombre de ceux qui en ont, il s'agit d'affaires mineures et ils ne reviendront jamais devant les tribunaux. Toutefois, il y a un petit groupe de jeunes qui sont responsable d'une grande partie de ces crimes. Ce sont ces jeunes que nous devons chercher à aider ou à atteindre. Au cours d'une conférence à laquelle j'ai assisté à Hull, on a souligné que 5 p. 100 des jeunes contrevenants étaient responsables de 50 p. 100 de tous les crimes commis par les jeunes. Il est évident que nous devons nous intéresser à ces jeunes.
Nous devons également nous intéresser à un nombre encore plus restreint de jeunes qui constituent une menace pour la sécurité publique. Les journaux rapportent souvent des histoires sur des jeunes qui commettent des actes de violence horribles, mais nous ne devons jamais oublier que ces jeunes ne sont pas représentatifs de tous les jeunes. Ce sont des cas rares, mais ce sont également ceux qui méritent le plus d'attention. Le jour où les médias cesseront de parler de ces crimes et de nous choquer, ce sera vraiment grave.
On a demandé pourquoi il était nécessaire d'adopter une nouvelle loi pour atteindre les objectifs que nous nous étions fixés. Je suis un de ceux qui pensent que la Loi sur les jeunes contrevenants fonctionnait relativement bien. Il y a bine sûr eu des problèmes, mais je ne suis pas certain qu'il était nécessaire d'adopter une nouvelle loi pour faire ce que nous faisons et qu'il n'était pas possible de modifier la LJC en conséquence. Toutefois, le gouvernement et ses députés sont maintenant en mesure avec cette toute nouvelle loi de corriger certaines des idées fausses qui ont été véhiculées relativement à l'ancienne loi. C'est une excellente façon de repartir à zéro et d'informer les Canadiens des objectifs visés par la nouvelle Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Avec un peu de chance, nous pourrions peut-être faire disparaître toutes les idées fausses qui ont été véhiculées par le passé.
Nous avons fait bon nombre de recommandations. Je n'en mentionnerai que quelques-unes et vous pourrez prendre connaissances des autres lorsque nous vous ferons parvenir la copie bilingue de notre mémoire.
Nous avons été très heureux de constater que les intérêts des victimes étaient sérieusement pris en compte dans ce projet de loi, comme ce fut le cas récemment dans le projet de loi C-79 qui a été promulgué la semaine dernière. Nous espérons que la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition permettra de mieux encadrer les victimes dans le cadre du système correctionnel et de la mise en liberté sous condition. Ce projet de loi va beaucoup plus loin que la Loi sur les jeunes contrevenants pour inclure les victimes.
La «Déclaration de principes», qui souligne que les victimes doivent être traitées avec courtoisie et compassion et qu'elles doivent être informées, utilise le terme «should» dans la version anglaise qui rend la mesure souhaitable et non obligatoire. Bien que ce soit là un objectif louable, et nous l'avons vu dans la mesure législative provinciale qui souligne également qu'il serait souhaitable plutôt que nécessaire qu'on le fasse, cela ne signifie pas grand chose.
Nous avons vu récemment en Ontario les membres d'une famille poursuivre le gouvernement de l'Ontario parce qu'ils étaient d'avis qu'on avait contrevenu à la Loi sur les victimes d'actes criminels. Le tribunal a statué qu'ils n'avaient aucun droit en vertu de la Charte des droits des victimes d'actes criminels parce que cette dernière ne prévoyait pas d'obligation puisque le texte anglais utilisait le terme «should» au lieu de «shall». L'une de nos recommandations vise donc le remplacement dans la «Déclaration de principes» du terme anglais «should» par «shall».
L'article 12 aborde également la question du droit de la victime à obtenir des renseignements sur l'identité de l'adolescent qui fait l'objet d'une sanction extrajudiciaire ou d'une mesure de rechange et la nature de celle-ci. Encore une fois, ce sont des améliorations, mais nous demandons l'inclusion d'autres informations également, comme des renseignements sur la tenue de négociations de plaidoyers. Aussi, par exemple, s'il n'y a pas eu de mesures extrajudiciaires, les victimes auraient-elles le droit de savoir si une sentence a été imposée par les tribunaux?
Cet article touche un aspect important, mais nous devons aller plus loin et inclure les autres droits dont les victimes ont besoin d'être informées et les autres processus qui ne font pas partie des mesures alternatives.
• 1100
L'une des questions avec lesquelles nous avons eu des
problèmes, surtout dans le système pour les adultes, est le
programme de réconciliation entre la victime et le délinquant qui
constitue une partie importante du concept de la justice
réparatrice. Nous en reconnaissons l'importance, et nous savons
qu'il y a des victimes qui ont suivi ce programme et qu'il l'ont
trouvé très utile. Il y a également des victimes qui nous ont dit
qu'elles avaient été intimidées ou forcées de participer à de tels
programmes.
Nous trouvons très troublant que des victimes considèrent qu'elles sont obligées de participer. On devrait certainement leur donner la chance de le faire. Nous proposons donc de modifier le paragraphe 18 (2) pour préciser que les comités chargés d'évaluer le désir des victimes de participer à un programme de réconciliation ne devraient pas donner l'impression à ces personnes qu'elles sont forcées d'y participer. Aux termes de la loi, les comités doivent «s'informer... et encourager la réconciliation». Nous aimerions que le texte prévoit plutôt qu'on «s'informe de l'intérêt de la victime face à la réconciliation».
Comme vous le savez, le projet de loi C-79 donnait aux victimes le droit de faire des énoncés d'incidences au cours des audiences de détermination de la peine. Je crois que cela inclut les énoncés oraux. Nous aimerions tout simplement que les victimes aient également le même droit au moment du processus du révision de la décision. Lorsqu'un jeune est condamné à une détention, je crois qu'on revoit le cas après un an. C'était le cas en vertu de l'ancienne loi et je ne crois pas que cela ait été modifié. Je ne crois pas qu'il y ait quoi que ce soit à ce niveau qui prévoit l'intervention des victimes à ce stage.
De même, en ce qui a trait à la décision de transférer un jeune à un tribunal pour adulte, il doit y avoir une audience et je crois que l'article 71 prévoit que le contrevenant ou ses parents auront la chance d'être entendus par le tribunal. Nous aimerions que les victimes aient aussi la chance d'être entendus.
Le comité recommande dans son rapport sur les droits des victimes qu'une suramende compensatoire soit automatiquement imposée aux adultes et aux jeunes contrevenants. Dans le projet de loi C-79, la ministre a rendu cette mesure automatique pour les adultes, mais elle n'en a rien fait en ce qui concerne les jeunes. Nous aimerions que ce projet de loi soit modifié pour rendre les suramendes compensatoires automatiques. La ministre de la Justice avait dit à ce moment-là qu'elle ne croyait pas qu'une telle décision soit compatible avec les principes de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Nous sommes plutôt d'avis que cette mesure correspond à ces principes puisqu'elle tient compte de l'aspect rationnel des conséquences, de la responsabilisation, de la comptabilisation et de la réparation du dommage causé aux victimes. Dans le système qui s'adresse aux adultes, il existe un mécanisme qui permet de traiter avec les gens qui ne sont pas en mesure de payer. C'est une défense qui à notre avis devrait également s'appliquer ici.
Enfin, notre dernier sujet de préoccupation a trait au fait que si le Code criminel définit le terme «victime» aux fins des déclarations des victimes, il n'y a pas de définition de ce terme dans la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents pour ce qui est de la transmission de renseignements par exemple. Qui est la victime? Les parents d'un jeune assassiné? Le deuxième cousin d'une personne ayant subi une agression sexuelle? C'est vraiment un problème.
Nous avons eu affaire à une famille de l'Alberta qui voulait obtenir des renseignements de la Couronne relativement au meurtre de leurs fils. La Couronne était d'avis que puisque la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents ne définit pas le terme «victime», c'était à leur avis le fils décédé qui était la victime dans ce cas. Les renseignements ne leur ont donc pas été communiqués. C'est un cas extrême, mais il illustre bien la nécessité de définir le terme «victime» dans la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.
La définition pourrait être différente de celle que l'on trouve dans le Code criminel parce que cette dernière a été faite pour les déclarations de victimes et qu'elle est relativement vague. Nous aimerions que vous étudiiez certaines des définitions contenues dans les chartes provinciales des droits des victimes qui ont des définitions beaucoup plus précises aux fins de renseignements et autres.
L'un des points les plus litigieux dans tout ce débat a porté sur la façon de traiter les enfant de moins de 12 ans. En 1995 ou 1996, nous avions recommandé au comité l'adoption d'un mécanisme spécial pour le petit nombre de jeunes de 10 et 11 ans qui ont attiré l'attention des policiers pour des infractions graves ou répétitives. Si je me souviens bien, votre comité a recommandé au gouvernement, dans sa recommandation no 9, qu'une mesure permettant d'inclure les jeunes de 10 et 11 ans soit prévue dans le processus.
Il est évident que le ministre n'a pas retenu cette recommandation, préférant confier cette intervention aux provinces et nous sommes d'accord avec cela. Dans un monde parfait, les systèmes provinciaux s'occuperaient de ce genre de choses. Toutefois, à la conférence à laquelle j'ai assisté à Hull, j'ai entendu parler d'une étude menée par le Earlscourt Child and Family Centre, dont le Comité pourra certainement obtenir copie. Cette étude démontre que près des 70 p. 100 des directeurs des services de protection infantile sont d'avis que les enfants de moins de 12 ans qui contreviennent à la loi ne sont en fin de compte visés par aucune mesure. Se basant sur les provinces, il a décrit un modèle de non-intervention. Il s'agit bien sûr d'un énoncé assez large. Il ne nous a pas fait un exposé particulier pour chacune des provinces. Il a également souligné qu'il n'y avait que six provinces qui rapportaient des infractions graves et que le rôle de la police variait considérablement au niveau des rapports, de la détention et de l'arrestation.
• 1105
Je crois qu'il est clair qu'on ne peut se fier uniquement aux
provinces pour régler le sort de ces enfants. Nous recommandons
donc l'adoption d'un mécanisme spécial qui ne viserait pas à
envoyer les enfants en prison, ni à leur coller un casier
judiciaire, mais plutôt à leur venir en aide. Et ce mécanisme
devrait bien sûr tenir compte de l'intervention des organismes de
protection de la jeunesse. Il n'est pas du tout logique que nous
nous contentions de lever les mains en l'air en attendant que ces
enfants atteignent l'âge de douze ans et que la police puisse les
accuser.
Compte tenu des problèmes croissants au niveau des bandes de criminels et du crime organisé, nous aimerions que le Comité se penche sur la possibilité de modifier le Code criminel pour y inclure un nouveau délit correspondant au recrutement d'enfants pour commettre des crimes. Il n'y a pas de statistiques à ce sujet bien sûr, mais je crois que nous reconnaissons tous qu'il y a des gens qui sont prêts à exploiter des jeunes et à les pousser à commettre des crimes tout simplement parce qu'ils sont trop jeunes pour être soumis à la Loi sur les jeunes contrevenants ou même trop jeunes pour être arrêtés en vertu de cette loi.
Je sais qu'il ne me reste pas beaucoup de temps, et je passerai donc quelques-unes de nos recommandations que les groupes n'auraient peut-être pas faites. Au paragraphe 140(7), on parle de la détermination de périodes de détention d'une durée maximale en ce qui a trait aux contrevenants qui ne sont pas considérés comme criminellement responsables en raison d'un déséquilibre mental. Il y a un article du même genre dans le Code criminel. J'espère que je ne fais pas erreur. L'article du Code criminel prévoit qu'on doit déterminer une période maximale de détention dans un établissement psychiatrique si ces personnes n'ont pas été reconnues criminellement responsables.
Ces articles n'ont jamais été promulgués par le gouvernement. En fait, la Cour suprême du Canada s'est récemment penchée sur toute la question de la détermination d'une détention maximale dans la cause R. c. LePage parce qu'un contrevenant voulait que ces sections soient proclamées. La Cour en est venue à la conclusion que les contrevenants déséquilibrés étaient différents des contrevenants en santé et qu'à ce titre, ils devaient être traités de façon différente. Compte tenu de la décision de la Cour suprême et du fait que le gouvernement n'a jamais proclamé ces articles pour les adultes, nous nous demandons s'il est bien avisé d'inclure ces dispositions dans la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Encore une fois, il ne s'agit pas de garder les jeunes à vue le plus longtemps possible, mais plutôt de nous assurer que lorsqu'on a affaire à un jeune qui souffre manifestement d'un déséquilibre mental, ou d'un problème de ce genre, nous ne serons pas forcés de lui infliger la même sentence qu'à une personne saine d'esprit et de lui ouvrir la porte pour le libérer après trois ans ou toute autre durée.
Compte tenu des problèmes auxquels nous faisons face avec le crime organisé, nous aimerions que cela soit considéré comme un facteur aggravant au moment d'établir la sentence, dont les juges devraient tenir compte si...
Le président: Monsieur Sullivan, si nous voulons avoir le temps d'en discuter un peu, nous devons passer à un autre orateur.
M. Steve Sullivan: Pourrais-je prendre un petit instant pour conclure?
Le président: Nous avons été plutôt flexibles au niveau du nombre, mais tous les orateurs ont été prévenus qu'ils n'avaient droit qu'à dix minutes.
M. Steve Sullivan: Je vais conclure brièvement.
De façon générale, nous appuyons le projet de loi. Nous n'avions rien contre la LJC. Certains des problèmes ont été réglés, mais je crois que certaines des erreurs ont aussi été répétées. Mais en fin de compte, ces deux lois se ressemblent en ce sens qu'elles représentent toutes les deux des mesures réactives. Si nous voulons vraiment modifier l'aspect de la criminalité chez les jeunes, nous devons agir bien avant que ces jeunes ne soient aux prises avec le processus.
Je vous remercie.
Le président: Merci beaucoup.
Je profite de l'occasion pour vous demander encore une fois d'essayer de limiter vos commentaires à dix minutes pour que nous ayons suffisamment de temps pour la discussion.
La parole est maintenant à Mme Hatfield.
Mme Erin Hatfield (directrice de la recherche, Centre des victimes de violence pour les enfants disparus): J'aimerais tout d'abord m'excuser auprès des membres du Comité pour ne pas leur avoir remis de copie de mon mémoire. Nous n'avons eu que quatre jours pour préparer un texte assez imposant et j'ai fait de mon mieux compte tenu des délais. Je vous demande donc de bien vouloir m'excuser. J'ai préparé quelques énoncés.
J'aimerais profiter de l'occasion pour remercier le Comité de la justice de nous donner l'occasion de faire part aujourd'hui de notre opinion sur le projet de loi à l'étude. Depuis la mise en vigueur de la Loi sur les jeunes contrevenants en 1984, tous les gouvernements qui se sont succédé se sont vus réclamer sa modification ou même sa disparition. Les débats sur cette mesure législative ont souvent été assez acerbes et divisés, mais il y a un point sur lequel tout le monde s'entend, c'est-à-dire que la mesure législative doit être modifiée.
Le projet de loi que nous étudions aujourd'hui, le C-3, devrait abroger la Loi sur les jeunes contrevenants et mettre un nouveau système en place. Après avoir étudié la mesure législative proposée, nous en sommes arrivés à plusieurs recommandations. Il y en a une sur laquelle j'aimerais insister aujourd'hui et elle porte sur l'article qui traite des victimes de crimes perpétrés par des jeunes.
• 1110
Il y a divers articles du projet de loi qui semblent se
rapporter aux droits des victimes, mais ils ne sont pas précisés
clairement. À mon avis, c'est déroutant et très difficile à saisir.
Je crois qu'il ne serait pas juste pour les victimes de devoir
attendre une interprétation judiciaire qui pourrait ne venir que
dans sept, huit ou même neuf ans avant de savoir s'ils ont un
certain droit ou non. Ces dispositions devraient être très claires.
Ma première recommandation serait donc bien sûr de définir le terme «victime». Cela nous préoccupe au plus haut point. Il y a bon nombre de personnes qui pourraient être considérées comme des victimes de crimes perpétrés par des jeunes. Même les parents de ces jeunes eux-mêmes pourraient peut-être être considérés comme des victimes. Cela doit être précisé. Je crois qu'ils pourraient avoir de nombreux arguments à déposer pour tenter de justifier leur statut de victime. À mon avis, il est très important que l'on se penche sur cette question sans délai.
Deuxièmement, j'aimerais que l'on ajoute un deuxième article au projet de loi qui serait très clair et qui préciserait les droits des victimes aux termes de la loi ainsi que les personnes qui seraient chargées de faire respecter ces droits. C'est également là un point qu'il faut clarifier. Toute cette question doit être bien claire pour que tous les intervenants du système de justice pénale connaissent bien leurs droits et leurs responsabilités.
Il y a quelques articles que j'ai lus et auxquels je pourrais penser. Le projet de loi devrait comprendre une liste détaillée qui permettrait de répondre à tout le moins aux questions suivantes. Tout d'abord, qui est considéré comme une victime en vertu de la présente loi? La définition devrait être claire pour garantir que chaque victime comprend bien qu'elle est reconnue comme telle aux termes de la loi et qu'elle a certains droits.
Deuxièmement, quels sont les droits qui sont conférés aux victimes en vertu de la présente loi? Le seul endroit où les droits des victimes sont mentionnés est l'article 12 qui prévoit qu'une victime peut, sur demande, être informée de l'identité de l'adolescent et de la façon dont l'infraction a été traitée. Puisqu'on a accordé suffisamment d'importance aux droits des victimes pour en faire mention dans le préambule du projet de loi, ce n'est certainement pas là le seul droit qu'on compte leur accorder.
Troisièmement, l'alinéa 5(d) donne-t-il aux victimes le droit de faire des déclarations, et dans l'affirmative, s'agit-il de déclarations orales ou écrites? Une fois de plus, cet alinéa ne semble qu'effleurer le sujet. Il ne précise pas clairement qu'une victime a le droit de faire une déclaration d'Impact ou toute autre déclaration relativement à des mesures extrajudiciaires. Selon le texte actuel, les victimes devraient avoir la possibilité de participer au traitement du cas de l'adolescent pour toute mesure. Il faudrait préciser ce point pour en être bien certain. Les victimes auront-elles cette possibilité? Dans l'affirmative, le projet de loi devrait également préciser qui est responsable de communiquer avec les victimes pour leur faire savoir qu'elles ont droit de faire part de leurs préoccupations.
Le quatrième point que j'aimerais soulever porte sur le paragraphe 41(1). Ce paragraphe accorde-t-il à la victime le droit de faire une déclaration? Selon la formulation actuelle, de nombreuses personnes peuvent faire des recommandations quant à la peine à infliger à un adolescent. Cet article prévoit également que le tribunal tiendra compte «de tous éléments d'information pertinents qui lui ont été présentés». Cela comprend-il également une déclaration de la part des victimes? Les victimes devraient avoir le droit à cette étape de présenter au tribunal une déclaration sur le crime lui-même et les répercussions qu'il a entraînées pour eux. Ce sont là des renseignements qui sont pertinents au crime et à la peine. De plus, il faudrait préciser qui devrait être responsable de voir à ce que les victimes soient informées de ces droits.
Cinquièmement, l'article 59(1), qui traite de l'examen de la peine ne comportant pas de placement sous garde, permet-il le dépôt d'une déclaration de la part des victimes? Les victimes sont-elles informées de la tenue de cette audience? Dans l'affirmative, qui est chargé d'informer les victimes de ces droits?
Sixièmement, le tribunal doit-il tenir compte d'une déclaration de victime en vertu de l'article 72 du projet de loi qui traite du transfert des contrevenants aux tribunaux pour adultes?
Septièmement, et je sais que j'ai l'air de me répéter, mais ce sont là des mesures différentes qui s'inscrivent dans des processus différents et je m'excuse de me répéter, mais je me demande si le paragraphe 97(1) permet aux victimes de faire une déclaration. Si un directeur provincial décide de présenter une demande visant le maintien de l'adolescent sous garde pour le reste de sa peine spécifique, les victimes devraient-elles en être informées? De plus, les victimes doivent avoir la possibilité, comme c'est le cas pour les adultes, de faire des commentaires ou de présenter leurs préoccupations relativement à un transfert de l'adolescent dans une institution plus ouverte. Ce droit a déjà été établi dans le cas de la mise en liberté sous condition. Voulons-nous accorder ce droit aux adolescents aussi? C'est là une question sur laquelle nous devrions nous pencher aussi. Je crois que c'est très important pour les victimes.
J'aimerais pour conclure remercier les membres du comité d'avoir accepté d'entendre l'opinion des victimes de la violence. Je suis disposée à répondre à vos questions.
Le président: Je vous remercie beaucoup.
Je passe maintenant la parole à messieurs McGloan et Reich. Je présume que vous partagerez le temps qui vous est accordé.
M. Bruce McGloan (témoignage à titre individuel): Bonjour.
Je m'appelle Bruce McGloan et je suis une victime. Mon fils a été brutalement assassiné le soir de l'Halloween en 1998. Je peux vous dire que les parents, les frères, les soeurs, les oncles, les tantes et les amis de la personne atteinte sont toutes des victimes de ces crimes.
J'aimerais vous dire quelques mots sur mon fils. Il s'appelait Clayton. Je me suis rendu compte que pendant le déroulement du procès, on utilisait toujours le terme «la victime» quand on parlait de lui. C'était un garçon fantastique. Il avait 17 ans. Il gagnait déjà sa vie. Il avait appris dès son jeune âge à différencier le bien du mal. Il traitait les gens avec dignité et tout le monde l'aimait. C'était un sportif. Il était maniaque du hockey et jouait à un niveau élevé. Il jouait à la crosse. Il voulait obtenir une bourse d'études sportives et tenter de poursuivre une carrière professionnelle aux États-Unis.
J'en ai long à dire sur la façon dont la Loi sur les jeunes contrevenants a été mise en oeuvre et sur les changements proposés dans le projet de loi C-3. On n'est vraiment pas allé assez loin. On y trouve trop souvent des mots comme «discrétion», «réadaptation» et «réinsertion», qui conviennent tous très bien pour les crimes sans violence. Selon moi, cependant, on a raté le coche pour ce qui est des auteurs d'infractions avec violence, dont le nombre croît sans cesse d'un océan à l'autre. À mon avis, ce projet de loi est beaucoup trop timide.
Lorsqu'il est question d'infractions désignées, on parle beaucoup de règles d'intervention. À mon avis, le législateur doit établir des critères applicables aux récidivistes qui commettent des infractions graves avec violence. L'interdiction de publication ne devrait pas être autorisée dans le cas des infractions désignées. Selon moi, les citoyens du pays ont le droit de savoir ce que font nos adolescents, peu importe qu'il s'agisse du voisin qui fréquente la même école... Je pense également que les auteurs d'infractions désignées devraient être dirigés d'office vers un tribunal pour adultes.
Dans un but de dissuasion, il faut durcir la peine pour meurtre au premier ou au deuxième degré. Il est très peu question d'une mesure de dissuasion et des conséquences. Il doit bien exister une raison pour laquelle nos jeunes en sont rendus à fondre en bande sur les gens comme le montrent les problèmes vécus à Toronto. Nous n'avons pas réagi de façon pertinente dans ce dossier et nous en sommes rendus au point où les adolescents connaissent très bien le système et en abusent.
À mon avis, le législateur n'a pas reconnu la gravité du problème d'utilisation des armes à des fins criminelles, et en particulier des armes à feu et des couteaux. Une peine devrait automatiquement être décernée en pareil cas.
Ils n'ont pas abordé les problèmes des gangs de rue et des rackets. Comme l'a mentionné Steve Sullivan, ces jeunes sont exploités par des criminels. C'est ce que l'on nous dit d'un bout à l'autre du pays. Nous avons parlé à des chefs de police, à des policiers ainsi qu'à des agents d'établissements correctionnels. Il est bien connu que c'est là une réalité. Des mesures doivent être prévues dans la loi pour prévenir cette situation.
• 1120
Je partage également le point de vue de Steve au sujet de la
complexité du document. De 69 paragraphes, on en est maintenant
rendus à 156. Si vous faites la lecture de...
Je m'excuse également que nous n'ayons pas de rapport à vous remettre. Nous avons eu en effet très peu de temps pour nous préparer à cette réunion. La complexité de ce dossier est à mon avis inutile.
Je crois que je vais céder la parole à Tim Reich, mon collègue.
Le président: La parole est à M. Reich.
M. Tim Reich (présentation individuelle): Je vous remercie.
Je m'excuse de nouveau auprès des membres du comité de ne pas avoir de document à leur remettre. Comme Bruce l'a mentionné, nous avons eu très peu de temps pour nous préparer à cette rencontre et pour analyser le projet de loi C-3.
Pendant que j'aborderai la douzaine d'articles du projet de loi au sujet desquels nous désirons poser des questions, ou faire des commentaires, rappelez-vous que nous mettons surtout l'accent sur les jeunes contrevenants qui commettent les infractions les plus graves et les plus violentes, ainsi que sur les crimes les plus graves que les adolescents peuvent commettre, comme le meurtre ou l'agression crapuleuse avec un couteau ou une arme à feu. Nous avons des observations au sujet d'une douzaine d'articles du projet de loi, que j'aborderai dans l'ordre dans lequel ils figurent dans le document.
À la page 4, à la rubrique définitions, les expressions «lésions corporelles graves» et «lésions corporelles» ainsi que «infraction grave avec violence» et «infraction avec violence» devraient toutes être regroupées sous une même définition.
À la page 10, en ce qui concerne le paragraphe 10(4) qui a trait aux aveux de culpabilité et déclarations, nous estimons que cette formulation signifie qu'un adolescent peut réussir à éviter de se voir décerner une peine de garde en milieu fermé.
À la page 36... J'espère que j'identifie correctement les articles en question.
M. John McKay (Scarborough-Ouest, Lib.): Auriez-vous l'obligeance d'aller moins vite? De quel article parlez-vous? J'essayais simplement de suivre.
M. Tim Reich: L'article précédent?
M. John McKay: Oui.
M. Tim Reich: C'est à la page 10.
M. John McKay: S'agit-il du paragraphe 10(4)?
M. Tim Reich: Oui.
M. John McKay: D'accord. Je vous remercie. Auriez-vous l'obligeance de répéter ce que vous avez dit à ce sujet?
M. Tim Reich: À notre avis, ce paragraphe signifie qu'un adolescent pourrait réussir à éviter de se voir décerner une peine de garde en milieu fermé. En d'autres mots, pourrait-il plaider coupable afin de bénéficier de mesures extrajudiciaires au lieu de se voir décerner une peine de garde en milieu fermé?
À la page 36, à l'alinéa 37(2)c), il est question de la détermination de la peine la moins contraignante possible. Cette mesure peut-elle s'appliquer à une personne reconnue coupable de meurtre par un tribunal pour adolescents? Le tribunal peut-il décerner la peine la moins contraignante possible?
N'hésitez pas à m'interrompre si je vais trop vite.
À la page 45, lorsqu'il est question de peine pour meurtre, à l'article 41, nous aimerions que le nombre d'années passe de 10 à 15.
M. John McKay: Je suis désolé, mais je n'arrive de nouveau pas à vous suivre. Page 45, article...
M. Tim Reich: Je crois que c'est l'alinéa 41(2)p).
M. John McKay: S'agit-il du sous-alinéa 41(2)p)(ii) qui début de la façon suivante: «dans le cas d'un meurtre au deuxième degré, d'une peine maximale de sept ans consistant...»?
M. Tim Reich: Il s'agit en fait du sous-alinéa 41(2)p)(i).
M. John McKay: Une peine de 10 ans pour meurtre au premier degré?
M. Tim Reich: Nous voulons qu'elle soit portée de 10 à 15 ans.
M. John McKay: Je vous remercie.
M. Tim Reich: D'accord.
À la page 47, en ce qui concerne la détermination de la peine qui est, je crois, abordée au paragraphe 41(7), nous avons de nouveau l'impression qu'un jeune contrevenant peut se servir du diagnostic de troubles d'ordre mental pour éviter de passer du temps en prison ou sous garde en milieu fermé. À notre avis, il est assez facile de convaincre un tribunal pour adolescents qu'une personne présente des troubles d'ordre mental.
Je passe maintenant au paragraphe 41(14), à la page 48. En ce qui concerne tout ce passage... nous sommes d'avis que, dans le cas d'adolescents auteurs de crimes graves avec violence, des peines consécutives devraient être obligatoires et non laissées à la discrétion des juges, si nous avons bien compris le libellé du document. Il est de nouveau ici question d'adolescents ayant commis des crimes graves avec violence.
Je passe maintenant à la page 65, au paragraphe 62(1), qui traite des peines applicables aux adultes. À notre avis, un adolescent ne devrait pas avoir le droit—de nouveau si nous avons bien compris ce qui est écrit—de demander automatiquement une peine pour jeunes au lieu d'une peine applicable aux adultes lorsqu'il est accusé de meurtre.
Je vais maintenant à la page 106, au paragraphe 109(1), qui a trait à la protection de la vie privée, sujet abordé plus tôt par M. McGloan. Selon nous, le nom des jeunes contrevenants reconnus coupables d'infractions avec violence par un tribunal pour adolescents devrait être rendu public. S'ils sont reconnus coupables d'une infraction avec violence, nous estimons qu'ils devraient perdre le droit à la protection de leur identité.
Je reviens maintenant à la page 89, paragraphe 93(6), qui parle de peines spécifiques. Selon nous, un adolescent reconnu coupable de meurtre par un tribunal pour adultes ne devrait pas bénéficier d'une libération conditionnelle plus tôt qu'un adulte, comme c'est selon nous le cas à l'heure actuelle.
Pour ajouter à ce que je viens de dire au sujet des peines pour adultes, nous estimons qu'un adolescent reconnu coupable de meurtre dans un cas comme dans l'autre devrait se voir décerner une peine identique à celle que recevrait un adulte, y compris en ce qui concerne l'admissibilité à la libération conditionnelle.
C'étaient là les recommandations que M. McGloan désire présenter au comité. Je vous remercie.
Le président: Je vous remercie beaucoup.
La parole est à M. Holloway.
M. Don Holloway (président, Fédération nationale des retraités et citoyens âgés): Je vous remercie beaucoup, monsieur le président, d'avoir autorisé la Fédération nationale des retraités et citoyens âgés à comparaître.
Si les citoyens âgés et les jeunes semblent aux antipodes, pourquoi les premiers s'intéressent-ils aux deuxièmes et à la justice pénale? C'est parce que la famille joue un rôle on ne peut plus important dans l'expérience de toute une vie d'une personne âgée. Comme nous sommes les patriarches et les matriarches de la nation, les activités sociales...
M. Ivan Grose: J'invoque le Règlement, monsieur le président. Ce mémoire a-t-il été présenté dans les deux langues officielles?
Le président: Oui, il a été distribué.
M. Ivan Grose: Je vous remercie.
Je suis désolé de vous avoir interrompu.
M. Don Holloway: Comme nous sommes les patriarches et les matriarches de la nation, les activités sociales et parfois moins sociales de la jeune génération sont un sujet d'intérêt quotidien pour les familles. Personne ne vit séparément des autres dans le monde. Nous sommes tous entourés par nos familles et les familles des autres gens.
La criminalité influe sur l'ordre social. Personne ne dort profondément lorsqu'il y a de la criminalité et que des crimes sont commis par des adolescents. Chacun a le souffle coupé par la peur quand il pense que des enfants soient mêlés à ces activités.
Il n'est que juste et équitable que la société se protège contre la criminalité. Les criminels doivent être appréhendés et, en règle générale, ils le sont. Toutefois, quelles que soit l'appréhension des gens, le véritable problème social est le suivant: comment faire pour éviter que les adolescents participent à des activités criminelles et, lorsqu'ils sont appréhendés, pour les soigner—et j'ai bien dit «soigner»—et leur faire perdre leur attitude criminelle?
En ce qui a trait aux peines pour les jeunes, le délinquant devrait avant tout dédommager ses victimes. Le fait d'emprisonner le contrevenant ne règle pas le problème. Cela ne contribue absolument pas à corriger la personnalité du jeune criminel.
Le dédommagement doit être suivi d'une éducation. Qu'une personne soit ou non sous garde, celle-ci devrait avoir les mêmes chances d'acquérir une bonne éducation, qu'il s'agisse d'une formation de niveau universitaire, secondaire ou autre. Un système d'éducation devrait être en place pour chaque type de criminel et pour chaque type de crime. Toute personne trouvée coupable d'un crime devrait passer par ce processus, particulièrement les enfants, étant donné que leur personnalité n'est pas encore complètement formée et qu'il est possible de forger celle-ci par le biais de l'éducation.
Le fait d'incarcérer un contrevenant pendant trois mois ou trois ans ne change en rien cette personne. Or, nous pensons qu'il importe de transformer la personne.
En ce qui a trait aux crimes commis par les jeunes, nous sommes d'avis que les plus graves sont les crimes avec violence, c'est-à-dire ceux qui comportent des agressions physiques ou qui perturbent profondément les victimes. Or, les personnes coupables de vols ou d'infractions liées aux drogues se voient souvent imposer des peines plus sévères que ceux qui commettent des agressions physiques odieuses ou qui perturbent gravement une autre personne.
Quand nous parlons de peines, nous pensons à celles qu'un juge devrait avoir le pouvoir d'infliger au délinquant. Le fouet? Que non! La pendaison par les pouces? Non plus! Nous parlons ici d'un régime correctionnel, de correction au sens de rectification, soit la rectification de l'esprit faussé des délinquants, en particulier les délinquants violents.
La violence sous toutes ses formes perturbe profondément les personnes âgées et leurs familles. La plupart des personnes se départiraient volontiers d'un objet leur appartenant pour éviter d'être victimes de violence. Pourtant, les crimes contre la propriété semblent souvent entraîner des peines plus sévères que les crimes avec violence contre la personne, exception faite, peut- être, du meurtre. Quand un jeune en frappe un autre à la figure, beaucoup réagissent en disant que «ce n'est pas vraiment grave; après tout, ce ne sont que des enfants». Mais la violence fait naître des tendances destructrices qui peuvent persister toute la vie.
En ce qui a trait aux mesures efficaces en marge du système pénal formel, la prévention de la criminalité juvénile ne relève certainement pas du système pénal. C'est dans les cours d'école qu'il faut commencer. L'élève de type fier-à-bras et ceux qui le suivent sèment les graines des comportements criminels ultérieurs.
L'appui des suiveurs est le fonds de commerce du fier-à-bras. Celui-ci est souvent un élève mis au défi de menacer ou de rudoyer ses confrères par un autre élève. C'est ce dernier, ce chien de poche, qui est le criminel invisible du réseau scolaire. Il subsiste tant qu'il ne se fait pas prendre. Il amadoue le fier-à- bras en puissance pour ne pas se le mettre à dos et le convainc par de basses flatteries qu'il l'admire; mais pour garder cette admiration, le fier-à-bras doit s'en prendre à des innocents sans défense. Cela le tient occupé et lui permet de conserver son statut de héros et l'admiration qu'il lui vaut.
• 1135
Ainsi, le chien de poche gagne de deux façons: d'une part, il
est à l'abri du fier-à-bras et, d'autre part, le fier-à-bras lui
fournit un divertissement violent pour lequel son «ami», le chien
de poche, le récompensera en flattant son «héros».
Ce comportement est observable chez les garçons et chez les filles, et il faut l'étouffer dans l'oeuf en demeurant vigilant.
Cela doit se faire en marge du système du pénal. Nous devons donc nous doter de lois qui nous permettent d'intervenir pour lutter contre ce problème. Il n'y a aucune raison de ne pas le faire.
Pour ce qui est de la stratégie nationale de prévention du crime, le système de surveillance de quartier semble un moyen très efficace et utile. Nous pensons que l'on devrait avoir un autre type de système s'inspirant de cette initiative pour rendre nos quartiers plus sûrs. Quoi qu'en disent les médias, la plupart des centres-villes au Canada sont des endroits tout à fait sûrs qu'il fait bon fréquenter. Ce sont des endroits magnifiques. Tout le monde devrait les aimer et en profiter, et beaucoup le font. En réalité, c'est dans les quartiers périphériques qu'un danger semble exister.
On dit à une grand-mère de ne pas passer dans telle rue parce que c'est dangereux. Dans l'esprit de cette grand-mère, qu'est-ce qui est dangereux? Elle lit tellement d'histoires sur les bandes de rue que lorsqu'elle voit cinq, six ou dix enfants attroupés au coin d'une rue, elle se dit qu'elle ne peut passer là parce qu'elle risque de se faire agresser. Cela n'est pas nécessairement le cas, mais il nous faut un système permettant d'assurer une vigilance dans ces quartiers périphériques. Personne n'aime marcher dans une rue sombre. Nous éprouvons tous une certaine appréhension. Mais il faut s'enlever l'idée que le centre-ville est un endroit dangereux et mauvais. C'est l'un des endroits les plus sûrs. Il y a toujours plein de gens au centre-ville.
J'en arrive maintenant à la stratégie visant les enfants trop jeunes pour être tenus criminellement responsables. Lorsqu'un responsable vient à la maison et dit aux parents que leur enfant à fait ceci ou cela et qu'une enquête doit être menée, les parents craignent qu'on leur enlève leur enfant.
Personne ne veut se faire enlever son enfant. Il faut un autre type d'intervention. Il faut faire intervenir le travailleur social à un moment de tranquillité où il sera perçu comme un ami de la famille, et non comme le bras de la loi. Si l'on ne veut pas que les familles cachent le mauvais comportement des enfants, il faut être de leur côté. Vous devez vous présenter comme un ami si vous voulez pouvoir aller au fond des choses et apporter les mesures correctives nécessaires. Vous ne pourrez jamais corrigez la situation sans l'aide de la collectivité. Il faut nous-mêmes avoir une attitude différente dans cette démarche.
Nous sommes parfaitement d'accord avec tous les principes que vous avez énoncés. Nous pensons certainement que les jeunes devraient être traités séparément. Il ne faut jamais oublier qu'il est encore possible de modifier le caractère d'un jeune et de rectifier son comportement, compte tenu de son âge. Nous le croyons fermement. Nous sommes aussi d'accord que toute la famille doit participer au processus.
Quant aux délinquants condamnés à faire du service communautaire en réparation de leurs délits, le fait de les obliger à se rapporter périodiquement à un agent d'aide sociale n'est pas tout à fait la solution. Pour garantir que ces contrevenants feront effectivement leur service communautaire, il faudrait engager des travailleurs spéciaux, non pas des travailleurs sociaux, pour effectuer des vérifications ponctuelles inopinées.
C'est vrai que les coûts vont augmenter, mais nous ne pouvons réussir sans investir. Voulons-nous vraiment que le travail se fasse? C'est la question qu'il faut se poser en ce qui a trait aux coûts. Voulons-nous faire ce qui est nécessaire?
S'il y avait une guerre demain, on trouverait l'argent nécessaire. Par conséquent, ne nous laissons pas arrêter par la question des coûts.
J'en arrive aux mesures à l'égard des délits plus graves...
Le président: Monsieur Holloway, pourriez-vous en arriver à votre conclusion?
M. Don Holloway: Oui, je vais conclure maintenant.
Il faut définir largement l'emprisonnement. En elle-même, la détention n'a aucune valeur. Il faut une éducation psychologique pour réorienter l'esprit du délinquant. Celui-ci doit, pour employer l'expression de George Bush, être devenu une personne plus gentille et plus douce au moment de sa libération. C'est ce que nous voulons accomplir. Autrement, le mauvais garçon deviendra un autre Legs Diamond, Al Capone ou Babyface Nelson.
• 1140
Par conséquent, les peines devraient durer le temps qu'il faut
afin que le jeune réadapté soit prêt à réintégrer la collectivité.
Tel est notre message.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Holloway, pour votre message.
Je remercie aussi tous les autres témoins.
Nous allons maintenant tenir un petit dialogue en commençant avec M. Cadman, qui dispose de sept minutes.
M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Réf.): Merci, monsieur le président.
Je vous remercie tous d'être venus ici aujourd'hui. J'ai quelques questions que j'ai déjà posées à des témoins qui vous ont comparu avant vous.
Premièrement, en ce qui a trait aux mesures extrajudiciaires, j'ai l'impression qu'il est possible qu'un jeune fasse l'objet d'une mesure puis d'une autre et d'une autre encore, au fur et à mesure qu'il commet des infractions. Cela est particulièrement vrai dans le cas où la police fait des mises en garde ou a recours au processus de déjudiciarisation avant la mise en accusation. On m'a dit que la seule façon d'être au courant de ces mesures est que celles-ci soient consignées d'une manière ou d'une autre. Je m'inquiète de la façon dont cela se fera, non seulement au sein d'un service—par exemple d'un policier à l'autre, à quelques mois d'intervalles—mais aussi d'un service à un autre, pour que l'on sache si un contrevenant a déjà fait l'objet de mesures extrajudiciaires dans le passé.
Avez-vous des observations à formuler relativement à cet aspect?
M. Steve Sullivan: Je ne suis certain d'être qualifié pour dire comment cela devrait se faire, mais je suis d'accord que cela doit être fait. Après tout, si ce genre de mesures est réservé aux délinquants primaires qui commettent une infraction mineure, ou aux jeunes qui ont fait une erreur ou deux, il faut s'assurer que celles-ci ne soient effectivement appliquées qu'à ces jeunes.
M. Chuck Cadman: Il faut s'assurer qu'il s'agit bien d'un délinquant primaire. C'est le point que je fais ressortir.
M. Steve Sullivan: Tout à fait.
Mme Erin Hatfield: Il devrait y avoir un système de dépistage, si c'est possible. Vous savez, trente avertissements c'est la même chose qu'un seul.
M. Chuck Cadman: Selon moi, cela devrait se traduire par un financement accru, parce que de telles mesures vont entraîner des coûts.
Que pensez-vous de toute la question du financement du système proposé? Êtes-vous d'avis que les offres de financement du fédéral sont suffisantes?
M. Steve Sullivan: Je pense que le succès du projet de loi proposé, comme celui de la mesure législative précédente, dépendra véritablement d'un financement très important. C'est très bien d'insister davantage sur les mesures de rechange, mais si aucun programme n'est offert, à quoi sert le projet de loi?
Quant à savoir si le montant de 206 millions de dollars est suffisant, je ne pense pas que nous ayons la compétence voulue pour porter un tel jugement. Cela dit, il ne fait aucun doute que le niveau de financement sera la clé du succès de toute mesure législative visant les jeunes contrevenants.
M. Chuck Cadman: Je vais aller rapidement, parce que je sais que mon collègue, M. MacKay, a aussi des choses à dire relativement au financement.
En ce qui a trait aux infractions désignées, que pensez-vous du fait que celles-ci n'incluent que les quatre infractions mentionnées? Par ailleurs, avez-vous des remarques à formuler relativement à la façon dont seront déterminés ces infractions et quant à ce qui constitue la troisième infraction grave? En d'autres mots, êtes-vous satisfait des quatre infractions mentionnées, ou devrait-on en ajouter d'autres, et comment devrions-nous déterminer la troisième?
M. Steve Sullivan: Je vous donne rapidement notre recommandation, à savoir que les agressions sexuelles commises avec une arme et les voies de fait graves soient ajoutées à la liste des infractions désignées.
M. Chuck Cadman: Y a-t-il d'autres personnes qui veulent prendre la parole?
M. Bruce McGloan: L'enlèvement pourrait aussi être inclus, de même que les agressions sexuelles causant des lésions corporelles. En fait, toute infraction impliquant le recours à la violence ou l'utilisation d'une arme pourrait être incluse dans la liste des infractions désignées.
M. Don Holloway: Nous pensons que l'agression sexuelle est un crime. Si celle-ci est commise en ayant recours à la violence ou en causant des lésions, il y a là un autre crime. Dans un tel cas, l'agression ne devrait pas impliquer un seul crime mais bien deux crimes. C'est de cette façon qu'il faut voir les choses.
Faire mal à quelqu'un est une action dangereuse. Ce n'est pas bien. Dans le cas d'une agression sexuelle, il peut n'y avoir aucun mal physique, mais un mal psychologique peut avoir été causé. C'est un type de mal différent, un type de crime différent, et nous ne devrions pas simplement regrouper les deux infractions sous la désignation «agression sexuelle avec violence». Il y a deux infractions, à savoir une agression sexuelle et une agression physique. Ce sont deux crimes qui devraient être punis ou corrigés séparément.
M. Chuck Cadman: Je vois.
• 1145
Monsieur Holloway, ma prochaine question s'adresse à vous,
étant donné qu'elle touche le groupe que vous représentez. Sur la
côte Ouest, et en fait partout au pays, il y a eu une série
d'incidents très graves liés à des entrées par effraction dans des
maisons. Or, un certain nombre de ces infractions ont été commises
par de jeunes contrevenants. Je me demande si vous pensez que ce
problème devrait être traité dans le projet de loi, ou s'il y a un
autre mécanisme plus approprié.
M. Don Holloway: Nous avons personnellement eu connaissance de cas où des membres du clergé dans notre région se sont rendus dans une autre communauté et ont été tués dans leur propre maison. Nous pensons qu'il faut s'occuper de ce problème. Deux crimes ont été commis, une agression physique et un meurtre. En outre, le fait que quelqu'un se soit introduit dans le domicile est un autre crime. Il faut traiter de toutes ces questions. Nous pensons que c'est ainsi qu'il faut procéder.
Il ne faut pas regrouper tous les crimes et considérer qu'un seul crime a été commis. Les accusations portées devraient refléter la situation. Selon nous, personne ne devrait aller chez vous pour y faire quoi que ce soit. Si une personne entre dans votre maison, c'est déjà un crime, même si cette personne ne fait rien d'autre. Nous pensons qu'il faut s'occuper de toutes les infractions.
M. Chuck Cadman: J'ai une dernière question à poser relativement à l'âge des contrevenants. Que pensez-vous des limites supérieure et inférieure?
M. Steve Sullivan: Nous sommes d'avis qu'il ne faut pas réduire l'âge maximum. C'est la recommandation que nous avions faite la dernière fois. Les jeunes n'ont pas le droit de consommer de l'alcool avant d'avoir 18 ou 19 ans, selon la province. Si nous abaissons maintenant l'âge minimum à 16 ou à 17 ans, dans quelques années ce minimum ne sera peut-être plus que de 14 ans. Il faut fixer la limite quelque part et, compte tenu que les infractions désignées englobent les infractions les plus graves, nous pensons que l'âge maximum est approprié.
Mme Erin Hatfield: L'organisme Victimes de violence estime que, dans le cas des crimes avec violence extrême, une disposition devrait permettre de porter des accusations au criminel à l'endroit de jeunes âgés de dix ou onze ans. Nous pensons aussi que l'âge maximum devrait être abaissé à seize ans, cela pour des raisons de maturité et de responsabilité.
M. Bruce McGloan: Je suis d'accord que les jeunes de dix et onze ans devraient être inclus dans le cas des infractions graves impliquant de la violence. Je ne pense pas que le système social puisse s'occuper des problèmes qui existent et qui touchent ces enfants. Une telle disposition devrait certainement être incluse.
M. Don Holloway: Je ne pense pas que nous devrions nous borner à punir les enfants. Nous devrions aussi les éduquer, parce qu'ils sont à un âge où ils peuvent être formés. Par conséquent, il n'y a rien de mal à descendre jusqu'à l'âge le plus bas possible. Dix, onze, neuf, huit ans—allons-y et remettons ces jeunes dans le droit chemin. Si nous ne le faisons pas, à quoi sert d'avoir des agents de la paix et de nous contenter de jeter les contrevenants en prison? Cela n'apporte rien de bon à notre société.
Le président: Merci. M. Cadman.
M. Bellehumeur a accepté de laisser M. McKay poser une question, parce que celui-ci doit nous quitter.
M. John McKay: Je m'en excuse. Ma question s'adresse à M. Sullivan.
En ce qui a trait à votre présentation sur la participation des victimes au système, je me suis demandé pourquoi le projet de loi C-79 n'avait tout simplement pas été repris dans la présente mesure législative. Y a-t-il un motif impérieux pour lequel il en est ainsi?
M. Steve Sullivan: Je ne suis pas certain que le projet de loi C-79 n'est pas repris dans la mesure actuelle. Nous avons formulé ces recommandations afin que les tribunaux et les victimes connaissent clairement leurs droits. Si le projet de loi C-79 est repris, qu'il peut l'être ou qu'il l'a été, cela répondra à un bon nombre de nos questions, mais nous voulons que tout cela soit clair.
M. John McKay: La mesure législative renferme un certain nombre de dispositions impératives, ainsi que des dispositions discrétionnaires. Je ne me souviens pas très bien du projet de loi C-79, mais il me semble que celui-ci traitait de ces questions.
M. Steve Sullivan: À ma connaissance, c'est la seule mesure législative fédérale dans laquelle on dit que les victimes doivent et ne doivent pas être traitées d'une certaine façon. Je ne souviens pas qu'il y ait eu un préambule dans le projet de loi C- 79. Il est certain que les lois provinciales discutent de la façon dont les victimes doivent être traitées, mais je ne pense pas que le Code criminel en fasse autant.
Le président: Merci, monsieur Sullivan, et un merci tout particulier à vous, monsieur Bellehumeur.
Monsieur Bellehumeur, vous avez maintenant la parole pour sept minutes.
[Français]
M. Michel Bellehumeur (Berthier—Montcalm, BQ): Ma première question s'adresse à M. Sullivan et à Mme Hatfield.
Dans votre exposé, vous vous êtes surtout attardés au sort des victimes. Je comprends bien d'ailleurs que l'aide aux victimes est le but de vos associations.
• 1150
J'ai pris plusieurs notes et je me demande si tout ce
que vous avez mentionné aurait pu être intégré dans
l'actuelle Loi sur les jeunes contrevenants. Ne
croyez-vous pas que l'information aux
victimes, la participation des victimes aux sentences
et tout ce que vous avez dit relativement aux victimes
aurait pu y être intégré?
[Traduction]
M. Steve Sullivan: Je pense que vous auriez pu modifier la Loi sur les jeunes contrevenants de façon à répondre à ces besoins.
Mme Erin Hatfield: Je suis d'accord.
[Français]
M. Michel Bellehumeur: Vous êtes-vous attardés un peu aux modifications de la Loi sur les jeunes contrevenants et au nouveau texte, en dehors de ce qui a trait aux victimes? On traite un peu plus des victimes dans le projet de loi C-3, mais vous êtes-vous attardés aux autres mesures touchant les jeunes contrevenants, à la façon dont on va les traiter, etc.?
[Traduction]
M. Steve Sullivan: Nous n'avons pas comparé les deux mesures en les mettant côte à côte. Nous avons essayé de voir du mieux que nous le pouvions les changements inclus dans le présent projet de loi, comparés à ceux qui se trouvaient dans la Loi sur les jeunes contrevenants.
Mme Erin Hatfield: C'est vrai. J'ai eu l'occasion d'examiner très brièvement le projet de loi. Si vous voulez discuter d'un point précis, je suis certainement prête à essayer de le faire.
[Français]
M. Michel Bellehumeur: Y voyez-vous des modifications importantes?
[Traduction]
Mme Erin Hatfield: Il me semble que le projet de loi insiste beaucoup moins sur l'incarcération que ne le faisait la Loi sur les jeunes contrevenants. C'est juste mon impression. Il me semble que les mesures de rechange traditionnelles, ou les mesures extrajudiciaires, ont été élargies sensiblement. J'espère que l'on disposera du financement nécessaire pour mettre en oeuvre ces programmes.
[Français]
M. Michel Bellehumeur: Justement, ma prochaine question porte sur ce que vous avez déjà fait valoir ici en tant que témoins. Lors des modifications apportées antérieurement à la Loi sur les jeunes contrevenants, celles de 1992 et de 1995, je vous ai entendus, vous et d'autres témoins, demander au gouvernement de faire plus que de modifier la loi, soit de consentir des sommes d'argent pour qu'il soit possible d'appliquer la loi.
On nous a dit que le ministère consentirait 206 millions de dollars pendant trois ans. Croyez-vous qu'en investissant 206 millions de dollars sur trois ans pour faire connaître et appliquer la Loi sur les jeunes contrevenants, on arriverait à des résultats similaires?
[Traduction]
M. Steve Sullivan: Comme je l'ai mentionné dans mes observations préliminaires, selon moi, il était possible d'apporter des correctifs à la Loi sur les jeunes contrevenants. Vous auriez pu prendre les améliorations renfermées dans ce projet de loi et les appliquer à la LJC. Il est certain que si vous aviez affecté les 206 millions de dollars à l'application de la LJC, vous auriez obtenu les mêmes résultats que vous espérez obtenir avec le projet de loi C-3.
[Français]
M. Michel Bellehumeur: Je m'adresse aux quatre témoins et ce sera ma dernière question, monsieur le président. Savez-vous comment on applique la Loi sur les jeunes contrevenants au Québec et les résultats qu'on y obtient? Y a-t-il quelqu'un qui a étudié le cas du Québec?
[Traduction]
M. Steve Sullivan: Nous avons une idée générale de la façon dont les choses se font au Québec, et il ne fait aucun doute qu'on insiste beaucoup plus sur la prévention, les services sociaux et les initiatives de ce genre au Québec.
La conférence à laquelle j'ai assisté à Hull regroupait des représentants de toutes les provinces, et les priorités étaient différentes d'une à l'autre. Par exemple, en Ontario, 41 p. 100 de tous les jeunes contrevenants reconnus coupables d'un crime étaient sous garde, d'une façon ou d'une autre. J'ai été surpris de constater que le pourcentage était de 29 p. 100 au Québec et de 28 p. 100 en Alberta.
Il est intéressant de constater qu'il y a vraiment de bons programmes et de bonnes initiatives dans chaque province. Le Québec a appliqué les principes de la LJC d'une façon plus suivie que certaines autres provinces, et je pense qu'on est à même de voir les fruits de cet effort. Il existe une perception selon laquelle les provinces de l'Ouest veulent envoyer tous leurs jeunes contrevenants en prison, mais cette perception est erronée. L'Ontario et l'Île-du-Prince-Édouard ont probablement les taux détention les plus élevés. À mon avis, les autres provinces ont beaucoup à apprendre du Québec.
M. Michel Bellehumeur: Un dernier commentaire. Au Québec, à l'heure actuelle, parmi tous les organismes qui appliquent la Loi sur les jeunes contrevenants—peut-être en connaîtrai-je d'autres au cours de cette séance—, que ce soit les avocats, les procureurs de la Couronne, les médecins, les psychologues ou les instituts, etc., aucun n'appuiera le projet de loi C-3. On réclame quelques ajustements, mais jamais on n'appuiera le projet de loi C-3.
Est-ce significatif pour vous qu'on ne veuille pas du projet de loi à un endroit où on applique la Loi sur les jeunes contrevenants?
[Traduction]
M. Steve Sullivan: C'est certainement un point à prendre en considération, mais nous travaillons avec les victimes. Quant à savoir s'il faut adopter un nouveau projet de loi ou modifier l'ancien... Au Québec, comme dans toutes les provinces, on s'est occupé des victimes, qui ont dit qu'elles n'étaient pas satisfaites de la LJC et qu'il y avait des problèmes. Encore une fois, je ne sais pas s'il est nécessaire d'adopter une autre mesure législative à cette fin. Ce qui est sûr, c'est que les gens que nous représentons ou que nous essayons de représenter ne sont pas pleinement satisfaits.
[Français]
M. Michel Bellehumeur: Est-ce que vous avez une liste, ou quoi que ce soit d'autre, des membres de votre association qui sont du Québec?
[Traduction]
M. Steve Sullivan: Je peux certainement vous fournir les noms de victimes avec lesquelles nous avons travaillé. Ces personnes ne font pas vraiment partie de notre groupe. Elles viennent simplement solliciter notre aide et nous la leur fournissons.
[Français]
M. Michel Bellehumeur: Vous remettrez cette liste au président du comité.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup, monsieur Bellehumeur.
Monsieur McGloan, avez-vous quelque chose à ajouter?
M. Bruce McGloan: Oui, j'aimerais formuler une remarque.
Nous avons fait un peu de recherches sur la façon dont Québec traite les jeunes contrevenants et il semble que cette province privilégie plutôt les mesures extrajudiciaires. Je me demande simplement quel est l'effet à long terme au niveau de la récidive chez les adultes. Vos pourcentages sont-ils les mêmes? On nous a dit que, dans bien des cas, ces pourcentages sont très semblables voire même plus élevés.
[Français]
M. Michel Bellehumeur: Est-ce que je réponds?
[Traduction]
Le président: Je note l'observation, mais vous êtes les témoins, tandis que les membres ne le sont pas. Il en est ainsi pour votre protection.
M. Bruce McGloan: Non, le député a demandé si nous avions fait des recherches sur la façon dont le Québec applique le programme, et je ne faisais que formuler des remarques.
Le président: Nous prenons note de votre observation. Je suis convaincu que les témoins comprendront qu'il est très important de préserver cette relation, parce que si les membres du comité décidaient de devenir des témoins, nous aurions de gros problèmes.
Monsieur MacKay.
M. Peter MacKay: Je ne suis pas certain, monsieur le président. Je pense que nous devrions nous aussi nous retrouver sur la sellette.
Je veux d'abord remercier tous les témoins, en particulier M. McGloan. Je suis conscient que vous êtes passé par un processus très difficile sur le plan émotionnel avant de venir ici. Nous respectons et nous apprécions beaucoup le fait que vous soyez venu ici aujourd'hui, et nous vous remercions de votre présentation.
M. Bruce McGloan: Merci.
M. Peter MacKay: Étant donné la perspective que vous apportez tous, je veux poser mes questions en fonction de vos présentations, et en particulier en fonction des victimes. Comme vous le savez probablement, un nouvel élément de la mesure législative proposée est emprunté au système s'appliquant aux adultes. Cet élément ajoute au processus de détermination de la peine s'appliquant aux jeunes contrevenants la notion de condamnation à l'emprisonnement avec sursis. Cette notion est communément appelée la «seconde deuxième chance».
Alors qu'auparavant on allait de probation en probation, le juge aura dorénavant la possibilité supplémentaire d'imposer une condamnation à l'emprisonnement avec sursis. Cela signifie qu'il pourrait dire, par exemple: «Nous vous imposons une peine de six mois d'emprisonnement, mais vous allez purger votre peine au sein de la communauté. Si vous faites des conneries, vous allez être envoyé à la prison pour jeunes contrevenants.»
Pensez-vous que c'est là un ajout nécessaire à la loi, compte tenu que les juges jouissent déjà d'une discrétion assez large au moment de décider d'envoyer ou non un jeune en prison?
M. Steve Sullivan: Nous ne nous opposons pas à la condamnation à l'emprisonnement avec sursis, que ce soit dans le système judiciaire visant les jeunes ou les adultes. Nous formulons les mêmes réserves que dans le cas, par exemple, des mesures extrajudiciaires, à savoir que ces mesures ne sont pas appropriées dans les cas de crimes avec violence.
M. Peter MacKay: Cela répond à l'autre question que j'allais vous poser. Merci.
Monsieur Holloway.
M. Don Holloway: Nous croyons que c'est la bonne approche. Il n'y a pas de problème, sauf que l'on se demande ce qui va être fait au niveau de l'éducation. Comment allons-nous changer la mentalité des contrevenants? Comment allons-nous les remettre dans le droit chemin? C'est cela qui importe.
En se contentant d'envoyer les contrevenants en prison, nous fonctionnons encore comme à l'époque de l'homme des cavernes. Ce n'est pas la bonne façon d'agir. Nous devons affecter des budgets à l'éducation. Si nous n'avons pas un vaste programme national d'éducation pour les jeunes criminels—parce qu'il s'agit bien de criminels—afin de les remettre dans le droit chemin, nous faisons rien d'utile. Nous sommes prêts à dépenser des milliards pour punir ces personnes, mais pour les remettre dans le droit chemin, pour les réhabiliter... Il faut un genre de programme scolaire, une sorte de programme d'éducation. Je ne pense que nous accordions l'importance voulue à cet aspect. Nous essayons encore d'enfermer les contrevenants, ou encore nous leur disons de faire du travail communautaire—que ce soit au terrain de jeu, avec les enfants ou d'une autre façon—en guise de peine à purger.
Nous ne voulons pas qu'il en soit ainsi. Nous voulons plutôt que l'on dise à ces contrevenants: «Faites ceci et allez vous chercher un diplôme.» Nous voulons leur dire que nous allons leur fournir le nécessaire, qu'une fois par semaine ils vont devoir écrire des choses, que des personnes vont leur poser des questions, qu'ils vont se rendre en classe ou qu'ils vont devoir étudier un livre puis passer un examen—ou encore que nous allons leur donner le matériel nécessaire pour enregistrer ce qu'ils ont à dire et le renvoyer. Nous agirons de la sorte durant six mois, un an et demi ou le temps qu'il faudra avant que l'on soit sûr que l'attitude de ces jeunes aura changé. Telle est l'approche qu'il faut adopter. Il faut changer les personnes.
Si la notion de justice pénale signifie uniquement que l'on attrape le contrevenant et qu'on le jette en prison en lui imposant une peine qui donnera satisfaction à la société, cela n'aide en rien à changer cette personne.
M. Peter MacKay: Merci.
Y a-t-il d'autres personnes qui veulent prendre la parole, particulièrement en ce qui a trait à l'observation selon laquelle les condamnations à l'emprisonnement avec sursis ne doivent pas s'appliquer dans le cas des infractions avec violence?
M. Bruce McGloan: Aux infractions sans violence?
M. Peter MacKay: Oui.
M. Bruce McGloan: Nous sommes en faveur de la condamnation à l'emprisonnement avec sursis dans le cas des infractions sans violence.
Cela dit, il convient de noter que l'expression «infraction sans violence» peut être trompeuse. Cette expression peut inclure les attouchements sexuels, le trafic de drogues, la pédophilie et l'introduction par effraction. Il faut définir ce que l'on entend par «sans violence». En ce qui a trait au pouvoir discrétionnaire, s'agit-il du pouvoir du juge? Nous appuyons cette option, mais seulement jusqu'à un certain point. Une certaine forme de contrôle est nécessaire.
M. Peter MacKay: Monsieur McGloan, je veux vous poser une question, mais si celle-ci est trop personnelle, ne répondez pas. La cause touchant votre fils est-elle encore devant les tribunaux?
M. Bruce McGloan: Oui.
M. Peter MacKay: À titre de parent, avez-vous le sentiment qu'on vous a fourni des renseignements sur le système qui vous permettent à tout le moins de comprendre ce qui passe dans le cadre du processus?
M. Bruce McGloan: Il est très frustrant de voir fonctionner le système. Cela vous fait prendre conscience de sa fragilité. Pour ce qui est de l'information dont nous disposons, il faut la demander à la Couronne. Je pense que des changements s'imposent en ce qui a trait à la fourniture de renseignements.
M. Peter MacKay: Un responsable des services aux victimes ou une personne autre que le procureur de la Couronne avec lequel vous traitez actuellement a-t-il été assigné à votre cas?
M. Bruce McGloan: À ma connaissance non. Personne n'a communiqué avec nous.
M. Peter MacKay: Dans votre présentation, vous avez mentionné que les attaques en bande, communément appelées «swarming», deviennent une véritable préoccupation, et ce non seulement dans les centres métropolitains. Le phénomène existe aussi dans les régions rurales du Canada. Il y a quelques années, un collégien de la Nouvelle-Écosse a été victime d'une telle attaque à l'extérieur du lieu d'un party. Il a été dans le coma pendant plusieurs mois, mais il s'est rétabli depuis.
• 1205
Y en a-t-il parmi vous qui croient que le projet de loi ou le
Code criminel devrait renfermer une infraction précise relativement
à ce genre d'activité criminelle? Il arrive souvent que cette
mentalité de bande prenne le dessus. Il peut n'y avoir qu'un ou
deux individus qui portent les coups, mais étant donné que tout se
fait en groupe, personne n'est tenu responsable.
M. Don Holloway: Oui. Les personnes âgées sont d'avis que les bandes de rue, car ce sont elles qui s'adonnent au «swarming», bien que cela puisse se faire de manière impromptue, commettent un acte de bande. Il devrait y avoir des dispositions anti-gang, des mesures pour empêcher des personnes de se regrouper dans le but de s'adonner à ce genre d'infraction.
En fait, il faudrait un groupe de travail dans les rues, et non seulement la police telle qu'elle est actuellement constituée. Il faudrait un groupe de travail pour se pencher sur les activités des gangs, même les bandes de jeunes, parce que c'est la même chose. Il faut se rendre sur place et voir où sont ces bandes, qui en fait partie et ce qu'elles font. Lorsqu'une infraction est commise, toute la bande devrait être arrêtée, parce qu'autrement des jeunes vont former des bandes et attaquer des personnes. Cela se passe rapidement. Parfois, les membres de ces bandes ne savent même pas qu'ils vont poser un tel geste lorsqu'ils quittent leur domicile. Toutefois, moins d'une demi-heure plus tard, quelque chose se produit, quelqu'un fait une remarque puis, tout d'un coup, vous vous retrouvez avec une bande qui décide de s'en prendre à une personne. La décision d'attaquer quelqu'un se prend très rapidement.
Nous devrions avoir un groupe de travail qui examinerait ce qui se passe, qui cernerait les situations où le risque de telles attaques existe, qui déterminerait à quelles activités s'adonnent un groupe. Il est facile de repérer un groupe. Lorsque vous voyez un groupe de jeunes ensemble, vous devez essayer de savoir ce qu'ils font. Il y a des années, j'étais responsable d'un centre. Des danses étaient souvent organisées pour les adolescents. Dès que l'on voyait 10 ou 15 jeunes dans un coin, nous savions que quelque chose se préparait. Nous allions alors voir ces jeunes et nous les faisions circuler, se déplacer.
Il faut faire la même chose en public, parce que beaucoup de choses semblables se produisent. Les gens disent qu'il y a de la violence dans les écoles. Ce n'est pas vrai. Les directeurs et les enseignants vous diront qu'il n'y a pas de violence dans les écoles. La violence c'est à moins d'un coin de rue de l'école qu'elle se trouve. Les directeurs et les enseignants ont encore une heure de travail à l'école après le départ des enfants. Il n'y a pas de surveillance à l'extérieur. Un groupe devrait être mis sur pied pour vérifier ce qui se passe autour de l'école et empêcher les enfants de prendre l'habitude de se regrouper à des fins de violence.
Le président: S'il y en a d'autres qui veulent répondre à la question, je les invite à le faire, avant que nous poursuivions.
M. Bruce McGloan: Les attaques en bande sont un grave problème. En fait, la mort de mon fils est la conséquence d'une telle attaque et nous aimerions que la nouvelle loi renferme des dispositions qui traitent de cette question.
Les attaques en bande sont le crime le plus lâche et le plus odieux qui soit. À cela s'ajoute l'intimidation et des témoins qui refusent de témoigner. C'est un problème très grave qui existe d'un bout à l'autre du pays. Prenez le cas de Reena Virk sur la côte ouest, ou celui de cette jeune personne de 15 ans à Toronto. Deux attaques semblables ont lieu à chaque jour dans la région de Toronto et aussi dans l'Ouest canadien. Il faut prendre des mesures pour freiner ce phénomène et, à mon avis, ces mesures incluent l'adoption de dispositions législatives concrètes.
M. Peter MacKay: Merci, monsieur McGloan.
Le président: Monsieur Sullivan ou madame Hatfield, sur ce point précis.
M. Steve Sullivan: Je veux simplement signaler que notre mémoire renferme une recommandation portant que la participation au crime organisé ou aux bandes soit considéré comme une circonstance aggravante au moment de la détermination de la peine. Nous ne nous opposons certainement pas au fait que cette participation soit considérée comme une infraction distincte. Nous avons formulé cette recommandation parce que nous n'étions pas certain s'il était constitutionnel de décréter que c'était une infraction que de faire partie d'une bande. Cette recommandation nous est parvenue de Theresa McCuaig, que votre comité a entendue au sujet du meurtre de son petit-fils par une bande. Nous appuierions certainement une telle mesure.
Mme Erin Hatfield: Mes observations sont très semblables à celles de Steve. Un bon nombre d'études révèlent que des gangs d'adultes recrutent des jeunes pour faire leur sale boulot. L'une des remarques faites est très succincte: «Les mineurs sont souvent utilisés pour faire des choses illégales parce que s'ils se font prendre, ceux-ci font rarement l'objet de poursuites.» J'imagine que la police ne se rend pas compte que ces jeunes font partie d'une bande, de sorte que le manège se poursuit. Les adultes le savent. Ils disent: «Quel âge as-tu? Tu n'as pas 18 ans? Très bien.» Il faut enlever les jeunes du tableau. C'est très important.
Le président: Merci, monsieur MacKay et merci aux invités.
Monsieur Grose.
M. Ivan Grose: Merci, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins d'être venus comparaître, en particulier M. McGloan. Vous avez bien expliqué comment le système devrait fonctionner. Nous entendons tellement souvent nos électeurs se plaindre qu'ils n'ont pas leur mot à dire dans le système. Nous tenons des audiences et personne ne se présente. Mais vous êtes venus.
Un comité commence avec une page blanche et si personne ne vient nous donner son point de vue la page reste blanche et nous faisons ce que nous pouvons avec ce que nous avons. Par conséquent, j'apprécie le fait que vous soyez venus. Cela montre que le système fonctionne. Nous vous écoutons et vos observations sont consignées.
M. Holloway, en tant que personne pleinement qualifiée pour faire partie de votre groupe, j'apprécie votre attitude. J'ai bien aimé vous entendre dire que nos centres-villes n'étaient pas dangereux, qu'ils étaient sécuritaires.
M. Don Holloway: Ils sont sécuritaires.
M. Ivan Grose: Il existe des problèmes, mais je veux vous demander si votre groupe a véritablement le sentiment que le système le sert bien? Vous avez fait quelques suggestions, mais vous n'avez pas dit que le système n'était pas bon dans son ensemble. Votre groupe a-t-il réellement le sentiment d'être bien servi par le système, ou sera-t-il mieux servi par la nouvelle loi?
M. Don Holloway: Les personnes âgées, comme les personnes handicapées, sont très vulnérables. Ces personnes ont l'air vieilles, elles ne sont pas très fortes et elles sont vulnérables. C'est une chose que de voir un enfant arracher le sac à main d'une dame et s'enfuir, mais c'en est une autre que de voir des personnes âgées être victimes d'agressions physiques. Cela a des répercussions sur la vie de la victime. Cela a un impact dans l'esprit de la personne, qui devient recluse et qui a peur de tout durant le reste de sa vie. C'est vraiment préoccupant. La prévention est ce qui importe le plus.
Il ne suffit pas d'imposer des peines et toutes sortes de mesures après coup... Le processus commence en bas âge, juste autour de l'école, et si l'on ne prend pas de mesures qui vont changer le caractère des enfants lorsqu'ils grandissent et deviennent des adolescents, on ne fait rien d'utile. Il est facile d'attraper les jeunes contrevenants, de les traîner devant les tribunaux et de les jeter en prison, mais ce n'est pas ce que la société veut. La société veut de la prévention. Or, la prévention s'exerce de différentes façon, mais il faut des budgets à cette fin.
Si vous avez besoin de trois policiers de plus, le budget est facile à obtenir, mais il est plus difficile d'obtenir les fonds nécessaires si vous avez besoin de trois enquêteurs ou de trois policiers banalisés pour essayer de prévenir les problèmes, ou si vous avez besoin d'un programme d'éducation pour les contrevenants.
M. Ivan Grose: Oui. Merci.
M. Sullivan, ce n'est pas la première fois que je vous écoute parler et je suis sensible à vos remarques. Vous avez dit que la Loi sur les jeunes contrevenants n'était pas vraiment si mauvaise. La nouvelle loi permettra peut-être de l'améliorer quelque peu, mais je pense que vous admettrez que quelqu'un s'y est très mal pris pour vendre la Loi sur les jeunes contrevenants. Mes électeurs ne la comprennent pas, pas plus que les policiers auxquels j'ai parlé et même les juges. Toutes les informations qu'ils possèdent à ce sujet semblent provenir des médias ou d'émissions-débats plutôt que de la lecture de la loi. Avez-vous des suggestions quant à la façon dont on pourrait s'y prendre pour mieux vendre cette nouvelle loi? Pourriez-vous nous aider? Nous dire comment faire?
M. Steve Sullivan: À mon avis, c'est pour vous une occasion idéale de le faire. L'avantage de proposer une nouvelle loi, c'est que vous pouvez repartir à zéro et, espérons-le, mieux éduquer tous ces gens à ce sujet.
Vous avez parlé des policiers. Ce projet de loi est très long et très compliqué, et je pense qu'il faudra éduquer les policiers et les procureurs de la Couronne afin qu'ils sachent exactement quels sont maintenant leurs pouvoirs, ce qu'ils peuvent faire et quelles sont les nouvelles infractions. Il est extrêmement important d'éduquer les gens qui appliquent la loi car, s'ils ne comprennent pas, le public ne va pas la comprendre non plus. Si vous arrivez à éduquer les gens, vous aurez gagné la première partie de la bataille.
L'autre partie, c'est d'essayer d'éduquer le public dont la principale préoccupation reste les délinquants les plus violents.
Comme nous l'avons dit, je pensais qu'avec certains changements la LJC pouvait relativement bien fonctionner, mais les gens ne comprenaient pas cela et certains n'étaient pas d'accord, ce qui est assez naturel. Toutefois, s'il y a un débat public, il est important que le public comprenne bien la loi. Notre organisation et les gens avec lesquels nous travaillons ferons tout notre possible pour éduquer les électeurs mais, à mon avis, c'est une occasion pour le gouvernement fédéral de mettre fin aux perceptions erronées et d'attirer l'attention sur les améliorations qui ont été apportées.
M. Ivan Grose: Mais si nous ne nous y prenons pas mieux qu'avec la LJC, nous en serons exactement au même point...
M. Steve Sullivan: On en sera au même point dix ans plus tard avec un projet de loi qui portera un autre titre.
M. Ivan Grose: Merci.
Comment vont les choses, monsieur le président?
Le président: Les choses vont très bien, mais il vous reste deux minutes.
M. Ivan Grose: Très bien.
Madame Hatfield, vous nous avez demandé de définir le terme «victimes». Préférez-vous que ce terme soit défini dans la loi ou que ce terme soit laissé à l'interprétation des tribunaux? Dans certains cas, la victime n'est pas seulement la personne à qui l'on a fait du tort. Dans d'autres, il y a seulement une victime, un point, c'est tout. Les cousins, les tantes, les oncles ne sont pas vraiment concernés. Voulez-vous donc que ce terme soit défini dans la loi ou que ce terme soit laissé à l'interprétation des tribunaux?
Mme Erin Hatfield: J'aimerais qu'il soit défini dans la loi. Je comprends votre argument. Il est très bien. Ce que je crains, c'est qu'une personne se voit refuser le statut de victime à titre de tante d'une victime en Nouvelle-Écosse, alors que la même personne se le verrait accorder si c'était en Colombie-Britannique. C'est un problème très difficile au Canada.
Si, comme le dit le préambule, ce projet de loi doit faire place aux droits des victimes, définissons le terme «victime» de façon à ce qu'il n'y ait pas de confusion, qu'un procureur de la Couronne ne vienne pas dire à une personne qu'elle est une victime et, qu'après le renvoi de l'affaire devant un autre tribunal, un autre procureur de la Couronne décide que non, que la personne en question n'est pas une victime. Cela arrive et c'est un gros problème pour notre organisation. Si vous êtes une victime, vous êtes une victime et vous avez certains droits.
M. Ivan Grose: Donc, bien que vous suggériez que les sociétés diffèrent d'un océan à l'autre...
Mme Erin Hatfield: Oui, et les familles aussi.
M. Ivan Grose: ...vous tenez à ce que le terme soit défini dans la loi.
Mme Erin Hatfield: Oui, je sais que c'est très problématique. Bien sûr, pour moi, c'est facile, je ne vous ai pas fait de suggestion, mais je pense que c'est important. Chaque famille est différente, de même que chaque région et que chaque cas. J'aimerais que la définition soit très vaste de façon à ce que les personnes qui pourraient vouloir être considérées comme des victimes puissent l'être. Je pense qu'il est très important pour une victime de pouvoir, comme vous l'avez dit, lire et comprendre la loi, cela à des fins de relations publiques.
M. Ivan Grose: Merci beaucoup.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Grose.
Je repasse la parole à M. Cadman pour trois minutes.
M. Chuck Cadman: Merci, monsieur le président.
Je voudrais poser une brève question. J'aimerais que chacun de vous nous fassiez part de vos commentaires ou de votre point de vue en ce qui concerne le fait que les termes «dissuasion» ou «dénonciation» n'apparaissent nulle part dans cette loi ou dans la loi antérieure. Ces termes apparaissent dans le Code criminel, mais ne semblent figurer nulle part dans la Loi sur le système de justice pénal pour les adolescents. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
M. Don Holloway: Pourriez-vous, je vous prie, répéter les deux termes en question?
M. Chuck Cadman: «Dissuasion» et «dénonciation», quand nous parlons des principes, des principes qui s'appliquent à la détermination de la peine.
M. Don Holloway: Dissuasion.
M. Chuck Cadman: Oui.
M. Don Holloway: Très bien. L'une des choses dont nous avons discuté est la dissuasion. Il est difficile de mettre le doigt sur ce que devrait signifier la dissuasion mais, l'idée nous est venue et j'en ai parlé dans mon témoignage, j'ai parlé de rééduquer le délinquant. C'est souvent un moyen de dissuasion. Personne ne veut repasser par l'école, personne ne veut étudier. Les enfants détestent l'école, et c'est cela que ça signifierait. Obliger un délinquant à s'asseoir et à lire un livre ou à réfléchir à un sujet qui lui est assigné chaque semaine et sur lequel il doit faire un devoir serait un bon moyen de dissuasion. Nous avons étudié cette possibilité, et nous pensons que c'est un moyen de dissuasion.
Il y a une chose que j'aimerais soulever, qu'en fait on m'a demandé de soulever. Je veux parler de la mentalité qui va avec ce slogan importé des États-Unis, qui reproche à la justice de ne pas être assez sévère envers les criminels. Beaucoup de gens pensent que si on ne met pas les criminels sous les verrous pendant cinquante ans, on n'est pas assez sévère envers eux. Si nous éduquons les gens, ils diront que nous ne sommes pas assez sévères envers les criminels. Entendons-nous. Ce n'est pas que nous ne soyons pas sévères envers les criminels, mais ne laissons pas un slogan bouleverser tout un système.
M. Steve Sullivan: Ce sont là deux principes que la loi ne mentionne pas expressément, mais je pense que nous sommes tous d'accord sur le fait que l'intention est de dissuader les jeunes d'avoir certains comportements et de leur faire comprendre que la société n'approuve pas leur conduite, autrement dit qu'elle la dénonce. Ce sont là deux principes que devrait refléter ce projet de loi.
Mme Erin Hatfield: Je n'ai vraiment rien d'autre à ajouter à ce qu'a dit Steve. Désolée.
M. Bruce McGloan: La dissuasion, la dénonciation et, ajouterai-je, les conséquences font malheureusement défaut dans cette mesure législative. Regardez comment cela se passe dans un État comme la Californie, où après trois infractions, c'est fini. L'accent est mis sur les délinquants violents. Les infractions graves avec violence ont chuté de 40 p. 100 en Californie. Cette mesure législative devrait être revisitée. Il faut qu'elle renferme des mesures de dissuasion, il le faut absolument. Ces jeunes connaissent très bien le système, qu'ils soient pris dedans ou non, et profitent de l'ancienne loi.
M. Tim Reich: Nous aimerions que la loi accorde une place substantielle aux moyens de «dissuasion». Je fais référence encore une fois aux jeunes délinquants les plus violents. On nous a dit que, dans ce pays, il y a des mineurs faisant partie de gangs ne vont pas à l'école et chez lesquels on a diagnostiqué cliniquement des comportements psychopathiques. Peu importe le type d'aide psychologique offerte à ces jeunes à long terme, certains ont l'esprit de gang tellement enraciné en eux qu'ils ne vont pas s'adoucir avant la trentaine. Ce sont d'éminents psychologues cliniciens qui nous l'ont dit.
Quand on en arrive à ce niveau—un niveau extrême qui ne se présente pas, disons-le, souvent—mais quand nous arrivons à ce niveau, il n'y a d'autres moyens de prévention que d'user de moyens de dissuasion contre ces jeunes, membres de gang, à l'esprit profondément enraciné.
M. Chuck Cadman: Merci.
Le président: Merci, monsieur Cadman.
Monsieur Maloney.
M. Maloney: Madame Hatfield, vous avez dit que l'âge devrait peut-être être ramené à 16 ans, à cause des degrés de maturité. M. Sullivan dit qu'il devrait être maintenu, également pour des degrés de maturité: nous permettons aux jeunes de boire de l'alcool à partir de 18 ou 19 ans. Comment concilier les deux points de vue, est-ce possible?
M. Steve Sullivan: Différents groupes ont des points de vue différents. Des membres d'un même parti ont des points de vue différents. L'un des avantages d'avoir plus d'un groupe de victimes ou plus d'une victime, c'est que vous aurez différents points de vue de gens différents, même si nous représentons tous essentiellement les mêmes gens.
M. John Maloney: Si les infractions désignées entraînaient des peines applicables à des adultes, est-ce que cela apaiserait vos préoccupations?
Mme Erin Hatfield: Mes préoccupations?
M. John Maloney: Oui, à propos de l'âge.
Mme Erin Hatfield: Non. Quand vous avez 17 ou 18 ans, vous avez un certain degré de maturité, et vous comprenez parfaitement ce que vous faites. Nous avons créé ce système pour adolescents qui s'applique expressément aux jeunes et est très protecteur. À présent, 51 p. 100 des jeunes qui ont affaire au système sont âgés de 16 et 17 ans. Si nous voulons avoir un système de protection, nous devons abaisser l'âge. La place libérée par les jeunes plus âgés permettra au système de s'occuper des plus jeunes.
Je pense que cela améliora la perception du public à l'égard de la criminalité chez les jeunes au Canada. Cela éliminera pas mal de jeunes qui ont affaire au système actuellement et permettra de mettre l'accent sur les plus jeunes, qui sont moins mûrs.
M. John Maloney: En dehors de cela, le fait de considérer des jeunes de 16 et 17 ans comme des adultes et de les envoyer dans des établissements de détention pour adultes vous pose-t-il des problèmes?
Mme Erin Hatfield: Pas s'ils ont été reconnus coupables d'un crime violent, et pas plus que dans le cas d'un jeune de 18 ans qui a été reconnu coupable d'un crime violent. Non.
M. John Maloney: Steve, vous avez suggéré que nous devrions peut-être abaisser la limite d'âge de l'autre côté. Je pense que c'est parce qu'il y a défaut de la part des autorités provinciales. Vous avez suggéré que nous devrions avoir des mécanismes spéciaux, mais vous ne vous êtes pas étendu sur ce point.
M. Steve Sullivan: De la même façon qu'il existe un système distinct pour les jeunes de 12 à 17 ou 18 ans, il pourrait y avoir à l'intérieur de ce système, un système encore plus distinct pour les jeunes de 10 et 11 ans, qui relèveraient de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, mais ne seraient pas placés en détention avec les autres jeunes délinquants.
Je ne suis pas spécialiste, et il est facile pour moi de vous dire ce que vous devriez faire, mais le type de système auquel je pense est un système qui permette de donner aux jeunes une dernière chance avant de les assujettir à la Loi sur les jeunes contrevenants, avant de les envoyer en prison. Il devrait y avoir un mécanisme pour assurer à ces enfants l'aide dont ils ont besoin. Si cela veut dire que nous devons les inclure dans la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents parce que le système provincial d'aide sociale ne peut être modifié de façon à répondre aux besoins des jeunes, alors je pense que c'est approprié.
Encore une fois, il est facile pour moi de vous dire ce que vous devriez faire. Comment le faire, ce n'est pas facile, mais quelque chose doit être fait pour ces enfants abandonnés à leur sort. Soixante-dix pour cent des directeurs d'organismes d'aide à l'enfance disent que ces enfants sont abandonnés à leur sort. Ce que nous faisons actuellement, c'est attendre que ces enfants aient atteint l'âge de 12 ans pour les inclure dans la Loi sur le système de justice pénale pour adolescents. Si nous pouvons créer une sorte de mécanisme intermédiaire pour nous occuper de ces enfants et leur fournir l'aide dont ils ont besoin, c'est mieux que d'attendre qu'ils aient atteint l'âge de 12 ans.
M. John Maloney: Si nous révisions les systèmes provinciaux, cela apaiserait-il vos craintes?
M. Steve Sullivan: Si l'on pouvait adapter les systèmes provinciaux de façon à ce qu'ils soient uniformes, et si on pouvait leur donner les pouvoirs et les fonds nécessaires pour s'occuper des ces enfants en difficulté, ce serait préférable. Mais ce n'est pas ce qui est fait.
M. John Maloney: Merci.
Le président: Messieurs Maloney et Sullivan, merci.
Monsieur MacKay.
M. Peter MacKay: Merci, monsieur le président.
J'allais résister au désir de parler de la question du financement parce qu'il est clair d'après tous les témoins que nous avons entendus jusqu'ici que nous pouvons améliorer cette mesure législative et y apporter toutes sortes de changements jusqu'à perpète, mais si les fonds nécessaires ne sont pas là, cela ne donnera rien. Je suis d'accord sur le fait que cette mesure législative met l'accent sur ce qui est essentiel. Comme l'a dit M. Holloway, mettre l'accent sur les mesures de prévention, de réadaptation et d'éducation, c'est très bien, mais s'il n'y a pas d'argent, de monnaie métallique, ça ne va pas marcher.
L'autre élément fondamental de la loi, c'est l'accent placé sur l'extrême violence et la distinction à faire entre les délinquants violents et les délinquants non violents. Je ne suis pas sûr, comme certains de vous l'avez dit, que nous ayons trouvé la formule idéale pour savoir ce qui devrait entrer dans la définition de la violence.
J'ai deux questions très précises. La première s'adresse à M. McGloan.
Je crois que M. Reich a parlé d'une période maximale de dix ans. À moins de travailler au sein du système ou d'avoir eu affaire au système indépendamment de votre volonté, parce que vous avez été victime ou qu'un membre de votre famille ou une personne proche de vous ait été victime, le Canadien moyen ne se rend pas compte de l'effet véritable des actes d'extrême violence qui peuvent être perpétrés.
Dix ans, est-ce assez dans le cas d'un jeune qui a commis la pire infraction dans les pires circonstances et ne manifeste aucun remords ou ne fait preuve d'aucun effort en vue de se réadapter? Une période minimale de dix ans, est-ce vraiment assez? Même si de tels jeunes sont traduits devant un tribunal pour adultes et se voient condamnés à la prison à perpétuité, cela ne veut pas dire à perpétuité. Cela veut dire à dix ans. À quoi pensiez-vous lorsque vous avez dit que cette disposition n'allait pas?
M. Bruce McGloan: Nous pensions à une période de 15 ans. La principale raison pour cela, c'est que c'est le crime le plus haineux que l'on puisse commettre.
Les experts qui travaillent au sein du système correctionnel, les psychologues et les psychiatres, nous disent que, dans la plupart des cas, les personnes qui commettent de tels crimes souffrent de troubles mentaux. En général, ce sont des psychopathes ou, il y a un autre terme pour les désigner. Chacune de ces personnes a besoin d'être placée sous garde pendant de nombreuses années. C'est un problème que nous devons examiner très sérieusement.
M. Peter MacKay: Et dix ans, comme vous savez, c'est le plafond. Cela va jusqu'à dix ans.
M. Bruce McGloan: Oui, c'est le maximum.
M. Peter MacKay: Et souvent, le jury a eu finalement son mot à dire là-dedans. Vous pensez donc que cette période devrait être portée à 15 ans?
M. Bruce McGloan: Oui. Pour les délinquants qui se moquent de la loi et récidivent, il doit y avoir une disposition permettant de relever le plafond de la peine maximale. C'est un petit pourcentage des jeunes délinquants, mais il faut en tenir compte.
M. Peter MacKay: J'ai une ou deux autres questions de nature plus générale qui s'adressent à vous tous. J'aimerais avoir votre avis sur la question du recouvrement des coûts qui est abordée dans ce projet de loi et sur la capacité d'un juge d'ordonner à un délinquant de réparer les torts qu'il a causés, de dédommager la victime, ce qui peut inclure, s'il n'a pas les moyens de le faire, des services à la communauté. Je voudrais aussi votre avis sur la question de la responsabilité des parents dont nous avons peu parlé aujourd'hui.
M. Don Holloway: La question du dédommagement est importante. Si vous commettez un crime, pourquoi vous en sortiriez-vous à bon compte? Le problème avec les tribunaux... Disons que nous avons un tribunal pénal et un tribunal civil. Vous êtes traduit devant le tribunal pénal, si vous êtes condamné, vous êtes condamné. Le juge ne semble pas avoir le pouvoir ou la volonté de dire: «Soit, vous allez dédommager la victime.» La famille doit recourir à un autre tribunal, un tribunal civil pour demander réparation des torts. Je pense que c'est parfois nuisible. Nous devrions avoir un système où le juge a le pouvoir de dire: «Très bien, vous allez réparer les torts causés, et voilà ce que vous ferez pour cela parce que nous avons étudié la question et nous savons exactement ce qui va arriver.»
M. Peter MacKay: J'essaie de vous suivre. Vous dites qu'un juge pourrait ordonner à un jeune de remettre un blouson Nike de 300 $ au tribunal.
M. Don Holloway: Normalement, cela serait du ressort du tribunal civil, mais le juge a le pouvoir de le faire. Ces deux aspects de la loi sont tellement distincts qu'il est difficile pour un juge d'ordonner à un jeune de réparer les torts qu'il a causés. Il va lui demander s'il l'a fait et, dans l'affirmative, il va se montrer plus clément envers lui. Je n'ai jamais entendu un juge ordonner à un jeune de réparer les torts qu'il a causés. Il faut donc dans les cas de ce genre combiner le droit civil et le droit criminel de façon à ce qu'un juge puisse ordonner au jeune de réparer les torts qu'il a causés. C'est très très important.
Vous avez parlé de la durée des peines. On a tout à fait tort de dire que la peine applicable est de cinq ans pour un type de crime, de dix ans pour un autre, de vingt ans pour un autre encore. J'en reviens à ce que j'ai dit, à savoir que la peine devrait durer le temps qu'il faut à la personne pour se réadapter, devenir un honnête citoyen et être réinséré dans la société. On a vu des cas où les jeunes sont psychologiquement détruits et ne commencent pas à se remettre avant la trentaine. Très bien, si vingt ans sont nécessaires, allons-y. Pourquoi dire à un jeune qu'il va sortir dans dix ans, que nous allons le libérer dans dix ans et le relâcher au bout de cette période dans le même état d'esprit pour qu'il puisse récidiver? Oublions cette idée de dix, quinze ou vingt ans et laissons au juge le soin de décider. Disons qu'il n'y a pas de limites, que la durée de la peine peut être de trois semaines comme elle peut être de vingt ans.
Rappelez-vous Gilbert et Sullivan: que la peine soit à la mesure du crime. Faisons cela. Ne dressons pas de barrières artificielles qui empêchent les juges de décider.
Le président: Je crois que M. MacKay a posé une ou deux questions qui s'adressaient à tous. Avant que le temps réservé aux questions n'ait expiré, y en a-t-il d'autres parmi vous qui voulez répondre?
M. Steve Sullivan: Je pense que la question des ordonnances visant la réparation des torts et celle de la responsabilité peuvent être liées. À mon avis, le problème en ce qui concerne les ordonnances visant la réparation des torts dans le système pour adolescents est le même que dans celui du système pour adultes. Ces ordonnances sont tellement difficiles à faire respecter, que finalement, elles ne servent pas à grand chose pour la victime.
Dans le système pour adolescents, les juges peuvent être plus imaginatifs. Comme vous dites, si le jeune a un manteau de 300 $, une paire de chaussures ou ce que vous voulez, on peut lui ordonner de les remettre au tribunal. Si, d'un autre côté, le jeune en question ne veut pas payer, peut-être devrait-on faire payer les parents. Bien sûr, si les parents sont pauvres, on ne veut pas leur demander ça. Les juges devraient pouvoir tenir compte de tous ces éléments lorsqu'ils rendent une ordonnance visant la réparation des torts.
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Je pense que ces deux principes peuvent être rattachés. Avant
d'enseigner ses responsabilités à un jeune, peut-être faut-il les
enseigner aux parents. Encore une fois, un grand nombre de
problèmes chez ces jeunes sont attribuables au fait qu'ils n'ont
aucune ressource financière.
Ces deux idées ne relèvent pas nécessairement de mondes différents.
Le président: Monsieur McGloan ou monsieur Reich.
M. Tim Reich: Soyons clairs, nous parlons de recouvrement des coûts pour des actes de vandalisme commis par des jeunes contre des biens privés. Si c'est de cela qu'il s'agit, nous sommes tous en faveur de recouvrer les coûts ou d'obliger les jeunes délinquants reconnus coupables d'actes de vandalisme à rembourser une partie des coûts à une personne dont la vitre de la voiture a été brisée ou la maison a été saccagée.
Ces 18 derniers mois, il y a eu un cas à Calgary où 60 000 $ de dégâts avaient été causés à l'intérieur d'une maison qui avait été saccagée. C'est une somme extrêmement importante. Il n'est pas juste de ne pas tenir les personnes condamnées responsables de rembourser la totalité ou une partie de cette somme. Il faut qu'elles soient tenues responsables des dégâts qu'elles ont causés. Même si un jeune doit renoncer à acheter une voiture pendant quelques années, ça ne fait rien. Pourquoi aurait-il le droit de dépenser de l'argent pour une voiture quand les compagnies d'assurance doivent indemniser la victime pour des dommages qu'il a causés? Oui, nous sommes tout à fait en faveur de recouvrir les coûts.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Grose.
M. Ivan Grose: En dépit de vos conseils, je vais jouer le rôle de témoin.
Monsieur Holloway, j'ai été particulièrement impressionné par ce que vous avez dit. J'ai aimé votre remarque au sujet de la durée de la peine qui pourrait être aussi bien de trois semaines que de vingt ans. Je suis entièrement d'accord avec vous. Dans certains cas, trois semaines peuvent suffire. Dans d'autres, cela peut prendre jusqu'à vingt ans. Nous devons aussi faire une distinction entre le système correctionnel et les services de santé mentale car ce n'est pas en incarcérant des gens qui souffrent de problèmes mentaux que nous allons régler le problème. Ce dont ces gens ont besoin, c'est d'un traitement.
M. Don Holloway: Je suis entièrement d'accord avec vous.
M. Ivan Grose: Mme Hatfield, vous avez dit une chose qui m'a un peu troublé. Vous avez dit que vous ne voyiez pas de problèmes à placer des jeunes de 16 et 17 ans en détention dans des établissements pour adultes. Connaissant bien les établissements pour adultes, je vous suggère d'aller visiter un établissement à sécurité moyenne ou maximale. Cela vous permettra peut-être de nuancer vos vues sur la question. Je crains fort que placer des jeunes à l'âge tendre—ces jeunes ne sont peut-être pas tendres, mais ils sont à l'âge tendre—en détention dans ces établissements ne crée plus de problèmes qu'il n'y en avait au départ. C'est mon avis.
Le président: Si personne d'autre ne veut prendre la parole, je remercie les témoins de nous avoir éclairés sur cette mesure législative. Je pense que c'est très important. Ils ont fait leur argument. M. Sullivan et d'autres témoins ont dit que c'était une occasion pour les Canadiens de se familiariser avec les concepts que cette question englobe. Nous vous remercions de nous avoir aidé à le faire.
La séance est levée.