Passer au contenu
;

JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS

COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 7 décembre 1999

• 1119

[Traduction]

Le président (l'hon. Andy Scott (Fredericton, Lib.)): Je déclare la séance ouverte.

Bienvenue à tous au Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Nous entendrons aujourd'hui des témoignages sur le projet de loi C-3, Loi concernant le système de justice pénale pour les adolescents, et modifiant et abrogeant certaines lois en conséquence.

• 1120

Nous entendrons aujourd'hui trois témoins ou à peu près. M. Alan Markwart représente la Justice Service Section du Ministry for Children and Family de la Colombie-Britannique et M. Richard DeBoer est procureur de la Couronne. Auparavant, je voudrais toutefois laisser la parole à M. Peter Rosinski, procureur de la Couronne. M. Rosinski est inscrit à l'ordre du jour comme représentant le Public Prosecution Service of Nova Scotia, mais il voudrait...

Mais je vous laisse la parole, monsieur Rosinski.

M. Peter Rosinski (témoignage à titre personnel): Monsieur le président, membres du comité et chers collègues, je vous remercie.

Je suis très honoré de votre invitation à venir témoigner devant vous. J'avais l'intention de venir témoigner à titre personnel et non en tant que procureur général du Public Prosecution Service of Nova Scotia. Je suis arrivé il y a quelques jours. Après réflexion et consultation, il m'est apparu que ce qui été censé être des remarques personnelles risquait d'être perçu comme des remarques sur la politique du gouvernement, voire sur les rouages du gouvernement en Nouvelle-Écosse.

Après réflexion, j'ai pensé qu'il convenait de décliner votre aimable invitation à témoigner à ce stade. C'est avec respect que je décline votre invitation, après l'avoir reçue et acceptée, et être allé jusqu'à me présenter devant vous.

J'espère, monsieur le président, que vous et les membres du comités acceptez mes excuses. Peut-être me sera-t-il possible ultérieurement d'accepter votre invitation, mais je ne puis le faire à ce stade.

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Rosinski. Je vous invite à suivre les délibérations. Nous tenons compte de la possibilité d'un futur témoignage de votre part. Nous entendrons des témoins au début de l'année prochaine. Peut-être qu'il y aura des possibilités au printemps et que vous voudrez en profiter.

M. Peter Rosinski: Oui, merci. Je me retire donc.

Le président: Merci.

Monsieur Saada.

M. Jacques Saada (Brossard—La Prairie, Lib.): J'ai une question. Je ne suis pas sûr que ce soit possible ou même approprié, mais puisque que c'est un expert dans ce domaine et que, d'après ce je comprends, il ne peut pas témoigner, je me demande si, à la fin de cette séance, nous ne pourrions pas avoir une discussion officieuse rien qu'entre nous, en dehors du comité, sans compte rendu ou quoi que ce soit.

Êtes-vous d'accord avec cette proposition?

M. Peter Rosinski: Je suis prêt à attendre la fin des délibérations pour discuter de cette question avec vous, certainement.

Le président: Je crois que vous venez d'avoir droit à une invitation à déjeuner. Merci beaucoup, monsieur Rosinski.

Je me tourne maintenant vers les témoins qui sont devant nous, MM. Markwart et DeBoer.

Avez-vous décidé lequel de vous parlera le premier? Comme vous en avez été avisés, j'en suis sûr, nous demandons à chaque témoin de s'en tenir aussi près que possible aux dix minutes qui lui sont allouées, avant de passer aux questions des membres du comité.

M. Alan Markwart (directeur, Justice Service Section, Ministry for Children and Families, Gouvernement de la Colombie- Britannique): Merci, monsieur le président.

Contrairement à M. Rosinski, M. DeBoer et moi-même sommes ici pour représenter le gouvernement de la Colombie-Britannique. Je viens du Ministry for Children and Families et M. DeBoer du Ministry of Attorney General. Précisons cependant, que nous ne faisons qu'une seule et même voix.

Vous nous avez accordé dix minutes à chacun. Je me permettrai donc de parler pendant 15 à 20 minutes, M. DeBoer étant ici pour m'aider en cas de besoin.

Nous vous avons fourni par écrit un sommaire des principaux points que nous allons soulever. Nous vous fournirons un mémoire plus complet à une date ultérieure.

La Colombie-Britannique approuve l'orientation générale du système de justice pour adolescents que prévoit le projet de loi C-3, notamment l'accent mis sur la déjudiciarisation et les mesures de rechange, la justice réparatrice, les programmes communautaires à la place de la détention pour les adolescents ayant commis des infractions moins graves, la réadaptation et la réinsertion sociale des jeunes contrevenants et les mesures prévues pour mieux s'occuper des adolescents auteurs d'une infraction grave avec violence.

• 1125

Nous approuvons aussi nombre des modifications de fond du droit proposées dans le projet de loi et vous donnons au deuxième paragraphe des exemples de certains changements importants que nous appuyons.

Malgré cette approbation de principe des orientations, nous avons plusieurs réserves au sujet du projet de loi. Nous avons envoyé une liste assez longue de nos sujets de préoccupation aux représentants du ministère fédéral de la Justice et espérons qu'il en sera tenu compte.

Nous voudrions souligner ici nos principales réserves. Nous craignons que si elles ne donnent pas lieu à des modifications, elles ne nuisent en définitive à l'idée maîtresse, par ailleurs positive, du projet de loi.

Premièrement, bien que nous approuvions l'utilisation de toutes les mesures extrajudiciaires lorsque les circonstances s'y prêtent, la création de la présomption légale que les mesures extrajudiciaires sont appropriées dans le cas des infractions sans violence—et l'obligation policière d'examiner l'opportunité d'avoir plutôt recours à des avertissements, mises en garde et renvois—empiète sur la compétence provinciale en matière d'administration de la justice et est susceptible de nuire à l'efficacité des poursuites.

Deuxièmement, nous pensons que les nouvelles restrictions plus sévères visant la détention provisoires sont inutiles, vont compliquer l'audition des requêtes de mise en liberté provisoire par le tribunal et risquent d'entraîner des retards encore plus longs, même si ces dispositions sont bien intentionnées.

Un autre sujet qui nous préoccupe beaucoup—et je ne saurais trop insister sur ce point—c'est le projet de remettre un jeune en liberté sous surveillance au sein de la communauté après qu'il ait purgé les deux tiers d'une ordonnance de placement et de surveillance. Cela réduira automatiquement la peine de détention maximale prévue pour les délinquants ayant commis des infractions graves avec violence et nous craignons qu'ultimement, cela ne mine la confiance du public dans le système de justice pour les adolescents. Par exemple, la période maximale à purger sous garde, qui est actuellement de trois ans pour un homicide involontaire coupable, sera ramenée dans les faits à deux ans, sous réserve de l'audition d'une requête pour le maintien sous garde suivant un critère juridique restrictif qu'il sera très difficile de respecter. L'audition de cette requête permettra le maintien sous garde après la période de deux ans, mais ce ne sera pas facile.

Troisièmement, et je tiens encore à le souligner—bien que nous approuvions les orientations générales—les définitions des infractions «sans violence», «avec violence» et «graves avec violence» sont très floues. Nous craignons qu'elles ne causent énormément d'incertitude, qu'elles ne donnent lieu à des procès inutiles qui vont s'étirer sur de nombreuses années et qu'elles n'entraînent des résultats imprévus.

Un autre grand sujet de préoccupation, c'est que si nous approuvons en principe l'idée d'un «groupe consultatif», les dispositions proposées sont trop vagues et étendues: il leur manque la précision, des critères et des procédures d'utilisation; en conséquence, elles pourraient s'avérer inapplicables et coûter une somme prohibitive.

En outre, deux nouvelles peines sont créées dans le projet de loi—des peines communautaires. L'une d'elles, l'ordonnance différée de placement sous garde et de surveillance est en réalité une condamnation avec sursis pour les adultes quoiqu'un peu moins restrictive, sauf qu'elle porte un autre nom. Si nous regardons les résultats qu'ont donné la condamnation avec sursis dans le système pénal pour adultes, rien n'indique jusqu'ici que, depuis son introduction, la condamnation avec sursis a réussi à faire diminuer les taux d'incarcération. Nous craignons qu'il n'en soit de même dans le cas du système pénal pour adolescents.

Il manque dans ce document un tableau synoptique. JÂen fournirai une version corrigée à une date ultérieure.

Nous avons également de fortes réserves concernant les peines qui sont proposées et qui sont liées aux programmes intensifs de probation, de surveillance et d'assistance, ainsi qu'au nouveau programme d'assiduité. En particulier, il y a le programme intensif de probation et d'assistance que nous jugeons inutile et qui risque d'élargir le filet et d'augmenter considérablement les coûts. Il existe déjà de tels programmes, voire même une assez grande série de programmes, mais nous sommes d'avis que les modalités de probation existantes ont une portée assez vaste et qu'il est tout à fait inutile d'inscrire dans la loi de nouvelles peines pour promouvoir ce qui est par ailleurs un excellent éventail de programmes.

• 1130

Nous nous inquiétons surtout du fait d'avoir omis la dissuasion et la dénonciation des objets et principes de détermination de la peine, car cela risque de miner la confiance du public dans le système de justice pour les adolescents. On peut débattre des mérites, de la portée et de l'applicabilité des moyens de dissuasion et de dénonciation; cependant, nous croyons fermement que ce sont des considérations importantes, du moins dans certaines circonstances, dans les cas d'infractions graves avec violence, de crimes motivés par la haine ou d'infractions commises dans des circonstances particulières, par exemple, l'invasion de domicile ou les voies de fait dans un établissement de garde d'adolescents.

Le projet de loi propose ostensiblement la mise en place d'un processus administratif pour décider d'un placement sous garde en milieu ouvert ou fermé, et exige ensuite que la province établisse une commission d'examen chargée d'étudier la plainte d'un adolescent concernant son placement en milieu fermé. À notre avis, même s'il s'agit de toute évidence d'un processus administratif, le projet de loi propose de donner un droit absolu à l'avocat payé par l'État d'exécuter le processus de la commission d'examen, ce qui, au bout du compte, créera un acte de procédure similaire à une procédure judiciaire, ce qui ne nous avancera guère.

Même si nous sommes favorables à un processus de transfèrement après condamnation pour purger une peine d'adulte ainsi qu'aux changements apportés à la présomption de renvoi, nous nous opposons au critère de transfèrement dans la mesure où ce serait le seul qui servirait à déterminer si une peine d'adulte ou une peine d'adolescent serait appropriée pour rendre le jeune responsable de son comportement offensant. Nous sommes d'avis que la protection de la société ne serait plus la considération primordiale, comme c'est le cas dans la loi actuelle. Des difficultés apparaissent dans les dispositions sur l'examen et l'application des peines, et nous pourrions nous arrêter longtemps là-dessus. Par exemple, il n'y a aucun mécanisme apparent permettant d'arrêter et de détenir un adolescent pris en violation d'une ordonnance différée de placement de garde et de surveillance.

Permettez-moi de me reporter à Jim Hackler, qui est aujourd'hui professeur agrégé de l'Université de Victoria et qui est un spécialiste du droit comparé en ce qui concerne les systèmes de justice pour les adolescents. Il a comparé les lois des pays occidentaux sur les systèmes de justice pour les adolescents et il a affirmé que la Loi sur les jeunes contrevenants est la plus longue et la plus complexe de tout l'Occident. Nous vous faisons remarquer que ce projet de loi sur le système de justice pénale pour les adolescents est à peu près deux fois plus long que la Loi sur les jeunes adolescents. Sa longueur et sa complexité nous préoccupent énormément, en particulier parce qu'elle complique l'accès à la justice et nuit à la capacité des jeunes, des parents, des victimes et des membres de la collectivité de comprendre facilement le fonctionnement du système de justice pour les jeunes.

Enfin, nous avons de sérieuses réserves à l'égard des coûts que risque d'entraîner cette mesure législative. Pensons aux propositions concernant le groupe consultatif, le programme de probation intensif et le partage des coûts en général. Vous savez probablement que le ministère fédéral de la Justice a augmenté les fonds aux provinces, mais, malgré cette hausse, nous avons calculé qu'au terme de la période de cinq ans, la Colombie-Britannique recevra toujours moins de 30 p. 100 du coût réel des services offerts dans la province. Un nouveau montant de préfinancement est disponible, mais il est limité. C'est un montant provisoire qui aura disparu à la fin de la période de cinq ans et qui ne servira certainement pas à acquitter les coûts additionnels qu'entraînera ce projet de loi.

• 1135

Nous sommes aussi préoccupés par le financement associé à la proposition d'une peine exécutée par des mesures de garde et de surveillance ainsi par une aide à la réadaptation, ce qui ne veut pas dire que nous sommes opposés à cette peine. Cependant, nous sommes d'avis que cette peine traduit une politique sociale extrêmement discutable. Notre principale inquiétude, c'est qu'un jeune n'y serait admissible seulement en cas de meurtre ou d'homicide involontaire coupable... mais après avoir commis une troisième infraction grave avec violence.

Le financement fédéral est assez généreux en ce qui concerne l'exécution de cette peine et, même si nous sommes certainement d'accord avec les services visant à traiter les auteurs d'infractions graves avec violence, nous devons finalement nous demander pourquoi il faut attendre une troisième infraction de ce genre avant que les fonds fédéraux soient accordés. Pour assurer vraiment la protection de la société, ces fonds devraient servir dès la première infraction grave avec violence, afin de prévenir toute récidive.

Pour résumer la question du partage des coûts, je rappelle que la position de la Colombie-Britannique et d'autres provinces préconise depuis longtemps le retour à la formule du 50-50.

Merci.

Le président: Je vous remercie beaucoup.

M. DeBoer aurait-il quelque chose à ajouter ou devons-nous poursuivre?

M. Richard DeBoer (procureur de la Couronne, ministère du Procureur général, gouvernement de la Colombie-Britannique): Continuons. Tout va très bien, merci.

Le président: Je donne la parole à M. Reynolds; il a sept minutes à sa disposition.

M. John Reynolds (West Vancouver—Sunshine Coast, Réf.): Pour revenir à votre dernier point, la formule de partage des coûts 50- 50, quand le programme est entré en vigueur, c'était vraiment 50- 50, n'est-ce pas?

M. Alan Markwart: C'est exact.

M. John Reynolds: Était-ce en vertu d'un accord signé? J'essaie de comprendre comment nous en sommes arrivés à 30 p. 100. De quand date l'entrée en vigueur?

M. Alan Markwart: Ce n'était pas exactement 50-50; c'était le cas pour les services admissibles. L'accord est assez compliqué, mais, en gros, il prévoyait 50-50. Les montants ont été plafonnés à des niveaux fixes en 1989, de sorte que tous les coûts additionnels après 1989 ont dû être assumés par les gouvernements provinciaux. Par la suite, d'autres coupes ont été imposées unilatéralement, d'environ 3 p. 100 chaque fois, réduisant davantage les montants, alors que les coûts provinciaux étaient en hausse. La part des coûts de la Colombie-Britannique est maintenant de l'ordre de 20 p. 100; c'est-à-dire que le gouvernement fédéral n'assume qu'environ 20 p. 100 de nos coûts réels pour les services.

M. John Reynolds: Quelles négociations avec le gouvernement fédéral ont mené aux accords initiaux qui ont été mis en oeuvre aux termes du projet de loi établissant la formule du 50-50? Comment peut-on s'attendre à ce que le programme continue quand le partage des coûts initial de 50-50 est maintenant de 20 p. 100? Il doit y avoir des répercussions sur le programme, à moins qu'on s'attende à ce que les contribuables de la province règlent le tout. Est-ce la même chose pour les autres provinces? Que se passe-t-il dans les provinces autres que la Colombie-Britannique?

M. Alan Markwart: Je ne veux vraiment pas parler des autres provinces. Je sais que la participation relative de la Colombie-Britannique et du Québec, en particulier, est inférieure à celle des autres provinces. Vous avez raison de dire que le gouvernement provincial a dû assumer le coût et que ce coût est imposé aux contribuables de la Colombie-Britannique.

À part cela, même si nous avons apporté diverses améliorations à nos programmes, le plafonnement et les réductions ont vraiment inhibé notre capacité d'adopter d'autres mesures que nous jugions souhaitables—par exemple, des mesures qui mettraient davantage l'accent sur les programmes de justice réparatrice. De toute évidence, la province et les contribuables ont une capacité limitée pour subventionner tous les programmes.

• 1140

M. John Reynolds: Que fait le gouvernement provincial pour négocier avec le gouvernement fédéral afin de revenir à la formule du 50-50? Pourrait-on espérer que cela arrive ou doit-on se résigner à ce que la participation diminue constamment?

M. Alan Markwart: Nous demandons continuellement de revenir à cette formule. Les ministres provinciaux et territoriaux ont unanimement adopté des résolutions en ce sens. Une telle résolution a été réitérée la semaine dernière par les ministres de la Justice. Cependant, il n'y a pas eu de réponse appropriée.

M. John Reynolds: Ainsi, rien ne semble indiquer que le fédéral voudrait revenir à la formule du 50-50 pour le financement?

M. Alan Markwart: Non.

M. John Reynolds: En tant que province, vous teniez à trois changements dans ce projet de loi. Que seraient-ils par ordre d'importance?

M. Alan Markwart: La question est difficile. Est-ce que je pourrais parler de quatre changements?

M. John Reynolds: Bien sûr.

M. Alan Markwart: En examinant notre liste, vous constaterez que nous sommes très préoccupés par ce régime d'un tiers et deux tiers, et surtout par ses répercussions sur les peines maximales pour les auteurs de graves infractions avec violence. Je le répète, cela a pour effet de réduire la peine de garde maximale pour homicide involontaire coupable, la faisant passer de trois à deux ans. Cela réduit la peine maximale pour voies de fait graves, qui passe de 24 à 16 mois. La coupe se fait sentir dans les deux sens. Cela crée un problème à l'autre bout. Par exemple, quand un jeune reçoit une peine de 15 jours, il est libéré au bout de 10 jours et il faut se plier à toutes sortes de démarches et d'écritures administratives pour obtenir une ordonnance de surveillance communautaire pour cinq jours. Cela suppose une administration très lourde.

M. John Reynolds: C'est trop de paperasse.

M. Alan Markwart: Oui, même si la principale préoccupation est à l'autre bout—et les répercussions sur la longueur des peines et l'opinion qu'en aura la population.

Le deuxième sujet de préoccupation concerne les définitions très floues d'infractions «sans violence», «avec violence» et «grave avec violence». Ces définitions sont tellement imprécises qu'elles donneront lieu à divers problèmes. Une infraction sans violence ne cause ni ne crée aucun risque important de lésions corporelles; une infraction avec violence cause ou crée un risque important de lésions corporelles. La seule distinction entre une infraction avec violence et une infraction grave avec violence réside dans le terme «grave» et je peux vous citer des exemples.

La conduite avec des facultés affaiblies et le trafic d'héroïne seraient-ils considérés comme des infractions sans violence ou des infractions graves avec violence, compte tenu du fait que le conducteur avec des facultés affaiblies ou la surdose d'héroïne risque de causer la mort?

Le port d'une arme prohibée ou dissimulée représenterait-il une infraction sans violence et est-ce que la Couronne ne devrait pas avoir à prouver non seulement que la personne portait l'arme dissimulée, mais qu'elle risquait aussi de causer un dommage important à une autre personne?

Le harcèlement criminel serait-il une infraction sans violence ou avec violence? Est-ce qu'il cause vraiment des lésions corporelles?

L'ingérence sexuelle, qui ne cause pas de lésions corporelles, constituerait-elle une infraction avec violence?

Les voies de fait simples peuvent ne pas causer de lésions corporelles; elles pourraient être considérées comme une infraction sans violence. La cruauté infligée aux animaux ne correspond pas à des lésions corporelles causées à une personne; c'est néanmoins une infraction grave qui peut indiquer une possibilité d'infliger du mal à autrui. Le vol perpétré avec une fausse arme de poing... Je pourrais continuer encore longtemps.

• 1145

Les définitions floues peuvent donner lieu indéfiniment à des procès sur chaque infraction pour déterminer s'il s'agit d'une infraction sans violence, avec violence ou grave avec violence. De plus, il y aura des complications à toutes les étapes des procédures pour déterminer si la police devra recourir à la présomption de déjudiciarisation dans le cas d'une infraction sans violence. Mais qu'est-ce qu'une infraction sans violence? Cela modifie les critères de la détermination de la peine ainsi que ceux du maintien de la garde.

À notre avis, il serait nettement préférable d'établir des barèmes d'infractions pour régler cette question. Tout serait nettement plus clair.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Markwart.

Merci beaucoup, monsieur Reynolds.

[Français]

Monsieur Bellehumeur.

M. Michel Bellehumeur (Berthier—Montcalm, BQ): Je veux vous féliciter pour le mémoire que vous nous avez remis; il nous éclaire beaucoup. Je connais maintenant un peu mieux ce que pense la Colombie-Britannique du projet de loi C-3.

Cependant, je retiens un point; c'est que le gouvernement a modifié la Loi sur les jeunes contrevenants en donnant comme raison que cette loi manquait de clarté et était trop complexe, et que certaines provinces ne l'appliquaient pas correctement. Selon le mémoire que j'ai devant moi et selon votre témoignage, je dois conclure que le projet de loi C-3 n'est pas plus clair et, bien plus, que ce projet de loi est extraordinairement long et complexe. Vous dites même qu'il est susceptible de miner la confiance en ce système.

Serait-il exact de dire que si le gouvernement, au lieu de modifier la Loi sur les jeunes contrevenants telle qu'on la connaît et telle qu'on applique aujourd'hui, avait donné des budgets supplémentaires à la Colombie-Britannique—on parle présentement de 206 millions de dollars supplémentaires sur trois ans—pour appliquer de façon encore plus stricte la Loi sur les jeunes contrevenants, on serait parvenu à de meilleurs résultats sans avoir à modifier la loi ou quoi que ce soit d'autre?

[Traduction]

M. Alan Markwart: Pour plus de clarté, je dirai que notre gouvernement appuie cette mesure législative. Nous approuvons l'orientation générale du projet de loi et il va sans dire que nous apprécions vos observations concernant un financement additionnel. Il faut se rappeler que, peu importe la loi en place, ce sont en fait les programmes et les services qui déterminent l'efficacité du système de justice pour les adolescents autant sinon plus que les lois—et, personnellement, je crois qu'ils le font davantage que les lois.

Sur la question de clarté, oui, nous avons des réserves. Il s'agit de savoir si la Loi sur les jeunes contrevenants est claire et si ce projet de loi est clair. Nous appuyons l'orientation générale de ce projet de loi et nous sommes d'avis que, d'une façon générale, il est plus clair en ce qui concerne, par exemple, l'accent sur la déjudiciarisation et les mesures de rechange, d'autres possibilités que la garde, la répartition des infractions par catégories et certaines dispositions portant sur les auteurs d'infractions graves avec violence. Le manque de clarté est dans les dispositions de fond qui doivent permettre l'application cette orientation générale. Il faut donc clarifier les dispositions de fond que nous avons relevées.

J'espère que cela répond à votre question.

• 1150

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Cela répond en partie à ma question. Cependant, lorsqu'on parle de déjudiciarisation, de mesures de rechange et d'un traitement spécifique pour les jeunes criminels dangereux, et qu'on se dit d'accord sur l'orientation générale du nouveau projet de loi C-3, je m'interroge. Je pense en effet que la Loi sur les jeunes contrevenants actuelle permettrait la déjudiciarisation, l'établissement de mesures de rechange et un traitement approprié des criminels dangereux. On pourrait faire des renvois lorsque les crimes sont graves et juger ces jeunes comme des adultes.

Cependant, si on est limité par le manque d'argent, on ne peut pas mettre en oeuvre les programmes nécessaires pour traiter les criminels dangereux, pour avoir des mesures de rechange efficaces et pour faire véritablement, dans une province, une déjudiciarisation qui va porter des fruits.

Ma question est la même. Si on vous donnait plus d'argent pour vous permettre d'établir plus de programmes de rechange en Colombie-Britannique et vous donner plus de moyens pour faire de la déjudiciarisation et traiter efficacement les criminels dangereux, est-ce qu'on aurait besoin de changer la loi?

[Traduction]

M. Alan Markwart: Encore une fois, je devrais répéter que la position du gouvernement est que nous appuyons vraiment l'orientation générale de ce projet de loi. Nous sommes d'avis que certaines dispositions de fond doivent être clarifiées et amendées. Je conviens que nous pourrions atteindre de nombreux objectifs seulement au moyen de financement. Le Québec et la Colombie- Britannique sont dans la même situation, je crois. On reconnaît généralement que c'est dans ces deux provinces qu'on trouve les systèmes de justice pour les adolescents les plus progressistes.

D'une façon générale, on pourrait affirmer que la portée de la loi actuelle est assez vaste pour permettre de s'engager dans plusieurs des directions qui sont proposées, mais, en réalité, ce n'est pas ce qui s'est passé partout au Canada. Si l'on veut une approche plus uniforme d'un bout à l'autre du Canada, il faudra peut-être tracer plus clairement la voie à suivre et l'orientation générale.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Là, je vous comprends davantage. Finalement, l'objectif premier du projet de loi C-3, dont les grands principes visent l'harmonisation des peines et le traitement uniforme les jeunes contrevenants, n'est-il pas d'atteindre une certaine uniformité dans le traitement des jeunes, qu'ils soient en Colombie-Britannique, en Saskatchewan, au Québec ou dans les Maritimes? L'objectif n'est-il pas que tous les jeunes soient traités de la même façon?

[Traduction]

M. Alan Markwart: En fait, je ne suis pas certain que ce soit le cas. En ce qui concerne la recherche d'une harmonisation et d'une uniformité, je pense honnêtement que le projet de loi vise justement à encourager les autres compétences à s'engager dans la même direction que le Québec et la Colombie-Britannique.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Plus précisément, dans le projet de loi, au chapitre «Détermination de la peine», le paragraphe 37(2) stipule que le tribunal pour adolescents va déterminer la peine à infliger conformément à certains principes et l'alinéa b) parle de:

    b) l'harmonisation des peines, c'est-à-dire le fait que la peine doit être semblable à celle qui serait infligée à d'autres adolescents pour la même infraction commise dans des circonstances semblables;

Est-ce que l'objectif de cet alinéa n'est pas justement d'harmoniser les peines infligées aux jeunes, qu'ils soient du Québec, de la Colombie-Britannique ou de l'Ontario, en somme de traiter tout le monde sur un pied d'égalité?

• 1155

[Traduction]

M. Alan Markwart: Je ne pense pas être d'accord avec cela. Je suis d'avis qu'il y a un principe de traitement égal et similaire, du moins dans une province ou une compétence... Je doute que les tribunaux de la Colombie-Britannique, par exemple, vont commencer à s'interroger sur les peines qui sont imposées pour le même genre d'infractions en Alberta, en Saskatchewan, au Québec et en Ontario. En règle générale, on s'informe sur les peines qui sont habituellement imposées pour des infractions de même nature à des contrevenants qui ont agi dans des circonstances similaires dans la compétence en question.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Bellehumeur. Nous reviendrons.

Peter MacKay.

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Merci, monsieur le président.

Je tiens à vous remercier tous deux d'être venus comparaître. Votre témoignage est excellent. Sa limpidité est celle que nous attendons désormais d'un avocat de la Couronne. J'aurais souhaité voir ici mes amis avocats de la défense. Où est Mancini aujourd'hui?

M. Alan Markwart: Permettez-moi de préciser que je ne suis pas avocat de la Couronne.

M. Peter MacKay: Vous n'êtes pas avocat de la Couronne. Je pensais qu'on vous avait présenté ainsi. Je passe donc au contre-interrogatoire.

Vous avez soulevé d'excellents arguments concernant le financement. C'est la question primordiale qui revient constamment. Si les provinces sont incapables de gérer les programmes existants avec moins de 50 p. 100 de financement, si on leur demande de faire plus avec moins, il y aura un problème critique.

Vous avez également souligné, et je pense que vous aviez parfaitement raison, que tous ces travaux suivent une pensée cartésienne: nous avons tout écrit, ou du moins c'était notre intention au départ, mais, en fait, nous n'avons pas tout écrit. En ce qui concerne un de vos arguments voulant qu'il y ait une liste de définitions des infractions violentes et sans violence, je voudrais aussi ajouter à cette liste l'entrée par effraction dans une unité d'habitation et les menaces de lésions corporelles. Vous n'avez pas dit que la liste était complète, mais je pense qu'une clarification s'impose.

Je voudrais vous poser une question sur l'application de ce que vous avez comparé, et que d'autres ont comparé, aux condamnations avec sursis prévues dans ce projet de loi. Devrions-nous envisager d'inclure un barème d'infractions ne devant pas s'appliquer aux termes de cette nouvelle disposition? Je pose cette question parce que, comme on le sait, un tribunal est actuellement saisi de la question des condamnations avec sursis et, en attendant sa décision, je me demande si nous devrions d'envisager ce qui suit: dresser un barème d'infractions, de sorte que les juges n'auraient pas le droit de songer à utiliser le principe d'une peine différée, qui n'est vraiment rien d'autre qu'une condamnation avec sursis aux termes de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents?

M. Alan Markwart: Si vous me le permettez, concernant votre commentaire sur le partage des coûts, je signale que, selon un calcul que j'ai fait hier soir, la participation du gouvernement fédéral au chapitre des services correctionnels pour adultes au Canada représente 49,5 p. 100 du coût total. Sa participation au coût des services fournis aux jeunes contrevenants est nettement inférieure. On peut en conclure que, d'après la position du gouvernement fédéral en matière de politique sociale, les jeunes contrevenants sont moins importants que les contrevenants adultes.

Pour répondre à votre question, je dirai qu'il y a vraiment une restriction imposée à l'application d'une ordonnance différée de placement sous garde et de surveillance. Elle s'applique uniquement dans le cas d'une infraction sans violence. Encore une fois, nous sommes d'avis qu'il devrait y avoir une meilleure définition de l'infraction sans violence. Par conséquent, s'il y avait un barème d'infractions, vous auriez la réponse à votre question, je crois.

M. Peter MacKay: J'ai d'ailleurs une question concernant les définitions. Il est question dans le Code criminel de l'expression «lésions corporelles», ce qui inclut du mal, une blessure qui nuit à la santé ou au bien-être physique ou psychologique d'une personne et qui n'est pas de nature passagère ou sans importance. C'est ce qu'on fait dire au Code criminel maintenant dans les audiences de détermination de la peine par suite d'une récente décision rendue par la Cour suprême dans l'affaire McGrath et Mathieu. En l'absence d'une telle clarté dans la nouvelle Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, pensez-vous que, lors des audiences de détermination de la peine, les juges auront une assez grande marge de manoeuvre pour interpréter l'expression lésions corporelles et graves lésions corporelles? Le système pour les adultes a été l'objet de manoeuvres. Est-ce que nous ne sommes pas en train de nous préparer pour l'inévitable?

• 1200

M. Alan Markwart: Oui, j'en conviens entièrement et cela rejoint la nécessité d'établir un barème d'infractions; autrement, il y aura beaucoup d'incertitude et des litiges qui se prolongeront indéfiniment, une affaire après l'autre.

M. Peter MacKay: J'ai une autre question précise. Le paragraphe 14(2) du projet de loi sur le système de justice pénale pour les adolescents traite de la compétence visant l'application du Code criminel dans le cadre de cette mesure législative. Ne pouvons-nous pas inclure l'article 810.1 dans cette compétence?

M. Alan Markwart: J'ai fait part de notre intention de faire valoir uniquement quelques sujets de préoccupation expliquant nos réserves. Nous sommes d'avis que l'inclusion de l'article 810.1 pour permettre un engagement de ne pas troubler l'ordre public lorsqu'il existe un risque d'infraction d'ordre sexuel.

M. Peter MacKay: Je regrette de vous poser ces questions précises, mais votre mémoire était minutieux et portait sur de nombreuses préoccupations générales.

J'ai encore une couple d'autres questions précises. L'article 9 du projet de loi porte sur les renseignements relatifs à la prise de mesures d'avertissement, de mise en garde ou de renvoi, soit les mesures extrajudiciaires ou les avertissements des agents de police. Il prescrit toutefois que ces renseignements ne peuvent être mis en preuve dans les procédures judiciaires. Dans une enquête sur le cautionnement, je pense qu'il est crucial de déposer ces éléments de preuve et, en général, l'avocat de la Couronne voudrait être en mesure de pouvoir au moins décider de les déposer devant le juge.

Prenons l'agent de police qui a averti un jeune à trois ou quatre reprises, l'a ramené chez lui dans la voiture de police et lui a parlé dans la rue. Aux termes de ce projet de loi, on pourrait dire que rien de cela n'est admissible à l'enquête sur le cautionnement.

M. Alan Markwart: Je pense qu'il va falloir y réfléchir davantage. Je pense qu'une des craintes concernant un avertissement, une mise en garde ou un renvoi est, de toute évidence, que la personne n'a pas été traduite devant un tribunal ou n'a pas été l'objet d'une procédure de sanction extrajudiciaire officielle, il n'y a pas de preuve ni d'admission...

M. Peter MacKay: C'est le cas maintenant.

M. Alan Markwart: ...de la responsabilité de l'infraction, ce qui soulève des interrogations sur le dépôt de ces renseignements devant le tribunal aux fins de l'enquête sur le cautionnement.

Mais, en toute honnêteté, je dis cela spontanément et je pense qu'il faudrait s'arrêter davantage sur cette question.

Le président: Merci beaucoup, monsieur MacKay.

Je donne maintenant la parole à John McKay.

M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Merci, monsieur le président.

Moi aussi, je vous félicite pour votre mémoire. Il est concis et va droit au but.

Si j'ai bien compris vos observations concernant les définitions, il suffirait d'annexer un barème d'infractions pour régler le problème. Est-ce exact?

Au début, quand vous avez dit que, dans les faits, la peine de trois ans passerait à deux ans pour un homicide involontaire coupable et d'autres infractions du même genre et que cela ternirait la réputation de l'administration de la justice pour les jeunes, il faut supposer toutefois que la Couronne aurait déjà donné avis de sa requête visant l'imposition d'une peine d'adulte dans ce cas particulier et que, à défaut d'une peine d'adulte, une peine minimale de trois ans serait imposée.

Je me demande si cela ne contredit pas votre argument et si ce n'est pas tant la réputation du système de justice qui sera ternie que la confiance du public qui sera ébranlée. C'est la notion du cinq plus un qui est à la base de cette mesure. Une peine d'adulte sera imposée pour un crime de ce genre et les autres infractions seront traitées comme des crimes d'adolescents. Je voudrais entendre vos observations à cet égard.

• 1205

M. Alan Markwart: Je ne suis pas certain de bien saisir votre argument, parce que cette question n'est pas vraiment liée au fait que la personne recevra une peine d'adulte. Elle se rapporte aux cas où le jeune ne reçoit pas une peine d'adulte et comparaît devant un tribunal pour adolescents sous une accusation d'homicide involontaire coupable, par exemple.

Aux termes de la Loi sur les jeunes contrevenants, la peine maximale en cas d'homicide involontaire coupable est actuellement le placement sous garde pendant trois ans. Aux termes du projet de loi, elle ne serait plus que de deux ans. Je doute que cela renforce la confiance du public dans le système de justice pour les adolescents. Dans la population, on se préoccupe beaucoup de la pertinence des peines, surtout dans le cas d'une infraction grave avec violence.

Même si des changements sont prévus pour permettre l'imposition de peines applicables aux adultes, nous parlons des cas où cela ne se produirait pas et où des jeunes seraient gardés dans le système de justice pour les adolescents et recevraient en fait une peine réduite.

M. John McKay: Ils recevraient probablement une peine applicable aux adolescents parce qu'ils n'auraient pas comparu devant un tribunal pour adultes.

M. Alan Markwart: C'est exact.

M. John McKay: Je pense donc qu'il faut situer votre réserve dans le contexte.

Ma deuxième question concerne le fait d'avoir omis la dissuasion et la dénonciation des objets et principes de la détermination de la peine.

Je me reporte à la déclaration de principes et au premier principe qui est le suivant:

    le système de justice pénale pour adolescents a pour but premier de protéger le public par les moyens suivants:

      la prévention du crime

N'est-ce pas de la dissuasion sous d'autres termes?

M. Alan Markwart: Par la prévention du crime?

M. John McKay: Par la prévention du crime. C'est le premier principe.

M. Alan Markwart: Je ne le pense pas. Je pense que cela renvoie aux premières mesures d'intervention, aux mesures de mobilisation de la population, à toutes les choses qui se situent à l'extérieur du cas en question, de manière que l'on puisse empêcher le crime d'être commis. Je ne pense pas que cela se rapporte du tout à la dissuasion ou à la dénonciation.

M. John McKay: Permettez-moi de lire la disposition au complet pour voir si vous serez toujours de cet avis:

    [...] la prévention du crime par la suppression des causes sous-jacentes à la criminalité chez les adolescents,

Cela se rapporte directement à l'individu et, selon mon interprétation, le premier objectif qui est énoncé—pas nécessairement le premier objectif, parce que je ne sais pas s'il est énoncé de cette façon—vise à dissuader le jeune d'agir comme il le fait.

M. Alan Markwart: Oui, il est possible de dire que «la prévention du crime par la suppression des causes sous-jacentes à la criminalité chez les adolescents» tend vers la réhabilitation.

M. John McKay: La réhabilitation suit.

M. Alan Markwart: Il n'est certes pas question d'un effet dissuasif général. Il y a une différence entre l'effet dissuasif général et individuel. Dans l'affaire J.J.M., la Cour suprême du Canada a déjà déclaré que le principe de l'effet dissuasif général s'applique aux jeunes contrevenants, même si c'est à un moindre degré. Nous en convenons, il devrait s'appliquer à un moindre degré. Mais il s'applique quand même.

Le principal problème concernant les principes de détermination de la peine, c'est qu'il n'en est aucunement question dans la Loi sur les jeunes contrevenants. Il y a une déclaration de principes dont on peut s'inspirer aux fins de la détermination de la peine.

• 1210

Le projet de loi inclut expressément les principes de détermination de la peine applicable aux adolescents. L'article 718 du Code criminel inclut expressément les principes de détermination de la peine applicable aux adultes. Aux termes de l'article 718, les principes de dénonciation et de dissuasion s'appliquent aux adultes.

Or, ces principes ne sont pas énoncés dans le projet de loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Les tribunaux peuvent uniquement établir une comparaison et dire que le Parlement a inscrit ces principes pour les adultes, et non pour les adolescents, et que le Parlement a voulu cette omission. C'est ce qui nous préoccupe.

M. John McKay: C'est...

Le président: Votre temps est écoulé.

Monsieur Cadman, vous disposez de trois minutes.

M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Réf.): Merci, monsieur le président.

Je vous remercie tous deux d'être venus témoigner. Le temps est mauvais.

Mon collègue M. Reynolds a commencé par vous demander les trois changements que vous auriez voulu apporter. Vous avez répondu qu'il y en avait quatre, mais vous n'en avez traité seulement deux. Pourriez-vous continuer?

M. Alan Markwart: Excusez-moi. J'ai parlé de nos réserves concernant la libération aux deux tiers d'une peine et de la définition d'une offense avec violence.

Je ne procède selon aucun ordre particulier. Ce sont toutes des priorités.

Troisièmement, nous avons d'énormes réserves concernant les dispositions sur les groupes consultatifs. J'insiste pour dire clairement que nous sommes favorables au principe de la consultation, mais les dispositions sont trop vagues. Il est prévu qu'un groupe consultatif peut être constitué par «toute personne». Toute personne? Il n'y a aucun critère. Il n'y a aucune procédure. Dans quels cas aurait-on recours à des groupes consultatifs? Il devrait y avoir des limites, par exemple, un groupe consultatif pourrait être constitué dans le cadre d'un programme établi par la province. Il faut alors permettre à la province d'établir des règlements pour déterminer la nature des groupes consultatifs et attribuer des fonctions.

Je suppose que le quatrième changement—qui pourrait être notre première préoccupation, étant donné qu'il n'y a pas vraiment d'ordre d'importance—est la disposition sur les programmes intensifs de probation et d'assistance. Encore une fois, nous ne sommes pas du tout opposés à ces programmes. Il y a déjà un certain nombre de programmes intensifs de probation et d'assistance. D'ailleurs, ne serait-ce que dans la vallée du bas Fraser, nous avons 39 travailleurs à plein temps qui exécutent de tels programmes.

Nous pensons que cette disposition est inutile, car nous fournissons ces programmes dans le cadre de la probation, de sorte que cela élargirait le filet de sécurité et s'appliquerait à des jeunes qui n'en ont pas besoin, faisant ainsi nettement augmenter nos coûts. Une hausse de nos coûts réduira notre capacité de prendre d'autres mesures qui s'imposent, par exemple, mettre en oeuvre plus de programmes de justice réparatrice.

De toute évidence, le libellé est tel que la province peut se retirer, mais il n'y a pas vraiment de disposition de désengagement. Il est prévu que le tribunal peut uniquement imposer cette peine avec le consentement du directeur provincial. Il va sans dire que le libellé est incorrect. On ne pourrait imaginer une situation où le juge se tourne vers le pauvre agent de probation en disant: «Consentez-vous, monsieur l'agent de probation, à ce que j'impose une ordonnance visant l'adhésion à un programme intensif de surveillance et d'assistance?» L'agent de probation serait mal venu de refuser.

Si ces ordonnances doivent être exécutées, il doit y avoir une certaine distance, et non une disposition prévoyant un consentement. Une telle peine devrait être imposée uniquement dans le cadre d'un programme intensif de probation, de surveillance et d'assistance établi par la province et sous réserve d'un rapport par le directeur provincial sur la possibilité d'accès au programme et de l'admissibilité de l'adolescent.

Cela dit, nous sommes d'avis qu'il ne devrait simplement pas être question de la peine.

• 1215

S'il faut à tout prix maintenir cette peine, une autre solution serait de l'annexer à l'ordonnance différée de garde et de surveillance de sorte qu'une période de surveillance et d'assistance serait assurée par la collectivité.

Mais, encore une fois, il serait préférable d'omettre ces deux peines.

Le président: Merci beaucoup, messieurs Markwart et Cadman.

Monsieur Saada.

[Français]

M. Jacques Saada: Monsieur le président, j'ai une question préliminaire. Vous avez fait allusion à la comparaison du financement fourni par le fédéral en matière de services correctionnels pour adultes et pour jeunes. J'ai compris, et corrigez-moi si je me trompe, que vous disiez que le fédéral avait favorisé le financement pour les services correctionnels pour adultes par rapport à ceux pour la jeunesse. Est-ce que j'ai bien compris?

Est-ce que la responsabilité constitutionnelle du fédéral est la même dans les deux cas? Est-ce que le fédéral a la même responsabilité constitutionnelle quant au financement pour les jeunes que pour celui pour les adultes?

[Traduction]

M. Alan Markwart: La réponse à votre question est oui et non. Bien sûr, il y a une similarité en ce sens que le droit criminel est un domaine de compétence partagée aux termes de la Constitution, que le gouvernement fédéral est évidemment responsable d'adopter des lois criminelles et que les provinces sont chargées de les administrer. Selon la Constitution, le gouvernement fédéral est responsable des pénitenciers.

La ligne de démarcation entre une peine dans un établissement fédéral ou provincial n'est pas inscrite dans la Constitution, mais bien dans le code. Le gouvernement fédéral a décidé de tracer une ligne de démarcation qui, par coïncidence, fait finalement en sorte que le gouvernement fédéral assume à peu près 50 p. 100 des coûts.

Cela ne change rien à l'argument toutefois: mis à part les questions constitutionnelles, le gouvernement fédéral assume vraiment la moitié du financement des services correctionnels fournis aux adultes au Canada, pourtant il est loin de faire la même chose pour les services correctionnels destinés aux adolescents. Je me demande s'il y a un bon équilibre.

M. Jacques Saada: D'accord. Je vais me pencher là-dessus. Je voulais simplement être certain que je vous avais bien compris.

J'ai deux brèves questions. D'abord, dans votre présentation, à deux reprises au moins vous avez parlé de la confiance de la population. Diriez-vous que votre appui général au projet de loi vise davantage à rassurer la population qu'à remettre en question la substance du projet de loi? Comment évaluez-vous tout cela?

M. Alan Markwart: Cette question est difficile. Comme je l'ai dit précédemment, nous appuyons l'orientation générale du projet de loi. D'une façon générale, nous sommes d'avis que, par comparaison à la Loi sur les jeunes contrevenants,—et j'apprécie les observations du député québécois—ce projet de loi établit des directions plus claires en ce qui a trait à l'accent mis sur la déjudiciarisation et les mesures de rechange, les programmes pouvant remplacer la détention et la distinction entre les infractions sans violence, violente et très violente. Dans un sens large, il trace des directions claires.

La question de la confiance de la population est très importante parce que—et je crois que le nombre de cas est relativement peu élevé—la crédibilité du système de justice pour les adolescents a été remise en question surtout par suite de l'attention qui a été centrée sur un petit nombre de cas très en vue qui ont suscité, à tort ou à raison, l'impression que la détermination de la peine avait des ratés. Je pense qu'il faut prendre conscience de cela.

[Français]

Le président: Monsieur Saada, vous aviez trois minutes.

[Traduction]

Nous y reviendrons. Je suis certain que tout le monde a hâte d'entendre les autres observations que vous avez à faire.

• 1220

[Français]

Monsieur Bellehumeur.

M. Michel Bellehumeur: Avez-vous des statistiques concernant la criminalité chez les jeunes en Colombie-Britannique? Est-ce que les crimes violents ont augmenté ces dernières années?

[Traduction]

M. Alan Markwart: Pour répondre brièvement, oui. Le Centre canadien de la statistique juridique a rédigé un rapport dans lequel figure une comparaison des taux de crime violent depuis 10 ans, de 1988 à 1998 si je ne m'abuse. Il ne s'agit que d'une ébauche, mais il sera publié bientôt. La hausse s'élève à 77 p. 100 dans l'ensemble du Canada.

Cependant, les taux varient quelque peu d'une province à l'autre. Nous avons eu des hausses semblables en Colombie-Britannique. Cette augmentation apparente appelle toutefois des réserves. Elle se fonde sur les taux d'inculpation de la police. Ces derniers ne constituent pas une mesure du comportement réel des jeunes, mais plutôt une mesure de la réaction du système judiciaire à ce comportement.

La plupart des intervenants seraient sans doute d'accord pour dire que cette hausse est attribuable, en partie du moins, à des modifications des pratiques d'inculpation, l'exemple le plus courant étant la tolérance zéro appliquée par la police dans les écoles, ce qui peut entraîner un plus grand nombre d'inculpations. Personne ne sait dans quelle mesure cette hausse apparente est fonction des modifications des pratiques d'inculpation ou de changements des comportements des adolescents. Et cela est matière à débat depuis un bon bout de temps.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Je parlais de crimes graves, de crimes commis avec violence. Vous soutenez qu'il y a eu une augmentation en Colombie-Britannique?

[Traduction]

M. Alan Markwart: Oui.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: À propos de la récidive, y a-t-il eu beaucoup de récidivistes chez les jeunes contrevenants, toujours en Colombie-Britannique?

[Traduction]

M. Alan Markwart: Je ne pense pas que ce soit propre à la Colombie-Britannique. Certes, la recherche montre qu'un très petit nombre de jeunes contrevenants représente une forte proportion de la criminalité juvénile dans son ensemble. De façon générale, les données varient. De 6 à 7 p. 100 des jeunes contrevenants représentent plus de la moitié de tous les crimes commis par des jeunes. Et cela comprend, évidemment, ceux qui commettent de façon chronique des infractions contre la propriété. Je ne crois pas que ce soit propre à la Colombie-Britannique; c'est le cas dans l'ensemble du pays.

Le président: Merci infiniment, monsieur Bellehumeur.

Madame Carroll.

Mme Aileen Carroll (Barrie—Simcoe—Bradford, Lib.): Au risque d'être redondante, je voudrais, moi aussi, vous remercier de votre excellent mémoire. Il nous sera d'un grand secours dans notre étude.

J'avais une question à poser au sujet d'une annexe. On y a répondu. Je ne pense pas que ce serait très difficile pour nous de faire une telle recommandation si la distinction entre crime non violent, violent et très violent était faite au moyen d'une annexe.

Je me préoccupe d'un certain nombre de questions. Vous avez fait une observation qui m'a particulièrement frappée. En citant le professeur Hacker, qui a réalisé toute une étude comparative, vous avez dit qu'à votre avis la loi, qui est déjà beaucoup plus longue que celle de tout autre pays, sera encore plus longue par suite des modifications qui y seront apportées. Vous avez fait valoir que l'accès à la justice était une préoccupation clé, et il l'est sans aucun doute. Est-il injuste de vous demander à vous ou devrais-je demander au professeur James Hacker comment cela peut-il être simplifié? Quelles recommandations pouvons-nous faire en tant que comité pour remédier à ce que vous avez souligné comme étant une grave préoccupation?

Nous ne nous avons pas fait venir ici pour vous poser des questions faciles.

• 1225

M. Alan Markwart: Non. C'est une question difficile. Cependant, je pense que certains éléments du projet de loi devraient être clarifiés et renforcés.

Sans entrer dans les détails, les dispositions relatives à l'exécution et à l'examen... On note des dispositions très semblables, notamment, la prolongation de la garde pour une peine de garde et de surveillance, par opposition au maintien sous garde en cas de meurtre et de mise en liberté sous condition. Les procédures d'application sont très semblables et font même double emploi. Elles pourraient être raccourcies.

Les conditions qui sont assorties aux formes de surveillance communautaire sont... Encore une fois, on note beaucoup de doubles emplois, et il faut simplifier tout cela. Il y a deux dispositions différentes pour l'examen d'une décision sans placement sous garde. Il y a une disposition pour violation d'une sentence communautaire. Ces dispositions pourraient être fusionnées.

Je ne doute pas qu'il y a une foule d'autres domaines. Par exemple, on répète constamment qu'un parent peut se faire entendre à diverses audiences. Pourquoi ne pas consolider tout cela dans une seule disposition et dire qu'un parent peut se faire entendre à tel ou tel type d'audience, au lieu de le répéter partout? Beaucoup de choses pourraient être faites.

Mme Aileen Carroll: Pensez-vous que c'est le libellé, et non l'objet et le traitement des questions importantes, qui présente des lacunes? Je crois que je m'approche de M. Saada, mais pas exactement.

Est-ce que c'est cela le problème? Si c'est le cas, on peut le régler.

M. Alan Markwart: Eh bien, j'hésite à faire des observations sur les fonctionnaires fédéraux, que je respecte et avec lesquels je travaille en étroite collaboration, mais je pense qu'il y a un problème avec le libellé.

Mme Aileen Carroll: Il y a un problème avec le libellé.

Merci. Je ne veux pas vous mettre sur la sellette.

Le président: Merci beaucoup, madame Carroll.

Le comité est prêt à entendre d'autres suggestions significatives. Ayant lu dans la déclaration préliminaire que vous avez fait 140 suggestions jusqu'à maintenant, je suppose qu'il n'y a rien de nouveau ici—nous en sommes peut-être rendus à 150 ou à 160 suggestions, je n'en suis pas sûr.

Quoi qu'il en soit, comme nous ne sommes pas au courant de votre correspondance avec le ministère de la Justice, nous aimerions nous aussi connaître ces suggestions.

Monsieur Peter MacKay, à vous la parole.

M. Peter MacKay: Merci, monsieur le président.

Ne craignez pas de nous dire le fond de votre pensée même certains des rédacteurs du projet de loi sont présents dans la salle.

M. John McKay: Et ceux qui ne le sont pas suivent les délibérations à la télévision.

M. Peter MacKay: C'est exact, les délibérations seront rediffusées.

J'ai une question à poser au sujet du paragraphe 36(7) du projet de loi où il est dit que si le procureur général n'a pas fait le choix entre la poursuite par mise en accusation et celle par procédure sommaire, il est réputé avoir choisi de considérer l'infraction comme une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire. Peut-être que je devrais poser la question à M. DeBoer, mais il me semble... D'abord et avant tout, cela est contraire au Code criminel et à l'article 34 de la Loi d'interprétation.

Cela a également d'autres répercussions sur le plan de l'application de la loi parce que les objectifs pourraient ne pas être atteints en ce qui concerne des dispositions comme celles ayant trait à la période de six mois pour porter des accusations, aux infractions sexuelles en particulier, à la prise des empreintes digitales pour les actes criminels et aux restrictions imposées au CIPC pour verser ces dossiers dans sa banque en ligne. J'ignore si vous avez inclus cela dans vos recommandations, mais j'aimerais bien entendre votre réaction.

M. Alan Markwart: Encore une fois, nous ne nous sommes pas vraiment penchés sur cette question, mais, à première vue, il me semble que cela ne s'applique qu'aux appels et non à l'ensemble des procédures. Il ne s'agit que des appels.

M. Peter MacKay: D'accord. Cela ne vous préoccupe donc pas?

M. Alan Markwart: Nous allons certainement nous pencher là-dessus, mais ce n'est pas une question qui nous est venue à l'esprit.

M. Peter MacKay: Il y a un autre article qui concerne l'accès aux dossiers. Il est assez fastidieux à lire, mais il traite de l'accès aux dossiers pendant deux mois, ce qui semble contredire le fait que, dans le cas d'un jeune passible de sanctions extrajudiciaires, la période d'accès aux dossiers est de deux ans. Puis il y a les considérations relatives aux enquêtes sur le cautionnement et aux dispositions du paragraphe 81(1).

• 1230

Je trouve cela plutôt contradictoire et déroutant.

M. Alan Markwart: Nous sommes d'accord avec vous. C'est une autre préoccupation que nous avons soulevée. La période d'accès de deux mois pour les procédures judiciaires est bien trop courte et, fait paradoxal, cela pourrait même aboutir à des situations où, comparativement à la période de deux ans pour les sanctions extrajudiciaires, l'avocat de l'intéressé pourrait conseiller son client d'aller devant les tribunaux plutôt que de s'exposer à des sanctions extrajudiciaires à cause de la période plus courte.

M. Peter MacKay: On pourrait donc obtenir l'effet contraire de celui recherché.

M. Alan Markwart: Oui.

M. Peter MacKay: D'accord. J'ai une autre question plutôt brève à vous poser, laquelle m'a sauté aux yeux dans la comparaison des violations de l'ordonnance de probation du Code criminel.

Le paragraphe 733.1(1) du Code criminel traite de violation de l'ordonnance «sans excuse raisonnable» alors que l'article 136 de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, dans sa version anglaise, utiliser le terme «wilfully». Il y a là une nuance sur laquelle pourraient jouer de fins criminalistes. Les avocats seront en terrain vierge de toute façon, mais cet article en particulier leur accordera une grande latitude.

M. Alan Markwart: Eh bien, il y a en fait un domaine qui intéresse l'application des ordonnances, et il en est question maintenant. Mais j'ai bien déjà dit—et vous avez raison—que l'article 136 exige une preuve au-delà du doute raisonnable. Cependant, l'article 56 traite de la violation de l'ordonnance «sans excuse raisonnable». Comment concilier les deux? Il me semble qu'il faudrait les faire concorder.

Le président: Monsieur MacKay...

M. Peter MacKay: J'ai un dernier point à souligner, si vous me le permettez.

Le président: Allez-y.

M. Peter MacKay: Je ne veux pas m'arrêtez davantage là-dessus, mais quand il est question de violation d'une ordonnance de probation par un jeune contrevenant, notamment quand on s'intéresse autant aux sanctions non privatives de liberté, comme j'ai travaillé avec des jeunes ayant fait l'objet de ce genre d'ordonnance de probation, et compte tenu de cette nouvelle approche des dispositions non privatives de liberté, j'estime que l'utilisation du mot «wilfully» et son interprétation pourraient entraîner un déluge de causes devant les tribunaux. Les accusés prétexteront qu'ils n'ont pas sciemment rencontré leurs ex- complices, qu'ils les ont rencontrés par hasard, qu'ils ne l'ont pas fait sciemment.

Ne pensez-vous pas que cela se produira?

M. Alan Markwart: Non, je ne le pense pas parce que c'est cela la loi maintenant.

M. Peter MacKay: D'accord.

Le président: Merci, monsieur MacKay.

M. Saada aura de nouveau la parole pour terminer sa série de questions, puis se sera au tour de M. Maloney. Je suis sûr qu'il n'y aura pas de problème.

M. Jacques Saada: J'ai choisi une observation et une question. L'observation est la suivante. Corrigez-moi si je vous ai mal compris, mais vous avez dit que l'objet du projet de loi consiste à orienter le reste du pays dans la voie qui a été adoptée par la Colombie-Britannique et le Québec. Est-ce exact?

M. Alan Markwart: Eh bien, loin de moi l'idée de parler au nom des fonctionnaires fédéraux, mais il est certain que si on songe à l'objet du projet de loi...

M. Jacques Saada: C'est seulement une impression.

M. Alan Markwart: Oui, c'est ce qu'il suggère.

M. Jacques Saada: Si je mentionne cette observation, c'est que, paradoxalement, vous dites la même chose que le Québec, pendant que ce dernier se dit contre le projet de loi alors que vous êtes en faveur. Vous comprenez sans doute le genre de difficulté que nous éprouvons à prendre des décisions dans ce contexte.

Si on tient compte du fait que chaque province possède son propre système d'éducation, ses propres services sociaux, ses propres services de santé, notamment, pensez-vous que ce projet de loi accorde à votre province la flexibilité requise pour adapter les dispositions du projet de loi à vos propres besoins, à vos propres circonstances et à votre propre situation?

• 1235

M. Alan Markwart: Oui, de façon générale, mais il y a quelques importantes exceptions. Il faut revenir aux questions liées aux conférences, à la surveillance intensive et aux programmes de soutien, aux programmes de fréquentation. Nous avons des préoccupations à propos de ces dispositions, et le projet de loi ne nous donne pas assez de latitude pour exercer notre droit de retrait ou nous adapter, pour modifier le régime, entre autres choses. C'est la même chose en ce qui concerne les dispositions relatives à la garde en milieu ouvert et à la garde en milieu fermé. Il semble y avoir de la flexibilité, mais, en réalité, il n'y en a pas vraiment.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Maloney.

M. John Maloney (Erie—Lincoln, Lib.): Vous vous êtes attaqué au problème de la définition de crime violent et non violent et vous avez émis l'avis qu'il y a une solution de rechange—les annexes. Je me demande, en parlant de flexibilité, si c'est accorder de la flexibilité que de donner au juge la latitude de déterminer s'il s'agit d'un crime violent ou non violent. Pensez- vous que c'est une bonne chose ou une chose à éviter? Votre crainte, c'est qu'il y ait une avalanche de litiges et d'appels à cet égard.

M. Alan Markwart: Je n'ai pas très bien saisi le sens de votre question.

M. John Maloney: Si le projet de loi est vague sur les notions de violence et de non-violence, c'est peut-être pour accorder une plus grande latitude aux juges. Est-ce que cela constitue un inconvénient ou un avantage?

M. Alan Markwart: Je suppose qu'on pourrait dire qu'il est avantageux d'accorder une certaine latitude aux tribunaux. Il faut mesurer cela par rapport à... Je pense que si on s'oriente dans cette voie, il s'ensuivra nécessairement un flot ininterrompu de litiges quant à ce qui constitue une infraction avec ou sans violence. D'autre part, on peut faire valoir qu'une annexe donnerait une certaine flexibilité aux juges. Il faut évaluer le pour et le contre des deux possibilités. Quant à nous, nous sommes en faveur de la clarté et nous voulons certainement éviter les litiges à répétition. Les procès sont déjà bien assez longs et complexes. Il ne faut pas alourdir davantage l'appareil judiciaire.

M. John Maloney: Peut-on songer à une fusion des deux concepts? Pareille fusion favoriserait-elle la clarté tout en accordant la flexibilité voulue aux juges?

M. Alan Markwart: C'est une question sur laquelle il faudra se pencher, et il faudrait analyser des propositions en bonne et due forme. Je suppose que vous proposez l'établissement de quelque chose comme une annexe, mais avec la possibilité de s'écarter de celle-ci. Je ne sais pas; il faudrait étudier la question.

M. John Maloney: Sur le plan des principes, d'après votre témoignage, je pense que vous êtes d'accord sur l'établissement d'une période de surveillance par suite de l'imposition d'une peine de détention bien que vous ayez souligné les carences dans le cas, par exemple, d'une peine pour homicide involontaire.

M. Alan Markwart: Non. En fait, nous ne sommes pas d'accord sur l'établissement d'une période de surveillance après l'imposition d'une peine. La libération après que le détenu a purgé le tiers de sa peine est, à notre avis, fondée sur de faux principes. Elle est fondée sur de supposées constatations selon lesquelles un nombre élevé de jeunes contrevenants condamnés à une peine de détention ne font pas l'objet d'une période de surveillance communautaire par la suite. Ce qui est faux.

Je pourrais parler longtemps de l'interprétation des statistiques au point de vous endormir tous. Je me contenterai de dire que nous avons fait un sondage qui révèle que, dans plus de 90 p. 100 des cas, les peines de détention sont suivies d'une période de surveillance. Les quelques cas où il n'y a pas de probation concernent des jeunes de 18 ou 19 ans auxquels le juge a infligé une courte peine en leur disant: «Eh bien, vous n'êtes plus assujettis au système de justice pour les adolescents et il n'est pas nécessaire de vous imposer une période de probation parce que vous êtes maintenant des adultes.» Par conséquent, nous ne croyons pas que ce soit vraiment nécessaire.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Maloney.

En tant que personne responsable de l'horaire, je puis vous dire que vous ne risquez pas de les endormir. Ils ne semblent pas manquer de questions à poser.

Monsieur Cadman.

M. Chuck Cadman: Monsieur Markwart, en ce qui concerne les mesures extrajudiciaires, comment pouvons-nous éviter que les jeunes passent d'un avertissement officieux à l'autre? Autrement dit, on passerait d'une diversion à l'autre parce qu'ils sont censés en être seulement à une première infraction.

• 1240

M. Alan Markwart: Il y a deux réponses à cela. L'une est administrative. Il incombe à la province de mettre sur pied des systèmes capables de tenir un suivi des avertissements... et, oui, il y a un facteur coût. La seconde a trait aux préoccupations au sujet de la présomption énoncée à l'alinéa 4c), où il est dit tout d'un coup qu'il est présumé que la prise de mesures extrajudiciaires suffit dans le cas d'infractions sans violence et où les délinquants n'ont jamais été déclarés coupables d'une infraction auparavant.

Cela pourrait être le point de départ d'une suite infinie de recours à cette disposition, le jeune délinquant faisant l'objet d'un avertissement de la part de la police pour une première infraction, d'un renvoi à un programme de surveillance communautaire pour une deuxième infraction, d'une lettre d'avertissement de la Couronne pour une troisième infraction et de sanctions extrajudiciaires comme telles la fois suivante, avant de commettre une autre infraction. Et comme il s'agirait d'une infraction sans violence, et qu'il n'aurait pas encore été déclaré coupable d'une infraction, on présumerait que la prise de mesures extrajudiciaires serait suffisante.

Cela va trop loin, à notre avis. Nous souscrivons certes au principe voulant qu'il faut recourir le plus souvent possible à la prise de mesures extrajudiciaires, mais certainement pas dans tous les cas, comme le sous-entend l'alinéa 4c) du projet de loi.

Cela comprend donc aussi les jeunes visés par les dispositions des alinéas 10b) et 10e) aussi bien que les 7 p. 100 de délinquants chroniques. Cela soulève en outre toute une série de questions au sujet de la possibilité de l'ingérence dans la discrétion des juges et de l'intervention des tribunaux dans l'exercice de la discrétion des juges. La solution consiste à modifier cela. Je ne suis pas un rédacteur législatif, mais il doit y avoir le plus possible de latitude pour que cela ne s'applique pas à tous les cas.

Le président: Monsieur Peter MacKay.

M. Peter MacKay: Je voudrais poser une question sur le même sujet. Est-ce que cela représentera un problème pour la présentation de preuves lors d'enquêtes sur le cautionnement ou aux fins de divulgation? Incombera-t-il maintenant au procureur de la Couronne de mettre cela à la disposition de la défense chaque fois que la police ou la Couronne... ou lorsqu'une de ces mesures extrajudiciaires sera exercée? La Couronne exigera-t-elle la divulgation de tout cela?

M. Richard DeBoer: Nous ne nous sommes pas vraiment penchés là-dessus. Il pourrait y avoir un problème d'équité, même si on n'y a pas accès; c'est donc une question que nous allons examiner lors de nos prochaines études.

M. Peter MacKay: Merci.

J'ai une question d'ordre général à poser au sujet des personnes qui ne sont pas couvertes par ce projet de loi, à savoir les jeunes de 10 et 11 ans.

Monsieur Markwart, je pense que cette question est de votre ressort. Il s'agit d'un très faible pourcentage d'enfants qui seraient touchés.

J'ai discuté avec M. Rosinski à cet égard, et je ne vais pas l'entraîner dans cela à cause des déclarations qu'il a faites.

Il a été question d'une sorte de mécanisme pour cela. Si nous convenons tous qu'il importe de mettre l'accent sur la réhabilitation et la prévention, et ce projet de loi prévoit des mesures d'intervention précoce, pourquoi ne pas prévoir pareilles mesures d'intervention pour les jeunes de 10 et 11 ans qui s'adonnent de façon chronique à des activités criminelles?

• 1245

Êtes-vous en faveur d'un mécanisme semblable aux dispositions de transfert actuelles où le procureur peut demander le transfert d'un jeune de 10 ou 11 ans dans ce système pour profiter de ces mesures de réhabilitation, qui sont censées être efficaces, progressistes et proactives?

M. Alan Markwart: Je pense que la réponse simple est oui, nous avons examiné cette possibilité, et notre gouvernement n'est pas en faveur d'une diminution de l'âge pour permettre la poursuite en justice même dans des cas exceptionnels.

Nous sommes certainement d'accord pour dire qu'il doit y avoir une intervention précoce pour remédier à ces cas-là et qu'il doit y avoir ce genre d'intervention sociale. Et nous sommes d'avis que l'approche la plus constructive consiste à recourir à la loi de protection des enfants en vigueur, à la loi sur la santé mentale, à divers services et programmes plutôt que de criminaliser ces jeunes. De façon particulière, quand on pense aux possibles conséquences de l'incarcération de jeunes de 10 ou 11 ans avec de jeunes délinquants de 18 et 19 ans, on en conclut que cela fera beaucoup plus de mal que de bien, à notre avis.

M. Peter MacKay: Gardant cela à l'esprit, que répondez-vous à l'inévitable question qui se pose lorsqu'un jeune de 11 ans met le feu à un logement occupé par une ou plusieurs personnes âgées, sert de passeur de drogue ou participe à des actes violents: les mécanismes de bien-être social, les services destinés aux enfants, qui souffrent tous d'un sous-financement radical, protègent-ils le public dans la mesure où il n'y a pas de réelle possibilité de surveillance étroite?

Je garde à l'esprit votre dernière observation, à savoir qu'on n'arrive pas à comprendre comment on peut enfermer un jeune de 11 ans. Mais quand on a épuisé toutes les autres possibilités, quels autres mécanismes existent-ils outre ceux qui figurent dans ce projet de loi?

M. Alan Markwart: Nous n'avons pas fait l'expérience des exemples extrêmes que vous donnez, ce qui ne veut pas dire que nous n'avons pas eu de problèmes dans certains cas. Nous serions les premiers à admettre que les programmes et services offerts à ce petit nombre peuvent être améliorés et devraient l'être.

De façon générale, nous estimons que les mécanismes judiciaires actuels dans les provinces peuvent régler ce problème. La province songe d'ailleurs actuellement à se doter d'une loi en matière de soins en milieu surveillé. Si cela se concrétise, nous disposerons alors d'un autre outil pour cette question.

Le président: Merci beaucoup, monsieur MacKay.

M. John McKay a maintenant la parole.

M. John McKay: Merci, monsieur le président.

Je voulais vous poser une question au sujet du point que vous avez soulevé sur les critères relatifs à l'ordonnance d'assujettissement ou de non-assujettissement aux peines pour adultes. Vous avez proposé que la protection de la société soit un des critères examinés.

Je vous reporte à l'article 72 qui, à mon avis, est l'essence de votre question. On y lit ce qui suit:

    le tribunal pour adolescents tient compte de la gravité de l'infraction et des circonstances de sa perpétration et de l'âge, de la maturité, de la personnalité, du degré de responsabilité, des antécédents et des condamnations antérieures de l'adolescent [...]

et il énonce ensuite le reste des critères. Il renvoie bien sûr à l'article 37 du projet de loi, où sont énoncés l'objectif et les principes de détermination de la peine, à savoir la protection de la société.

Je me demande pourquoi vous proposer cet ajout parce qu'une fois que la peine a été déterminée—et je dirais que la protection de la société doit comprendre les circonstances de l'infraction et le degré de responsabilité—, pensez-vous vraiment que l'on doit ajouter la protection de la société aux critères en cause? Il en est déjà question de façon implicite dès le début et il en est certainement question dans le prononcé de la peine, car c'est l'expression qui ressort le plus de l'article 37.

• 1250

M. Alan Markwart: C'est une façon terriblement obtuse de dire qu'il est question de la protection de la société. Cependant, la réalité, c'est que les critères sont très spécifiques en ce qui concerne le degré de responsabilité. Il reste à savoir de quelle manière les tribunaux interpréteront ces considérations très larges. Quant à nous, nous sommes d'avis que la loi doit être absolument claire.

M. John McKay: Vous lisez donc l'article 37 dans l'article 72?

M. Alan Markwart: On peut le faire, ou ne pas le faire.

M. John McKay: Conséquences significatives, protection de la société, etc. Vous mettriez cela dans les critères?

M. Alan Markwart: Peut-être bien. Elles sont là. Le projet de loi traite de l'objectif et des principes. Cela étant dit, les critères sont clairs en ce qui concerne... On passe du général au particulier.

M. John McKay: J'en conviens.

M. Alan Markwart: Notre point de vue, c'est pourquoi laisser planer un doute?

M. John McKay: Ma deuxième question a trait au témoignage que l'on entend souvent, à savoir que le Québec fait les choses tellement mieux que nous en ce qui concerne le traitement du système pénal pour les adolescents. Il me semble que vous êtes particulièrement bien placé pour juger, si vous voulez, cette affirmation qui semble faire l'unanimité ici. À mon avis, les taux d'inculpation sont nettement différents au Québec par rapport au reste du pays. J'ai aussi l'impression que le résultat n'est pas très différent.

Je m'intéresse à vos observations sur la façon dont le Québec gère son système de justice, comparativement aux autres provinces.

M. Alan Markwart: Je m'abstiendrai respectueusement de faire des observations sur le système du Québec. Je connais certes un peu ce dernier, mais pas assez, de sorte qu'il ne convient pas que je fasse des comparaisons.

Le président: Merci beaucoup.

M. Cadman a une courte question à poser.

M. Chuck Cadman: Ma question s'adresse à M. DeBoer, je suppose. Pensez-vous qu'en faisant passer les dispositions du transfert à l'audience de détermination de la peine, on raccourcira le processus actuel ou pensez-vous que la situation sera sensiblement la même, à la différence qu'il y aura de longues et interminables audiences à l'audience de détermination de la peine plutôt qu'à l'audience sur le transfert?

M. Alan Markwart: Nous pensons que le processus sera plus court parce qu'il faut maintenant tenir toute une série d'audiences de transfert. C'est un processus fort long. Il se déroule souvent durant des mois, et il est suivi d'appels. Une fois transféré, l'intéressé peut faire l'objet d'une audience préliminaire, puis d'un procès. Avec le processus après-jugement, tout cela est vraiment raccourci. Il n'y a pas d'audience de transfert. Il y aurait immédiatement une audience préliminaire, puis un procès pour déterminer la culpabilité de l'accusé; tout cela serait suivi du processus de transfert qui serait, en fait, équivalent à un processus de détermination de la peine.

Le président: Avec l'indulgence du comité, je voudrais poser moi-même quelques questions aux témoins.

Il a été fait allusion à deux ou trois reprises à la confiance du public envers l'ancienne Loi sur les jeunes contrevenants et au fait que nous devons régler le problème. Je voudrais explorer cela un peu plus depuis que vous avez soulevé la question.

D'abord, convenez-vous que le taux d'incarcération des jeunes au Canada est relativement élevé?

M. Alan Markwart: Non. Je sais qu'on cite souvent une étude selon laquelle le taux d'incarcération des jeunes est deux fois plus élevé au Canada qu'aux États-Unis. Franchement, cette étude n'est pas très bien faite du tout, pour une variété de raisons. Je vous en donnerai trois.

La première, c'est que c'est une comparaison de la proportion de jeunes qui viennent en contact avec la police et qui sont incarcérés dans les deux pays. Le chercheur a conclu, en ce qui concerne les jeunes qui ne sont pas mis en accusation au Canada, que les données ne sont pas fiables à cet égard—et je suis d'accord là-dessus—, qu'il n'y avait pas de jeunes... que la police n'exerce pas son pouvoir de discrétion. Et cela est à l'origine d'une conclusion erronée.

• 1255

Ensuite, il n'est pas fait mention de ce qu'est ou n'est pas l'incarcération dans les deux pays. Certes, la garde en milieu ouvert, que ce soit des foyers collectifs, voire des familles d'accueil, serait considérée aux États-Unis comme une solution de rechange à la détention.

Enfin, et c'est un élément important, il n'était pas question des dispositions d'assujettissement à un tribunal pour adultes.

On estime que quelque 200 000 jeunes de moins de 18 ans sont jugés par les tribunaux pour adultes aux États-Unis, soit beaucoup plus qu'au Canada. J'ai fait des calculs et, si tous nos jeunes étaient jugés par les tribunaux pour adultes dans la même mesure qu'aux États-Unis, il n'y aurait personne en détention en Colombie- Britannique, tous seraient dans le système pour adultes.

Le président: Ma comparaison ne se limitait pas aux États- Unis. Mais vous avez fait valoir votre point de vue. Votre réponse serait sans doute la même, même si...

M. Alan Markwart: Il y a des variations au Canada également, comme vous le savez, mais je pense qu'il est généralement convenu que nos taux d'incarcération sont, notamment par rapport à l'Europe, plus élevés. Et il en va de même du système pour adultes.

Le président: La raison pour laquelle je pose la question, c'est qu'il a été fait allusion à la confiance du public. Je pense que vous avez mentionné le fait que certaines opinions du public se sont forgées à partir du tapage occasionné par quelques cas hautement médiatisés. Par conséquent, j'en conclu que vous pourriez être d'avis que le problème de la confiance du public n'est pas nécessairement bien fondé. Est-ce juste?

M. Alan Markwart: Oui et non. Je ne pense pas qu'il y ait de réponse nette.

Je pense qu'il existe un certain nombre de cas hautement médiatisés qui ont été portés à l'attention du public et que des préoccupations ont été soulevées quant à savoir si les intéressés étaient assujettis à un tribunal pour adultes ou s'ils avaient reçu une peine adéquate. Le public est d'avis que cela n'a pas été une solution adéquate. Le problème est le suivant—et le public pourrait avoir raison ou ne pas avoir raison à cet égard; je ne me prononcerai pas là-dessus—, ce qui est arrivé, c'est que, de façon générale, ce sont les seuls cas dont le public a entendu parler, de sorte qu'il en vient souvent à la conclusion que cela s'applique à l'ensemble du système de justice pour les adolescents, alors qu'en réalité les autres 98 p. 100 marchent très bien merci.

Le président: Je vous entraîne sur la voie que nous suivons tous, à savoir celle qui a trait au fait que nous essayons de mettre en équilibre la confiance du public et l'hypothèse inhérente selon laquelle une foule de conclusions sont tirées sur le modèle de celles que vous avez décrites et, par conséquent, en tant que concepteurs des politiques gouvernementales, nous devons faire preuve d'une grande prudence quand il est question de l'exigence relative à la confiance, par opposition à de bonnes décisions d'intérêt public bien informées. Outre le fait de partager notre point de vue du problème, nous recherchions une sorte de solution. Mais je ne sais pas si nous l'obtiendrons aujourd'hui, et cela n'a rien à voir avec la qualité des témoins.

J'ignore si M. MacKay a une autre question à poser, sinon...

M. Peter MacKay: J'avais une question à poser qui remonte à votre toute première et principale préoccupation au sujet du financement du programme. Quels programmes d'ensemble seront différemment financés en vertu de l'article 155 du projet de loi, comparativement à l'article 70 de l'ancienne loi?

Le concept est fondamentalement le même, c'est-à-dire qu'il y aura partage des frais. Si je me reporte à l'article 155 du projet de loi, comparativement à l'article correspondant de l'ancienne Loi sur les jeunes contrevenants, il y est question de programmes, de partage des frais. Il n'y a rien de vraiment nouveau.

• 1300

M. Alan Markwart: Le partage des frais dans le cadre de l'ancien programme était un arrangement très complexe, mais, de façon générale, il s'appliquait à tous les services: services de garde en milieu fermé, garde en milieu ouvert, services communautaires, etc.

Le nouveau processus de partage des frais n'est pas vraiment lié à la disposition du projet de loi; il est lié aux négociations administratives entre les niveaux de gouvernement. Le gouvernement fédéral a en fait institué un partage des frais visant certains types de programmes en particulier: déjudiciarisation, mesures de rechange, solutions de rechange à la détention, etc.

En général, nous souscrivons à la position voulant que nous devrions destiner le financement à certains types de programmes, pourvu que le principe du partage égal des dépenses ne soit pas compromis. C'est la question clé pour nous.

M. Peter MacKay: Et ce principe—corrigez-moi si j'ai tort—était simplement en l'air auparavant. La loi ne prévoyait pas que le partage devait être à parts égales.

M. Alan Markwart: Non.

M. Peter MacKay: Telle était l'intention initiale au moment de la présentation de la Loi sur les jeunes contrevenants.

M. Alan Markwart: C'est exact.

M. Peter MacKay: Par conséquent, rien de nouveau ne garantit un partage égal.

M. Alan Markwart: Non.

M. Peter MacKay: Et ce serait induire les gens en erreur que d'affirmer le contraire. Même avec ce nouveau financement, on ne s'approchera pas du partage égal.

M. Alan Markwart: Pas le moins du monde.

M. Peter MacKay: Même avec le financement de transition. Pas le moins du monde?

M. Alan Markwart: Non.

M. Peter MacKay: Merci.

Le président: Merci beaucoup, messieurs Markwart et DeBoer. Nous vous remercions des informations que vous nous avez données au sujet de ce très important projet de loi.

Je remercie en outre les membres du comité de leur attention. Je souligne encore une fois que personne ne s'est endormi. Merci beaucoup.

Des voix: Oh, oh!

Le président: La séance est levée.