NDVA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON NATIONAL DEFENCE AND VETERANS AFFAIRS
COMITÉ PERMANENT DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES ANCIENS COMBATTANTS
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 7 décembre 1999
Le président (M. Pat O'Brien (London—Fanshawe, Lib.)): Je déclare ouverte la séance du Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants. Avant de donner la parole aux témoins, j'aimerais indiquer à mes collègues qu'il semble bien que notre projet de voyage aux États-Unis, vers la troisième semaine de janvier, va se réaliser. Je vais demander demain au comité d'approuver officiellement le budget. L'horaire du voyage sera très chargé, c'est certain. Nous avons un certain nombre de personnes à rencontrer et d'endroits à visiter. Dès que j'aurai obtenu l'approbation nécessaire, je vous le ferai savoir. Si vous êtes intéressés à faire ce voyage, veuillez l'indiquer par écrit au greffier le plus tôt possible. Je pense qu'il a envoyé ou va envoyer une note de service à ce sujet—en fait, la note a été envoyée aujourd'hui.
Nous envisageons de voyager à bord d'un avion militaire pour permettre au plus grand nombre de membres de participer. De plus, des membres pourraient utiliser certains des points de déplacement qu'ils ont accumulés. Cela nous aiderait à obtenir la plus grande participation possible. Je pense que c'est un projet valable, que nous espérons mener à bien.
M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.): Quand serons-nous informés?
Le président: Je vais rencontrer le comité demain et, si j'obtiens l'approbation demandée, je devrais pouvoir vous en donner des nouvelles à la réunion de jeudi. Bien sûr, si vous pouvez encourager vos leaders à la Chambre à approuver cette démarche... Parce que le comité a décidé à l'unanimité qu'il s'agissait d'un voyage utile. Nous ne devrions pas rater l'occasion qui nous est donnée, pendant le congé de la Chambre, d'aller rencontrer des gens et de faire des visites. Ce serait donc utile que vous en parliez à vos leaders à la Chambre, pour éliminer un obstacle de plus. Mais je vous dirai jeudi si...
M. Art Hanger: J'ai déjà parlé à mon leader.
Le président: Parfait. Donc, jusqu'ici, les choses s'annoncent bien.
Cela dit, j'aimerais souhaiter la bienvenue aujourd'hui à M. Greg Somers de Osler, Hoskin & Harcourt ainsi qu'à M. Paul Conlin. Messieurs, je vous laisse faire une déclaration, après quoi nous vous poserons des questions.
M. Gregory Somers (associé, Affaires réglementaires, droit public, Osler, Hoskin & Harcourt): Merci beaucoup monsieur le président. Je suis heureux d'avoir l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui. Comme vous l'avez dit, je m'appelle Greg Somers et j'exerce le droit dans le domaine des acquisitions dans le cabinet d'avocats Osler, Hoskin & Harcourt, avec mon collègue Paul Conlin.
Aujourd'hui, j'aimerais formuler quelques observations sur les recours dont disposent les fournisseurs éventuels de l'État quand les politiques ou les règles établies en matière d'acquisition n'ont pas été respectées.
Le processus d'adjudication publique est régi par toute une série de mesures, à commencer par la politique du Conseil du Trésor sur les marchés, qui en quelque sorte chapeaute le processus d'acquisition. Il y a aussi les règlements régissant la passation des marchés, l'Accord de libre-échange nord-américain, l'Accord sur le commerce intérieur et, plus récemment, l'Accord de l'OMC sur les marchés publics. Tous ces traités et toutes ces mesures législatives sur l'acquisition prévoient des seuils minimums, indiquent les ministères visés ou non et prévoient des exceptions dont le gouvernement peut se prévaloir dans l'intérêt de la sécurité nationale, pour protéger les droits de propriété intellectuelle, quand un seul fournisseur est en mesure de répondre aux besoins, et en cas d'urgence. Sauf dans ces cas d'exception, les ministères visés sont tenus de lancer un appel d'offres assujetti aux règles prévues dans la loi ou dans les traités cités.
En tant qu'avocats spécialisés dans les marchés publics, nous nous occupons des poursuites et des plaintes des fournisseurs éventuels. D'après notre expérience, il y a trois situations qui amènent habituellement un fournisseur éventuel à déposer une plainte.
La première, c'est quand un fournisseur qui estime pouvoir répondre à l'appel d'offres n'est pas invité à soumissionner, ce qui se produit quand un contrat est attribué à un fournisseur exclusif.
Dans la deuxième situation, le fournisseur est invité à soumissionner, mais il ne peut le faire à cause de la façon dont l'appel d'offres est conçu, qui l'empêche de répondre aux conditions du contrat.
Dans la troisième situation, qui est probablement la plus fréquente, un ministère a lancé un appel d'offres, mais un fournisseur estime que son offre a été injustement évaluée ou qu'un concurrent a obtenu le contrat même s'il ne répondait pas aux spécifications fédérales.
• 1535
Quand un ministère, comme dans le premier cas dont j'ai parlé, décide
d'attribuer le contrat à un fournisseur exclusif, sans lancer d'appel
d'offres donc, il publie habituellement un préavis d'adjudication de
contrat, ou PAC. Je crois comprendre qu'un représentant du Bureau du
vérificateur général viendra bientôt vous parler du récent rapport
publié sur le recours aux PAC, et je ne veux donc pas trop vous en
dire là-dessus, mais nous avons étudié le rapport et je peux dire,
franchement, que ses conclusions ne vont pas vraiment surprendre les
fournisseurs qui s'adressent à nous. Essentiellement, le vérificateur
général a constaté que, dans l'échantillon étudié, les PAC sont
utilisés en grande partie pour vérifier si l'attribution d'un contrat
à un fournisseur exclusif serait contestée plutôt que pour informer
les fournisseurs qu'on envisage d'attribuer le contrat conformément à
l'une des exceptions permises, que j'ai énumérées un peu plus tôt.
Les fournisseurs peuvent réagir à un PAC en affirmant pouvoir remplir le contrat, mais c'est assez rare qu'ils le fassent. Il est encore plus rare qu'on réussisse à faire revenir le ministère sur sa décision d'attribuer un contrat à un fournisseur exclusif. C'est habituellement quand son offre a été rejetée qu'un fournisseur communique avec nous pour se renseigner sur la possibilité de contester le processus, le temps et les efforts requis et les coûts à engager.
Un fournisseur se plaint aussi quand il vient de recevoir les documents d'appel d'offres et estime qu'ils ont été conçus pour un fournisseur en particulier parce qu'ils définissent trop précisément les exigences ou les compétences nécessaires pour obtenir le contrat.
Un fournisseur éventuel porte aussi plainte, et c'est probablement le cas le plus fréquent, quand il a présenté une offre sans succès. Au cours de la séance d'information organisée par le ministère après l'attribution du contrat, le fournisseur découvre pourquoi il ne l'a pas obtenu et conclut que l'évaluation des soumissions n'a pas été effectuée conformément aux documents d'appel d'offres. À cette étape, le fournisseur a le choix de contester le processus ou d'accepter la décision et de passer à autre chose. Avant de prendre sa décision, il doit mettre en balance le coût du contrat perdu et le fait de s'aliéner l'estime probablement de son plus important client, ainsi que le temps et l'énergie que la compagnie devra consacrer à cette poursuite quand elle pourrait soumissionner d'autres contrats, la somme qu'il pourra récupérer et le coût de la poursuite. La majorité des plaintes ne dépassent pas cette étape.
Peu importe le mérite de la cause, le processus n'incite pas vraiment à respecter les règles en matière d'acquisition. Seulement un très faible pourcentage des griefs sont réglés. Si un fournisseur décide de contester l'attribution d'un contrat à un fournisseur exclusif, il doit déposer sa plainte au Tribunal canadien du commerce extérieur. À ce stade, le fournisseur peut demander au tribunal d'émettre une demande de suspension d'adjudication. Le tribunal accède habituellement à sa demande pour empêcher qu'une adjudication fautive suive son cours. Cependant, le ministère peut réagir de deux façons. Il peut, même si c'est contraire à la politique, attribuer le contrat à la hâte, avant l'émission de l'ordonnance de suspension, ou il peut écrire au tribunal pour lui attester qu'il n'est pas dans l'intérêt public de retarder l'attribution du contrat. Le tribunal doit accepter cette déclaration, et le ministère n'a pas de raison à donner; il est donc très difficile de porter plainte.
Selon nous, des raisons ou des justifications devraient être données pour que ce recours ait un certain fondement. Idéalement, la prétention d'un préjudice causé par le retard dans l'attribution du contrat pourrait être examinée par le tribunal. Le tribunal à des délais précis à respecter, et le retard ne dépasse habituellement pas plus de 90 jours, et peut même être limité à 45 jours.
Enfin, quand un plaignant obtient gain de cause, le tribunal est en mesure de lui accorder le remboursement des coûts de préparation de sa soumission et des coûts qu'il a engagé pour contester la procédure fautive. Et quand on conteste l'attribution d'un contrat à un fournisseur exclusif, il n'y a pas de coûts liés à la préparation de la soumission bien sûr, parce qu'il n'y a pas eu d'appel d'offres. De plus, le tribunal peut recommander qu'un plaignant qui a gain de cause reçoive les profits qu'il aurait faits s'il avait obtenu le contrat, si c'est possible à évaluer. Malheureusement, dans le calcul de ces coûts, le tribunal divise la valeur du contrat par le nombre de soumissionnaires éventuels, qu'ils aient contesté l'attribution du contrat ou non, pour établir le pourcentage des profits, ce qui réduit les profits récupérés par le fournisseur éventuel à une fraction de ce qu'ils auraient été en réalité.
Ce sont les deux changements que nous aimerions qu'on apporte au processus sans modifier les règles d'acquisition.
En entendant vos questions, voilà ce que nous voulions faire valoir au comité.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Somers. Nous allons maintenant passer aux questions.
D'abord, j'aimerais signaler le retour parmi nous de M. Hanger, qui s'est absenté pendant quelques semaines pour des raisons de santé, ainsi que la présence de notre collègue M. Laurin. Je crois comprendre que sa voiture est en mauvais état, mais nous sommes contents de le revoir. Bon retour à nos deux collègues de l'opposition.
Nous allons commencer par M. Hanger, qui dispose de sept minutes.
M. Art Hanger: Merci monsieur le président.
M. Janko Peric (Cambridge, Lib.): Monsieur le président, j'aimerais signaler à René que les meilleures voitures au Canada sont fabriquées à Cambridge; ce sont les Toyota Corolla. Ce sont de très bonnes voitures, très fiables. Je vous les recommande.
Le président: Je pourrais lui recommander une LAV qui est fabriquée par General Motors dans ma circonscription.
Des voix: Oh, oh!
Le président: Je ne vais surtout pas calculer ces remarques dans le temps dont dispose M. Hanger.
Art, nous allons commencer avec vous.
M. Art Hanger: Merci monsieur le président.
J'ai une question à poser au sujet d'un problème passé qui va se répercuter dans l'avenir, celui de l'annulation du contrat d'acquisition des hélicoptères EH-101. Quelles lois a-t-on enfreint pour annuler ce contrat? En fait, a-t-on enfreint des lois?
M. Gregory Somers: Quand le processus d'acquisition est contesté, on décide souvent de régler le problème en annulant l'appel d'offres pour en lancer un autre. Conformément aux accords ou aux traités dont je parle, je ne pense pas qu'on ait enfreint de loi dans ce cas.
M. Art Hanger: On a bien dû enfreindre une règle quelconque. Si vous ne voulez pas parler précisément des hélicoptères EH-101, quand un appel d'offres est lancé, qu'un contrat est conclu et que les travaux ont commencé, une indemnisation sera sûrement accordée et le tribunal va assurément examiner le processus. Un tribunal a-t-il été chargé d'examiner l'annulation du contrat?
M. Gregory Somers: Non, à ce que je sache, aucun tribunal n'a été chargé d'examiner les circonstances particulières de ce contrat. L'ALENA, l'Accord sur le commerce intérieur et l'Accord sur les marchés publics de l'OMC prévoient l'annulation d'un appel d'offres qui comporte des erreurs. Cela ne suppose pas qu'on a droit à des dommages-intérêts. Si une erreur a été commise dans le processus d'acquisition ou que des règles ont été enfreintes, il pourrait y avoir matière à poursuite, comme vous l'avez dit, pour la personne qui a entrepris le travail, pour les pertes, les coûts ou les dommages subis, mais ce serait un motif d'action différent.
Pour ce qui est du régime d'acquisition, le moindre des maux continue d'être, selon les traités, de retirer l'appel d'offres, de le corriger et de le lancer à nouveau. De cette façon, la possibilité pour le fournisseur de faire concurrence est réputée avoir été préservée.
M. Art Hanger: Ce dossier a toujours été plutôt intéressant, parce que des montants considérables ont été versés après coup. J'ai soulevé la question quand j'étais en Australie: une pareille situation pourrait-elle se produire là-bas, par exemple qu'un marché soit adjugé, que les travaux prévus soient entamés et que le gouvernement annule tout? Leur réponse très brève a été non, c'est contre la loi d'agir ainsi. En d'autres mots, il est illégal de le faire; le faire entraînerait d'autres répercussions.
M. Gregory Somers: Selon votre dernière déclaration, une rupture de contrat a manifestement des répercussions. De toute évidence, des dommages-intérêts seraient accordés pour indemniser le fournisseur des frais engagés, comme je l'ai déjà mentionné. Je ne suis pas un expert du droit australien, mais, dans la mesure où elle est signataire de l'Accord sur les marchés publics de l'Organisation mondiale du commerce, un traité international multilatéral, l'Australie serait assujettie aux dispositions et, par conséquent, aux recours prévus dans cet accord international, s'il est bien mis en oeuvre. Par ailleurs, le fournisseur s'estimant lésé pourrait invoquer la loi australienne.
M. Art Hanger: Je suppose donc que je n'ai pas vraiment l'assurance qu'une telle résiliation enfreindrait une loi particulière, mis à part une rupture de marché d'acquisition, où l'on se contente de retirer l'appel d'offres. Cela s'applique-t-il à chaque mesure d'acquisition—la possibilité de retirer l'appel d'offres comme étant le seul désagrément d'une résiliation?
M. Gregory Somers: La rupture de contrat est, selon ce que j'en sais, le seul côté désagréable effectivement.
M. Art Hanger: De sorte que le gouvernement ne s'expose pas à des poursuites?
M. Gregory Somers: Une pareille rupture de contrat entraîne souvent une poursuite. Il faut bien faire la différence entre la rupture de contrat qui relève du common law et la violation d'une loi ou d'un règlement. Le gouvernement, que je sache, ne serait alors pas vulnérable, en termes d'annulation comme vous l'avez décrit.
M. Art Hanger: D'accord.
Ma question suivante concerne l'attribution d'un contrat à un fournisseur unique. Le gouvernement a fait de telles attributions sans qu'un avis d'attribution soit émis.
M. Gregory Somers: Je sais que cela se produit, effectivement.
M. Art Hanger: Qu'en est-il? Cela signifie-t-il que tout est légal?
M. Gregory Somers: Cela signifie qu'on a à tout le moins enfreint la politique du Conseil du Trésor et, peut-être, le règlement d'adjudication de marchés du gouvernement ainsi que la loi de mise en oeuvre de l'ALENA, de l'Accord sur le commerce intérieur ou de l'accord de l'OMC que j'ai mentionné.
Dans d'autres situations où un avis d'attribution est publié, il n'est peut-être pas affiché sur le système d'appel d'offres électronique—le MERX, comme on l'appelle—pour une période suffisamment longue. La politique exige que l'avis soit affiché pendant 15 jours lorsque le contrat a une valeur de tant de dollars et ainsi de suite. Il arrive que l'avis ne soit pas affiché aussi longtemps et que le contrat soit adjugé à un fournisseur unique avant l'échéance des 15 jours.
M. Art Hanger: D'accord. De quels recours disposent les concurrents, les concurrents éventuels ou quiconque estime qu'il devrait pouvoir soumissionner?
M. Gregory Somers: À ce stade-là, que le marché ait été adjugé ou pas, il pourrait probablement déposer une plainte et entamer la procédure que j'ai décrite auprès de la Cour fédérale ou du Tribunal canadien du commerce international et alléguer que l'exception invoquée par le gouvernement pour attribuer le contrat à un fournisseur unique n'est pas valable dans les circonstances, qu'il faudrait que le marché soit mis de côté et qu'il y ait appel d'offres de manière que l'État en obtienne plus pour son argent.
Le président: Monsieur Hanger, je vous remercie. On vous posera d'autres questions au deuxième tour de table.
[Français]
Monsieur Laurin, s'il vous plaît, cinq minutes.
M. René Laurin (Joliette, BQ): Monsieur le président, permettez-moi d'abord de prendre 30 secondes pour vous remercier, ainsi que tous les autres membres du comité, de m'avoir fait parvenir un petit mot gentil à l'occasion de mon malheureux accident. C'est la première fois que cela m'arrive et cela m'a permis de constater jusqu'à quel point cela peut faire plaisir de recevoir un mot de ses collègues dans des circonstances semblables. Je veux vous faire partager cette petite joie que vous m'avez procurée. Ne manquez pas de répéter ce geste à l'avenir pour d'autres qui seraient dans le même malheur. Cela fait vraiment du bien.
Je m'adresse maintenant au témoin, monsieur le président. Je voudrais revenir à la question des contrats uniques. Dans votre façon de présenter le problème, vous semblez dire que le gouvernement pourrait, par ses agissements, faire en sorte que plusieurs fournisseurs soient exclus à cause de ses critères trop sévères. Pourriez-vous vous nous donner un exemple?
M. Gregory Somers: Oui, je le peux. Je crois vous avoir bien compris, mais je voudrais répondre en anglais si vous me le permettez.
[Traduction]
Les termes techniques m'échappent en français. Vous m'en voyez navré.
Ce n'est pas pour l'attribution de contrats à un fournisseur unique que le cahier des charges est trop précis. Cela se produit lorsque le gouvernement limite trop l'admissibilité, par exemple—j'exagère—que l'entreprise dont le nom commence par la lettre X et qui a des consultants répondant aux critères Y et Z sera admissible à soumissionner. Le ministère rédige les exigences de manière si pointue qu'en dépit du fait que l'appel est ouvert à tous les Canadiens, seul un fournisseur répond à toutes les exigences.
• 1550
Cela revient à violer les traités que j'ai déjà mentionnés et qui
prévoient que les exigences ne seront pas si pointues qu'elles auront
pour effet d'exclure la véritable concurrence à moins qu'il n'y ait un
besoin particulier qui ne laisse aucune marge de manoeuvre.
Si c'est une oeuvre de Picasso qu'il vous faut, il ne suffit pas de dire que vous avez besoin d'un tableau qui donne l'impression qu'on a marché dessus. Il vous faut ce peintre particulier, par exemple, et vous devez donc rédiger vos exigences de manière très pointue. Cependant, si vous n'avez besoin que de décorer le mur, il n'est pas nécessaire de rédiger les exigences de telle manière qu'un seul fournisseur peut y satisfaire.
[Français]
M. René Laurin: Cela veut dire que le ministère pourrait intervenir sur deux tableaux: il pourrait avoir des critères très précis ou bien sur l'expertise du fabricant, ou bien sur le produit à fabriquer.
[Traduction]
M. Gregory Somers: Vous avez parfaitement raison.
[Français]
M. René Laurin: S'il y a trois fabricants et qu'on veut en exclure deux, il suffit de dire qu'aucun des fabricants ayant moins de 20 ans d'expérience ne sera admis à soumissionner, sachant qu'il y en a un seul qui a plus de 20 ans d'expérience. Cela pourrait être une façon d'en exclure certains.
[Traduction]
M. Gregory Somers: C'est fort juste.
[Français]
M. René Laurin: Et on pourrait avoir des exigences semblables pour le produit. Pourriez-vous nous donner un exemple de cas où cela s'est fait? Croyez-vous simplement que cela peut se faire? Il est difficile d'affirmer des choses en toute certitude dans ce domaine.
[Traduction]
M. Gregory Somers: Oui. Malheureusement, les exemples qui me viennent immédiatement à l'esprit sont des cas précis dans lesquels j'agissais comme conseil auprès d'une ou de l'autre partie à un litige qui n'a pas été soumis à l'arbitrage et qui ne fait pas partie du domaine public. Par conséquent, je ne puis en parler.
[Français]
M. René Laurin: Avez-vous une idée des montants que peut représenter cette façon de procéder? Quelles sommes est-ce que cela peut impliquer à la fin d'une année?
[Traduction]
M. Gregory Somers: Étant donné que, d'après nos prévisions, bien moins de 10 p. 100 des cas sont réellement contestés et soumis à l'arbitrage, il serait très difficile d'avancer un chiffre. Je n'ose même pas commencer à évaluer les contrats ainsi attribués.
[Français]
M. René Laurin: Le vérificateur général, dans son rapport, faisait allusion à un montant représentant de 25 à 30 p. 100 des contrats. Sur des contrats de 10 milliards de dollars octroyés la Défense nationale, il y en a pour environ 3 milliards de dollars qui sont habituellement octroyés sans appel d'offres.
[Traduction]
M. Gregory Somers: Oui.
[Français]
M. René Laurin: Lorsque c'est fait sans appel d'offres, on choisit forcément le fournisseur qu'on veut.
[Traduction]
M. Gregory Somers: C'est juste.
[Français]
M. René Laurin: Combien peut coûter le fait de procéder de cette façon? En avez-vous une idée?
[Traduction]
M. Gregory Somers: À nouveau, je serais incapable de vous donner une valeur, en dollars. Une des difficultés réside dans le fait que, lorsqu'un contrat est attribué à un fournisseur unique, il n'est pas soumis aux lois du marché, de sorte qu'on ignore sa valeur réelle. Manifestement, les soumissionnaires inscrivent dans leurs offres un montant estimatif qui aura tendance à faire baisser la valeur du contrat. En effet, ces personnes sont conscientes que, si elles font une offre supérieure à celle d'un concurrent, elles n'obtiendront pas le contrat. La procédure d'attribution de contrat à un fournisseur unique a donc tendance à gonfler la valeur des contrats ainsi attribués.
[Français]
M. René Laurin: Un contrat de 2,8 milliards de dollars a été accordé à Bombardier comme fournisseur unique, et le vérificateur général en a parlé. Évidemment, c'était assez particulier, puisqu'il s'agissait d'un domaine où Bombardier est peut-être le seul fabricant. Est-ce un des cas dont vous pourriez parler? Est-ce qu'on aurait pu procéder autrement et ne pas faire appel à une fournisseur unique dans ce cas-là? Avez-vous des commentaires à faire à ce sujet?
M. Gregory Somers: Il est difficile de savoir si les règles s'appliquent ou même quelles règles s'appliquent quand on ignore le ministère qui commande le produit ou les produits particuliers visés. Habituellement, cependant, il faudrait qu'un contrat de cette importance, c'est-à-dire une très grosse commande, respecte toutes les exigences de tous les traités. En fait, aux termes de l'accord sur l'Organisation mondiale du commerce, il dépasse de loin les critères exigeant qu'on accorde le traitement national ou le traitement de la nation privilégiée autant aux fournisseurs internationaux qu'aux fournisseurs canadiens.
C'est l'un des engagements qu'a pris le Canada lorsqu'il a signé l'Accord sur les marchés publics de l'OMC, soit d'accorder le même traitement aux fournisseurs internationaux qu'il accorde aux fournisseurs canadiens, sous réserve de certaines règles.
[Français]
M. René Laurin: Qu'est-ce que vous pourriez nous recommander pour éviter qu'il y ait abus dans ce domaine? Vous ne pouvez pas me dire si on épargne ainsi de l'argent ou si cela nous coûte plus cher. Si vous ne pouvez pas nous le dire, ce n'est peut-être pas une mauvaise chose qu'on procède de cette façon. C'est peut-être une bonne chose, mais d'après votre témoignage, je ne suis pas en mesure de dire si on devrait blâmer ou féliciter le gouvernement d'agir comme cela.
M. Robert Bertrand (Pontiac—Gatineau—Labelle, Lib.): Tu peux nous féliciter, René.
M. René Laurin: Oui, probablement. Si ce n'est pas une bonne méthode, qu'est-ce que vous nous suggérez de recommander au gouvernement?
[Traduction]
M. Gregory Somers: Ce sont les fournisseurs éventuels qui en savent le plus au sujet de ce qui se passe, qui connaissent le mieux le système. Il est forcément dans leur intérêt de le surveiller pour faire en sorte qu'il n'y ait pas d'abus, de tenter d'obtenir un redressement, de signaler ce genre de choses. Avant que le vérificateur général n'en fasse état dans son rapport sur les fournisseurs uniques, on ne connaissait pas publiquement l'ampleur du phénomène. En l'absence d'une explication sur le plan de la politique, en fait en violation du règlement, le degré d'attribution de contrats à des fournisseurs uniques était inconnu, sauf chez les fournisseurs eux-mêmes.
Pour décourager ce genre d'activité, il faudrait donner de réels recours aux fournisseurs, que ça vaille la peine pour eux de contester l'activité du ministère. Au début, il y aurait peut-être un accroissement du nombre de litiges, mais très rapidement, les deux parties s'habitueraient aux sanctions exécutoires prévues.
Cela aurait tendance à accroître les possibilités pour l'État de faire baisser la valeur des contrats et de connaître la valeur marchande de ce qui est acquis par opposition au moyen plus rapide et peut-être plus facile qui consiste à adjuger le contrat au fournisseur que l'on connaît ou auquel on est habitué, qui a déjà un contrat chez nous ou qui se trouve à être apparenté, d'une façon ou d'une autre.
Les sanctions ont donc besoin d'être musclées, et il faut qu'elles aident les fournisseurs plutôt que de les pénaliser.
[Français]
Le président: Merci, monsieur Laurin.
[Traduction]
C'est maintenant au tour du parti ministériel de poser des questions.
[Français]
Monsieur Bertrand, avez-vous des questions?
M. Robert Bertrand: Merci beaucoup, monsieur le président. J'ai quelques courtes questions.
Parlons des contrats accordés à un fournisseur unique. M. Laurin a parlé tout à l'heure du contrat qui avait été accordé à Bombardier pour l'école d'aviation de l'OTAN, à Moose Jaw. Est-ce qu'il y a des gens qui n'étaient pas d'accord sur l'octroi de ce contrat? Est-ce que votre cabinet d'avocats suit le processus de très près? Quand vous voyez qu'un entrepreneur n'est pas d'accord, est-ce vous qui entrez en contact avec lui ou si c'est lui qui entre en contact avec vous?
[Traduction]
M. Gregory Somers: Habituellement, il y a de nombreux litiges de ce genre en cours ou susceptibles de le devenir. Le fait de constater une iniquité et d'entrer en contact avec un client soulève aussi une question d'éthique. De plus, on nous demande d'examiner une question.
Il ne faut pas oublier que certains genres d'acquisition du ministère de la Défense nationale ne sont pas visés par les sanctions dont j'ai parlé. Ils sont soustraits au régime pour diverses raisons, prévues dans le traité.
Je ne connais pas personnellement les détails du contrat dont vous avez parlé. Je ne pourrais pas dire si des règles ou des sanctions s'appliquaient en fait, quand a eu lieu l'appel d'offres.
M. Robert Bertrand: Toutefois, dans les dossiers auxquels vous avez travaillé, iriez-vous contre...? Comme vous le savez, la grande majorité des contrats qui sont adjugés, même s'ils sont exécutés pour le compte de la Défense nationale, sont adjugés par Travaux publics. Dans les dossiers auxquels vous avez travaillé, entameriez-vous une poursuite contre Travaux publics, par exemple, ou contre le ministère concerné?
M. Gregory Somers: Typiquement, le ministère de la Défense nationale est ce qu'on appelle l'autorité fonctionnelle et Travaux publics, l'autorité contractante. Travaux publics est l'agent pour tout ce qui concerne le processus d'acquisition. En un certain sens, vous ne poursuivez ni l'un ni l'autre, parce que vous ne... Nous ne parlons pas ici d'une poursuite contre un ministre ou contre un ministère. Il s'agit plutôt d'une plainte à l'égard de la procédure, et vous laissez la Défense nationale et les Travaux publics décider qui va fournir quels documents et quelles personnes ont joué un rôle dans la prise de décision.
Habituellement, particulièrement lorsque vous vous présentez devant le tribunal, qui est la voie que je conseille à mes clients en raison de la relative simplicité du processus et des fortes chances d'obtenir gain de cause, vous déposez votre plainte, le tribunal réunit les faits—le rapport du gouvernement—et vérifie le processus d'acquisition pour les deux ministères.
M. Robert Bertrand: Le faites-vous uniquement dans le cas d'entreprises canadiennes qui soumissionnent pour des contrats canadiens ou, par exemple, le faites-vous aussi pour une entreprise montréalaise qui soumissionne pour un contrat des États-Unis, si les exploitants de l'entreprise estiment qu'ils n'ont pas été...? Ils satisfaisaient aux critères, mais ils ont été exclus en faveur d'une entreprise américaine, par exemple. Prendriez-vous ce dossier en charge, alors?
M. Gregory Somers: Non, parce que ce serait alors des lois américaines qui seraient en cause. Depuis la ratification de l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, le Canada s'est doté d'une procédure établissant les pratiques canadiennes en matière d'acquisition. Le General Accounting Office des États-Unis, à Washington, a en place une procédure comparable qu'il impose aux fournisseurs canadiens, américains ou mexicains qui s'estiment lésés par le système. Ces fournisseurs engageraient un avocat américain, un homologue, parce qu'il connaîtrait les lois et procédures en vigueur aux États-Unis.
M. Robert Bertrand: Qu'en est-il des signataires de l'Accord sur l'OMC? Serait-ce la même chose?
M. Gregory Somers: Oui, c'est juste. Chaque pays est responsable de voir au bon fonctionnement de son régime d'acquisition, et la mise en oeuvre du droit international dans le droit national relève toujours de l'avocat national. C'est à l'avocat national de faire en sorte que toutes les règles sont observées.
Le président: Monsieur Earle.
M. Gordon Earle (Halifax-Ouest, NPD): Merci, monsieur le président.
Comme vous l'avez mentionné au début de votre exposé, monsieur Somers, le processus d'acquisition de matériel de défense engage plusieurs ministères, que vous avez d'ailleurs énumérés: le Conseil du Trésor, le ministère de la Défense nationale comme tel, naturellement, le ministère des Affaires étrangères et du commerce international, Industrie Canada et Travaux publics et Services gouvernementaux Canada. Lorsque nous avons examiné tout le processus, nous avons constaté que, parfois, les problèmes surviennent simplement en raison de la multiplicité des ministères en jeu et des règles, règlements et ainsi de suite différents. Dans vos rapports avec vos clients, avez-vous constaté que ces entreprises comprennent bien les rôles de ces différents ministères et ce qu'ils sont censés faire, et tout le reste? Est-il arrivé que des causes ou des griefs soient dus essentiellement à ce problème particulier, plutôt qu'à une rupture de contrat?
M. Gregory Somers: Voilà une excellente question, mais manifestement il est toujours délicat de demander à un avocat s'il aime que les règlements soient si simples que ses clients peuvent les comprendre sans son aide. Vous avez parfaitement raison. Chaque traité établit un seuil différent. Parfois, le seuil est de 25, de 30 ou de 62. On pourrait prévoir de nombreuses valeurs différentes, en dollars, pour n'en donner qu'un exemple. Le système n'est pas transparent. Dans ce genre de litige, ce n'est pas quelque chose qu'on conteste sans consulter un avocat.
De plus, le processus comporte d'autres désincitatifs qui rendent difficile d'obtenir les conseils d'un avocat avant de l'amorcer, dont le moindre n'est pas le fait que vous ne pouvez pas obtenir de renseignements confidentiels du ministère si vous êtes vous-même un fournisseur. Il vous faut engager un avocat sans lien de dépendance qui examine cette information pour vous, et cet avocat ne peut ensuite vous en parler. Si vous ne le faites pas, vous ne pouvez pas participer à part entière au processus de contestation. Vous ne pouvez pas voir le dossier confidentiel, parce qu'il contient habituellement des renseignements confidentiels au sujet de vos concurrents.
M. Gordon Earle: Je cherchais surtout à savoir si certaines des causes ou des plaintes qui vous ont été soumises étaient le résultat, selon vous, du genre de système complexe qui est en jeu. En d'autres mots, certains de vos clients ont-ils fait appel à vos services simplement parce qu'ils ne connaissaient pas le rôle de chacun des différents ministères? Connaissaient-ils plutôt par coeur ce que faisait chacun des ministères quand ils sont venus vous consulter et pouvaient-ils vous l'expliquer?
M. Gregory Somers: Bon, d'accord, j'avais mal compris le sens de votre question. Je m'en excuse.
Quand quelqu'un fait appel à mes services—c'est habituellement un éventuel fournisseur—, il a presque invariablement eu avec des gens du ministère de nombreux entretiens au cours desquels ils se sont lancé la balle. S'il y a manque de connaissances, c'est plutôt au sein même du ministère, car on me remet la correspondance après coup et on me raconte ce qui s'est passé. Souvent, on connaît mal les exigences de la politique et les règlements. Donc, les complications viennent en fait des ministères mêmes. Les exécutants ne semblent pas être au courant des obligations à respecter.
M. Gordon Earle: Le processus d'acquisition de matériel de défense du Canada est actuellement assujetti à la Politique des retombées industrielles et régionales. En règle générale, je crois qu'on appuie le principe d'une telle politique. Toutefois, avez-vous constaté que cette politique particulière a donné lieu à des griefs? Des clients se sont-ils présentés avec l'impression qu'ils avaient perdu un contrat en raison de la Politique des retombées industrielles et régionales ou s'en plaignaient-ils?
M. Gregory Somers: Non. Je l'affirme, en précisant toutefois que certains types de marché de la défense sont exclus du champ d'application de bien des règles. Les fournisseurs de matériel de défense comme le milieu des fournisseurs connaissent très bien ces règles, car c'est leur gagne-pain. Ils se plaindraient moins probablement, de toute façon, s'ils savaient qu'il n'y a pas de sanction prévue pour l'acte reproché. Même si la politique dont vous avez parlé leur nuisait, ils sauraient qu'ils n'ont pas de véritable recours légal et n'entreraient donc pas en communication avec nous de toute façon.
M. Gordon Earle: Dernier point, si vous me le permettez, d'après votre expérience de travail auprès de personnes qui connaissent le processus d'acquisition, quel est selon vous le point unique qui contribuerait le plus à rendre le processus plus efficace et plus efficient?
M. Gregory Somers: Donnez au tribunal l'autorité voulue pour accorder des dommages-intérêts lorsque les règles ont été enfreintes. Ce pouvoir agirait comme contrepoids.
M. Gordon Earle: Je vous remercie.
Le président: Monsieur Earle, je vous remercie.
Nous allons maintenant entamer un deuxième tour de table. Chaque membre dispose de cinq minutes. M. Hanger sera à nouveau le premier.
M. Art Hanger: Pour reprendre là où s'est arrêté M. Earle et vos dernières observations, prenons le cas de l'annulation du contrat des EH-101. Des dommages-intérêts supérieurs peut-être à ce qui aurait habituellement été obtenu pour une rupture de contrat ont été accordés. Est-ce là selon vous ce qui servirait de contrepoids efficace pour empêcher qu'une pareille situation se reproduise?
M. Gregory Somers: Je classerais cette affaire dans une catégorie à part. Tout d'abord, lors d'une pareille annulation, il faudrait qu'il y ait eu violation des règles avant que le tribunal juge que vous avez droit à des dommages-intérêts. S'il constate qu'il y a eu faute dans le processus d'acquisition, il accorde des dommages-intérêts pour vous indemniser des profits perdus ou des occasions ratées. Ce serait une toute autre procédure que celle de la rupture de contrat et des dommages-intérêts qu'elle entraîne.
M. Art Hanger: Je vous remercie.
J'ai entendu dire—d'autres à cette table l'ont peut-être entendu dire également—que, dans le cas des contrats adjugés à un fournisseur unique, les autres fournisseurs de matériel de défense se plaignent que nul ne veut déposer plainte par crainte d'être exclu du prochain appel d'offres dans le cadre duquel il pourrait peut-être obtenir un contrat de fournisseur unique. On ne déposera donc pas de plainte officielle.
M. Gregory Somers: C'est vrai.
M. Art Hanger: Toutefois, lorsqu'on s'entretient avec beaucoup de petites et moyennes entreprises, surtout dans l'industrie de la haute technologie, on se rend compte qu'elles aimeraient faire partie du processus, mais qu'elles ne sont incluses uniquement comme sous-traitants des grandes entreprises qui ont décroché des contrats de fournisseur unique et qu'elles seraient exclues si elles protestaient trop fort. Il me semble que ce genre de rapport n'est pas bon. Je vous demanderais donc ce qui à votre avis pourrait être fait ou devrait être fait pour rendre le processus un peu plus ouvert.
M. Gregory Somers: Tout d'abord, je précise que dans le secteur de la défense, plus particulièrement de la haute technologie, c'est exactement la crainte, celle de la défection des clients. Comme je l'ai dit tout à l'heure, il s'agit probablement de leur meilleur client, surtout chez les petites entreprises ou les sous-traitants et, parfois, peut-être leur seul client. Ils n'ont donc pas intérêt à se plaindre. Les cas qui se présentent sont probablement des fournisseurs dont c'est le seul client et qui, s'ils n'obtiennent pas le contrat, seront probablement acculés à la faillite. En un certain sens, ils ont moins à perdre s'ils contestent que s'ils ne font rien.
À nouveau, en réponse à la question de M. Earle, j'ai mentionné qu'il fallait donner plus de pouvoir au tribunal. Les contestations dont est saisi le tribunal obtiendront gain de cause, parce que c'est le plus souvent le cas. Cela sensibiliserait le ministère à la nécessité de mieux suivre la procédure. Cela le découragerait de s'en écarter, et nous éviterions ainsi le problème des petits fournisseurs ou des fournisseurs captifs qui doivent décider s'ils poursuivent en justice ou non cet important client.
M. Hart Hanger: À l'heure actuelle toutefois, le facteur de dissuasion en matière de plainte l'emporte sur tout ce qui pourrait être décidé à ce tribunal. Bien sûr, comme vous le faites remarquer, le tribunal n'est pas musclé, si vous voulez. Même s'il devenait plus musclé, même s'il pouvait prélever une... suffisante.
M. Gregory Somers: Une attribution des dépens.
M. Hart Hanger: C'est cela, merci; cela va-t-il vraiment donner la possibilité de présenter officiellement une plainte légitime, sans pour autant que la société ou le plaignant ne se retrouve perdant au bout du compte?
M. Gregory Somers: La situation est la suivante—ces chiffres sont peu scientifiques mais expérientiels—sur 100 attributions de marché, six sont contestées et elles le sont aujourd'hui malgré le fait que l'attribution des dépens soit inadéquate et qu'il y ait très peu de chances de gagner. Il y aura toujours pareilles contestations et les attributions des dépens vont s'améliorer si bien qu'il y aura de moins en moins d'abus de ce genre.
M. Hart Hanger: D'accord.
Le président: Vous vous en êtes tenus à cinq minutes exactement.
[Français]
Monsieur Laurin, cinq minutes.
M. René Laurin: Vous avez mentionné qu'une façon de régler le problème des contrats uniques...
Le président: Monsieur Laurin, je m'excuse,
[Traduction]
mais j'ai oublié nos propres règles. Je dois commencer par ce côté avant de vous revenir. C'est au tour de notre ami M. Clouthier et ensuite, au tour de M. Laurin.
[Français]
M. Hec Clouthier (Renfrew—Nipissing—Pembroke, Lib.): Pas de problème, mon ami.
[Traduction]
Le président: C'est de la faute du président.
Hector, c'est à vous.
M. Hec Clouthier: En ce qui concerne l'attribution d'un contrat à un fournisseur exclusif, avez-vous un chiffre pour le total des contrats attribués, que ce soit au plan monétaire ou simplement sous forme de pourcentage pour 1 000 contrats, par exemple? Combien seraient attribués à un fournisseur exclusif? Avez-vous ces chiffres ou pouvez-vous les citer de mémoire?
M. Gregory Somers: Je crois qu'ils ont été cités par M. Laurin un peu plus tôt, mais sur 10 milliards de dollars, environ 3 milliards de dollars représentent des contrats attribués à un fournisseur exclusif. Le vérificateur général a établi un échantillon scientifique de tout cela.
M. Hec Clouthier: Vous dites donc que cela correspond à près de 30 p. 100.
M. Robert Bertrand: L'école de formation de l'OTAN en fait partie, et c'est la raison pour laquelle...
M. Gregory Somers: Cela en exagère la valeur.
M. Robert Bertrand: Oui.
M. Hec Clouthier: Effectivement.
M. Gregory Somers: Je n'ai rien à dire à ce sujet. Je vous demanderais de vous reporter au rapport du vérificateur général pour y trouver une réponse précise.
M. Hec Clouthier: D'accord, mais n'est-ce pas par suite directe d'urgences comme la tempête de verglas et le chablis que l'on a recours à beaucoup de contrats attribués à un fournisseur exclusif? Dans ma circonscription de Renfrew—Nipissing—Pembroke, où le MDN a beaucoup d'activités, des contrats ont été attribués à un fournisseur exclusif l'été dernier par suite du chablis, et 18 mois auparavant par suite de la tempête de verglas. Ne serait-ce pas le cas dans la plupart des contrats attribués à un fournisseur exclusif?
M. Gregory Somers: Permettez-moi de nouveau de vous renvoyer au vérificateur général qui en a établi un échantillon. D'après son rapport, lorsqu'une urgence exige l'attribution d'un contrat à un fournisseur exclusif... et il s'agit de situations comme celles dont vous faites mention qui exigent, comme il se doit, l'attribution de contrat à un fournisseur exclusif.
M. Hec Clouthier: En raison des circonstances.
M. Gregory Somers: Dans des situations alarmantes, il faut réagir rapidement sans prendre le temps de procéder à une évaluation. D'après les procédures établies, les ministères doivent vérifier si la situation est véritablement urgente, documenter l'urgence et conserver des dossiers à cet effet afin de pouvoir vérifier ce genre de choses. Le vérificateur général sera en mesure de vous indiquer ses conclusions quant au taux de conformité.
M. Hec Clouthier: Revenons-en au EH-101. Je n'étais pas député à ce moment-là, mais lorsque le contrat a été initialement attribué, y a-il eu une demande de proposition? Y a-t-il eu initialement un appel d'offres pour le EH-101? Je pensais que le contrat avait simplement été attribué à cette société.
M. Gregory Somers: Parlez-vous de l'acquisition qui a finalement été annulée ou de celle qui a été...
M. Hec Clouthier: Non, je parle de celle qui a été finalement annulée. Je sais que je me suis intéressé de très près à l'autre projet d'acquisition avec Boeing. Il y a eu certainement un appel d'offres à ce sujet. Le contrat initial EH-101 remontant à 1993, pouvez-vous me dire s'il a été attribué à un fournisseur exclusif ou s'il a fait l'objet d'un appel d'offres?
M. Gregory Somers: Je ne peux pas répondre à cette question. J'ai participé au dernier projet, mais pas au premier.
Le président: Quelqu'un s'en souvient-il? De l'avis général, il semble qu'il y ait eu appel d'offres.
M. Hec Clouthier: C'est ce que dit Art. Je ne le sais pas.
Le président: Les attachés de recherche lui donnent également raison.
M. Hec Clouthier: D'accord.
Le président: C'est bon.
D'accord, monsieur Laurin, il vous reste une minute.
[Français]
M. René Laurin: Vous disiez qu'une façon de régler le problème des contrats uniques serait de permettre au tribunal d'imposer des sanctions. Ai-je bien compris?
Comment peut-on concilier cette solution et le droit de gérance de celui qui octroie le contrat? Le contrat de gérance, il ne le perd pas. Il faut qu'il puisse gérer et prendre des décisions. S'il gère mal, eh bien, quelqu'un d'autre le lui dira. Comment peut-on concilier le droit de sanction, d'une part, et, d'autre part, le droit de gérance et le droit de choisir se fournisseurs, toujours dans le meilleur intérêt des contribuables?
[Traduction]
M. Gregory Somers: Vous êtes allé au devant de ma réponse, en quelque sorte. Il faut toujours arriver à un équilibre. D'une part, celui qui perd un contrat va toujours être furieux et va toujours vouloir se faire indemniser, car il pense qu'on lui a fait un mauvais coup. Par contre, il existe une procédure tirée de la politique du Conseil du Trésor et négociée dans les divers traités. Elle permet d'arriver à un équilibre entre d'une part, la gestion efficace des affaires du gouvernement et d'autre part, la question de valeur dont vous avez fait mention, de même que la transparence, l'ouverture et l'accessibilité des divers fournisseurs au système. Il s'agit d'arriver à cet équilibre. En ce moment, la politique du Conseil du Trésor, telle qu'elle est libellée, le permet.
Le problème se pose lorsqu'un gestionnaire de contrat évalue et modifie cette politique pour une acquisition particulière. Il n'existe absolument aucune façon de s'assurer que ces valeurs opposées s'équilibrent et il se peut fort bien que le système soit complètement déphasé et que cette opportunité—ou ces rapports— l'emporte sur le meilleur intérêt du contribuable.
Selon nous, il s'agit en fait d'observer la politique du Conseil du Trésor, lequel a examiné la question et a précisé l'équilibre à atteindre sur une base raisonnée.
[Français]
M. René Laurin: À votre avis, à quel niveau le problème se situe-t-il? Il y a plusieurs intervenants dans les contrats de la Défense nationale: le ministère de la Défense, le ministère des Affaires étrangères, le Ministère des Travaux publics, etc. Il y en a trois ou quatre, ou même cinq.
Où se situe le noeud du problème? Quand on a des exigences trop particulières, d'où cela vient-il? Est-ce que cela vient de l'armée, des Travaux publics? Où le problème se situe-t-il?
M. Gregory Somers: Ce sont les questions particulières. Prenons l'exemple qui vient immédiatement à l'esprit; le rapport du vérificateur général parle de Ressources humaines, de Travaux publics, d'Industrie Canada et du MDN. Chacun de ces ministères présente les mêmes problèmes.
D'après mon expérience, les cas présentés ne se rapportent absolument pas à un ministère en particulier. Ce n'est pas tel ou tel ministère qui ne cesse de poser problème. Ce n'est pas un niveau particulier. Cela pourrait être un SMA. Cela pourrait être un évaluateur de contrat. Normalement, c'est grâce à une prise de conscience générale que l'on cherche à connaître le règlement. Cela doit venir du haut vers le bas, sinon ce serait trop diffus. Ces ministères sont immenses.
Le fait de ne pas respecter... le fait de ne pas connaître les exigences des règlements se retrouve dans tous les ministères que je connais, et on ne peut pas pointer du doigt un ministère en particulier.
[Français]
M. René Laurin: Certains prétendent que l'accord sur le partage de la production de la défense et l'accord sur le partage du développement industriel pour la défense qu'on a conclus avec les États-Unis sont plus à l'avantage des États-Unis que du Canada. Quel est votre avis là-dessus?
[Traduction]
M. Gregory Somers: Il s'agit de nouveau de questions juridiques essentiellement américaines ou de questions qui, à tout le moins, comportent des éléments importants de la loi américaine si bien qu'il est difficile de savoir où se trouve l'équilibre. Ce n'est pas mon impression. D'après moi, les entrepreneurs et les sous-traitants canadiens tiennent à ces ententes et à ces dispositions qui, selon eux, leur donnent un avantage sur le marché américain, avantage qui n'est pas offert aux autres fournisseurs d'autres pays.
[Français]
M. René Laurin: Je vous demandais s'il y avait plus de fournisseurs canadiens que de fournisseurs américains qui étaient gagnants avec cet accord.
[Traduction]
M. Gregory Somers: Au Canada, vous voulez dire.
[Français]
M. René Laurin: Oui, quand on compare les deux. Évidemment, pour que ce soit intéressant, il faut que ce soit à l'avantage des deux. Si cela avantage à 80 p. 100 les Américains et à 20 p. 100 le Canada, les deux sont avantagés, mais de façons disproportionnées. Telle est la question que je vous pose. Certains prétendent que les États-Unis sont plus avantagés que le Canada. Est-ce le cas, à votre avis?
[Traduction]
M. Gregory Somers: Non, je ne le pense pas, mais il ne faut pas oublier que la base industrielle des États-Unis est différente de celle du Canada et qu'elle est beaucoup plus vaste. Il serait donc difficile de faire une comparaison valable, à moins de prendre en compte les divers dénominateurs, l'assise manufacturière qui n'est pas la même dans les deux pays. Il ne s'agit pas simplement d'additionner les dollars d'un côté et de les diviser par le nombre de contrats.
[Français]
M. René Laurin: Est-ce qu'on a raison de compter sur l'importation de nos produits de la défense plutôt que de les fabriquer chez nous? Est-ce une bonne politique? Est-ce avantageux pour le Canada de baser sa politique d'approvisionnement sur l'importation?
[Traduction]
M. Gregory Somers: Il m'est difficile de répondre à cette question, car elle est de nature politique et je n'ai pas suffisamment d'expérience pour pouvoir dire s'il vaut mieux que le Canada soit tributaire de l'importation ou non. Désolé, je ne peux pas répondre. Je ne ferais que donner un avis sans fondement.
[Français]
Le président: Merci, monsieur Laurin.
Monsieur Bertrand, cinq minutes.
M. Robert Bertrand: Une de vos recommandations était de donner plus de dents au tribunal. J'aimerais vous poser une question. Y a-t-il des circonstances dans lesquelles vous verriez d'un bon oeil l'octroi d'un contrat à un fournisseur unique? On a mentionné quelques circonstances tout à l'heure. Je suis convaincu que dans certaines circonstances, c'est la seule chose à faire. Est-ce que vous êtes d'accord avec moi là-dessus?
[Traduction]
M. Gregory Somers: Absolument. Comme vous le dites, il y a des cas d'urgence. On sait bien dans ces cas-là qu'un seul fournisseur peut réaliser le contrat. À ce moment-là, il est inutile de faire un appel d'offres, d'attendre et de mettre tout le processus en branle, alors que l'on sait que c'est inutile au départ.
La question de droits de propriété intellectuelle peut se poser et seule une personne peut être le fournisseur pour cette raison précise. Le cahier des charges peut être tel que personne ne peut répondre mis à part un seul fournisseur; en pareil cas, c'est tout à fait justifié.
M. Robert Bertrand: Concernant les sous-traitants, leurs droits sont-ils à peu près les mêmes que ceux de l'entrepreneur principal devant le TCCE? Les sous-traitants ont-ils les mêmes droits que l'entrepreneur principal?
[Traduction]
M. Gregory Somers: Habituellement, un entrepreneur ou un fournisseur conteste devant le tribunal la façon dont le ministère a répondu à son offre ou conteste le fait que le ministère ne l'ait pas invité à présenter d'offres. Les sous-traitants n'ont habituellement pas cette relation directe. Puisqu'ils reçoivent un contrat conclu avec l'entrepreneur principal, ils jouent simplement le rôle qui leur est confié dans le processus, à cette étape particulière. Par conséquent, comme ils ne présentent pas d'offres ou qu'ils ne sont pas invités à présenter d'offres, ils ne peuvent pas contester, contrairement à l'entrepreneur principal.
[Français]
M. Robert Bertrand: Supposons qu'on octroie le contrat à l'entrepreneur principal, mais que ce dernier décide au bout de deux mois que son sous-traitant ne fait plus l'affaire et en prenne un autre. Est-ce que le premier sous-traitant peut aller devant le tribunal et dire que ses droits ont été lésés par l'entrepreneur principal? Est-ce qu'il a des droits, lui?
[Traduction]
M. Gregory Somers: Il a ces droits, certainement, et à mon avis, je l'en informerais, mais les règles relatives à l'acquisition dont nous parlons ne régissent que l'activité du gouvernement. Elles ne peuvent être invoquées contre un entrepreneur principal ou une entité privée.
[Français]
M. Robert Bertrand: Donc, il faudrait qu'il aille en cour ordinaire.
[Traduction]
M. Gregory Somers: Exactement.
[Français]
M. Robert Bertrand: En d'autres mots, d'une façon ou d'une autre, ce sont les avocats qui gagnent.
[Traduction]
M. Gregory Somers: Je l'espère bien.
[Français]
M. Robert Bertrand: Merci beaucoup.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Bertrand.
Monsieur Earle, vous avez cinq minutes.
M. Gordon Earle: Votre cabinet a certainement représenté plusieurs sociétés devant le Tribunal canadien du commerce extérieur. Pouvez-vous nous dire les genres de plaintes habituellement présentées? Vous occupez-vous de plaintes ordinaires? Nous cherchons à cerner les problèmes que ces plaintes mettraient en lumière dans le processus d'acquisition, notamment dans le processus d'acquisition du ministère de la Défense nationale, par exemple. Que recommandez-vous pour améliorer le processus afin d'éviter ces genres de plaintes, ce qui risquerait en fait de vous faire perdre votre travail?
M. Gregory Somers: En général, les sociétés se plaignent le plus souvent du fait qu'après l'appel d'offres, les évaluations ne se font pas de manière impartiale.
Une autre source de plainte un peu moins fréquente, mais plus fréquente en ce qui concerne le ministère de la Défense nationale, c'est le fait que le cahier des charges soit trop précis et exclut trop de gens. Disons par exemple que le MDN sait très bien ce qu'il veut et prévoit un cahier des charges qui, du point de vue de notre client, tend à l'exclure, vu qu'il est trop précis. Par exemple, comme je l'ai dit plus tôt, il peut être stipulé, et je l'ai déjà vu, qu'il faut 20 ans d'expérience. Si un seul fournisseur a ces années d'expérience, cela détermine d'avance qui va l'emporter.
Le fournisseur exclusif, c'est bien entendu le soumissionnaire qui remporte le plus souvent la première place, à la Défense nationale, mais aussi dans d'autres ministères. Cela se produit plus fréquemment aussi dans le cas de contrats de services plutôt que dans celui de contrats de fournitures, d'après notre expérience, car les contrats de services dépendent souvent de l'existence de relations personnelles. Ils dépassent les seuils, mais représentent des montants peu importants. Ils attirent moins l'attention; souvent, les contrats dont les montants sont moins importants et correspondent, disons, à moins de 400 000 $, sont des contrats où il existe davantage de relations personnelles de travail.
M. Gordon Earle: Il semble que vers 1995, on a annulé le programme de productivité de l'industrie du matériel de défense, qui visait à développer et maintenir de fortes industries de défense au Canada. Par la suite, Industrie Canada a institué un autre programme, un fonds d'investissement dans le cadre de Partenariats technologiques Canada dont une partie vise les industries de la défense et de l'aérospatiale.
À votre avis, de tels programmes ont-ils un effet positif sur certaines des sociétés que vous représentez? Avez-vous eu affaire à ce programme particulier et les sociétés jugent-elles qu'il est avantageux? Faudrait-il apporter des changements à ce programme pour le rendre peut-être plus efficace et plus rentable?
M. Gregory Somers: Oui, les clients du cabinet considèrent en général que le programme Partenariats technologiques Canada est extrêmement avantageux. Vous savez peut-être toutefois qu'il a fait récemment l'objet d'un examen minutieux en vertu des règles OMC. Il a été modifié.
La tendance—pour éviter les problèmes—c'est que le PTC finance davantage la recherche fondamentale et non la recherche de marché. À cause de l'affaire Bombardier, ce qui est sur le point d'aller sur le marché risque d'être considéré comme une subvention illégale. Malgré les modifications apportées au programme PTC, le Brésil s'est plaint du fait qu'elles ne permettent toujours pas d'apaiser les préoccupations visées par la décision OMC. Par conséquent, le système est légèrement instable à l'heure actuelle. Aucun fournisseur ne veut en tirer profit et ainsi déclencher une bataille internationale.
Le président: Merci, monsieur Earl.
Monsieur Pratt.
M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.): Merci, monsieur le président. Ma question s'inscrit dans le cadre de celle de M. Earl relativement au programme PPIMD. Je n'étais pas là lorsque ce programme a été annulé, mais j'aimerais savoir pourquoi les changements ont été apportés et, avec le recul et quelques années d'expérience du PTC dans le domaine des industries de la défense et de l'aérospatiale, lequel des deux programmes répond le mieux aux besoins et aux intérêts de l'industrie canadienne de la défense?
M. Gregory Somers: Il n'a pas été vraiment indiqué pourquoi les changements ont été apportés, mais l'un des avantages positifs, et par conséquent, on peut raisonnablement le supposer, l'une des raisons pour lesquelles le PPIMD a été remplacé par le PTC, c'est qu'en vertu des règles OMC, il est interdit d'accorder des subventions spécifiques, des subventions accordées à une industrie particulière dans le but de la rendre plus compétitive sur le marché mondial des exportations. Le PTC a élargi le PPIMD afin de permettre à toute une gamme d'industries d'y avoir accès sans viser une industrie en particulier et ce faisant, lui faire courir le risque de ce genre de contestation au niveau de l'OMC. Cette décision s'est prise juste avant que les règles OMC ne s'appliquent au Canada.
J'ai oublié la deuxième partie de votre question.
M. David Pratt: Certaines exemptions communes aux industries de la défense dans le monde n'étaient-elles pas prévues afin de permettre certaines subventions gouvernementales pour des raisons de sécurité et...?
M. Gregory Somers: C'est exact. On retrouve dans le GATT et dans les accords subsidiaires des exemptions pour la sécurité nationale. Par contre, ce ne sont pas tous les contrats d'industries de défense qui suscitent ce genre de préoccupations et leur adjudication, leur financement ou le fait de ne pas pouvoir les financer ne compromet pas l'industrie visée au plan de la sécurité nationale.
M. David Pratt: Dans la deuxième partie de ma question, je voulais savoir si, rétrospectivement, l'un des programmes est meilleur que l'autre pour ce qui est des besoins des industries canadiennes de la défense et de l'aérospatiale.
M. Gregory Somers: D'après mon expérience, le PTC est très bien accueilli par l'industrie de la défense. Je ne peux pas dire qu'il soit supérieur, car je ne me suis pas vraiment penché sur la question, mais il reste que l'industrie considère le PTC extrêmement utile pour développer la base industrielle du Canada—l'industrie est plus enthousiaste à l'égard du PTC que du PPIMD. Je ne peux toutefois pas faire d'analyse comparative juste.
M. David Pratt: J'ai une autre question à propos des ITAR et de la mesure dans laquelle ce problème fait disparaître certains des avantages que nous aurions obtenus en vertu de l'Accord sur le partage de la production de défense.
M. Gregory Somers: Oui, c'est très préoccupant et d'après ce que je sais, des progrès ont été réalisés à ce sujet. L'un des problèmes—qui est insidieux, en quelque sorte, et qui subsiste entre le Canada et les États-Unis—c'est que... Je ne veux pas soulever de questions épineuses, mais l'exode des cerveaux...
M. David Pratt: Allez-y.
M. Gregory Somers: ... du Canada vers les États-Unis a été largement compensé par le fait que le Canada a été en mesure d'utiliser des ingénieurs hautement qualifiés des pays de l'Europe de l'Est. Suite au changement apporté aux ITAR et au problème posé par la double citoyenneté de ces ingénieurs—la citoyenneté canadienne et celle d'un autre pays, notamment d'un pays de l'Europe de l'Est—le Canada ne peut plus percer ce marché.
Tous ces ingénieurs hautement qualifiés sont les ressources de la société, son fonds de commerce. Face au départ de leurs ingénieurs aux États-Unis, les sociétés ont été jusqu'à présent en mesure de les remplacer par des ingénieurs d'Europe de l'Est; par conséquent, elles sont frustrées de ne pas pouvoir percer le marché. C'est un très grave problème.
M. David Pratt: Oui.
Ai-je encore du temps, monsieur le président?
Le président: Il vous reste environ une minute, monsieur Pratt.
M. David Pratt: D'accord.
En ce qui concerne le MDN et la façon dont il rédige l'énoncé des besoins pour des contrats particuliers, avez-vous pu observer s'il évite des cahiers des charges trop précis et s'il permet à certains des fournisseurs d'être un peu plus créatifs?
M. Gregory Somers: Mon expérience ne passerait pas le test de la représentation statistique, mais je peux dire qu'au cours des 18 mois ou des deux années écoulés, je n'ai pas observé autant de problèmes de cet ordre qu'auparavant.
Ce n'est absolument pas scientifique; c'est en fonction du nombre de clients qui m'ont appelé.
M. David Pratt: D'accord.
M. Gregory Somers: Je dirais que personnellement, c'est effectivement ce que j'ai pu observer.
M. David Pratt: Merci.
Le président: Merci, monsieur Pratt.
Nous avons donc fait deux tours de questions. Je ne sais pas si les députés ont d'autres questions, si oui, nous avons encore du temps. Il n'est pas absolument nécessaire de prendre tout le temps prévu, mais si les députés ont plus de questions, nous allons pouvoir les entendre.
Monsieur Hanger?
M. Art Hanger: Je veux continuer sur la lancée de M. Pratt et aussi de M. Earle.
Pour en revenir à la situation entre les États-Unis et le Canada et aux préoccupations des États-Unis à propos des questions de sécurité—si bien qu'en fait ils interdisent aux sociétés canadiennes de faire des appels d'offres au sud de la frontière—si je comprends bien, vous-même et votre cabinet ont été mandatés par des sociétés nationales et multinationales au Canada au sujet de questions commerciales, que ce soit devant l'ALÉNA ou devant d'autres tribunaux. Agissez-vous pour le compte d'autres sociétés, pour le compte de l'industrie, à propos de ces questions de sécurité?
M. Gregory Somers: Oui, nous jouons le rôle de conseillers mais il n'y a pas d'action en justice à propos de la question des International Traffic in Arms Regulations—ITAR. C'est une question qui doit être négociée au niveau exécutif entre les deux pays, mais nous conseillons les sociétés de l'aérospatiale et de la défense au sujet de la situation actuelle relative au transfert de documents techniques entre le Canada et les États-Unis, compte tenu du changement apporté aux règlements. Nous jouons donc le rôle de conseillers à cet égard.
M. Art Hanger: L'industrie canadienne de la défense s'inquiète énormément au sujet de cette initiative prise par les États-Unis, vu qu'elle cherche ailleurs pour survivre...
M. Gregory Somers: C'est mon expérience.
M. Art Hanger: ... en d'autres termes, en Europe...
M. Gregory Somers: Oui, en Europe notamment.
M. Art Hanger: ... et même au sud de la frontière, s'il le faut. Telles sont les répercussions sur le Canada.
Où cela va-t-il aboutir, selon vous? C'est une préoccupation qu'exprime actuellement l'industrie de la défense dans son ensemble. Que prévoyez-vous d'ici six mois dans le cas de certaines sociétés d'industrie de défense?
M. Gregory Somers: Cela dépend de la situation particulière de la société en cause, si elle a des contrats intérieurs qui lui permettent de survivre, si elle cherche des débouchés en Europe et si elle en trouve.
• 1640
Le problème, c'est la capacité d'obtenir des documents techniques
sans le permis exigé pour leur transfert entre les États-Unis et
d'autres pays où les contrats ne comportent pas le degré d'urgence
susceptible de causer le problème. En effet, ces pays ne pourraient
pas obtenir le permis à temps et ne pourraient donc pas réagir au
moment voulu pour participer à un appel d'offres. Si ce problème ne se
pose pas, il est toujours possible de faire des transactions
transfrontalières, mais je ne cherche certainement pas à diminuer la
gravité du problème.
L'autre avantage que nous avons, c'est que les sous-traitants du Canada ont beaucoup d'amis à Washington, étant donné que les fournisseurs américains apprécient de pouvoir sous-traiter au Canada, que ce soit à cause de la qualité des produits, de la valeur du dollar ou de la qualité du service. Donc, beaucoup d'aide vient de là, aussi.
M. Art Hanger: Pour revenir à l'autre question qui a été posée sur le contrat EH—101, les militaires avaient soumis un énoncé des exigences, qui avait été ratifié par le gouvernement, et bien sûr, il fallait que plusieurs compagnies fassent une offre. Certaines l'ont fait, pensant être en mesure de répondre aux exigences; d'autres s'en sont abstenues parce qu'elles trouvaient ces exigences trop restrictives. De toute façon, la décision a ensuite été annulée.
Un autre énoncé des exigences est sur le point d'être présenté, qui pourrait sembler restrictif selon un autre point de vue. C'est le genre de situation où, je présume, votre firme interviendrait. S'il y a des entrepreneurs qui sont convaincus de pouvoir fournir le service mais qu'à cause de l'énoncé des exigences, ils ne sont plus dans la course, est-ce que c'est bien juste?
M. Gregory Somers: En général, dans une situation comme celle-là, ce n'est pas devant un tribunal ou quelque chose du genre que ça se règle, mais plutôt, ils vérifieraient si la formulation des spécifications est conforme à la politique du Conseil du Trésor. Ça resterait une question de politique, avec en plus, probablement, quelque activité de lobbying, parce que c'est cela, la réalité des contrats de cette envergure.
M. Art Hanger: Donc, s'il y a des compagnies qui ne sont pas satisfaites de la manière dont le deuxième contrat est octroyé, disons, que peuvent-elles faire si, par exemple, au lieu d'avoir une partie essentielle du contrat initial elles se retrouvent soudain face à un nouvel appel d'offres? Ont-elles un recours quelconque?
M. Gregory Somers: En ce qui concerne le premier appel d'offres, non, il est oublié et c'est de l'histoire ancienne. Elles repartent de zéro encore, en ce qui concerne leur participation au processus, parce qu'elles avaient fait une offre la première fois.
M. Art Hanger: Alors en fin de compte, c'est la prérogative du gouvernement, ou de qui que ce soit d'autre, de décider des exigences et de faire une croix sur le passé.
M. Gregory Somers: Oui, dans le respect des règles, selon lesquelles rien ne doit être formulé de manière à faire obstacle aux objectifs d'accessibilité et de transparence de l'appel d'offre, en vue de l'obtention de l'offre la plus valable possible, Mais oui, c'est le privilège du gouvernement, dans ces limites de la politique.
M. Art Hanger: Merci.
Le président: Est-ce qu'il y a d'autres questions de ce côté-ci? Non.
[Français]
Monsieur Laurin, avez vous des questions?
M. René Laurin: Ça va.
[Traduction]
Le président: D'accord.
Monsieur Earle, vous avez la parole.
M. Gordon Earle: Il reste une question sur un sujet qui, je pense, n'a pas encore été abordé aujourd'hui. À propos de l'approvisionnement, la Défense nationale a adopté un nouveau modèle de prestation de services qu'elle appelle le concept de diversification des modes de prestation de service, ou DMPS.
Le vérificateur général a récemment examiné plusieurs projets qui concernaient la DMPS, et il est assez intéressant de noter que les projets pour lesquels il y a eu un appel d'offres interne semblent beaucoup mieux répondre aux critères de saine gestion des affaires que les projets pour lesquels l'appel d'offres est fait à l'externe. Avez-vous eu affaire à des clients frustrés par le processus de DMPS?
M. Gregory Somers: En un mot, non. En fait, j'ai eu des clients qui faisaient partie d'équipes internes et qui, plutôt, se sentaient tout à fait privilégiés ou très bien placés face au processus, si je puis dire. Je ne connais donc pas de situation de conflit relativement aux appels d'offres internes. Je ne connais pas d'opinions hostiles, à ce sujet.
M. Art Hanger: Merci.
Le président: Bon, puisqu'il n'y a toujours pas d'autres interventions, je laisserai M. Hanger poser la dernière question.
M. Art Hanger: Connaissez-vous le guide sur la réforme des acquisitions, celui que la Défense nationale a remis au vérificateur général?
M. Gregory Somers: J'en connais quelques modalités, mais pas le guide dans son ensemble.
M. Art Hanger: D'accord. Est-ce que vous ou votre firme avez eu un rôle à jouer dans sa préparation?
M. Gregory Somers: Non.
M. Art Hanger: Absolument pas?
M. Gregory Somers: Non.
M. Art Hanger: Vous ne pourriez donc pas dire si vous pensez qu'il permettra de régler les problèmes, en matière d'approvisionnement?
M. Gregory Somers: D'après moi, ce que j'en ai vu permettra d'améliorer grandement le mode d'approvisionnement de la Défense nationale...
M. Art Hanger: En quel sens, précisément?
M. Gregory Somers: ... ne serait-ce qu'avec la sensibilisation des gens aux exigences à tous les niveaux du ministère et le suivi des objectifs en matière d'approvisionnement. Cela ne peut qu'être qu'avantageux.
M. Art Hanger: Merci.
Le président: Je crois que c'est tout, à part peut-être une dernière question, que je me réserve, monsieur Somers.
Je voudrais seulement m'assurer que vous avez eu l'opportunité de faire toutes les recommandations que vous souhaitiez à ce comité relativement à l'amélioration de notre stratégie ou notre processus d'approvisionnement, en tant que gouvernement. Nous allons faire un compte rendu à la Chambre, probablement en mars, donc nous sommes ouverts à toutes les suggestions. Je sais que vous avez fait quelques recommandations en réponse à des questions, mais s'il vous en vient d'autres à l'esprit, que ce soit maintenant ou plus tard, nous vous invitons à nous en faire part.
M. Gregory Somers: Si vous permettez, monsieur, nous aimerions pouvoir présenter un mémoire d'ici une semaine ou deux. Nous pourrions y résumer l'essentiel de ce dont nous avons parlé aujourd'hui, que nous pourrions un peu étoffer.
Le président: Bien entendu. Il vous suffit d'envoyer votre mémoire au greffier du comité, monsieur Morawski.
Ceci dit, merci beaucoup messieurs Somers et Conlin d'être venus ici aujourd'hui. Nous apprécions votre contribution.
Chers collègues, la séance est levée.