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SIRP Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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SUB-COMMITTEE ON IMPROVED FINANCIAL REPORTING TO PARLIAMENT OF THE STANDING COMMITTEE ON PROCEDURE AND HOUSE AFFAIRS

SOUS-COMITÉ SUR L'AMÉLIORATION DES RAPPORTS FINANCIERS AU PARLEMENT DU COMITÉ PERMANENT DE LA PROCÉDURE ET DES AFFAIRES DE LA CHAMBRE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 31 mai 2000

• 1540

[Traduction]

Le président (M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.)): Nous reprenons les travaux du Sous-comité sur l'amélioration des rapports financiers au Parlement du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre; nous accueillons aujourd'hui M. Peter Dobell, directeur fondateur du Centre parlementaire, qui a tenu un forum avec des parlementaires pour discuter d'une vaste gamme de questions, dont beaucoup sont pertinentes aux travaux du sous-comité.

Monsieur Dobell, nous vous souhaitons la bienvenue, et nous avons bien hâte de vous entendre.

M. Peter Dobell (directeur fondateur, Centre parlementaire): Merci, monsieur le président.

Je m'intéresse à la question de l'examen des prévisions budgétaires par le Parlement depuis quelque 30 ans. Cela remonte, je pense, à l'époque où je travaillais pour le Comité sénatorial des finances nationales, poste que j'ai occupé pendant 20 ans; ce comité demeure d'ailleurs le seul organe du Sénat qui a pour mandat d'examiner les prévisions budgétaires. J'ai également été chargé de mener une étude pour le compte de la Commission Lambert, c'est-à-dire la Commission royale d'enquête sur la gestion financière et l'imputabilité. C'est dire qu'il s'agit là d'une question qui m'intéresse, et je suis donc heureux d'avoir été invité à faire des commentaires à ce sujet.

J'ai lu le témoignage des personnes qui ont comparu devant le sous-comité avant le congé parlementaire. J'ai également examiné les propositions dont vous êtes saisis. À l'examen de votre mandat, j'ai été frappé par le fait que, selon moi à tout le moins, il comprend deux volets distincts. Trois des quatre thèmes portent sur l'amélioration des renseignements de plusieurs points de vue, alors qu'un seul thème concerne le renforcement du processus d'examen parlementaire.

En ce qui a trait d'abord à l'amélioration des renseignements, j'ai l'intention d'être assez bref. Les nombreuses propositions présentées ont été mûrement réfléchies et sont exhaustives. J'ajouterais en passant qu'elles doivent l'être si l'on calcule les dizaines de milliers d'heures de travail que des fonctionnaires ont consacrées à l'élaboration de ces nouvelles procédures. Des gens intelligents ont mis beaucoup de temps à cette tâche. Je le signale simplement pour faire ressortir l'ampleur du travail que cela a exigé. Je crois fermement que ces nouvelles procédures permettront d'avoir un meilleur gouvernement.

À cet égard, cependant, comme l'a dit M. Bob Marleau lors de sa comparution devant le sous-comité, les gouvernements produisent des rapports; le gouvernement est comptable au Parlement. Donc, à mon avis, les principaux bénéficiaires de l'amélioration des rapports financiers seront les organismes centraux et certains membres du public—c'est-à-dire les ONG et les universitaires qui ont le temps et les connaissances spécialisées nécessaires pour examiner ces rapports améliorés et en tirer parti. Mais je dois vous dire cependant que je doute que les propositions se traduisent par une plus grande efficacité du processus d'examen par les comités ou par un processus plus satisfaisant pour les députés.

C'est pourquoi je propose que l'on cherche surtout à voir ce que peuvent retirer les députés de cet exercice et comment rendre votre rôle plus productif. Je vais d'abord commencer par relever certains des problèmes que j'ai perçus et vous proposer des mesures pouvant minimiser ces problèmes ou permettant d'y trouver une solution.

Le premier problème, et le plus grave, est que vous manquez de temps pour faire le travail comme il se doit. Votre horaire vous impose de nombreuses exigences contradictoires, d'importantes priorités. D'ailleurs, Mme Catterall l'a soulevé lors d'une réunion antérieure, propos qu'a repris également M. Bob Marleau. En réalité, un examen efficace des prévisions budgétaires exige beaucoup de travail, beaucoup de connaissances et beaucoup de temps.

Pour vous faire comprendre ce que je veux dire, j'aimerais décrire un examen auquel j'ai participé, et qui a été le plus fructueux, lorsque je travaillais pour le Comité des finances nationales du Sénat, il y a de cela 15 ou 20 ans. Le comité examinait les programmes de création d'emplois de Main-d'oeuvre et Immigration. Fait intéressant à signaler—et il s'agissait d'un comité du Sénat, ne l'oubliez pas—le sous-ministre de l'époque, Jack Manion, est allé trouver M. Paul Martin, qui était alors leader de la majorité au Sénat, pour le presser de stopper l'enquête du comité parce que, disait-il, cela prendrait beaucoup trop de temps, que le ministère ne pouvait tout simplement pas perdre du temps avec un groupe de sénateurs, en l'occurrence.

• 1545

Le Sénat dispose d'une bien plus grande souplesse en ce qui a trait aux enquêtes des comités, et il n'était pas question qu'il accepte une telle requête. Le comité est donc allé de l'avant et a poursuivi son étude.

Le comité a entendu les témoignages de représentants du secteur privé, du gouvernement, des syndicats, des provinces, du milieu universitaire et du public et, c'est d'ailleurs tout à son honneur, après le scepticisme qu'il avait affiché au début, Jack Manion était tellement impressionné par le rapport du comité qu'il a ordonné de le faire envoyer à tous les bureaux de main-d'oeuvre du pays. Il a demandé à chacun de ses bureaux—et une de mes anciennes secrétaires travaillait dans un des deux bureaux de main-d'oeuvre qui se trouvaient en Nouvelle-Écosse—de discuter du rapport et de tirer des conclusions quant aux recommandations du comité.

Ensuite, ces gens-là ont été invités à se réunir à l'échelle régionale, puis provinciale et finalement, à l'échelle nationale. Ce que M. Manion a constaté, c'est que le comité avait relevé des problèmes dont il n'était absolument pas au courant et auxquels le comité avait proposé des solutions. Même si les bureaux locaux de son ministère se plaignaient depuis des années de certains de ces problèmes et qu'ils avaient présenté des propositions, celles-ci n'avaient pas réussi à franchir la bureaucratie de l'Administration centrale. Fait intéressant à signaler, M. Manion a alors décidé d'adopter bon nombre des recommandations du comité.

Mais je vous préviens, il a fallu mettre deux ans pour préparer ce rapport. Je sais que le Sénat travaille lentement, mais cette expérience m'a prouvé que dans tout ce travail d'examen des prévisions budgétaires, un examen sérieux s'entend, il n'y a pas de solution rapide.

Je vous donne cet exemple parce que, à mon avis, il fait ressortir un autre point. Vous ne devriez pas faire entièrement confiance aux rapports préparés par l'Administration centrale. Ils sont peut-être tout à fait adéquats, mais peu importe l'efficacité du système, un comité devrait disposer des ressources nécessaires pour vérifier le contenu des documents déposés par l'Administration centrale lorsqu'elle fait rapport à la Chambre.

Compte tenu des contraintes de temps auxquelles vous faites face, problème qui ne peut être réglé en soi, pour y trouver une solution, si vous êtes vraiment sérieux au sujet du travail d'enquête ou d'examen des prévisions budgétaires mené par les comités, ceux-ci doivent disposer des ressources humaines importantes et compétentes, beaucoup plus que ce n'est le cas maintenant. Cela est essentiel si l'on veut que les comités fassent un travail sérieux. En bout de ligne, c'est vous, en tant que membres d'un comité, qui prendrez les décisions, mais vous avez besoin de ressources, de l'aide de personnel qualifié et compétent qui connaît passablement les problèmes.

La deuxième difficulté, c'est que l'examen des prévisions budgétaires et des rapports de rendement n'est pas le genre de travail qui intéresse tous les députés. En fait, j'ai le sentiment que c'est le genre de chose qui n'attire qu'une minorité d'entre eux. C'est un travail qui exige des compétences et des talents particuliers. Je crois que John Williams est l'une des personnes qui aiment vraiment ce genre de travail, mais d'après mon expérience, de nombreux députés estiment que le travail de circonscription est le plus agréable alors que d'autres s'intéressent à l'élaboration et à l'analyse des politiques.

Avec le recul, il est intéressant de constater que de 1968, lorsque la Chambre a cédé pour la première fois aux comités l'examen des prévisions budgétaires, jusqu'à 1985, lorsque les comités ont été pour la première fois capables d'établir leurs programmes... Il a été intéressant de voir, au fur et à mesure que les comités acquéraient l'expérience du travail d'examen des prévisions budgétaires, qu'ils ont cessé graduellement de s'intéresser aux dépenses et ont commencé à se prévaloir de l'occasion qui leur était offerte pour soulever des questions relatives aux politiques. Un des premiers exemples à cet égard est celui de M. Keith Penner qui faisait partie du Comité des affaires indiennes et qui a produit un rapport intéressant sur la Commission hydroélectrique du Nord.

• 1550

Il est important de voir également que le problème n'est pas unique au Canada. La même chose s'est produite en Grande-Bretagne. La Grande-Bretagne avait effectivement un comité d'examen des prévisions budgétaires—un gros comité qui en profitait également pour examiner les politiques au lieu des dépenses. Lorsque ce comité a été démantelé—il porte maintenant un nom différent, mais il s'agit en réalité d'un comité permanent—là aussi, on a cessé d'examiner les prévisions budgétaires et on s'est concentré, comme le font nos comités, essentiellement sur les politiques et les lois.

Comment régler ce problème? Eh bien, j'appuie à cet égard ce qui est proposé dans le rapport Catterall-Williams: la création d'un comité des prévisions budgétaires. Je suis conscient de ses lacunes, je suis conscient de tous ses problèmes, mais à mon avis, cela ne veut pas dire que d'autres comités ne peuvent pas examiner les prévisions budgétaires eux aussi. Mais il serait bon d'avoir un comité puissant, dont les membres seraient toujours les mêmes, chargé d'examiner certaines prévisions budgétaires chaque année et ce, de façon efficace, et qui ferait un meilleur travail que tous les comités ne sont maintenant capables de faire.

Troisièmement, je crois que la plupart des députés s'amènent à Ottawa désireux d'apporter une contribution constructive et créatrice, de proposer de nouveaux programmes, d'en analyser d'autres et d'y proposer des modifications. Le problème, c'est que lorsqu'on leur demande d'examiner les prévisions budgétaires, les gouvernements—et les fonctionnaires, en fait, qui sont très bien représentés ici et qui, bien sûr, répondent à des directives—refusent d'approuver les réductions proposées par les comités, comme vous le savez tous trop bien. Tant que les députés n'auront pas un certain impact sur la répartition des crédits, l'exercice ne sert à rien, du moins en ce qui les concerne.

Je dirais que l'exercice, dans la forme qu'il a prise, vient en réalité nuire à l'établissement de relations de coopération au sein des comités entre les députés du gouvernement et ceux de l'opposition qui en sont membres. Les deux se retrouvent à l'opposé.

Le seul changement à avoir été adopté à la suite de recommandations d'un comité en ce qui a trait aux dépenses s'est produit en 1973 lorsque le gouvernement était minoritaire. Personne du côté du gouvernement n'aspire à ce genre de chose, j'en suis sûr, mais le fait est que lorsque le gouvernement est minoritaire, le processus d'examen des prévisions budgétaires connaît d'importants changements.

J'aimerais maintenant souligner certains des commentaires positifs qui ont été faits durant le témoignage précédent et que votre sous-comité, je pense, pourrait trouver utiles. Je signale d'abord les conséquences négatives de la rotation des membres des comités, problème dont ont fait état MM. Marleau et Barrados. À cet égard, bien que les partis d'opposition aient aussi certaines responsabilités, c'est le gouvernement qui devrait prendre les devants pour corriger une telle situation.

À un autre endroit, lors de la réunion du 10 mai, j'ai souligné les conséquences importantes qu'a sur l'efficacité du travail des comités la rotation bisannuelle des secrétaires parlementaires et, par conséquent, des personnes qui assument la présidence des comités. Si les membres des comités étaient toujours les mêmes, cela leur permettrait de se concentrer sur le travail à faire et de se fixer des buts qu'ils chercheraient à atteindre. Ils se doteraient d'une mémoire collective.

• 1555

Je suis d'accord avec Don Lenihan quand il dit qu'il faut mettre l'accent sur les résultats, mais avec une nuance. Les députés ont des horizons à court terme et ils ne sont pas disposés, selon mon expérience, à attendre un an ou plus pour voir si les résultats promis seront réalisés. Il se pourrait très bien qu'ils ne siègent même plus au comité au moment où ces résultats seront atteints ou non.

D'ailleurs—et cela est à mon avis un point très important—très peu de choses incitent les députés à se concentrer sur les résultats. Bien franchement, tout ce qui leur est offert, c'est la chance de mieux comprendre ce que le gouvernement a déjà décidé de faire. Comme l'a dit M. Lenihan, les députés sont mieux en mesure d'aller rencontrer leurs électeurs et de leur dire pourquoi le gouvernement est en train de faire ce qu'il fait. Cela peut être bien pour les députés du gouvernement, mais assez pénible pour les députés de l'opposition. Là encore, cela ne confère pas un rôle important aux députés.

Au lieu de limiter les comités à se concentrer uniquement sur les résultats, je me demande si les ministres, appuyés par leurs ministères, ne devraient pas être exhortés à venir comparaître devant les comités, probablement à l'automne, pour présenter des options, les politiques qu'ils envisagent d'adopter, pas seulement des rapports sur les plans et priorités, mais les options qu'ils étudient à ce moment-là. Ils pourraient demander aux comités d'examiner ces options, de faire part de leurs préférences dans leur rapport. Le gouvernement conserverait le pouvoir de décider d'adopter ou non les recommandations, mais il aurait tiré avantage de la réflexion d'un groupe de députés.

L'autre chose importante, si cela se produit, c'est que le ministère intéressé devrait porter attention au rapport du comité et ne pas le rejeter plus ou moins du revers de la main. Six mois plus tard, au printemps, si les options recommandées par le comité devaient se retrouver dans le budget, le comité aurait alors l'impression qu'il a vraiment contribué au processus.

Je suis conscient qu'il y a là un gros changement. Cela impliquerait également de ne pas tenir compte du calendrier budgétaire, même si, assurément, le fait de présenter les options au comité à l'automne ne serait pas officiellement un exercice budgétaire. Cela est conforme à l'importance que M. Lenihan a dit vouloir accorder aux résultats, mais ce qui est important ici, c'est que cette approche permet d'établir un lien entre les résultats et les prévisions budgétaires. Je pense que cela serait un très grand pas en avant.

Dans les réunions précédentes dont j'ai lu les comptes rendus, plusieurs personnes ont fait référence aux partenariats possibles entre les députés et les fonctionnaires. J'aimerais beaucoup voir une telle chose se produire, mais laissez-moi vous dire que j'ai personnellement éprouvé les difficultés que pose une telle démarche.

Il y a 15 ans environ, j'ai rédigé un document destiné aux fonctionnaires, en provenance du Parlement, sur la façon dont ces derniers pouvaient améliorer leurs relations avec les députés membres des comités. Je croyais avoir formulé un certain nombre d'idées intéressantes. Les parlementaires à qui j'avais montré mon document manifestaient de l'enthousiasme. Mais le document a été attaqué et mis en pièces par le président du Conseil privé de l'époque, le secrétaire du Cabinet, qui considérait que la démarche proposée risquait de miner la responsabilité des ministres à l'égard du Parlement.

• 1600

J'ai amené avec moi la version la plus récente des directives du Conseil privé qui sont données aux fonctionnaires sur les relations qu'ils doivent entretenir avec les comités parlementaires. Dans ce document, le BCP insiste sur le fait que les fonctionnaires n'ont aucune responsabilité constitutionnelle à l'égard du Parlement, ce qui est vrai, puisque cette responsabilité incombe au ministre.

Mais d'après mon expérience, à force d'insistance sur ce point, seuls les hauts fonctionnaires les plus sûrs d'eux-mêmes, les plus compétents, qui jouissent de la pleine confiance de leur ministre, vont donner plus que l'information minimale en réponse à une question d'un député en comité. Je connais certains hauts fonctionnaires aujourd'hui retraités qui pouvaient fournir, et qui fournissaient en fait, des réponses passablement étoffées, de sorte que s'établissait le partenariat dont on parlait plus tôt. La plupart du temps, comme vous le savez tous, vous posez une question et le fonctionnaire vous répondra qu'il ne peut répondre, qu'il faut poser la question au ministre. Il est donc ainsi extrêmement difficile de développer un partenariat.

À mon avis, une fois que le Cabinet a adopté une politique, autrement dit, après que les arguments ont été étudiés au Parlement et que la décision a été prise, un fonctionnaire compétent ne minerait pas la responsabilité d'un ministre s'il venait présenter la raison d'être de la politique devant le comité en se basant sur les arguments énoncés dans le document du Cabinet déjà adopté. Je ne vois rien de politique là-dedans. Il suffirait de dire: voici les arguments qui ont été présentés au Cabinet et qui ont été retenus.

Le problème est que certains ministres, comme vous le savez tous, interdisent en réalité à leurs fonctionnaires de traiter avec les députés. On leur ordonne de ne fournir rien d'autre que le minimum d'information. Par contre, d'autres ministres très sûrs d'eux-mêmes, qui ne craignent pas d'être évincés de leur poste par d'autres membres du parti gouvernemental, tolèrent que les fonctionnaires jouent un rôle plus actif, et je suis certain que lorsque cela se produit, on se rapproche de l'établissement d'un partenariat.

En tant qu'ex-fonctionnaire, même si cela remonte à il y a bien longtemps, je crois fermement que c'est là une option que l'on devrait examiner attentivement. Je me souviens—il y a de cela 25 ans—d'un comité que nous aidions, et qui examinait une question assez délicate. Nous avions également accueilli certains des fonctionnaires du même ministère à une réunion sur les prévisions budgétaires. On avait assisté au va-et-vient habituel que les fonctionnaires trouvent extrêmement insatisfaisant, tout aussi peu valorisant que le trouvent les députés. Donc, lors de leur comparution suivante, nous avons décidé d'être un peu moins conventionnels. Nous avions prévu une réunion à huis clos et nous avons demandé aux cadres supérieurs—il s'agissait en fait du ministère de la Défense nationale—de venir nous rencontrer pour examiner le rapport avec nous et pour nous faire part de leurs réactions personnelles.

Ce que j'ai trouvé fascinant, c'est qu'après la réunion, lorsque je suis allé voir les fonctionnaires pour leur demander ce qu'ils en avaient pensé, ils ont dit qu'il s'agissait là d'un comité différent, qui n'était plus le même. Bien sûr, c'était le même comité, mais la dynamique était différente.

Je termine en disant qu'à mon avis, lorsque vous préparerez votre rapport, vous devriez réfléchir à certains des points que, en toute impudence, j'estime que vous devriez aborder. Autrement, je crains que les améliorations utiles qui sont proposées pour la production des rapports et qui vous aideraient si vous aviez les ressources humaines... Autrement dit, je ne suis pas contre ce qui est proposé, mais sans certains de ces changements supplémentaires qui amèneraient les députés à jouer un rôle dans cet exercice, vous allez constater dans quelques années que les comités n'auront pas davantage que maintenant le sentiment de jouer un rôle utile et constructif.

• 1605

Le président: Merci, monsieur Dobell. Je crois que les membres du comité sont tout à fait d'accord avec vous. Nous comprenons tous ces observations.

Je cède maintenant la parole aux membres qui aimeraient vous poser des questions ou faire des commentaires. Qui veut commencer?

[Français]

Monsieur Sauvageau.

M. Benoît Sauvageau (Repentigny, BQ): Je n'ai pas de questions; je n'ai qu'un commentaire, monsieur Dobell. Cela me fait grand plaisir de vous revoir. Nous avons travaillé ensemble au Comité des affaires étrangères. Je voulais vous féliciter de votre éloquence, qui demeure la même après toutes ces années.

Je veux vous féliciter également pour la note de réalisme que vous apportez avant la conclusion de nos travaux. C'est un des derniers témoignages que nous entendrons avant l'ébauche de notre rapport. Nous nous en inspirerons sûrement pour le rédiger.

Je voulais tout simplement vous remercier. Je n'avais pas de questions.

[Traduction]

Le président: Marlene Catterall.

Mme Marlene Catterall (Ottawa-Ouest—Nepean, Lib.): Seulement une petite question. Permettez-moi d'abord de remercier M. Dobell d'avoir contribué au rapport qui a été rédigé à ce sujet. Sa participation a été extrêmement utile, et même si nous n'avons recommandé aucune des mesures qu'il a proposées, il nous a certainement aidés à formuler nos recommandations.

En ce qui a trait au fait d'encourager les députés à se concentrer vraiment sur le rôle on ne peut plus central qu'ils ont à jouer, à savoir dire au gouvernement combien d'argent il peut percevoir et comment il peut le dépenser, est-ce que vous y voyez un peu d'espoir?

M. Peter Dobell: J'ai réfléchi un peu à la question. Je crois avoir trouvé réponse dans l'exposé de Don Lenihan lorsqu'il a insisté sur le fait que les députés excellent dans l'étude des résultats et non dans l'analyse des chiffres. J'ai bien aimé l'idée que les rapports devraient porter principalement sur les résultats.

Si tel devait être le cas, cependant, je pense que nous devrons reconnaître que le domaine de l'examen des prévisions budgétaires a beaucoup changé. Je sais que vous êtes issue du milieu politique municipal, et que c'est encore un milieu où le conseiller élu peut se retrouver vraiment au centre de l'action, notamment parce qu'à ce titre, vous n'avez pas un horaire aussi chargé et, plus important encore, parce que le milieu est plus petit—c'est quand même gros, mais plus petit—et parce que vous avez une relation plus collégiale avec votre personnel, vous pouvez profiter de son savoir.

Je ne pense pas que vous vous sentiriez bien à l'aise si vous retourniez à la façon dont les choses se faisaient avant. Il y a 50 ans, les prévisions budgétaires portaient sur les travaux publics et les postes individuels et c'était là un document qui ressemblait davantage aux prévisions budgétaires municipales. Maintenant, le gouvernement est devenu tellement intégré, tellement gros, que je ne crois pas que vous puissiez aspirer à faire vous-mêmes un examen véritablement exhaustif.

• 1610

Ce dont vous avez besoin, cependant, c'est de personnel qui peut faire ce travail, qui peut aller vous trouver et dire, oui, on a suffisamment de fonds pour atteindre tel but ou tel objectif. Je pense que le personnel doit même avoir le pouvoir—pouvoir dont ne disposent pas les comités actuellement, même s'ils avaient le personnel—de faire les enquêtes lui-même. C'est là une mesure que j'ai recommandée il y a quelque temps, sans succès, à savoir que les comités devraient pouvoir confier certaines études préliminaires à leur personnel, surtout dans ce domaine, afin de voir—et j'insiste sur l'importance de s'en assurer—si l'Administration centrale recommande en fait ce que les bureaux régionaux estiment être des solutions aux problèmes auxquels ils font face.

L'une des choses que les députés ont cependant la capacité de faire, parce que vous avez tous un bureau de circonscription, c'est d'être en contact avec les électeurs. Je crois que si vous aviez le personnel nécessaire pour faire ressortir certains problèmes, lequel transmettrait ensuite aux membres du comité une liste de choses sur lesquelles il faudrait faire enquête lorsqu'ils sont dans leur circonscription, cela vous procurerait probablement une information pratiquement exclusive. Vous pourriez la retransmettre au comité qui, lui, se chargerait de l'étudier.

Donc, on ne peut plus faire les choses comme on les faisait, c'est certain. Vous n'aurez jamais le temps de le faire vous-mêmes, mais je crois vraiment qu'en bout de ligne, vous voudrez pouvoir affirmer que vous avez assumé les responsabilités qu'on vous a confiées. Bien honnêtement, il y a beaucoup de raisons pour lesquelles je ne voudrais pas être député. La vie que vous menez est tuante...

Le président: On n'en est pas encore là.

M. Peter Dobell: Mais je crois effectivement...

Mme Marlene Catterall: Il vous manque un brin de folie.

M. Peter Dobell: Tous ces avantages indirects.

Mme Marlene Catterall: Oui, tous ces avantages.

M. Peter Dobell: Je crois... eh bien, le fait est que, pour être honnête, je me suis écarté. Je ne me souviens pas de ce que je voulais dire. Mais c'était intéressant.

Mme Marlene Catterall: Je ne vous demande pas de nous proposer de solution magique, loin de là, mais j'aimerais au moins savoir si vous avez des suggestions à faire quant aux mesures à prendre pour nous orienter dans la bonne direction. Je crois que les députés, tout comme le Parlement dans son ensemble, auraient grandement avantage à faire un bon travail en matière de prévisions budgétaires. C'est un outil absolument merveilleux pour promouvoir les questions stratégiques qui revêtent pour eux de l'importance. Et, oui, tout ce groupe de rapports allant des plans et priorités aux prévisions budgétaires en passant par les résultats...

Je vous pose la question: à votre avis, est-ce que l'on progressera beaucoup en se concentrant sur les véritables résultats plutôt que sur les seules activités? C'est ce que l'on semble lire dans la plupart des rapports—nous avons fait tellement de rapports là-dessus, entre autres. Mais d'après ce que je vois, pour nombre des choses que fait le gouvernement, on ne peut mesurer les résultats sur une base annuelle. Dans certains cas, il est possible de mesurer les résultats au cours d'une génération.

M. Peter Dobell: Oui, c'est exact.

Mme Marlene Catterall: Voilà, par exemple, dans quelle mesure la Sécurité de la vieillesse permet-elle de réduire la pauvreté chez les personnes âgées?

M. Peter Dobell: Nullement, cela ne fait aucun doute. Je vois les choses d'un point de vue bien précis. Je fais actuellement beaucoup de formation parlementaire à l'étranger, et je passe une très bonne partie de mon temps avec des Russes. J'en accueille d'ailleurs un groupe cette semaine ici.

L'ACDI, sous les pressions du vérificateur général, a conçu une matrice—l'activité, l'extrant, le résultat et la finalité. L'extrant comporte aussi des indicateurs—il faut dire ce qu'on doit avoir fait pour pouvoir affirmer qu'on a réussi. Je pense que c'est un processus qui peut être appliqué à d'autres programmes gouvernementaux.

• 1615

D'après les documents qui vous sont présentés, je perçois un effort sérieux... Or, comme je l'ai dit au début, et je vais le répéter, les principaux bénéficiaires de l'amélioration de ces rapports, ce sont les organismes centraux. Ce ne sont pas seulement les députés. Mais il faut dire aussi, je pense, que les comités parlementaires, s'ils disposaient du personnel nécessaire, pourraient faire quelque chose de valable.

J'aimerais vous inviter avec insistance à songer sérieusement à cette idée d'inviter les ministres à vous présenter des options. C'est là un véritable changement, mais ce que je me dis tout le temps... et c'est le point principal qui a été soulevé à la réunion du 10 mai.

Je vais lancer un appel à vous tous qui êtes ici aujourd'hui. Si personne d'entre vous n'a répondu à mon questionnaire, je vais vous le faire parvenir à nouveau demain. Je veux que vous y répondiez parce que l'on m'a dit que si l'on prouve que beaucoup de députés veulent obtenir des changements, certaines des choses dont j'ai parlé pourraient changer, en particulier cette chaise musicale entre les présidents et les secrétaires parlementaires. La seule raison qui explique cette situation, c'est que Pierre Trudeau, en 1971, a décidé qu'il serait bon pour le moral des députés d'arrière-banc que plus de gens encaissent l'argent supplémentaire qui vient avec le travail, et ainsi...

M. Tony Ianno (Trinity—Spadina, Lib.): Savez-vous à combien s'élèvent les frais supplémentaires d'hôtel que nous déboursons de notre propre poche?

M. Peter Dobell: Eh bien, cela ne veut pas dire qu'il ne voulait pas quand même essayer de faire quelque chose de bien.

M. Tony Ianno: On s'en tire kif-kif si l'on est chanceux.

M. Peter Dobell: Eh bien, j'accepte cette remarque, mais le fait est qu'il a doublé les postes à combler et mis en place son système de rotation.

J'en ai discuté avec M. Mitchell Sharp qui m'a fait la comparaison avec la situation antérieure lorsque le poste de secrétaire parlementaire était perçu comme celui d'un ministre en formation. Comme il l'a dit, le principal exemple est placé tout en haut de l'échelle maintenant. J'ai répondu, et il était d'accord, que l'une des raisons pour lesquelles de nombreux secrétaires parlementaires sont moins que satisfaits, c'est que si vous occupez le poste pendant seulement deux ans, on ne va jamais vous donner—et rares sont les ministres qui le feront—les responsabilités qui rendraient le poste intéressant.

Donc, sans rotation, les choses seraient plus intéressantes, je pense, dans les deux sens—plus intéressantes pour les présidents et plus intéressantes pour les secrétaires parlementaires.

M. Tony Ianno: Est-ce que cette discussion a eu lieu dans les années 60 ou récemment?

M. Peter Dobell: Ce mois-ci, le 10 mai, et c'est la question...

M. Tony Ianno: Lui avez-vous demandé pourquoi il n'a pas changé le système?

M. Peter Dobell: Qui, M. Sharp?

M. Tony Ianno: Oui.

M. Peter Dobell: M. Sharp ne pouvait pas changer les choses. Il n'était pas premier ministre. Vous savez tous très bien qu'il y a un chef au Parlement. C'est ainsi qu'arrive le changement. Ce qu'il croyait cependant, c'est que ce n'est pas là une chose dont un gouvernement devrait se préoccuper, parce qu'en réalité, tout irait mieux si les présidents étaient également rémunérés. Cela fait partie de l'ensemble.

Voilà, je me suis éloigné du sujet. Quelle est la question que vous avez posée?

Vous avez oublié vous aussi.

Le président: Nous allons poursuivre notre interrogatoire encore un petit moment.

Compte tenu des propos que vous nous avez tenus au sujet du processus d'examen, on nous a remis également un certain nombre d'ébauches de propositions concernant la qualité et le format de l'information—à savoir si elle comporte des descriptifs et si les horizons de planification s'élargissent, etc. À votre avis, y a-t-il une lacune historique et constante dans la qualité de l'information qu'on nous demande d'analyser si bien que même si on devait prévoir un meilleur processus d'examen, tel que vous l'avez décrit, nous n'exploiterions pas encore notre plein potentiel?

• 1620

M. Peter Dobell: Comme je l'ai dit au début, je pense que les propositions ont été mûrement réfléchies et qu'elles permettraient d'obtenir une meilleure information, et je les ai examinées assez attentivement. Je crois que vous êtes dans la bonne voie en encourageant un tel système. J'aime bien l'idée de pouvoir l'examiner à l'occasion. Mais la raison pour laquelle j'étais heureux de venir ici, c'est que ce système ne va pas tellement aider les députés. J'ai lu la section de Don sur les avantages que cela comporte pour les députés, et j'estime que c'était là le seul élément qui était vraiment faible.

Le président: Hier, nous avons eu une discussion intéressante sur toute cette notion de rapport de régularisation, qui sera mise en place au début du prochain exercice. La question était de savoir si oui ou non les prévisions budgétaires et le budget pouvaient également être préparés de cette façon. D'après la réaction des ministères, il semble que cela pourrait être trop difficile pour eux de faire les deux au cours du même exercice.

Mais il y a une question à laquelle on n'a pas répondu clairement, et c'était la suivante: est-il essentiel ou est-ce impossible de garder la comptabilité d'exercice pour les fins de production des rapports et de continuer sur la même base pour le budget? Est-ce qu'on a le choix, ou si en fait on n'a pas d'autre choix que de passer à la comptabilité d'exercice tant pour l'établissement du budget que pour celui des rapports?

M. Peter Dobell: Je suis convaincu que la comptabilité d'exercice est une amélioration pour le gouvernement. Je reconnais que les ministères ont probablement raison de dire qu'ils ne peuvent établir les prévisions budgétaires en même temps. Si j'étais à votre place, j'accepterais probablement une mauvaise année à la condition d'obtenir la garantie que l'année suivante, les prévisions budgétaires seront également faites selon la comptabilité d'exercice. Je ne crois pas que les ministères veulent passer à cette comptabilité d'exercice pour ensuite l'oublier. Je pense que vous êtes aussi bien d'aller de l'avant et d'acquérir une certaine expérience, après quoi, les ministères feront probablement un meilleur travail lorsqu'ils prépareront les prévisions budgétaires selon la comptabilité d'exercice.

Le président: Très bien.

Madame Catterall, est-ce que vous vouliez ajouter autre chose?

Mme Marlene Catterall: Je vous ai demandé si vous voyiez de l'espoir. À votre avis, y a-t-il des mesures concrètes qui pourraient être prises pour...

M. Peter Dobell: J'ai essayé d'être aussi concret que je peux, après m'être intéressé à la question depuis des années. Je sais que vous n'aimez pas l'idée d'un comité des prévisions budgétaires.

Mme Marlene Catterall: Moi si.

M. Peter Dobell: Je le sais.

Moi aussi, mais je me suis rendu compte qu'il n'était pas nécessaire d'insister là-dessus. Une autre recommandation que vous avez faite porte sur la possibilité de changer les choses. Autrement dit, si les députés n'ont pas la capacité de changer les choses, à quoi sert d'y consacrer du temps?

Mais, madame Catterall, si vous examinez certaines de ces idées, que vous les acceptez et qu'à leur tour, elles sont adoptées, même si les autres éléments qui figurent dans votre rapport ne sont pas adoptés, je crois que vous aurez réalisé des progrès.

Je vais terminer avec une observation générale. À cette même réunion du 10 mai, et dans les documents que j'ai préparés en vue de la réunion, j'ai parlé de la rotation. C'est véritablement un accident du passé dont on a tout simplement conservé les traces, et c'est perçu maintenant au Centre parlementaire comme l'une des récompenses possibles qu'offre le système. Tous les types de parlements britanniques font face au même problème. Je parle maintenant des pouvoirs généraux des députés. Que s'est-il produit? L'avancée la plus importante a été les sondages. Avant les sondages, les députés étaient la source première d'information pour leur chef de parti concernant l'opinion de leurs électeurs. Il y avait des discussions au caucus et à la Chambre. Si vous remontez à il y a 50 ans, Mackenzie King assistait presque invariablement à tous les débats à la Chambre parce que le Parlement était la véritable enclave d'élaboration des politiques. Mais les choses ont d'abord changé à cause des sondages, lesquels donnaient au gouvernement une information plus rapide et plus précise sur ce que les gens pensaient dans tout le pays.

• 1625

L'autre fait nouveau a été l'énorme croissance de la complexité du gouvernement. Avant, on procédait ministère par ministère et chacun d'eux était en quelque sorte distinct, si bien que l'on pouvait élaborer les politiques en ordre séquentiel. Mais une fois l'intégration effectuée, et c'est pour cela que les organismes centraux sont vraiment devenus importants... Le gros changement s'est produit avec Michael Pitfield en 1976. Il a été le premier secrétaire de Cabinet à commencer à exercer les pouvoirs de l'organisme central. On a franchi une étape de plus lorsque M. Trudeau est revenu au pouvoir en 1980-1981. M. Pitfield était toujours là et M. Trudeau ne s'intéressait plus aux détails du gouvernement. Il se concentrait seulement sur les grandes politiques et sur la Charte des droits. Donc, essentiellement, c'est M. Pitfield qui dirigeait le gouvernement. Et les choses n'ont pas changé. M. Tellier était tout autant l'organisateur central. La seule chose qui a changé maintenant, c'est que le ministère des Finances est devenu un autre acteur très important. Mais ce sont des organismes centraux. C'est ce qui fait qu'il est très difficile pour le député de pénétrer ces enceintes parce que c'est tellement complexe.

Troisième élément—et je blâme en partie les médias à cet égard—c'est que les médias ont choisi de concentrer toute leur attention sur le chef du parti. Si vous remontez en arrière, à l'époque de Mackenzie King, de Saint-Laurent et de Pearson, jamais ces hommes-là ne parlaient de «mon» gouvernement. Ils disaient toujours «notre» gouvernement, ou le gouvernement libéral, ou le gouvernement conservateur. Maintenant, les choses sont devenues personnalisées. Cela veut dire simplement que le pouvoir est plus centralisé.

Cela est vrai de tous les gouvernements démocratiques qui utilisent le système britannique, mais pas des parlements continentaux parce qu'ils sont presque tous assujettis à la représentation proportionnelle qui entraîne des coalitions. Les coalitions forcent le compromis. L'Australie parvient à des compromis parce qu'elle a un Sénat élu et presque tout ce qui passe par la chambre basse est retourné avec des changements.

Dans le régime fédéral canadien, nous sommes allés plus loin que partout ailleurs dans la centralisation du pouvoir. À mon avis, le Québec a l'assemblée législative la plus avancée au Canada, celle qui donne le plus de pouvoirs à ses députés. Elle est quand même contrôlée du centre, mais les députés y ont un rôle à jouer. Pour moi, ce qui est intéressant, c'est que tant la Grande-Bretagne que le Québec en sont venus à la conclusion que dans les circonstances, ils devaient prendre des mesures pour élargir la portée du rôle des députés, non pas des mesures qui viendraient changer fondamentalement le système du pouvoir—nous ne nous dirigeons pas vers un système à l'américaine—mais quelque chose qui permettrait aux députés d'avoir un rôle à jouer et qui améliorerait également l'atmosphère à la Chambre. La Grande-Bretagne et le Québec ont décidé que les membres des comités seraient nommés pour deux, voire quatre ans, et il n'est pas rare en Grande-Bretagne que le président ou la présidente d'un comité occupe ce poste pendant huit ans. Le Sénat le fait aussi. Autrement dit, il y a deux parlements. Si vous faites un bon travail, on vous laisse à votre poste. La Grande-Bretagne et le Québec ont également reconnu qu'il faut confier la présidence de certains comités à des députés de l'opposition.

• 1630

Au Québec, c'est quatre sur dix, et il existe une formule de répartition si bien que le gouvernement a le choix des deux premiers, et ensuite du quatrième, du sixième, et ainsi de suite. Cela favorise un plus grand esprit de collaboration à la Chambre.

Toujours au Québec, il existe une pratique absolument fascinante, qui est la double majorité. Un président de comité y est élu à la double majorité. Cela veut dire que tant les députés du gouvernement qui siègent au comité que les députés de l'opposition doivent s'entendre sur le choix d'un candidat ou d'une candidate. Cela ne veut pas dire que le gouvernement doit accepter quelqu'un qu'il ne veut pas, mais cela veut dire qu'il ne peut pas faire de choix sans tenir compte de l'opinion des autres députés. Les décisions touchant les travaux du comité se prennent également de la même façon.

Il est intéressant de voir qu'on retrouve cette notion au cours de l'histoire du Canada. En 1840, lorsqu'on a réuni le Haut et le Bas-Canada, on l'a fait à la condition que toutes les décisions soient adoptées à la double majorité, une pour le Haut-Canada, l'autre pour le Bas-Canada.

Ce qui est important ici, c'est que les gens reconnaissent que les députés doivent avoir un rôle à jouer et qu'ils ont une contribution à apporter. L'un des concepts intéressants que les Britanniques ont adoptés est qu'environ huit ou dix projets de loi sont renvoyés au comité non pas après la première lecture, mais avant d'être adoptés par le Cabinet. En réalité, ce sont des avant-projets de loi. L'avantage énorme de cette façon de faire, c'est que l'on demande au comité de donner des conseils sur ce qu'il pense et de tenir des audiences. Le projet de loi est ensuite renvoyé au gouvernement. C'est toujours le gouvernement qui prend la décision; le pouvoir n'est donc pas perdu. Mais cette façon de procéder a l'avantage d'obtenir les conseils d'un groupe représentatif de députés et la dynamique du comité en pareil cas est tout à fait différente.

C'est ce que j'ai vécu, entre autres, au Comité de l'immigration en 1975, comité auquel le gouvernement avait à l'époque renvoyé un Livre vert. C'est le dernier Livre vert qu'on a jamais eu. Depuis, les Livres verts sont devenus des documents du Cabinet et sont maintenant classés. Il s'agissait alors d'un document où l'on reconnaissait le problème, on le présentait et on prévoyait certaines options.

Le document a été soumis au comité, et le premier problème a été de persuader les députés de l'opposition—Jake Epp, Lincoln Alexander, et ainsi de suite—que le gouvernement n'avait pas déjà fait son nid mais qu'il voulait simplement faire valider les recommandations qu'il avait déjà décidé de présenter. Les députés se sont rendu compte que le gouvernement voulait véritablement connaître l'opinion du comité. Ils ont participé sérieusement aux travaux. Lorsque nous sommes arrivés à l'étape du vote—j'ai rédigé le rapport—300 votes distincts ont été tenus et pas un seul selon la ligne de parti. Cela m'a persuadé que si les députés évoluent dans un milieu où le gouvernement n'a pas pris de décision, si bien que les députés du gouvernement doivent utiliser leur intelligence, leur expérience, cela change également la dynamique de l'opposition parce qu'alors, l'opposition n'est pas en position d'attaque. Il n'y a rien à attaquer. Eux aussi commencent à utiliser leur intelligence. Au fait, cela crée des relations tout à fait différentes entre les députés qui participent aux travaux du comité.

Soit dit en passant, j'ai poussé cette idée un peu plus loin lorsque j'ai mis de l'avant la proposition voulant que les ministres présentent des options au comité.

Là, je me souviens de ce que je voulais dire, et je vais conclure là-dessus. L'une des raisons pour lesquelles je serais gêné d'être député, c'est que je crois que vous avez raison de dire qu'il est de votre responsabilité d'examiner les dépenses, d'être responsable; mais après avoir affirmé dans mon programme «Voici de quoi j'ai été responsable», je serais gêné d'avoir à admettre que je ne l'étais pas et que je ne pouvais pas l'être dans le cadre du système actuel.

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Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Dobell. Je crois que le rapport renfermera une bonne partie de vos idées et de vos sages conseils, simplement d'un point de vue historique, et nous vous remercions beaucoup d'avoir pris le temps de venir nous en faire part.

M. Peter Dobell: Comme vous pouvez le voir, c'est une question qui me préoccupe beaucoup, et si vous faites quelque chose, cela sera ma récompense.

Le président: Merci.

M. Peter Dobell: Quant à l'autre récompense, cependant, vous allez tous recevoir ce questionnaire—je vous en prie.

Le président: Chers collègues, j'aimerais suspendre la séance un instant pour que nous poursuivions nos travaux à huis clos.

[La séance se poursuit à huis clos]