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TRAN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON TRANSPORT

LE COMITÉ PERMANENT DES TRANSPORTS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 4 novembre 1999

• 1536

[Traduction]

Le président (M. Stan Keyes (Hamilton-Ouest, Lib.)): Bonjour chers collègues. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous allons nous pencher sur l'avenir de l'industrie du transport aérien au Canada.

J'aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins de cet après- midi. Au nom de WestJet Airlines nous accueillons M. Stephen Smith, président-directeur général. Au nom de Bearskin Airlines nous accueillons Harvey Friesen, président. Et First Air est représenté par trois personnes: M. Robert Davis, président; M. Pita Aatami, président du conseil d'administration et M. Sam Silverstone, conseiller juridique.

Messieurs, bonjour et bienvenue au Comité permanent des transports. Nous avons hâte d'entendre vos présentations. Si vous le permettez, j'aimerais commencer par WestJet Airlines, et M. Stephen Smith.

Excusez-moi, M. Guimond a quelque chose à dire. Allez-y monsieur Guimond.

[Français]

M. Michel Guimond (Beauport—Montmorency—Côte-de-Beaupré—Île-d'Orléans, BQ): Sur une question de privilège, monsieur le président, j'invoque l'article 117 du Règlement, qui stipule que le président d'un comité doit maintenir l'ordre en comité et veiller à ce que la procédure et les pratiques appropriées soit observées.

J'invoque aussi, monsieur le président, la Jurisprudence parlementaire de Beauchesne, 6e édition, dont le commentaire 75 porte sur la liberté de parole des députés. Je vous lis ce commentaire:

    75. La liberté de parole est à la fois le plus incontesté et le plus fondamental des droits du député, tant dans l'enceinte de la Chambre qu'aux comités. Elle est avant tout garantie par le Bill of Rights britannique, qui prévoit que «l'exercice de la liberté de parole et d'intervention dans les débats et délibérations du Parlement ne peut être contesté ou mis en cause devant un tribunal quelconque ni ailleurs qu'au Parlement.»

J'invoque aussi, monsieur le président, le commentaire 69 de la Jurisprudence parlementaire de Beauchesne, 6e édition, commentaire qui porte sur une décision du Président de la Chambre:

    69. Le président a rappelé à la Chambre la distinction suivante: «[...] je signale qu'une réflexion peut être troublante, désagréable voire choquante, mais qu'il ne peut y avoir matière à question de privilège que si elle empêche les députés de faire leur travail convenablement.»

Monsieur le président, ce matin, à la fin des débats, à 12 h 05, immédiatement après le témoignage du président d'American Airines, M. Carty, j'ai été interpellé dans le corridor par un individu. Je ne vous répéterai pas exactement ses propos parce qu'ils étaient en anglais, mais ses propos étaient très bien traduits par sa physionomie et son ton. Donc, j'ai été abordé par une personne agressive, fâchée, blême de colère, qui m'a pointé du doigt en disant: «Les questions que vous avez posées au président d'American Airlines sont écoeurantes et inacceptables. Vous n'avez même pas posé les mêmes questions au président de United.» Cette personne m'a aussi dit: «Je suis un employé des Lignes aériennes Canadien. Qu'est-ce que vos électeurs vont penser de votre attitude?»

• 1540

J'ai répondu que j'avais un travail à faire, que je faisais ce travail de mon mieux, avec mes qualités et mes défauts, mais aussi avec mon coeur, que je me sentais menacé par lui, que j'avais droit de parole ici, au Parlement, parce que nous étions en démocratie, et que j'avais été envoyé par des citoyens et des citoyennes qui m'avaient fait confiance pour les représenter aussi bien que chacun et chacune d'entre nous.

Je lui ai dit qu'en démocratie, les électeurs pouvaient, tous les quatre ans, changer leur représentant s'ils étaient insatisfaits de son travail, alors que les sénateurs, eux, sont nommés par récompense politique.

Je suis allé voir les gardiens de sécurité avec cet individu. Je lui ai demandé de s'identifier. Il arborait une carte bleue émise par le service de sécurité de la Chambre et portant le nom de Scott Bradley.

Sur ces entrefaites, Mme Parrish est arrivée. Je lui ai demandé si elle avait été témoin des menaces qu'il avait faites à mon endroit, et elle m'a dit non.

L'agent de sécurité que j'ai rencontré est allé chercher son supérieur immédiat, et toutes les notes ont été consignées. Présentement, une enquête est faite.

Je suis allé voir ce midi le sergent d'armes Cloutier, lui indiquant que je soulèverais la présente question de privilège et que la décision relevait de vous, en tant que président du comité.

Monsieur le président, considérant les faits énoncés, considérant le droit parlementaire applicable en pareille matière, en conséquence, je vous demande d'assurer ma sécurité en tant que parlementaire et de continuer à me reconnaître mon droit de parole, comme vous l'avez toujours fait, monsieur le président. Je voudrais répéter que je ne m'en prends pas à votre présidence. Que j'aie fait des commentaires que vous partagiez ou sur lesquels vous étiez en désaccord, vous avez toujours mené les travaux du comité parlementaire de main de maître, mais je vous dis que mes droits sont brimés et que je crains que d'autres personnes nous menacent et nous intimident.

Monsieur le président, je soulève cette question à la première occasion utile. Je pense que la jurisprudence est claire à cet égard: un député ou un individu doit soulever la question à la première occasion utile. Quand j'ai regardé tout à l'heure, la personne n'était pas dans cette pièce. Vous savez que nous ajournons aujourd'hui pour la relâche parlementaire, et je veux m'assurer auprès de vous que cette personne sera interdite d'accès à la salle de comité lorsque nous reprendrons nos travaux le lundi 15 novembre, et cela jusqu'à la fin de l'étude sur le transport aérien que nous poursuivons actuellement.

[Traduction]

Le président: M. Guimond soulève un point très important, un point que nous devons respecter, individuellement et collectivement, car il s'agit de nous permettre de siéger aux comités. Nous avons le privilège d'être protégés par la Chambre des communes, puisque notre comité, comme tous les autres comités de la Chambre des communes, est un prolongement de la Chambre des communes.

Nous devons pouvoir faire notre travail du mieux possible, et si cela signifie qu'il faut poser de questions que nous estimons importantes mais qui pourraient déplaire à certaines personnes qui assistent à nos délibérations, et bien tant pis, car franchement, nous avons un travail à faire.

Et peu importe qu'il s'agisse d'un membre du parti d'opposition ou d'un collègue qui se trouve du même côté du gouvernement que moi. Mon devoir est de m'acquitter de mon devoir de président de manière aussi neutre que possible, et de préserver l'intégrité et la capacité de tous les membres du comité d'exprimer leurs opinions, de poser des questions et d'obtenir des témoins les informations dont ils ont besoin.

• 1545

Monsieur Guimond, lorsque j'ai quitté le comité cet après- midi, on m'a parlé de l'altercation qui a eu lieu à la sortie—une altercation en paroles, du moins; je tiens à le préciser. La première chose que j'ai faite pour vous, comme je le ferais pour n'importe quel membre de notre comité, c'est d'aller discuter avec M. Cloutier également. Je lui ai demandé, et M. Cloutier a fait le nécessaire, de nous fournir un garde de sécurité pour surveiller cette porte, de sorte que vous et tous les autres membres du comité puissiez sortir sans craindre de vous faire harceler, lorsque la séance aura été levée et que vous voudrez vous en aller.

Nous savons tous qu'il se joue une sorte de jeu ici, à Ottawa. C'est tout un art. Lorsque prend fin la période des questions et que nous quittons la salle, les caméras et journalistes bloquent la porte et tous veulent leur extrait sonore du député ou du ministre qui a fait la nouvelle ce jour-là ou, dans le cas des comités, du dernier témoin à avoir été sur la sellette. Et il se produit ce qu'on appelle un «scrum», et il peut être très difficile de faire face à ce genre de chose.

Il arrive que des témoins et les amis des témoins assis derrière eux s'énervent autant que nous par moment, sauf que nous avons le droit de nous énerver, assis ici à poser les questions. Mais franchement, si par la suite ils veulent discuter, ils peuvent venir nous voir pour discuter avec nous. Nous espérons simplement que la discussion se déroulera sans agressivité.

Malheureusement, d'après ce qu'on m'a dit, ce n'est pas ainsi que les choses se sont passées.

Monsieur Guimond, j'espère que le fait que j'ai parlé avec M. Cloutier, le sergent d'armes, vous réconfortera un peu. À partir d'aujourd'hui et jusqu'à la fin de ces audiences, un garde de sécurité surveillera cette porte, afin que vous ayez l'assurance de pouvoir entrer et sortir sans vous faire harceler.

Quant à savoir s'il faut interdire l'accès à la salle du comité à cet individu, j'aimerais bien pouvoir discuter avec lui, en tant que président, pour lui signaler qu'un des membres de mon comité estime qu'il a dépassé les bornes. J'aimerais d'abord voir la réaction de cette personne. D'après ce que vous m'avez dit—et je n'ai pas encore les deux côtés de l'histoire—je suppose que s'il n'y a pas eu de témoins... Je connais cette personne, et je suis certain à 90 p. 100 qu'elle essaiera d'entrer en contact avec vous d'une manière ou d'une autre pour vous présenter des excuses.

J'espère que cela répond en bonne partie au problème que vous avez soulevé. Avez-vous quelque chose à rajouter, monsieur Guimond?

M. Michel Guimond: Non, ça va. Merci.

Le président: Je considère que la question est réglée.

Y a-t-il d'autres rappels au Règlement?

Je prie les témoins de bien vouloir excuser cette interruption. Elle était évidemment nécessaire.

Monsieur Smith, si vous le voulez bien, nous sommes prêts à écouter votre présentation au nom de WestJet.

M. Stephen Smith (président-directeur général, WestJet Airlines): Bonjour, mesdames et messieurs du Comité permanent des transports. Je m'appelle Stephen Smith. Je suis président et directeur général de WestJet Airlines, un transporteur régional à bas tarifs qui dessert l'Ouest du pays et dont le siège se trouve à Calgary, en Alberta.

Pour ceux et celles d'entre vous qui ne connaissez pas très bien WestJet Airlines, j'aimerais faire un bref historique. WestJet a été créée en février 1996, et elle a commencé par desservir cinq destinations dans l'Ouest canadien avec trois Boeing 737-200, et 220 employés. Aujourd'hui WestJet exploite 13 avions et dessert 12 villes de l'Ouest du pays, avec 1 100 employés. Nous utilisons un seul type d'avion, soit le Boeing 737-200, qui a une capacité de 120 passagers. Cette année nous allons transporter plus de deux millions de passagers. Nos actions ont augmenté de 40 p. 100 depuis leur inscription à la Bourse de Toronto, au mois de juillet de cette année. Nous avons déclaré que nous avons l'intention d'augmenter notre flotte de trois ou quatre avions par an, et visons uniquement le marché de l'ouest du Canada.

• 1550

Pourquoi WestJet a-t-elle réussi alors que d'autres ont échoué? Il y a un certain nombre de facteurs qui expliquent cette réussite, mais c'est surtout grâce à notre personnel. WestJet investit énormément dans son personnel, et en retour il nous permet d'avoir une structure de coûts peu élevés. Nous avons en moyenne 65 employés par avion, alors que les deux grands transporteurs emploient actuellement entre 140 et 170 employés par avion. En outre, notre personnel assure un service à la clientèle qui fait notre réputation et qui est en fait la raison pour laquelle les gens reviennent à WestJet.

Les tarifs de WestJet sont équivalents, en moyenne, à la moitié des tarifs pratiqués par les grands transporteurs et aucun de nos tarifs n'exige que le voyageur passe un samedi soir à destination. Nous sommes un vrai transporteur à tarifs bon marché.

L'approche de WestJet en matière de commercialisation n'est pas d'acquérir des parts de marché, mais plutôt de développer le marché que nous desservons. En 1997, alors que WestJet n'avait que sept avions, notre marché avait progressait de 150 p. 100 en moyenne, par rapport à 1995, soit avant nos débuts. Maintenant que nous avons 13 avions, nous estimons que la stimulation est encore plus grande. Avant notre arrivée, les marchés n'augmentaient en moyenne que de 3 p. 100 par an, à titre de comparaison.

Nous considérons que nous sommes davantage en concurrence avec la voiture, le train, le bus et, surtout, le canapé-lit ou une nuit à l'extérieur, WestJet ayant tendance à encourager les gens à voyager, plutôt que de détourner la clientèle des autres transporteurs. Nous y parvenons parce que nous pratiquons des prix qui, comme je l'ai indiqué précédemment, sont beaucoup moins élevés que ceux qui ont cours sur le marché, et nous offrons une excellente valeur pour ces prix. Nous essayons de convaincre les gens de prendre l'avion plutôt que la voiture, et nous y avons très bien réussi. Nous estimons donc être tout à fait uniques dans l'industrie du transport aérien. Jusqu'à présent, WestJet n'a fait qu'observer le débat qui a entouré le regroupement proposé des compagnies aériennes du Canada. Nous ne pensons pas qu'il y ait un problème dans cette industrie; nous pensons plutôt c'est l'un des transporteurs, soit Canadien International, de son propre aveu, qui a des problèmes.

D'après les résultats financiers affichés par Air Canada, par les trois compagnies de services d'affrètement cotées en bourse, par certains transporteurs régionaux et nous-mêmes, qui avons tous l'air de nous porter relativement bien, nous ne pouvons que conclure que l'industrie du transport aérien n'est pas en faillite.

Tout d'abord, nous demandons de ne recommencer à réglementer l'industrie canadienne. Nous estimons que cela serait une erreur et que ce n'est absolument pas nécessaire.

Deuxièmement, en supposant que l'une des offres actuelles soit acceptée, nous n'aurons plus qu'un grand transporteur au Canada. WestJet est très favorable à la concurrence. Nous sommes nés à l'ère de la concurrence. Nous allons nous épanouir dans cette ère de la concurrence. Nous ne pensons pas être en concurrence avec les grands transporteurs, mais nous pensons néanmoins que toute restructuration ou tout regroupement dans l'industrie aérienne serait très positive pour WestJet. Nous devenons une alternative viable par rapport aux grandes compagnies aériennes, à mesure que la fréquence de leurs services sur certaines routes diminue, et que nous augmentons la nôtre.

Ce qui nous dérange, par contre, c'est qu'un transporteur qui contrôlerait près de 90 p. 100 de l'industrie aérienne au Canada pourrait faire ce qu'il voudrait vis-à-vis de ses concurrents actuels et potentiels. Imaginez ce qui arriverait si un transporteur qui contrôle le marché des tarifs élevés décidait également d'accaparer celui des tarifs bon marché. Cela laisserait très peu de place, sinon aucune, à la concurrence.

• 1555

Par ailleurs, cela permettrait à cette nouvelle grande entité de subventionner ses activités sur le marché des tarifs économiques grâce à ses activités sur le marché des tarifs élevés évidemment profitable, où elle n'aurait aucune concurrence.

C'est pourquoi nous demandons à Transports Canada, comme l'a fait le Bureau de la concurrence, de veiller à prévoir une structure de concurrence dans toute proposition visant la création d'un seul transporteur.

Nous avons pris connaissance d'une lettre soumise par M. Konrad von Finkenstein, Commissaire à la concurrence, à l'honorable David Collenette, ministre des Transports, dans laquelle il présente certaines idées auxquelles nous avons contribué, et nous appuyons un grand nombre des propositions contenues dans cette lettre.

WestJet estime que nous vivons dans une économie efficace et que par conséquent nous devons favoriser la concurrence et laisser agir les forces de cette économie efficace.

Bien sûr cela ne garantit pas que toutes les compagnies qui existent existeront toujours, et j'estime en fait que nous assisterions à une régénération de l'industrie du transport aérien si le scénario actuel subissait une transformation radicale.

Il a été question par ailleurs de permettre à des compagnies aériennes étrangères d'exploiter certaines routes intérieures. Bien que WestJet soit favorable à la concurrence, nous pensons qu'en l'absence d'ententes réciproques dans d'autres pays, une telle chose ne serait pas acceptable pour le Canada, et surtout pas pour WestJet.

Si nous ne pouvons répondre aux transporteurs aériens qui décideraient d'offrir leurs services sur des routes intérieures, nous risquons de créer une situation où les règles seront inégales et où nous pourrions avoir beaucoup de mal à soutenir la concurrence.

J'aimerais que vous reteniez ce qui suit de mon discours. Premièrement, WestJet a très bien réussi, et continue à très bien réussir. Ce matin nous avons publié les résultats financiers de notre troisième trimestre et en terme de marge bénéficiaire, nous sommes l'une des compagnies aériennes les plus rentables en Amérique du Nord, sinon la plus rentable, en terme de marge bénéficiaire, en Amérique du Nord.

Deuxièmement, nous estimons que l'existence d'un seul joueur dans l'industrie poserait un problème.

Troisièmement, bien que nous pensions que WestJet s'en sortira bien si l'on procède à une restructuration ou un regroupement dans l'industrie, s'il ne devait y avoir qu'un seul transporteur dominant sur le marché, nous demanderions au Bureau de la concurrence et à Transports Canada de veiller à ce que nous ayons une industrie du transport aérien compétitive, juste et équitable.

Nous vous demandons de ne pas envisager un retour à la réglementation et nous ne pensons pas qu'il conviendrait de permettre aux transporteurs étrangers d'exercer leurs activités au Canada, s'il n'y a pas d'accords réciproques.

Je vous remercie de m'avoir accordé votre temps.

Le président: Merci, monsieur Smith. Nous avons apprécié votre présentation. En plus vous n'avez pas dépassé les 10 minutes, ce qui est très bien.

M. Stephen Smith: Je vous en prie.

Le président: Je passe à présent la parole à M. Harvey Friesen, au nom de Bearskin Airlines.

M. Harvey Friesen (président, Bearskin Airlines): Monsieur le président, honorables députés, mesdames et messieurs, j'aimerais vous remercier de m'avoir donné l'occasion de faire cette présentation devant le Comité des transports aujourd'hui.

Bearskin Airlines, ou selon le nom de notre compagnie, Bearskin Lake Air Service, célébrera son 37e anniversaire au mois de juillet 2000. Bearskin Airlines a de profondes racines dans le sol du Nord de l'Ontario, et la compagnie a fait bien du chemin depuis sa création, le 17 juillet 1963.

Aujourd'hui, Bearskin Airlines exploite une flotte de 26 avions, et offre toute une gamme de vols réguliers, et de services d'affrètement et contractuels. Bearskin Airlines est la compagnie aérienne locale du Nord de l'Ontario, et le principal transporteur régional à assurer un service de navette.

En 1999, la compagnie transportera plus de 200 000 passagers vers 38 destinations, sur près de 200 vols quotidiens réguliers. Bearskin offre également des services d'affrètement au gouvernement, aux sociétés et aux groupes d'intérêt privés.

Le réseau des liaisons régulières de Bearskin s'étend de Flin Flon, The Pas et Winnipeg à l'ouest, à Sudbury, North Bay et Ottawa à l'est, et jusqu'à Peawanuck et Fort Severn sur les rives de la Baie d'Hudson.

Nous avons une entente actuellement avec Air Ontario, le transporteur correspondant d'Air Canada, en vertu duquel nous participons au programme pour grands voyageurs Aéroplan et pratiquons des tarifs communs avec Air Canada.

• 1600

Au Canada, l'industrie du transport aérien est nettement divisée en trois camps: les rouges, les bleus et les non affiliés. Le camp des rouges comprend les transporteurs à services réguliers alignés sur Air Canada, et comprend des filiales à 100 p. 100 comme Air Ontario, Air Nova, Air BC et Air Alliance, ainsi que des transporteurs nationaux privés de moindre taille comme Alberta Citylink, Central Mountain Air, First Air, Air Creebec et Bearskin Airlines.

L'affiliation à Air Canada donne au camp des rouges un certain nombre d'outils de commercialisation qui leur permettent d'être plus compétitifs qu'ils ne le seraient individuellement. Les filiales à 100 p. 100 et un certain nombre des transporteurs privés participent au partage de dénominations d'Air Canada.

Toutes les compagnies aériennes du camp des rouges peuvent participer au programme Aéroplan d'Air Canada et aux tarifs complets offerts pour des trajets multitronçons ou aux tarifs communs. Ces compagnies aériennes s'efforcent de faciliter les correspondances entre leurs vols dans les aéroports plaques tournantes, et assurent ainsi une prise en charge ininterrompue des passagers et bagages qui ont plusieurs changements à faire.

Sur le plan mondial, Air Canada est alignée sur d'autres transporteurs de l'alliance Star, notamment Lufthansa, United Airlines, SAS et d'autres compagnies aériennes. Les avantages que cette alliance procure à ses membres sont semblables à ceux que j'ai décrits ci-dessus.

Le camp des bleus regroupe des transporteurs aériens à services réguliers alignés sur Canadien International et comprend des filiales à 100 p. 100 comme Canadien Régional, ainsi que des compagnies privées comme Ontario Regional, Inter-Canadien et Calm Air, dans lesquelles Canadien détient certains intérêts.

Sur le plan international, Canadien International est aligné sur d'autres compagnies aériennes dans le cadre de l'alliance Oneworld, qui comprend notamment American Airlines, British Airways et d'autres. Les avantages que cette alliance procure à ses membres sont semblables à ceux décrits pour le camp des rouges et les partenaires de l'alliance Star.

Les transporteurs non affiliés sont des compagnies qui offrent des services réguliers et des services d'affrètement qui sont demeurées indépendantes, comme WestJet, Canada 3000, Royal Aviation, et d'autres. La plupart de ces transporteurs ne desservent que des marchés plus importants entre points fixes. Si ces transporteurs peuvent être, et sont compétitifs sur les marchés qu'ils desservent, ils sont incapables de soutenir la concurrence efficacement dans un sens vraiment mondial.

Dans le contexte actuel, les filiales à 100 p. 100 du camp des rouges ou des bleus peuvent recevoir des instructions spécifiques en ce qui concerne les marchés desservis ou les tarifs pratiqués. Les affiliées privées sont libres de faire ce qu'elles veulent, encore que toute politique qui ne serait pas approuvée par les grands transporteurs pourrait avoir des effets négatifs sur leurs relations.

Bearskin Airlines est fière d'être une compagnie aérienne canadienne et, en tant qu'exploitant et propriétaire d'une entreprise de ce pays, nous ne souhaitons pas voir de changements qui auraient pour effet de retirer le contrôle de notre industrie des mains des Canadiens.

Pour l'instant nous sommes alignés sur Air Canada, l'une des principales compagnies aériennes du pays. Cet alignement nous assure des tarifs communs sur plusieurs liaisons en Amérique du Nord, des horaires préférentiels et la participation au programme pour grands voyageurs. S'il devait y avoir un seul grand transporteur, cette compagnie aérienne dominante pourrait juger qu'il n'est plus nécessaire de nous faire participer à ces programmes. Elle pourrait au contraire exploiter sa propre version du service en utilisant son surplus d'équipement et nous faire concurrence, à nous les indépendants qui auront été dépouillés de tous les outils nécessaires pour être compétitifs sur ces marchés. Cette compagnie aérienne unique pourrait facilement modifier les prix pratiqués dans un secteur donné de l'industrie, et offrir des prix pour évincer la concurrence. Cette nouvelle compagnie aérienne serait suffisamment importante pour faire systématiquement capituler chacun de ses concurrents, l'un après l'autre, si rien n'est fait pour l'en empêcher, et combler ensuite le vide en utilisant son excédent d'équipement.

On a beaucoup parlé des effets des pertes d'emplois et des mises à pieds et, encore une fois, on a parlé de minimiser cet impact par une expansion des activités et une attrition des effectifs. Pour des indépendants de notre taille, la question est de savoir si cette expansion pour réduire les mises à pied doit se faire par l'utilisation d'avions et de ressources financières sur des routes actuellement exploitées par des transporteurs indépendants et régionaux, qui seront privés de leurs outils de commercialisation et finiront par devoir se débrouiller seuls face à leur ancien partenaire? Si cela se produit, les mises à pied auront lieu non pas chez le grand transporteur, mais chez les petites compagnies indépendantes qui ne pourront se battre contre un concurrent aussi énorme.

Si la restructuration a lieu telle que les deux côtés, Air Canada et Onex, l'envisagent actuellement, nous aurons une grande compagnie aérienne au Canada, ou deux compagnies aériennes contrôlées par la même société. Qu'adviendra-t-il des transporteurs régionaux entièrement privés? Vont-ils également être fusionnés, vendus ou avalés par la compagnie aérienne qui restera? Ce sont des questions auxquelles les deux côtés devront répondre car selon les réponses qui seront données, les choses pourraient être fort différentes.

Les transporteurs régionaux totalement privés sont des joueurs importants dans l'industrie du transport aérien au Canada, car ils assurent le trafic d'apport des grands transporteurs, et il faudrait savoir quel sort leur sera réservé. Pour desservir les mêmes liaisons régulières, le nouveau grand transporteur n'aura pas besoin d'être aussi important que les deux compagnies séparées. Il aura un surplus d'avions, d'équipement, d'espace dans les aéroports, de bureaux et de hangars, ainsi qu'un excédent d'effectif comme les pilotes, le personnel de cabine, les ingénieurs de maintenance, les manutentionnaires de bagages, le personnel au sol et le personnel administratif. S'il ne reste qu'un seul grand transporteur, on assistera inévitablement à une réduction de la fréquence des services et de la concurrence. Est-ce une mauvaise chose ou est-ce simplement ainsi que fonctionnent les affaires et les forces du marché?

• 1605

En ce qui concerne les consommateurs, il y a des inquiétudes à avoir et des questions à poser. Cette grosse compagnie aérienne unique sera-t-elle très affaiblie par le fardeau de la dette, ou sera-t-elle compétitive en terme de prix de revient? Si l'on a une seule compagnie aérienne, tout le monde fera partie de la même alliance et aura le même programme pour grands voyageurs. Ce programme attribuera-t-il les primes en échange de points accumulés au même tarif qu'actuellement, ou les modalités seront-elles modifiées au détriment des consommateurs? Qui prendra l'initiative d'offrir des prix compétitifs ou de solder des sièges? Pourquoi l'industrie aurait-elle besoin de le faire si ses capacités sont réduites et qu'il n'y a qu'un grand transporteur aérien? Les niveaux de service seront-ils réduits? Avec quoi pourra-t-on faire une comparaison?

Nous pensons que les services régionaux qui appartiennent à une seule compagnie aérienne continueront à fonctionner de la même manière qu'actuellement. La nouvelle grande compagnie aérienne établira les règles du jeu, déterminera les horaires, les fréquences et les coûts. La seule différence, si l'industrie est restructurée, c'est qu'il n'y aura peut-être qu'un transporteur régional.

Encore une fois, ce qui nous inquiète en ce qui concerne les localités éloignées du Nord, c'est que pour minimiser les pertes d'emplois, la nouvelle grande compagnie aérienne pourrait décider de se délester de son surplus dans des régions déjà desservies par des transporteurs existants. Ces derniers pourraient ne pas réussir à s'ajuster suffisamment rapidement à cette surcapacité et en souffrir, ce qui pourrait entraîner la disparition d'une concurrence efficace et l'émergence de marchés dominés par une nouvelle grande compagnie aérienne.

Avons-nous l'assurance que les promesses faites dans cette proposition de fusionnement seront respectées? N'oubliez pas les promesses de TWA, lorsqu'elle a fait l'acquisition de Wardair. Elle avait promis au public que Wardair continuerait à être exploitée en tant qu'entité distincte, or dans les mois qui ont suivi l'acquisition, le nom a été supprimé et la compagnie aérienne a cessé d'exister.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Friesen.

Notre dernier témoin, avant de passer aux questions, représente First Air. Qui va prendre la parole, monsieur Davis ou monsieur Aatami?

M. Pita Aatami (président du conseil, Société Makivik): Je parlerai le premier, et ensuite Bob et Sam feront leurs présentations.

Le président: Du moment que vous ne dépassez pas 10 minutes, nous vous écoutons.

M. Pita Aatami: D'accord.

Bonjour, mesdames et messieurs. Je m'appelle Pita Aatami. Je suis président de la Société Makivik, et également président du conseil d'administration de First Air.

La Société Makivik a été créée par suite de la Convention de la Baie James et du Nord du Québec signée en 1975. En sont membres tous les Inuits bénéficiaires de la Convention de la Baie James, soit quelque 9 000 personnes en ce moment. Ces Inuits vivent dans 14 municipalités inuites et sont pleinement assujettis à toutes les formes d'impôts sur le revenu et de taxes de vente. Nous sommes des contribuables et participons pleinement au trésor du pays et de la province. La Société Makivik est chargée d'administrer et de placer l'indemnité versée aux Inuits conformément aux dispositions de la Convention de la Baie James.

Depuis sa création, Makivik s'est particulièrement intéressée à l'industrie du transport aérien. En 1975, Makivik a fondé Air Inuit et obtenu le droit, en vertu de la décision 5223 de la Commission canadienne des transports, de servir les collectivités de la côte de l'Ungava au Nunavik. La commission avait clairement indiqué qu'elle avait fondé sa décision en grande partie sur la politique gouvernementale exprimée dans la Convention de la Baie James, à savoir que les Inuits du Nunavik devaient obtenir les moyens nécessaires pour développer leur économie. La décision reconnaissait également l'importance du transport aérien dans le Nord, où il n'y a ni routes et ni voies ferrées, si bien que l'avion est le seul moyen de transport utilisable toute l'année.

J'ai malheureusement eu le privilège de faire un détour en venant ici. Puisqu'il y a des routes qui mènent à toutes les villes du Sud, j'ai pu faire un détour pour venir jusqu'ici. Dans le Nord je n'ai pas ce privilège. Je n'ai pas le choix de moyen de transport.

Air Inuit génère approximativement 35 millions de dollars en recettes annuelles mais, ce qui compte davantage, c'est qu'elle emploie environ 300 personnes, dont un tiers sont des Inuits bénéficiaires de la Convention de la Baie James.

En 1990, Malikivik a fait l'acquisition de First Air. Elle ouvrait ainsi la voie aux Inuits du Canada en vue de contrôler un élément crucial du transport nordique.

• 1610

En 1998, pour renforcer un partenariat déjà établi avec Air Canada, First Air a conclu un accord commercial visant la fourniture d'un service de transport aérien pleinement intégré et ininterrompu avec le Sud. Nous avons investi jusqu'à présent plus de 50 millions de dollars dans First Air, qui emploie près de 1 100 personnes, dont 450 dans le Nord. L'entreprise injecte quelque 38 millions de dollars en dépenses directes dans l'économie du Nord. Les investissements que nous avons réalisés dans First Air, et d'ailleurs dans Air Inuit également, démontrent que nous n'hésitons pas à investir dans la région où nous vivons et où nous travaillons.

M. Davis, le président de First Air, vous expliquera tout à l'heure combien nous sommes préoccupés par l'impact que pourrait avoir sur First Air la restructuration du transport aérien dans le Sud. Nous ne voyons pas comment il pourrait exister une concurrence réelle sur le marché du Nord, si pareille concurrence est absente du marché du Sud. La création d'un transporteur dominant dans le Sud du pays interdira toute concurrence ailleurs au Canada.

Nakurmik. Merci.

M. Robert Davis (président, First Air): Merci, Pita. Comme nous l'avons indiqué dans notre mémoire adressé aux ministres Collenette et Nault, dont on vous a distribué une copie, First Air et Makivik sont préoccupés par cette restructuration du transport aérien du Canada envisagée par le gouvernement, alors que l'industrie ne va pas si mal, et plus particulièrement par l'impact qu'elle pourrait avoir dans le Nord. En ce moment, l'industrie du transport aérien repose sur deux compagnies aérienne: Air Canada et Canadien International. First Air et Canadian North sont les deux principales compagnies aériennes du Nord. Nous avons tous deux des alliances commerciales avec les deux transporteurs nationaux respectifs. Si notre concurrent dans le Nord fait affaire sous le nom de Canadian North, en réalité c'est Canadien International qui continue à être notre concurrent, du fait d'une modification de la structure de propriété et d'exploitation intervenue l'an dernier.

Après la déréglementation de 1986, le transport aérien au Canada a évolué en deux camps, celui de Canadien International et celui d'Air Canada, qui ont étendu leurs services à toutes les régions du pays. Cette évolution était la conséquence directe de la politique du gouvernement fédéral dans le secteur du transport aérien. First Air a dû s'adapter à cette réalité. Le Nord n'était ni isolé ni protégé de la scène nationale. Canadien International était désormais un joueur important dans le Nord.

En tant que transporteur régional nordique, First Air a dû s'aligner sur l'un des deux groupes nationaux. First Air n'avait pas le choix, il lui fallait s'aligner ou disparaître. Puisque Canadien International était notre concurrent, il était naturel de nous aligner sur Air Canada. Comme Pita vous l'a signalé, notre partenariat conclu avec Air Canada est finalement devenu une pleine alliance commerciale.

Pour First Air, la proposition d'Onex signifie que son partenaire, Air Canada, et son principal concurrent, Canadien International, pourraient ne plus faire qu'une seule compagnie. On ne voit pas comment une compagnie aérienne dominante voudrait se faire concurrence à elle-même par le biais de ses partenaires dans le Nord. Si First Air perd son partenaire national à la suite du rachat d'Onex, on imagine mal comment la compagnie pourrait demeurer viable, et ce sont donc ses emplois qui sont menacés, ainsi que sa contribution à l'économie et, surtout, les services essentiels que nous fournissons dans le Nord.

Ainsi que vous pouvez le constater sur la carte, First Air assure toute l'année des services réguliers à vingt-six communautés nordiques. Sans autre moyen de transport à leur disposition, toutes ces communautés dépendent du service aérien. Comme Pita vous l'a dit, il n'y a ni routes, ni voies ferrées. Le transport aérien dans le Nord n'est pas une simple commodité, mais une nécessité. Pour beaucoup de ces communautés, First Air est la seule compagnie aérienne qui offre un service régulier toute l'année. Et il est important de savoir que puisque notre compagnie transporte le fret uniquement en direction du Nord, elle ne peut survivre que si elle a un mélange bien proportionné de passagers, de fret et de nolisement. Nous sommes très vulnérables à la concurrence segmentée, c'est-à-dire à la concurrence qui ne fournit qu'une partie des services, et non pas la totalité, comme nous le faisons. Une compagnie aérienne dominante n'aurait aucune difficulté à se débarrasser de nous avec de tels moyens.

• 1615

On a fait bien des commentaires sur ce qui se passerait si l'industrie aérienne était dominée par une seule compagnie aérienne. On a dit beaucoup de choses, mais personne n'a fait la moindre référence à ce qui arriverait dans le Nord plus particulièrement, où, comme nous l'avons dit, le transport aérien constitue pourtant un service essentiel. Les propositions de restructuration de l'industrie avancées jusqu'à présent n'ont traité que des deux transporteurs nationaux et de leurs filiales.

Le gouvernement fédéral peut-il faire quelque chose? Premièrement, il peut mettre fin à cette tentative de venir en aide à Canadien International. Mais nous pensons qu'il y a d'autres choses également qu'il peut faire. Le Canada pourrait ordonner que le transporteur aérien dominant nouvellement créé respecte l'accord commercial en place entre Air Canada et First Air pendant toute sa durée, y compris les restrictions interdisant la concurrence directe ou indirecte sur les routes nordiques. En outre, la nouvelle entité devrait être tenue d'examiner et de modifier l'accord commercial conclu avec First Air, compte tenu du fait qu'elle serait désormais le principal transporteur aérien du Canada.

Si le gouvernement fédéral en est venu à la conclusion que le marché du Sud du pays ne peut soutenir deux grandes compagnies aériennes, comment peut-il imaginer que le Nord, avec ses 75 000 habitants pourrait le faire? Quelqu'un a-t-il demandé à Onex pourquoi son offre ne vise qu'Air Canada et ses affiliées, mais n'inclut pas son partenaire du Nord, First Air? Nous ne sommes pas à vendre.

Mon collègue, Sam Silverstone, va prendre la suite.

M. Sam Silverstone (conseiller juridique, Société Makivik): Merci, Bob. Je suis conseiller juridique pour la Société Makivik, et je fais partie du Conseil d'administration de First Air.

Monsieur le président, membres du comité, mesdames et messieurs, il est important de se rappeler également que l'acquisition de First Air a été rendue possible grâce à l'indemnité provenant d'un traité conclu avec le gouvernement fédéral, par suite de la mise en oeuvre de la politique fédérale visant le règlement des revendications globales autochtones. Nous avons étendu notre entreprise en réponse à des politiques précises du gouvernement fédéral adoptées au chapitre du transport aérien, ce dont mes collègues ont déjà fait état.

Comme vous le savez, l'un des principaux buts de la politique fédérale de règlement des revendications globales est de fournir aux peuples autochtones les outils nécessaires pour favoriser leur développement économique. La Convention de la Baie James et du Nord québécois signée en 1975, directement issue de cette même politique fédérale, a pour objectif fondamental de favoriser le développement économique. En fait, au moins trois chapitres sont exclusivement consacrés à cette question.

Comme vous le savez peut-être, Makivik a été forcée par le gouvernement du Canada à utiliser l'indemnité et les terres reçues en vertu de la Convention suivant les indications précises données par le Canada, en qualité de fiduciaire. Makivik a rigoureusement suivi ces instructions. Notons en particulier que la Convention de la Baie James conférait à Makivik le pouvoir d'investir dans toute société dont les activités servent directement les intérêts économiques ou autres des Inuits.

Conformément aux buts et objectifs de la Convention de la Baie James, la Société Makivik a fait l'acquisition d'un outil économique à long terme en achetant First Air. Ainsi que mes collègues l'ont fait remarquer, le transport aérien représente une activité cruciale pour l'économie du Nord. La décision de Makivik d'investir dans First Air, et ensuite de lui faire prendre de l'expansion, reposait directement sur les politiques fédérales concernant la concurrence, le contrôle des investissements étrangers, la déréglementation du transport aérien en 1987-1992, et les obligations fiduciaires de la Couronne envers les Inuits du Nunavik.

Le Canada est en train de changer les règles, apparemment parce que cela dessert son propre programme politique, sans égard à ses obligations de fiduciaire envers les Inuits du Nunavik. La limite des 25 p. 100 visant la propriété étrangère est à présent remise en question. Il est également question de modifier la restriction à 10 p. 100 de l'actionnariat d'Air Canada prévue par la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada. Le gouvernement a déjà consenti à suspendre l'application de la Loi sur la concurrence pour une période de 90 jours alors qu'il n'y avait pas de situation de crise. Les règles sont en train de changer. Les règles sont mouvantes. Le Canada ne peut modifier arbitrairement ses politiques en matière de transport si cela contrevient à son obligation fiduciaire envers les Inuits du Nunavik ou à ses obligations en vertu de traités.

Ces devoirs de la Couronne sont antérieures à toute restructuration du transport aérien. Ses obligations fiduciaires sont même antérieures à l'invention de l'avion. La Couronne entretient une relation de fiduciaire avec les Inuits du Nunavik en vertu de sa relation historique avec les peuples autochtones, conformément au paragraphe 91(240) de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique et de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.

Ce rapport de fiduciaire a été confirmé dans la jurisprudence de la Cour suprême du Canada, et signifie désormais que la Couronne a le devoir d'agir de manière équitable envers les peuples autochtones, de veiller généralement à leurs intérêts, de protéger leurs droits contre toute interférence illégale et injuste, et de faire passer leurs droits et intérêts en premier lieu, plutôt que deuxième ou troisième lieu, dans toute décision fédérale.

• 1620

La Cour suprême a aussi déclaré très récemment que le devoir de fiduciaire signifie que les gouvernements doivent tenir compte des préoccupations des Autochtones lorsqu'ils élaborent et mettent en oeuvre des politiques, et que faillir à cette tâche peut en fait constituer un manquement à leur devoir de fiduciaire.

J'aimerais vous rappeler qu'outre son devoir de fiduciaire, le Canada a une responsabilité toute spéciale envers les Inuits du Nunavik, en vertu de la Convention de la Baie James et de la loi visant sa mise en application. L'article 8 de cette loi, par exemple, précise que là où il y a incompatibilité ou conflit entre les dispositions de la convention et celles de toute autre loi d'application générale, le traité prévaut dans la mesure de l'incompatibilité. Rappelons-nous cela lorsque nous envisagerons de modifier la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada, ou toute autre loi fédérale pour faciliter la création d'une compagnie aérienne dominante, comme on semble vouloir le faire.

Qu'on ne s'y trompe pas. La Société Makivik n'a pas investi dans une entreprise comme First Air sans pleinement accepter les risques inhérents à un tel investissement. Nous sommes tout à fait disposés à composer avec les aléas du marché. Mais la Société Makavik ne peut accepter et n'acceptera pas des pertes financières qui seront dues à des règles du jeu devenues inégales parce que le gouvernement les aura changées en cours de route pour des raisons politiques ou parce qu'il favorise arbitrairement, directement ou indirectement, un secteur du transport aérien plutôt qu'un autre, le tout sans la moindre considération pour ses obligations au titre de la Convention ou son devoir de fiduciaire envers les Inuits du Nunavik.

Du fait des obligations fiduciaires de la Couronne envers les Inuits du Nunavik, le gouvernement du Canada a le devoir, en restructurant l'industrie du transport aérien, d'agir d'une manière conforme à ces obligations, et non pas en contradiction avec celles-ci.

Nous ne sommes pas des investisseurs ordinaires. Nous sommes un peuple envers lequel vous avez des obligations particulières à cause de l'histoire, à cause de la Constitution canadienne et à cause de la Convention de la Baie James que vous avez signée avec nous. Vos obligations envers nous sont non seulement prévues dans la loi fédérale, elles ont également été enchâssées dans la Constitution et ont préséance sur toute autre politique ou loi fédérale, y compris la restructuration du transport aérien.

Ces obligations sont préexistantes et elles signifient que le Canada n'est pas aussi libre qu'il peut l'imaginer pour restructurer le transport aérien sans tenir compte de nous. Ainsi que mon associé, M. Aatami l'a fait remarquer tout à l'heure, nous avons monté cette affaire dans l'Arctique lorsque la Commission canadienne des transports, le Comité du transport aérien plus précisément, nous a accordé une licence, en 1975...

Le président: Vous allez devoir conclure, monsieur Silverstone.

M. Sam Silverstone: ...plutôt qu'à deux autres candidats, pour exploiter une entreprise de transport aérien dans le Nord du Québec. Ce serait une contradiction flagrante si le gouvernement annulait aujourd'hui notre investissement en restructurant l'industrie sans tenir compte des obligations de fiduciaires qui ont été respectées dans cette décision de 1975.

Merci.

Le président: Messieurs, merci des présentations que vous venez de faire devant notre comité. D'habitude, je n'interviens pas d'entrée de jeu, mais vous avez touché une corde sensible chez moi, monsieur Silverstone, et j'aimerais signaler clairement à toutes les personnes présentes dans cette salle, ainsi qu'à tous ceux et celles qui nous regardent de l'extérieur, que nous sommes tout à fait conscients du fait que le transport aérien représente une activité économique cruciale pour le Nord. Dieu sait que je suis allé dans l'Arctique de l'Est, jusque tout au bout et retour, au moins trois fois durant mon mandat.

Mais en même temps, je crois qu'il faut être prudent lorsque vous présumez de ce que le gouvernement est en train de faire. Lorsque vous dites que le Canada est en train de changer les règles du jeu sans tenir compte de ses obligations de fiduciaire, vous n'avez pas raison. Nous n'avons encore changé aucune règle pour l'instant. Personne n'a décidé de changer les règles. Diverses possibilités sont en train d'être envisagées par le ministre des Transports, par le Bureau de la concurrence, par notre comité, le Comité permanent des transports, par toutes les parties intéressées, et par d'innombrables organismes.

Vous dites que la limite des 25 p. 100 imposée à la propriété étrangère des transporteurs nationaux, en vertu de la Loi sur les transports au Canada, pourrait être modifiée. Le ministre des Transports lui-même a affirmé devant notre comité que cette règle des 25 p. 100 visant la propriété étrangère ne sera pas modifiée—il était ferme là-dessus—et que la restriction à 10 p. 100 des actions visant les investissements dans Air Canada, prévue dans la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada, pourrait peut-être changer. Mais c'est à notre comité et à d'autres organismes qu'il revient de mettre cela sur papier et de présenter nos recommandations au ministre des Transports, qui a dit qu'il voudrait obtenir des opinions sur cette règle des 10 p. 100.

• 1625

Tout ce que j'essaie de dire, monsieur, c'est qu'au lieu de chercher la confrontation, nous pourrions essayer de travailler ensemble pour tenter de trouver les solutions qui garantiront que nous respectons nos obligations envers vous et envers tous les transporteurs aériens en activité—qu'il s'agisse de compagnies nationales, de services d'affrètement ou de compagnies internationales—et trouver la meilleure politique possible pour notre pays.

Vous pouvez répondre à cela si vous le voulez. Avant que nous ne passions aux questions.

M. Joe Comuzzi (Thunder Bay—Superior-Nord, Lib.): J'aimerais invoquer le Règlement.

Le président: Pouvez-vous me dire ce que vous en pensez, monsieur Silverstone, s'il vous plaît?

M. Sam Silverstone: Monsieur le président, je ne cherchais pas la confrontation. Nous réagissons surtout aux annonces publiées dans les journaux par Onex, par Air Canada également, et aux déclarations faites à diverses occasions par M. Collenette. Nous n'accusons pas le gouvernement; nous répondons à la situation à mesure qu'elle évolue d'heure en heure.

La difficulté pour nous, qui essayons de faire tourner une entreprise, c'est l'incertitude qui est créée par la restructuration globale. Je suis d'accord avec vous, les choses pourraient bien finir par tomber en place. La loi pourrait bien ne pas être modifiée, mais même le ministre lui-même a parlé, à un moment donné, de la possibilité de revoir ces pourcentages.

Je reconnais qu'aucune décision n'a encore été prise, mais à quoi devons-nous réagir pour l'instant? C'est l'incertitude qui pourrait avoir d'importantes répercussions sur nos affaires.

Le président: Il n'y a aucune incertitude en ce qui concerne nos responsabilités fiduciaires à l'égard des Inuits, ou de la règle des 25 p. 100, comme vous l'avez mentionné.

Vous vouliez invoquer le Règlement, monsieur Comuzzi?

M. Joe Comuzzi: Oui, monsieur le président. Nos témoins ont beaucoup de mérite d'être venus ici aujourd'hui pour nous présenter leurs opinions. C'est ce que les témoins sont censés faire. Nous avons la possibilité de les interroger au bon moment. Le président n'a pas besoin de faire de déclaration...

Le président: Je ne vois pas ce que cela a à voir avec le Règlement, monsieur Comuzzi. Je vais donc donner la parole à la première personne sur ma liste.

Madame Val Meredith, s'il vous plaît.

Mme Val Meredith (South Surrey—White Rock—Langley, Réf.): Merci, monsieur le président. J'espère être conciliante dans mes questions.

Nous avons reçu les témoignages d'autres transporteurs régionaux qui assurent un trafic d'apport aux grandes compagnies. Ils ont exprimé les mêmes inquiétudes que vous, à savoir que s'il n'y avait qu'une compagnie dominante, vous pourriez avoir beaucoup de mal à demeurer compétitifs si celle-ci adoptait un comportement que vous caractérisez d'abusif, ou quel que soit le terme que vous voudrez utiliser. Certains ont suggéré des mesures que nous pourrions envisager de prendre lorsque nous définirons notre politique, pour aider à empêcher ce genre de chose de se produire.

J'aimerais demander à ces messieurs des trois compagnies aériennes ici représentées s'il ont une idée de ce que nous pourrions faire à cet égard. De quel genre de chose faudrait-il tenir compte pour que le transporteur dominant ne puisse pas vous empêcher d'être compétitifs?

M. Stephen Smith: J'aimerais bien commencer à répondre à cette question, si vous le voulez bien, Bob et Harvey.

Nous avons longuement discuté ave le Bureau de la concurrence et la lettre de Konrad von Finckenstein à M. Collenette résumait en bonne partie nos positions. Il s'agit d'une longue lettre—je crois qu'elle a 11 ou 12 pages. Pour le moment, j'hésiterais à aborder certaines de ces recommandations. Nous en avons discuté pendant deux ou trois heures, à ce moment-là. Si vous voulez en prendre connaissance et en discuter ensuite avec nous, je n'aurais aucune objection.

Mais il y a tant de domaines où il peut y avoir comportement abusif: dans le contrôle des créneaux d'atterrissage ou de décollage, l'accès aux aéroports, les comptoirs, les présentations dans les aéroports, les systèmes de réservation informatisée. Je pourrais continuer longtemps. Alors, avec tout le respect que je vous dois, si nous commençons à discuter de cette question, nous pourrions en avoir pour trois ou quatre heures.

La lettre est probablement un bon point de départ pour nous. Ce qu'il faut, c'est encourager la concurrence, que ce soit avec nous, un autre transporteur qui se lancerait, ou qui que ce soit. Cette lettre traite d'un grand nombre de ces sujets.

Mme Val Meredith: Vous avez examiné bon nombre des problèmes qui ont été soulevés, comme l'attribution des créneaux horaires, l'accès aux installations des aéroports, qu'il s'agisse de portes ou de réservations de pistes, et la possibilité de participer aux programmes pour grands voyageurs. Vous seriez donc d'avis, comme les autres témoins que nous avons entendus, que ce sont des domaines où nous pouvons essayer d'empêcher une compagnie dominante de nuire à votre compétitivité. Les autres nous ont dit que ce contrôle des créneaux constitue probablement le point le plus important. Vous devez avoir accès aux aéroports, car si vous n'y avez pas accès, il vous sera évidemment impossible de leur faire concurrence. Êtes-vous d'accord avec cette affirmation?

M. Stephen Smith: Le contrôle des créneaux pose un problème dans un aéroport seulement au Canada, c'est-à-dire à Toronto. Pour nous—je ne peux pas parler pour les autres—cela pose un problème à Toronto. Mais je crois que les pratiques abusives dans le domaine des tarifs et des capacités sont probablement les principaux problèmes. Même si vous avez accès à Toronto, si le principal transporteur a recours à des pratiques abusives en matière de tarifs et de capacités, le fait d'avoir accès aux pistes ne vous aidera pas vraiment à rivaliser avec lui. Mais je ne dirais pas forcément que vous n'avez pas raison, surtout si vous voulez desservir Toronto.

• 1630

Mme Val Meredith: Merci.

Le président: Merci, Val.

Monsieur Fontana, s'il vous plaît.

M. Joe Fontana (London-Centre-Nord, Lib.): Excusez-moi. Je me demande si l'un des autres témoins...

Le président: Un autre témoin veut-il répondre?

M. Robert Davis: Pourrais-je rajouter quelque chose à cela?

Le président: Bien sûr, monsieur Davis.

M. Robert Davis: J'apprécie les commentaires de Steve; ils sont tout à fait valables. WestJet a retenu un modèle d'entreprise précis, soit celui du transport à bas tarifs. Nous exploitons une compagnies aérienne qui offre toute la gamme des services, dans le cadre d'une alliance avec Air Canada. WestJet n'utilise pas le programme pour grands voyageurs. Son modèle d'entreprise est fort différent du nôtre et la compagnie devrait bien s'en sortir, comme elle l'a dit elle-même, dans un scénario où il n'y aurait qu'une seule compagnie dominante. Mais qu'adviendra-t-il de notre partenariat avec Air Canada? Nous aurons une compagnie aérienne dominante et deux concurrents dans le Nord.

Dans les deux scénarios actuellement sur la table, on dit qu'il n'y aura pas de problème, et qu'on va négocier des alliances commerciales avec nous. Pour moi cela ne vaut rien. Sommes-nous censés signer une entente commerciale qui fournit le même programme pour grands voyageurs? Nous allons essayer d'attirer la clientèle de la même compagnie aérienne. Cela ne me donne aucun avantage concurrentiel. La compagnie dominante nous facturera ces services, et toute entente commerciale se fera donc strictement dans l'avantage financier de la compagnie dominante.

Nous ne pouvons pas du jour au lendemain essayer d'imiter WestJet pour devenir compétitifs face à cette compagnie dominante, car nous avons une culture et une compagnie qui ont cinquante ans déjà.

Nous sommes venus ici pour vous faire part de nos inquiétudes plutôt. Les solutions sont très complexes et nombreuses.

Mme Val Meredith: Comment faire? Il faut être juste et reconnaître que vous n'êtes pas les seuls à vous sentir menacés; vos concurrents aussi sont inquiets. Donc il y a deux transporteurs aériens, Air North et Canadian North, qui desservent la région. Et vous craignez que, du jour au lendemain, il n'y ait plus de place que pour un seul de ces deux transporteurs pour alimenter le transporteur dominant. Lequel? Quelle est votre place? Avez-vous besoin d'une période de transition pour vous restructurer ou allez- vous vous adapter progressivement? Voulez-vous que quelqu'un d'autre décide lequel des deux transporteurs survivra? Que voulez- vous?

M. Robert Davis: Je crois avoir été clair là-dessus: cessez d'aider Canadien International. Il y a de nombreuses années, nous avons choisi de nous aligner sur Air Canada. C'était une décision d'affaires. Comme l'ont dit mes collègues—je suis d'accord avec Stephen et Harvey—nous sommes tout à fait disposés à fonctionner dans un environnement compétitif. C'est ce que nous avons fait jusqu'à présent.

Je vais vous contredire quelque peu. Le gouvernement a levé les règles visant la concurrence. Il favorise une situation qui facilitera grandement la création d'une compagnie aérienne dominante. Il joue avec les règles pour venir en aide à notre concurrent, en fin de compte. Si c'est le cas, quelqu'un devra nous aider, nous aussi.

Mme Val Meredith: Vous préféreriez que Canadien International fasse faillite et qu'Air Canada devienne le transporteur dominant, pour faire face à cette situation.

M. Robert Davis: Je ne peux pas dire d'avance comment le marché va se comporter. Il est certain que Canadien International fait face à des difficultés financières. La faillite est-elle leur seule solution? Je ne peux pas le prédire. Mais laissons au marché le soin d'en décider.

Mme Val Meredith: Merci.

Le président: Merci Val.

Monsieur Friesen, avez-vous une autre question à poser?

M. Harvey Friesen: Je crois que la question nous était adressée à tous les trois.

Le président: Malheureusement, si vous répondez tous les trois à chaque question, nous serons encore ici à minuit.

M. Harvey Friesen: Je n'ai pas grand chose à ajouter.

Le président: Je tiens à entendre vos observations. C'est seulement maintenant que je vous le dis. J'aurais dû expliquer tout cela avant de commencer, mais il y a eu quelques complications au début de la réunion. En général, nous espérons que les députés posent une question puis posent une question très courte à laquelle vous répondez tous les trois ou posent une question plus longue à un seul témoin, afin de respecter l'horaire.

Allez-y, monsieur Friesen.

• 1635

M. Harvey Friesen: Nous sommes également alignés avec Air Canada. Mais notre situation est quelque peu différente de celle de First Air. Canadien nous fait très peu de concurrence sur nos routes. Compte tenu de son excédent d'équipement, nous craignons que la compagnie décide de s'en prendre à nos routes.

Que peut faire le gouvernement? En dehors du retour à la réglementation, ce sera très difficile. Je ne pense pas que nous souhaitions une nouvelle réglementation. Nous avons des entreprises qui se font concurrence, et l'une d'elles ne peut pas survivre. La question est de savoir si elle doit être maintenue en vie par des subventions et l'intervention du gouvernement. Votre tâche est donc très difficile, mais le retour à la réglementation n'est pas la solution.

Le président: Merci, monsieur Friesen.

Monsieur Fontana.

M. Joe Fontana: Merci, monsieur le président.

Tout d'abord, j'aimerais féliciter tous les témoins de faire preuve d'un tel esprit entrepreneurial en profitant des possibilités que vous avez vues et utilisées dans tout le pays, que ce soit dans l'Ouest, dans le Nord ou au nord de l'Ontario, d'où je viens.

En fait, comme vous l'avez dit, et d'après ce que j'ai pu entendre également—deux messages principaux ressortent. L'industrie canadienne ne se porte pas si mal, il n'est donc pas nécessaire de lui venir en aide. Nous avons une compagnie aérienne qui connaît des problèmes, mais ne touchons pas trop à la réglementation car elle nous a plutôt bien servi. Mais j'entends parler ensuite d'accords commerciaux existants. Dans la mesure où l'on prévoit le retrait de l'un des transporteurs aériens dominants, la nature concurrentielle de notre pays, cette dynamique, va changer. On a dit également qu'il ne fallait pas réglementer, mais qu'il fallait protéger les accords commerciaux de chacun.

Selon qui gagnera cette guerre entre ceux qui veulent prendre le contrôle de Canadien, vous vous attendez à ce que le gouvernement fasse un certain nombre de choses pour protéger les accords commerciaux que vous avez conclus avec une compagnie ou une autre. Canadian North veut protéger ses intérêts avec Canadien International. Bearskin veut qu'Air Canada soit protégé. Stephen, vous n'avez pas d'affiliation. Vous n'avez pas de préférence, n'est-ce pas? Vous êtes au-dessus de la mêlée, cela n'a donc pas d'importance.

On a dit aussi que si une compagnie est réduite à néant, si une compagnie aérienne disparaît et si nous nous retrouvons avec un transporteur dominant, vous voulez que le Bureau de la concurrence et le gouvernement vous protègent contre les pratiques qu'un joueur dominant pourrait utiliser. Je serais plutôt d'accord avec vous. J'accepte l'évaluation que fait le Bureau de la concurrence des créneaux, de l'équipement, des transporteurs à rabais et tout le reste, car nous voulons en fin de compte protéger les intérêts du public. Ce sont vos clients et les nôtres.

C'est le marché qui devrait décider du gagnant et du perdant. Je serais plutôt d'accord, sauf que l'échec du perdant dans cette affaire aura des conséquences sur vous en raison des accords commerciaux. C'est ce que vous attendez de nous.

Je pense que Val l'a très bien dit. Si nous restons en dehors de toute cette affaire et laissons Canadien disparaître, en nous en remettant aux forces du marché, le marché pourrait bien décider de l'existence même de ces accords de toute façon. La différence est peut-être subtile, mais j'aimerais savoir comment nous pouvons vous protéger ainsi que vos accords commerciaux dans le cas où l'un de ces scénarios se réalise.

M. Robert Davis: C'est une question très complexe.

M. Joe Fontana: C'est pourquoi il n'est pas facile de dire que l'on peut simplement laisser faire le marché.

M. Robert Davis: Avec un transporteur dominant, cela aurait été certainement difficile. C'est le marché qui allait décider de l'orientation de l'industrie. Le gouvernement est intervenu pour supprimer les lois sur la concurrence. Cela a facilité toute cette situation.

Il est impossible de savoir ce qui se serait passé. Les Américains auraient-ils injecté davantage d'argent pour maintenir Canadien en vie? C'est possible, mais on a joué avec les règles. C'est pourquoi ces déstabilisateurs créent maintenant des règles du jeu inégales pour nous. Mais nous avons toujours dit que la concurrence ne nous faisait pas peur. Ce n'est pas du tout un problème.

• 1640

M. Joe Fontana: Vous admettez que ce qui se passe entre les deux transporteurs aériens dominants va avoir un effet sur vous, d'une façon ou d'une autre, et vous souhaitez que nous protégions vos intérêts et vos clients—peut-être pas un retour à la réglementation comme autrefois, mais des mécanismes protecteurs pour maintenir une vigoureuse concurrence dans notre pays. C'est bien ce que vous dites.

M. Robert Davis: Nous souhaitons simplement des règles du jeu équitables qui nous permettent d'être concurrentiels, afin que personne n'ait...

M. Joe Fontana: Vous avez tous dit qu'il y aura des perturbations. Nous devrons étudier ces problèmes de réduction de la capacité à la suite de la création d'une seule compagnie aérienne, et de marchés desservis ou non. J'aimerais que vous me disiez tous si vous pensez vraiment que vous pourrez combler les vides. Il existe des possibilités dans les régions, dans les collectivités, qui dépendent énormément d'un transport aérien ou d'un service des compagnies aériennes qui pourrait ne plus exister si l'on finit avec une seule compagnie.

Respectivement, Bearskin a-t-elle la capacité? WestJet a-t- elle la capacité de prendre de l'expansion et d'offrir un service lorsque ces occasions se présentent? Qu'en est-il de First Air et de Canadian North?

M. Harvey Friesen: Sur nos routes, le service régional de Canadien nous fait très peu de concurrence—peut-être à deux ou trois endroits. Nous estimons bien desservir le marché et nous n'aurions pas de problème s'il y avait un changement. Ce qui pourrait se produire est attribuable à l'excédent d'équipement de Canadien. La compagnie va-t-elle empiéter sur nos routes parce qu'elle recherche une base?

Le président: Monsieur Smith.

M. Stephen Smith: Joe, j'aimerais répondre à cette question. Nous avons parlé d'une économie efficace dans laquelle nous croyons. Même avec les deux transporteurs, il y a eu un énorme apport de transporteurs dans le réseau chaque fois que l'économie se portait bien. C'est tout à fait incroyable. Dans les années quatre-vingt et même quatre-vingt dix, de nombreux transporteurs ont été créés. Certains ont très bien réussi et d'autres pas. Cette industrie attire des investissements comme n'importe quelle autre industrie. Elle attire aussi beaucoup d'idiots qui ont du capital, mais c'est une autre histoire.

Le fait est que l'on pourrait ne pas obtenir tout ce que l'on veut pendant un certain temps. Mais avec le temps, je crois que l'on obtiendra tout ce que l'on veut. On a dit qu'à bien des égards, cela ressemblait un peu à un feu de forêt. À première vue, les dégâts provoqués par un feu de forêt sont terribles. Mais lorsqu'on revient deux ou trois ans plus tard, on constate toutes ces nouvelles pousses et cette végétation qui se porte très bien. C'est pourquoi je dis qu'il faut changer le statu quo afin de faire surgir un meilleur système de notre économie.

Le vice-président (M. Joe Comuzzi): Monsieur Davis.

M. Robert Davis: Pour répondre à votre question, je dirais que nous étudions certainement les possibilités et sommes très heureux que certaines puissent ressortir de tout ce processus. Nous craignons qu'il ne soit difficile d'exploiter ces possibilités. Steve a parlé de l'idée d'attirer suffisamment de fonds pour pouvoir acheter des avions plus modernes que l'on pourrait utiliser sur les routes à destination du Sud. Là encore, j'en viens au fait que nous sommes une compagnie aérienne à service complet.

Le modèle de Steve fonctionne très bien et élimine les adversaires, mais la culture et la structure de toute la compagnie visent une exploitations de ce genre. Ce n'est pas notre cas. Pour devenir soudainement un transporteur à faible coût et commencer à voler entre Sudbury, Timmins et Toronto serait de la pure folie, compte tenu de notre structure et de notre flotte d'aéronefs, etc. Nous croyons que le transporteur dominant restera extrêmement fort dans la plupart des marchés qu'il occupe déjà.

M. Joe Fontana: Et dans le Nord?

Le vice-président (M. Joe Comuzzi): Vous avez le temps pour une très brève question, si c'est possible.

M. Joe Fontana: Je voulais simplement parler du Nord, car il est évident que nous voulons nous assurer que chaque région du pays est protégée ou dispose de certaines possibilités. Vous avez parlé un peu de Timmins, de Sudbury et de North Bay. C'est là où j'ai grandi, mais qu'en est-il du Grand Nord?

M. Robert Davis: Je ne savais pas d'où vous veniez.

M. Joe Fontana: Y a-t-il des possibilités?

M. Robert Davis: Dans le Nord, le marché est plutôt fixe. Il est très unidirectionnel. Beaucoup de fret est envoyé vers le Nord, mais rien ne revient vers le Sud. Un transporteur dominant pourrait nous faire concurrence seulement sur l'aspect du fret. Toute cette réglementation et ce contrôle des créneaux n'a rien à voir avec le secteur du fret. Tous nos aéronefs sont moitié-moitié: moitié passagers et moitié Combi.

• 1645

Le marché du Nord a atteint sa maturité. Il existe une concurrence dans le transport aérien un peu partout, de sorte qu'il n'y a guère de nouvelles possibilités dans cette région.

Le vice-président (M. Joe Comuzzi): Merci, monsieur Davis.

Un petit renseignement en passant, M. Fontana était le batteur de Shania Twain lorsqu'il était dans le Nord.

Des voix: Oh, oh!

M. Joe Fontana: Non, j'étais beaucoup trop vieux.

Le vice-président (M. Joe Comuzzi): Le batteur le plus célèbre à venir du Nord.

M. Joe Fontana: Malheureusement, ce n'est pas le cas.

Le vice-président (M. Joe Comuzzi): Revenons à nos moutons.

Madame Desjarlais, s'il vous plaît.

Mme Bev Desjarlais (Churchill, NPD): Je tiens simplement à confirmer quelque chose. Peut-être en a-t-on parlé; je suis désolée, mais j'ai dû sortir.

Ce groupe là-bas l'a indiqué, mais WestJet a-t-il dit également que l'industrie du transport aérien n'est pas en si mauvaise posture, qu'il n'y a pas de problème, que nous avons à faire simplement à une compagnie aérienne qui a des problèmes?

M. Stephen Smith: J'ai été le premier à le dire, je pense. Nous ne croyons pas qu'il y ait de problème dans l'industrie mais plutôt qu'il y a un transporteur qui connaît des problèmes, et c'est Canadien, de son propre aveu.

Mme Bev Desjarlais: Si nous devions avoir un transporteur dominant, avez-vous une idée de la façon dont les transporteurs régionaux actuels pourraient continuer leurs activités? Pensez-vous que cela soit possible?

M. Stephen Smith: Parlez-vous des transporteurs régionaux que possèdent Air Canada et Canadien?

Mme Bev Desjarlais: Oui.

M. Stephen Smith: D'accord. Dans la lettre de Konrad von Finckenstein à David Collenette, je crois qu'il indiquait que pour pouvoir poursuivre leurs activités, ils devraient conclure des accords commerciaux avec le transporteur principal sur la même base que maintenant.

À titre d'ancien président d'Air Ontario, je peux dire qu'environ 30 p. 100 du trafic d'Air Ontario—et c'est plus ou moins la même chose d'un transporteur régional à l'autre—est relié au transporteur principal. Par conséquent, s'ils veulent réussir, ils doivent avoir une affiliation quelconque avec le transporteur principal.

Je pense que le document de M. von Finckenstein en parle.

Mme Bev Desjarlais: Par conséquent, tant que les deux groupes de transporteurs régionaux—je suis désolée de vous regrouper, mais je ne pense pas que l'on puisse douter qu'il existe un groupe aligné avec Air Canada et un autre avec Canadien—ont accès à ce transporteur et conclut des accords, il est possible de continuer. Est-ce ce que vous dites?

M. Stephen Smith: Je ne pourrais pas parler en leur nom. Vous avez posé une question générale. Je dis simplement que cette affiliation est nécessaire. Je ne sais pas s'ils pourraient survivre.

M. Robert Davis: Je pense que c'est une inconnue. Est-ce que l'on parle des affiliées avec participation ou...

Mme Bev Desjarlais: Les compagnies régionales en général qui sont membres d'alliances; les affiliées régionales qui sont affiliées à Canadien et celles qui sont affiliées à Air Canada. Si nous n'avons plus qu'un transporteur, si elles sont toutes autorisées à accéder...

M. Robert Davis: Nous avons un problème important dans le Nord. Canadian North, comme je l'ai dit dans mon mémoire, est ce que j'appelle une compagnie virtuelle. Canadien se rendait auparavant dans le Nord. Elle a vendu la compagnie, mais seulement la marque. Cela s'appelle Canadian North, mais Canadian North est en fait une compagnie de commercialisation. Elle offre des services de commercialisation et quelques services de manutention au sol. Canadien continue d'exploiter les avions et de fournir les pilotes. Elle possède un contrôle opérationnel sur les aéronefs, les équipages de conduite, la maintenance, les assurance, etc.

Je risque maintenant de voir cette compagnie dominante utiliser les routes de notre petite compagnie autochtone avec ses avions à réaction. Cela vous nous tuer. C'est aussi simple que cela.

Il existe des accords commerciaux par lesquels nous possédons tous nos aéronefs, nous employons 1 000 personnes et nous avons nos propres bâtiments, etc. Nous essayons d'être concurrentiels, mais nous avons un concurrent qui est une compagnie virtuelle ou une compagnie de commercialisation. En fait, le nouvel Air Canada utilisera nos routes. Je ne sais pas comment nous allons survivre. Nous ne pouvons certainement pas acheter du carburant ou des assurances au prix que peut se permettre Air Canada. Leurs taux d'assurance sont 10 p. 100 des nôtres.

Le président: Merci, Bev.

Stan Dromisky, s'il vous plaît.

M. Stan Dromisky (Thunder Bay—Atikokan, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

• 1650

Après avoir écouté ces messieurs aujourd'hui et avoir écouté tous les petits transporteurs régionaux hier, j'ai tout à fait confiance que l'industrie du transport aérien, qui est très dynamique dans notre pays, continuera de survivre et continuera de prospérer à cause de gens comme vous. Vous êtes des moteurs. Vous êtes dynamiques. Vous n'avez pas peur de prendre des risques.

Mais nous parlons ici beaucoup de concurrence. Nous parlons d'accords, de points, etc. Mais il existe d'autres formes de ce que l'on peut appeler des obstacles à la concurrence—par exemple, votre lien avec les administrations aéroportuaires. Existe-t-il des aspects dans ce domaine que l'on pourrait considérer comme une entrave ou un obstacle? Qu'en est-il de NAV CANADA? Qu'en est-il des politiques gouvernementales?

Pour ce qui est de ces trois éléments, et je pourrai en citer d'autres, existe-t-il des aspects que l'on pourrait considérer comme des obstacles à la concurrence et à votre survie?

M. Stephen Smith: Pas de mon côté.

M. Harvey Friesen: Je pense que s'il y a des obstacles, ce sont les mêmes que pour tous les transporteurs. Cela ne donne donc pas d'avantages particuliers.

M. Stan Dromisky: Souhaiteriez-vous que des changements se produisent dans ces domaines?

M. Robert Davis: Je pense que nous serions tous heureux de l'élimination des droits d'aéroport et des droits de NAV CANADA.

M. Stan Dromisky: Oui.

M. Robert Davis: Je suis sûr que mes collègues seraient d'accord avec moi là dessus. Je suppose que j'aurais à convenir avec Harvey que la plupart des obstacles actuellement sont les mêmes pour tous, jusqu'à ce que l'on arrive au niveau où l'on veut avoir—et cela ne s'appliquerait pas encore une fois au modèle de WestJet, mais plutôt aux compagnies aériennes de service complet—des accords intercompagnies, un service ininterrompu, des programmes de fidélisation partagés par deux transporteurs. C'est là où les obstacles surgissent, pour ceux qui veulent offrir ces produits et ces services aux passagers.

M. Stan Dromisky: Quelle est votre relation avec NAV CANADA? Quels genres de service en recevez-vous?

M. Stephen Smith: Les relations sont plutôt bonnes. Cela ne change pas d'un transporteur à l'autre. NAV CANADA gère le système de contrôle de la circulation aérienne et ne traite pas un transporteur mieux ou pire qu'un autre. Je ne le crois pas. Nous avons tous nos préoccupations à ce sujet, mais ce sont des préoccupations de l'industrie et non des transporteurs, pour être honnête.

M. Stan Dromisky: En ce qui concerne les services d'affrètement, je sais que certains d'entre vous remplissent des avions de gens qui vont peut-être pêcher dans le Nord ou visiter l'île de Baffin et ainsi de suite. On pourrait appeler cela des vols nolisés. Il existe une industrie de l'affrètement. La plupart du trafic est à destination du Sud. Y a-t-il de la place pour un service d'affrètement régulier vers certaines de nos régions les plus intéressantes? Le Nord est magnifique. Il y a beaucoup de choses à y voir et à y faire. Avez-vous envisagé quelque chose de ce genre?

M. Robert Davis: Dans le Nord, il existe un marché touristique assez prospère, qui augmente d'année en année. Dans l'ensemble, le marché touristique des Chutes du Niagara en Ontario, par exemple, est probablement de la même taille que tout le marché du Nord. Ce n'est pas un marché énorme. Même s'il augmente, il ne représente pas de très gros chiffres. Nous avons la capacité de transporter les touristes sur notre réseau régulier. Mais la demande n'est pas suffisante pour utiliser un vol nolisé spécifique pour le moment, en tout cas pas vers le Nord.

M. Stan Dromisky: Très bien. Merci beaucoup.

Le président: Merci, monsieur Dromisky.

Monsieur Casey, s'il vous plaît.

M. Bill Casey (Cumberland—Colchester, PC): Je vais passer mon tour à M. Comuzzi. Il doit prendre l'avion et je prendrai sa place lorsque son tour viendra.

Le président: Monsieur Comuzzi, vous pouvez m'adresser ce genre de demande. Vous n'avez pas besoin de passer par l'opposition. Mais si vous avez besoin d'un créneau, monsieur Comuzzi, nous n'aurons pas besoin de réglementer et je vous le donnerai.

M. Joe Comuzzi: Parfois, monsieur le président, je me sens plus à l'aise.

Le président: Avec l'opposition?

M. Joe Comuzzi: Parfois, oui.

Le président: Je comprends. Allez-y.

M. Joe Comuzzi: Il y a des fois.

Merci beaucoup de comparaître devant nous aujourd'hui. Je voudrais revenir à ce que M. Fontana disait. D'après ce que je comprends, messieurs, il semble que l'industrie du transport aérien du Canada ne soit pas en crise, d'après ce que vous avez dit et ce qu'ont dit les affiliées régionales hier. D'autres petites compagnies de ce pays, WestJet en particulier, font un travail superbe. Vous avez un aérogare merveilleux à Thunder Bay et vous offrez un très bon service aux habitants de cet endroit. Ils en sont très satisfaits.

• 1655

Par conséquent, tout va bien, à l'exception d'une compagnie aérienne qui va manquer d'argent. Je ne voudrais pas simplifier à outrance, mais je pense que c'est votre opinion commune. Y a-t-il une différence? Quelqu'un a-t-il une opinion divergente?

Un témoin: Non.

M. Joe Comuzzi: Pour revenir à M. Fontana, si tout va bien dans l'industrie, pourquoi sommes-nous ici? Je pense que c'est ce que j'ai entendu tout au long de ce processus. Pourquoi sommes-nous ici à parler d'un changement de la politique aérienne dans ce pays si l'industrie se porte si bien? Il nous faut donc poser la question suivante: Pourquoi sommes-nous ici et qu'avons-nous fait au gouvernement pour nous amener à cette situation aujourd'hui? Qu'en pensez-vous?

M. Stephen Smith: C'est une très bonne question, mais il est semble évident qu'un changement fondamental va se produire dans l'industrie du transport aérien. Je pense qu'en tant que représentants du gouvernement, vous vous posez la question de savoir si cela est bien ou mal, quel rôle vous devez jouer, quel rôle vous ne devriez pas jouer, et vous parlez à tous les intervenants et obtenez une certaine perspective.

Je pense que si vous parliez à d'autres gens, vous auriez une perspective légèrement différente, mais ce que vous dit ce groupe, c'est que l'industrie du transport aérien ne se porte pas si mal. Cependant, si nous allons nous retrouver avec un seul transporteur, voici le genre de choses que vous devez faire pour assurer une concurrence juste, équitable et permanente qui soit à l'avantage des consommateurs à long terme.

M. Joe Comuzzi: Vous avez volé ma troisième question.

M. Stephen Smith: J'en suis désolé.

Le président: Monsieur Friesen.

M. Harvey Friesen: Je pense que le fait d'avoir une seule compagnie aérienne va causer de grands bouleversements et, en dehors d'un retour à la réglementation, que pouvons-nous faire? Que pouvez-vous faire sans un retour à la réglementation? Pas grand chose, à mon avis. Est-ce une pratique normale de voir le marché divisé par l'entreprise qui peut le gérer?

M. Joe Comuzzi: Je voudrais revenir à ces messieurs ici dans une minute, car j'aimerais poser la troisième question et le président pourrait me couper. Pensez-vous que sans un retour à la réglementation, si nous ne suspendons pas l'application de l'article 47 pour toujours, ce qui est draconien, que dans l'industrie telle qu'elle est aujourd'hui, vous avez une protection suffisante avec un seul transporteur? La Loi sur les transports au Canada vous offre-t-elle une protection suffisante et plus particulièrement les protections qui existeraient en vertu de la Loi sur la concurrence, comme M. von Finckenstein le précise dans la lettre. Êtes-vous certain que vous seriez suffisamment protégé selon ces recommandations?

M. Robert Davis: Je pense que c'est une question à laquelle nous ne pouvons pas répondre aujourd'hui. Elle exige un examen complet par le Bureau de la concurrence. C'est son travail et son domaine, et je pense qu'il faudrait organiser une tribune quelconque pour permettre à chacun de participer. Nous ne savons pas ce qui va se passer. Je pense également qu'un changement fondamental va se produire. Il a déjà commencé; quelque chose va se produire. Il faudrait peut-être préciser davantage l'orientation et il faudrait ensuite que le Bureau de la concurrence ou une autre tribune décide à partir de là du résultat final. À ce moment-là nous saurons à quoi nous en tenir, mais pour le moment, c'est une question un peu vaste.

M. Joe Comuzzi: Mais ma question est la suivante: Êtes-vous certain que le Bureau de la concurrence pourrait assumer cette fonction? Avec une contribution suffisante, estimez-vous que l'institution qui existe peut assumer cette fonction de protection de l'industrie du transport aérien?

M. Robert Davis: Non, je ne crois pas. Certaines politiques publiques devront être examinées.

M. Joe Comuzzi: D'accord, merci.

Monsieur Friesen, quelle est votre position?

M. Harvey Friesen: Vous me posez la question?

M. Joe Comuzzi: Oui.

M. Harvey Friesen: Je ne peux pas répondre. Je n'ai pas la connaissance de la réglementation elle-même. Dans notre industrie, nous sommes le transporteur du Nord, comme First Air le serait, et je ne pense pas que cela nous toucherait tellement dans cette région.

M. Stephen Smith: Si le Bureau de la concurrence avait les moyens de faire appliquer les règles qu'il énonce dans ce document, nous croyons alors que la concurrence serait effectivement juste, équitable et permanente dans l'industrie du transport aérien.

M. Joe Comuzzi: Sans revenir à la réglementation?

M. Stephen Smith: Absolument.

M. Joe Comuzzi: Cela vous satisferait?

M. Stephen Smith: Oui. Je crois que c'est la base sur laquelle est fondée notre société. C'est ainsi que nous assurons une protection, que nous assurons qu'un transporteur, une entreprise, ne domine pas une industrie, et je crois que c'est une bonne chose.

• 1700

M. Joe Comuzzi: À condition que le Bureau de la concurrence ne soit pas suspendu ou que ses activités ne soient plus suspendues.

M. Stephen Smith: Oui. Et qu'il ait les moyens de faire exécuter les mesures qu'il juge nécessaires.

M. Joe Comuzzi: Merci, monsieur le président. Je n'ai plus de questions.

Le président: Monsieur Davis.

M. Robert Davis: J'aimerais ajouter que si c'est la façon dont le gouvernement voit les choses, je suppose qu'il n'y aura pas de changement à la Loi sur la participation du public, si le Bureau de la concurrence va... Si vous dites que la proposition de Onex prévoit essentiellement qu'une personne contrôle le transporteur dominant par le biais d'un changement législatif, cela suppose-t-il que la règle des 10 p. 100 soit maintenue?

M. Joe Comuzzi: Je suis désolé, pourriez-vous répéter la question?

M. Robert Davis: Je dis que non seulement il y aura le Bureau de la concurrence, mais il y aura probablement aussi un examen de la politique publique. Si l'on change la règle des 10 p. 100, qu'est-ce que ça signifie? Quels sont les effets sur l'industrie?

M. Joe Fontana: C'est à vous de nous le dire.

Le président: Merci, monsieur Comuzzi et monsieur Davis.

Monsieur Silverstone.

M. Sam Silverstone: Aujourd'hui, nous avons essayé de rappeler certaines choses au gouvernement, notamment vos obligations dans le cadre des recommandations ou des décisions que vous pouvez prendre. Je crois que ce que M. Davis veut dire, c'est que pour que l'offre d'Onex soit légale, il est évident qu'il faut relever la règle des 10 p. 100, car dans la situation actuelle, ce ne serait pas légal. Mais si le gouvernement choisit de modifier la loi pour relever le niveau des 10 p. 100, il finit par aider un segment particulier de l'industrie.

Ce que nous disons, c'est que si l'on aide un segment, il faut aider tous les autres. Aidez-nous. Nous sommes là depuis des années à construire nos hangars, à améliorer nos pistes, à payer nos propres aéronefs. Personne ne nous a aidés. C'est une situation évidemment délicate. Si on commence à toucher à une partie pour faciliter la création d'un transporteur dominant—quel que soit le moyen—il faut commencer à examiner d'autres parties de l'industrie qui sont, comme vous le dites, en concurrence. Nous sommes en position de concurrence, mais nous devons également nous battre. Nous devons vérifier nos résultats à chaque minute de la journée. Donc si de l'aide est proposée, si le gouvernement montre des signes de—je ne dirais pas nécessairement «favoriser», mais «aider» ou «faciliter»—il serait bon d'avoir un peu d'aide et de faciliter les choses dans le Nord.

Le président: Merci, monsieur Silverstone.

Juste une petite précision, monsieur Smith, vous avez dit que si le Bureau de la concurrence avait les moyens. Croyez-vous qu'il a les moyens aujourd'hui ou qu'il a besoin de plus de «muscle»?

M. Stephen Smith: En fait, monsieur le président, je ne suis pas sûr des moyens dont il dispose. Je ne sais pas vraiment. Il me semble qu'il lui arrive souvent de recommander des choses sans avoir la capacité de les faire appliquer comme il le voudrait. Il semble que ce soit un long processus. Nous avons besoin de mesures immédiates, et il faut qu'il ait suffisamment de pouvoir pour une application immédiate. Si cela dure trop longtemps, la concurrence n'existe plus, car dans cette industrie, on perd de l'argent très rapidement, comme M. Fontana peut en témoigner avec VistaJet.

Le président: Merci monsieur Smith.

Monsieur St-Julien, s'il vous plaît.

[Français]

M. Guy St-Julien (Abitibi—Baie-James—Nunavik, Lib.): Qu'est-ce qui est important? Je vais poser ma question au président de la Société Makivik, M. Pita Aatami. Actuellement, on dirait que le gouvernement du Canada ne prend pas au sérieux la Convention de la Baie James.

La Convention de la Baie James et du Nord québécois date de 1975 et concerne la Baie James et le Nord du Québec, soit le Nunavik. Aujourd'hui, dans tous les accords, que ce soit l'accord des Nisga'as ou d'autres, on dit toujours qu'on doit se fier à la Convention de la Baie James. Le vérificateur général du Canada a dit la même chose.

Aujourd'hui, ce qui est important, c'est de savoir quels sont les impacts de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et des garanties aux termes de l'article 35 de la Constitution canadienne sur l'industrie aérienne au Canada.

Monsieur Aatami, voulez-vous une décision anticipée de la part du gouvernement du Canada, avant qu'il y ait une décision précise du gouvernement de faire en sorte qu'il y ait un seul transporteur au Canada? Voulez-vous une décision sur la Convention de la Baie James et du Nord québécois, oui ou non?

[Traduction]

M. Pita Aatami: Merci, monsieur Guy St-Julien. Ce que le gouvernement examine actuellement fait l'objet de changements à mi- chemin.

• 1705

Je vais vous donner un exemple: Eaton. On n'en a jamais tenu compte. Il y avait des concurrents.

Nous voulons simplement que nous soyons pris en compte. Nous ne demandons pas plus. Nous voulons être sur un pied d'égalité dans cette situation. Actuellement, nous sommes laissés pour compte. En ce qui concerne cette affaire avec Air Canada et Canadien, nous ne faisons pas du tout partie du tableau. C'est une inconnue. C'est pourquoi nous sommes ici aujourd'hui, pour nous assurer que nous ne serons pas oubliés.

M. Sam Silverstone: Pourrais-je ajouter quelque chose?

Le président: Oui.

M. Sam Silverstone: Lorsque nous parlons de la Convention de la Baie James, il faut bien comprendre que cela va transmettre un message à tous les autres groupes autochtones auxquels vous avez donné de l'argent dans le cadre de règlements de revendication territoriale.

Vous nous avez donné de l'argent parce qu'une politique fédérale vous l'a imposé. Nous avons investi l'argent parce que la politique fédérale disait que nous devions le faire d'une certaine façon. Vous avez placé des représentants fédéraux à nos conseils d'administration pour nous surveiller et pour voir à ce que nous dépensions l'argent de cette façon. Nous avons suivi toutes les règles, tout comme les autres groupes. Nous avons investi, vous nous avez aidés à investir dans l'industrie. Comme vous nous avez donné le feu vert il y a 20 ans, nous avons déversé plus d'argent. Si vous commencez à changer des politiques fédérales qui vont à l'encontre de la politique et de la loi qui nous ont donné cet argent et nous ont dit de croître et de multiplier, alors, avec tout le respect que je vous dois, vous allez avoir un gros problème, parce que notre politique est fixée dans la loi et que la loi est fixée dans la Constitution du Canada et que cela l'emporte sur tout ce que vous faites d'autre. Nous avertissons simplement que nous ne devons pas être oubliés, pas simplement parce que nous sommes un acteur sur le marché, mais parce que nous sommes un acteur spécial.

Si d'autres groupes autochtones se rendent compte que l'argent que vous leur donnez et que vous leur dites de dépenser de telle ou telle façon risque de leur être supprimé dans 20 ans parce qu'on décidera de réorganiser l'industrie du camionnage, l'industrie de la navigation ou l'industrie du transport aérien, je pense qu'ils vont réfléchir longuement au sujet de ces restrictions que vous imposez sur l'argent et l'utilisation prévue de cet argent.

Nous n'avions pas beaucoup à investir dans le Nord. Il n'y a pas grand chose là-haut dans lesquelles on peut investir, à moins d'être assis sur une mine d'or ou une mine de diamant. Dans notre région, la seule chose dans laquelle nous pouvons investir pour offrir des emplois aux Inuits du Nunavut et nous donner l'occasion de faire un peu d'argent, c'est l'industrie du transport aérien. C'est également la seule façon de se rendre d'un point à un autre, comme vous l'avez dit. Si les avions ne volent pas, on ne va nulle part. Cela dicte le prix de notre alimentation et le prix de nos billets d'avion et cela dicte la façon dont nous vivons et qui nous voyons. C'est donc essentiel.

Si vous commencez à réorganiser et à modifier les choses pour faciliter le changement, très bien. Ce sera peut-être pour le mieux, mais pas nécessairement pour nous. C'est pourquoi vous devez tenir compte de notre présence pour toutes ces raisons, mais plus particulièrement parce que vous avez une obligation constitutionnelle préexistante à notre égard.

Je ne sais pas si cela répond à votre question.

[Français]

M. Guy St-Julien: C'est très bien expliqué. Monsieur Aatami, dans la Convention de la Baie James et du Nord québécois, y a-t-il une disposition qui précise que, si vous vous faites planter par le gouvernement du Canada dans ce dossier de l'aviation, vous pouvez avoir recours à un comité de différends et vous avez le droit d'aller en cour?

[Traduction]

M. Pita Aatami: Nous devrions étudier la question, Guy.

[Français]

M. Guy St-Julien: Vous avez précisé dernièrement que la Société Makivik ne souhaitait pas que les fonds du patrimoine investis dans l'aviation du Nord québécois soient menacés parce qu'il a été décidé que le marché du Sud ne peut supporter deux transporteurs aériens. Je sais que dans le Nord, on a des programmes et services aérien dispensés par le ministère des Affaires indiennes du Canada. Le Canada, par l'entremise du Comité des affaires autochtones, a surveillé NAV CANADA. On va les surveiller encore. Dans le Nord, vous avez travaillé pendant 53 ans et, depuis 1975, vous avez une industrie avec First Air et la Société Makivik.

Une chose importante que les gens du Sud ne savent pas, c'est que vous payez des impôts, monsieur Aatami. Vous payez des taxes scolaires, des taxes municipales, des impôts fédéraux et des impôts provinciaux dans le Nunavik. Vous êtes comme les contribuables d'Ottawa, de Montréal, de Val-d'Or, etc. Est-ce que vous avez eu dernièrement des rencontres avec les gens d'Air Canada et d'Onex pour essayer de trouver une solution?

• 1710

[Traduction]

M. Robert Davis: Nous rencontrons nos partenaires à Air Canada de façon assez régulière, de sorte que nous sommes au courant de l'évolution. Mais cela ne nous aide pas à savoir où nous allons aboutir. En ce qui concerne Onex, nous n'avons eu aucune rencontre avec des représentants de cette compagnie.

[Français]

M. Guy St-Julien: Monsieur Aatami, attendez-vous une décision anticipée du ministre des Transports du Canada ou du ministre des Affaires autochtones du Canada concernant l'impact de la Convention de la Baie James, comme dans les cas où Revenu Canada donne une décision anticipée sur le dossier de quelqu'un qui veut épargner de l'impôt? Je sais que vous voulez sauver votre industrie, et il est important de sauver cette industrie pour les résidants du Nord.

[Traduction]

M. Pita Aatami: Nous espérons qu'une décision sera prise bientôt, car comme je l'ai dit, nous sommes dans l'incertitude. Nous devons savoir ce qui va se passer. Comme nous l'avons dit, nous devons protéger nos intérêts.

[Français]

M. Guy St-Julien: Merci, monsieur Aatami.

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur St-Julien.

Nous avons fait un peu de recherche depuis que vous avez posé cette question dans votre présentation. C'était en fait une question de M. St-Julien au sous-ministre adjoint de la politique, M. Louis Ranger, au moment où les responsables de Transports Canada ont comparu lors de notre première réunion. Il a dit que si le pays se retrouvait avec une seule compagnie aérienne, un transporteur dominant, le gouvernement, c'est-à-dire Transports Canada, obtiendrait une garantie afin de faire respecter la Convention de la Baie James. Le SMA de Transports Canada l'a bien dit officiellement en réponse à une question de M. St-Julien.

Madame Meredith, s'il vous plaît.

Mme Val Meredith: Merci, monsieur le président.

J'aimerais avoir une précision sur ce qu'a dit M. Silverstone. Vous avez dit que le gouvernement du Canada ne peut pas changer les lois concernant le transport, que ce soit le camionnage, la navigation ou le transport aérien, parce que cela changerait en fait la compréhension qu'ont les Premières nations des règlements territoriaux. Est-ce vraiment ce que vous avez dit?

M. Sam Silverstone: Ce que j'ai dit, c'est que la loi qui nous a donné la Convention de la Baie James, qui est protégée par l'article 35 de la Constitution, comporte une disposition qui précise que la Convention et la loi qui la met en oeuvre l'emportent sur tout ce qui pourrait aller à l'encontre de la Convention. Qu'est-ce que cela veut dire? Peut-être un juge devra- t-il nous l'expliquer. Cela veut dire que si l'on adopte une loi fédérale qui contredit les avantages et les droits que nous confère cette Convention, cette loi devrait être rejetée. Cela s'est déjà produit dans le cas des conflits au sujet de la pêche et de la coupe de bois.

Il faudra peut-être examiner la question et voir si l'on peut faire quelque chose dans le cas de notre développement économique. Comme je l'ai dit, il y a trois chapitres complets de la Convention consacrés au développement économique des Inuits du Nunavut. Il est clair, tant dans la lettre que dans l'esprit, que ces fonds nous ont été accordés pour promouvoir notre développement économique. Si une loi ou une politique fédérale vient maintenant renier ou déprécier ces dispositions, elle devrait sans doute faire l'objet d'un examen dans ce contexte.

Mme Val Meredith: Vos concurrents, Canadian North, nous ont dit hier soir que la compagnie appartient aux Autochtones et qu'ils ont acquis et lancé l'entreprise en 1998. Je remarque que la vôtre a été acquise en 1990. Ils nous ont dit qu'ils n'avaient pas utilisé les fonds du règlement territorial pour acheter la ligne aérienne. Étant une communauté autochtone, devraient-ils être également protégés par ce que vous considérez comme une responsabilité fiduciaire du gouvernement?

M. Sam Silverstone: Malheureusement, je ne les représente pas. Je ne peux donc pas parler en leur nom. Je ne sais pas d'où leur vient leur argent. Mais d'après ce que je sais, comme M. Davis l'a fait remarquer tout à l'heure, il s'agit d'une compagnie virtuelle. Ce n'est pas le même type d'exploitation que nous. Ils n'ont pas à investir autant dans le Nord que nous. Nous avons des millions de dollars en jeu. Je pense que leur investissement au total s'élève à 4 millions de dollars, le nôtre est beaucoup plus élevé. Mais pour être juste, je ne peux pas répondre à leur place.

• 1715

Mme Val Meredith: Mais ils nous ont dit qu'ils avaient un réseau d'avions à réaction, qu'ils ont neuf points dans le Nord et deux dans le Sud et qu'ils assurent un service à partir d'Edmonton et d'Ottawa vers le Nord. Ils ont cinq serveurs dans le Nord avec lesquels ils travaillent. Je ne sais pas s'ils apprécieraient vraiment d'être appelés un service virtuel, une compagnie virtuelle.

Ce qui me gêne, c'est que vous estimez que vos préoccupations sont très différentes de celles des autres intervenants, les autres partenaires qui partagent cette table avec vous.

M. Sam Silverstone: Non. C'est une bonne question. Nous avons des préoccupations communes avec les deux autres représentants de l'industrie ici, mais je dis qu'en plus, nous avons des droits spéciaux. Ces droits sont protégés par la Constitution, et nous n'en avons pas honte. Nous n'allons pas les cacher en ce moment lorsque nous nous battons pour notre survie économique. Nous allons les ressortir et voir ce qu'ils sont censés signifier.

Nous pensons savoir ce qu'ils signifient. Récemment, vous avez vu à la Cour suprême que d'autres groupes ont réussi à savoir ce que voulaient dire leurs droits. Nous espérons ne pas avoir à prendre ce chemin, mais s'il s'agit d'une question de survie, nous prendrons toutes les mesures nécessaires pour affirmer nos droits.

Mme Val Meredith: Pensez-vous que votre concurrent, Canadian North, qui est également une compagnie autochtone, devrait avoir le même accès à ces droits?

M. Sam Silverstone: Je pense qu'il doit préparer son propre dossier. Je ne peux pas parler en son nom et ne le ferai pas.

Mme Val Meredith: D'accord, merci.

Le président: Merci, madame Meredith.

Monsieur Comuzzi, en remplacement de M. Casey.

M. Bill Casey: Pour en revenir au fait que l'industrie n'a plus d'argent, quatre compagnies aériennes régionales ont comparu hier soir et nous ont dit que l'industrie n'avait plus d'argent et que l'on ne pouvait plus obtenir de capital. Ce sont les deux sujets fondamentaux qu'ils ont abordés. Aujourd'hui, vous dites que ce n'est pas le cas et qu'il y a trop d'argent. Il est difficile de croire que nous sommes dans la même salle.

Je veux revenir sur cette question. Si American Airlines acceptait d'injecter de nouveaux fonds dans Canadien et procédait à une série de changements, cela résoudrait-il toute ce problème?

M. Robert Davis: Nous ne pouvons pas le prédire. Je ne connais pas les rouages internes de Canadien. Je ne connais pas les contrats, les plans ou les habitudes de la compagnie. Je ne peux pas parler en son nom.

Êtes-vous en train de ronger votre frein, Steve?

M. Stephen Smith: Non, pas du tout.

Je dirais simplement que, traditionnellement, Canadien a reçu des fonds soit du gouvernement fédéral soit de American Airlines, et cela ne semble pas avoir résolu son problème. La compagnie a reçu des capitaux. Cela ne semble pas suffire, mais encore une fois, je suis d'accord avec Bob, je ne peux pas parler en son nom. Je ne crois pas que ce soit la solution. C'est une panacée, ce n'est pas une solution.

M. Bill Casey: On a invoqué l'article 47 en raison de l'extraordinaire perturbation du service de transport national. Avez-vous constaté une perturbation extraordinaire ou êtes-vous d'accord avec l'application de l'article 47, la suspension de la Loi sur la concurrence?

M. Stephen Smith: Je crois qu'il y avait une possibilité de perturbation de l'industrie du transport aérien au Canada. Le gouvernement était de bonne foi lorsqu'il a voulu essayé de résoudre le problème en suspendant l'article 47 pour que des discussions aient lieu entre les deux transporteurs. En réalité, il y d'autres aspects à la question, mais je crois que cela a été fait de bonne foi. Je ne dirais pas que c'était une tentative de résoudre une situation éventuelle dans l'industrie du transport aérien.

M. Bill Casey: Quelqu'un a dit que le gouvernement sort la politique de son chapeau ou l'établit au fur et à mesure. Au début, c'était le secteur privé qui allait trouver la solution lorsqu'on a mis en place la période de 90 jours. Puis à mi-chemin, on a sorti les cinq principes et 74 jours plus tard, on est arrivé avec la limite de 10 p. 100.

Si les règles étaient bien établies et sûres, et si l'on avait du temps, pensez-vous que d'autres propositions seraient présentées? Pensez-vous que d'autres suggestions ou possibilités émergeraient avec du temps et un ensemble de règles claires et rigoureuses?

• 1720

M. Robert Davis: Je peux répondre uniquement pour ma compagnie. Nous ne sommes évidement pas en mesure d'offrir des solutions pour toute l'industrie. Ce n'est pas à nous de le faire et cela dépasse de loin nos capacités financières. Nous disons simplement qu'il y aura sans doute un changement fondamental et nous ne voulons pas en subir les conséquences. Si le gouvernement veut jouer avec les règles pour continuer de mener cette affaire, assurez-vous que n'en fassions pas les frais.

M. Bill Casey: C'est l'un ou l'autre. Soit nous avons la concurrence, soit nous avons toute une gamme de règlements. Vous dites que vous ne voulez pas de règlements, mais que vous voulez être protégés, ici et ici et ici. Cela s'appelle de la réglementation. Si nous n'avons pas de concurrence. Nous aurons un tas de règlements. Êtes-vous d'accord?

M. Harvey Friesen: Il y a deux entreprises qui exercent leurs activités dans un climat de concurrence intense. Si une entreprise veut gagner, l'autre doit donc perdre si le marché n'est pas suffisant pour les deux. C'est ce dont nous parlons. Elles ne veulent pas partager le gâteau. Une des deux veut tout le gâteau. C'est la loi des affaires, c'est la concurrence. La question est de savoir si le gouvernement devrait intervenir?

M. Bill Casey: Nous avons un modèle à deux compagnies depuis un certain temps déjà et il semble bien que nous dirigions vers un modèle à un transporteur dominant. À votre avis et d'après votre connaissance de l'industrie, pensez-vous que nous pourrions avoir un modèle à deux compagnies géré différemment?

M. Stephen Smith: Je vais m'efforcer de répondre. Canadien et Air Canada, les deux transporteurs dominants, n'ont pas fait de profit depuis plus de 10 ans. Canadien est au bord du gouffre et, selon la compagnie elle-même, nous n'avons pas beaucoup de temps pour trouver une solution à cette situation.

L'expérience a donc montré que ce modèle ne fonctionne pas. À l'avenir, si des transporteurs régionaux entrent dans le jeu et s'il y a un transporteur dominant régional, cela pourrait fonctionner. Mais là encore, il faut laisser les mécanismes du marché, l'économie efficace, dicter la loi.

M. Bill Casey: Dans le plan d'Air Canada, il est question d'inclure une ligne aérienne à bas tarif. Pensez-vous que c'est possible et que ce type de service à bas tarif comme le vôtre peut réussir?

M. Stephen Smith: Je ne suis pas Air Canada, je ne peux donc pas répondre, pour être franc. Ils disent qu'ils peuvent le faire. Nous répétons simplement que le Bureau de la concurrence doit veiller à ce que tout cela soit équitable et qu'il n'y ait pas d'interfinancement.

M. Bill Casey: Une dernière observation. J'ai appris de WestJet une petite leçon, à savoir que vous ajoutez sur vos billets des frais de NAV CAN de 7,50 $. Je pense que vous êtes les seuls à le faire. Je ne savais pas que NAV CAN demandait 7,50 $ pour chaque vol de station à station. J'ai appris cela de WestJet. Merci beaucoup.

M. Stephen Smith: Je peux vous donner une explication. C'est une réaction de l'industrie aux frais imposés par NAV CANADA pour payer le système de contrôle de la circulation aérienne. Les compagnies aériennes se sont mises d'accord—elles ne se sont pas mises d'accord car nous ne nous entendons pas sur les prix. Canadien a établi le prix de 7,50 $ pour la deuxième surcharge de NAV CANADA. C'est ce que nous avons adopté. NAV CAN demande en fait un montant par vol calculé d'après la masse de l'aéronef, une formule très compliquée fondée sur la racine carrée de la masse de l'aéronef, etc., et sur la distance parcourue ainsi que les stations entre lesquelles vous voyagez. La proposition de Canadien, qui a été acceptée par tous, était d'ajouter 7,50 $ au prix du billet pour compenser la surcharge de NAV CANADA.

M. Bill Casey: Ces 7,50 $ couvrent-ils vos frais de NAV CANADA?

M. Stephen Smith: Tout juste.

Le président: Merci, monsieur Casey. J'ai failli déclencher un scandale en parlant de prix, Steve.

Bev Desjarlais, s'il vous plaît.

Mme Bev Desjarlais: Merci. Je suis désolée encore une fois d'avoir dû sortir.

Comment fonctionne votre entente avec votre partenaire de l'alliance en ce moment? Vous dites que vous payez pour ce service, mais pourriez-vous donner des précisions? Vous n'avez pas à me donner de chiffres, mais simplement une idée de la façon dont votre entente fonctionne.

M. Harvey Friesen: Il s'agit d'un accord commercial, un accord de commercialisation. Nous ne payons pas son service, bien que pour certains, comme les programmes pour grands voyageurs, nous payons un droit pour pouvoir l'utiliser. C'est simplement une entente. Il n'y a pas de participation. Nous faisons en sorte de rencontrer ses vols. Nous avons des tarifs communs. Ce n'est qu'une entente écrite.

• 1725

M. Robert Davis: C'est plus ou moins la même chose pour nous, mais nous payons également un droit pour l'utilisation du code d'Air Canada, le code AC, sur nos vols.

M. Harvey Friesen: Nous n'avons pas le code AC.

Mme Bev Desjarlais: D'accord. Très bien.

Le président: Merci, Bev.

Monsieur St-Julien, s'il vous plaît.

[Français]

M. Guy St-Julien: Ma question s'adresse à M. Davis.

Les gouvernements du Canada et du Québec ont construit 14 aéroports dans le Nord, dont ils ont assumé les coûts dans des proportions de 60 et 40 p. 100. On sait que dans le Nord, il n'y a pas ni route ni rail. Les voies maritimes sont navigables durant seulement deux ou trois mois. Quand les avions vont vers le Nord, ils sont remplis à pleine capacité de marchandises; quand ils reviennent vers le Sud, ils sont vides.

Vous avez vécu l'évolution de l'industrie. À la suite de la déréglementation, il a fallu s'allier ou périr. Avez-vous l'impression qu'Ottawa va bientôt imposer une réglementation?

[Traduction]

M. Robert Davis: Pour revenir à ce que j'ai dit dans mon exposé, l'industrie a été déréglementée en 1986. Cela nous a préoccupé. C'était un nouveau défi que nous avons relevé et qui nous a même permis de prendre de l'expansion.

Les Inuits ont commencé en 1979. Nous avons commencé avec un morceau de papier. Aujourd'hui, entre les deux compagnies, nous possédons environ 45 aéronefs, avons des recettes d'un peu plus de 200 millions de dollars et employons près de 1 350 personnes. Nous nous sommes donc plutôt bien débrouillés jusqu'à présent.

Nous avons respecté toutes les règles. Nous avons fait ce que nous étions censés faire. Nous avons accepté le contexte. Nous avons maintenant une compagnie aérienne dans une situation critique au Canada. Nous ne voulons pas que cela nous touche. Nous ne voulons pas que cela nuise au contexte nordique. Nous avons travaillé fort pour créer de l'emploi dans une région où il n'y en a pas. Nous avons redonné beaucoup aux collectivités. Nous avons fait beaucoup. Nous ne voulons pas que tout cela s'effondre après 23 ans de travail.

[Français]

M. Guy St-Julien: Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur St-Julien.

Je me demande, chers collègues, si vous pourriez m'accorder un moment après que nos témoins soient partis.

Je vais dire merci à nos témoins pour leur présentation de cet après-midi.

Je sais que vous êtes venus de loin, certains ont mis deux jours, pour venir à Ottawa faire votre présentation.

Nous vous remercions sincèrement de l'effort que vous avez consenti pour comparaître devant le comité et faire votre présentation et nous vous remercions d'avoir répondu à nos questions. Messieurs, merci beaucoup.

M. Robert Davis: Nous vous répondrons en disant que nous allons bien nous comporter en quittant la salle. Notre groupe, en tous cas.

Des voix: Oh, oh!

• 1730

Le président: Chers collègues, j'aimerais conclure sur la question avec laquelle nous avons commencé cette réunion à 3 h 30 cet après-midi. Il est important que tout soit sur la même bande.

J'ai reçu une lettre à 17 h 15 ce soir dont il me semble que je dois vous faire part. Elle m'est adressée à titre de président et se lit comme suit:

    Monsieur le président,

    Aujourd'hui, à la suite de la réunion de ce matin du Comité permanent des transports, j'ai eu une discussion animée avec l'honorable député de Beauport—Montmorency—Côte-de-Beaupré—île-d'Orléans.

    Malheureusement, je n'ai peut-être pas observé le décorum qui est attendu d'un invité du comité. Le débat sur l'avenir des compagnies aériennes du Canada peut parfois déclencher beaucoup d'émotivité, étant donné que ma carrière et celle de 16 000 de mes collègues à Canadien sont en jeu. À la suite de la séance de ce matin, j'étais très frustré et ai exprimé mes sentiments de façon publique et visible. J'en suis confus et extrêmement désolé.

    Je vous prie de bien vouloir accepter mes excuses pour ma conduite. Je tiens à vous assurer que ce genre d'incident ne se reproduira pas.

    J'observerai avec intérêt et une émotion contenue la poursuite des travaux et des délibérations du comité.

C'est signé: «Sincèrement, Scott Bradley, directeur, Affaires gouvernementales».

J'ai pensé devoir vous faire part de cette lettre ici. Je vais la remettre au greffier qui veillera à son interprétation et sa distribution. On m'a dit également que M. Bradley a envoyé une lettre d'excuses à notre collègue, M. Guimond. J'ai pensé que je devais vous mettre au courant avant que nous nous arrêtions pour une semaine.

Chers collègues, passez une bonne semaine dans vos circonscriptions. Nous vous reverrons ici, en pleine forme, lundi en huit. Merci, chers collègues.

La séance est levée.