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TRAN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON TRANSPORT

LE COMITÉ PERMANENT DES TRANSPORTS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 16 novembre 1999

• 1533

[Traduction]

Le président (M. Stan Keyes (Hamilton-Ouest, Lib)): Bonjour, chers collègues.

Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous poursuivons notre étude sur l'avenir de l'industrie aérienne au Canada. Nous accueillons cet après-midi des témoins qui représentent le Syndicat des travailleurs et travailleuses canadien(ne)s de l'automobile. Il s'agit de M. Buzz Hargrove, président, M. Gary Fane, directeur des transports, Mme Peggy Nash, adjointe au président et M. Jim Stanford, économiste.

Mesdames et messieurs, soyez les bienvenus devant le Comité permanent des transports. Vous avez entre 10 et 12 minutes pour présenter votre exposé, après quoi nous passerons aux questions des membres du comité.

Monsieur Hargrove, vous avez la parole.

M. Basil (Buzz) Hargrove (président, Syndicat des travailleurs et travailleuses canadien(ne)s unis de l'automobile): Merci beaucoup, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité, de m'avoir invité à témoigner aujourd'hui. Vous avez déjà présenté les personnes qui m'accompagnent et je ne répéterai pas leurs noms. Je vais vous dire simplement que Jim Stanford est l'un des rares économistes du pays qui comprenne vraiment l'industrie aérienne et, à ce titre, il pourra apporter beaucoup à la discussion d'aujourd'hui.

Je voudrais pendant quelques instants présenter un bref historique au comité. On peut dire que depuis l'époque de la privatisation d'Air Canada en 1989, l'industrie bat un peu de l'aile et les travailleurs sont confrontés à une incertitude incroyable.

Les employés de toutes les compagnies aériennes, mais surtout ceux des lignes aériennes Canadien International, ont vécu dans une énorme incertitude, ayant dû accepter trois séries importantes de concessions demandées par l'employeur. À chaque fois, les syndicats savaient que les concessions n'étaient pas la solution au problème et qu'on ne faisait que reporter l'inévitable, soit la restructuration de l'industrie pour faire disparaître la capacité excédentaire et la concurrence que nous qualifions de destructrice qui existait dans ce secteur d'activités au cours de cette période.

Le dernier fiasco, avant celui de 1999, a eu lieu en 1996, quand le nouveau directeur général de la compagnie a demandé encore une fois au syndicat d'accepter des diminutions de salaire de 10 p. 100. Tous les syndicats ont soutenu que cela ne résoudrait pas le problème. Il y avait un problème de capacité excédentaire. Nous étions dans une industrie déréglementée et traitée comme un secteur d'activités américain mais dans un contexte canadien, à savoir un pays où la population est faible et dispersée sur un très vaste territoire. Le Canada ne pouvait pas faire vivre deux compagnies aériennes principales qui se faisaient concurrence sur toutes les routes—ce que nous appelons une concurrence aile dans aile—au cours de cette période.

• 1535

En 1996, le syndicat a décidé que cela suffisait et a refusé les concessions. Certains députés se souviennent sans doute qu'il y a eu une discussion à ce sujet pendant environ un mois et que cela a suscité des réactions très négatives de la part d'un grand nombre de syndicats chez Canadien. Fait intéressant pour moi, aujourd'hui, en 1996, les autres syndicats—y compris des membres de mon syndicat—m'ont accusé d'essayer de pousser Canadien à la faillite pour profiter à Air Canada. Les choses ont un peu changé aujourd'hui puisqu'on m'accuse d'appuyer les lignes aériennes Canadien au détriment d'Air Canada.

Bien sûr, en 1999—tout comme en 1996—mon objectif ultime était d'aider les travailleurs que nous représentons dans les deux compagnies aériennes. Si, ce faisant, nous pouvons aider d'autres groupes de travailleurs, cela n'en sera que mieux.

En 1996, nous avons fini par accepter des concessions qui étaient nettement inférieures à ce qu'exigeait M. Benson et compagnie, mais seulement après que le Parlement du Canada eut menacé d'obliger nos membres à se prononcer par vote. Je tiens à le signaler publiquement car cela m'a vraiment fichu en rogne que l'on nous reproche, dans le pays, d'agir de façon antidémocratique.

Nous avions négocié une convention collective avec notre employeur en vertu de la législation du pays. Nos membres l'avaient ratifiée, par vote, et elle était en vigueur, mais on nous obligeait encore une fois à la rouvrir, et cette fois-ci, pas simplement l'employeur mais également le ministre des Transports de l'époque, M. Anderson, ainsi que le ministre du Travail et l'ensemble du gouvernement. Tout le monde est intervenu en disant que nous agissions de façon antidémocratique, alors que nos membres étaient confrontés à un ultimatum: ou bien perdre leur emploi, ou accepter une autre diminution de salaire. Je soutiens que les seuls à avoir agi de façon antidémocratique à l'époque étaient l'employeur et le gouvernement, par les mesures qu'il a prises contre nous.

Nous avons réussi à nous en sortir, mais la crise n'a pas pris fin, tout comme nous l'avions prévu. Le gouvernement n'a absolument rien fait pour remédier à la capacité excédentaire existant dans l'industrie. Le cabinet du premier ministre a accepté d'y consacrer une journée de réflexion de la part de tous les intervenants de l'industrie. Cela s'est fait en décembre 1996, sauf erreur, ou peut-être en 1997. Toutes parties prenantes ont été réunies mais en fin de compte, tout le monde a dit que tout était pour le mieux—statu quo—y compris le directeur général de Canadien, M. Benson, qui a soutenu que le marché réglerait le problème. Nous savions que ce ne serait pas le cas.

Les autres syndicats ont présenté les mêmes arguments en disant qu'ils ne pourraient pas résoudre le problème. Au printemps 1999, nous avons eu une réunion avec les dirigeants syndicaux de Canadien dans tout le pays—des personnes élues par les membres. Il a alors été décidé, étant donné la crise imminente, que nous écririons au ministre des Transports et au gouvernement leur demandant d'intervenir. Nous avons tenu une conférence de presse et envoyé une lettre au premier ministre et au ministre des Transports, en leur demandant de faire quelque chose. Nous savions que les Lignes aériennes Canadien, dans les 12 mois, seraient en faillite.

Nous leur avons demandé de faire plusieurs choses. Si le gouvernement tenait vraiment à conserver deux compagnies aériennes dans le pays, il devait prendre une participation financière minoritaire dans Canadien et permettre à cette compagnie et à Air Canada de se restructurer et de cesser cette concurrence destructrice qui les avait pratiquement ruinés depuis une dizaine d'années.

Nous avons demandé au gouvernement de prendre une participation financière et de lever les limites visant la propriété dans l'industrie aérienne, même si nous parlions précisément de Canadien. Nous estimions que si le gouvernement devenait actionnaire minoritaire, cela permettrait de mobiliser des fonds auprès du secteur privé et ce, pour deux raisons.

Tout d'abord, le gouvernement montrerait qu'il avait confiance dans la compagnie aérienne. En second lieu, en y investissant de l'argent, il serait représenté au conseil d'administration et pourrait voir sur place quels étaient les problèmes. Les représentants du gouvernement pourraient insister sur le fait qu'il fallait absolument que cette rivalité entre les deux compagnies aériennes, qui essayaient chacune de détruire l'autre, cesse. Nous pensions que cela lui donnerait une meilleure vision de l'industrie, en tant que partenaire financier minoritaire, et qu'il pourrait donc apporter les changements qui se faisaient attendre depuis longtemps.

• 1540

Nous avons demandé au gouvernement d'intervenir pour deux autres raisons, notamment pour que cette concurrence destructrice cesse. Ce que je veux dire, c'est que nous avons signalé le problème en avril dernier mais n'avons obtenu aucune réaction, si ce n'est du ministre des Transports, M. Collenette. Il faut dire à son honneur qu'il nous a rencontrés et a écouté nos arguments. Il n'a pris aucun engagement, mais en août, M. Manley et lui ont invoqué l'article 47 de la Loi sur les transports.

Ce geste visait à reconnaître la crise qui touchait l'industrie aérienne, ce qui était extrêmement important. Pour la première fois en plus de 10 ans de pertes subies par les deux compagnies aériennes, le gouvernement reconnaissait que le transport aérien était toujours en crise et que le secteur privé ne pouvait pas s'en sortir tout seul. En second lieu, il a mis en place le mécanisme en vue de restructurer l'industrie aérienne. Voilà où nous en sommes aujourd'hui.

Une fois l'article 47 en vigueur, la société Onex, sous les auspices de M. Gerry Schwartz, a présenté une proposition pour acheter les compagnies aériennes. Nous avons réagi immédiatement en lui demandant de nous rencontrer, pour lui faire part de nos préoccupations. Ce n'étaient pas les mêmes que celles des actionnaires, dont nous ne nous sommes jamais vraiment inquiétés. Ils sont assez bien représentés où que l'on aille dans le pays, et notamment au Parlement national. Les travailleurs, par contre, n'étaient pas bien représentés.

Nous lui avons présenté nos propositions visant les travailleurs. Nous avons examiné avec intérêt sa proposition, mais lui avons dit qu'il nous fallait une garantie, s'il voulait compter sur notre appui: il ne devait y avoir aucune mise à pied obligatoire parmi les travailleurs de l'industrie restructurée. Toutes les mesures de compression et de restructuration—et nous étions conscients du fait qu'il y aurait moins d'employés à la fin du processus—devraient se faire en offrant des programmes avantageux de départ à la retraite et de versements d'indemnités généreuses pour les cessations d'emploi volontaires, ainsi que le maintien de la protection médicale des employés jusqu'à l'âge de 65 ans, âge auquel ils commenceraient à être couverts par les programmes gouvernementaux.

Nous avons trois autres points. Il est vraiment important pour nous de ne pas exporter nos emplois à l'étranger. Si American Airlines acquiert une plus grande partie de cette nouvelle compagnie, il se pourrait très bien que pour sauver l'industrie, on soit obligé de déménager beaucoup plus d'emplois à l'étranger. Nous avons donc demandé l'engagement qu'aucun de nos emplois ne serait transféré aux États-Unis ni ailleurs à l'étranger.

Nous avons exposé les questions qui nous semblent être d'une importance majeure. Compte tenu des problèmes de l'industrie, nous avons dit qu'il faudrait une seule compagnie qui soit propriétaire de toute l'industrie, mais il pourrait y avoir deux compagnies aériennes, une bleue et une rouge. Il pourrait y avoir des listes d'ancienneté séparées, de sorte que les effectifs ne seraient pas forcés de s'inquiéter d'être défavorisés par les changements. Nous avons déjà traversé tellement de crises semblables que nous savons que cela pourrait être une solution réalisable.

Durant notre première rencontre avec M. Schwartz, ce dernier n'a fait absolument aucune promesse. Il a refusé de s'engager à ne faire aucune mise à pied. Il a dit textuellement: «Écoutez, une 7seule mise à pied, c'est déjà trop, un seul emploi de perdu, c'est déjà trop, mais nous ne pouvons pas prendre d'engagement parce que nous n'avons pas les renseignements voulus. Par contre, nous nous engageons à le faire par attrition ou en offrant des programmes de retraite avantageux.»

Nous avons ensuite rencontré M. Milton chez Air Canada et nous lui avons présenté le même plaidoyer. À notre avis, les travailleurs devaient être protégés: une seule compagnie, deux listes d'ancienneté. Je dois aussi signaler que nous avons dit qu'il devait y avoir parité salariale. On ne peut avoir trois ou quatre catégories de travailleurs dans la même compagnie aérienne. Les travailleurs de Canadien et de Canadien Régional devaient avoir les mêmes salaires que ceux du transporteur principal Air Canada ou des compagnies régionales d'Air Canada.

Nous avons dit qu'il ne devait y avoir aucune perte d'emplois, aucun déménagement forcé d'un bout à l'autre du pays, et aucun emploi transféré aux États-Unis. Là encore, nous avons eu une oreille sympathique au sujet des pertes d'emplois, mais aucun engagement.

Devant le déroulement des événements, nous avons convoqué une réunion des dirigeants de notre syndicat et nous y avons invité des représentants des deux compagnies. Je n'entrerai pas dans les détails, mais nos dirigeants ont appuyé la propositions que nous avons présentée aux deux compagnies. En fin de compte, nous avons eu une bonne discussion à la fois avec Air Canada, sous l'égide de M. Milton, et avec la Société Onex, dirigée par M. Schwartz. Le lendemain, M. Schwartz nous a envoyé une lettre qui ne répondait pas à toutes nos préoccupations, mais qui amorçait les négociations en vue d'essayer de régler les questions qui nous tenaient à coeur.

Au cours des jours suivants, M. Schwartz a négocié avec notre syndicat, sous réserve que nous fassions une déclaration publique en faveur de l'offre d'Onex, sur la base de nos négociations et de la protection de nos membres. Nous avons fait la même offre à M. Milton et cette offre a été poliment refusée par Pat Heinke d'Air Canada.

• 1545

Ensuite, les tribunaux—et je n'entrerai pas dans les détails—ont rendu une décision écartant Onex et personne ne met en doute que M. Milton a maintenant gagné la partie. Il est maintenant le seul maître à bord de l'industrie et c'est lui qui décidera comment tout cela sera restructuré. Quand j'ai dit que M. Milton a gagné, je veux dire que M. Milton et les actionnaires sont les grands gagnants et que c'est une grande victoire pour les dirigeants d'Air Canada.

Je n'arrive pas à comprendre comment les travailleurs d'Air Canada peuvent dire que c'est une victoire pour eux, et encore moins les travailleurs des Lignes aériennes Canadien. Ils n'y gagnent rien. J'ai suivi avec intérêt la hausse du cours des actions d'Air Canada et il est certain que les actionnaires doivent se frotter les mains.

Dans l'accord que nous avions conclu avec Onex, nous avions prévu au bas mot 500 millions de dollars au cours des prochaines années pour un programme étoffé de retraite qui aurait permis à beaucoup de travailleurs ayant beaucoup d'ancienneté de prendre leur retraite avec dignité et d'éviter les mises à pied chez Air Canada ou Canadien. Nous avions l'engagement de la parité salariale entre les deux compagnies aériennes d'ici janvier 2002. Nous avions l'engagement d'une indemnité de départ bonifiée pour les travailleurs qui n'étaient pas admissibles à une pension à cause de leur âge ou de leurs années de service, ou encore pour ceux qui voulaient refaire leur vie et lancer une entreprise.

Nous avions l'engagement qu'aucun poste ne serait déménagé aux États-Unis ni dans un autre pays. Et pour faire comprendre cette situation aux membres du comité, je précise que vous pouvez téléphoner à Ottawa pour faire une réservation et votre appel peut être traité en Inde, aux Antilles, en Angleterre, n'importe où—n'importe où en Amérique du Nord. Et beaucoup de nos tâches ont été transférées initialement aux États-Unis. C'était donc une véritable menace.

Où en sommes-nous aujourd'hui? Nous n'avons pu obtenir cet engagement d'Air Canada. Les travailleurs n'ont aucun engagement, sinon le vague énoncé de M. Milton et de la compagnie au sujet de leur engagement envers les travailleurs. Dans la dernière offre dont les journaux font état ce matin—nous avons eu à peine le temps d'en prendre connaissance dans le taxi qui nous amenait ici—il est question d'aucune cessation d'emplois. Mais je n'ai pas besoin de dire aux membres du comité qu'aucune cessation d'emplois, ça veut dire que personne ne sera congédié, mais cela peut vouloir dire que plusieurs milliers de personnes seront mises à pied pendant une période indéfinie qui pourrait se prolonger pour atteindre la durée de leur ancienneté.

Nous avons encore sur la table la proposition de M. Milton de créer une industrie à quatre niveaux, avec Air Canada d'un côté et Canadien de l'autre, le tout appartenant à une compagnie à numéro à l'égard de laquelle Air Canada n'assume aucune responsabilité. Elle n'a pas à s'inquiéter de ce qui leur arrive, mais elle peut par contre en bénéficier grandement si tout le monde se fait faire «coupe de cheveux», ce qui veut dire qu'une bonne partie de la dette sera radiée. Et l'on suppose qu'ils s'en prendront aussi aux salaires des travailleurs, pour la quatrième ou cinquième fois. Mais on n'a pris absolument aucun engagement envers les travailleurs. Tous les travailleurs des lignes aériennes canadiennes pourraient perdre leur emploi. Ensuite, en plus de cela, il y a les compagnies régionales et il y a cette compagnie de vols à rabais que l'on propose de créer à Hamilton.

Nous avons donc un monopole. Ce n'est pas seulement un monopole dans le sens que la compagnie possédera la totalité de l'industrie, mais c'est un monopole ne comportant aucun engagement envers une bonne partie des effectifs, aucun argent pour les travailleurs d'Air Canada pour leur assurer une retraite anticipée, et l'on garantit que plus personne ne pourra entrer dans le secteur parce qu'il y aura cette compagnie à rabais basée à Hamilton qui sera appuyée par le monopole et qui pourra couper l'herbe sous le pied à quiconque voudrait sa part du gâteau.

Alors voilà où nous en sommes aujourd'hui. Je tiens à le dire clairement, monsieur le président, parce que je pense que c'est important. J'ai vécu l'une de ces restructurations chez Massey Ferguson il y a dix ans et l'aboutissement a été presque identique à ce qui s'est passé en l'occurrence. Ils avaient une dette énorme, mais ils ont créé une nouvelle compagnie appelée Massey Combines. Ils ont rejeté la totalité de la dette sur Massey Combines, y compris l'engagement envers les retraités et les travailleurs actifs, et même les travailleurs malades. La société Verity a repris toutes les activités qui étaient rentables.

Il n'était pas nécessaire d'être un génie pour savoir ce qui allait se passer. Deux ans plus tard, Massey Combines a fait faillite. Tous les travailleurs ont tout perdu, y compris les gens qui étaient malades depuis de longues années. Ils ont perdu leur assurance-maladie et leur invalidité. Tout a été perdu, tandis que Victor Rice et la société Verity sont entrés dans des jours meilleurs. Et je vois que ce dossier-ci s'oriente dans la même direction.

Je vais terminer en disant ceci. Les actionnaires sont gras durs. Les dirigeants sont gras durs. Il nous reste plus qu'à nous inquiéter du sort des travailleurs des deux compagnies aériennes et de leurs familles. Qu'adviendra-t-il des collectivités? Continueront-elles d'avoir du service? Et qu'arrivera-t-il à long terme quand le gouvernement aura créer un monopole? Ouvre-t-on la porte à de nouveaux arrivants qui pourront se tailler une niche dans ce secteur? Ce sera impossible, si on laisse Air Canada mettre en oeuvre cette proposition dont sont aujourd'hui saisis les actionnaires des Lignes aériennes Canadien.

• 1550

Nous demandons donc au gouvernement d'honorer l'engagement qu'ils ont pris de protéger l'intérêt des consommateurs, mais surtout les travailleurs et leurs familles.

Merci beaucoup, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Hargrove.

Vous avez dit que M. Milton décidera à lui seul de l'avenir de l'industrie aérienne. Je tiens à vous assurer que ce n'est pas le cas. C'est vrai que M. Milton est le principal intervenant et qu'il a son mot à dire, mais c'est justement pourquoi notre comité permanent se réunit. Et pourquoi le Comité du développement économique de notre propre caucus libéral se réunit. Et pourquoi le Bureau de la concurrence examine tout cela. Et pourquoi tous ces différents rapports seront publiés. Et le ministre des Transports attend avec impatience les résultats afin de pouvoir élaborer une législation en vue de respecter les cinq principes dont vous avez parlé dans votre exposé et qui nous préoccupent en tant que comité.

Cela dit, nous allons passer aux questions.

Val Meredith.

Mme Val Meredith (South Surrey—White Rock—Langley, Réf.): Merci, monsieur le président et merci monsieur Hargrove.

Je veux revenir sur quelque chose que vous avez dit avoir recommandé au gouvernement, et je suppose que c'était en avril dernier, quand vous avez rencontré le ministre. Vous avez fait deux suggestions. En fait, il y en avait peut-être plus que deux, mais j'ai pris note de seulement deux d'entre elles.

Premièrement, vous avez dit que le gouvernement devrait prendre une participation dans Canadien. Deuxièmement, qu'il fallait lever la restriction sur la propriété dans l'industrie. J'ai cru comprendre qu'à votre avis, la limite de 10 p. 100 fixée dans la loi sur Air Canada devait être abolie, ou modifiée d'une façon quelconque. Et j'ai cru comprendre que votre commentaire s'appliquait aussi à la propriété étrangère. Ai-je raison?

M. Buzz Hargrove: À ce moment-là, notre syndicat s'intéressait surtout à la propriété étrangère. Notre problème, ce n'était pas les Canadiens qui voulaient en acheter plus que 10 p. 100; notre problème, c'était de trouver des capitaux. Nous estimions à ce moment-là que la limite de propriété étrangère était un obstacle. Donc, en toute justice pour le ministre, je crois pouvoir dire que notre lettre précisait bel et bien que cela visait la propriété étrangère. Mais l'essentiel de notre discussion portait sur le besoin de trouver des capitaux et si quelqu'un avait posé des questions, nous aurions répondu que la limite de 10 p. 100 ne nous préoccupait pas.

Mme Val Meredith: Vous estimez donc que la limite de 10 p. 100 fait obstacle à la recherche de capitaux pour l'industrie?

M. Buzz Hargrove: Pas à cette époque-là, mais cela s'est assurément révélé être un facteur au cours de la dernière ronde de restructuration.

Mme Val Meredith: Je crois comprendre qu'à votre avis, quand la politique gouvernementale nuit à la capacité d'un compagnie de trouver les capitaux nécessaires pour assurer la croissance, créer des emplois et assurer la stabilité, c'est une mauvaise chose.

M. Buzz Hargrove: Je ne présenterais pas les choses de cette façon, monsieur le président. Ce que je dis, c'est que quand une industrie est en crise et quand on a mis en place antérieurement une politique qui était peut-être une bonne politique à ce moment-là, mais qu'elle nuit maintenant à la restructuration, ce qui est absolument nécessaire dans ce dossier—tous les analystes financiers, tout le monde a dit qu'il fallait restructurer—alors à ce moment-là, le gouvernement doit décider s'il est logique de continuer d'appliquer ces restrictions, et je parle des deux.

Mme Val Meredith: Bon, alors je vous pose la question suivante. Croyez-vous que le fait que trois des cinq principales compagnies dans notre pays, qui donnent de l'emploi à quelque 72 000 Canadiens, appartiennent à des intérêts étrangers crée un problème?

M. Buzz Hargrove: Écoutez, je suis un nationaliste canadien, mais mon nationalisme passe au second plan quand mes membres et moi-même sommes menacés de perdre nos emplois. Dans le cas de Canadian Airlines, il y avait une crise, la compagnie était au pied du mur. J'ai dit à ce moment-là que si nous pouvions trouver des capitaux à l'étranger pour sauver cette industrie, et si le gouvernement s'assurait par ailleurs que la concurrence destructrice qui a détruit les capitaux qui existaient dans cette industrie ne pourrait continuer, alors je n'aurais aucune objection.

La plupart du temps, vous constaterez que je suis extrêmement préoccupé par la situation qui existe dans notre pays, et l'incidence de la propriété étrangère dans de très nombreux secteurs de notre économie. Je pense qu'au cours des neuf premiers mois de l'année, 24 milliards de dollars américains ont servi à reprendre 181 sociétés canadiennes. Nous devrions tous nous inquiéter de cette situation à long terme.

• 1555

Mme Val Meredith: D'après vous, le fait que l'industrie automobile canadienne appartienne aux États-Unis pose problème?

M. Buzz Hargrove: Madame, j'ai dit qu'il ne fallait pas essayer de se mettre entre moi et les emplois des membres de mon syndicat. Si nous pouvions trouver un moyen d'acheter l'industrie automobile... Il y a 35 ans, notre syndicat a recommandé à un autre groupe de personnes de faire en sorte que l'industrie appartienne à des intérêts canadiens, mais compte tenu des circonstances actuelles, cela n'est pas logique. C'est un peu comme les Lignes aériennes Canadien. C'est bien beau de fixer une limite à la propriété étrangère, mais si cela signifie qu'un grand nombre de gens vont en perdre leur emploi, alors ce n'est pas logique.

Mme Val Meredith: Vous proposez donc de relever la limite visant la propriété étrangère, disons à 49 p. 100, de sorte que le contrôle resterait quand même aux mains de Canadien?

M. Buzz Hargrove: Le gouvernement choisit les politiques qui conviennent au pays. Ce qui me préoccupe aujourd'hui, c'est l'industrie dont nous parlons, la seule proposition qui soit à l'étude.

Aujourd'hui, contrairement à ce qu'il a dit il y a deux semaines environ, M. Milton propose qu'on relève la limite de 10 p. 100 visant l'acquisition des actions d'Air Canada, mais il ne dit rien, je pense, au sujet de la propriété étrangère. C'est au gouvernement de décider, madame, ce qui est dans l'intérêt supérieur des Canadiens et des travailleurs.

Je demande instamment au comité de ne pas oublier que 40 000 travailleurs sont en cause pour lesquels nous avons obtenu de bonnes garanties auprès de l'un des groupes prêts à investir dans l'industrie, tandis que l'autre groupe n'a offert aucune garantie aux groupes d'employés.

Mme Val Meredith: La balle est-elle dans votre camp pour leur demander des concessions, pour convaincre Air Canada de s'aligner sur les offres d'Onex que vous...

M. Buzz Hargrove: Pas sans l'appui du comité et du gouvernement du Canada. M. Milton ne le fera pas. Pourquoi le ferait-il? Il est le seul joueur sur le terrain. Il contrôle le bâton, la balle, le terrain, tout. La seule instance qui puisse empêcher M. Milton de faire exactement comme il l'entend, c'est votre comité et le conseil des ministres.

Le président: Merci, Val.

Mme Val Meredith: Merci.

Le président: Une petite précision. Au sujet de la règle de 10 p. 100, vous avez dit qu'elle n'est pas logique. Quel pourcentage vous paraît acceptable? Proposez-vous un plafond?

M. Buzz Hargrove: Le comité doit se demander si la limite de 10 p. 100 continue d'être une bonne politique pour le pays. Est-elle encore logique après une 10 ans d'application. Nous avons essayé pendant 10 ans et cela n'a pas fonctionné. Je ne suis pas en mesure, monsieur le président, de prendre une décision à ce sujet. Tout ce que je sais, c'est que pendant cette restructuration, cette règle a entravé le processus à tel point qu'il ne reste plus qu'un seul joueur qui détient d'énormes pouvoirs aujourd'hui.

Le président: Ce que nous cherchons, en tant que comité, c'est votre aide, monsieur Hargrove. Vous dites oui à la propriété étrangère si elle est nécessaire, mais pas nécessairement la propriété étrangère.

M. Buzz Hargrove: C'est ça.

Le président: Vous dites ensuite que la limite de 10 p. 100 n'est plus logique aujourd'hui, mais vous n'avez pas d'idée précise d'une limite acceptable.

Nous essayons de vous faire dire quelle est la position des TAC au sujet de la propriété étrangère et de la règle de 10 p. 100. Nous comprenons pourquoi, et cela nous paraît fort logique également, mais en fin de compte, il nous faut produire un rapport renfermant des recommandations, et on ne peut pas être aussi vague que vous l'avez été aujourd'hui. Votre syndicat a-t-il une position?

M. Buzz Hargrove: Si vous me posez la question à titre personnel, cette limite me paraît inutile. À quelle autre société canadienne cette limite visant la propriété est-elle imposée? C'était peut-être logique dans le temps et c'était peut-être une bonne mesure lorsqu'elle a été adoptée à l'époque de privatisation et de la déréglementation, mais on n'a pas obtenu le résultat escompté.

Le comité doit se demander si cette limite est toujours une mesure souhaitable. Est-ce une bonne politique ou non? D'après mon expérience—qui n'est pas très vaste—ce n'est pas une bonne politique.

Le président: Monsieur Fontana.

M. Joe Fontana (London-Centre-Nord, Lib.): Merci, monsieur le président.

Soyez le bienvenu, monsieur Hargrove. Vous nous avez lancé un sacré défi, mais le président a vite signalé... Il faudra me marcher sur le corps avant que M. Milton ne puisse dicter la politique gouvernementale visant l'industrie aérienne au Canada, alors attendez un peu. Vous avez dit que vous aurez besoin de l'aide du comité et du gouvernement. Eh bien, regardez-nous faire, car il n'est pas né celui qui va réussir à imposer au pays sa vision de l'industrie aérienne dans notre pays, et ce ne sera pas M. Milton. Je peux vous donner l'assurance que ce sera notre comité ou le gouvernement qui s'en chargera.

Je dois vous dire, monsieur Hargrove, que j'ai trouvé assez intéressant, ce lundi, en me rendant à l'aéroport Pearson de Toronto, de voir tous les membres de votre syndicat arborer les beaux petits macarons vous invitant à allez vous faire voir ailleurs. Je sais que vous avez appuyé Air Canada à une certaine époque et je sais que vous avez aussi appuyé Canadien à une certaine époque, et je sais quelle va être votre réponse, mais de quel côté êtes-vous aujourd'hui?

Des voix: Oh, oh!

M. Joe Fontana: Vous voulez que je vous dise? Tout bon politique qu'il peut être, Buzz va sans doute répondre du côté des employés de l'industrie aérienne.

M. Buzz Hargrove: Je vais profiter de cela, Joe—et je me permets de vous appeler Joe car je vous connais depuis un certain nombre d'années—pour réitérer que la proposition que nous avons négociée avec Onex s'appliquait à 10 000 travailleurs visés par 10 conventions collectives différentes. Cela s'appliquait à Air Canada et à toutes ses compagnies régionales: Air Ontario, Air Nova, Air Alliance, Air BC, ainsi qu'à Canadien et à toutes ses compagnies régionales, qui ont 10 conventions collectives différentes avec notre syndicat uniquement.

• 1600

Le litige vient de ce que M. Milton s'est servi de nos membres d'Air Canada. Il les a convaincus que, d'une façon ou d'une autre, s'il y avait un nouveau groupe d'investisseurs derrière lui, ils y perdraient quelque chose. Il a invoqué la loyauté et brandi la menace que les gens avaient peur de perdre leur emploi ou leur ancienneté, ou autre chose à la suite de ce processus.

La seule chose que je peux dire aujourd'hui au comité c'est que, si vous jetez un coup d'oeil sur ce que nous avons négocié, cela s'appliquait à 10 000 personnes, auxquelles il était garanti qu'aucune d'entre elles ne perdrait sont emploi—pas la cessation d'emploi, terme un peu plus relevé qu'aime utiliser M. Milton, mais que personne ne serait mis à pied contre son gré—aucune d'entre elles ne serait déplacée de Toronto en Nouvelle-Écosse, aucun de nos emplois ne quitterait jamais le pays pour une autre région du monde, et nous avions prévu des prestations de retraite améliorées ainsi que des indemnités de cessation d'emploi généreuses. Tout cela a maintenant disparu.

D'après certaines estimations prudentes, l'offre représentait plus de 500 millions de dollars. Aujourd'hui, on propose de donner 1 milliard de dollars aux actionnaires, et pas un sou n'a été offert aux travailleurs et à leurs familles.

M. Joe Fontana: Buzz, je comprends ce que vous dites, mais je pose la question et si vous prenez trop de temps à répondre, je n'aurai pas l'occasion de vous poser une autre bonne question.

M. Buzz Hargrove: Excusez-moi.

M. Joe Fontana: Je voudrais en venir à la question qui nous intéresse. Vous avez dit qu'un transporteur dominant aura le contrôle non seulement des lignes intérieures, mais également des liaisons intercontinentales, transfrontalières, internationales, et peut-être même des vols à tarif réduit, dans le cas de la proposition actuelle, que nous n'avons pas encore vue et qui a été approuvée. Vous avez parlé de la crainte que suscite ce monopole qui permettra d'avoir la haute main sur une foule de choses, notamment les prix, la capacité, etc.

Je veux vous féliciter pour certaines choses, car nous essayons de comprendre ce qu'il ressortira de tout ça pour le consommateur. Vous avez signalé à juste titre que les prix du transport aérien ont augmenté plus rapidement que l'IPC, depuis que l'on a mis en place dans le pays la fameuse politique de déréglementation axée sur deux compagnies aériennes principales. Vous avez ajouté que les deux compagnies aériennes, qu'on le croit ou non, n'ont pas gagné beaucoup d'argent. Vous nous avez donc signalé qu'il existe du point de vue structurel des problèmes fondamentaux chez les deux principaux transporteurs aériens du pays.

Il nous faut nous pencher sur les questions de politique gouvernementale que le ministre des Transports nous a demandé d'examiner. Êtes-vous contre l'offre d'Air Canada sous sa forme actuelle, du point de vue d'un monopole et du point de vue des employés? Aimez-vous cette proposition? Pensez-vous que c'est une bonne politique gouvernementale?

M. Buzz Hargrove: Non, sous les deux angles, surtout pour ce qui est de la protection des travailleurs. En outre, étant donné la façon dont elle est structurée, elle empêchera les nouveaux venus d'avoir accès au marché et d'essayer de se tailler une place au sein d'une industrie qui a des possibilités d'expansion.

M. Joe Fontana: Il ne reste donc plus qu'un seul joueur, mais d'autres viendront peut-être. Comme vous le savez, ce matin, des témoins ont proposé de créer un groupe régional, car le Bureau de la concurrence a dit que s'il y avait un transporteur dominant, comme Air Canada, il lui faudrait peut-être se dessaisir de son réseau régional pour garantir une certaine concurrence.

Les gens qui ont témoigné ce matin ont dit qu'ils examinent la question et ont offert certaines garanties de sécurité d'emploi. En fait, ils ont parlé de favoriser la croissance de l'industrie et la concurrence, ce qui augmenterait les possibilités d'emploi. Est-il important pour nous, selon vous, si on en arrive à un seul transporteur aérien dominant, si telle est la situation dans notre pays pour les prochaines années, que nous l'obligions à se dessaisir de ses compagnies régionales et à démanteler le système à quatre niveaux que propose M. Milton?

M. Buzz Hargrove: Non, ce serait une grosse erreur à mon avis, car dans la proposition Deluce faites ce matin, sauf erreur, il est question de créer un monopole dans les régions pour servir de ligne d'apport aux transporteurs principaux. Ce groupe profitera donc de ce qu'il détient un monopole pour prendre de l'expansion et livrer concurrence aux transporteurs principaux. Tout ce que vous ferez, c'est prolonger la crise que connaît l'industrie aérienne. Cela ne résoudra pas le problème.

Il nous faut un seul transporteur national, avec un réseau qui inclut les compagnies régionales. Ce serait le transporteur de calibre supérieur, mais il faut ensuite permettre à de nouvelles compagnies d'être exploitées dans les régions. Si M. Deluce veut créer une compagnie aérienne dans les régions pour lui faire concurrence, je lui souhaite bonne chance. Mais ce n'est pas ce qu'il veut. Il veut obtenir un monopole en disant qu'il va racheter au rabais toutes les compagnies régionales. Cela ne fera que saper davantage l'industrie aérienne. Vous ferez alors ce que nous disons depuis 10 ans: vous continuerez à aggraver le problème au lieu de le régler.

• 1605

M. Joe Fontane: Quelle est votre solution, dans ces conditions? Rien n'empêche actuellement les nouveaux venus d'avoir accès au marché du transport aérien intérieur dans notre pays. Apparemment, certains règlements ou la déréglementation facilitent l'accès au marché des vols intérieurs. En conséquence, si vous pensez qu'il existe un marché florissant où les compagnies comme Air Transat, Royal, Canada 3000...

M. Buzz Hargrove: Et WestJet.

M. Joe Fontana: ...et WestJet qui assurent la concurrence... Comment, toutefois? Quel cadre ou instrument réglementaire va-t-il falloir mettre en place pour favoriser au maximum la concurrence et s'assurer que le consommateur obtient des prix acceptables et justes? C'est ce qui les influence.

Le président: Merci, Joe.

M. Buzz Hargrove: Je pose d'abord que nous avons traversé 10 années de concurrence destructrice. Tout cela a eu pour effet de faire grimper le prix des billets d'avion plus rapidement que les autres produits qui figurent sur l'indice des prix à la consommation.

C'est ce qui me pousse à dire que, à mon sens, le mieux que puisse faire le gouvernement et que le comité puisse recommander au gouvernement de faire, c'est s'assurer qu'Air Canada est le transporteur national et que ses compagnies régionales lui amènent les passagers qu'elle transportera dans le reste du monde, de façon qu'elle puisse commencer à être rentable.

Toutefois, vous ne pouvez pas lui permettre d'assurer tous les niveaux de service. Si quelqu'un veut offrir un service simplifié, il est évident que Deluce ou quelqu'un d'autre devrait pouvoir avoir accès au marché et faire concurrence au niveau régional, comme le fait WestJet sur les principales liaisons, en offrant un service à tarif réduit et sans chichi. Toutefois, si on prive le transporteur de cet élément essentiel, on ne fait qu'aggraver le problème à l'avenir. Il faut permettre à des compagnies comme WestJet, Air Transat, Royal et Canada 3000 de prendre de l'expansion et de devenir concurrentiel les au cours des cinq ou six prochaines années.

Une chose est certaine toutefois, nous n'avons pas les moyens de faire vivre deux transporteurs comme nous l'avons fait au cours des 10 dernières années.

Le président: Merci, monsieur Hargrove.

Monsieur Guimond.

[Français]

M. Michel Guimond (Beauport—Montmorency—Côte-de-Beaupré—Île-d'Orléans, BQ): Monsieur Hargrove, je ne me rappelle pas avoir lu le nom du syndicat auquel vous êtes rattaché. Vous êtes un travailleur issu de quel syndicat?

[Traduction]

M. Buzz Hargrove: Le Syndicat des travailleurs et travailleuses de l'automobile du Canada représente 10 000...

M. Michel Guimond: Je parle de vous personnellement. De quelle section êtes-vous?

M. Buzz Hargrove: J'ai travaillé dans une usine Chrysler à Windsor.

M. Michel Guimond: Très bien.

[Français]

Dès le départ, je veux vous répéter ce que j'ai dit hier aux pilotes, particulièrement aux pilotes de Canadien. Je crois que tout le monde reconnaît que les travailleurs et les travailleuses de Canadien ont, depuis dix ans, souffert énormément de la qualité de la gestion de leur compagnie. Ils ont fait les efforts qu'il fallait faire et même accepté des réductions hors de l'ordinaire au niveau de leurs conditions de travail et de leur salaire. On doit reconnaître cela.

À la suite de la question qu'a posée M. Fontana, je voulais savoir à quel endroit vous vous situiez. Depuis que l'offre d'Onex a été déclarée illégale par la cour, on voit, comme on s'y attendait, que le président d'Air Canada est de plus en plus actif. En fin de semaine, on pouvait lire dans les médias qu'Air Canada offrait 125 millions de dollars en rachat d'emplois. Encore ce matin, on y lisait qu'il s'engageait à ce qu'il n'y ait aucune mise à pied et que toute réduction de personnel soit faite par attrition. Doit-on croire le président d'Air Canada? Est-ce que vous avez eu des rencontres officielles ou non officielles avec Air Canada afin d'obtenir des garanties pour les membres que vous représentez?

[Traduction]

M. Buzz Hargrove: Non. Il n'y aucune garantie de la part d'Air Canada. C'est une déclaration très générale. Il y est dit qu'il n'y aura pas de cessation d'emploi. «Cessation» signifie la fin d'un emploi. Quant au terme «mise à pied», terminologie que nous avons utilisée dans nos négociations avec la société Onex, il signifie que personne ne sera mis à pied. Il y a une énorme différence. La cessation d'emploi signifie la perte de l'ancienneté, et le départ des travailleurs.

Pour M. Milton, avec la terminologie qu'il utilise, mise à pied signifie qu'il pourrait mettre à pied 5 000 personnes sans leur offrir la moindre... Il n'offre aucune prestation de pension améliorée. Il n'offre aucune solution indiquant la façon de rationaliser l'industrie sans mettre des gens à pied. Nous sommes donc très sceptiques, premièrement, face à son engagement à ne pas mettre les employés à pied ni à mettre fin à leur emploi. Cela ne veut pas dire, d'après nous, que les employés ne seront pas mis à pied. Nous pensons que c'est plutôt le contraire qui se produira.

• 1610

Lorsqu'on crée une structure qui garantisse que l'on occupe une position dominante à tous les niveaux de service dans l'industrie, on le fait, à notre avis, de façon à s'assurer que l'on détient un monopole et que, dès qu'on a le contrôle, on peut imposer ses décisions aux autres.

Cette structure de Canadien qu'il nous a proposée hier est à notre avis un moyen très adroitement conçu de dire qu'Air Canada n'est absolument pas responsable des Lignes aériennes Canadien. Si Canadien ne trouve pas le moyen d'assurer sa survie, elle fera faillite. C'est la situation à l'heure actuelle. Les responsables le savent. S'ils ne trouvent pas une façon de s'en tirer, c'est la faillite. Si l'on adopte sa proposition, la compagnie fera faillite quand même. Cela n'ajoute rien à la situation. C'est une façon bien arrogante d'affirmer qu'Air Canada est le seul joueur sur le terrain et que les autres doivent respecter ses règles du jeu.

[Français]

M. Michel Guimond: Dans les discussions que vous aurez avec le groupe Deluce ou avec d'autres personnes intéressées à l'achat des transporteurs régionaux ou même à la restructuration du transport régional par les deux compagnies si elles ne sont pas fusionnées, est-ce que vous interviendrez en faveur des travailleurs et des travailleuses d'InterCanadien qui, contrairement à ce que plusieurs pensent, ne sont pas dans le giron de Canadien. C'est une compagnie totalement indépendante. Elle compte 1 100 employés et son siège social est à Montréal. Elle a une base importante à Montréal, dans les régions du Québec et aussi dans les Maritimes. Est-ce que les employés de cette compagnie sont au coeur de vos préoccupations?

[Traduction]

M. Buzz Hargrove: Parfaitement, et ces personnes seront protégées si l'on adopte notre proposition.

La seule façon pour InterCanadien de subir un préjudice, tout comme WestJet, Royal ou Canada 3000, c'est si l'on permet à M. Milton d'avoir la haute main sur toute l'industrie aérienne. Il pourra alors décider du sort à réserver à InterCanadien, à WestJet, ou à une autre compagnie régionale. Lorsqu'on possède toute l'industrie, il suffit de vendre à rabais la capacité excédentaire dans le triangle Edmonton-Calgary-Vancouver pendant trois mois, et WestJet n'est plus qu'un vieux souvenir. Il en va de même pour InterCanadien dans l'Est, qui sera rayée de la carte. Il devrait être possible d'empêcher cela et de s'assurer que M. Milton exploitera le transporteur national et aura un réseau de compagnies régionales qui lui servent de lignes d'apport et lui permettent de desservir les liaisons internationales, mais la structure doit être telle qu'elle favorise la viabilité et la croissance de compagnies régionales comme InterCanadien.

Le président: Merci, monsieur Guimond.

Monsieur Calder.

M. Murray Calder (Dufferin—Peel—Wellington—Grey, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Buzz, j'ai une impression de déjà vu. Je me souviens de vous avoir rencontré lorsque je faisais partie du groupe de travail sur le CN en 1995, où nous avons résolu le problème.

Vous avez dit que vous pensez qu'il devrait y avoir un seul transporteur national, qu'il y a de la place pour les transporteurs régionaux ainsi que pour une nouvelle expansion de l'industrie aérienne. C'est votre vision des choses.

Dans ce cas, vous partez du principe qu'il y a eu fusion entre les deux compagnies aériennes. Comment tenir compte des différences qui existent, par exemple, entre les contrats syndicaux des deux groupes d'employés, relativement à la question de l'ancienneté? En ce qui concerne la limite de 10 p. 100, vous semblez dire qu'il faut la relever, mais vous ne savez pas à combien. Ce pourrait être 10, 20 p. 100 ou même...

M. Buzz Hargrove: La supprimer complètement.

M. Murray Calder: Très bien. J'aimerais savoir aussi ce que vous pensez des créneaux aux aéroports. Dans toute cette affaire, c'est l'aéroport de Toronto qui essentiellement pose le plus grand problème, et je pense que nous allons devoir nous en occuper. De toute évidence, si vous vouliez mettre fin à l'expansion, ce serait le moyen idéal de le faire.

M. Buzz Hargrove: Laissez-moi d'abord aborder la question de l'ancienneté. Nous avons traité de cette question à maintes reprises. Ce n'est pas la première fusion que nous subissons. La seule différence, dans ce cas-ci, c'est qu'il s'agira d'un monopole dans une importante industrie comme le transport, et qu'on en parle publiquement parce que c'est ce que dicte la politique gouvernementale.

Ce que nous avons proposé et négocié librement avec la société Onex sans qu'elle ait un revolver sur la tempe—puisqu'elle n'était pas propriétaire de quoi que ce soit—dépendait de la prise de contrôle par Onex. C'est la seule façon dont cela serait déclenché et deviendrait une convention collective, et seulement après qu'elle aurait été ratifiée par nos membres. Mais nous avions une liste d'ancienneté séparée. Les employés pouvaient continuer à travailler selon leur ancienneté pour les transporteurs bleus et rouges, tout comme General Motors a la division Buick et la division Chevrolet, ou Chrysler a la division Dodge et la division Jeep. Il existe une foule d'exemples de la façon dont cela peut fonctionner, et fonctionner intelligemment.

• 1615

Après des réunions où nous n'avons pas réussi à rencontrer M. Milton, parce qu'il ne voulait pas nous rencontrer, nous avons réussi à convaincre les collaborateurs de M. Schwartz que cette formule aurait fonctionné, qu'il était possible d'avoir un transporteur aérien—et nous avons négocié la protection de l'ancienneté. Personne n'aurait été défavorisé à cause de l'ancienneté.

Il est intéressant d'entendre M. Milton déclarer aujourd'hui que les garanties qu'il sera disposé à donner ne seront en vigueur que jusqu'en mars 2002, et c'est d'ailleurs ce que nous avons dit, parce que nos négociations se dérouleront en mars 2002 et nous avons fermement l'intention d'étendre la protection de l'ancienneté au-delà de cette date.

En ce qui concerne les créneaux, vous avez tout à fait raison. Tout d'abord, pour assurer la concurrence, je ne crois pas que l'industrie aérienne, compte tenu de notre passé... Les nouveaux transporteurs qui veulent entrer sur ce marché devraient pouvoir le faire. Nous devrions simplement dire que quiconque peut louer un avion et assurer des vols entre Toronto et Windsor peut le faire, et c'est ce que nous avons aujourd'hui. Nous avons préparé une présentation avec d'autres syndicats que je considère intelligente, qui indique que les nouveaux venus doivent satisfaire à certaines conditions, et que le gouvernement procède de façon intelligente et encourage l'entrée sur le marché de nouveaux transporteurs concurrentiels, grâce entre autres aux créneaux.

J'ai lu dans le journal d'hier que M. Milton avait acheté tous les créneaux à Hamilton—absolument tous. Il détient le contrôle total des créneaux à Hamilton puisqu'il part du principe que nous allons approuver automatiquement son projet de service aérien super-économique à partir de Hamilton.

C'est pousser le monopole encore plus loin. On ne peut pas permettre que quelqu'un possède le contrôle total des créneaux dans une entreprise importante comme celle-ci, sinon il n'y aura pas de concurrence. C'est impossible.

M. Murray Calder: Quelque chose m'intrigue. Lorsque vous utilisez l'analogie Dodge-Plymouth, par exemple, n'est-ce pas très semblable à ce que M. Milton propose, c'est-à-dire que Canadien devienne une filiale d'Air Canada? Nous avons entendu ici au comité que les employés de Canadien craignent énormément qu'Air Canada se mette à grignoter Canadien jusqu'à ce qu'il n'en reste plus rien. N'est-ce pas semblable à l'analogie que vous venez de faire?

M. Buzz Hargrove: Non, la mienne diffère nettement de celle de M. Milton.

Ce dont nous parlons ici, c'est d'un partenariat égal, à savoir que l'on permette à Lignes aériennes Canadien de continuer de mener ses activités à l'échelle nationale et internationale, et que nous réduisions la capacité en fonction du marché occupé par chaque transporteur aérien au niveau des collectivités desservies. Le marché n'est donc plus ouvert à ce stade, et on augmente les salaires afin qu'il fasse partie d'un transporteur de première catégorie, de calibre mondial qui offre un excellent produit, ce qu'offrent ces deux transporteurs, et les gens ont alors le choix d'utiliser un transporteur ou l'autre, selon le produit et le service qu'ils offrent, tout comme le consommateur qui va chez General Motors et a le choix d'acheter une Pontiac ou une Buick.

Ce n'est pas ce que M. Milton dit. Selon mon scénario, il assumerait la responsabilité totale, c'est-à-dire la dette, par exemple. Vous avez une industrie ayant un chiffre d'affaires de 9 milliards de dollars qui se trouve en situation de monopole. C'est ce dont nous parlons ici. Tout le monde convient que l'on finira par avoir un transporteur principal. Il reste à savoir...

M. Murray Calder: J'ai une dernière question à ce sujet, parce que je veux savoir comment vous allez vous attaquer à ce problème.

Selon ce que vous proposez à l'heure actuelle, je constate que nous continuerons à avoir une situation où il y a deux avions de deux différentes compagnies qui décollent à quelques minutes d'intervalle l'un de l'autre, dont la destination est la même, et qui sont tous les deux à moitié vides. Comment votre proposition permet-elle de s'attaquer à ce problème? C'est là la question.

M. Buzz Hargrove: Non, mon interprétation diffère de la vôtre.

Si vous avez un transporteur aérien qui assure le transport de 100 passagers entre Toronto et Ottawa, et qu'aujourd'hui vous avez 20 avions à moitié vides, selon mon scénario, vous auriez 10 avions qui sont pleins. Le fait important, c'est que si 70 p. 100 d'entre eux utilisaient aujourd'hui l'un des deux transporteurs, alors c'est le pourcentage de places qui lui seraient accordées. Il y aurait une réduction de 30 p. 100. Dans le cas de l'autre transporteur, ce serait 70 p. 100.

M. Murray Calder: Très bien.

Le président: Je vous remercie, monsieur Calder.

Bev Desjarlais.

Mme Bev Desjarlais (Churchill, NPD): Dans votre exposé, vous mentionnez un certain nombre de choses à propos du comité ministériel de la politique aérienne de 1997. Est-ce le type de proposition que vous aviez fait à l'époque? S'agit-il de changements qui auraient dus se produire à l'époque pour éviter que nous nous trouvions dans la situation présente?

M. Buzz Hargrove: Oui.

Mme Bev Desjarlais: Et vous ne considérez pas cela impossible. Nous pouvons toujours opter pour cette solution.

Je suppose que je devrais demander à M. Stanford s'il est possible, sur le plan financier ou économique, que ces deux transporteurs aériens puissent survivre si ces changements sont adoptés.

• 1620

M. Jim Stanford (économiste, Syndicat des travailleurs et travailleuses canadien(ne)s unis de l'automobile): Nous avons déterminé que le principal problème financier dans l'industrie aérienne concerne la nature de la concurrence intérieure, lorsqu'il y a un petit nombre d'entreprises qui se font concurrence d'une façon stratégique. Ce n'est pas la même situation qu'un groupe de petits magasins du coin qui se font concurrence. Vous avez deux géants qui se font concurrence en se surveillant l'un l'autre. Ils se font concurrence en essayant de se nuire plutôt que d'assurer un meilleur service au consommateur, et le principal moyen utilisé, c'est d'accroître la capacité sur le marché intérieur.

Ce type de concurrence, qu'on pourrait qualifier d'oligopolistique, si on peut dire, ne peut pas être soutenue. Elle a entraîné une surcapacité chronique, des frais d'exploitation très élevés, des billets d'avion plus chers, et paradoxalement, des résultats financiers qui laissent à désirer pour les deux transporteurs aériens.

Pour régler ce problème, il faut mettre un terme à cette concurrence acharnée au niveau national. Il existe divers moyens d'y parvenir, et nous avons présenté des options dans tous les mémoires que nous avons soumis.

Un moyen consisterait à rétablir la réglementation de l'industrie nationale. Cette option ne semble pas particulièrement populaire. Un autre moyen consisterait à permettre une forme quelconque d'entente de coopération entre les deux transporteurs, c'est-à-dire que l'un concentrerait sa commercialisation et son expansion dans un secteur du marché et l'autre transporteur, dans un autre secteur. C'est le genre de processus qui serait autorisé en vertu de l'arrangement prévu à l'article 47 et qui pourrait se produire, du moins nous le pensions, en vertu de ce même article.

Un autre moyen consisterait à fusionner carrément les transporteurs aériens, ou encore à procéder à une fusion partielle où il y aurait une intégration quelconque au niveau financier tout en gardant séparées les activités opérationnelles des deux transporteurs.

Quoi qu'il en soit, il faut que les entreprises cessent ce gaspillage sous forme de doubles services et cette hémorragie financière sur le marché national. Dans le cas d'une quasi-fusion où elles seraient intégrées au niveau corporatif, il ne fait aucun doute que les deux filiales n'essaieraient pas de reproduire l'horaire exacte de l'autre, tout simplement comme vous ne verriez jamais un concessionnaire Pontiac situé en face d'un concessionnaire Buick. L'entreprise offre deux modèles non pas pour que l'on disparaisse, c'est évident, mais plutôt pour servir différents segments ou créneaux du marché.

Donc, nous estimons que ce genre d'arrangement est tout à fait possible. Pour nous, l'élément essentiel serait une forme quelconque de gestion globale de l'expansion de la capacité intérieure au sein de l'industrie.

En 1997, nous avons proposé un système de quotas vendables aux enchères selon lequel le ministère fédéral des Transports plafonnerait l'expansion de la capacité intérieure en fonction des facteurs économiques sous-jacents tels que la croissance démographique ou la croissance économique. Les transporteurs pourraient se livrer concurrence pour les parts de cette capacité globale, de sorte qu'une certaine concurrence continuerait d'exister, mais elle ne serait pas canalisée dans cette capacité excessive chronique que nous avons constatée au cours des 10 dernières années.

Mme Bev Desjarlais: Très bien. Je veux m'assurer de bien comprendre ce que vous entendez par quotas vendables aux enchères. Si vous aviez cent places pour cette destination, est-ce que vous en donneriez 50 à un transporteur et 50 à l'autre?

M. Jim Stanford: Pour tous les transporteurs, vous établiriez le nombre maximum de places qui seraient occupées sur une liaison en particulier, en jumelant une destination et un point de départ, et les entreprises essentiellement soumissionneraient pour le droit de servir une certaine proportion de ces places.

Dans un premier temps, il s'agirait d'une source de recettes pour le gouvernement qui permettrait de compenser certains des coûts d'administration de l'infrastructure des transports. Puis, les entreprises pourraient prendre des décisions rentables à l'égard des secteurs qui leur permettraient de réaliser des profits, les marchés qu'elles pourraient le mieux desservir, et tous ces éléments influeront sur le prix qu'elles sont disposées à offrir pour les quotas pour lesquels elles soumissionnent.

Ici encore, c'est une question qui demande beaucoup de réflexion et de travail, mais c'est simplement une idée qui permettrait de conjuguer certains des avantages de la concurrence tout en canalisant cette concurrence de façon constructive plutôt que de la façon destructive que nous avons connue.

M. Buzz Hargrove: Bev, j'aimerais faire un commentaire à ce sujet. Nous avons eu le temps d'élaborer ce programme. Maintenant, nous sommes à nouveau devant une situation critique qui est cette fois nettement différente. Il est difficile d'envisager que nous puissions préparer aujourd'hui un projet qui permette de s'occuper de la disparition de Lignes aériennes Canadien, d'assurer son avenir, puis d'examiner comment aider les futurs nouveaux venus dans l'industrie.

Mme Bev Desjarlais: J'avais une autre question, mais je l'ai oubliée. Passons.

Le président: Je vous remercie, Bev.

Monsieur Jackson.

M. Ovid L. Jackson (Bruce—Grey, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.

Buzz, vous avez eu beaucoup de temps pour réfléchir à ce problème. Vous êtes sur le terrain depuis pas mal de temps. Un professeur de l'Université de Toronto a comparu devant nous et nous a dit que les fusions ne marchent jamais, surtout lorsqu'elles sont hostiles, et qu'il est futile d'essayer de convaincre les gens de coopérer. Vous offrez un bon exemple avec ce qui s'est produit dans le cas de Massey Ferguson.

Connaissez-vous des fusions où vous avez eu à jouer un rôle, qui ont en fait fonctionné, et comment envisagez-vous la fusion d'Air Canada et de Canadien?

M. Buzz Hargrove: Le professeur qui a dit une pareille chose dormait sans doute depuis quatre ou cinq ans. Car des fusions, il y en a eu beaucoup!

• 1625

La dernière qui a reçu le plus de publicité et à laquelle nous avons participé ces dernières années était la prise de contrôle de Chrysler par Daimler. Cela a entraîné la fusion de deux entreprises, et cette fusion a donné de très bons résultats. L'entreprise connaît beaucoup de succès. Il ne s'agissait pas ici simplement de deux différentes cultures au sein d'un pays—nous sommes en train de parler de deux transporteurs aériens et de leurs cultures—mais dans ce cas-là il s'agissait de trois grands pays et de plusieurs autres. La fusion a très bien marché.

Tout dépend de la façon dont vous commencez. Si vous commencez par M. Milton qui essaie de convaincre tous les travailleurs qu'ils vont être perdants, qu'il y a un nouvel environnement et un nouveau groupe d'investisseurs derrière ce projet, et que vous rendez tout le monde furieux, il sera alors beaucoup difficile de les rallier à votre cause à long terme.

Mais je ne crois pas que ce soit impossible. M. Milton non plus, d'ailleurs. Il est en train de dire aux gens: Mettons-nous sérieusement au travail pour faire en sorte que ce projet fonctionne, et que Lignes aériennes Canadien en fasse partie.

Donc, je n'accepte pas l'argument voulant que les fusions ne fonctionnent pas. Nous en avons vécu beaucoup et toutes ont eu du succès. Dans le cas de la compagnie Massey, il ne s'agissait pas d'une fusion; la compagnie Massey s'est simplement redéfinie. Elle a déclaré: Aujourd'hui nous sommes la compagnie Massey Ferguson; demain nous serons la compagnie Verity qui regroupera tous les éléments rentables. Et nous aurons aussi la Massey Combines, qui regroupera non seulement toutes les activités déficitaires mais aussi toutes les responsabilités concernant l'ensemble des effectifs, des retraités et des conjoints survivants. La façon dont cette entreprise a été restructurée l'a menée tout droit à la faillite.

Je considère que la proposition de M. Milton concernant Lignes aériennes Canadien est dans la même veine que la restructuration de la compagnie Massey.

M. Ovid Jackson: Très bien. Vous nous avez laissé entendre que nous avons besoin d'un transporteur dominant et qu'il faut qu'il y ait de la concurrence entre les petits transporteurs. Quels seraient certains des détails de la fusion concernant la dette que le transporteur doit à American Airlines, et est-ce que cela nécessiterait des capitaux de la part du gouvernement du Canada?

M. Buzz Hargrove: Nous considérons, comme nous l'avons déjà suggéré, que nous avons besoin de capitaux. Le gouvernement va être un acteur dans l'industrie aérienne. Peu importe le résultat final; le gouvernement sera appelé à jouer un rôle soit au niveau de la réglementation d'un monopole, soit au niveau de sa participation minoritaire, lorsque nous serons présents aux négociations, que nous aurons un rôle à jouer dans la politique d'établissement des prix, dans les décisions concernant les prix, dans les décisions concernant les liaisons aériennes et la façon dont les gens sont traités. Le gouvernement sera présent dans tous ces aspects.

Il me semble qu'il est plus logique pour le gouvernement de détenir des intérêts financiers dans cette affaire que d'essayer de mettre sur pied une bureaucratie chargée de réglementer l'industrie en prévision de l'avenir. Je recommanderais donc que le gouvernement ait une participation minoritaire.

M. Ovid Jackson: Très bien, comme nous sommes en train d'échafauder des hypothèses, est-ce que cela inclurait... Certains transporteurs américains, par exemple, permettent à leurs pilotes d'avoir une participation dans l'entreprise. Est-ce que vous envisagez que ce genre de chose pourrait se produire, c'est-à-dire que les travailleurs pourraient avoir eux aussi une participation dans l'entreprise, de façon à permettre de diminuer les coûts?

M. Buzz Hargrove: Les employés ont une participation dans Lignes aériennes Canadien. Demandez leur s'ils veulent accroître leur participation. Si vous lisez la page 3 ou 4 du document, et si vous êtes un employé et que vous constatez les pertes subies... Le document indique que l'hémorragie se poursuit. Cette page vous indique qu'en 1988 et en 1989, avant qu'Air Canada soit privatisée et déréglementée, elle réalisait des profits pour la population canadienne. Depuis, la situation n'a cessé de se détériorer. Elle recommence tout juste à atteindre le seuil de rentabilité. Au cours de cette période, Lignes aériennes Canadien a perdu de l'argent chaque année.

Donc, si vous êtes un employé et que vous examinez la situation, voulez-vous vraiment une participation dans cette entreprise? Les actionnaires, ceux qui ne travaillent pas pour l'entreprise, n'en veulent plus. Pourquoi des travailleurs qui dépendent entièrement de cette entreprise pour leur gagne-pain—où ils ont tout misé dans l'entreprise, c'est-à-dire depuis leur hypothèque jusqu'à l'éducation de leurs enfants—pourquoi voudraient-ils accroître leur participation dans cette entreprise? Ça n'a pas de sens. Ce dont nous avons besoin ici c'est d'un cadre gouvernemental, d'une politique gouvernementale, et nous avons besoin d'une garantie selon laquelle les travailleurs ne seront pas abandonnés en cas de situation de monopole.

Le président: Merci, monsieur Jackson.

Monsieur Casey, s'il vous plaît.

M. Bill Casey (Cumberland—Colchester, PC): Revenons à votre position concernant l'existence d'un seul transporteur dominant—Air Canada ou qui que ce soit d'autre. En ce qui concerne la proposition d'Air Canada à l'heure actuelle, qui comporte les quatre paliers dont vous avez parlé—Air Canada, Lignes aériennes Canadien, les transporteurs à tarif réduit et les transporteurs régionaux—vous dites être contre cette proposition, mais qu'il ne faudrait pas se dessaisir des transporteurs régionaux.

M. Buzz Hargrove: Oui.

M. Bill Casey: Pourquoi dites-vous alors qu'on ne devrait pas les autoriser à offrir tous ces services, mais qu'il ne faudrait pas se dessaisir des transporteurs régionaux? N'est-ce pas contradictoire?

M. Buzz Hargrove: Non. La structure régionale est importante. Vous ne pouvez pas avoir de transporteur national sans transporteur d'apport, ou sans un transporteur d'apport que vous contrôlez. Supposons qu'on se dessaisisse des transporteurs régionaux. Le transporteur principal va continuer à contrôler les transporteurs régionaux. Ou, si les transporteurs régionaux deviennent suffisamment puissants, ils vont se trouver à contrôler ce qui se passe dans le cas du transporteur principal.

• 1630

Voici ce que je propose: que l'on fasse du transporteur principal un transporteur de première classe qui traite tout le monde de la même façon. Nous n'aurons pas quatre niveaux de salaires, ce sur quoi se fonde la concurrence exercée dans cette industrie. Les salaires et les avantages et leur engagement envers la main-d'oeuvre permettent aux transporteurs régionaux d'offrir des tarifs moins élevés. Aujourd'hui, on a Air Canada, Lignes aériennes Canadien, les transporteurs régionaux et puis le transporteur super-économique que M. Milton veut lancer.

Ce que je suis en train de dire, c'est que si vous avez un seul transporteur, c'est-à-dire ou Canadien et Air Canada ne forment plus qu'un transporteur, et que vous avez les transporteurs régionaux qui lui assurent un trafic d'apport, où l'on veille à qu'ils soient tous traités de la même façon parce qu'il y a un seul transporteur, alors il y a de la place pour de nouveaux venus, comme les frères Deluce ou n'importe qui d'autre, pour qu'ils puissent lancer une compagnie aérienne et faire de l'argent sur ce marché, et offrir un service super-économique s'ils le veulent. Mais si vous laissez M. Milton contrôler chaque niveau de service, alors personne ne peut survivre.

Si vous retirez les transporteurs régionaux, alors tout ce que vous faites, c'est perpétuer un grave problème. Vous n'aurez absolument pas réglé le problème, parce que les transporteurs régionaux, selon le scénario de M. Deluce, auraient le monopole dans les régions, et qu'ils se serviraient de ce monopole pour essayer d'affaiblir les transporteurs sur les principales liaisons qui sont rentables, c'est-à-dire les triangles—le triangle de l'Est, c'est-à-dire Montréal-Ottawa-Toronto; ou le triangle de l'Ouest, c'est-à-dire Edmonton-Calgary-Vancouver. Et de cette façon, il continuerait à affaiblir le transporteur principal.

Il n'est pas tellement intelligent de notre part, ce n'est pas une bonne politique gouvernementale, que de prendre des mesures qui nous obligeront à revenir ici dans trois ou quatre ans afin de traiter du même problème.

Si M. Deluce veut entrer sur ce marché, qu'on le laisse entrer en tant que nouveau venu et qu'il verse son argent, au lieu de laisser le gouvernement obliger l'autre transporteur à lui céder les transporteurs régionaux.

M. Bill Casey: Vous parlez de politique gouvernementale. Au début de ce grand débat, le ministre a dit, je crois, qu'il préférait que l'on se dessaisisse des transporteurs régionaux, et j'ignore si à l'époque il parlait d'entreprises séparées ou d'entreprises comme celles que propose M. Deluce. Mais il me semble que dans la majorité des témoignages que nous avons entendus, la grande préoccupation, c'est la concurrence—le fait qu'il n'y ait aucune concurrence s'il existe un transporteur dominant. Il me semble que cela offrirait une certaine concurrence au transporteur dominant, parce qu'il y aurait encore de la concurrence sur certaines destinations sans aucun doute. Ils devraient encore dépendre l'un de l'autre, mais les transporteurs régionaux devraient dépendre d'eux en ce qui concerne la destination principale, parce qu'une bonne partie de leur trafic serait du trafic d'apport. Donc ils ont besoin l'un de l'autre.

M. Buzz Hargrove: Pour répondre à votre question, il y a un monopole dans les régions. C'est là où on se préoccupe de la concurrence. C'est là où les gens veulent des tarifs moins élevés. Ce ne sont pas les déplacements d'affaires entre Ottawa, Montréal et Toronto ou Vancouver, Calgary et Edmonton. Ce sont les régions. Mais maintenant, ce que vous êtes en train de dire c'est qu'au lieu qu'Air Canada détienne le monopole, ce sont les frères Deluce qui détiendraient ce monopole.

M. Bill Casey: Que se passerait-il s'ils se dessaisissaient des transporteurs régionaux mais ne détenaient pas le monopole? Que se passerait-il, par exemple, si on se départissait de BC Air, Air Ontario, Air Atlantic ou InterCanadien, et qu'ils restaient indépendants?

M. Buzz Hargrove: D'après ce scénario, vous n'auriez quand même qu'un seul transporteur régional. Le seul moyen d'assurer la concurrence serait de faire en sorte que la structure soit attrayante pour ceux qui voudraient pénétrer le marché à un autre niveau. Si le trafic le justifie, il y en a d'autres qui voudront pénétrer le marché. Les Deluce viendront; ils l'ont déjà fait—ou encore WestJet.

Je le répète, nous sommes ici en présence d'une industrie assez particulière. C'est une industrie où la réussite conduit à l'échec. Mettre en place toute l'infrastructure nécessaire à un transporteur national, comme l'ont fait Canadien et Air Canada, avec tous les services, les bâtiments, la comptabilité, et tout le reste, exige un investissement en capital très considérable. Les nouveaux venus sur le marché peuvent toutefois louer leurs appareils, donner à contrat les services d'entretien mécanique et embaucher des employés à un taux de rémunération bien moins élevé, et ils peuvent ainsi commencer à gruger les liaisons les plus rentables pour les grands transporteurs, celles qui se trouvent dans le triangle. Si vous ne donnez pas aux grands transporteurs la possibilité de faire de l'argent sur ces liaisons importantes, vous vous retrouverez au bout du compte avec le même problème auquel nous nous heurtons aujourd'hui. Vous et moi devrons de nouveau nous réunir—ou bien ce sera quelqu'un d'autre—dans trois ou quatre ans pour examiner encore une fois la situation.

Chose certaine, les chiffres montrent... Vous avez ici les chiffres des 10 dernières années, qui montrent que les deux compagnies perdent de l'argent. Quelqu'un peut-il me nommer une autre industrie où deux compagnies exercent leurs activités à perte depuis 10 ans?

Le président: Merci, monsieur Casey.

Collègues, il reste trois personnes sur la liste, et nous devons passer au témoin suivant. Nous avons déjà 10 minutes de retard.

Monsieur Sekora.

M. Lou Sekora (Port Moody—Coquitlam—Port Coquitlam, Lib.): Vous savez, monsieur Buzzgrove, je crois bien avoir rencontré quelqu'un d'autre qui ne fait pas confiance à M. Milton.

Une voix: C'est Hargrove.

M. Lou Sekora: Hargrove, oui. J'ai dit Buzzgrove.

M. Buzz Hargrove: On m'a appelé pire que cela ces dernières semaines.

M. Lou Sekora: Je sais qu'on vous a appelé bien des choses pendant votre vie. Je sais qu'il ne pourrait en être autrement étant donné la fonction que vous occupez. J'en sais quelque chose.

Le président: On l'a appelé bien des choses pendant sa vie, mais jamais cela.

• 1635

M. Lou Sekora: Le fait est que nous avons aussi entendu le témoignage de M. Milton. D'après certains des propos qu'il a tenus et certaines des choses que j'ai entendues, je n'arrivais tout simplement pas à le croire.

Je suis de la Colombie-Britannique, et je tiens à ce que nous ayons le meilleur service possible, les meilleurs tarifs et les meilleurs employés, et ce, pour tout le Canada. Ce sont là des éléments très importants. J'ai fait de la politique municipale pendant 26 ans avant de venir ici, et je peux vous dire que j'avais de bons rapports avec mes employés dans tous les services municipaux. Ils me disaient toujours: «Lou, vous êtes dur, mais vous êtes très juste.» Voilà ce qu'il nous faut.

J'estime qu'il est très important que l'on reconnaisse le travail que font les employés de même que leurs années de service. Par contre, je ne voudrais pas que le prix des billets d'avion ne grimpe à tel point que les gens n'aient plus les moyens de voyager ou qu'ils soient obligés de voler avec des affréteurs faute de choix.

Vous avez dit que le gouvernement fédéral devrait sans doute avoir une certaine participation financière aux compagnies aériennes. Je suis catégoriquement contre cette idée. Je ne peux pas concevoir que nous, en tant que gouvernement, puissions bien gérer quelque entreprise que ce soit. Nous devrions éviter complètement de nous mêler d'activités commerciales.

Vous avez aussi critiqué la règle de 10 p. 100. Si je me souviens bien, vous avez recommandé qu'on s'en défasse. Quel devrait être le pourcentage?

M. Buzz Hargrove: J'ai simplement dit qu'il faudrait s'en défaire complètement.

M. Lou Sekora: Vous dites donc qu'il faudrait s'en débarrasser complètement et ne rien imposer comme maximum?

M. Buzz Hargrove: Oui. Pour ce qui est de votre premier point concernant la participation financière, quel est le moins pire des deux scénarios? Que le gouvernement ait à réglementer un monopole? Il y aura un monopole parce qu'il n'y a pas d'autre moyen pour que l'industrie puisse survivre. Il suffit de voir ce que montrent les chiffres. Ou est-ce d'avoir une participation financière qui permet au gouvernement d'être au nombre des administrateurs? S'il y a des investisseurs qui sont prêts à mettre de l'argent dans une compagnie aérienne, il me semble que ce serait un bon investissement pour les Canadiens de veiller à ce que les consommateurs ne se fassent pas avoir, comme vous dites, et que tous les Canadiens aient accès à des services aériens. Il me semble que ce serait là un rôle utile que pourrait jouer le gouvernement. Il n'a pas besoin de se mettre à gérer l'entreprise. Avec une participation financière minoritaire, il siégerait au conseil d'administration et serait ainsi au courant de ce qui se passerait.

En ce qui concerne la propriété, la seule raison qui puisse justifier l'imposition d'une limite quelconque, ce serait l'intérêt public. Or, cette règle a été adoptée en 1989. Voyez quelles sont les pertes que les deux compagnies ont subies depuis et demandez-vous si l'intérêt public est effectivement servi par cette règle. Si j'étais au nombre des décideurs, je conclurais qu'elle ne sert pas l'intérêt public.

Tous les acteurs du milieu financier et les honorables députés de tous les partis, dans toutes les régions du pays, reconnaissent qu'il faut faire quelque chose; il faut une restructuration de l'industrie. La seule question qui se pose est de savoir quelle est la meilleure façon de s'y prendre. S'il a une politique qui entrave la restructuration, le gouvernement a alors l'obligation de la revoir.

M. Lou Sekora: Vous savez, quand M. Milton est venu nous livrer son témoignage, j'ai eu l'impression, d'après ce qu'il disait, qu'il souhaiterait prendre le contrôle de Canadien et de laisser ensuite la compagnie couler. Avez-vous cette impression vous aussi?

M. Buzz Hargrove: Ce n'est pas que je fais moins confiance à M. Milton qu'à M. Schwartz; je m'en tiens à ce que j'ai par écrit. J'avais une entente signée avec M. Schwartz. Je l'ai déjà appelé M. Onex, si cela peut vous rassurer.

M. Lou Sekora: Cela me rassure.

M. Buzz Hargrove: J'avais une entente signée avec lui qui écartait cette possibilité et qui permettait de protéger les employés et les consommateurs. Nous avions une bonne entente signée.

Dans le cas de M. Milton, il ne s'agit pas de confiance; je ne fais confiance à personne avec qui je négocie. Chose certaine, nous sommes loin de l'époque où il suffisait d'une poignée de main pour conclure une entente. Il nous faut une garantie par écrit, et M. Milton n'est pas prêt à mettre par écrit quelque engagement que ce soit relativement aux questions dont nous avons parlé lors des négociations. Il est prêt à les inclure dans une lettre publique, mais chacun ici sait que n'importe quel avocat dira qu'une lettre garantissant quelque chose ne vaut rien à moins qu'il s'agisse d'un document signé par les deux parties, sinon la lettre n'a aucune valeur juridique. Je peux dire tout ce que je veux dans une lettre.

Il nous faut un document signé, et votre comité et le gouvernement sont les seuls à qui nous pouvons maintenant nous en remettre pour veiller à ce que M. Milton s'acquitte de ses obligations à l'égard des employés et de leurs familles ainsi que des localités à qui il assure un service.

M. Lou Sekora: Si M. Milton et Air Canada retiraient aujourd'hui leur offre, nous nous retrouverions de nouveau à la case départ.

M. Buzz Hargrove: M. Milton ne va pas retirer son offre. Il n'a pas mis un milliard de dollars dans les poches des actionnaires et zéro dollar dans celles des employés pour se retirer. Il a la meilleure affaire qu'on puisse imaginer.

Le président: Merci, monsieur Sekora.

Monsieur Bailey, vous avez la parole.

• 1640

M. Roy Bailey (Souris—Moose Mountain, Réf.): Vous devriez changer votre nom. Vous devriez vous appeler M. CAWgrove.

Quand vous avez conclu votre entente avec M. Schwartz chez Onex, il vous a garanti que votre syndicat serait protégé, mais il y a plus d'un syndicat en cause dans cette affaire. Combien d'autres syndicats sont en cause? Le SCFP en est un.

M. Buzz Hargrove: Je crois qu'il y a six syndicats dans le secteur du transport aérien.

M. Roy Bailey: L'entente incluait-elle aussi les autres syndicats?

M. Buzz Hargrove: Non, j'ai négocié uniquement pour les 10 000 membres des TCA. Je crois toutefois savoir que la plupart des syndicats avaient eu des discussions avec M. Schwartz et qu'il était prêt à leur donner des garanties semblables par écrit.

M. Roy Bailey: M. Schwartz a dit qu'il n'est pas question qu'il revienne avec une nouvelle offre à cause de la décision rendue par le juge du Québec au sujet de la règle des 10 p. 100. Croyez-vous qu'il présenterait une nouvelle offre si nous adoptions une loi pour faire passer le maximum de 10 p. 100 à 80 p. 100, ou s'il n'y avait pas de maximum?

M. Buzz Hargrove: Je n'en ai pas la moindre idée. Je ne connais pas personnellement M. Schwartz. Je l'ai rencontré à trois reprises au cours de ma vie. Je n'avais jamais entendu parler de lui avant qu'il fasse une offre visant à acheter l'industrie. Je tiens toujours à rencontrer les acteurs de l'industrie avec qui je traite, surtout ceux qui ont de l'argent. C'est la première fois depuis bien des années que l'industrie suscite l'intérêt de quelqu'un qui a de l'argent.

M. Roy Bailey: D'accord. La semaine dernière, nous avons rencontré deux différents groupes de pilotes. Si nous nous retrouvons avec un seul transporteur dominant—ou un monopole, si vous préférez ce terme—serait-il très difficile, d'après votre expérience, de réunir ces différents groupes de pilotes?

M. Buzz Hargrove: Je ne peux pas parler au nom des pilotes; je peux simplement vous faire un rappel historique. La société Lignes aériennes Canadien est née de la fusion de divers transporteurs: Pacific Western Airlines, Eastern Provincial Airways, Wardair et Canadian Pacific Airlines. Tout le monde avait alors invoqué le même argument, à savoir que les pilotes ou les agents ne se réuniraient pas en un seul syndicat. Ils se sont effectivement réunis en un syndicat; ce sont tous des professionnels.

La véritable question est de savoir comment ils sont traités. Quelles sont les garanties? On dira peut-être aux pilotes: «Écoutez, vous êtes dixième sur la liste d'ancienneté, ce qui vous donne droit de piloter un 747. Nous allons maintenant fusionner la liste d'ancienneté, si bien que vous n'aurez plus le droit de piloter qu'un moyen-courrier à réaction». Dans ce cas-là, il sera impossible d'obtenir leur collaboration, ils refuseront de collaborer, à juste titre. Notre proposition aurait permis de garantir que cela ne se produirait pas.

M. Roy Bailey: Vous dites donc que notre comité se trouve face à une situation difficile. M. Milton est au volant, et nous nous retrouverons avec un monopole parce que personne d'autre ne manifeste d'intérêt.

Je ne peux pas concevoir que notre comité puisse faire au gouvernement une recommandation en ce sens. Il faudra mettre quelque chose en place pour s'assurer qu'il ne sera pas au volant et qu'il sera tenu d'agir, non pas forcément dans l'intérêt des syndicats, mais dans l'intérêt des Canadiens du pays tout entier. Il se peut donc que la décision que nous aurons à prendre n'ait pas l'air d'être trop démocratique non plus.

M. Buzz Hargrove: S'il s'agit d'une décision prise par un gouvernement élu, elle sera forcément démocratique. C'est là la différence entre M. Milton et vous et moi. Vous êtes élus et moi aussi. M. Milton n'est pas élu; il est nommé. Il se tirera bien d'affaire quoi que nous fassions ici. Ce qui compte, ce sont les employés et leurs familles et ce qui sera offert aux Canadiens dans ce nouveau contexte dans lequel nous nous trouvons.

Le président: Merci, monsieur Bailey.

Monsieur Comuzzi.

M. Joe Comuzzi (Thunder Bay—Superior-Nord, Lib.): Je partage vos préoccupations au sujet de la vente de tous les éléments d'actif de Canadien au cours des 18 ou 20 derniers mois, notamment dans le secteur forestier. C'est une conséquence tragique. Je suis préoccupé par le fait que la guerre qui se livre actuellement et à laquelle nous tentons de trouver une solution, met en cause des acteurs internationaux qui s'intéressent davantage aux liaisons internationales qu'à Air Canada ou à Canadien.

D'après vous, monsieur Hargrove, combien de ces emplois pourraient être perdus pour le Canada dans ce domaine très important du trafic aérien?

M. Buzz Hargrove: Ce sera à M. Milton d'en décider. C'est là le problème. La décision lui appartiendra exclusivement. Nous avions des garanties écrites de la part de l'autre groupe d'investisseurs; nous n'en avons aucune de la part de M. Milton.

• 1645

Le plus intéressant dans ce débat, monsieur le président et honorables députés, ce sont les cris de protestation que nous avons entendus au sujet de la propriété et du contrôle qui iraient aux Américains quand l'offre d'Onex a été présentée. Or, aux termes de la seule offre qui reste, United Airlines et Lufthansa auront énormément de pouvoir. Quand un petit transporteur fusionne avec un gros transporteur, et qu'on s'y connaît dans le milieu des affaires—comme c'est le cas de beaucoup de ceux qui sont autour de la table ici—on sait bien quel genre de contrôle peut être exercé.

M. Joe Comuzzi: La compagnie nationale japonaise a annoncé hier qu'elle ferait dorénavant partie de cette alliance.

M. Buzz Hargrove: Oui, exactement, si bien que la vraie question qui se pose est de savoir si nous avons un monopole. Il y a les Américains qui ont une influence incroyable et Lufthansa aussi. La question est de savoir qui va défendre les intérêts des voyageurs ainsi que des travailleurs et de leurs familles. Je peux vous assurer que je me fiche que ce soit M. Milton ou M. Schwartz d'Onex. Il faut que nous ayons des garanties pour que nos gens soient protégés.

M. Joe Comuzzi: C'est ma dernière question, monsieur le président.

Je ne suis pas encore convaincu que nous allons nous retrouver avec un transporteur dominant. J'ose espérer que nous allons pouvoir rationaliser et que les Lignes aériennes Canadien, ses employés et ses entrepreneurs indépendants joueront tous un rôle important dans l'avenir du transport aérien au Canada. Je demeure persuadé que nous n'avons pas encore exploré cette possibilité.

Il fut un temps où je vendais beaucoup de vos voitures. Vous fabriquiez les voitures à Windsor, et je les vendais à Thunder Bay. C'était un milieu très compétitif. J'ai du mal à comprendre ce qui est arrivé à ces deux entreprises. Nous étions compétitifs, alors comment se fait-il que nous ayons permis l'existence d'une compétitivité d'éviction comme celle-là? Il me semble que nous étions dans une industrie des plus compétitives qui soit, celle de l'automobile. Je n'arrive pas à comprendre comment ces compagnies ont pu permettre que leur situation se détériore à tel point qu'elles se retrouvent aujourd'hui dans une situation aussi difficile.

Monsieur Hargrove, je me demande si vous pourriez nous décrire ce qui, selon vous, permettrait d'amener Canadien à un atterrissage en douceur. Comment pouvons-nous maintenir deux compagnies aériennes compétitives au Canada? Nous savons qu'il y en aura une qui sera plus puissante que l'autre, mais sans renoncer au fruit de tous les efforts qui ont été consacrés au fil des ans aux Lignes aériennes Canadien...

M. Buzz Hargrove: Je dirais plutôt qu'il y en a une qui serait plus acceptable que l'autre.

Il serait possible d'y arriver si nous commencions par dire—comme nous l'avons fait dans le cas d'Air Canada en 1989—que nous allons radier la dette d'un milliard de dollars qui pèse aujourd'hui sur les Lignes aériennes Canadien et que nous allons mettre un terme à la concurrence destructrice par la réglementation. Nous avons fait une proposition en ce sens en 1996, je crois. Si on nous avait écoutés, il aurait été possible de réaliser cet objectif. Or, nous sommes maintenant dans un véritable état de crise. Nous avons raté l'occasion qui se présentait à nous. Il faudrait beaucoup de fonds publics pour garantir que nous puissions obtenir ce résultat. Je ne pense pas que le gouvernement ni les partis d'opposition ne soient prêts à faire ce qu'il faut pour obtenir ce résultat. Il serait possible de l'obtenir, mais il faudrait beaucoup d'argent.

Il faudrait non seulement radier la dette, mais il faudrait se rappeler qu'à cause de cette concurrence destructrice et sans relâche, les Lignes aériennes Canadien n'ont pas pu améliorer leurs appareils ni leurs installations. Elles ont donc du retard. Il faudrait un investissement énorme pour leur permettre de se tailler une place à l'avenir. J'en suis venu à la conclusion que votre vision aurait peut-être pu devenir réalité il y a trois ans, mais pas aujourd'hui.

M. Joe Comuzzi: Canadien est donc une cause perdue.

M. Buzz Hargrove: Canadien n'est pas une cause perdue.

M. Joe Comuzzi: Dites-moi ce que nous pouvons en faire.

M. Buzz Hargrove: Canadien pourrait faire partie d'une société Air Canada restructurée. Cela ne fait aucun doute. Canadien peut encore jouer un rôle très important, parce que la société offre un produit que bien des gens aiment. Elle doit toutefois pouvoir exercer son activité sans devenir une société comme celle qui est proposée ici et pour laquelle Air Canada n'assumerait aucune responsabilité. D'après la structure proposée, Air Canada créerait une nouvelle société, une société à numéro. Je connais le tabac. Je sais à quoi servent ces sociétés à numéro. C'est le premier pas vers le néant.

Si toutefois les honorables membres du comité examinent la situation et se servent du processus de restructuration que le Parlement a mis en place pour veiller, tout d'abord, à ce qu'on s'occupe des travailleurs—ce à quoi M. Collenette s'est engagé—et à ce qu'on s'occupe des consommateurs et du public canadiens, il sera encore possible d'avoir une bonne industrie qui puisse prospérer. La plupart des pays n'ont pas deux grands transporteurs.

M. Joe Comuzzi: Merci.

Le président: Merci beaucoup, chers collègues.

Merci, monsieur Hargrove, monsieur Stanford, madame Nash et monsieur Fane, d'être venus présenter un exposé à notre comité et répondre à nos questions.

M. Buzz Hargrove: Merci, monsieur le président.

Le président: Collègues, nous allons prendre une pause de deux minutes, le temps de changer de groupe de témoins.

• 1651




• 1657

Le président: Nous reprenons nos audiences.

Collègues, le prochain groupe de témoins est composé de représentants du service aérien du SCFP. Nous accueillons Denise Hill, présidente du service; Richard Balnis, recherchiste du SCFP national; et Judy Darcy, présidente nationale.

Mesdames, monsieur Balnis, soyez les bienvenus au Comité permanent du transport. Nous avons prévu que vous pourrez nous faire un exposé de 10 ou 12 minutes, après quoi nous pourrons vous poser des questions.

Mme Judy Darcy (présidente nationale, Syndicat canadien de la fonction publique): Merci beaucoup. Nous sommes venus ici aujourd'hui vous livrer trois messages clés.

Premièrement, nous estimons qu'il faut un leadership clair et décisif de la part du gouvernement fédéral pour assurer la viabilité du secteur du transport aérien.

Notre deuxième message concerne l'offre qu'Air Canada a faite tard hier aux actionnaires des Lignes aériennes Canadien. Nous sommes d'avis que cette offre présente des problèmes très graves ainsi que des lacunes importantes. Il faudra obtenir de vraies réponses à des questions difficiles avant que nous puissions nous prononcer en connaissance de cause sur l'offre d'Air Canada.

Troisièmement, nous tenons à faire remarquer d'entrée de jeu—et cela vaut pour tout notre exposé—que, bien que nous ayons l'intention de nous prononcer fermement en faveur d'un retour à la réglementation, ce n'est pas nous qui faisons l'autruche. Ceux qui prétendent qu'on peut continuer comme on le fait depuis 10 ans dans le contexte de la déréglementation ignorent la réalité avec laquelle le secteur du transport aérien canadien est aux prises aujourd'hui.

Nous sommes le plus important syndicat canadien. Nous représentons 475 000 travailleurs et travailleuses au Canada, dans les secteurs tant public que privé. Fait encore plus important à retenir aujourd'hui, le service aérien du SCFP représente 9 500 agents de bord chez Air Canada, les Lignes aériennes Canadien, Air Nova, Air Ontario, Air Transat, Canadien régional, Calm Air, First Air, InterCanadien et Cathay Pacific. La liste de ceux que nous représentons continue à s'allonger au fur et à mesure que nous syndiquons les agents de bord non encore syndiqués au Canada.

• 1700

Nos membres ont une connaissance intime du secteur du transport aérien et de ses modalités de fonctionnement. Les agents de bord membres du SCFP jouent un rôle clé, comme vous le savez, pour ce qui est d'assurer la sécurité, le confort et le bien-être des 100 000 passagers qui voyagent quotidiennement au Canada et dans le monde. Nous faisons notre analyse dans l'optique de notre expérience et de notre connaissance spécialisée.

Nous représentons également les préoccupations de l'ensemble de nos membres, soit près de 500 000 personnes, qui sont aussi membres du public voyageur et résidents de collectivités qui dépendent du service aérien et qui, comme citoyens, s'inquiètent pour l'avenir de notre industrie aérienne.

Nous avons donné à la greffière des exemplaires de notre mémoire en anglais et en français. Nous y présentons une analyse détaillée du secteur du transport aérien canadien, mais ce n'est pas ce texte-là que je vous présente aujourd'hui, pour ceux d'entre vous qui essaient de s'y retrouver. Nous voulons qu'il reste beaucoup de temps pour les questions, alors je vais simplement résumer certains des points les plus importants. Nous avons nous aussi reçu seulement tard hier la proposition d'Air Canada, comme vous, et nous n'en avons pas encore préparé une analyse par écrit.

Nous sommes persuadés que le gouvernement doit élaborer une politique du transport aérien très ferme, qui établisse clairement les règles régissant l'approbation de toute restructuration future de l'industrie aérienne. Pourquoi sommes-nous de cet avis? C'est que, d'après nous, le transport aérien constitue une industrie beaucoup trop importante pour qu'elle soit laissée aux aléas du marché. Franchement, depuis environ 12 semaines, le gouvernement du Canada, il nous semble, vole sans avoir de politique du transport aérien.

S'il nous faut une politique du transport aérien, c'est surtout pour veiller à ce que les Canadiens aient accès à des services aériens sûrs, efficaces et abordables. Le transport aérien fait aussi partie intégrante de notre développement socio-économique et joue un rôle important pour ce qui est de soutenir le développement régional. Il assure aussi de bons emplois à des Canadiens, ces emplois étant le fondement d'une économie saine et dynamique. C'est là une question qui, d'après nous, concerne non seulement les employés de l'industrie en tant que telle, mais tous les Canadiens et certainement le gouvernement.

L'expérience de la déréglementation ces 10 dernières années montre clairement que nous ne pouvons pas nous en remettre aux dirigeants de l'industrie aérienne pour protéger les intérêts des Canadiens. Nous ne pouvons pas non plus continuer à attendre des solutions dites du secteur privé qui exercent des pressions à la baisse sur le service, la dotation et la sécurité et qui conduisent à la concurrence destructrice qui caractérise l'industrie—concurrence destructrice équivaut au bout du compte à absence de concurrence.

Le moyen le plus rentable de protéger les intérêts des compagnies aériennes, de leurs employés et du public voyageur est de mettre sur pied un cadre réglementaire responsable. Nous disons essentiellement qu'il est temps d'instaurer une réglementation intelligente afin de rétablir l'équilibre entre les objectifs d'intérêt public légitimes et les impératifs du marché. Cet équilibre a été perdu, selon nous, au cours des 10 dernières années.

Je profite de l'occasion pour vous rappeler que nous ne sommes pas les premiers à demander un cadre réglementaire comme celui-là. Je vous invite à revenir six ans en arrière. Votre comité, en juin 1993, invitait le gouvernement fédéral de l'époque, et je cite, à «réglementer mieux et plus intelligemment pour harnacher les mécanismes du marché afin de fournir ce qu'exige l'intérêt public». C'est là une citation qui vient non pas du SCFP ni d'un autre syndicat mais bien de votre comité.

Depuis, certains d'entre vous sont passés d'un côté de la Chambre à l'autre, et la répugnance à parler de réglementation est certainement devenue encore plus marquée. Le fait est toutefois qu'une intervention décisive de la part du gouvernement pour protéger une industrie aérienne canadienne viable n'a jamais semblé aussi nécessaire qu'elle l'est aujourd'hui.

Même de nos jours où on ne jure que par le marché, nous réglementons une multitude de services qui nous sont essentiels, depuis les tarifs du service de téléphone local jusqu'aux tarifs de la câblodistribution. Étant donné son importance fondamentale pour le bien-être socio-économique des Canadiens, le transport aérien mérite sûrement, lui aussi, d'être assujetti à une réglementation gouvernementale efficace.

Sur une note moins philosophique, il faudrait assurément mettre un terme à l'incertitude—et je dirais que c'est même plus que de l'incertitude; c'est presque le chaos—créée par l'absence à toutes fins utiles de politique gouvernementale à cet égard.

• 1705

Permettez-moi de vous parler brièvement maintenant de la dernière offre faite par la direction d'Air Canada en vue de prendre le contrôle de son compétiteur, les Lignes aériennes Canadien, et d'exploiter la société comme une entreprise distincte, «du moins au début», si vous me permettez de citer M. Milton. Comme vous, nous avons eu moins de 24 heures pour étudier la proposition. Franchement, nous avons encore beaucoup de questions auxquelles nous n'avons pas de réponse. Nous avons un document de 47 pages que nous avons vu pour la première fois après qu'il ait été rendu public hier soir. Sur ces 47 pages, il y en a trois qui traitent de la forme que prendra la nouvelle compagnie aérienne et de sa structure, et elles contiennent peu de détails.

En lisant ce document, on se rend compte qu'Air Canada était manifestement plus soucieuse de répondre aux questions des actionnaires de Canadien qu'elle ne l'était de répondre aux questions des employés, du public canadien ou encore de votre comité.

Le président: Un petit rappel, madame Darcy: notre comité n'a pas été chargé d'étudier quelque proposition que ce soit, y compris la récente proposition d'Air Canada.

Mme Judy Darcy: Je le sais bien, mais le comité sénatorial, le comité de la Chambre et le gouvernement lui-même sont certainement très concernés par les propositions qui sont faites. Ayant suivi le débat, nous savons que les diverses propositions ont fait l'objet de discussions exhaustives.

Le président: Dans la mesure où elles entrent dans le cadre du mandat du comité.

Mme Judy Darcy: En effet.

D'après notre analyse initiale, il semble toutefois que l'offre d'Air Canada ne réponde pas aux attentes. Elle ne répond pas aux critères minimums qui, d'après nous, devraient être en place pour protéger les intérêts de nos membres, des autres employés de compagnies aériennes ainsi que du public voyageur. Fait aussi important, elle n'indique pas comment les promesses qui y sont contenues seront réalisées.

D'abord, l'offre d'Air Canada ne prévoit pas de garanties suffisantes relatives à la sécurité d'emploi ni pour ses employés, ni pour les employés de Canadien, ni pour les employés d'autres lignes aériennes régionales. Si vous me le permettez, je reprendrai ici une déclaration qui a été faite à l'égard de l'offre d'Onex: «garantir qu'il n'y aura pas de pertes d'emplois pendant deux ans équivaut à garantir qu'il y aura des pertes d'emplois dans deux ans». C'est certainement là une opinion que beaucoup de nos membres ont déjà exprimée, et ils sont toujours de cet avis, j'en suis sûre. Pour nos membres des Lignes aériennes Canadien en particulier, l'offre d'Air Canada suscite des inquiétudes importantes au sujet de leurs perspectives d'emploi.

En outre, nous voudrions aborder certaines autres questions qui concernent tous les employés et les Canadiens en général. La protection et l'équité salariales n'ont pas été garanties et on ne nous a pas donné l'assurance que les excédents du régime de pensions seraient protégés ou qu'ils seraient utilisés au bénéfice des employés des compagnies aériennes.

Dans cette offre, il faudrait selon nous que le rôle et la structure des transporteurs régionaux soient précisés—notamment les transporteurs qui desservent le Nord. Les transporteurs régionaux continueront-ils d'être des lignes d'apport comme c'est le cas actuellement? Les transporteurs régionaux ont déclaré à plusieurs reprises que ce rôle est essentiel à leur survie et pourtant on a laissé entendre qu'ils pourraient être laissés à eux-mêmes et devenir des concurrents dans cette nouvelle situation de monopole. Ces interrogations demeurent.

Dans cette offre, rien ne garantit que les emplois canadiens ne seront pas exportés, ce qui préoccupe certainement un grand nombre d'employés.

Les promesses à propos du «maintien du service»—il s'agit encore de l'offre de M. Milton—pour les petites localités sont pour le moins ambiguës. Assurément, il est louable de se débarrasser du double emploi et de la surcapacité mais on ne peut pas en dire autant d'une réduction du service dans certaines localités. En vérité, la consultation de ce document ne nous permet pas de savoir ce qu'Air Canada a en tête à propos du service aux petites localités et à toutes les régions du pays.

Nous contestons également la viabilité de la proposition. En effet, la compagnie Air Canada promet de se faire concurrence à elle-même. Elle se servira des deux transporteurs principaux pour offrir la gamme complète des services à l'échelle nationale et internationale. Elle se servira de deux autres transporteurs ou plus pour les vols régionaux et, par l'intermédiaire d'un cinquième transporteur, elle offrira des vols à bon marché, au rabais. Nous ne pouvons que nous demander si cette prétendue concurrence ne vise pas en fait à évincer toute concurrence. Nous craignons également que le transporteur à bon marché devienne tôt ou tard l'instrument d'une diminution de salaires et de normes sans pour autant offrir au public voyageur une réduction appréciable des tarifs.

Air Canada peut prétendre qu'il ne lui incombe pas de répondre à certaines de ces questions, et c'est peut-être vrai, mais encore une fois nous sommes tiraillés entre le bien public d'une part et le souci de maximiser les bénéfices d'autre part, le rôle du marché d'une part et le rôle de l'organisme de réglementation d'autre part.

Très franchement, nous nous trouvons dans une situation pire que celle que nous avons connue il y a trois mois. Le gouvernement n'ayant pas annoncé d'orientation claire, aucune mesure de modification du cadre réglementaire n'a été prise, ce qui a eu pour conséquence, comme nous le savons, l'échec de l'offre de prise de contrôle qui a été déclaré illégale. Et voilà qu'Air Canada fait une proposition qui pourrait très bien échouer pour la bonne raison qu'il s'agirait d'une compagnie aérienne qui à toutes fins pratiques gère cinq compagnies, ce qui revient ni plus ni moins à un monopole.

• 1710

Le ministre des Transports ne cesse de faire des affirmations vagues et contradictoires, et nous ne pouvons pas en tirer d'orientation claire. Il y a quelques semaines, nous avons vu le ministre lors d'une rencontre qui réunissait des représentants de toutes nos composantes dans l'industrie aérienne. Nous comptons le rencontrer de nouveau sous peu. Mais manifestement, si le ministre continue de se dérober à ses responsabilités, cette crise ne sera pas résolue.

Nous savons que certains affirment que le marché permettra de répondre au mieux à ces questions. Nous savons aussi que certains prétendent que nous faisons l'autruche, que nous ne nous rendons pas compte que le monde a évolué et que l'ère de la réglementation est révolue.

Je vous dirai cependant que ce sont ceux qui veulent laisser jouer les forces du marché qui font l'autruche. En réalité, la population canadienne, les employés des compagnies aériennes en particulier, souffrent depuis 10 ans de turbulence causée par la déréglementation. Qui plus est, le service offert dans certaines régions s'est détérioré et dans un grand nombre d'autres localités, voyager est beaucoup moins pratique que ce ne l'était. La merveilleuse promesse voulant que la déréglementation fasse baisser les prix n'a pas été remplie. Au contraire, les tarifs aériens ont grimpé en flèche et ils ont augmenté à un rythme bien plus rapide que le taux d'inflation.

Depuis 10 ans, les employés des compagnies aériennes et le public voyageur subissent crise après crise, mais ce qui a été un chemin cahoteux pendant 10 ans est devenu au cours des trois derniers mois une urgence à grande échelle. Le personnel de bord et leurs familles, de même que les autres employés, ont connu douze ans d'enfer depuis la fin du mois d'août. Un nombre incalculable d'autres employés des compagnies aériennes et de membres du grand public se sont sentis utilisés et lésés pendant que les cadres ne s'intéressaient qu'à maximiser les bénéfices pour répondre aux exigences des actionnaires alors que les besoins de la collectivité et des employés passaient au second plan.

L'inaction de ce gouvernement nous mène à la catastrophe dans l'industrie aérienne canadienne. C'est le ministre qui a le pouvoir. C'est le ministre qui a la responsabilité d'agir. Nous exhortons le ministre et le gouvernement du Canada à protéger notre intérêt collectif en tant que Canadiens, à prendre les mesures nécessaires immédiatement pour protéger l'intérêt public.

Nous pensons qu'il est temps que le gouvernement cesse d'éluder ses responsabilités et qu'il élabore une politique aérienne musclée. Pour nous, cela signifie une concurrence gérée et non destructrice. Cela signifie protéger les employés des compagnies aériennes et maintenir les services aux collectivités. Cela signifie réglementer le secteur dans l'intérêt des Canadiens. Il n'y a plus d'excuse car le temps manque. Il faut agir maintenant.

Le président: Puisque votre exposé est terminé, nous allons passer aux questions.

Monsieur Fontana, s'il vous plaît.

M. Joe Fontana: Merci, monsieur le président.

Merci de votre exposé. Pour ce qui est de ce qui s'est passé pendant 10 ans dans l'industrie aérienne au Canada, j'accepte l'essentiel des raisons de votre inquiétude. En fait, ce qui se passe dans l'industrie aérienne ailleurs dans le monde est semblable.

Toutefois, les solutions que vous proposez me font tiquer un peu même si je reconnais que vous avez tenté d'aborder certains des problèmes que le gouvernement et manifestement le comité ont le devoir de résoudre dans l'intérêt public. Quelle que soit la proposition énoncée, il faut évidemment qu'elle soit évaluée au regard de l'intérêt public. Nous espérons y réussir—de sorte que certains des principes que vous avez énoncés sont utiles.

Parlons un instant de la proposition de rétablir la réglementation. Une telle proposition—et n'ayant pas connu cela auparavant—exigerait sans doute des mesures très draconiennes ou l'imposition de certains règlements à certains transporteurs touchant notamment la surcapacité... je pense que vous en avez parlé. Auparavant, nous étions en présence de deux sociétés axées sur les bénéfices et déterminées à s'anéantir mutuellement pour ainsi dire. À la vérité, elles y ont réussi. L'une d'elles est en train de périr plus vite que l'autre. Il n'est pas certain que la solution qu'elle propose ou que l'une d'elles propose permette de résoudre notre problème.

Qu'entendez-vous vraiment par un retour à la réglementation? Souhaitez-vous que nous contrôlions les prix? La capacité? Les horaires? Voulez-vous que nous exercions un contrôle sur tous ces éléments? Dans ces conditions, on laisse au gouvernement le soin de déterminer le niveau de service dont jouiront les Canadiens, les tarifs qu'ils paieront. Qu'est-ce qui vous porte à croire qu'une compagnie privée souhaitera jouer dans ce scénario? Il faut bien que quelqu'un paie et vous proposez que ce soit peut-être les gouvernements, soit en payant les lignes aériennes pour qu'elles desservent certaines localités...

• 1715

Je voudrais savoir ce que vous entendez par un retour à la réglementation. Voulez-vous que nous revenions à la situation du passé quand la réglementation faisait des ravages et n'améliorait en rien les choses pour les Canadiens?

Mme Judy Darcy: Je vais commencer et mes collègues poursuivront.

Nous ne proposons pas que l'on revienne à la situation d'il y a 10, 20 ou même cinq ans. Nous proposons que l'on évalue quel genre de réglementation judicieuse adaptée au marché serait utile dans la situation actuelle. Cela exige de se pencher sur un certain nombre d'aspects de l'industrie aérienne, en l'occurrence, la capacité. Cela exige de garantir certaines règles concernant les tarifs. Nous procédons ainsi dans d'autres secteurs et j'en ai cité quelques-uns tout à l'heure. Cela signifie aussi que nous ne laissions pas les normes de sécurité se détériorer dans l'industrie aérienne. En plus, nous devons garantir que dans l'ensemble le service aux petites localités et aux collectivités du Nord est maintenu.

Les espoirs suscités par la déréglementation ne se sont pas matérialisés. Nous avons traversé des crises très graves. Je ne sais pas si Denise Hill ou Richard Balnis ont quelque chose à ajouter. Nous avons présenté une position élaborée sur la question et depuis la dernière grande crise, nous tentons d'obtenir l'oreille du gouvernement. Nous avons traversé la crise qu'a connue Canadien, rencontré le ministre des Transports au milieu de la nuit...

M. Joe Fontana: Mais madame Darcy, voilà pourquoi je veux des précisions, car même au sein du comité, il n'y a pas unanimité quant à la définition de «retour à la réglementation».

Manifestement, un nouveau cadre réglementaire s'impose surtout si nous avons désormais affaire à un transporteur dominant qui contrôle 90 p. 100 de l'activité au pays. En présence d'une telle situation sur un marché, qui d'autre que le gouvernement protégera l'intérêt public?

Vous avez donc tout à fait raison de réclamer une forme de cadre réglementaire et c'est pourquoi je voulais que vous me disiez en quoi il serait différent de l'ancien qui s'est révélé destructeur parce qu'il encourageait le secteur privé à offrir des solutions, parce qu'il entravait la concurrence, etc.

En fait, c'est ce que le pays en obtenu en 1988. N'oubliez pas qu'il y a maintenant des indépendants. Il y a eu l'arrivée des transporteurs régionaux du fait d'Air Canada. En effet, la déréglementation a permis l'arrivée de Air BC, Air Ontario, Canada 3000, Air Transat, Royal et d'autres. Sans la déréglementation, le secteur privé n'aurait pas connu un tel essor permettant de combler les vides.

Effectivement, il y a des problèmes actuellement et vous avez raison de dire ce que vous dites à propos des créneaux, des tarifs et des horaires. Sans aller jusqu'à préconiser une intervention massive du gouvernement, je reconnais qu'il est nécessaire de faire des mises au point sur le marché de sorte qu'un transporteur aérien dominant, si c'est ce qui nous attend, soit jusqu'à un certain point placé sous contrôle. Est-ce à cela que vous songez?

M. Richard Balnis (agent de recherche principal, Syndicat canadien de la fonction publique): Au milieu du document que nous vous avons remis, juste avant le partage entre les versions anglaise et française, vous trouverez un document préparé par le Congrès du travail du Canada et intitulé La tête dans le sable. Les recommandations, qui figurent aux pages 6 et 7, répondent directement à votre question.

Ce document date de novembre 1997 et il attire l'attention sur une petite possibilité qui permettrait au gouvernement de stabiliser le secteur. Voilà que deux ans plus tard nous ne sommes pas plus avancés. Le document aborde la question des contrôles pour les nouveaux arrivants, celle des lignes directrices pour les tarifs et celle des garanties financières. Il décrit ce que l'Office national des transports du Canada devrait adopter comme nouvelle politique et les six mesures que l'Office devrait prendre.

Le témoin précédent, Jim Stanford des TCA, a également cité certaines des options évoquées par le groupe de travail du ministre. Nous avons fait allusion à ces options. Le groupe de travail réunissait le personnel du ministre, les représentants des transporteurs aériens et des aéroports et après des discussions qui ont duré un an, nous avons été renvoyés dans nos quartiers sous prétexte qu'il n'y avait pas de problème.

Après une année d'étude, nous avons proposé ce document intitulé La tête dans le sable pour signaler que le comité ne s'était pas soucié de la crise et voilà que malheureusement nous devons revenir pour vous rappeler les recommandations que nous faisons dans ce document. Vous pouvez en prendre connaissance n'importe quand.

M. Joe Fontana: C'est d'ordinaire les employés qui font le succès d'une entreprise et il faut bien dire que les employeurs avertis en sont plus conscients que les autres. Vous représentez un syndicat et manifestement une partie intéressée au plus haut point à la question et c'est pour cela que je vous demande si dans vos négociations avec Air Canada et Canadien—car vous avez négocié avec les deux sociétés—vous avez signalé que leur comportement destructeur les menait à la catastrophe, à la perte de l'une ou de l'autre?

• 1720

Mme Judy Darcy: À plusieurs reprises.

M. Joe Fontana: Je sais que vous ne siégez pas au conseil d'administration, mais vous rencontrez la haute direction et les membres du conseil d'administration de ces deux sociétés. Leur avez-vous signalé que leurs décisions étaient la cause de certains de ces problèmes?

Mme Judy Darcy: Pour ma part, je ne me suis pas entretenue avec Robert Milton mais, comme d'autres dirigeants syndicaux et nos membres des compagnies aériennes, je vous dirai que j'ai personnellement vécu la grande crise de Canadien il y a trois ans. J'ai alors rencontré Kevin Benson à plusieurs reprises et l'ai exhorté à se joindre à nous pour convaincre le gouvernement fédéral de revoir la question de déréglementation.

À l'issue de cette crise de Canadien, on a convenu qu'un comité serait formé pour examiner ce qui se produisait dans l'industrie. À la vérité, une foule d'intervenants divers en faisaient partie si bien que la voix des syndicats a été submergée et s'est retrouvée minoritaire.

Je me souviens toutefois en avoir appelé à Kevin Benson personnellement, lui rappelant que si les employés acceptaient de faire des concessions supplémentaires et si le gouvernement offrait une aide financière, nous pourrions nous tirer de cette crise-là, mais je l'ai mis en garde qu'il y en aurait d'autres. Nous leur demandions de faire front commun avec nous mais malheureusement ils ont choisi, quand ils ont comparu devant ces comités, de faire valoir des positions différentes des nôtres et voilà le résultat.

Le président: Merci, monsieur Fontana.

Monsieur Johnston, s'il vous plaît.

M. Dale Johnston: Merci, monsieur le président.

Merci de votre exposé. Je voudrais poursuivre les questions de M. Fontana concernant la réglementation. D'après certaines de vos recommandations et certains arguments de votre exposé, je suis porté à croire que vous voudriez que les compagnies aériennes soient gérées un peu comme les sociétés de services publics. Est-ce que je me trompe?

Mme Judy Darcy: Certaines personnes m'ont donné cette description. Je ne nierai certainement pas que cette industrie est absolument vitale pour le bien-être socio-économique des Canadiens, pour le développement régional également et pour ces raisons, une réglementation dans l'intérêt public s'impose. Il y a certainement une question de bien public en jeu, c'est indéniable. Si nous intervenons pour divers aspects des télécommunications, pourquoi ne pas en faire autant dans le cas de l'industrie aérienne?

M. Dale Johnston: Ainsi, vous préconisez que l'on contrôle ou que l'on réglemente les tarifs, par exemple, pour qu'ils ne soient pas trop élevés ou ne fassent pas l'objet de prix d'éviction?

Mme Judy Darcy: Oui.

M. Dale Johnston: Vous préconisez également que l'on réglemente la capacité et la concurrence? Autrement dit, vous voudriez éliminer les départs quasi simultanés, les portes contiguës, les horaires qui se chevauchent, n'est-ce pas?

Mme Judy Darcy: On s'accorde à dire ces jours-ci qu'il a été incroyablement destructeur de permettre que des avions décollent à moitié pleins, exactement du même endroit, pour arriver à la même heure, alors que le tarif était exactement le même.

M. Dale Johnston: J'essaie de vous fournir ici l'occasion de nous donner avec précision votre point de vue sur la réglementation, celle des prix, de la capacité, de la concurrence, des liaisons, etc.

Mme Denise Hill (présidente, Division des lignes aériennes, Syndicat canadien de la fonction publique): Ici en comité, dans le grand public, au cours de ce débat quant à la configuration future de l'industrie et à un éventuel monopole, on s'est inquiété d'une flambée potentielle des prix car si Air Canada contrôle le secteur, elle sera libre d'imposer les tarifs. Les compagnies aériennes ne vont pas s'autoréglementer de sorte que la responsabilité incombe au gouvernement.

Nous ne cessons de répéter qu'il faut réglementer le plafond mais également le plancher. Nous ne devons pas tolérer une situation où l'on vend des billets à un prix inférieur à ce qu'il en coûte pour faire voler un avion tout en s'attendant à ce que les normes de sécurité soient respectées et que la situation financière de l'industrie soit saine et viable à long terme. Pour ma part je préférerais négocier avec la direction d'une compagnie prospère qu'avec celle d'une compagnie qui perd constamment de l'argent.

En ce qui concerne la capacité, nous ne cessons de répéter qu'il faut surveiller les nouveaux arrivants. On ne peut tout simplement pas dire que la porte sera grande ouverte et que n'importe qui pourra entrer car, je le répète, le résultat est un trop grand nombre de sièges sur le marché. Non seulement le nouvel arrivant en souffre, mais les autres transporteurs aussi. C'est alors que se fait sentir une incidence sur les tarifs, à la baisse en l'occurrence, car dès lors tout le monde rajuste ses prix.

• 1725

Il faut donc être très prudent quant à la façon dont les nouveaux arrivent sur le marché. Nous pensons que le gouvernement doit imposer des critères pour déterminer si la population peut soutenir financièrement un nouvel arrivant, si celui-ci peut rester en affaires de sorte que le public ne se retrouve pas sur le carreau, ayant fait des réservations que des compagnies comme Greyhound, VistaJet et Intair ne peuvent pas honorer parce qu'elles ferment leurs portes.

M. Dale Johnston: D'accord. Autrement dit, si nous aboutissons à une situation où il y aura un transporteur aérien dominant au Canada, c'est là votre solution ou ce que vous souhaiteriez, n'est-ce pas? Comment cette réglementation toucherait-elle les transporteurs nolisés comme Canada 3000, par exemple, qui n'exploite pas de liaisons régulières?

Mme Denise Hill: Beaucoup de ces transporteurs commencent à assurer des liaisons régulières car le marché leur donne désormais cette latitude. Encore une fois, nous devons faire preuve de prudence et ne pas permettre que ces transporteurs nolisés desservent des villes dont le nombre d'habitants ne justifie pas une augmentation des sièges. Il faut regarder le tableau d'ensemble et non pas seulement une partie de l'industrie.

M. Dale Johnston: Autrement dit, la réglementation toucherait les transporteurs nolisés qui devraient s'adresser à une autorité centrale pour obtenir la permission d'assurer de nouvelles liaisons ou n'importe quelle liaison, n'est-ce pas?

Mme Denise Hill: Évidemment, tout dépendra de la décision du gouvernement mais comme je l'ai dit, on ne pourrait pas permettre aux transporteurs nolisés d'aller n'importe où désormais tout en interdisant au transporteur principal de le faire. Je pense qu'il faut se demander quelle configuration l'on veut donner à l'industrie et garantir qu'on ne va pas permettre que la capacité augmente.

M. Dale Johnston: J'aimerais savoir comment votre recommandation toucherait les transporteurs nolisés.

Mme Denise Hill: À mon avis, ils seraient touchés.

M. Dale Johnston: Autrement dit, ils devraient faire une demande d'autorisation pour une nouvelle liaison, n'est-ce pas?

Mme Denise Hill: Oui. Autrement, il y aura deux poids deux mesures dans l'industrie.

M. Dale Johnston: Mais qu'est-ce que tout cela signifiera pour la concurrence? Si une compagnie veut concurrencer une autre compagnie sur certaines liaisons, il faudra qu'un organisme central tranche et déclare si oui ou non on peut tolérer une concurrence sur telle ou telle liaison. Comment les choses se présenteraient-elles?

Mme Denise Hill: Un organisme du gouvernement, et cela pourrait bien être le Bureau de la concurrence, examinerait la situation et déciderait comment il entend surveiller l'industrie et s'il souhaite imposer un tel degré de surveillance.

M. Dale Johnston: Mais c'est ce que vous recommandez, n'est-pas?

Mme Denise Hill: C'est ce que nous envisagerions d'examiner.

M. Dale Johnston: Merci.

Le président: Merci, monsieur Johnston.

Monsieur Calder, s'il vous plaît.

M. Murray Calder: Merci, monsieur le président.

Madame Darcy, qu'envisagez-vous? Deux compagnies aériennes? Une seule? Que prévoyez-vous?

Mme Judy Darcy: En vérité, le syndicat n'a pas pris position là-dessus. Nous n'avons pris position sur aucune des propositions faites par les compagnies et nous n'avons pas l'intention de le faire. Nous représentons les employés des deux principales compagnies aériennes de même que ceux des transporteurs régionaux et notre souci est de faire en sorte que l'industrie aérienne au Canada soit viable et que le gouvernement veille à instaurer les règles qui en garantiront la viabilité. Notre tâche est de protéger nos membres et de préserver dans cette industrie, au Canada, un maximum d'emplois susceptibles de représenter un gagne-pain raisonnable pour ceux qui les occupent.

Nous n'avons donc pas tenté de dire que nous appuyions cette fusion ni que nous ne l'appuyions pas ni que c'était la solution ultime. Depuis toujours, en tant que syndicat, nous sommes en faveur de l'existence de deux sociétés aériennes, ce qui était également la politique du gouvernement, mais dans le climat de déréglementation des dix dernières années, prétendre que nous avions vraiment une politique favorisant l'existence de deux sociétés aériennes... En fait nous avions une politique qui ne pouvait pas du tout les soutenir, car nous n'avions pas de règles qui auraient rendu la chose possible.

M. Murray Calder: Bien franchement—et je ne veux pas paraître condescendant—mais voilà des propos vagues où l'on démontre l'évidence, mais nous savons que notre secteur aérien est en pleine évolution. Tout a commencé par la déréglementation et voilà où nous en sommes. La question est de savoir si le Canada peut faire vivre deux transporteurs nationaux et internationaux, ou s'il ne devrait y en avoir qu'un seul?

Les témoins précédents ont déjà dit qu'il n'y aura probablement qu'un transporteur national avec des transporteurs d'apport et qu'on y prévoira une structure en vue d'un élargissement ultérieur. Si c'est l'option que nous retenons, nous devrons examiner la question de l'ancienneté, par exemple. Il y a maintenant deux transporteurs qui ont des conventions collectives distinctes et il faudra les examiner. Il y a là une myriade de problèmes qui se posent.

• 1730

La question déterminante dont je parle depuis le début, c'est vrai, ce sont les employés, mais aller dire que vous n'avez pas de position, que vous n'avez aucune idée, alors que vous êtes aussi près de ce secteur qu'on puisse l'être...

Mme Judy Darcy: Si vous me demandez si je crois que nous allons finir par n'avoir qu'un transporteur et une fusion, il semble certainement que ce soit ce vers quoi nous nous dirigeons. Ce que je vous dis, c'est que nous représentons les employés des deux sociétés aériennes. On ne vous cachera pas que chaque syndicat a débattu de cette question avec ses propres membres dans les 12 dernières semaines, et je ne vais pas venir ici vous présenter une position qui n'est pas la position commune de nos membres. Je suis bien franche avec vous; nous n'avons pas tranché la question de savoir si oui ou non il devrait y avoir fusion ni quelle proposition d'affaires nous allons appuyer pour réaliser cette fusion.

M. Murray Calder: Très bien, bien répondu.

Deux ou trois témoins nous ont signalé la possibilité que surgissent certains problèmes. Deux sociétés aériennes très compétitives se sont livré mutuellement concurrence, et voilà que soudainement on fait face à une situation où on pourrait les fusionner. D'après votre expérience et tout ce que vous savez, pensez-vous que cet exercice se déroulera bien?

Mme Denise Hill: Je ne le pense pas. Nous avons connu cinq fusions chez Canadien. Cette société a été constituée à partir d'EPA, de PWA et de Wardair, et chaque fusion a été plus difficile que la précédente. Il n'est jamais facile d'imposer une optique commune, surtout quand il est question d'ancienneté.

Il faudra beaucoup de temps. D'abord, il y a beaucoup de choses dont on doit se remettre. On a vécu l'enfer ces 12 dernières semaines. Les injures ont fusé; on en est même venu aux poings. C'était incroyable.

Alors est-ce que la tâche sera facile? Pas du tout, mais je crois que, et c'est certainement le cas en ce qui concerne les agents de bord, que notre grand rôle à bord des aéronefs est d'assurer la sécurité. Nos membres sont des professionnels de la sécurité, et s'il arrive qu'ils soient contraints de travailler ensemble, ils se montreront à la hauteur et rempliront leurs fonctions comme ils l'ont toujours fait.

Mme Judy Darcy: À ce propos, nous avons rencontré le ministre il y a quelques semaines. Nous l'avons prié de faire en sorte que le gouvernement clarifie la situation aussi rapidement que possible, car plus la crise perdurera, plus il sera difficile de revenir à la normale. Le moral est toujours en chute libre, et l'hostilité grandit. Nous avons connu bien des crises auparavant et bien des fusions, comme l'a dit Denise, mais cette fois c'est pire que jamais.

Il est notoire également que des employés de l'une ou l'autre société aérienne appuient différentes solutions d'affaires et que par conséquent, ils s'opposent les uns aux autres. Alors, plus vite on saura ce vers quoi on se dirige, quels sont les conditions et critères du gouvernement pour approuver une proposition de restructuration, plus vite nous pourrons tâcher de rallier les employés.

Le président: Merci, monsieur Calder.

Monsieur Guimond.

[Français]

M. Michel Guimond: Je trouve votre présentation rafraîchissante à bien des points de vue, mais particulièrement à l'égard d'un aspect dont personne ne nous a parlé depuis le début de ces audiences que nous avons commencées au retour du Parlement, à la mi-octobre. C'est tout l'aspect de la santé et de la sécurité. Lors de son témoignage devant nous, le ministre y a fait allusion dans sa politique-cadre. Personnellement, je trouve cela intéressant, mais j'aurais besoin de renseignements additionnels que vous pourriez peut-être nous faire parvenir par l'entremise de notre greffière. Entre autres, je lis à la page 15 de la version française de l'énoncé de la politique-cadre du ministre qu'il n'y aura aucun compromis en matière de sécurité.

Dire qu'il n'y aura aucun compromis en matière de sécurité, c'est aussi engageant que de dire qu'il y aura un hiver cette année et qu'il va probablement tomber de la neige. C'est aussi compromettant que cela. Quand on dit qu'il n'y aura aucun compromis, c'est toujours une phrase vide et creuse. Tout le monde est pour la vertu et on veut tous être canonisés après notre passage sur terre.

• 1735

Vous parlez d'engagements précis qu'une politique-cadre devrait contenir en matière de santé et de sécurité. J'aimerais que votre service de recherche nous fasse parvenir des détails sur la façon dont cela pourrait s'articuler. Par exemple, quelle loi devrait-on modifier? Je ne veux pas annoncer aujourd'hui que mon parti déposera un rapport minoritaire, mais je vais tenter de convaincre mes amis d'en face de traiter de cet aspect dans le rapport de notre comité.

Entre autres, dans les dix préoccupations les plus importantes, vous ne soulignez pas un phénomène totalement nouveau, celui de l'air rage, de la folie subite à la suite d'une intoxication volontaire ou involontaire par drogue ou par boisson, alors que vos membres sont littéralement agressés physiquement.

Je suis sûr que le gouvernement va nous répondre que les dispositions en matière de santé et de sécurité contenues dans le Code canadien du travail protègent adéquatement les travailleurs et les travailleuses. Je suis sûr qu'on va avoir une réponse de ce genre. Serez-vous en mesure de nous soumettre des idées?

[Traduction]

Mme Denise Hill: Nous le voudrions bien. Richard Balnis et moi avons travaillé auprès du Conseil consultatif sur la réglementation aérienne canadienne pendant les quatre dernières années, et nous avons veillé à la sécurité et à la santé de nos membres. Nous croyons que cela a eu une incidence sur les voyageurs.

Nous avons eu la frousse il y a trois ou quatre ans, je crois—et M. Keyes s'en souviendra sans doute, étant donné que nous lui avions fait part de nos inquiétudes à ce sujet—on avait alors réduit le nombre d'agents de bord en service dans notre aéronef. Jusqu'alors deux travaillaient à bord d'un Dash-8 300 et d'un ATR-42, et un RJ était censé avoir été construit, il nous semble, où devaient travailler deux agents de bord.

Pour que les transporteurs fassent plus d'argent, ils ont fait du lobbying pour qu'il n'y ait qu'un seul agent de bord. Ils sont parvenus à leurs fins. Heureusement, ils ne sont pas arrivés à changer la règle à bord du gros aéronef.

On nous a également présenté des propositions visant à réduire le volume d'oxygène à bord de l'aéronef.

Tout cela ne vise qu'à économiser de l'argent.

Nous nous ferons vraiment un plaisir de vous fournir ces renseignements. Nous sommes aussi vraiment heureux que vous parliez de santé et de sécurité à bord des avions.

[Français]

M. Michel Guimond: Avez-vous rencontré M. Schwartz avant le dépôt de sa proposition? Dans l'affirmative, vous a-t-il demandé, comme il l'a demandé aux Travailleurs unis de l'automobile, de prendre position? Vous dites que vous ne voulez pas prendre position, ce que, personnellement, je trouve très sage et très réaliste. Je ne veux pas parler en mal du témoin qui vous a précédé, mais peut-être aurait-il eu avantage à... Bref, j'ai promis de rester calme à cet égard.

Donc, est-ce que vous avez rencontré M. Schwartz et est-ce qu'il vous a demandé de prendre position?

[Traduction]

Mme Denise Hill: Nos dirigeants ont rencontré M. Schwartz le lundi avant qu'il retire son offre le vendredi. Il a effectivement demandé à nos responsables chez Canadien et Canadien Régional de lui accorder leur appui. Ils étaient, je crois, en pourparlers avec M. Schwartz pour signer une lettre semblable à celle que les Travailleurs canadiens de l'automobile avaient signée. Malheureusement—ou heureusement, selon le point de vue où on se place maintenant—rien n'a abouti puisqu'il a retiré son offre.

Toutefois, oui, nous lui avons effectivement demandé, et il n'a demandé l'appui que de nos représentants chez Canadien. Il reconnaissait que cela aurait été très difficile pour la division nationale, et il savait qu'à Air Canada on n'allait pas appuyer son offre.

Le président: Merci, monsieur Guimond.

Monsieur Dromisky, s'il vous plaît.

M. Stan Dromisky (Thunder Bay—Atikokan, Lib.): Monsieur le président, j'aimerais traiter à nouveau d'une question dont a parlé mon collègue d'en face.

Madame Darcy, il serait bon maintenant que nous parlions de choses un peu plus personnelles.

Le président: Allez-y doucement, Stan.

M. Stan Dromisky: Pourriez-vous nous parler un peu plus de vos antécédents? Avez-vous déjà été agent de bord?

Mme Judy Darcy: Non, je ne l'ai pas été.

Denise Hill est un agent de bord. Elle est présidente de notre division aérienne.

M. Stan Dromisky: Je vous le demande, parce qu'il y a de nombreuses déclarations dans cette publication qui ont trait à la sécurité, aux craintes, notamment les dix points tirés du rapport que vous avez remis au comité spécial ainsi qu'au Comité sénatorial des transports et de la sécurité dans les systèmes de transport.

• 1740

Pouvez-vous me donner une idée de ce que fait un agent de bord—vous savez, une hôtesse...

Une voix: Un agent de bord.

M. Stan Dromisky: ...oui, un agent de bord—quand elle constate que quelque chose ne va pas ou qu'il y a lieu de s'occuper de quelque chose?

Je pose la question parce que dans toute hiérarchie administrative, si quelqu'un au bas de l'échelle veut passer un message à quelqu'un qui est en haut, avant que ce message lui parvienne, il est souvent très déformé.

J'aimerais donc savoir ce qu'il en est du processus. À qui les agents de bord font-ils rapport en ce qui a trait aux questions de sécurité?

Il y a ici des choses qui sont vraiment inquiétantes, très dérangeantes, et je suis très préoccupé par la sécurité. Il ne se passe pas une satanée semaine sans que je prenne l'avion, quatre avions différents.

J'aimerais donc en savoir plus, comme d'ailleurs des millions d'autres voyageurs. Expliquez-moi.

Mme Judy Darcy: Je vais demander à Denise d'expliquer comment un agent de bord fait son travail, mais les questions que nous soulevons ici sont celles que notre division aérienne et notre syndicat national ont soulevées à maintes reprises et au sujet desquelles ils ont d'ailleurs fait des pressions auprès du gouvernement. Ces préoccupations ne concernent pas un aéronef donné ou un autre. Ce sont des préoccupations qui existent dans tous les aéronefs à bord desquels nos membres travaillent, et elles devraient intéresser aussi le public voyageur.

Nous avons donc exposé la question du processus individuel et du processus politique par l'intermédiaire de divers comités ainsi qu'auprès des membres du gouvernement.

Denise.

Le président: Madame Hill, s'il vous plaît.

Mme Denise Hill: Tout d'abord cela dépend vraiment de la nature du problème, mais si à l'embarquement un agent de bord constate qu'une pièce de l'équipement de sécurité est défectueuse, l'avion ne décolle pas. Nous en faisons part au capitaine, qui communique alors avec le centre de contrôle des stocks, et on nous envoie un préposé à la maintenance qui soit remplace cette pièce d'équipement, soit la répare.

S'il ne s'agit pas d'une pièce de l'équipement de sécurité mais de quelque chose qui doit être réparé à bord de l'aéronef, nous rédigeons un compte rendu en vol qu'on transmet aux autorités responsables. Selon la nature du problème, le message est transmis à ceux qui ont pour tâche de le régler. Qu'il s'agisse d'un problème de maintenance, d'un problème de formation à bord, soit que les agents de bord n'aient pas reçu de formation pour traiter de cette question, soit que le pilote n'ait pas reçu de formation pour traiter non plus de cette question, des tas de choses peuvent se produire, cela dépend de la nature du problème.

M. Stan Dromisky: Ce dont il est question ici, c'est de la perception qu'a un être humain d'un compte rendu qui provient d'un autre être humain. Ce pourrait être un homme qui reçoit un compte rendu d'une femme.

Mme Judy Darcy: Oui, généralement.

M. Stan Dromisky: Généralement. Et c'est, «Hé, madame, vous êtes hystérique», ou quelque chose de ce genre. Vous voyez ce que je veux dire? Cette attitude pourrait exister.

Je ne dis pas que les capitaines à bord de nos aéronefs sont des gens irresponsables. Tout ce que je dis, c'est qu'il y a là beaucoup de facteurs qui peuvent intervenir.

Est-ce qu'il n'y a pas un moyen pour vous de faire parvenir cette information, non pas par la voie hiérarchique jusqu'aux autorités supérieures, de bas en haut, mais par l'intermédiaire d'un organe indépendant pour que des mesures soient prises?

Mme Denise Hill: Oh, oui, parfaitement. Nous pouvons le faire.

M. Stan Dromisky: Pas le gouvernement, mais une autre agence quelconque.

Mme Denise Hill: Nous le faisons. Nous pouvons nous adresser directement aux employeurs. Ils ont tous des responsables pour la santé et la sécurité, les vols, la maintenance. C'est pourquoi je dis que c'est vraiment en fonction de la nature du problème que nous nous adressons à un service plutôt qu'à un autre.

Il y a donc un processus, mais de là à savoir si le problème est réglé, c'est une autre affaire. Il faut souvent bien des années avant qu'un problème soit vraiment réglé au sein de l'industrie aérienne. Toutefois, oui, il existe un processus, et généralement c'est un être humain qui s'adresse à un autre être humain, et généralement cela ne se fait pas de façon hystérique.

M. Richard Balnis: J'aimerais vous soumettre un exemple bien précis.

M. Stan Dromisky: Oui, s'il vous plaît.

Le président: Pourvu que ce ne soit pas trop long, monsieur Balnis.

M. Richard Balnis: Je serai bref.

Un agent de bord avait constaté qu'étant donné le nombre de passagers embarqués il n'y avait pas suffisamment d'agents de bord en service. On a rapporté le fait au pilote. Le pilote a dit, non, selon mon manuel, ça va. L'agent de bord a présenté un compte rendu à la société: «Je pense qu'il y a un problème. Veuillez faire enquête».

Nous sommes prêts à soumettre la question à un agent de réglementation. Elle craint de perdre son emploi. La société n'a pas répondu. Elle a besoin de la protection qu'on accorde aux dénonciateurs.

M. Stan Dromisky: C'est vrai.

M. Richard Balnis: Nous sommes au courant d'autres cas. Elle a peur de continuer et de dire ce qui s'est produit sur ce vol parce qu'elle craint que la société la congédie et que le syndicat ne puisse pas la protéger.

C'est un problème courant. Il y a d'autres cas du même genre. Les employés font rapport selon la voie hiérarchique, la société ne fait rien. Elle a peur de perdre son emploi; Transports Canada ne peut pas faire enquête sans avoir de précisions, sans la nommer, et elle a peur de se retrouver à la rue.

Le président: Merci, monsieur Dromisky.

Madame Desjarlais, vous avez la parole.

Mme Bev Desjarlais: Merci pour votre exposé et merci d'avoir soulevé, comme l'ont mentionné MM. Guimond et Dromisky, l'aspect sécurité, qui entre presque toujours en jeu quand il est question de réduire les coûts et de ne s'en remettre qu'aux forces du marché ou de ne viser en fin de compte que l'accumulation des profits. Il faut dans ces cas bien sûr s'assurer qu'une réglementation est en place pour la sécurité du public voyageur.

• 1745

Je ne sais pas si vous êtes au courant du témoignage que nous avons entendu ce matin des représentants de Regional Airlines Holdings Inc., société qui vient tout juste d'être créée.

Mme Judy Darcy: Nous avons lu leur communiqué.

Mme Bev Desjarlais: Ils sont maintenant les sauveurs du secteur aérien régional au Canada. J'ai demandé des précisions sur une des observations qu'ils ont faites. Je dois dire que j'avais des inquiétudes, et ils n'ont pas donné de détails, et j'aimerais savoir comment vous voyez les choses.

Une des observations portait sur l'optimisation de nos ressources, qui se fera grâce à la rotation rapide de l'aéronef, à une configuration optimale des routes aériennes, notamment l'expansion des opérations de transbordeur, et en permettant aux employés de remplir différents rôles. Je me demandais comment on peut faire en sorte que certains employés remplissent différents rôles. Les pilotes vont essentiellement piloter, et je ne vois pas ce qu'ils pourraient bien faire d'autre. Si vous entendiez ce genre de déclaration dans le secteur aérien, qu'en penseriez-vous?

Mme Judy Darcy: Premièrement, la question précédente à laquelle on vient de consacrer pas mal de temps concernait la sécurité. Comme Denise Hill l'a dit bien clairement, le rôle d'un agent de bord est en tout premier lieu celui d'un professionnel de la sécurité. Il ne s'agit pas d'abord et avant tout d'assurer l'accueil. Nous serions très préoccupés par quoi que ce soit qui compromettrait ou réduirait la formation intense dont ont besoin les agents de bord pour remplir leur rôle de professionnels de la sécurité. Nous pensons du reste que le public voyageur devrait aussi s'en inquiéter vivement.

Mme Bev Desjarlais: Je dois dire qu'avant de devenir porte-parole du parti en matière de transports, je ne comprenais pas exactement tout ce que doivent faire les agents de bord, même après avoir beaucoup pris l'avion. Je ne me rendais pas compte que quand survient une urgence, quand l'avion s'écrase—et je trouve important que les Canadiens le sachent, car je suis sûre que la plupart d'entre eux l'ignorent—l'équipe d'urgence c'est l'équipage à bord de l'avion qui tombe.

Dites-moi ce qui ne va pas. L'équipage de l'avion qui s'écrase est en même temps votre équipe de sauvetage. Par conséquent, c'est de cet équipage ayant reçu une formation que dépend votre salut. Il est important que l'on comprenne que les agents de bord ne sont pas là pour votre simple confort, ils ont bien d'autres responsabilités.

Quand on retire un agent de bord d'un vol, la sécurité des passagers est grandement menacée, et je ne pense pas que nous nous en rendions compte.

Le président: Bev, avez-vous une question?

Mme Bev Desjarlais: Oui, j'en ai une. D'ailleurs je viens juste d'en poser une, Stan. J'ai demandé aux témoins ce qu'ils pensaient de cette situation.

Le président: Votre temps de parole est écoulé.

Mme Bev Desjarlais: C'est bien, dans la mesure où j'ai transmis le message au public canadien. Je pense que ce sont des aspects très importants. J'estime que nous devons envisager l'industrie aérienne sous tous ses angles et considérer la sécurité comme étant tout aussi essentielle que les profits des lignes aériennes.

Si j'ai réussi à le faire comprendre, Stan, c'est bien. Je n'ai pas de question si mon temps de parole est écoulé.

Le président: Vous avez le temps pour une autre question s'il s'agit vraiment d'une question.

Mme Bev Desjarlais: Avez-vous quelque chose à dire à propos de la règle des 10 p. 100 imposée en vertu de la Loi sur Air Canada?

Mme Judy Darcy: Je vais vous donner une réponse semblable à celle que j'ai déjà donnée, soit que nos membres de différentes composantes ont des opinions divergentes sur la question et n'ont pas encore pris position. Franchement, la plupart des gens ne connaissaient pas bien cette règle des 10 p. 100 jusqu'à tout récemment. C'est pourquoi cela n'a donc jamais fait l'objet d'un grand débat au sein de notre syndicat.

Mme Bev Desjarlais: Très bien. Merci.

Le président: Monsieur Comuzzi.

M. Joe Comuzzi: J'ai beaucoup aimé votre exposé.

Je sais que ce combat que vous avez mené dans les 12 à 14 dernières semaines a été une grande cause de stress. Mais ce n'est qu'un avant-goût d'un combat plus sérieux, plus insidieux que vous pourriez avoir à mener, à savoir si nous aurons ou non un transporteur dominant.

Ce qui me préoccupe beaucoup, c'est l'entreprise que nous allons perdre, peu importe la structure finale. Je pense à l'importance des participants mondiaux dans ce débat qui se poursuit. Nous savons tous qu'American Airlines est un facteur tout à fait déterminant dans l'avenir qu'aura ou que n'aura pas Canadien. Je prévois une érosion de la main-d'oeuvre canadienne attribuable au caractère insidieux de ce qui se passe et beaucoup d'entre nous ne s'en rendent pas encore compte. Soudainement, un avion atterrit à Chicago et on laisse descendre 30 ou 40 personnes, et des avions atterrissent en provenance de partout dans le monde et ils prennent de 200 à 300 passagers. Il en résulte des pertes d'emplois au Canada.

• 1750

J'aimerais que vous nous en parliez un peu.

Mme Judy Darcy: Parlez-vous du cabotage en particulier?

M. Joe Comuzzi: Ce sera ma prochaine question. Nous voyons ce qui se passe avec l'érosion des vols internationaux, des vols des transporteurs—les deux volets les plus rentables du secteur aérien.

Nous voyons bien que nous sommes un transporteur aérien d'apport. Nous sommes 30 millions par comparaison aux 300 millions de gens qui utilisent les services de United Airlines et d'American Airlines. Ils veulent cette prédominance sur le marché mondial et nous devenons une ligne d'apport.

Chaque fois qu'on devient un transporteur d'apport, on perd des emplois au Canada. C'est juste une supposition. Êtes-vous d'accord?

Mme Judy Darcy: Oui, c'est vrai.

M. Joe Comuzzi: Dites-moi ce que nous devons faire pour l'éviter.

Mme Denise Hill: Nous devons tâcher d'avoir une industrie aérienne canadienne financièrement solide qui puisse croître afin que nous n'envoyions plus nos passagers emprunter des vols de United Airlines ou d'American Airlines pour se rendre à l'étranger. Si nous avons une industrie aérienne solide et financièrement stable, elle prendra de l'expansion. Pourquoi un transporteur aérien canadien ne pourrait-il pas assurer tous ces services internationaux plutôt que de les céder?

Tout dépend de ce que nous voulons. Si nous voulons une industrie aérienne canadienne, et non pas une industrie qui renonce à ses passagers, nous avons la capacité de le faire. Nous avons un bon produit, nous avons de bons employés. Je sais qu'Air Canada a remporté l'année dernière le prix de la meilleure compagnie aérienne. Nous pouvons livrer concurrence sur le marché international, mais pour cela nous devons être financièrement solides.

M. Joe Comuzzi: Cela se fera-t-il avec une compagnie aérienne ou deux?

Mme Denise Hill: Voyez où nous en sommes aujourd'hui. Tout est sur la table, mais c'est un débat que nous aurons à l'interne la semaine prochaine.

M. Richard Balnis: J'aimerais dire que vous avez soulevé une question très importante. Nous faisons aussi partie de la Fédération internationale des travailleurs des transports. Elle a une grande expérience dans le secteur maritime. On a parlé des pavillons de complaisance, des cas où le propriétaire d'un navire est d'un pays donné, les officiers d'un autre, et où les marins et les sans-grade sont habituellement des pays les plus pauvres. On voit aussi à l'occasion des navires qui arrivent et dont les propriétaires sont ruinés ou incapables de payer les marins. Nous craignons vraiment que le secteur aérien risque de prendre cette voie et que l'alliance mondiale en soit la première étape.

Pour ce qui est des pertes d'emplois, quels sont les équipages de ces aéronefs? Pour les pilotes et les agents de bord ainsi que pour ceux qui assurent les services au sol, c'est une préoccupation bien réelle, et je pense que votre perception est juste, monsieur.

M. Joe Comuzzi: Maintenant, la question du cabotage. Croyez-vous à l'avenir du cabotage réciproque?

Mme Judy Darcy: Laissez-moi dire un mot à propos du cabotage et peut-être qu'ensuite Richard ou Denise voudront parler du cabotage réciproque.

Le cabotage me préoccupe à bien des égards. Pour ceux qui ne le savent pas, on peut s'attendre à ce que ces transporteurs aériens qui viennent au Canada essaient d'écrémer les routes aériennes, qu'ils désertent les moins rentables et abandonnent peut-être ce service complètement. Nous pensons que cela doit être un grand sujet de préoccupation si l'on songe aux services aux collectivités, qui s'est déjà détérioré au fil des ans, car il y a moins de vols directs, moins de vols vers certaines régions du pays, par exemple. Mais nous pensons aussi qu'avec le cabotage on subira de nombreuses pertes d'emplois au Canada. Cela ne fait aucun doute. Et ces deux questions devraient à notre avis être considérées comme très préoccupantes.

• 1755

M. Joe Comuzzi: Même avec les ententes réciproques?

M. Richard Balnis: La question à propos de ce modèle théorique, comme différents témoins et experts l'ont, il me semble, mentionné, c'est de savoir avec qui on aura une entente de réciprocité? Je ne pense pas que le marché des États-Unis vienne maintenant dire à Air Canada que ses avions peuvent maintenant se rendre à Chicago et à Denver pour y prendre des voyageurs américains. Ce serait un grand concept, en théorie. Cela ne se fera pas.

M. Joe Comuzzi: J'ai une dernière question.

M. Richard Balnis: Puis à la page 16 de notre mémoire, nous commentons brièvement quelques recommandations du Bureau de la concurrence, nous inspirant de sa lettre du 22 octobre. Plus particulièrement, nous considérons comme mal avisée sa proposition de cabotage extérieur, car celui-ci drainerait le débit du trafic transcontinental au détriment du trafic intérieur et international; nous nous y opposons parce que cela déstabiliserait encore davantage notre industrie.

M. Joe Comuzzi: À ce propos justement, vous êtes assujettis à différentes règles en ce qui concerne le nombre d'agents de bord en service, comparativement aux règles en vigueur aux États-Unis. Si je ne fais pas erreur, on a là-bas des règles différentes, et leurs règles ne sont pas aussi bonnes que les nôtres.

Mme Denise Hill: Tout dépend de la règle.

M. Joe Comuzzi: Le nombre d'agents de bord...

Mme Denise Hill: Pour ce qui est du nombre d'agents de bord, nous croyons que notre règle contribue davantage à la sécurité des passagers quand ceux-ci sont plus nombreux à bord. Quand l'avion est plein, nous avons davantage d'agents de bord.

M. Joe Comuzzi: Comment conciliez-vous ces différences avec la règle qu'impose un gros transporteur comme United Airlines?

Mme Denise Hill: Le gouvernement américain impose une règle de un par 50 sièges. Si donc il y a moins de passagers, parfois il est plus sensé d'avoir davantage d'agents de bord en service. Mais selon notre règle, parce que les agents de bord sont là pour assurer la sécurité, plus il y a de passagers, plus il y a d'agents de bord pour les protéger. Nous croyons donc fermement que notre règle contribue davantage à la sécurité et qu'elle devrait être maintenue.

Le président: Madame Hill, madame Darcy, monsieur Balnis, merci beaucoup d'avoir comparu au comité et d'avoir répondu à nos questions. Nous vous remercions pour le temps que vous nous avez accordé.

Chers collègues, nous allons maintenant nous rendre en bas, à la pièce 139-N, et nous siégerons à huis clos. Nous reviendrons ici dans une quinzaine de minutes.

• 1757




• 1826

Le président: Chers collègues, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous reprenons notre étude sur l'avenir de l'industrie aérienne au Canada. Nous recevons des représentants de l'Association internationale des machinistes et des travailleurs et des travailleuses de l'aérospatiale au Canada.

Nous accueillons M. Dave Ritchie, vice-président pour le Canada, et M. Ron Fontaine, président, district 140. Oh, M. Fontaine n'est pas parmi nous, je crois. Très bien.

Monsieur Ritchie, je vais vous laisser présenter les personnes qui vous accompagnent cet après-midi.

M. Dave Ritchie (vice-président canadien, Association internationale des machinistes et des travailleurs de l'aérospatiale du Canada): Je suis accompagné de M. Erlichman, notre directeur canadien de la recherche, et de M. Vincent Blais, mon adjoint administratif, lequel fera l'exposé au comité. Nous allons en donner la moitié en anglais et la moitié en français.

Le président: Merveilleux. Je vous remercie de venir présenter un exposé au Comité permanent des transports. Il nous tarde de l'entendre. Vous avez de 10 à 12 minutes, et puis les membres du comité vous poseront des questions.

Vous pouvez commencer dès que vous êtes prêts, messieurs.

M. Dave Ritchie: Au nom des 52 000 membres canadiens de l'Association internationale des machinistes et des travailleurs de l'aérospatiale, j'aimerais remercier le comité pour nous avoir permis de nous prononcer sur l'avenir de l'industrie du transport aérien au Canada.

L'AIM est le premier syndicat en importance représentant les travailleurs de l'industrie du transport aérien, non seulement au Canada mais partout en Amérique du Nord. Nous représentons les travailleurs canadiens de l'industrie depuis près de 60 ans et comptons aujourd'hui quelque 18 500 membres qui oeuvrent dans le transport aérien. Nous représentons les travailleurs des deux principaux transporteurs, Air Canada et les Lignes aériennes Canadien, de compagnies aériennes régionales et de deuxième niveau ainsi que ceux qui travaillent pour une gamme d'entreprises de services qui répondent aux besoins de ce secteur partout au Canada.

Nous vous incitons fortement à analyser cette industrie d'une perspective globale. La plupart des discussions entamées jusqu'à maintenant ont tourné autour de négociations concernant les deux principaux transporteurs. Toutefois, l'industrie compte plus de deux transporteurs, et l'intérêt public dépasse de loin les intérêts étroits des investisseurs dans un ou plusieurs de ces transporteurs.

Notre syndicat soutient depuis deux décennies que les gouvernements doivent participer activement à la direction de l'industrie du transport aérien afin de protéger les intérêts des communautés, des consommateurs et des travailleurs. Au cours des audiences de l'Office national des transports du Canada tenues en 1983-1984, nous avions prédit que la déréglementation du secteur des transporteurs aériens mènerait au chaos, puis à la concentration (à un coût élevé). En bout de ligne, tout le monde serait perdant. Il y a plus de 15 ans, nous avons soutenu qu'une réglementation moderne, et non la déréglementation, constituait la solution aux problèmes de l'industrie.

Malheureusement, on n'a pas tenu compte de nos opinions, et le gouvernement fédéral a opté pour la déréglementation du transport aérien intérieur en 1984. Aussi selon nos prévisions, la déréglementation a perturbé l'industrie canadienne du transport aérien et provoqué sa concentration. Le secteur a été très rapidement dominé par deux importants transporteurs non réglementés.

Avec l'arrivée des années 90, les deux transporteurs étaient confrontés à des difficultés financières de taille. Bien qu'Air Canada ait été mieux préparée sur le plan financier pour tenir le coup, les Lignes aériennes Canadien ont continué à éprouver des problèmes financiers. À la fin de 1996, les Lignes aériennes Canadien se trouvaient au bord de la faillite.

• 1830

L'AIM a joué un rôle important pour garder Canadien en vie en 1996, et nous avons participé au Comité de l'industrie mis sur pied en 1997 par le ministre fédéral des Transports pour analyser le secteur et ses problèmes. Malheureusement, le ministre a persisté à ne pas reconnaître ces problèmes fondamentaux, et le travail du comité de 1997 sur la politique du transport aérien n'a donc pas porté fruit. Aujourd'hui, les difficultés financières des Lignes aériennes Canadien exposent à nouveau les problèmes fondamentaux de l'industrie. Malgré cela, le gouvernement fédéral a choisi d'adopter, une fois de plus, une approche passive.

Lorsque le gouvernement fédéral a annoncé au mois d'août qu'il invoquerait l'article 47 de la Loi sur les transports pour régler les problèmes du secteur, nous étions enfin convaincus jusqu'à un certain point qu'il s'était rendu compte de la nécessité de jouer un rôle actif pour assurer l'avenir de l'industrie. En réponse à la position initiale du ministre, à savoir que le secteur privé réussirait à conclure une entente qui serait approuvée par le gouvernement, notre syndicat a poussé le ministre à adopter une stratégie plus active. Le fait que le ministre ait donné son appui à nos cinq principes de base pour la restructuration du secteur nous a encouragés. Toutefois, il existe un besoin manifeste d'aller au-delà de ces cinq principes et de définir un cadre de réglementation public clair et détaillé pour la restructuration. Cela n'a toujours pas été fait, mais le besoin devient de plus en plus urgent.

Compte tenu de l'inexistence d'un tel cadre, les collectivités, les consommateurs et les travailleurs de l'industrie ont été confrontés à des incertitudes et à de l'insécurité. Les deux principaux transporteurs se trouvent aujourd'hui dans une situation financière plus faible qu'elle ne l'était il y a trois mois. Nos membres, de même que tous les travailleurs de l'industrie, ont été pris en otage par la concurrence des enchérisseurs de cette guerre de l'air, alors que le gouvernement est demeuré tout ce temps sur la ligne de côté.

Nous—les syndicats—nous sommes trouvés piégés dans une position intenable en tentant de négocier la meilleure protection pour nos membres auprès des enchérisseurs rivaux, alors qu'il nous aurait été clairement impossible de négocier au nom de l'ensemble de l'industrie.

Vu le manque d'une politique gouvernementale bien définie, les travailleurs de l'industrie vivent depuis des mois dans la peur et l'insécurité et sont confrontés les uns aux autres. Peu importe la forme que prendra la restructuration future de l'industrie, la situation empire depuis le début du processus vu l'absence d'un cadre précis.

Nous ne pouvons récrire l'histoire. À ce stade, nous devons toutefois agir aussi rapidement que possible pour redresser l'industrie canadienne du transport aérien. En conséquence, nous demandons à votre comité de fournir un ensemble clair de lignes directrices au gouvernement pour que ce dernier puisse prendre les mesures positives nécessaires à la future santé de l'industrie du transport aérien.

[Français]

M. Vincent Blais (adjoint administratif au vice-président canadien, Association internationale des machinistes et des travailleurs de l'aérospatiale du Canada): Les preuves ont été faites: le secteur du transport aérien tend vers le contrôle concentré. Aux États-Unis, le plus important marché au monde, trois transporteurs contrôlent la moitié du marché après 20 ans de déréglementation. Au Canada, nous avons deux principaux transporteurs, mais nous risquons de n'en avoir plus qu'un seul bientôt.

Pour protéger l'intérêt public dans une industrie concentrée, le gouvernement doit assurer une réglementation active et continuelle. Certaines personnes ont affirmé que la solution à la concentration intérieure était de déréglementer l'industrie davantage et de laisser pénétrer les transporteurs étrangers sur le marché intérieur. Ce ne serait pas une solution. Tout ce qui en résulterait serait un monopole plus fort qu'une concurrence accrue.

Si les grands transporteurs américains gagnaient accès au marché canadien, ils seraient en mesure de détruire les transporteurs canadiens plus petits très rapidement, comme ils ont su le faire aux États-Unis en raison de leurs énormes ressources financières et de leur puissance de marketing. Un grand nombre d'emplois seraient perdus au Canada, et les collectivités ainsi que les consommateurs canadiens se trouveraient aux dépens des grands transporteurs américains, pour qui le Canada ne constitue qu'un marché marginal. Bref, nous finirions par importer des tarifs plus élevés et un service de piètre qualité, surtout à l'extérieur des grands centres urbains.

Le gouvernement doit agir immédiatement pour mettre sur pied le cadre qui assurera la santé future de cette industrie. Il n'existe aucune solution simple et magique. Toutefois, un ensemble clair de principes législatifs doit être établi pour guider l'industrie, et une structure continue d'orientation et de direction doit être mise de l'avant pour garantir la satisfaction de l'intérêt public.

• 1835

Le ministre des Transports a déjà donné son appui aux principes que nous avions présentés et sur lesquels doit reposer la restructuration de l'industrie: une politique qui couvrira le secteur tout entier; une protection des collectivités, des travailleurs ainsi que des consommateurs; un contrôle qui demeurera au Canada; et aucune exportation d'emplois. Nous voulons maintenant élaborer davantage sur nos points de vue. D'abord et avant tout, le gouvernement doit reconnaître sa responsabilité continue de surveiller l'évolution de l'industrie du transport aérien pour s'assurer que l'intérêt public est protégé. Qu'il opte pour le faire par l'intermédiaire d'une Agence canadienne des transports revitalisée ou d'une autre instance, il demeure essentiel que le gouvernement fasse plus que tout simplement réagir aux crises. Il doit plutôt assurer une direction active et continue sur l'ensemble du secteur et non seulement à l'égard de ses principaux intervenants.

Nous n'avons aucun modèle simple de cadre réglementaire. La surveillance de l'industrie exigera un cadre réglementaire évolué et souple s'il doit remplir sa mission de protéger l'intérêt public. Au minimum, le cadre réglementaire devra comprendre: des règles sévères régissant la capacité et la santé financières des transporteurs existants ainsi que des nouveaux arrivants sur le marché pour assurer leur viabilité à long terme sur le plan financier; la répartition entre les transporteurs des droits de route et de capacité pour assurer un service adéquat aux collectivités partout au pays et pour éviter les abus de l'entreprise monopolistique et le dumping prédateur de surplus de capacité; l'assurance que la direction des aéroports, de la navigation aérienne et des autres infrastructures sera responsable envers le public et soutiendra une industrie en santé; le contrôle des tarifs pour éviter toute augmentation exagérée des prix tout en assurant la viabilité à long terme de l'industrie, lequel contrôle devra être suffisamment flexible pour permettre la gestion du rendement et le contrôle des ventes à rabais; le maintien de la propriété et du contrôle des lignes aériennes au Canada entre les mains de Canadiens; la protection des travailleurs de l'industrie, notamment pendant la restructuration imminente.

Nous avons présenté les problèmes essentiels pour les travailleurs dans notre charte des droits des travailleurs du transport aérien. Nous demandons à la présente commission d'appuyer ces droits pour l'ensemble des travailleurs de l'industrie aérienne et au gouvernement de faire en sorte que l'approbation de toute proposition de restructuration de l'industrie soit conditionnelle à l'intégration de ces droits:

- aucune mise à pied involontaire ou aucun déplacement de travailleurs contre leur volonté ne devra être entrepris pendant la restructuration;

- tout employé jugé excédentaire pendant la restructuration de l'industrie verra sa future sécurité économique protégée par voie d'attrition, d'un programme d'encouragement à la retraite anticipée, d'une entente de départ volontaire, de programmes d'autorisation d'absence et d'autres programmes de compensation;

- le gouvernement mettra sur pied un programme d'aide aux travailleurs comprenant le soutien du revenu, le recyclage, l'aide à la recherche d'emploi et à la réinstallation et un accès prioritaire pour les travailleurs déplacés aux nouveaux postes ouverts;

- les conventions collectives en vigueur devront être respectées et les droits de pension protégés pendant la restructuration;

- aucun emploi ne devra être exporté hors du Canada;

- un processus de consultation devra être mis sur pied auprès des travailleurs touchés pendant la restructuration;

- tout litige survenant dans l'interprétation de cette charte des droits devra être réglé le plus rapidement possible.

[Traduction]

M. Dave Ritchie: Nous demandons à votre comité de recommander au gouvernement de légiférer, dans les plus brefs délais, ces garanties pour les collectivités, les travailleurs et les consommateurs dans la restructuration de l'industrie du transport aérien. Nous anticipons avec enthousiasme de travailler de concert avec vous et le gouvernement pour rebâtir une industrie du transport aérien saine pour le Canada.

En outre, nous avons préparé un vidéo. J'en ai envoyé une copie à tous les membres du comité, et nous en avons apporté un aujourd'hui. Ce vidéo énonce nos cinq principes et traite de l'industrie. Il existe en français et en anglais. Nous vous serions reconnaissants de le visionner. Sa durée, dans l'une ou l'autre langue, est de six minutes.

Merci beaucoup.

Le président: Monsieur Ritchie, nous vous remercions de votre exposé au comité. Et monsieur Blais, merci également à vous. Nous allons maintenant passer à la période des questions.

Val Meredith, vous avez la parole.

• 1840

Mme Val Meredith: Merci, monsieur le président, et merci à vous, monsieur Ritchie et monsieur Blais.

Après avoir entendu votre exposé et vos recommandations au sujet du cadre que vous jugez nécessaire, je dois vous demander si vous avez eu l'occasion de discuter avec Air Canada de ces questions, de certaines de ces garanties. Avez-vous eu l'occasion de rencontrer les personnes en mesure d'instaurer ce genre de choses par la négociation?

M. Dave Ritchie: Je peux vous dire aujourd'hui qu'Air Canada nous a déjà donné ces garanties. La compagnie a garanti qu'il n'y aurait aucune mise à pied ou aucune réinstallation de travailleurs. Nous poursuivons nos négociations en ce qui concerne les salaires et d'autres questions. Mais la compagnie ne fait que parler des gens des Lignes aériennes Canadien. Je représente l'industrie. Je vous demande à tous de ne pas vous limiter à Air Canada et à Canadien. Ces problèmes touchent toute l'industrie et les solutions doivent s'appliquer à l'ensemble de celle-ci.

Mme Val Meredith: Vous dites donc que le problème ne touche pas que les grands transporteurs, mais également les transporteurs régionaux, les compagnies d'affrètement, les...

M. Dave Ritchie: Absolument. C'est un problème qui touche l'ensemble de l'industrie, sans exception. Le dossier dont il est question touche tous les travailleurs, et non pas uniquement certaines personnes ou certains employeurs. Il faut remettre de l'ordre dans cette industrie.

Mme Val Meredith: Vous demandez donc au comité de lier les mains de toutes les compagnies aériennes ou de tous les employeurs à long terme afin qu'ils ne procèdent à aucune mise à pied au Canada, quelles que soient les circonstances.

M. Dave Ritchie: Non. C'est comme pour le reste, vous devez instaurer un programme pour le faire. Cependant, jusqu'à ce qu'un programme de restructuration soit en place, les employés ne doivent pas subir les conséquences de la restructuration de l'industrie. Nous devons intervenir, nous devons remettre de l'ordre, nous devons y mettre de la substance. De plus, si nous nous rendons compte que les effectifs sont trop nombreux, nous devons offrir de la formation, de même que des possibilités de réinstallation. Différentes solutions sont possibles, mais ce n'est qu'après la restructuration que nous pourrons procéder à ce genre de réaménagement. Nous n'allons pas simplement laisser tomber ces gens comme cela a été fait dans le secteur des pêches ou d'autres industries, lorsque nous nous sommes demandés, qu'allons-nous faire avec ces gens? Il nous est possible de restructurer une industrie de façon à ce que tout le monde en profite.

Mme Val Meredith: Vous nous dites qu'il y a une surcapacité dans tout le secteur de l'industrie aérienne, et pourtant ce n'est pas ce que nous ont dit les autres témoins. On nous a bien dit qu'il y avait surcapacité chez les deux grands transporteurs. Ils se suivent l'un derrière l'autre, à dix minutes d'écart, sur les mêmes liaisons. On ne nous a pas dit qu'il y avait surcapacité chez les affréteurs ni chez les transporteurs à rabais, alors pourquoi changerions-nous la structure de toute l'industrie si les autres acteurs ne nous ont pas dit qu'il y avait un problème de surcapacité?

M. Dave Ritchie: Nous avons rencontré tous les acteurs et les ministres en 1997, y compris Air Canada et Canadien, y compris les agents de voyage, et ils nous ont tous dit à l'époque qu'il n'y avait pas de problèmes. Tout le monde était d'avis que tout allait bien, alors dites-moi pourquoi nous sommes ici aujourd'hui. Il est temps que ces gens se rendent à l'évidence. Nous sommes confrontés à une crise majeure au Canada, et elle touche tout le monde. Il faut se préoccuper de l'ensemble de l'industrie. Il faut mettre un terme aux solutions insignifiantes. L'industrie est en crise. Il faut examiner l'industrie dans son ensemble.

Mme Val Meredith: Mais j'examine l'industrie telle...

M. Dave Ritchie: Non, vous n'examinez que la situation de deux grandes compagnies aériennes.

Mme Val Meredith: Non, monsieur. Nous avons entendu des témoins de WestJet, de Canada 3000, des transporteurs régionaux et des transporteurs indépendants. Ils ne nous ont pas dit qu'il y avait un problème de surcapacité. On pourrait presque croire que vous voulez...

M. Dave Ritchie: Vous voulez dire que vous avez entendu...

Le président: S'il vous plaît, monsieur Ritchie. Attendez que la question soit posée, et vous pourrez ensuite y répondre.

Mme Val Meredith: Dans votre déclaration des droits que vous avez dressée, vous dites certaines choses se justifient dans certaines circonstances. Mais lorsque vous dites que cela devrait s'appliquer à l'ensemble de l'industrie, il me semble que certaines mesures sont un peu exagérées dans certains cas et insuffisantes dans d'autres. Je ne pense pas que vous puissiez administrer le même remède, pour ainsi dire, à toute l'industrie.

• 1845

M. Dave Ritchie: Nous représentons plus de 1 000 personnes travaillant à InterCanadien, qui ne fait partie ni de l'une ni de l'autre des deux grandes compagnies aériennes. Si cette restructuration a lieu, 1 000 personnes pourraient se retrouver au chômage. Ce sont des employés des régions. Ils courent un danger, un grave danger, et je suis ici pour vous dire que les transporteurs régionaux sont aux prises avec un problème.

Nous avons 1 000 personnes sur le terrain. J'ai parlé au président directeur général. Il ne sait pas ce qui va arriver à ses employés après la restructuration de l'industrie. Vous ne pouvez donc pas affirmer qu'il n'y a pas de problème.

Mme Val Meredith: Ce n'est pas ce que je dis. Je dis plutôt que certains des témoins que nous avons entendus ont affirmé qu'il n'y avait pas de problèmes. Je ne travaille pas dans l'industrie aérienne. Je ne vous dis pas qu'il n'y a pas de problèmes. Je vous dis que certains témoins qui ont comparu devant notre comité ne nous ont pas dit qu'il n'y avait un problème de surcapacité. Certains d'entre eux—dont InterCanadien—ont dit qu'ils ont hâte de saisir les occasions qui se présentent à eux, et qu'ils auraient besoin d'une période de transition afin qu'ils...

M. Dave Ritchie: Eh bien, intégrez-les à l'industrie. Aujourd'hui, ils n'en font pas partie. Ils ne sont pas visés par l'un ou l'autre des plans de restructuration proposés.

Mme Val Meredith: Mais ils exploitent quand même des avions pour d'autres. Il ne s'agit peut-être pas de l'un ou l'autre des grands transporteurs, mais ils font partie de l'industrie. Si vous disiez à la compagnie InterCanadien qu'elle ne fait pas partie de l'industrie, je ne crois pas qu'elle s'en réjouirait.

M. Dave Ritchie: Ce n'est pas moi qui le dit, c'est vous.

Mme Val Meredith: Non.

M. Dave Ritchie: Vous venez de dire qu'il n'y avait pas de problèmes entre les transporteurs régionaux, mais je vous en mentionne un.

Mme Val Meredith: Je pense que je vais m'arrêter ici, car je n'arrive à rien, monsieur le président. Merci.

Le président: Mme Desjarlais invoque le Règlement.

Mme Bev Desjarlais: Je pense que le moment serait peut-être venu d'expliquer que nous examinons l'industrie dans son ensemble, c'est-à-dire la restructuration du secteur et les répercussions qu'elle aura sur l'industrie en entier. C'est ce que nous faisons. J'ai pensé qu'il convenait de le préciser maintenant.

Le président: Je pense que vous venez de le faire, madame Desjarlais.

Mme Bev Desjarlais: Merci.

Le président: Je pense que Mme Meredith veut dire que ces paroles ne sont pas les siennes personnellement, elle répète seulement ce qu'elle a entendu les témoins dire.

M. Dave Ritchie: Je le comprends. Je répète que nous avons discuté avec des représentants de ce secteur en 1997 et qu'ils nous ont dit qu'il n'y avait pas de problèmes à ce moment-là. C'était les mêmes personnes. S'il en était ainsi, pourquoi sommes-nous ici aujourd'hui? Nous avions alors rédigé un rapport minoritaire pour dire qu'il s'agissait d'un problème majeur. La majorité de ces gens, y compris certaines des mêmes personnes, ont dit qu'il n'y avait pas de problème. C'est pourquoi aucune mesure n'a été prise.

Le président: Monsieur Dromisky.

M. Stan Dromisky: Merci beaucoup, monsieur le président.

Je sais que cette question vous tient très à coeur, car c'est une situation très grave dans laquelle nous nous retrouvons. C'est pourquoi nous sommes ici et nous ferons naturellement de notre mieux, nous vous écouterons, ainsi que tous les autres témoins, nous lirons tous les mémoires, et nous présenterons une sorte de plan. Autrement dit, nous voulons des lignes directrices qui vont nous permettre d'orienter, d'une certaine manière la nouvelle industrie du transport aérien dans notre pays. Mais il n'y a cependant pas que les deux grands transporteurs aériens, et vous avez mentionné de très bons arguments dans votre mémoire.

Je veux en citer un en particulier que je trouve intéressant. Dans le cadre réglementaire, vous dites qu'il y a des exigences minimales. L'une d'elles est l'assurance que la direction des aéroports, de la navigation aérienne et des autres infrastructures soit responsable envers le public et soutienne une industrie en santé.

Il est question ici des administrations aéroportuaires. Plusieurs des aéroports ont déjà une telle administration et d'autres seront crées dans un proche avenir. Au sein de ces administrations, il y a des représentants de différents paliers de gouvernement, ainsi que des syndicats, de la direction des transporteurs, et d'autres secteurs. Dans plusieurs collectivités, pourtant, ces administrateurs pourraient agir isolément, sans aucun moyen... Cela ne veut pas nécessairement dire qu'il y aurait des problèmes, mais il pourrait sembler à la population que ces administrations ne sont pas responsables envers le public, bien qu'il s'y trouve des représentants de tous les secteurs.

M. Dave Ritchie: Ce n'est pas le cas, et permettez-moi de vous donner un exemple.

L'administration aéroportuaire peut écarter l'un de mes membres et il n'y a pas de procédure d'appel. Cette personne pourrait perdre son emploi parce qu'elle n'a plus la cote de sécurité nécessaire. Nous n'avons pas de mécanisme pour en appeler d'une telle décision, qu'elle soit bonne ou mauvaise. Il n'existe pas de mécanisme. C'est le système que nous a imposé le gouvernement. Il y a un certain nombre d'autres questions pour lesquelles ces administrations ne sont pas imputables face à la population.

• 1850

M. Stan Dromisky: Je suis fort conscient du problème. Je sais que vous aviez un problème très semblable il y a deux ou trois ans. De fait, je suis au courant de deux ou trois cas différents. Cependant, vous avez déjà mentionné un moyen pour résoudre ce problème, soit l'institution d'une procédure d'appel, dans les cas où une plainte est formulée contre la direction des administrations aéroportuaires, de la navigation aérienne, NAV CANADA—une entité distincte qui fonctionne indépendamment du gouvernement.

Cet organisme a ses propres statuts et règlements. Il a son mandat et il fonctionne d'une manière telle que très peu de gens savent ce qui s'y fait tant que ce n'est pas fait. Autrement dit, la direction peut apporter des changements radicaux dans les services de navigation aérienne dans une région du pays sans consulter les intéressés—sans aucune participation du public ou des pilotes, par exemple.

M. Dave Ritchie: C'est justement ce qui est arrivé. On a décidé qu'on n'avait pas besoin de responsables de la navigation aérienne à certains aéroports à certains moments. Le Nouveau-Brunswick en est un exemple. Il y a un peu plus d'un an, un petit appareil d'Air Canada s'y est écrasé. C'est le genre d'exemple que nous avons.

Il ne s'agit pas d'un seul segment; c'est l'industrie en entier. Nous ne devons pas en regarder un seul élément, nous devons examiner l'industrie du transport aérien dans le pays et nous demander quelles seront les conséquences d'une mesure ici et quelles seront-elles là?

Il y a la question de la sécurité. Nous pourrions continuer d'en parler longuement et dire que c'est une industrie d'envergure et qu'il faut l'examiner au complet.

M. Stan Dromisky: Merci. J'ai terminé.

Le président: Monsieur Guimond, s'il vous plaît.

[Français]

M. Michel Guimond: Monsieur Ritchie, je vous remercie de votre présentation. On sait que depuis le début de cette étude, on parle de milliards de dollars, d'actions avec droit de vote ou sans droit de vote, de créneaux de pistes, de créneaux horaires, d'alliances internationales. J'ai reçu une copie de votre vidéo ce matin par la poste et je l'ai visionnée ce midi. Je considère qu'elle est très bien faite, d'autant plus que vous mettez l'accent sur un élément dont le comité ne sera pas en mesure de tenir compte lorsqu'il devra rédiger son rapport. Vous l'avez intitulée La restructuration du transport aérien: le côté humain. Je pense que souventes fois, cet aspect est oublié. C'est le premier commentaire que je voulais faire.

Vous dites que le gouvernement devra mettre sur pied un programme d'aide aux travailleurs comprenant le soutien du revenu, le recyclage, etc. Cela s'est fait dans d'autres industries, notamment dans l'industrie des pêches. Ce ne sera pas la première fois que ce sera fait au Canada. Je pense que les travailleurs ont pu en bénéficier. En tant que contribuables, les travailleurs et les travailleuses de l'industrie aérienne du Canada sont en droit d'obtenir certains engagements de la part de leur gouvernement.

Dans votre charte des droits des travailleurs, vous dites qu'aucun emploi ne devra être exporté hors du Canada. Considérez-vous que depuis la prise de participation d'American Airlines dans Canadien... Si vous avez mis cet élément, c'est que vous avez peur et que vous ne faites pas confiance à certains acteurs, pour ne pas nommer American Airlines. Vous êtes peut-être tout aussi inquiets quant à United Airlines, mais j'aimerais que vous commentiez cet élément de votre charte, à savoir qu'aucun emploi ne devra être exporté. On devrait peut-être parler d'«aucun autre emploi», parce que tous les spécialistes disent que depuis qu'American Airlines a pris une participation, des emplois ont effectivement été perdus au Canada.

[Traduction]

M. Dave Ritchie: Notre syndicat a perdu 700 emplois lorsque la compagnie American a renfloué les lignes aériennes Canadien. Il y avait 700 emplois administratifs qui faisaient partie de l'accord de renflouement. Ces gens ont perdu leurs emplois et sont allés chez nos voisins du Sud.

• 1855

Des représentants d'Air Canada ont discuté avec ceux d'American Airlines de la possibilité d'utiliser leur système SABRE. Les gens qui travaillent dans le système utilisé ici aujourd'hui sont employés dans notre pays par Air Canada. Le système SABRE est exploité à partir des États-Unis. C'est une chose d'utiliser le système, mais c'en est une autre que d'exporter les emplois en dehors du pays.

Le système peut être exploité, et ce fût le cas à un moment donné, dans notre pays. On pourrait garder les emplois au Canada et par conséquent garder ici ceux qui utilisent ce système, mais sans nécessairement garder la technologie. C'est donc possible.

Il y a un certain nombre d'autres domaines qui nous préoccupent. Il s'agit principalement de l'entretien. Nous avons des bases importantes d'entretien à Winnipeg, à Toronto et à Vancouver. On y emploie beaucoup de gens qui assurent la navigabilité de nos aéronefs. Le Canada a un excellent dossier sur le plan de la navigabilité de nos appareils. Ce sont mes membres qui en sont responsables—c'est grâce à leur expertise. Nous devons les garder ici même au pays pour préserver notre industrie.

Nous devons être préoccupés par la création de certaines super bases d'entretien dans différentes parties du monde. Je suis allé à Hong Kong l'an dernier et il y en a une là-bas qui pourrait absorber toute notre industrie. Cette question doit donc nous préoccuper. Des alliances se forment de nos jours, et les partenaires s'échangent des services. L'un assure tel service à l'autre, alors que cet autre lui assure un service différent. C'est une façon d'améliorer le résultat financier.

Entre temps, une fois que nous aurons perdu l'expertise dans un domaine, nous serons à la merci des autres, car nous nous serons retirés de ce type de travail. Nous ne pouvons pas permettre une telle chose.

Le président: Merci, monsieur Guimond.

Monsieur Calder.

M. Murray Calder: Merci beaucoup, monsieur le président.

Monsieur Ritchie, je n'ai pas encore eu l'occasion de voir votre vidéo, mais je le regarderai demain matin à mon arrivée au bureau. Vous l'avez intitulé La restructuration du transport aérien: le côté humain. Quand vous avez conçu ce titre, vous aviez manifestement à l'esprit une vision de ce que devrait être le transport aérien. Je vous demanderais de bien vouloir me faire part de cette vision.

M. Dave Ritchie: Non. Je dis dans notre mémoire que nous n'avons pas de modèle pour l'industrie du transport aérien parce que c'est une question complexe qui est reliée à un certain nombre d'autres domaines. Le côté humain en est un parmi d'autres. Il y a un certain nombre d'autres domaines qui sont concernés.

Je croyais que votre comité, étant donné la longue période pendant laquelle vous vous réunissez, allait examiner tous les aspects possibles de la question. Il ne s'agissait pas de discuter de réglementer de nouveau le trafic aérien, je pensais que vous deviez examiner l'industrie et essayer d'y ramener la stabilité financière et l'imputabilité envers le public canadien. Je n'ai donc pas de solution magique à vous donner.

Le facteur humain doit être l'un des éléments à prendre en compte. Nous représentons ce facteur humain et nous vous demandons par conséquent de ne pas laisser de côté ces gens-là. En outre, c'est de toute l'industrie du transport aérien qu'il s'agit, et pas simplement des deux transporteurs. Nous représentons les gens de Canada 3000 et des gardes de sécurité—notre syndicat représente tout le monde dans cette industrie à l'heure actuelle. Ces personnes représentent le facteur humain, et il est certain que toute forme de restructuration aura des répercussions sur ces personnes. Ne les laissons pas de côté. Il faut veiller à les inclure. Il faut travailler avec des organismes extérieurs.

M. Murray Calder: Les employés sont l'un des tests décisifs sur lesquels nous nous sommes appuyés. Je sais bien que c'est de leur emploi, de leur avenir, de leur existence qu'il s'agit.

Vous parlez ici—et M. Dromisky a un peu abordé la question—du minimum requis par le cadre de réglementation. Il s'agit de veiller à ce que la gestion d'aéroports, la navigation aérienne et tout le reste de l'infrastructure fassent l'objet de justification publique et contribuent au bon fonctionnement de l'industrie. J'imagine qu'en disant cela, vous incluez la question des créneaux aux aéroports, par exemple.

• 1900

M. Dave Ritchie: Nous parlons des créneaux aux aéroports et de la responsabilité de l'établissement de leurs redevances. Par exemple, actuellement ils déterminent les redevances et les compagnies aériennes doivent payer le montant exigé. Ce sont eux qui déterminent le montant. Même pour eux, il n'y a pas d'obligation de justifier ce montant. Nous avons actuellement un système qui coûte très cher et qui devrait être amélioré.

M. Murray Calder: Et quelle serait la solution?

M. Dave Ritchie: Une plus grande participation du public. Nous n'avons aucune participation. Si vous allez un jour assister à l'une de ces réunions générales ouvertes, vous allez voir à quel point le public peut intervenir dans les affaires des autorités aéroportuaires. On va peut-être vous dire que vous êtes invité à venir y assister, mais vous feriez bien d'aller voir sur place pour comprendre à quel point votre présence est appréciée.

M. Murray Calder: Excellente remarque.

Vous parlez aussi de préserver le propriété canadienne et le contrôle des lignes aériennes au Canada. Vous voulez parler de la clause des 10 p. 100 par exemple? Ou sinon, à quoi faites-vous allusion?

M. Dave Ritchie: Ce que je dis, c'est que nous avons une industrie canadienne et qu'à mon avis c'est un domaine sur lequel nous devons conserver le contrôle. Nous contrôlons les télécommunications au Canada parce qu'elles touchent directement notre population. C'est une industrie qui touche directement nos compatriotes, et il faut nous assurer que nous en gardons le contrôle.

M. Murray Calder: Si vous fixiez un contrôle, quel serait son pourcentage? Ce serait 10 p. 100, 15, 20 p. 100?

M. Dave Ritchie: Si vous me posez la question, je vous dirais qu'à mon avis il faudrait que ce soit 100 p. 100.

M. Murray Calder: Vous pensez que c'est possible?

M. Dave Ritchie: Je pense qu'il y a beaucoup d'argent disponible dans notre pays, et je vous répondrais que c'est tout à fait possible.

M. Murray Calder: Bon. Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Calder.

Une précision: vous dites que nous sommes propriétaires des télécommunications au Canada?

M. Dave Ritchie: Non, j'ai dit que nous les contrôlons.

Le président: Et quel degré de contrôle de l'industrie aérienne envisagez-vous? Que voulez-vous nous dire à propos de ce contrôle?

M. Dave Ritchie: Je pense qu'il faut revenir à une réglementation de cette industrie dans la mesure du possible. Les gens ont beau dire qu'ils ne veulent pas qu'on revienne à une réglementation, la réalité est que nous réglementons de toute façon.

Le président: Monsieur Ritchie, il existe actuellement un règlement en vertu de la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada qui limite la propriété individuelle à 10 p. 100.

M. Dave Ritchie: Mais c'est seulement pour Air Canada.

Le président: C'est vrai.

M. Dave Ritchie: Est-ce que le même règlement s'applique à Canadien?

Le président: Non. C'est pour cela que je vous demande, sachant que la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada stipule cette limite de 10 p. 100, si votre syndicat estime qu'il faudrait étendre cette règle de 10 p. 100 à toutes les compagnies aériennes. Faudrait-il s'en tenir à ces 10 p. 100 ou passer à 20 p. 100? Faudrait-il supprimer totalement cette règle? Quel est votre point de vue là-dessus?

M. Dave Ritchie: Nous n'avons pas pris position à l'égard de la compagnie aérienne...

Le président: Nous admettons tous la nécessité d'un contrôle quelconque. Nous tentons d'obtenir de nos témoins de l'information sur la nature de ces contrôles. Chacun a de bonnes idées mais personne n'a la moindre suggestion à faire.

M. Dave Ritchie: Vous me demandez si une seule personne peut détenir plus de 10 p. 100 du capital d'Air Canada et je vous réponds que peu m'importe qu'une personne détienne 100 p. 100 du capital d'Air Canada; je veux tout simplement que ce soit 100 p. 100 de propriété canadienne. Je veux que le contrôle s'exerce au Canada et que le capital soit détenu par des Canadiens.

Le président: Monsieur Ritchie, il y a ici deux questions différentes. Vous parlez de la règle limitant à 25 p. 100 la propriété étrangère mais il y a une autre règle qui limite à 10 p. 100 les actions d'une compagnie aérienne détenues par une seule personne.

Or, laissons de côté un instant la propriété étrangère puisque la limite se situe actuellement à 25 p. 100. C'est un tout autre débat. À l'heure actuelle, je vous parle uniquement du fait que vous souhaitez que cette compagnie aérienne reste sous contrôle canadien.

M. Dave Ritchie: C'est exact.

• 1905

Le président: La question se pose alors de savoir ce qui constitue un contrôle canadien. Est-ce 10 p. 100? Pourrait-on aller jusqu'à 20 p. 100? Par exemple, M. Hargrove qui a comparu plus tôt nous a dit que peu lui importe, à condition que ses syndiqués ne perdent pas leur emploi. C'est son avis et le comité l'apprécie puisqu'il pourra nous guider dans notre réflexion quand nous entreprendrons de rédiger notre rapport la semaine prochaine. Quelle est la position de votre syndicat sur le contrôle canadien? Qu'est-ce que cela signifie? Faut-il maintenir la limite de 10 p. 100? Est-ce que cela veut dire que peu vous importe tant qu'il n'y a pas de pertes d'emploi? Qu'est-ce que cela signifie pour votre syndicat?

M. Dave Ritchie: Si je me prononce, cela ne peut viser qu'une seule compagnie aérienne puisque ce contrôle existe uniquement chez Air Canada. Mais je ne suis pas venu parler d'Air Canada mais de l'ensemble du secteur du transport aérien. C'est ce que nous donnent les 10 p. 100. Nous avons pris position à l'égard de l'industrie et non pas d'un transporteur. C'est à cela que s'applique la règle des 10 p. 100. Voilà pourquoi j'ai demandé si cette limite s'applique à tout le secteur? La réponse est non. C'est là que la limite de 25 p. 100 devient importante.

Voilà pourquoi ma position c'est qu'il faut 100 p. 100 de propriété canadienne. Qu'est-ce que cela signifie? Qu'une seule personne détienne 100 p. 100 ou que cinq personnes détiennent 20 p. 100 chacune, peu m'importe. Je veux que le contrôle soit canadien à 100 p. 100. Voilà notre position.

Le président: Merci, monsieur Ritchie.

Madame Desjarlais, s'il vous plaît.

Mme Bev Desjarlais: Merci.

Monsieur Ritchie, j'ai l'impression que toute cette histoire vous frustre et je comprends bien votre réaction sachant que vous avec vécu à peu près la même situation il y a quelques années, que vous avez fait des suggestions auxquelles on n'a pas donné suite et que cela nous a menés à la crise que nous traversons aujourd'hui.

J'ai l'impression que vous nous reprochez de ne pas nous intéresser à l'ensemble du secteur du transport aérien. Je veux vous garantir que ce qui m'intéresse, comme d'ailleurs tous les membres du comité, je crois, c'est l'ensemble de l'industrie. Nous ne nous intéressons pas uniquement aux offres relatives à Air Canada et Canadien. Ce n'est pas ce que nous faisons. Nous avons été très fermes, très clairs et nous avons écouté tous ceux qui s'intéressent au sort du transport aérien. Nous nous sommes déplacés pour nous assurer d'entendre toute une gamme d'opinions formulées par les intervenants de l'industrie au lieu de nous contenter de consulter les deux compagnies seulement. J'espère donc que vous ne pensez pas que nous avons adopté une approche trop restreinte et que nous nous intéressons uniquement au sort d'Air Canada et de Canadien. Nous savons que c'est tout le secteur qui est touché.

Je ne sais pas si vous savez que nous avons reçu ce matin les porte-parole de Regional Airlines Holdings Inc. Il s'agit d'une nouvelle entreprise régionale qui examine la possibilité de devenir un transporteur dominant ou monopolistique dans le secteur du transport aérien régional. Vous comptez aussi des membres qui travaillent pour des compagnies aériennes régionales.

Je me permets de vous lire cette citation de leur exposé:

    Nous parviendrons à maximiser l'utilisation de nos ressources par une utilisation fréquente des aéronefs, une configuration optimale des trajets, notamment l'expansion des activités transfrontalières, et en permettant aux employés d'assumer des rôles multiples.

A-t-on déjà proposé à vos membres qu'ils assument des rôles multiples au lieu de s'acquitter uniquement de leurs tâches normales?

M. Dave Ritchie: Les employeurs tentent toujours de convaincre les employés d'en faire plus, et la réponse est donc là. Je ne sais pas au juste ce qu'ils ont voulu dire.

Je pense qu'ils sont venus vous dire que si le comité se prononce en faveur d'un transporteur dominant il faudrait que ce dernier se dessaisisse de ses opérations régionales et qu'eux seraient prêts à se porter acquéreurs. Je crois que c'était là le sens de leur intervention. La vérité c'est que ce sont des gens d'affaires futés et voilà ce qu'ils disent. Pour ma part, la vérité c'est que s'il n'y a plus qu'un seul transporteur dominant cela ne fera aucune différence puisqu'il y aura de toutes façons un transporteur dominant. L'un sera international et l'autre régional. Quelle est la différence? Je ne comprends pas ce qu'ils cherchent à obtenir.

Les dirigeants d'Air Canada nous ont donné aujourd'hui l'assurance qu'ils seraient prêts à négocier avec nous d'offrir aux employés de Canadien la parité avec ceux d'Air Canada. Ils sont aussi disposés à faire de même dans les compagnies régionales. J'oserais dire que les travailleurs feront les frais de la restructuration étant donné ce qu'ils ont dit de l'optimisation de leurs opérations puisque optimiser signifie qu'il y aura des pertes d'emplois et que ce sont les syndiqués qui en feront les frais.

• 1910

Mme Bev Desjarlais: Lorsque M. Hargrove a comparu devant le comité, il nous a dit qu'à son avis, dans sa plus récente proposition, Air Canada s'engage à ne pas procéder à de mises à pied. Il a dit que dans sa proposition M. Milton s'engage à ne pas congédier qui que ce soit. Est-ce aussi votre interprétation, à savoir que M. Milton s'engage à ne pas faire de mises à pied ou uniquement à éviter les licenciements? Nous savons tous qu'il peut y avoir des mises à pied sans licenciements.

M. Dave Ritchie: Je dirais que dans sa proposition, M. Milton parle d'éliminer 2 500 emplois mais il est prêt à accepter que cela se fasse par la réduction naturelle des effectifs, les départs volontaires et quoi encore. Oui, je crois qu'il y aura pertes d'emplois mais il nous dit que personne ne sera mis à pied. Il nous l'a garanti.

Mme Bev Desjarlais: Par simple curiosité, avez-vous cet engagement par écrit?

M. Dave Ritchie: Oui.

Mme Bev Desjarlais: D'accord. Merci.

Le président: Non, il n'a pas dit cela, monsieur Ritchie. D'ailleurs, nous avons des exemplaires de la proposition et il dit plus précisément «il n'y aura pas de pertes d'emplois involontaires». Il ne dit pas qu'il n'y aura pas de mises à pied. Voilà ce que tente de faire valoir M. Buzz Hargrove parce qu'il ne dit pas qu'il n'y aura pas de mises à pied; il dit «il n'y aura pas de pertes d'emplois involontaires». C'est bien beau, mais...

M. Dave Ritchie: Ce n'est pas ce que j'ai vu. Voulez-vous que je vous lise ce qu'il m'a envoyé? La lettre dit:

    Aucun des employés syndiqués actuels d'Air Canada, de Lignes aériennes Canadien International, des transporteurs régionaux affiliés à Air Canada ou à Canadien ne sera mis à pied contre son gré en conséquence directe de la restructuration dans le secteur du transport aérien.

Le président: Quelle est la date de cette lettre?

M. Dave Ritchie: Elle est datée du 1er novembre.

Le président: C'est l'offre la plus récente. Nous parlons de la proposition d'aujourd'hui, pas celle du 1er novembre.

M. Dave Ritchie: Non, la proposition est toujours valide, monsieur.

Le président: Vous pourriez peut-être en remettre un exemplaire à la greffière.

M. Dave Ritchie: Je me ferai un plaisir de vous en remettre une copie.

Le président: Dans le document rendu public aujourd'hui, il n'est nullement question de pertes d'emplois involontaires.

M. Dave Ritchie: Bien. J'en ai une autre ici et celle-là...

M. Michel Guimond: C'est peut-être un communiqué.

M. Dave Ritchie: C'est un communiqué.

Le président: Non, cela vient d'Air Canada.

M. Dave Ritchie: Oui, mais c'est un communiqué.

Le président: C'est l'offre faite aux actionnaires. Il a une lettre. Nous avons l'offre faite aux actionnaires.

Nous sommes du même côté là-dessus, ne vous y trompez pas.

M. Dave Ritchie: En fait, j'ai deux lettres d'Air Canada dans lesquelles les dirigeants s'engagent à négocier une entente avec nos membres qui travaillent pour Canadien, pour les Lignes aériennes Canadien Régional, pour les transporteurs correspondants d'Air Canada, pour Air Canada et dans de nombreux autres secteurs.

Le président: Voici ce que nous allons faire. La greffière en prendra une copie et nous en ferons faire d'autres.

Nous pourrons au moins poser de bonnes questions quand M. Milton comparaîtra la semaine prochaine. Nous aurons ces lettres en main. Qui a raison? Qui dit quoi à qui? Qui essaie de berner qui?

Où en sommes-nous? Je vais donner la parole à M. Hubbard. Monsieur Hubbard, s'il vous plaît.

M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.): On nous parle des Canadiens et de cette prétendue déclaration des droits que vous avez rédigée. Monsieur le président, pour ce qui est du transport maritime, si quelqu'un nous avait dit il y a 50 ans que le Canada perdrait le contrôle de son industrie, les gens ne l'auraient pas cru.

Certains témoins nous ont parlé du cabotage, qui permet à un aéronef de l'Amérique ou d'autres pays de faire escale dans deux ou trois de nos aéroports. Que diriez-vous si, au lieu de donner le droit d'atterrir une seule fois, nous leur accordions le droit de faire escale dans deux ou trois aéroports avant de rentrer dans leur pays d'origine?

• 1915

M. Dave Ritchie: J'aimerais vous demander quel contrôle nous avons alors sur la sécurité? Ils viennent et ils repartent, nous ne pouvons pas les réglementer de sorte qu'ils peuvent faire atterrir ici des avions qui ne respectent pas les règles en matière de sécurité.

M. Charles Hubbard: Vous seriez donc contre le cabotage.

M. Dave Ritchie: Absolument.

M. Charles Hubbard: Dans votre déclaration des droits, vous mentionnez l'attribution aux transporteurs de droits relatifs aux routes et aux capacités qui s'accompagneraient de contrôles et de tarifs. Vous recommandez maintenant au comité qu'il y ait un quelconque organisme réglementaire pour contrôler l'accès aux routes et réglementer les tarifs sur ces routes. Au nom de vos syndicats, vous dites ici qu'un organisme gouvernemental devrait être mis sur pied pour réglementer cet aspect du transport aérien.

M. Dave Ritchie: Oui.

M. Charles Hubbard: Dans le contexte de cet organisme de réglementation, vous dites qu'il faudrait aussi maintenir le service sur certaines routes. Comment atteindriez-vous cet objectif dans le cas de routes non rentables?

M. Dave Ritchie: Je soupçonne que c'est pour cela que vous leur garantissez une certaine rentabilité.

Permettez-moi de vous donner un exemple. Au sein de mon propre syndicat, monsieur, les syndiqués ne payent pas tous les mêmes cotisations syndicales, mais ils obtiennent tous le même service. C'est parce que nous établissons une moyenne. Nous avons des hauts et des bas et nous savons à quoi nous attendre. L'industrie doit en faire de même. Elle sait qu'elle retirera des bénéfices ici et qu'elle perdra de l'argent ailleurs mais c'est là le coût des affaires.

M. Charles Hubbard: Ainsi, d'après vous, cet organisme ferait en sorte qu'une certaine compagnie aérienne qui aurait quatre routes rentables et deux non rentables soit tenue de desservir ces dernières pour le bien du Canada et parce que cette clientèle a droit au transport aérien. Ainsi, la compagnie subventionnerait les deux routes non rentables grâce à ses quatre routes rentables.

M. Dave Ritchie: Oui.

M. Charles Hubbard: Monsieur le président, c'est là une idée nouvelle et ce serait certainement un aspect positif d'un tel organisme de réglementation, particulièrement à l'égard des régions de notre pays.

J'aurais une autre question encore. Vous avez parlé de Hong Kong au sujet de la réparation et de l'entretien des avions. Selon votre vision des choses, d'après tous vos groupes syndiqués, y aurait-il tendance, de la part des différents transporteurs, à faire réparer plutôt leurs appareils à l'étranger.

M. Dave Ritchie: À l'heure actuelle, non.

M. Charles Hubbard: Faudrait-il intervenir par voie réglementaire pour garantir que les transporteurs aériens conservent leur flotte en sol canadien?

M. Dave Ritchie: Oui.

M. Charles Hubbard: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci à vous, monsieur Hubbard. En réalité, cette proposition n'apporte pas grand-chose de nouveau, ne serait-ce que parce que si le gouvernement imposait à une compagnie aérienne de desservir telle ou telle région, la compagnie en question pourrait se rebiffer et dire: si vous voulez que nous le fassions, voici ce que cela coûterait. Ensuite, il y a toute la question de savoir si on peut ou non dicter à une compagnie aérienne quelle devrait être ses dessertes. Cela fait partie de la discussion que nous tiendrons lorsque nous en viendrons à rédiger notre projet de rapport.

Monsieur Casey, s'il vous plaît.

M. Bill Casey: Merci beaucoup.

Cette petite mention me tracasse. J'ignore si nous interprétons les choses de la même manière, Charles, mais cela me tracasse. Je ne parviens pas à percevoir qu'un gouvernement puisse instituer un organisme de réglementation pour dire que la compagnie aérienne A peut relier telle ville à telle ville à tel ou tel moment, mais pas la compagnie B. Vous me comprenez bien? Je ne pense pas qu'il soit réaliste de vouloir réglementer la totalité des vols au Canada. Je ne pense pas que cela soit jamais faisable.

Je ne pense pas non plus qu'on puisse contrôler la tarification, ni que ce soit possible. Ce qui m'inquiète le plus, du moins c'est l'impression que m'ont donné nos intervenants, c'est la concurrence insuffisante qui présidera au contrôle de certains de ces éléments. S'il y a concurrence, c'est la concurrence qui jugera. C'est cela la critique que j'entends le plus souvent. Je me demande ce que vous en pensez.

Et encore une fois, pour en revenir à l'une des questions qui a déjà été posée au sujet des compagnies aériennes régionales, dont la cession avait été proposée au tout début par le ministre, la question demeure entière. Y avez-vous réfléchi?

• 1920

M. Dave Ritchie: Non, je ne pense pas que les compagnies aériennes régionales doivent faire l'objet d'une cession, c'est donc ce que je pense à ce sujet.

C'est lui qui a souligné la question déjà au moment où il avait demandé de l'information au Bureau de la concurrence. Dans leur proposition, ils ne parlaient pas non plus d'une cession. Une fois encore donc, le ministre aurait pu en avoir parlé à un moment donné, mais il n'a pas donné suite du tout, du moins à ce sujet.

Comme je le disais, il y a des gens qui voient là une potentialité et qui disent être prêts à le faire. Nous tenons à ce que vous sachiez que si le comité tranchait dans le sens d'une cession des compagnies aériennes régionales, il y a des gens ici qui seraient prêts à les racheter, et je pense que c'est ce que ces gens voulaient faire comprendre.

Le président: Une petite rectification à ce sujet si vous voulez bien, monsieur Ritchie. Dans la lettre que le Bureau de la concurrence a fait parvenir au comité au moment de sa comparution, il recommandait plutôt la cession complète de toutes les compagnies régionales.

M. Dave Ritchie: Non, il ne l'avait pas recommandé au ministre.

Le président: En effet, il l'avait recommandé à notre comité.

M. Dave Ritchie: Mais j'ai parlé du ministre, monsieur le président. J'ai dit que lorsque le ministre avait demandé au Bureau d'étudier le dossier, le Bureau n'en avait pas alors fait la recommandation au ministre. C'est cela que j'ai dit.

Le président: Vous voulez parler de la lettre qui a été remise au ministre?

M. Dave Ritchie: C'est cela.

Le président: En effet, cette lettre est parvenue d'abord au comité et ensuite au ministre, et dans cette lettre, le Bureau de la concurrence avait effectivement dit que ses recommandations—mes collègues me reprendront si je me trompe, quoique je sois relativement sûr de ce que j'avance—préconisaient la cession intégrale de toutes les compagnies aériennes régionales.

M. Dave Ritchie: Je pense que la lettre dont vous parlez n'est pas la même que celle qu'a reçue M. Hargrove, il ne peut y avoir d'autre explication parce que ce n'est pas cela que nous avons compris.

Le président: Je vais la retrouver et je vais vous la lire.

M. Dave Ritchie: Je vous en remercie.

M. Bill Casey: Mon intervention ne portait pas essentiellement sur la question de savoir s'il devrait ou non y avoir cession, mais sur le fait qu'il n'y a que deux manières de s'y prendre. Si nous optons pour un transporteur dominant, il va falloir réglementer à outrance. Vous penchez vous-même du côté de la réglementation, et je n'essaie pas de vous en dissuader, mais je ne saurais concevoir que le gouvernement accepte de réglementer et de régenter chacune des dessertes, faire les affectation, contrôler ce qui se passe, quitte à réaffecter ensuite, régenter tout cela ainsi que le prix des billets.

Je pense que vous avez raison dans ce que vous dites. Si nous optons pour un transporteur dominant sans concurrence, il va falloir une tonne de règlements, et à mon avis ce n'est pas ce que les gens veulent. Je pense que la plupart des gens préféreraient qu'il n'y ait pas de réglementation mais que ce soit plutôt la concurrence qui régule ce genre de choses.

M. Louis Erlichman (directeur canadien de la recherche, Association internationale des machinistes et des travailleurs de l'aérospatiale du Canada): Le problème est plutôt qu'il n'y a pas de concurrence. Toutes les preuves sont là depuis 20 ans. Si vous prenez le cas des États-Unis, le plus gros marché au monde, il y a trois transporteurs aériens qui contrôlent plus de la moitié du marché, six transporteurs en contrôlent environ les trois quarts, et d'ici le prochain ralentissement, ou à l'occasion de celui-ci, il y aura encore d'autres regroupements.

Par conséquent, dans ce secteur, cette concurrence n'existe pas, cet énorme bond dans le monde de la déréglementation... certains des prétendus experts disaient alors qu'il est très facile de s'introduire dans le secteur du transport aérien: il suffit d'avoir quelques avions, d'engager quelques pilotes, de photocopier un horaire, et voilà, rien de plus facile pour faire de la sous-enchère par rapport à tous ces gros dinosaures. Mais cela ne marche pas.

Certes, les gens aimeraient que les choses se passent de cette façon, mais cela ne sera pas le cas, de sorte que la seule option est la réglementation.

Pour ce qui du genre de réglementation, il ne faut pas nécessairement avoir un organisme réglementaire qui approuve les horaires ou que sais-je encore, on peut procéder de toutes sortes de façons différentes et il va falloir le faire avec beaucoup de souplesse parce que c'est un secteur d'activité très compliqué.

Ce que je veux faire valoir, c'est qu'il n'y a pas vraiment d'alternative, parce qu'il n'y a pas de concurrence dans ce secteur, et qu'il n'y en aura pas même si vous ouvrez la porte aux Américains parce qu'aux États-Unis non plus, il n'y a pas de concurrence. Si vous avez jamais pris l'avion aux États-Unis, vous avez sans doute constaté que le transport aérien n'y est pas moins cher et que le service est pire qu'ici. Les intervenants sont plus forts et plus gros, certes, et pour ce qui est de l'envergure du marché, on peut effectivement affirmer qu'ils sont plus concentrés que nous, de sorte qu'il n'y a pas d'alternative.

Le président: Merci, monsieur Casey.

Monsieur Sekora, je vous prie.

M. Lou Sekora: Merci beaucoup. Vous m'excuserez d'être arrivé en retard, mais quoiqu'il en soit, vous avez dit que lorsque Canadien et American Airlines se sont regroupés, vous avez perdu 700 postes aux États-Unis. Dites-moi je vous prie de quels genres de postes il s'agissait et pour quelle raison ils ont disparu? S'agissait-il d'emplois peu rémunérés, y avait-il une différence de rémunération, de quoi s'agissait-il au juste?

M. Dave Ritchie: Il s'agissait de postes administratifs qui relevaient de notre service des finances. Le service des finances est passé à American Airlines. Cela faisait partie du marché, des 15 millions de dollars versés chaque mois pour la masse salariale du personnel administratif. C'est le marché qui avait été conclu. Cela n'avait rien à voir avec les salaires ou quoi que ce soit. Les deux compagnies aériennes se sont simplement entendues sur un transfert du service, et lorsque American Airlines a commencé à assurer ce service, nous n'étions plus nécessaires.

• 1925

M. Lou Sekora: Il y a quelques instants, vous avez dit à M. Hubbard que si une compagnie aérienne avait quatre envolées rentables, vous leur en donneriez deux qui ne le sont pas. Moi, je suis dans les affaires. Si vous me donniez quatre clients rentables et deux clients qui ne le sont pas, et si les deux clients pour qui je travaille à perte me coûtent plus que ce que les quatre clients rentables me permettent de gagner, à quoi bon? Est-ce que vous, vous accepteriez ce genre de choses?

M. Dave Ritchie: Ici encore, c'est une hypothèse. Je me demande simplement si c'est possible. Oui, c'est possible. Cela pourra se faire de façon raisonnable. Peut-être le service ne va-t-il être assuré qu'une fois par jour, au lieu de deux, trois ou quatre fois par jour, mais le service continuera à être assuré. Il y a plusieurs voies qu'on peut explorer.

M. Lou Sekora: Je vois les choses avec mes yeux d'homme d'affaires. La réalité est que vous me donnez quatre dessertes rentables et deux dessertes qui ne le sont pas. Supposons que les deux dernières vous fassent perdre plus d'argent que les quatre autres ne vous rapportent. Aurais-je le droit de dire, à ce moment-là, non, je ne veux pas de vos dessertes rentables et je ne veux pas non plus de celles qui ne le sont pas?

M. Dave Ritchie: Si vous voulez travailler dans le secteur du transport aérien, vous devez accepter ce que dictent les règlements, ou alors fermer boutique.

M. Lou Sekora: J'ignore si nous pouvons réglementer le fait...

M. Dave Ritchie: Écoutez-moi bien. Au Canada, vous réglementez après tout et n'importe quoi. C'est vrai, non? Il y a des règlements qui me disent où je peux fumer, combien de taxes je dois payer, combien coûte mon abonnement de téléphone.

M. Lou Sekora: Un instant!

M. Dave Ritchie: Et je pourrais continuer jusqu'à demain.

Le président: Silence. Une personne à la fois, je vous prie, je n'en demande pas plus. Vous pouvez répondre avec autant de virulence que vous voulez.

M. Lou Sekora: Vous me dites que ce sont mes règlements qui vous disent où vous pouvez fumer? Pas du tout. C'est le maire, c'est le conseil municipal, qui réglementent cela.

M. Dave Ritchie: Est-ce que vous ne réglementez pas, monsieur, les télécommunications au Canada? Oui ou non? Est-ce que vous ne réglementez pas le secteur bancaire? Je pourrais vous donner des myriades d'exemples de réglementation qui émanent d'ici. Ne me dites donc pas que les règlements ne font pas partie de l'intervention du gouvernement dans la vie quotidienne...

Le président: Silence.

M. Lou Sekora: Monsieur le président, je pense que nous perdons notre temps avec ce témoin étant donné la façon ou l'humeur arrogante qu'il affiche lorsque je l'interroge sur les dessertes rentables et non rentables. Je ne veux pas toute une polémique à ce sujet, je voudrais simplement des réponses.

[Note de la rédaction: inaudible]

Mme Bev Desjarlais: ...

Le président: À l'ordre, Bev. Silence.

M. Lou Sekora: Au bout du compte, je vais devoir décider.

Le président: Monsieur Sekora, avez-vous une question pour M. Ritchie?

M. Lou Sekora: Non, j'ai terminé, merci.

M. Dave Ritchie: Je ne suis pas d'accord avec lui et il n'aime pas ça.

[Note de la rédaction: inaudible]

Une voix: ...

Le président: Silence, je vous prie.

Madame Meredith.

Mme Val Meredith: Merci, monsieur le président.

Monsieur Ritchie, j'aimerais revenir sur quelque chose que vous avez dit et qui semble être une ouverture. Vous avez mentionné les mégacentrales de maintenance qu'on trouve un peu partout dans le monde. N'est-il pas vrai que la réputation du Canada en matière de sécurité et de maintenance aéronautiques est parmi les meilleures au monde?

M. Dave Ritchie: Tout à fait.

Mme Val Meredith: Pourquoi ne pas exploiter cela à l'étranger? Pourquoi n'essayons-nous pas de faire concurrence à ces mégacentrales de maintenance? Pourquoi n'essayons-nous pas d'offrir des services de maintenance aux Américains, aux Japonais et aux Britanniques? Pourquoi n'essayons-nous pas de développer cette industrie? Nous avons notre palmarès, nous avons notre réputation. Pourquoi ne profitons-nous pas de la conjoncture planétaire et pourquoi n'avons-nous pas une de ces mégacentrales de maintenance?

M. Dave Ritchie: Nous offrons déjà des services de maintenance aux compagnies américaines. À l'heure actuelle, Air Canada a à Winnipeg environ 250 personnes qui font du travail de maintenance en sous-traitance pour des compagnies américaines. Nous le faisons déjà.

Mais les centrales dont nous parlons, ces gigantesques installations réunissent les trois points. Cela vous donne une idée de leur envergure. Une de ces mégacentrales est construction au Mexique et les travaux avancent rondement. C'est un autre exemple.

Je ne dis pas que nous ne pourrions pas leur faire concurrence. Je dis que, pour le moment, nous ne sommes pas dans le cadre.

Mme Val Meredith: Mais ce que je dis, c'est que nous pourrions l'être. Je ne veux pointer du droit personne, qu'il s'agisse du gouvernement, de la coopération secteur privé-secteur public ou des partenariats, appelez ça comme vous voulez. Le syndicat dispose de beaucoup d'argent. Pourquoi ne prenons-nous pas pied sur ce marché pour en profiter? Au lieu de craindre l'exode de nos gens, pourquoi ne pas rapatrier tout cela et créer plus d'emplois pour nos travailleurs canadiens?

M. Dave Ritchie: Eh bien, s'il n'y a une chose dont nous avons cruellement besoin, c'est d'une main-d'oeuvre qualifiée dans notre pays. Nous n'avons pas non plus les moyens de prendre des apprentis pour ces emplois.

Mme Val Meredith: Êtes-vous en train de me dire que le Mexique a plus de travailleurs qualifiés pour la maintenance aéronautique que le Canada?

M. Dave Ritchie: Pas pour le moment, mais je vais vous dire une chose: il sont en train de former ces gens.

• 1930

Mme Val Meredith: D'accord. J'imagine que c'est ma question. C'est ce que je vous demande. Pourquoi notre industrie ne forme-t-elle pas des Canadiens pour faire ce travail? Pourquoi n'avons-nous pas un programme d'apprentissage solide que l'industrie soutiendrait? Pourquoi ne faisons-nous pas concurrence aux Mexicains? Ils n'ont pas les compétences qu'il faut en ce moment. Pourquoi attendre qu'ils acquièrent ces compétences.?

M. Dave Ritchie: Mais dans le secteur de la main-d'oeuvre qualifiée partout au pays—pas seulement dans le nôtre mais partout au pays—nous ne sommes pas présents. Nous n'investissons pas l'argent qu'il faut pour former des apprentis et des travailleurs qualifiés dans toutes les industries du pays.

Mme Val Meredith: Je comprends. Ma question est celle-ci, pourquoi pas? Pourquoi l'industrie, les syndicats et peut-être aussi les programmes de recyclage du gouvernement n'y voient-il un rôle que nous pourrions jouer? Pourquoi n'êtes-vous pas, vous et les responsables de l'éducation...

M. Dave Ritchie: Eh bien, en fait...

Mme Val Meredith: ...ne portez-vous pas votre attention sur le recyclage et les programmes d'apprentissage parrainés par les syndicats, et ainsi on n'atteindrait pas que le Mexique ait formé son monde, et nous aurions des gens formés, nous pourrions assurer un bon service et nous pourrions combler cette lacune sur le marché international?

M. Dave Ritchie: Eh bien, en fait, nous avons consulté le gouvernement, l'industrie et le syndicat au sein du CMAC, et nous sommes en train de développer ce que nous croyons être les lignes directrices et les restrictions voulues pour mettre de l'avant ces méthodes de formation. Je peux vous dire qu'il nous a fallu les inventer. Il n'en existait aucune dans bon nombre de ces domaines.

Mme Val Meredith: J'imagine que je réclame davantage un engagement que des lignes directrices. Je veux que l'on engage des fonds et que le syndicat joue un rôle actif. Je suis de la Colombie-Britannique. La plupart des programmes d'apprentissage là-bas sont gérés par l'entremise des syndicats. Je pense que c'est l'initiative que vous pourriez prendre, et vous pourriez vous assurer que les installations de maintenance s'établissent au Canada et non au Mexique.

Ce n'est qu'une observation que je vous laisse méditer.

Le président: Merci, madame Meredith.

Je reviens un peu en arrière, monsieur Ritchie, et je vous remercie tout d'abord de m'avoir adressé des copies de la lettre que vous avez reçue du directeur principal des relations de travail d'Air Canada, qui confirme la lettre du 1er qui a été envoyée à M. Ron Fontaine.

M. Dave Ritchie: En fait, elle m'a été adressée aussi. C'est seulement que je n'avais ma copie aujourd'hui.

Le président: Très bien. Donc, c'est la même lettre?

M. Dave Ritchie: C'est exactement la même lettre.

Le président: C'est exactement la même lettre où Air Canada, dans une lettre du 1er novembre adressée au syndicat dit: «aucun employé syndiqué d'Air Canada... ne sera licencié contre son gré... par suite de la restructuration de notre industrie.»

Puis, deux semaines plus tard, aux actionnaires, dans l'offre d'achat des Lignes aériennes Canadien, le propos est très différent. Air Canada dit: «il n'y aura aucune cessation d'emploi involontaire.» Dans l'esprit de M. Hargrove, il nous l'a dit d'ailleurs aujourd'hui, ce sont là deux propos très différents. Je pense que vous êtes d'accord.

M. Dave Ritchie: Eh bien, je vous dirais...

Le président: Nous allons confirmer cela avec M. Milton lorsqu'il témoignera, mais ce sont deux propos très différents, selon M. Hargrove. Dans une lettre on mentionne des licenciements involontaires, mais dans l'autre on parle de «cessations d'emploi involontaires» des employés.

M. Dave Ritchie: Eh bien, vous voyez, si vous prenez le texte de la loi ontarienne, par exemple, c'est la même chose. Ce sont des termes identiques.

Le président: Eh bien, il n'y a pas que l'Ontario ici.

M. Dave Ritchie: Non, mais on est dans le système fédéral...

Le président: Et le siège social d'Air Canada se trouve au Québec.

M. Dave Ritchie: Mais je parle de la position fédérale sur l'assurance-emploi. C'est la même chose. Si vous êtes licencié pour plus de 16 semaines, il y a cessation d'emploi.

Le président: Alors cela confirme encore plus ce que je dis.

M. Dave Ritchie: D'accord. S'il n'y a pas rappel au travail dans les 16 semaines, il y a cessation d'emploi.

Donc, si vous examinez le libellé ici, il est justement question de cela. Il n'y aura aucune cessation d'emploi d'une manière ou d'une autre...

Le président: Mais ne voudriez-vous pas une précision à ce sujet, monsieur Ritchie? Il serait intéressant, n'est-ce pas, que M. Milton précise le sens exact qu'il donne à ses propos? Je ne vais pas le défendre, et vous n'êtes pas obligé de le défendre non plus, alors pourquoi ne pas lui demander ce qu'il a dit au juste, et l'on pourra alors déterminer s'il parlait de licenciement dans une lettre et de cessation d'emploi dans l'autre.

M. Dave Ritchie: D'accord.

Le président: Il nous faut aussi élucider ce qui est dit dans la lettre du directeur du Bureau de la concurrence à M. Collenette—et il n'a eu qu'une seule lettre—à la page 18 paragraphe 1.6, le Bureau de la concurrence recommande la cession des transporteurs régionaux. Il dit: «La cession de certains ou de tous les transporteurs régionaux affiliés du transporteur dominant pourrait contribuer d'une certaine manière à introduire la concurrence sur les marchés intérieurs.» Puis à la page 19, il ajoute: «Si l'on part de l'hypothèse que la cession des transporteurs régionaux est chose faisable et susciterait des concurrents viables, le gouvernement devrait se pencher...», et il se penche plus loin sur ces questions.

• 1935

M. Louis Erlichman: Ce n'est pas une recommandation.

M. Dave Ritchie: Non, il dit: «Au cas où...»

Le président: Monsieur Erlichman, il y a longtemps que vous êtes dans le secteur et vous connaissez ce genre de rapports. Le directeur et le Bureau de la concurrence sont favorables à la concurrence. Ils disent que la cession encourage la concurrence. On en retient donc naturellement l'impression, moi du moins, que le Bureau de la concurrence est donc favorable à la cession, après examen plus complet.

M. Louis Erlichman: Eh bien, dans la phrase que vous n'avez pas lue, il dit:

    Nous n'avons pas eu la possibilité d'utiliser cette option en détail, et il nous faudrait mener une étude complète de la fusion avant de recommander ce recours.

Le Bureau n'a donc fait aucune recommandation. Il dit que c'est une possibilité, et si cela devait se produire, il y imposerait certaines conditions.

Le président: C'est là où nous sommes d'accord. C'est une possibilité. Le Bureau de la concurrence y voit certes un stimulant à la concurrence, et c'est justement toute sa raison d'être: encourager la concurrence.

M. Joe Comuzzi: J'invoque le Règlement, monsieur le président.

Deux choses. Premièrement, il serait bon de prendre connaissance des propos que M. Milton a tenus lorsqu'il a témoigné devant le comité, lorsque nous avons parlé de cette question des licenciements involontaires et de ces cessations d'emplois. Il en a parlé, et il a dit comment il traiterait les employés de Canadien. Nous pourrions donc obtenir de la greffière la transcription de ces propos—pas toute la transcription, juste cette partie-là.

Le président: Les épreuves.

M. Joe Comuzzi: J'interrogeais M. Milton à ce moment-là.

Le président: Bien sûr.

M. Joe Comuzzi: Deuxièmement, monsieur Ritchie—et j'ai interrogé M. Milton sur cette question à ce moment—lorsque vous parlez... Je veux m'assurer d'abord que j'ai bien compris. Les Lignes aériennes Canadien et les Lignes aériennes Canadien régional confient l'entretien de leurs aéronefs à des entrepreneurs indépendants. Ce n'est pas le cas d'Air Canada.

M. Dave Ritchie: C'est exact.

M. Joe Comuzzi: Lorsque M. Milton a parlé des employés de Lignes Aériennes Canadien, je lui ai demandé s'il parlait aussi de ces entrepreneurs indépendants qui ont la responsabilité d'assurer l'entretien des aéronefs de cette ligne aérienne, donc si, lorsqu'il parlait d'employés, il comprenait ceux qui n'étaient peut-être pas protégés par une convention collective. Je voulais seulement le préciser. J'ai la certitude que c'est ce que vous avez... ou n'avez peut-être pas compris. Je ne veux pas vous faire dire ce que vous n'avez pas dit. Quand on parle de ces lettres, croyez-vous qu'il s'agit aussi de ces personnes qui ne sont peut-être pas syndiquées ou pas bien représentées par un syndicat et qui sont désignées comme entrepreneurs indépendants?

M. Dave Ritchie: Et bien, cette lettre ne s'adresse pas à ces personnes, et en fait, nous représentons ces personnes—Hudson General et tous les autres.

M. Joe Comuzzi: Et il y a les petits centres partout au pays. Il y a plusieurs autres entreprises, qui sont de petites entreprises, avec deux ou trois employés.

M. Dave Ritchie: Oui. Et nous représentons la vaste majorité des fournisseurs de services dans notre pays. Cette lettre n'intéresse que les personnes qui y sont mentionnées. Nous ne représentons pas ces gens.

M. Joe Comuzzi: Et bien, monsieur le président, j'aimerais que ces personnes soient incluses, comme M. Milton... Et il est très important d'obtenir une copie de la transcription parce qu'il m'a confirmé, lorsque nous parlions des employés—et le terme du droit du travail s'applique ici—que ces mesures s'appliqueraient également aux entrepreneurs indépendants qui travaillent pour les Lignes aériennes Canadien. Je pense que c'est peut-être important.

M. Dave Ritchie: Voilà pourquoi j'ai parlé des gens d'InterCanadien. Comme je l'ai dit, nous représentons 1 000 de ces employés. Il s'agit en fait d'un entrepreneur indépendant qui a des contrats avec les Lignes aériennes Canadien. Ils ne sont pas du tout visés par cette restructuration régionale. Quand nous avons reçu cette réponse de M. Milton—et les gens d'Onex nous ont dit la même chose aussi—une des raisons pour lesquelles notre syndicat a rejeté cette proposition, c'était entre autres parce qu'elle n'aidait en rien l'ensemble de l'industrie, et ce sont ces employés que nous devons défendre. Il ne s'agit pas d'une entreprise en particulier ou d'une autre.

M. Joe Comuzzi: Je n'ai plus de questions, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Comuzzi.

M. Joe Comuzzi: Je pense qu'il importe de donner suite à cela.

Le président: Merci, chers collègues, et merci, monsieur Ritchie, monsieur Blais et monsieur Erlichman, pour votre exposé au comité, le vidéo, et pour vos réponses à nos questions.

Nous allons faire une pause de deux minutes pour donner le temps à nos prochains témoins de s'approcher.

Merci, chers collègues, la séance est suspendue.

• 1940




• 1947

Le président: Chers collègues, notre dernier témoin ce soir nous vient du CTC, le Congrès du travail du Canada. Son porte-parole, M. Hassan Yussuff, nous fera un exposé. Il s'agit du vice-président exécutif. Nous recevons également M. Kevin Hayes, économiste principal, et M. Cliff Andstein.

Que faites-vous, monsieur Andstein, conseiller juridique?

M. Cliff Andstein (adjoint exécutif au président, Congrès du travail du Canada): Je suis l'adjoint exécutif du président. Je ne suis pas avocat.

Le président: Et bien, un bon point pour vous—je plaisante.

Chers collègues, le Comité permanent des transports souhaite la bienvenue au CTC. Il nous tarde d'entendre votre exposé, qui devrait durer entre 10 et 12 minutes, après quoi nous passerons aux questions.

M. Hassan Yussuff (Vice-président exécutif, Congrès du travail du Canada): Merci. Au nom du Congrès, nous remercions le comité de nous avoir invités. Nous pensons que c'est une question importante pour nos membres et nos affiliés, et je pense que moment est bien choisi pour faire état du sérieux du problème dans la perspective du Congrès.

Je vais vous lire une bonne partie de notre mémoire, mais je sauterai certaines parties afin que nous ayons le temps de répondre à vos questions à la fin de la séance.

Au nom de nos 2,3 millions de membres, nous tenons à remercier le Comité permanent des transports de nous donner l'occasion de présenter notre point de vue au sujet de la politique nationale sur le transport aérien.

Nous tenons à traiter des principes sur lesquels repose la politique sur le transport aérien, tels que le besoin de réglementer le transport aérien intérieur comme le transport transfrontalier et international, le besoin de fournir des services aériens de qualité à toutes les communautés du Canada, le maintien de normes élevées et la mise en oeuvre de la sécurité aérienne, l'importance du maintien d'emplois au Canada, et la pleine protection du personnel des transporteurs aériens en cas de restructuration.

Nous reconnaissons que le système canadien de transport aérien intérieur devra être rationalisé et restructuré.

Nous voulons en outre traiter de questions de propriété telles que la participation maximale par actionnaire, la restriction de la propriété étrangère et la réglementation des lignes aériennes nationales.

La crise actuelle influe sur chaque Canadien ou Canadienne et sur chaque communauté du Canada. Nous nous inquiétons vivement du sort qui est réservé aux deux transporteurs nationaux canadiens et à leur personnel. Mais nous nous inquiétons également des prix des billets d'avion, de la qualité des services assurés aux petites villes et dans les vastes régions du Canada ainsi que de la viabilité des entreprises qui fournissent d'importants biens et services à l'industrie et du personnel des ces entreprises.

• 1950

Il incombe au gouvernement de défendre l'intérêt du public, c'est-à-dire des consommateurs et consommatrices, des communautés et des travailleurs et travailleuses, et cela nécessite la réglementation et la direction de la concurrence sur le marché intérieur canadien. Nous voulons que le Parlement approuve toute restructuration de l'industrie du transport aérien à condition qu'elle assure une concurrence dirigée et une protection du personnel des lignes aériennes.

Permettez-moi de commenter la crise et la façon dont le gouvernement l'a gérée. Cette crise a bouleversé nos syndicats et nos membres. Attendu la base régionale des deux transporteurs nationaux, la guerre des lignes aériennes a favorisé des frictions inutiles entre les provinces et entre les travailleurs et travailleuses. Les hostilités entre la direction et les actionnaires des deux transporteurs ont, à la faveur de l'inaction du gouvernement, semé la dissension dans les lieux de travail des deux transporteurs en conflit.

Quand il y a concurrence destructrice, comme dans toutes les guerres, celle-ci cause énormément de gaspillage et une souffrance humaine ainsi qu'une destruction inutiles. Comme dans toutes les guerres, il faudra de grands efforts pour réparer les dégâts, et certains ne seront jamais réparés. Des centaines de millions de dollars, qui auraient pu être employés de manière productive pour restructurer notre système de transport aérien, seront gaspillés pour payer des avocats, des annonces dans les journaux et des pilules empoisonnées.

Ce qui est particulièrement tragique pour le personnel des transporteurs aériens, voire pour tous les Canadiens et les Canadiennes, vu l'ampleur des enjeux, c'est qu'au cours de cette guerre qui dure depuis trois mois, on n'a même pas effleuré les principales causes de la crise: la déréglementation et la concurrence destructrice.

Voici certains des effets de la déréglementation et de la concurrence: Air Canada et Canadien n'atteignent pas le seuil de rentabilité si l'on tient compte de toute la période qui s'est écoulée depuis la déréglementation; il y a surcapacité chronique sur le marché intérieur; les prix des billets, même si on tient compte des soldes de places, ont augmenté beaucoup plus rapidement que l'ensemble des prix; les frais modérateurs ont augmenté, et la qualité des services a baissé dans l'ensemble du pays, mais particulièrement dans les collectivités isolées.

Je me contenterai maintenant de souligner quelques observations dans cette partie de notre mémoire.

Toute concurrence qui n'a pour effets que de hausser les prix, de réduire les services et de sabrer massivement dans un transporteur national et ses effectifs ne peut être qualifiée que de destructrice. Cette concurrence a semé la dissension dans l'ensemble du pays et en milieu de travail. L'héritage d'une industrie du transport aérien intérieur non réglementée se livrant à une concurrence destructrice a été très coûteux pour tous les Canadiens et les Canadiennes. Il a collé d'énormes dettes aux transporteurs, envenimé les relations de travail et accru les tensions entre les régions.

On dispose indéniablement d'amples preuves de l'échec de la déréglementation et de la concurrence dans notre secteur du transport aérien. La structure actuelle de ce secteur ne saurait être maintenue et doit être modifiée.

Pour ce qui est de diriger la restructuration, il est clair que la politique sur le transport aérien déborde de beaucoup le cadre des intérêts étroits des actionnaires et des investisseurs. Il faut que les travailleurs et les travailleuses puissent, par l'entremise de leurs représentants syndicaux, participer à la prise de toute décision sur la restructuration de notre industrie du transport aérien. Le gouvernement doit défendre l'intérêt du grand public.

La restructuration pourrait poser la base d'une industrie plus forte, plus efficace et plus stable sur le plan financier, ce qui serait profitable aux consommateurs et consommatrices et aux travailleurs et travailleuses et favoriserait l'intérêt du grand public. Toute restructuration doit réduire au minimum les difficultés éprouvées par le personnel des transporteurs aériens. À cette fin, il faut que le gouvernement fédéral supervise et contrôle directement le rendement de l'industrie restructurée.

Les enjeux sont très élevés pour le personnel des transporteurs aériens et les milliers de personnes qui travaillent pour les employeurs fournissant des biens et des services à ces transporteurs. Une grande partie des risques que courent les travailleurs et les travailleuses auraient pu être éliminée si le gouvernement avait donné le pas à l'établissement d'une politique nationale sur le transport aérien.

Le mouvement syndical a nettement à voir à ce que les milliers de personnes qui travaillent pour les transporteurs aériens et qu'influencera directement toute restructuration soient dûment protégés contre les effets négatifs de la restructuration et de la rationalisation inévitables de l'industrie. Si celles-ci sont réalisées à plus long terme, il se peut, en fait, qu'il n'y ait aucune mise à pied.

Ce que le gouvernement doit faire: nous réglementons le transport aérien international et nous dirigeons la concurrence transfrontalière. Il s'ensuit que les deux transporteurs se portent plutôt bien quant au trafic international et transfrontalier. Il est indispensable de recommencer à réglementer les services intérieurs afin d'empêcher les prix des billets de monter en flèche et d'assurer un plein service à toutes les communautés. Il faut recourir au plein éventail d'outils d'intervention réglementaires, financiers et autres pour créer une industrie du transport aérien stable et viable dans l'intérêt de toute la population canadienne.

C'est pourquoi nous sommes heureux que le ministre se soit engagé à adopter une loi accroissant la responsabilité du gouvernement de contrôler les prix, permettant aux transporteurs régionaux d'élargir leurs services intérieurs et assurant un accès équitable des nouveaux venus sur le marché au système de réservation des billets.

• 1955

Nous sommes d'avis que le contrôle canadien nécessite la restriction de la participation de tout actionnaire à 10 p. 100 des actions et la propriété étrangère à 25 p. 100. Or, il ne servirait peut-être à rien d'imposer des limites de participation sans contrôler les principaux services et les principales alliances avec des transporteurs étrangers. Comme nous sommes en train de l'apprendre, le contrôle et la direction du système de réservation importe peut-être beaucoup plus que les actions avec ou sans droit de vote. Nous voulons que le système de réservation demeure au Canada.

Nous nous inquiétons de la propriété étrangère de nos transporteurs aériens et de l'accès des transporteurs étrangers au marché canadien. Aucun pays ne permet à des transporteurs étrangers de concurrencer ses propres transporteurs sur son marché intérieur. Nous ne voulons pas que notre marché soit rendu accessible à des transporteurs étrangers qui choisiront les routes les plus lucratives sans être obligés de fournir des service aux petites villes et aux collectivités isolées. En somme, nous voulons que les limites de contrôle étranger soient élargies.

Des prescriptions de contenu canadien devraient être mises en application de manière à voir à ce que tous les transporteurs faisant affaire au Canada aient une certaine proportion d'emplois canadiens.

Pour compenser le coût de la surcapacité, il faudra que les transporteurs maintiennent des prix élevés. Tant qu'il y aura une capacité excédentaire, les prix des billets ne pourront pas baisser.

Nous voulons que l'on prenne l'engagement de ne pas licencier par suite de toute restructuration. Nous voulons maintenir un nombre maximal d'emplois, et nous voulons voir à ce que toute élimination d'emplois se déroule par l'érosion normale des effectifs et grâce à des programmes d'encouragement au départ.

L'avenir économique de tous les employés et employées désignés excédentaires au cours de la restructuration de l'industrie doit être protégé en vertu du recours à l'érosion normale des effectifs, à des mesures d'encouragement à la préretraite, à des options de départ volontaire, à des programmes de congés, à des mutations volontaires et à d'autres programmes de réduction des effets négatifs.

Nous voulons aussi que toute restructuration comprenne un engagement à ne pas licencier, et que cet engagement soit appuyé par un programme gouvernemental d'aide aux travailleurs et travailleuses englobant ce qui suit: soutien du revenu, recyclage, aide à la recherche d'emploi et à la réinstallation et priorité d'accès aux emplois vacants dans l'industrie. Si la restructuration était échelonnée sur au moins trois ans et soutenue grâce à des dédommagements financés par les investisseurs et le gouvernement, on pourrait éliminer plusieurs milliers d'emplois sans procéder à une seule mise à pied.

Nous demandons qu'aucun employé ou employée actuel ne soit réinstallé contre son gré, que toutes les conventions collectives en vigueur soient honorées et qu'aucun emploi ne passe du Canada à l'étranger. La sécurité d'emploi du personnel des transporteurs aériens ne devrait pas être liée au succès ou à l'échec de prises de contrôle, de pilules empoisonnées et d'offres publiques d'achat hostiles.

Pour que ces mesures puissent être prises dans l'intérêt de tous les Canadiens et Canadiennes, il faut que le gouvernement adopte une politique appropriée. Pour le moment, notre politique nationale sur le transport aérien est établie par des actionnaires et des transporteurs étrangers plutôt que par le gouvernement et le Parlement. Les ententes contractuelles conclues par les deux transporteurs aériens avec des partenaires étrangers au sein d'alliances internationales ont réduit la capacité de ces transporteurs de répondre aux besoins de notre système intérieur. Les décisions se prennent actuellement dans l'intérêt de sociétés étrangères plutôt que dans celui de la population du Canada.

Ce document est présenté respectueusement au nom du Congrès du travail du Canada.

Le président: Merci beaucoup de votre exposé, monsieur Yussuff.

Madame Meredith, vous avez la parole.

Mme Val Meredith: Merci, monsieur le président, et merci à vous, monsieur Yussuff.

Combien de vos 2,3 millions de membres travaillent dans l'industrie canadienne de l'automobile?

M. Hassan Yussuff: Je dirais environ 50 000 chez les trois grands, et dans le secteur des pièces, il y en a entre 40 000 et 50 000.

Mme Val Meredith: Pouvez-vous m'expliquer pourquoi il est acceptable que l'industrie automobile canadienne appartienne à des intérêts étrangers et que cela ne l'est pas dans le cas de l'aviation?

M. Hassan Yussuff: Le Canada est très vaste. Il est dans l'intérêt public que les citoyens puissent se déplacer d'un bout à l'autre du pays. Nos politiques de transport aérien et de chemin de fer doivent garantir aux Canadiens qu'ils peuvent se déplacer d'un bout à l'autre du pays et en région. La politique nationale de l'aviation commerciale doit en tenir compte. Rien ne nous garantit que nos concurrents étrangers permettront aux Canadiens de voyager d'un bout à l'autre du pays, comme c'est le cas actuellement.

Mme Val Meredith: Je veux bien, mais je ne parle pas de concurrence étrangère, comme dans le cas du cabotage. Je parle de propriété étrangère.

Lorsque l'on plafonne le degré de propriété étrangère à 25 p. 100, on sous-capitalise une industrie qui a besoin de beaucoup de capitaux pour soutenir la concurrence. Je suis curieuse: pourquoi jugez-vous acceptable qu'on permette que l'investissement étranger atteigne 100 p. 100 dans trois des cinq plus grandes compagnies canadiennes? Elles donnent de l'emploi à beaucoup de Canadiens et sont assujetties aux lois du Canada. Elles ne délocalisent pas les emplois. Elles viennent ajouter à ce secteur, en quelque sorte.

• 2000

Pourquoi est-ce acceptable dans l'industrie automobile, alors que vous ne voudriez pas que des capitaux du même ordre soient injectés... On pourrait toujours maintenir le contrôle canadien si la barre était placée à 49 p. 100. Vous pourriez autoriser l'investissement de capitaux qui permettrait à nos compagnies aériennes d'être bien gérées et concurrentielles sur le marché international. En plus, les emplois resteraient au Canada sous contrôle canadien. Pourquoi est-ce bon pour une industrie et pas pour l'autre?

M. Hassan Yussuff: La règle des 25 p. 100 permet au gouvernement de réglementer l'industrie, ce qui a bien servi nos intérêts. Si l'on déplafonne le degré de contrôle étranger, on ne pourra plus revenir en arrière. En vertu de l'ALENA, ce ne sera plus possible, car on ne pourra pas revenir en arrière. Jusqu'à présent, personne ne soutient que la limite des 25 p. 100 est inefficace et nuit à l'industrie. Cette crise n'est pas attribuable au plafond de 25 p. 100.

Mme Val Meredith: Pourquoi n'envisageriez-vous pas de porter la limite à 49 p. 100, ce qui est toujours en deçà de la participation majoritaire, le contrôle étant toujours détenu par le Canada et les Canadiens, tout en autorisant l'investissement de capitaux étrangers?

M. Hassan Yussuff: Encore une fois, c'est la recommandation. À notre avis, ce n'est pas l'origine du problème d'aujourd'hui et nous ne voyons pas l'utilité de changer cette règle.

Mme Val Meredith: Qu'en est-il de la règle des 10 p. 100, qui est tout à fait distincte du degré de participation étrangère? Elle interdit à un actionnaire de détenir plus de 10 p. 100 du capital. Si un Canadien fortuné voulait avoir une participation de 30 p. 100 dans l'industrie aérienne ou dans Air Canada, pourquoi refuseriez-vous à l'industrie une injection de capitaux qui la rendrait plus solide? Pourquoi limiter la participation à 10 p. 100 au pays?

M. Hassan Yussuff: Au moment de la privatisation d'Air Canada, la règle a été instaurée pour veiller à ce que la population en général ait une chance raisonnable d'acheter des actions sans que personne soit en situation dominante. Qu'arriverait-il à la compagnie si quelqu'un déterminait ses moyens d'action?

Pour nous, la politique a été efficace et personne n'a dit qu'elle fait problème. La question ne s'est posée que lorsque Onex a fait son offre. Elle veut que la règle des 10 p. 100 soit changée. C'est le seul cas où la règle n'aurait pas fonctionné.

Mme Val Meredith: Mais elle n'a pas fonctionné. Elle n'a pas permis d'injecter des capitaux dans l'entreprise. Air Canada n'est pas vraiment lucrative depuis 10 ans. M. Hargrove nous a montré un tableau qui indique qu'elle n'est pas rentrée dans ses frais même après plusieurs années. C'est la même chose pour Petro-Canada et j'imagine que le Canadien National se retrouvera un jour dans la même situation.

Lorsqu'on limite les capitaux qui peuvent être investis pour rendre une entreprise concurrentielle, on limite la possibilité de création d'emplois et de croissance de l'industrie. Est-ce là l'intérêt public? Ne devrait-on pas plutôt, au contraire, encourager les gens à investir des capitaux dans nos industries pour créer de la croissance et de la concurrence sur le plan international?

M. Hassan Yussuff: Encore une fois, madame Meredith, si vous considérez la capacité de toutes les compagnies aériennes, le trafic voyageur a énormément augmenté. Depuis cinq ans, le nombre de voyageurs dans ce secteur a connu une énorme expansion. Certains soutiendront que si la règle disparaissait, il y aurait plus de joueurs. J'imagine que cela pourrait être le cas, si quelqu'un voulait investir dans l'industrie.

Encore une fois, le problème ici ce n'est pas la règle des 10 p. 100. Il s'agit de voir comment rendre l'industrie lucrative. Cela n'a rien à voir avec le nombre d'actions qu'un investisseur peut détenir. La question est de savoir comment rendre l'industrie lucrative. Cela nous ramène à la situation du marché intérieur. C'est de là que vient la crise.

Mme Val Meredith: Mais on nous a soutenu que c'est une industrie à très forts coefficients de capitaux. Si vous limitez l'investissement en capitaux, vous limitez sa capacité d'avoir de l'équipement moderne et d'offrir des routes à l'étranger. Ni Canadien ni Air Canada n'exploite à fond leurs liaisons internationales faute de capital et cela coûte des emplois. Il y a des Canadiens qui ne travaillent pas et qui pourraient travailler si les compagnies prenaient de l'expansion.

Il s'agit donc de pouvoir investir des capitaux dans un système à très forte capitalisation.

• 2005

M. Charles Hubbard: J'invoque le Règlement, monsieur le président. Le témoin a donné sa réponse et les députés ne devraient pas essayer de rallier les témoins à leur point de vue. C'est arrivé à deux reprises ce soir, et cela n'est pas juste pour un témoin qui vient nous expliquer pourquoi il est en faveur de telle ou telle position.

Le président: Ce n'est pas vraiment un rappel au Règlement, mais votre intervention a été faite, monsieur Hubbard. Cela va être porté au compte rendu.

Vouliez-vous répondre à ces interventions, monsieur Yussuff, avant d'enchaîner?

M. Hassan Yussuff: Il ne fait pas de doute qu'on a besoin de capitaux dans l'industrie aérienne. Mais la crise actuelle n'est pas attribuable au manque de capitaux. C'est le contraire. La compagnie a le potentiel d'être bénéficiaire. Le problème, c'est lorsqu'une compagnie offre constamment un service qui fait double emploi avec des avions à moitié vides à la même heure et vers la même destination... L'origine du problème, c'est la capacité de maximiser les rendements.

Toutes sortes de gens peuvent investir dans l'industrie, mais s'il n'est pas possible de faire des bénéfices, je ne vois pas où l'on va aboutir avec ce genre de politique. La question est de savoir comment nous allons permettre aux compagnies aériennes de maximiser leur potentiel bénéficiaire tout en reconnaissant l'origine du problème. L'origine du problème ce n'est pas une pénurie d'investisseurs, c'est la difficulté de maximiser le rendement lorsque l'on fait voler des avions à moitié vides.

Le président: Je trouve fort intéressant que la députée et le témoin, M. Hubbard, disent presque exactement la même chose. Si l'un n'a rien à voir avec l'autre, pourquoi se soucier de la règle des 10 p. 100? Ce que je trouve fascinant, c'est qu'un syndicat dit vouloir ces 10 p. 100 tandis que l'autre ne se soucie même pas de savoir si cette règle doit exister. Même les pilotes d'Air Canada disent qu'il faut la supprimer et un autre représentant syndical ici aujourd'hui, M. Hargrove, dit que cela va nuire aux emplois, qu'il faut la faire disparaître. Nous essayons de comprendre à quoi tient cette divergence de vues entre les syndicats, les pilotes, etc.

Monsieur Calder.

M. Murray Calder: Merci beaucoup, monsieur le président. C'est exactement ce dont je voulais parler.

Vous avez mis le doigt dessus, parce qu'on nous a confié la tâche de trouver la politique qui remettra l'industrie aérienne d'aplomb et je pense que pour cela il faut savoir à quoi l'industrie est censée ressembler. Êtes-vous d'accord?

M. Hassan Yussuff: Oui.

M. Murray Calder: J'ai demandé à chaque témoin de nous dire ce qu'il envisageait pour l'industrie et je vais vous poser la même question. Comment concevez-vous l'industrie aérienne idéale et la plus efficace au Canada? Une fois que j'aurai cette image en tête, le comité pourra s'employer à élaborer la politique.

M. Hassan Yussuff: Si je connaissais toutes les réponses à vos questions, je ne serais pas ici aujourd'hui. Je vais essayer honnêtement de vous donner les suggestions et les recommandations du Congrès du travail.

Nous imaginons une industrie qui a la capacité de grandir, une industrie qui réalise des bénéfices sur les liaisons qu'elle assure. Comme le marché intérieur est actuellement non réglementé, nous ne voyons pas comment cela peut se produire dans le court ou le long terme. Ce que nous recommandons au comité, c'est que l'industrie intérieure soit réglementée.

Par ailleurs, même si Canadien et Air Canada assurent un service important aux principales villes du pays, les régions elles aussi doivent être aussi bien desservies. Elles le sont actuellement par les transporteurs régionaux. Si l'industrie doit être réorganisée, cela aura de très vastes conséquences parce que pour me rendre dans les endroits éloignés, je dois prendre l'avion. Je peux prendre Air Canada ou Canadien pour me rendre dans une grande ville et, de là, je prends un transporteur régional.

On a dit tout à l'heure que pour survivre les transporteurs régionaux doivent pouvoir amener des voyageurs aux deux compagnies nationales. Si ces deux compagnies nationales ne peuvent plus alimenter les transporteurs régionaux, il y aura des problèmes. Les régions auront peu ou pas accès aux liaisons aériennes.

• 2010

Ce que je dis au comité, c'est qu'il faut une réglementation, un organisme, une structure apparentée à celle du CRTC où la population pourrait faire des recommandations au gouvernement à intervalles réguliers au sujet de l'accès au service, des tarifs et des capacités de réagir. Après tout, nous représentons la deuxième masse continentale du monde. La déréglementation et la restructuration de l'industrie doivent en tenir compte.

M. Murray Calder: C'est un bon départ.

Le problème actuellement c'est que nous avons deux transporteurs. Ils se trouvent dans les mêmes aéroports au pays, ils décollent à quelques minutes d'intervalle l'un de l'autre et ils volent pratiquement côte à côte et dans les deux cas leurs avions sont à moitié vides. On nous a déjà dit aujourd'hui qu'au lieu d'avoir 20 avions qui volent à moitié vides, il serait beaucoup plus sensé d'avoir 10 avions qui volent pleins. Comment y parviendriez-vous dans votre idéale industrie aérienne?

M. Hassan Yussuff: Cela est sensé. Si l'industrie ne peut pas y arriver elle-même, c'est au gouvernement de dire qu'il faut une réglementation dans ce secteur. Nous avons vu l'effet destructeur des politiques ces dernières années, depuis la dernière crise. Rien n'a changé. Nous sommes exactement là où nous en étions il y a trois ou quatre ans.

Votre suggestion est parfaitement sensée. Que deux compagnies aériennes aient une liaison vers la même destination en même temps avec des appareils à moitié vides n'améliore en rien la possibilité pour les Canadiens de se rendre dans les régions. Nous n'utilisons pas le service qui pourrait exister.

Par exemple, la réglementation pourrait interdire à deux compagnies aériennes de décoller en même temps et d'aller dans la même direction. Il pourrait y avoir un échelonnement. Il pourrait y avoir toutes sortes de recommandations sur la façon d'améliorer le service si la capacité augmentait. Il serait tout à fait logique aux termes de ces audiences d'examiner concrètement l'industrie et de dire, que pouvons-nous faire pour veiller à ce que l'on ne se retrouve pas avec la même crise dans trois ans?

Cela convient tout à fait au Congrès du travail. Je traverse le pays en avion aussi souvent que les membres du comité. Je sais qu'il faut un horaire, mais s'il faut que j'adapte mon emploi du temps, je vais le faire.

Le président: Merci, monsieur Calder.

Monsieur Guimond.

[Français]

M. Michel Guimond: Monsieur Yussuff, je veux vous dire dès le départ que je suis entièrement d'accord sur votre proposition selon laquelle le contrôle canadien nécessite la restriction de la participation de tout actionnaire à 10 p. 100 des actions et la propriété étrangère à 25 p. 100. Cela correspond entièrement à ma vision et à celle de mon parti.

Le président de notre comité a mis l'accent sur certaines contradictions entre des éléments de votre mémoire et des éléments de mémoires de témoins précédents. Je ne veux pas manquer de respect envers mes collègues, mais j'ai travaillé 16 ans dans le domaine des relations de travail avant d'être député. Est-ce que je me trompe en disant que le Congrès du travail du Canada est une grande centrale à laquelle appartiennent des unités, des syndicats, des fédérations affiliées, mais que par ailleurs, le Syndicat des travailleurs unis de l'automobile, le Syndicat canadien de la fonction publique et l'Association internationale des machinistes ont une certaine autonomie dans leur pensée et dans leur prise de position même s'ils font partie du Congrès du travail du Canada. Est-ce exact?

[Traduction]

M. Hassan Yussuff: Oui, c'est vrai. Le Congrès du travail du Canada est une organisation affiliée. Les syndicats qui ont comparu devant vous—TUA, AIM, SCFP—sont affiliés au Congrès du travail du Canada. Notre mémoire regroupe dans une grande mesure la position de ces syndicats.

Nous devons aussi nous entendre sur ce qu'est l'intérêt public. Cela ne signifie pas qu'il n'y aura pas divergence de vues sur tel ou tel point. C'est tout à fait normal. Au bout du compte, nous sommes ici pour façonner la politique gouvernementale dans l'intérêt de la population et des syndicats.

• 2015

[Français]

M. Michel Guimond: Comme centrale syndicale, vous désirez que les travailleurs et les travailleuses de l'industrie du transport aérien du Canada soient solidaires et travaillent ensemble face à la restructuration qui s'annonce. Cependant, il y a un corollaire à cela. Le président de l'un de vos affiliés a pris carrément position en faveur d'une offre plutôt que d'une autre. Trouvez-vous cela rassembleur? Trouvez-vous que c'est un discours d'unité que d'opposer l'Est à l'Ouest, les Bleus aux Rouges, Montréal à Calgary? Est-ce rassembleur? Quand M. Hargrove a fait cette sortie en faveur de la proposition d'Onex, quelle a été votre réaction?

[Traduction]

Le président: Je ne sais pas si cela correspond à ce que l'on essaie d'étudier ici, monsieur Guimond.

M. Michel Guimond: J'aimerais connaître sa réaction.

Le président: Est-ce qu'il s'agit de consultation psychologique? Je ne suis pas certain, mais, monsieur Yussuff, si vous...

M. Hassan Yussuff: Soyons honnêtes ici. Buzz Hargrove représente ses membres. Il a tout à fait le droit de parler en leur nom et il en va de même pour les autres syndicats affiliés qui ont comparu devant le comité. Je pense que Buzz essaie de représenter le mieux possible ses membres au cas où l'offre d'Onex serait retenue. Tous les syndicats affiliés qui ont comparu devant vous essaient d'en faire autant. Ils essaient de protéger leurs membres du mieux possible dans le cadre de la restructuration de l'industrie. C'est donc à chaque syndicat de se prononcer sur la façon d'aborder la question.

Cela ne nous dérange pas. C'est à eux de décider ce qui leur convient le mieux. Il va sans dire que le Congrès essaie d'être rassembleur. D'après l'exposé des deux syndicats que j'ai entendus, il y a une grande communauté de vues sur l'objectif à atteindre, notamment sur la réglementation et sur la forme que devrait prendre l'industrie.

Le président: Merci, monsieur Yussuff.

M. Sekora nous a quittés. Bev Desjarlais.

Mme Bev Desjarlais: Stan m'a dit que je ne peux pas faire une déclaration et que je dois poser une question. Il me regardait...

Le président: Non, c'est votre tour de cinq minutes; vous pouvez faire ce qui vous plaît.

Mme Bev Desjarlais: Je vais poser une question après un préambule.

Tout le monde, ou presque semble penser, que la règle de propriété étrangère de 25 p. 100 ou celle des 10 p. 100 dans la Loi sur Air Canada est la raison pour laquelle l'industrie est en si mauvaise situation et qu'on la sauvera si on change ces règles.

J'ai du mal à comprendre pourquoi les gens ne peuvent pas voir que lorsque Air Canada était lucrative avant sa privatisation, puis elle a été privatisée et a commencé ceci—et j'aime votre terme—cette guerre, qui a causé un énorme gaspillage, des souffrances et de la destruction inutile parce que ça été la destruction inutile d'une industrie aérienne et d'une compagnie qui était lucrative... Littéralement, nous avons vu une compagnie perdre de l'argent et l'autre être graduellement évincée, et j'ai l'impression que c'est une bataille de coqs, et que l'un doit mourir pour que l'autre survive. J'ai du mal à comprendre pourquoi les gens ne peuvent pas voir que la raison que nous sommes dans cette situation c'est à cause de la déréglementation de l'industrie aérienne intérieure.

Cela dit, pouvez-vous me dire comment nous pouvons faire comprendre aux Canadiens, au comité, à la population en général, que le mot «règlement» n'est pas quelque chose d'horrible et de détestable? Nous avons des règlements que l'on appelle des lois dans notre système pénal et personne n'est contre. Pourquoi faut-il, lorsque l'on parle d'entreprise et de réglementation, que ce soit détestable? Savez-vous comment on peut changer cet état d'esprit dans la population?

• 2020

M. Hassan Yussuff: Si vous posiez la question aux citoyens, vous obtiendriez une réponse différente. Au bout du compte, les gens veulent avoir accès au service.

Les membres du Congrès et des syndicats affiliés que nous représentons veulent garantir cette stabilité. Ces dernières années, ces travailleurs ont connu des tensions incroyables et la dernière crise n'a pas amélioré les choses. Il faut en tenir compte.

La population canadienne, y compris nos 2,3 millions de membres, est moins préoccupée par la réglementation que le comité ne semble l'être. Je vais être très honnête. Nous reconnaissons que la réglementation a bien servi les industries à divers titres. La réglementation existe dans le domaine de la santé et de la sécurité, des pesticides dans l'environnement, pour l'air que nous respirons. Je ne vois pas pourquoi on se braque contre la réglementation.

La question qui se pose est de savoir si le Canada veut une politique qui permette aux transporteurs intérieurs, Canadien et Air Canada, d'arriver à offrir le service auquel nous nous attendons. Pour cela, il faut adopter des règlements. Laisser les forces du marché décider... Il n'y aura qu'un seul critère. La rentabilité. Si ce n'est pas rentable, il n'y aura pas de liaisons. Il faut un équilibre parce que le Canada est un cas unique par sa taille et sa géographie. Les Canadiens ont besoin de services, et avec les compressions dans le chemin de fer, les gens ne peuvent plus voyager aujourd'hui que par l'avion. Les localités qui n'ont plus accès au train doivent compter sur l'avion.

La population s'inquiète moins de la réglementation. Elle veut que les services soient maintenus à un prix abordable. Les travailleurs veulent de la stabilité dans leur vie et dans la localité où ils habitent. C'est trop important pour laisser cela entre les mains de l'industrie.

Je voudrais rapidement dire deux choses à propos des réservations, dont on a longuement parlé ici.

Même si le déménagement du service de réservations aux États-Unis a fait disparaître beaucoup d'emplois, il y a beaucoup de ressources détournées vers les États-Unis qui pourraient être réinvesties au Canada. Nous avons la technologie, les compétences et les travailleurs et en l'absence de réglementation destinée à conserver ces emplois, qu'est-ce qui les ramènera au Canada?

Autre chose, c'est que les alliances conclues par ces deux compagnies aériennes nationales ont beaucoup d'impact sur la forme que nous allons donner à la politique aérienne nationale, et je pense que le Canada doit se doter de certains mécanismes de contrôle. Les transporteurs peuvent-ils simplement signer un accord international qui les lie quant à la façon dont ils vont servir la population ou les intérêts du Canada? Je pense que le comité doit se pencher là-dessus.

En ce qui concerne la réglementation, donc, je pense que la population canadienne s'en inquiète moins. On reconnaît que la réglementation stabilisera l'industrie et permettra d'éviter les crises.

Mme Bev Desjarlais: Merci.

Le président: Malgré ce qu'a dit Mme Desjarlais, personne, au comité en tout cas, ne pense que la réglementation est bien comme elle l'a décrite. Il s'agit plutôt d'une question de degré. Nous avons besoin de la réglementation pour des raisons de sécurité. Faut-il réglementer les tarifs aériens partout au pays? Je ne sais pas. Où est le compromis? Jusqu'où ira la réglementation que l'on va imposer? Le danger, évidemment, c'est de réglementer à outrance; qui alors voudra lancer une compagnie aérienne? On nous dira qu'il y a trop de règlements, que ce n'est pas lucratif et si ce n'est pas lucratif, pourquoi est-ce que je lancerais une entreprise? Il faut donc trouver un équilibre.

Monsieur Casey, c'est vous qui aurez le mot de la fin.

M. Bill Casey: Merci.

Je tiens à vous dire que j'ai beaucoup apprécié votre exposé et ce n'est pas une question de réglementation ou pas, la question est de savoir jusqu'où elle ira. Dans les cinq principes qu'il a exposés, le ministre a dit qu'il faut s'assurer que les régions obtiennent toujours le service et cela va se faire par règlement parce que certaines de ces liaisons ne sont pas lucratives. Il y aura donc de la réglementation; il s'agit de voir jusqu'où elle ira.

Je voudrais poser une question pour terminer. Je sais que vous représentez les syndicats et des emplois, mais d'une part vous avez dit qu'il ne devrait pas y avoir 20 avions qui volent à moitié vides, qu'il serait plus sensé d'en avoir 10 pleins. En revanche, vous voulez une promesse qu'il n'y aura pas de congédiements. Il y a une contradiction. Pouvez-vous concilier cela pour moi?

• 2025

M. Hassan Yussuff: S'il doit y avoir restructuration de l'industrie et si des travailleurs doivent être déclarés excédentaires, la question est de savoir comment on va s'occuper de ces travailleurs.

Il ne s'agit pas tout simplement de les congédier. Comment va-t-on laisser partir ceux dont on n'a plus besoin parce que leur emploi aura disparu à la suite de la restructuration? Il y a bien des façons de s'occuper des travailleurs excédentaires. On peut leur offrir un régime d'incitatifs à la retraite ou au départ anticipé. D'autres voudront peut-être travailler ailleurs parce que les tensions du travail dans ce secteur sont trop fortes.

Il faut prévoir des programmes qui permettent aux travailleurs qui veulent quitter le secteur, à ceux qui veulent prendre leur retraite ou à ceux qui veulent complètement changer de carrière de le faire. Si toutefois, malgré tout cela, on devait déplacer certains travailleurs, il faudrait envisager des programmes de recyclage et d'autres qui leur permettraient de poursuivre leur chemin.

M. Bill Casey: Je vois ce que vous voulez dire. Vous n'excluez pas nécessairement les pertes d'emplois et les mises à pied.

M. Hassan Yussuff: Non.

M. Bill Casey: Mais s'ils devaient y en avoir, il faudrait offrir des mesures de protection aux employés.

M. Hassan Yussuff: Cela me conviendrait. Merci beaucoup.

Le président: Monsieur Casey, merci beaucoup.

Monsieur Yussuff, Hayes et Andstein, merci beaucoup d'avoir comparu. Avez-vous quelque chose à ajouter, avant que je mette fin à la séance?

M. Hassan Yussuff: Ne sous-estimons pas la crise que nous traversons au Canada. Il ne s'agit pas uniquement de restructurer les lignes aériennes, mais aussi de continuer à permettre aux Canadiens d'avoir accès à tout leur pays, ce qui est un enjeu beaucoup plus vaste. Il faut que la crise soit placée dans son contexte.

Les politiques aériennes canadiennes ont, dans une très large part, bien desservi la population, comme elles ont évidemment bien servi les grands transporteurs, qui traversent aujourd'hui une crise. Votre comité devra réfléchir très sérieusement à la façon dont il peut s'assurer que les petites localités qui n'ont pas l'importance démographique de Toronto, Montréal ou Vancouver pourront continuer à avoir accès au service aérien, tout en reconnaissant qu'il faut proposer une politique aérienne à la canadienne qui sera bénéfique à notre pays à long terme.

Peu importe votre décision, n'oubliez pas que si vous changez les règles, cela aura des répercussions profondes pour nous qui devrons assumer ces changements.

Je voudrais signaler particulièrement qu'en vertu de l'ALENA, une fois que vous aurez modifié la donne et que d'autres compagnies seront actives sur le marché aérien, vous aurez perdu à tout jamais la possibilité de réglementer à nouveau le milieu aérien et de brasser à nouveau les cartes. N'oubliez pas que jusqu'à maintenant, les Canadiens ont eu relativement aisément accès à l'ensemble de leur pays, d'un océan à l'autre.

Ce qui importe encore plus, c'est que le comité tienne compte des répercussions que ses décisions pourront avoir sur plusieurs de nos membres, car ces travailleurs ont suffisamment souffert jusqu'à maintenant.

Le président: Merci, messieurs.

Mesdames et messieurs, nous reprenons notre étude demain à 15 h 30. N'oubliez pas que nous nous retrouverons à la salle 701 de l'édifice Les Promenades, puisque nous avons organisé une conférence télévisée. À demain après-midi.

Merci.