AANR Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37eLÉGISLATURE, 1reSESSION
Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles
Témoignages du comité
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 12 mars 2002
Á | 1105 |
Le président (M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.)) |
M. John Leslie (consultant en recherche, Public History Inc.) |
Á | 1110 |
Á | 1115 |
Á | 1120 |
Á | 1125 |
Á | 1130 |
Le président |
M. John Leslie |
Le président |
M. John Leslie |
Le président |
M. Maurice Vellacott (Saskatoon--Wanuskewin, Alliance canadienne) |
Á | 1135 |
M. John Leslie |
M. Maurice Vellacott |
M. John Leslie |
M. Maurice Vellacott |
M. John Leslie |
M. Maurice Vellacott |
M. John Leslie |
M. Maurice Vellacott |
M. John Leslie |
Le président |
M. Richard Marceau (Charlesbourg--Jacques-Cartier, BQ) |
Á | 1140 |
M. John Leslie |
M. Richard Marceau |
M. John Leslie |
M. Richard Marceau |
M. John Leslie |
M. Richard Marceau |
Le président |
M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD) |
Á | 1145 |
M. John Leslie |
M. Pat Martin |
M. John Leslie |
M. Pat Martin |
M. John Leslie |
M. Martin |
M. John Leslie |
Le président |
M. Pat Martin |
M. John Leslie |
M. Pat Martin |
M. John Leslie |
Á | 1150 |
Le président |
M. John Finlay (Oxford, Lib.) |
M. John Leslie |
M. John Finlay |
M. John Leslie |
M. John Finlay |
M. John Leslie |
Le président |
M. John Leslie |
M. John Finlay |
M. John Leslie |
Á | 1155 |
M. John Finlay |
M. John Leslie |
M. John Finlay |
M. John Leslie |
M. John Finlay |
Le président |
Mme Grey |
M. John Leslie |
Mme Grey |
M. John Leslie |
Mme Grey |
M. John Leslie |
Mme Grey |
M. John Leslie |
Mme Grey |
M. John Leslie |
 | 1200 |
Mme Grey |
Le président |
M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.) |
M. John Leslie |
M. John Godfrey |
M. John Leslie |
 | 1205 |
M. John Godfrey |
M. John Leslie |
M. Godfrey |
M. John Leslie |
Le président |
M. John Leslie |
Le président |
M. Maurice Vellacott |
M. John Leslie |
M. Maurice Vellacott |
M. John Leslie |
M. Maurice Vellacott |
M. John Leslie |
 | 1210 |
M. Maurice Vellacott |
M. John Leslie |
Le président |
M. Larry Bagnell (Yukon, Lib.) |
M. John Leslie |
M. Larry Bagnell |
M. John Leslie |
M. Bagnell |
M. John Leslie |
M. Larry Bagnell |
M. John Leslie |
Le président |
M. Marceau |
Le président |
Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.) |
M. John Leslie |
 | 1215 |
Mme Nancy Karetak-Lindell |
M. John Leslie |
M. John Godfrey |
Mme Nancy Karetak-Lindell |
M. John Leslie |
Mme Nancy Karetak-Lindell |
M. John Leslie |
Le président |
M. Pat Martin |
M. John Leslie |
M. Pat Martin |
M. Martin |
M. John Leslie |
M. Pat Martin |
M. John Leslie |
M. Pat Martin |
M. John Leslie |
M. Pat Martin |
M. John Leslie |
M. Martin |
M. John Leslie |
 | 1220 |
Le président |
M. John Godfrey |
M. John Leslie |
M. John Godfrey |
M. John Leslie |
M. Martin |
Le président |
Mme Grey |
Le président |
Mme Grey |
M. John Leslie |
Mme Grey |
Le président |
 | 1225 |
Mme Grey |
M. John Leslie |
Mme Grey |
M. John Leslie |
Le président |
M. John Finlay |
M. John Leslie |
M. John Finlay |
M. John Leslie |
M. John Finlay |
M. John Leslie |
Le président |
M. John Leslie |
Le président |
M. John Leslie |
Le président |
M. John Leslie |
Le président |
M. John Leslie |
Le président |
CANADA
Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles |
|
l |
|
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Témoignages du comité
Le mardi 12 mars 2002
[Enregistrement électronique]
Á (1105)
[Traduction]
Le président (M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.)) : Je veux juste dire que nous avons en ce moment sept minutes de retard et que nous attendons les représentants du gouvernement. Nous allons suspendre la séance jusqu'à leur arrivée. Si aucun député de l'opposition n'avait été présent, j'aurais fait la même chose. Alors, en toute équité...
Á (1106)
Á (1108)
Le président: La séance reprend maintenant.
Le Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles est réuni conformément au paragraphe 108(2) du Règlement pour passer en revue l'évolution de la Loi sur les Indiens. Dans le cadre de cette revue, nous avons le plaisir d'accueillir M. John Leslie, consultant en recherche.
Nous sommes très heureux de votre présence. Il est très important pour nous d'écouter ce que vous avez à nous dire. Nous vous remercions d'avoir accepté de venir. Je vous invite à présenter votre exposé, après quoi les membres du Comité voudront vous poser des questions. La parole est à vous.
M. John Leslie (consultant en recherche, Public History Inc.): Il me faudra peut-être 20 ou 30 minutes pour présenter mon exposé. Cela dépendra de la façon dont les choses se dérouleront.
Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant le comité permanent. Je tiens à souligner que les vues et opinions que je formulerai sont uniquement miennes et n'engagent en rien Public History ni aucun autre organisme pour lequel j'ai travaillé.
Un mot d'abord au sujet de la terminologie. Selon la Constitution, les peuples autochtones du Canada comprennent les Indiens, les Métis et les Inuits. Comme je vais parler de la Loi sur les Indiens, par souci de simplicité, j'utiliserai le mot « Indiens » dans tout mon exposé. Cela étant dit, bouclez votre ceinture parce que j'ai l'intention de couvrir près de 250 années d'histoire dans environ 30 minutes.
Je crois que vous avez tous mon résumé schématique, que je passerai en revue point par point.
En guise d'introduction, je vous dirai--tout cela est peut-être évident--que la Loi sur les Indiens est une mesure législative complexe dont la portée, le contenu et la complexité ont constamment évolué depuis le milieu du XIXe siècle. Les principes philosophiques et les pratiques de la politique indienne se reflètent dans la législation de l'époque. Il y a quelques points qu'il faut garder à l'esprit. D'abord, la Loi sur les Indiens ne s'applique pas aux Métis. Ensuite, la Loi de 1951 exclut expressément les Inuits.
Sur le plan historique, la politique indienne et les mesures législatives correspondantes ont été largement conçues sans le consentement ni la participation des Indiens. On trouve un exemple du manque de consultations sérieuses dans le Livre blanc de 1969. Tant la politique indienne que la Loi sur les Indiens étaient l'oeuvre de membres de la société dominante, dont elles reflétaient les vues et les valeurs quant à la place et au rôle des peuples autochtones. Il y avait au Canada cette constante et persistante question des Indiens.
Je vais commencer à la page 1, qui porte le titre «Les origines de la politique et de l'administration touchant les Indiens».
Le premier document historique à considérer pour comprendre l'évolution de la politique et de la législation canadiennes relatives aux Indiens est la Proclamation royale de 1763. La Proclamation royale définit une politique et une procédure permettant à la Couronne d'acquérir de façon ordonnée les terrains de chasse des Indiens. Elle affirme également le premier grand principe de la politique britannique dans ce domaine : les Indiens vivant sur les terres indiennes devaient être protégés contre les spéculateurs fonciers et les commerçants peu scrupuleux. En fait, le système de cession de terres par traité actuellement en vigueur en Ontario et dans l'ouest du Canada remonte à la Proclamation royale.
Les fonctionnaires du département des Affaires indiennes--qui, soit dit en passant, a été créée en 1755, il y a environ 246 ans--sont censés être les gardiens de la politique impériale de protection des Indiens. Ils avaient instruction de superviser et de gérer l'acquisition des terres indiennes nécessaires à la colonisation européenne. Comme nous allons le voir, ce rôle a été étendu après 1830.
Dans les premiers temps de la société coloniale, les Indiens étaient traditionnellement des intermédiaires dans la traite des fourrures. De plus, ils aidaient les forces armées régulières en temps de guerre. Les Indiens ont eu ce rôle tant sous le régime français que sous le régime britannique. Dans ces fonctions traditionnelles, ils participaient dans une certaine mesure à la prise de décisions, à la définition des pratiques de traite et à la planification des opérations militaires.
Toutefois, après la fin de la guerre de 1812, les rôles traditionnels des Indiens dans la société coloniale ont rapidement diminué. Les décideurs britanniques et canadiens ont dû alors leur trouver un nouveau rôle et une nouvelle place. Au lieu de les laisser affronter les dures réalités politiques et économiques de l'heure, les décideurs ont réaffirmé le premier principe de la politique, celui de la protection des Indiens. La nouvelle approche était simple et directe : placer temporairement les Indiens sur des réserves--je dis bien temporairement, parce que les terres de réserve n'ont pas été définies --, les christianiser, les habiller à l'européenne et leur apprendre à devenir des citoyens britanniques autonomes en en faisant des agriculteurs productifs.
Á (1110)
Les décideurs d'alors étaient persuadés que le processus d'assimilation des Indiens serait rapide. Ils disparaîtraient alors comme peuple par mariage ou autrement, de même que leurs terres, les réserves. Au début, la nécessité de lois protégeant les Indiens n'était pas évidente.
Nous passons maintenant à la page 2, qui a pour titre « L'héritage de l'époque d'avant la Confédération ». Le programme de civilisation des Indiens lancé en 1830 se fondait sur trois principes philosophiques : la protection des Indiens, basée sur la Proclamation royale, l'amélioration de leurs conditions de vie et leur assimilation dans la société dominante. La nouvelle politique reposait sur trois fondements systémiques : un système de traités sur les cessions territoriales qu'on retrouve dans le Haut-Canada, devenu aujourd'hui l'Ontario et l'ouest du Canada; un système de réserves indiennes et d'agents indiens chargés de les superviser; ainsi qu'un système d'écoles destiné à les instruire, d'abord dans des établissements de jour et des écoles industrielles et, plus tard, dans des pensionnats.
Entre 1830 et 1858, le gouvernement mène six enquêtes sur la politique indienne et les nouvelles dispositions administratives. Ces enquêtes successives sanctionnent le programme de civilisation des Indiens et créent en fait, pour les décideurs des Affaires indiennes, une « mémoire institutionnelle » qui constitue le fondement de leur attitude envers les Indiens et les questions indiennes au cours des décennies suivantes. Fait intéressant, déjà dans les années 1840, ces enquêtes gouvernementales avaient établi que la politique et les pratiques administratives adoptées étaient trop paternalistes, sans pourtant envisager d'autres arrangements. Les responsables étaient satisfaits du statu quo.
Comme on peut le voir la page 3, la première loi destinée à protéger les réserves indiennes est adoptée au Haut-Canada en 1839. Son but était essentiellement de regrouper les terres indiennes avec les autres terres de la Couronne. Il n'y avait pas de distinctions. Toutefois, en 1850, les responsables du gouvernement ont pris conscience du fait que la transformation des Indiens en agriculteurs productifs ne progressait pas au rythme prévu. La colonisation rapide et le développement commercial, particulièrement dans le Canada-Ouest--aujourd'hui l'Ontario--nécessitaient une protection législative plus élaborée des Indiens et de leurs terres.
Cette protection a été introduite en 1850, lorsque la province du Canada, qui comprenait alors l'Ontario et le Québec, a adopté deux lois protégeant les terres et les biens des réserves indiennes. La loi qui s'appliquait au Canada-Est--aujourd'hui le Québec--est digne de mention parce qu'elle contenait pour la première fois une définition en quatre points établissant qui était un Indien aux yeux du gouvernement. La loi du Canada-Ouest prévoyait à l'article 4 qu'aucun impôt ne serait perçu des Indiens vivant sur des terres de réserve.
Vers la fin des années 1850, les responsables de la politique indienne commençaient à s'impatienter devant la lenteur de l'assimilation. C'est ainsi qu'en 1857, un «Acte pour encourager la civilisation graduelle des tribus sauvages en cette Province et pour amender les lois relatives aux sauvages» est proclamé. Cette loi établit une politique et une procédure supprimant toutes les distinctions juridiques entre Indiens et non-Indiens dans certaines conditions. La loi est précisée davantage en 1859 et en 1860. De plus, en 1859, la loi de 1850 destinée à protéger les terres indiennes est renforcée et assortie de nombreuses sanctions et de nouveaux pouvoirs pour les fonctionnaires chargés de la mettre en vigueur.
En 1858, les fonctionnaires britanniques informent leurs homologues canadiens qu'ils ne veulent plus financer l'administration indienne. Par conséquent, la responsabilité du système législatif indien en pleine évolution, d'un important appareil administratif et de dépenses croissantes est officiellement cédée à la province du Canada en 1860. À partir de ce moment, le Canada doit se débrouiller tout seul.
Quelles étaient donc les principales caractéristiques de la politique, de l'administration et de la législation indienne à l'avènement de la Confédération en 1867? Premièrement, comme à l'époque coloniale, l'administration des affaires indiennes était jugée trop délicate pour être laissée aux provinces. il fallait donc qu'elle relève de la compétence fédérale. La protection des Indiens et des terres indiennes est devenue une responsabilité fédérale en vertu de l'article 91, catégorie 24, de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.
Deuxièmement, le nouveau gouvernement fédéral, surtout constitué de responsables de la province du Canada, n'est pas allé au-delà de la politique et des dispositions administratives d'avant la Confédération, se limitant à appliquer les trois systèmes relatifs aux traités, aux réserves et à la scolarisation des Indiens partout dans le Dominion, avec quelques variantes régionales adaptées à des circonstances et des conditions locales.
Troisièmement, après 1873, les Affaires indiennes sont devenues une direction du département de l'Intérieur et sont restées la responsabilité du ministre--en 1880, c'était sir John A. Macdonald--jusqu'en 1936, soit pendant 63 ans.
Á (1115)
Dans les décennies qui ont suivi la Confédération--je soutiens d'ailleurs, comme vous le verrez, que cette période s'est étendue jusqu'en 1940 --, le cadre politique, administratif et législatif établi à l'époque coloniale est devenu le modèle de base d'une approche fédérale plus élaborée et plus complète des Indiens et des questions indiennes. Il est cependant remarquable de noter que les hypothèses philosophiques servant de fondement à la politique et à la législation indienne n'ont pas été remises en question, pas plus que la viabilité des systèmes de cessions territoriales par traité, de réserves et de scolarisation.
En 1876, la Direction des affaires indiennes a regroupé toutes les lois d'avant la Confédération, avec quelques modifications, dans une seule Loi sur les Indiens («Acte des Sauvages»). Il est intéressant de noter que cette Loi a en fait été adoptée après la conclusion de certains des traités. Les traités de l'Ouest qui ont été négociés (numéros 1 à 6 de 1871 à 1876) ont précédé la Loi sur les Indiens. Beaucoup d'Indiens de l'Ouest disent que leurs relations avec le gouvernement relevait des traités et non de la Loi, puisque les premiers ont précédé la seconde.
La première Loi sur les Indiens d'après la Confédération était complète. Ses centaines d'articles portaient sur tous les aspects de la vie dans les réserves et orientaient l'administration gouvernementale. Ainsi, différentes dispositions définissaient la condition d'Indien, ce qui constituait une bande indienne et une réserve indienne, les modalités de subdivision des terres de réserve grâce aux billets de location, les protections juridiques accordées aux réserves et les modalités de cession des réserves. Elle contenait en outre des règles régissant la gestion et la vente des minéraux et du bois, des procédures de disposition des fonds indiens, l'énumération des pouvoirs des chefs et des conseils de bande, la procédure d'élection des bandes, les privilèges spéciaux des Indiens (qui confirmaient par exemple l'exemption d'impôts), les incapacités et les sanctions ainsi que les procédures d'émancipation, c'est-à-dire de perte du statut d'Indien.
La Loi sur les Indiens de 1876 a été modifiée et resserrée en 1880. Ses principales dispositions sont maintenues jusqu'en 1927, malgré une trentaine de modifications apportées lorsque la mesure a finalement été révisée. En 1884, un Acte conférant certains privilèges aux bandes les plus avancées des Indiens du Canada en vue de les former à l'exercice de pouvoirs municipaux est adopté par le Parlement. Connue sous le nom d'Acte de l'avancement des sauvages, cette loi axée sur les bandes de l'est du Canada avait pour but de promouvoir une administration de type municipal pour les groupes les plus avancés, comme les Six-Nations à Brantford.
Malgré l'optimisme officiel, les événements ne prenaient pas la tournure espérée par les politiciens et les fonctionnaires, surtout dans l'Ouest. Les vieilles coutumes indiennes subsistaient et la politique d'assimilation ne donnait pas de résultats tangibles. Du point de vue des responsables du gouvernement, il suffisait, pour remédier à cette situation, de réviser la Loi sur les Indiens pour conférer plus de pouvoirs aux agents indiens locaux et pour pénaliser lourdement les Indiens qui gardaient leurs vieilles coutumes. C'est ainsi que, dans les années 1880, les agents indiens ont obtenu plus de pouvoirs à titre de juges de paix pour pouvoir juger les Indiens. En avril 1884, l'article 3 de la Loi est modifié pour interdire les «potlatch», danses et cérémonies traditionnelles. En 1894, l'article 11 donne au ministre des Affaires indiennes le pouvoir de diriger les écoles industrielles et les pensionnats, rend obligatoire la fréquentation de l'école et prévoit de sévères sanctions contre ceux qui tentent de s'y soustraire. En 1927, l'article 141 est ajouté à la Loi pour interdire la poursuite des revendications territoriales.
Pour avoir une idée de l'état d'esprit des responsables de la politique indienne dans les premières décennies du XXe siècle, il suffit de lire cet extrait d'un discours prononcé en 1920 par le surintendant général adjoint Duncan Campbell Scott devant le Comité spécial de la Chambre des communes chargé d'examiner les modifications de 1920 de la Loi sur les Indiens. Il parlait de nouvelles mesures législatives portant émancipation obligatoire des Indiens. C'était un assez long extrait, mais je l'ai beaucoup raccourci:
Notre objectif est de continuer jusqu'à ce qu'il n'y ait plus un seul Indien au Canada qui n'ait pas été absorbé par la société, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de question indienne ni de département des Affaires indiennes. Voilà l'objet de ce bill. |
Malgré les bonnes intentions des responsables, les peuples indiens ne disparaissent. Bien au contraire. Dans les années 30, les agents indiens et les missionnaires notent une augmentation de la population autochtone. Par suite des coupures faites par le gouvernement pendant la grande dépression et de l'encombrement des réserves, les conditions de vie des Indiens deviennent insupportables. Il ne semblait pas y avoir de solution simple à l'éternelle question indienne. En fait, les fonctionnaires des Affaires indiennes ne savaient pas exactement combien d'Indiens vivaient au Canada parce que les agents locaux tenaient les registres des bandes au petit bonheur.
Á (1120)
La situation déplorable des Indiens du Canada devient un sujet national de préoccupation à la fin de la Seconde Guerre mondiale lors de la formation du Comité spécial sur la reconstruction et le rétablissement de la Chambre des communes. Ce comité était chargé d'étudier la nature de la société canadienne de l'après-guerre. Dans cette période d'examen de la situation nationale, les conditions de vie dans les réserves indiennes ainsi que la politique et l'administration indiennes font l'objet d'un examen public attentif pour la première fois depuis la Confédération.
Entre 1946 et 1948, un comité spécial mixte du Sénat et de la Chambre des communes examine le fonctionnement de la Loi sur les Indiens et de l'administration indienne. Il convoque des témoins, comprenant des fonctionnaires fédéraux, certains groupes autochtones et d'autres parties intéressées.
Après trois années d'audience, le comité formule d'importantes recommandations relatives à la politique et à l'administration. Il conçoit par exemple sa propre Loi sur les Indiens, connue sous le nom de «bill du comité». Il propose d'accorder aux Indiens le droit de vote aux élections fédérales, droit qu'ils avaient déjà possédé dans les années 1880, mais qu'ils avaient perdu pour des motifs techniques. Le comité propose également de créer une commission des revendications indiennes chargée d'examiner les griefs de longue date qui faisaient obstacle à la participation des Indiens à la société canadienne. Il estime que le ministre a trop de pouvoirs discrétionnaires et que ceux-ci doivent être réduits dans la nouvelle Loi. Le comité soutient également qu'il faut permettre aux bandes indiennes d'établir leurs propres chartes ou constitutions d'autonomie gouvernementale--oui, on a parlé d'autonomie gouvernementale dans les années 1940--et de se constituer en corporations détenant les droits de propriété des terres de réserve. Enfin, les audiences du comité aboutissent à la modification de l'objectif longtemps poursuivi d'assimilation des Indiens et à l'adoption d'un nouvel objectif visant leur «intégration».
Entre 1948 et 1950, les fonctionnaires fédéraux examinent les propositions du comité spécial mixte et en rejettent la majorité, notamment le droit de vote, la commission sur les revendications et la notion de charte et de constitution en corporation des bandes indiennes. En juin 1950, un projet de loi modifiant la Loi sur les Indiens est déposé à la Chambre des communes, pour être aussitôt retiré parce que les Indiens et leurs partisans se plaignent de ne pas avoir été officiellement consultés. Un projet de loi révisé est déposé au cours de l'automne 1950 et est étudié par un groupe de chefs indiens au cours d'une réunion de cinq jours tenue à Ottawa pendant l'hiver 1951. Une nouvelle Loi sur les Indiens, celle qui est actuellement en vigueur, est proclamée en septembre 1951.
La nouvelle Loi de 1951 n'est pas radicalement différente des versions précédentes. Elle est essentiellement plus ordonnée et a été débarrassée des dispositions contradictoires. De bien des façons, elle a surtout subi une révision administrative. Les modifications importantes sont rares. Il n'y a ni commission sur les revendications ni droit de vote aux élections fédérales. L'interdiction des «potlatch» et des autres cérémonies traditionnelles est levée, de même que l'interdiction des revendications territoriales. Le nombre de pouvoirs discrétionnaires du ministre ainsi que le nombre des sanctions contre les Indiens sont moindres. Les chefs et les conseils de bande reçoivent plus de pouvoirs pour former des administrations de type municipal et disposent, en particulier, d'une plus grande latitude pour dépenser à leur gré les recettes de la bande. Les caractéristiques les plus importantes sont probablement la nouvelle définition juridique du statut d'Indien et l'établissement d'un registre central au siège des Affaires indiennes.
À bien des égards, le besoin de définir le statut d'Indien --du moins aux yeux du gouvernement --qui donne droit à des avantages tels que les allocations aux mères et la pension de vieillesse, découlait de l'avènement de l'État providence de l'après-guerre. Pour les décideurs, l'adoption de la nouvelle Loi sur les Indiens signifie que l'administration indienne a emprunté une voie nouvelle et éclairée pour les années 50.
Les années 50 sont relativement tranquilles jusqu'à l'arrivée des conservateurs de John Diefenbaker en 1957. Sous leur égide, plusieurs grandes initiatives sont prises. Entre 1959 et 1961, un autre comité mixte du Sénat et de la Chambre des communes examine l'administration indienne. Les recommandations qu'il formule en 1961 sont activement mises en oeuvre par le gouvernement, y compris l'établissement d'une Commission des revendications des Indiens et l'adoption de révisions de la Loi sur les Indiens.
Á (1125)
En 1962, un projet de loi tendant à créer une commission de revendications est déposé au Parlement, mais reste au Feuilleton lorsque le gouvernement est défait en 1963. De même, le Cabinet Diefenbaker travaille, fin 1962, sur d'importantes modifications de la Loi sur les Indiens, comprenant la constitution des bandes en corporations et le maintien du statut des Indiennes qui épousaient des non-Indiens. Ces projets sont abandonnés après la chute du gouvernement.
Malgré ces échecs, le gouvernement conservateur avait quand même fait adopter deux mesures législatives d'une certaine importance. En 1960, les Indiens obtiennent le droit de vote aux élections fédérales et, en 1961, l'article 112 contenant les dispositions d'émancipation obligatoire est abrogé.
Quand le gouvernement libéral de Lester B. Pearson prend le pouvoir en 1963, un projet de loi sur les revendications territoriales indiennes est déposé une fois de plus au Parlement. Le gouvernement commande également une étude approfondie des besoins économiques, éducatifs et politiques des Indiens. Les deux volumes du rapport Hawthorn-Tremblay qui en ont découlé paraissent en 1966-1967. Le rapport introduit notamment la notion des Indiens comme «citoyens plus» et recommande au ministère des Affaires indiennes, établi comme entité autonome en 1966, d'assumer un rôle de défense des droits des Indiens dans la bureaucratie fédérale.
Les 91 propositions du rapport Hawthorn sont à l'étude lorsque le gouvernement décide de lancer une série de réunions de consultation avec les Indiens dans tout le pays en vue de la révision de la Loi sur les Indiens. Ces consultations commencent en 1968 et se poursuivent jusqu'au printemps 1969. Le processus révèle que les Indiens veulent une plus grande autonomie gouvernementale, plus de fonds pour le développement économique et social, le règlement des revendications territoriales, la protection des droits issus des traités et la reconnaissance constitutionnelle des droits ancestraux.
En juin 1969, le gouvernement répond dans son fameux livre blanc La politique indienne du gouvernement du Canada. Au lieu d'adopter la notion des Indiens comme «citoyens plus» et de régler les revendications territoriales, le document de travail préconise de mette un terme au statut d'Indien, qui est considéré comme discriminatoire. Le livre blanc recommande aussi de liquider le ministère des Affaires indiennes et d'accorder un statut juridique révisé aux terres indiennes de réserve. Un commissaire aux revendications indiennes est nommé pour examiner comment régler les revendications et les questions relatives aux traités.
De bien des façons, le livre blanc de 1969 ramenait la question indienne directement dans le XIXe siècle, préconisant une fois de plus l'assimilation pure et simple, Les propositions fédérales soulèvent un tollé politique parmi les Indiens et leurs partisans. Le document de travail est officiellement retiré en 1970, mais il laisse derrière lui beaucoup d'amertume.
L'expérience du processus de consultation des Indiens et de la publication du livre blanc crée une certaine psychose parmi les Indiens et leurs institutions politiques. Le gouvernement fédéral a-t-il un programme secret? Le malaise colore pendant des années les relations entre les Indiens et le gouvernement, rendant difficiles aussi bien les changements de la politique que les modifications législatives. Cela n'empêche cependant pas ces changements et modifications, dont beaucoup découlent de décisions de la Cour suprême. Certains méritent d'être brièvement mentionnés.
Par exemple, après la décision Calder des années 70, le gouvernement fédéral annonce une série de politiques concernant les revendications territoriales particulières et globales destinées à régler les griefs historiques. Plus tard dans la décennie, le gouvernement pense qu'il serait utile de tenir une réunion entre la Fraternité des Indiens du Canada et le Cabinet en vue d'établir une sorte de comité conjoint pouvant examiner la politique. Je crois que ce processus a commencé aux alentours de 1974 et a duré deux ou trois ans, ne produisant cependant aucun résultat tangible.
Les années 80 sont productives. La Charte canadienne des droits et libertés, proclamée au début des années 80, contient un article assurant la protection constitutionnelle des droits ancestraux et issus de traités. En fait, la Proclamation royale de 1763 est considérée comme l'un des documents constitutionnels du Canada. En novembre 1983, le Comité parlementaire spécial sur l'autonomie politique des Indiens présente ses conclusions, préconisant l'octroi aux gouvernements des premières nations de pouvoirs élargis allant au-delà du modèle municipal traditionnel. Bien sûr, c'est aussi dans les années 80 que nous avons eu le projet de loi C-31, que le Parlement a adopté pour rétablir les Indiennes qui avait perdu leur statut en vertu de l'alinéa 12(1)b) de la Loi sur les Indiens de 1951.
Dans les années 90, les Affaires indiennes annoncent une politique sur le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. De plus, une commission royale étudie entre 1991 et 1996 la situation des peuples autochtones du Canada. Plus récemment, nous avons eu la Loi sur la gestion des terres des premières nations.
Ces initiatives et événements ne représentent bien sûr que les faits saillants des efforts constants déployés par le gouvernement fédéral--avec, à divers degrés, l'aide des provinces--pour améliorer les conditions de vie sur les réserves indiennes, conditions qui demeurent comparables dans certains cas à celles du quart monde. Après 247 ans d'administration officielle des affaires indiennes, le Canada est encore aux prises avec la question indienne.
Je vous remercie.
Á (1130)
Le président: Merci beaucoup, monsieur Leslie, pour un excellent exposé.
M. John Leslie: C'était un peu rapide, mais...
Le président: Eh bien, il a fallu lire vite, mais toute l'information est là.
M. John Leslie: Bien sûr, vous pouvez la lire.
Le président: C'est exactement ce que le comité visait en entreprenant cet examen. Votre témoignage représente l'histoire. Il est très important pour nous parce qu'il nous permettra, une fois que nous aurons abordé le projet de loi, de mieux déterminer si notre action a des chances d'améliorer les choses ou si elle risque, au contraire, de les aggraver. Notre intention, bien entendu, est d'améliorer la condition des premières nations, des autochtones.
Nous passons maintenant aux questions. Est-ce que cinq minutes vont suffire pour les questions et réponses? Oui?
Nous commençons par M. Vellacott.
M. Maurice Vellacott (Saskatoon--Wanuskewin, Alliance canadienne): Je vous remercie d'être venu, monsieur Leslie.
À deux reprises, pendant votre exposé, vous avez parlé de la question de l'autonomie économique. Il m'a semblé qu'à certains moments, vous établissiez une correspondance entre cette autonomie et l'intégration. Ai-je raison de penser qu'il y a un lien? Vous paraissez établir, d'une certaine façon, une équivalence entre l'autonomie économique et l'intégration.
Á (1135)
M. John Leslie: J'ai bien pu vous donner une fausse impression.
L'un des problèmes de la politique britannique, et même de la politique française -- c'est d'ailleurs un thème de la politique indienne du Canada --, c'est que les Indiens ne sont pas des citoyens de plein droit, que, d'une façon ou d'une autre, leur citoyenneté présente certaines lacunes. L'absence du droit de vote aux élections fédérales est l'un des motifs de cette situation, même si les Indiens avaient droit à différentes choses, au niveau provincial. L'autre point, c'est qu'ils ne payaient pas d'impôts comme les autres citoyens canadiens.
Le gouvernement essayait de rendre les Indiens autonomes. Il a tenté en premier d'en faire des agriculteurs. L'idée était que si on parvenait, d'une façon ou d'une autre, à les rendre économiquement autonomes, ils pourraient plus facilement aspirer à devenir des citoyens de plein droit, puis à s'intégrer. Je ne sais pas si cela répond à votre question. La première idée était de les assimiler, c'est-à-dire de faire disparaître les peuples indiens. L'intégration était une forme d'assimilation plus délicate, plus prévenante. Elle signifiait que la société dominante était prête à permettre aux Indiens de conserver une partie de leur patrimoine culturel, s'il ne causait pas trop de perturbations.
M. Maurice Vellacott: Dans la société élargie, la société moderne, technologique, etc., croyez-vous qu'il soit nécessaire d'envisager un certain degré d'intégration? Convenez-vous qu'il en faut un peu, et à quel degré? Jusqu'où l'intégration doit-elle aller pour qu'ils puissent prospérer, profiter des occasions qui s'offrent et parvenir à l'autonomie économique?
M. John Leslie: Votre question est intéressante parce que vous introduisez une certaine notion de citoyenneté asymétrique, dans laquelle certains citoyens du Canada auraient plus de droits que les autres. Cela sera-t-il acceptable? Je ne le sais pas
M. Maurice Vellacott: L'intégration n'est-elle pas nécessaire à un certain degré pour avoir l'égalité des chances, etc.? Si on garde les gens à l'écart, dans une catégorie totalement différente, ils resteront à jamais en marge de la société et il sera encore plus difficile de les faire profiter d'occasions semblables à celles des autres. C'est ce que nous souhaitons pour tous les citoyens du pays.
M. John Leslie: Oui, et c'est là que réside une contradiction de base de la politique indienne : on place les Indiens à l'écart dans des réserves, avec un régime juridique distinct relevant de la Loi sur les Indiens, tout en ayant pour objectif de les assimiler dans la société. Il y a là une contradiction fondamentale.
M. Maurice Vellacott: Vous dites donc qu'il y a là une sorte d'énigme.
M. John Leslie: Oui, une énigme historique. Si vous allez parler à des Indiens de tous les coins du Canada, vous constaterez que certains veulent garder leur statut spécial et leurs coutumes au Canada et ne souhaitent pas vraiment s'intégrer.
M. Maurice Vellacott: Y a-t-il des cas dans le monde, dans l'histoire récente ou dans le passé, où l'énigme a été résolue? A-t-on réussi à garder des gens à l'écart, comme dans la politique du passé, tout en leur assurant de bonnes perspectives économiques, du progrès et toutes ces choses que nous souhaitons pour l'ensemble des Canadiens? Y a-t-il des cas où cela a réussi? D'ailleurs, le modèle est-il théoriquement réalisable?
M. John Leslie: Je pense que oui. C'est aux États-Unis, mais ne me demandez pas de vous donner des détails. Ils ont des systèmes là-bas, mais les États-Unis n'ont pas une Loi sur les Indiens, ils appliquent plutôt différents modèles, selon qu'on est à l'est ou à l'ouest du Mississippi. Parfois, cela dépend même de l'État où on se trouve.
Les fonctionnaires du ministère des Affaires indiennes vont constamment en pèlerinage aux États-Unis. Ils vont en Arizona pour observer ce qui se passe. Cela a l'air de marcher, parce qu'il y a d'abord des Indiens qui sont assez riches. Bien sûr, certains possèdent aussi des champs de pétrole et de gaz.
C'est peut-être aussi une question de géographie. Il est évident, sur une carte du Canada, que beaucoup de réserves indiennes se trouvent dans des régions isolées. Même si la croissance économique est très forte tout autour, si vous êtes à 300 kilomètres de n'importe quoi, vous aurez beaucoup de difficulté à en profiter.
[Français]
Le président: Monsieur Marceau.
M. Richard Marceau (Charlesbourg--Jacques-Cartier, BQ): D'abord, merci de votre présentation. Je souligne que vous avez dit au tout début que vos propos représentaient votre point de vue et non celui de l'organisme Public History Inc. Je voudrais continuer dans cette même direction. Vous savez qu'on étudie la Loi sur les Indiens. On regarde un peu le passé pour mieux comprendre le présent et l'avenir.
De ce que vous connaissez de la Loi sur les indiens, est-ce que vous pouvez dire, de façon générale, que le projet de gouvernance présenté par M. Nault va dans le sens, dans l'esprit sinon la lettre des décisions de la Cour suprême sur le droit à l'autodétermination ou à l'autonomie des Amérindiens?
Á (1140)
[Traduction]
M. John Leslie : Je n'ai pas du tout vu son projet de loi.
[Français]
M. Richard Marceau: Vous avez sûrement lu les nombreux discours qu'il a présentés. Il en a livré un dans l'Ouest. Si je me souviens bien, il a présenté deux autres discours en Chambre auxquels on a dû répondre.
De façon générale, vous êtes au courant du fait que l'Assemblée des Premières Nations mène une lutte assez véhémente contre le projet de loi. Vous êtes, un peu comme nous peut-être, quelque peu éloigné de ça. Diriez-vous que le projet de loi, c'est-à-dire l'idée générale de gouvernance de M. Nault, s'insère dans la continuité historique représentée depuis, disons, l'adoption de la Charte canadienne des droits et libertés et de l'article 35 de la Constitution? Est-ce que ça va dans la direction générale de cela ou pensez-vous que ça en change la direction et que ça laisse tomber l'autonomie gouvernementale?
[Traduction]
M. John Leslie: Il semble avoir maintenu une certaine cohérence. J'ai juste eu l'occasion de jeter un coup d'oeil rapide à ce que le grand chef a dit. J'ai l'impression qu'il ne veut pas de pouvoirs délégués. Il veut des pouvoirs issus de la Constitution, ce qui pourrait impliquer une espèce de nouveau palier de gouvernement au Canada. Je ne sais pas où ira le projet de loi de M. Nault, mais il semble s'en tenir aux vues du passé, aux vues traditionnelles.
[Français]
M. Richard Marceau: Vous dites que ce que M. Nault a présenté assure la continuité alors que vous semblez croire que, en vertu de l'article 35 de 1982, certaines personnes disent que c'est pratiquement un changement radical par rapport à la pensée traditionnelle canadienne, à la Loi sur les Indiens, etc. qui s'impose et que l'on se dirige davantage vers quelque chose d'inhérent. Selon vous, même si le résultat peut être le même dans le fond, il s'agit d'une différence philosophique à savoir qu'un côté dit que ça doit être délégué en raison de la Loi sur les Indiens, etc., alors que l'autre dit que c'est inhérent, que l'on n'a jamais abandonné l'article 35. Finalement, le résultat peut être le même, mais il s'agit d'une question philosophique lorsqu'on cherche à savoir d'où ça vient. C'est ce que je comprends de votre analyse de la question.
[Traduction]
M. John Leslie : Comme je l'ai dit, ma principale difficulté est que je n'ai pas vu le projet de loi et que je n'ai pas vraiment suivi de près ce que le ministre en a dit. J'ai impression qu'il est à mi-chemin--j'essaie peut-être de m'en tirer, mais je ne le pense pas--par rapport à la voie constitutionnelle, dans laquelle l'autonomie gouvernementale émane de la Constitution. Cela entraînerait probablement la création d'un troisième ordre spécial de gouvernement au Canada, qu'il faudra faire accepter aux provinces, ne serait-ce que pour obtenir l'approbation de la modification constitutionnelle. Le ministère a déjà cela dans sa politique de «droit inhérent à l'autonomie gouvernementale». Je suppose qu'il suit donc cela dans une certaine mesure.
[Français]
M. Richard Marceau: D'accord. Merci.
[Traduction]
Le président: Monsieur Martin.
M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Merci, monsieur Leslie. J'ai trouvé très utile votre exposé schématisé. Je n'ai pas trouvé votre présentation trop rapide. Je pense d'ailleurs que la disposition par points facilite la compréhension.
Nous sommes aux prises avec toute cette affaire de loi sur la gouvernance des premières nations. Comme nous n'avons pas encore vu le projet de loi, tout cela représente un peu de la simulation. Hier, j'ai assisté à Winnipeg à une réunion de l'Assemblée des Premières nations. J'ai pu me rendre compte qu'il y a une opposition déjà énorme et qui ne cesse pas de croître, même si personne n'a encore vu le projet de loi. Mes questions seront donc nécessairement un peu vagues.
Il y a une chose qui était parfaitement claire, tant à la réunion d'hier que dans le discours -- que vous avez déjà mentionné -- du grand chef Matthew Coon Come : ils veulent que la relation émane de l'article 35, et non de l'article 91, catégorie 24. Pour les profanes, quelle différence de fond y a-t-il entre les deux? Pourquoi les deux parties... Pourquoi entendons-nous une voix quasi unanime demander que les modifications se fondent sur l'article 35 plutôt que sur la catégorie 24 de l'article 91?
Á (1145)
M. John Leslie: Je crois que c'est parce qu'ils veulent une relation de gouvernement à gouvernement. Si la relation émane de la catégorie 24, des Affaires indiennes et du ministre, les pouvoirs sont alors délégués, tandis qu'autrement, ils émanent de la Constitution. Si les modifications se font en vertu de l'article 91, catégorie 24, et de la Loi sur les Indiens, alors vous seriez en train de leur accorder un privilège. Et ils n'en veulent pas.
M. Pat Martin: Et qu'en est-il de la différence entre «habilitant» et «normatif»? J'entends beaucoup ces mots. J'entends les gens dire qu'ils veulent une loi habilitante et non une loi normative.
M. John Leslie: Eh bien, je ne suis ni avocat ni juriste...
M. Pat Martin: Non, mais j'ai pensé que vous pourriez nous aider à comprendre.
Il ressort de vos observations--vous en avez parlé tout au début de votre exposé--que les autochtones n'avaient pas à payer d'impôts. Un récent arrêt de la Cour suprême concernant le Traité 8 a confirmé cette exemption. Pouvez-vous nous en parler? Qu'est-ce qui était contesté dans cette affaire?
M. John Leslie: Je ne connais pas bien les détails de cette affaire, mais je sais que ni le Traité 8 ni le Traité 11--j'en suis absolument certain dans le cas du Traité 11--ne mentionnent explicitement les impôts. Si on lit les rapports des commissaires, il est très clair qu'ils en ont discuté et qu'ils ont promis qu'il n'y aurait ni service militaire obligatoire ni impôts. La Cour suprême aussi nous a dit au fil des ans qu'en examinant les traités, il ne suffit pas de considérer les documents en soi et qu'il est nécessaire d'étudier les documents connexes et ce que les émissaires du gouvernement ont dit.
À ma connaissance, cela se trouve donc dans les rapports des commissaires et il pourrait même... Bien sûr, je crois qu'il se sont servis de témoignages verbaux pour étayer cela. Évidemment, en 1899, lorsque que le Traité 8 a été signé, il n'y avait pas d'impôt sur le revenu. Quels autres impôts y avait-il alors? Il existait peut-être une taxe d'accise et des droits de douane.
M. Pat Martin: Excellent point.
M. John Leslie: De plus, si je m'en souviens bien, un autre traité a été signé dans le sud-ouest de l'Ontario aux alentours de 1792 à propos des Six-Nations. Le traité dit qu'il n'y a pas d'impôts. Pendant que j'étais aux Affaires indiennes, des membres des Six-Nations m'en ont parlé. Il y a donc que ce traité aussi.
Le président: Monsieur Martin, vous avez encore une minute entière, mais je tiens à préciser que nous parlons de la Cour fédérale, pas de la Cour suprême.
Veuillez poursuivre.
M. Pat Martin: Mon dernier point porte sur une question dont on parle souvent. C'est une chose qui cause des appréhensions. Il s'agit d'un changement de statut juridique des collectivités et de leur constitution en municipalités. Cette question a été soulevée, mais je ne sais pas à quel moment.
M. John Leslie: La première fois que j'ai vu cette question mentionnée remonte aux années 40 quand le comité spécial mixte du Sénat et de la Chambre des communes a examiné la Loi sur les Indiens et a proposé son propre projet de loi.
L'idée comportait deux aspects. Le comité a demandé pourquoi les bandes indiennes--on les appelait alors bandes et non premières nations--ne pouvaient pas avoir leur propre constitution, c'est-à-dire leurs propres modalités d'élection des chefs, des conseillers etc. dans les réserves. Le ministère de la Justice, ayant eu vent de l'affaire, a dit qu'il n'en était pas question à cause des questions de responsabilité. Le ministère ne savait pas de quelle façon les chefs et les conseillers seraient responsables envers leurs électeurs de la réserve. C'était le point de vue du ministère de la Justice. Les Affaires indiennes ont rejeté la proposition.
L'autre proposition consistait à constituer les bandes en corporations. Elles auraient alors pu détenir les titres de propriété des terres de réserve, subdiviser ces terres et permettre aux gens de posséder individuellement des parcelles.
M. Pat Martin: Ils auraient alors pu emprunter de l'argent en donnant ces terres comme...
M. John Leslie: C'est cela. Chacun aurait eu sa parcelle et aurait pu l'utiliser comme garantie pour emprunter de l'argent.
Les fonctionnaires fédéraux ne voulaient pas de cela non plus : si les bandes étaient constituées de la façon envisagée, apparemment elles auraient relevé, non plus de l'article 91, catégorie 24, mais de la compétence provinciale. Comme le gouvernement fédéral ne voulait pas qu'il en soit ainsi, l'idée a été écartée.
Toutefois, toute l'idée a été reprise à l'arrivée de Diefenbaker : permettre aux bandes de se constituer en corporations, les laisser détenir les titres de propriété des terres de réserve et leur permettre de donner ces terres en garantie à des fins de développement économique. Encore une fois, cependant, quand le gouvernement a été défait, l'idée a été abandonnée.
Il y a donc eu tous ces faux départs. Certains semblaient trouver le moyen de résoudre le problème -- du moins aux yeux du gouvernement sinon aux yeux des autochtones eux-mêmes -- mais il y avait toujours quelque chose de plus important qui survenait, et on renonçait à l'idée.
Á (1150)
Le président: Monsieur Finlay.
M. John Finlay (Oxford, Lib.): Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur Leslie. J'ai trouvé la réunion très intéressante jusqu'ici.
J'ai une question de terminologie à vous poser. Je suis probablement stupide, mais j'aimerais revenir à la page ayant pour titre «L'administration et la législation concernant les Indiens – Jusqu'en 1927». C'est là que vous parlez de la première Loi regroupée sur les Indiens.
Je veux vous demander ce que signifie le mot «émancipation». Je croyais que cela consistait à donner aux gens le droit de vote, mais ce n'est peut-être pas cela. Vous parlez des «dispositions relatives à l'éducation et à l'émancipation des Indiens». J'ai également noté quelque chose au sujet de la perte du statut d'Indien.
M. John Leslie: Ce terme a été utilisé au sujet des Indiens dans l'«Acte pour encourager la civilisation graduelle des tribus sauvages» de 1857. L'idée était que si un Indien pouvait passer à travers un processus de ce genre, il était émancipé : il avait le droit de vote, mais il renonçait à son statut d'Indien.
M. John Finlay: Passons maintenant à la page qui couvre la période allant jusqu'en 1970. Vous dites que le principe de l'émancipation obligatoire est supprimé dans la Loi sur les Indiens.
M. John Leslie: Il y avait deux articles. L'article 112, je crois, contenait des dispositions obligatoires. Il y en avait un autre qui était facultatif. Les Indiens ont toujours dit que c'était de la bouillie pour les chats. Chaque fois qu'il y a eu des consultations dans les années 50, ils ont toujours dit aux responsables du gouvernement qu'ils voulaient voir disparaître cet article, qu'ils voulaient pouvoir conserver leur statut et qu'ils ne voulaient pas de cette épée de Damoclès suspendue au-dessus de leur tête. Le gouvernement Diefenbaker a supprimé l'article en 1961, mais a laissé dans la Loi la disposition d'émancipation facultative.
M. John Finlay: Exactement.
Eh bien, c'est très utile. Je vous remercie.
L'autre question qu'on peut se poser en feuilletant toutes ces pages, c'est qu'est-ce qu'un Indien? Je ne le sais pas. Y a-t-il une définition? Est-ce une question de sang? Est-ce une question de...
M. John Leslie: C'est une combinaison de facteurs. J'ai énuméré toutes les définitions différentes quelque part. Est-ce que j'ai le temps de les lire si je peux les trouver?
Le président: Oui, vous avez quelque minutes.
M. John Leslie: Très bien.
La définition de 1851 était très vague. Elle disait simplement qu'un Indien avait le droit de s'inscrire en vertu de la Loi. La difficulté, c'est que les listes des bandes indiennes étaient tenues localement jusqu'en 1951 et que leur qualité dépendait de la compétence de l'agent indien.
On a découvert à différents endroits--par exemple, dans les parties septentrionales des provinces de l'Ouest--que des gens se retrouvaient dans les réserves indiennes durant la dépression des années 30, et que le gouvernement ne savait pas si ces gens avaient le droit d'être là. Par conséquent, quand nous avons commencé à mettre en place des programmes de sécurité sociale ou quand des gens devaient obtenir des avantages spéciaux, le gouvernement devait décider qui y avait droit. C'est à ce moment qu'il a fallu repenser la question.
Parce qu'il y avait une telle pagaille, en 1951, on a affiché des listes pour chaque bande. Dans les Maritimes et en Ontario, chaque réserve a affiché une liste des personnes censées en faire partie. Les gens pouvaient déposer une protestation. Ils avaient six à neuf mois pour le faire, mais il y a eu beaucoup de confusion. Par exemple, des gens ont protesté contre le fait que leur mère figurait sur la liste. Il y a eu toute une série de problèmes pendant les années 50 pour rétablir des gens et traiter les protestations.
M. John Finlay: On n'a donc pas fait de test d'ADN pour déterminer qui était Indien et qui ne l'était pas.
M. John Leslie: Je vais vous donner la définition de 1850. Comme je l'ai déjà dit, la définition vient du Canada-Est et comprend quatre parties :
Premièrement : Tous sauvages pur sang, réputés appartenir à la tribu ou peuplade particulière de sauvages intéressée dans ladite terre, et leurs descendants. |
Deuxièmement : Toutes personnes mariées à des sauvages, et résidant parmi eux et les descendants desdites personnes. |
Troisièmement : Toutes personnes résidant parmi les sauvages, dont les parents des deux côtés étaient ou sont des sauvages de telle tribu ou peuplade, ou ont droit d'être considérés comme tels. |
Quatrièmement : Toutes personnes adoptées dans leur enfance par des sauvages, et résidant dans le village ou sur les terres de telle tribu ou peuplade de sauvages, et leurs descendants. |
Á (1155)
M. John Finlay: C'est une définition très étendue, n'est-ce pas?
M. John Leslie: Effectivement. N'importe qui pouvait être adopté sans avoir à être Indien pur sang.
M. John Finlay: Est-ce que Grey Owl a été adopté, monsieur Leslie?
M. John Leslie: Grey Owl était un Irlandais.
M. John Finlay: Je sais qu'il était irlandais.
Des voix : Oh, oh!
Le président: Merci, monsieur Finlay.
Madame Grey.
Mme Deborah Grey (Edmonton-Nord, PC/RD): Je vous remercie.
C'était en 1850. J'y reviendrai dans un instant, mais vous avez dit que certains ont déposé des protestations contre leur mère. Je l'ai fait moi-même quand j'avais 13 ans. Depuis, j'ai découvert qu'elle est fort sage.
Vous avez parlé de la définition de 1850 et de ses quatre composantes. Que diriez-vous si Radio-Canada venait vous voir à titre d'expert et vous demandait votre propre définition d'un Indien, aujourd'hui en 2002?
M. John Leslie: Je dirais tout simplement de consulter la Loi sur les Indiens de 1951. J'éluderais donc la question pour essayer de m'en sortir.
Une voix : Oh, oh!
Mme Deborah Grey : Je vois. Nous avons dépassé le stade de la Loi C-31. Certains d'entre nous doivent travailler aux premières lignes.
M. John Leslie: Le problème, c'est que lorsque je suis arrivé aux Affaires indiennes en 1968, il y avait des Indiens, des Métis et des Indiens non inscrits. Maintenant, nous avons le paragraphe 6(2) et toutes ces catégories et sous-catégories. C'est incroyable! Nous semblons créer encore plus de problèmes en subdivisant les Indiens en catégories plus nombreuses. Certains auront des enfants qui auront certain droits , tandis que d'autres perdront leurs droits. Nous allons directement vers le bourbier.
Mme Deborah Grey : Il y a aussi une décision judiciaire récente qui parle d'impôts, aussi bien dans les réserves que hors réserve.
Vous avez mentionné à plusieurs reprises la Loi sur les Indiens de 1951. De quelle façon cette Loi a-t-elle limité les pouvoirs du ministre? Quelle différence y a-t-il entre les pouvoirs avant et après la Loi?
M. John Leslie: Avant 1951, le ministre avait trop de pouvoirs discrétionnaires, que la nouvelle Loi a réduits. Le ministre a plus de latitude maintenant. Aux termes de la Loi actuelle, il me semble que le ministre a beaucoup plus de latitude, au point où il peut presque soustraire des bandes à l'application de la Loi ou de certaines de ses parties.
Mme Deborah Grey: Compte tenu du fait que le ministre a beaucoup de pouvoirs discrétionnaires, nous sommes aux prises avec les changements à la loi sur la gouvernance. Nous avons parlé de certaines choses concernant le Nord, comme les permis d'adduction d'eau, etc. Pour revenir encore une fois à la base, je crois que certains de ceux qui vivent dans les réserves trouvent que le ministre aurait alors trop de pouvoirs discrétionnaires. L'augmentation des pouvoirs est-elle exponentielle, à votre avis? Devons-nous continuer à aller de l'avant en laissant le ministre garder beaucoup ou trop de pouvoirs discrétionnaires?
M. John Leslie: Je crois que le ministre veut probablement s'en départir et remettre autant de pouvoir que possible aux premières nations elles-mêmes. Je crois que c'était l'intention dans la Loi de 1951, mais personne n'a vraiment réexaminé la Loi sur les Indiens depuis 51 ans.
Mme Deborah Grey: Il n'y a pas de doute que les conditions dans certaines réserves ne sont pas idéales. Pouvez-vous nous donner une idée de ce qu'étaient les conditions sociales avant les pensionnats?
M. John Leslie: La période des années 30 semble avoir été la pire, par suite des coupures du gouvernement. Comme je l'ai dit dans mon exposé, l'intention de la politique était de faire disparaître les Indiens et les réserves. Les réserves devaient être temporaires. Les Indiens aussi devaient constituer un phénomène temporaire, jusqu'à leur assimilation. En fait, l'Église anglicane avait affirmé aux responsable des Affaires indiennes, dans les années 30, que les choses se passeraient ainsi. Les vieux mourraient, les jeunes épouseraient des non-Indiennes. Il n'y avait qu'à attendre vingt ans et il n'y aurait plus de problème indien.
La population indienne a baissé jusqu'aux alentours de 1920, après quoi elle a commencé à augmenter très rapidement. Les réserves ne disposaient que de très peu de terres. Or la population augmentait. Les provinces ne voulaient pas s'en mêler parce qu'il s'agissait d'un problème relevant de l'article 91.24, c'est-à-dire un problème fédéral. De son côté, le gouvernement fédéral avait la dépression sur les bras. Ce n'est qu'après la Seconde Guerre mondiale qu'il a pu consacrer plus d'argent aux réserves, y construisant de nouveaux bâtiments et réparant ceux qui ne l'avaient pas été depuis trente ou quarante ans.
Bien sûr, c'était une première version de l'État providence : les allocations aux mères et les allocations aux aveugles ont sûrement amélioré les conditions dans une certaine mesure à la fin des années 40 et au début des années 50. Toutefois, dans certaines des réserves, les conditions étaient horribles. Et elles le sont toujours.
 (1200)
Mme Deborah Grey: Je vous remercie.
Le président: Merci.
Monsieur Godfrey.
M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.): Merci encore d'être venu. Je suis heureux de vous voir en meilleure santé. Je dois dire en outre que votre propre histoire est fascinante parce qu'en un sens, vous vous occupez de cette affaire depuis 35 ans. Vous représentez en quelque sorte la mémoire institutionnelle. Ayant moi-même enseigné l'histoire, je suis enchanté de voir cela. Je crois qu'il est possible ainsi d'expliquer le monde étrange et fou dans lequel nous vivons aujourd'hui. Sans un peu d'histoire, il nous serait difficile d'imaginer comment nous avons vu arriver là où nous sommes.
Ma question est probablement un peu injuste, mais les questions de ce genre sont en général les meilleures.
Quelles leçons pouvons-nous tirer de l'histoire dans ce cas? Je suppose que si vous aviez des conseils à nous donner aujourd'hui, le premier serait sans doute de renoncer définitivement à l'assimilation. Si elle n'a pas marché pendant 240 ans, ou pendant toute autre période, il est inutile d'y penser. Bien sûr, ce serait un conseil négatif. Je m'intéresse plutôt aux occasions manquées. À votre avis, parmi les propositions qui n'ont jamais été appliquées, lesquelles auraient été les plus fructueuses?
Il y a une chose que j'ai remarquée. Quand j'ai entendu parler pour la première fois de l'intérêt porté par Alan Cairn à tout ce concept de «citoyen plus», je ne savais pas qu'il remontait aux années 60. Quels sont les enseignements à tirer? D'une façon générale, si vous étiez responsable de la politique, qu'est-ce que vous voudriez éviter et quelles propositions écartées reprendriez-vous? Compte tenu de ce qui s'est passé, quelles idées rejetées auraient eu des chances de réussir ou de changer la situation pour le mieux?
M. John Leslie: Ce serait vraiment très difficile à dire. La première chose à laquelle je peut penser est la plus simple : régler rapidement les revendications territoriales. Payer maintenant, parce qu'on va devoir payer de toute façon plus tard. Le prix est en train de monter. Ma proposition serait donc de trouver un moyen de régler les revendications territoriales.
Je ne sais pas. Comme je l'ai dit au début, le plus grand problème, c'est que la politique indienne est formulée pour les Indiens par les décideurs. Je ne sais pas dans quelle mesure les décideurs écoutent vraiment ce que les Indiens ont à dire. L'autre problème, c'est que lorsqu'on va consulter, on trouve toute la gamme d'opinions, mais pas de voix indienne. Ce qu'on entend, c'est : «Quoi? Oh là là! Qu'est-ce que nous allons faire?»
Diefenbaker semblait presque avoir maîtrisé la situation. Il allait s'occuper des revendications territoriales, il allait modifier la Loi sur les Indiens. Bien sûr, c'était une période où les organisations politiques indiennes étaient relativement tranquilles ou n'étaient pas vraiment organisées. Il avait le champ libre, mais son gouvernement a été défait. Son idée était de laisser les bandes se constituer en corporations, de leur permettre d'avoir leur propre constitution, de leur laisser les titres de propriété de leurs réserves pour que les Indiens eux-mêmes puissent, d'une façon ou d'une autre, obtenir les titres de propriété de la terre et s'en servir comme garantie pour obtenir de l'argent, des hypothèques, etc. Il est possible que ce soit la voie à suivre, mais je n'en suis pas sûr.
On pourrait leur donner plus de fierté en leur laissant la gestion des réserves. Aujourd'hui, c'est la responsabilité du ministre fédéral et les terres appartiennent à la Couronne. Ils sont en quelque sorte des locataires, si je peux me servir de ce mot.
Je crois que... On pourrait continuer longtemps ainsi.
M. John Godfrey: Eh bien, vous étiez là, vous avez vu les hauts et les bas. Je trouve cela fascinant.
M. John Leslie: Oui, il y a des hauts et des bas, des cycles. L'un des problèmes est que des créneaux s'ouvrent, vous laissant le temps d'agir. Puis soudainement, ils se referment à cause d'un événement quelconque, comme un changement de gouvernement. Diefenbaker voulait avoir une commission de revendications. Pearson en a eu une, ou du moins en a essayé une. Je crois qu'il a déposé deux projets de loi, mais son gouvernement a voulu obtenir une majorité en 1965, et les deux projets de loi déposés à la Chambre sont restés au Feuilleton.
La volonté politique d'agir ne s'est jamais maintenue assez longtemps. Quelqu'un prend une initiative, mais elle échoue parce que les priorités changent.
 (1205)
M. John Godfrey: Je vous remercie.
M. John Leslie: C'était une réponse plutôt vague, mais elle était...
M. John Godfrey: Je trouve quand même intéressants les éléments que vous avez choisis : les revendications territoriales de l'Ouest, ainsi que la constitution des bandes à laquelle il faudrait peut-être réfléchir davantage parce qu'elle ouvre la voie à la propriété privée et pourrait avoir des incidences sur le développement économique.
M. John Leslie: Oui.
Pendant que je bavardais avec quelqu'un hier, je lui ai dit que lorsqu'on considère la politique indienne, on constate toujours que c'est du déjà vu. Comme le disait Yogi Berra : Seigneur, nous y revoilà encore! Nous avons déjà essayé cela il y a x années.
Le président : Je comprends ce que vous voulez dire. Depuis que je suis président de ce comité, c'est la deuxième fois que nous examinons la Loi sur les Indiens au nom de la Chambre. C'est donc du déjà vu. Je m'attends cependant à ce que ce soit différent cette fois-ci. La dernière fois, c'était en 1997. Nous sommes maintenant en 2002.
M. John Leslie: La consultation des Indiens est bien sûr une autre grande question. Qu'entendez-vous par consultation? Allez-vous présenter le projet de loi à des Indiens, le leur expliquer, puis dire que c'était de la consultation? Allez-vous leur dire : «Le voilà, vous pouvez changer ce que vous voulez»? Cela dépend. N'oubliez pas qu'ils ont vraiment été échaudés par le livre blanc de 1969.
Le président: Monsieur Vellacott.
M. Maurice Vellacott: Je crois qu'il faut remonter très loin dans l'histoire pour trouver l'idée mentionnée par mon collègue John et d'autres, celle d'accorder les titres de propriété à une entité constituée et de permettre à des personnes vivant dans les réserves de détenir leur propre titre de propriété.
Revenons un instant à cette grande époque lointaine où les Indiens se déplaçaient sur les prairies pour suivre les bisons et ainsi de suite. Y avait-il à cette époque des objets qui leur appartenaient en propre, qu'il s'agisse de travois, de tipis ou autres? Ou bien est-ce que tout appartenait à tout le monde? Les biens étaient-ils mis en commun, de façon que si quelqu'un avait besoin de quelque chose, il l'utilisait? Le sait-on?
M. John Leslie: Non, je crois que les objets étaient privés. Ils avaient la notion de propriété privée, notamment dans le cas des outils utilisés pour la chasse, etc.
M. Maurice Vellacott: Oui, les outils leur appartenaient.
M. John Leslie: Oui. Il y avait aussi les chiens qui appartenaient à une personne en particulier. Je suppose cependant qu'ils partageaient en cas de besoin.
Les anthropologues et les archéologues discutent de la question des terrains de chasse des Indiens. Avant l'arrivée des Blancs, ces terrains étaient-ils communaux et démarqués, si je peux m'exprimer ainsi, alors qu'après, les gens semblaient vouloir s'approprier leurs propres zones? Le débat se poursuit encore.
Mais la notion de propriété privée existait certainement, parallèlement à une très forte notion de communauté. Dans mes recherches--je crois que Laurie Barron avait écrit un livre sur la politique indienne de Tommy Douglas--, j'ai découvert deux choses. On parle constamment du sens de la communauté des Indiens, mais j'ai constaté, en faisant certaines recherches, que la société indienne pouvait avoir une nature hautement individualiste. Les Indiens s'intéressaient à la propriété privée. Quelques-unes des coopératives établies en Saskatchewan n'ont pas marché. Les Indiens n'en voulaient pas parce qu'ils préfèrent une organisation laissant plus de place à l'initiative personnelle.
M. Maurice Vellacott : Au sujet de cette idée de retour à la terre, je sais que cela cause souvent des difficultés. Les Indiens peuvent s'adapter à certaines choses, mais pas en ce qui concerne la terre parce qu'ils la partagent tous ensemble. C'est une façon assez étrange de voir les choses, parce que la notion de propriété privée vient d'Europe et se fondait surtout sur le modèle agraire, puis sur le modèle industriel par la suite.
Je trouve intéressant qu'on dise que les autochtones n'ont jamais eu cette notion de propriété privée, quand la plupart des gens équitables diraient sûrement que, par rapport à certaines choses, cette notion existait bel et bien.
M. John Leslie: Oh oui, et elle a probablement évolué avec le temps, comme dans le cas des biens troqués : ça, c'est ma bouilloire en cuivre, etc.
 (1210)
M. Maurice Vellacott : Exactement. Par contre, il me semble que le besoin n'existait pas dans le cas de la terre. Ils n'en sont pas venus là. S'ils s'étaient mis à l'agriculture, de leur propre initiative, ils auraient probablement acquis un sens plus poussé de la propriété foncière. Mais l'arrivée des Blancs dans le pays a vraiment précipité les choses en direction du modèle agraire...
M. John Leslie : Il y avait de grandes différences entre les premières nations. J'y pensais lorsque vous avez parlé de Joseph Brant et des Six-Nations.
Aux termes de la Proclamation royale de 1763, les autochtones ou les Indiens ne pouvaient pas vendre des terres. Elles devaient être vendues ou données à la Couronne, qui les revendait à son tour. Mais Joseph Brant a pris sur lui de vendre la moitié des terres de la réserve, en soutenant que ses gens n'étaient pas des sujets, mais des alliés des Britanniques et qu'ils n'étaient donc pas assujettis à leurs lois. Bien sûr, les administrateurs du Haut-Canada ont dit non, que ce n'était pas le cas, mais ils ont évité l'affrontement parce qu'ils avaient encore besoin des Indiens comme alliés pour parer à une éventuelle attaque américaine.
Le président : Je m'excuse, monsieur Vellacott, mais je dois vous interrompre.
Pour pouvoir faire un second tour complet, nous allons devoir nous limiter à trois minutes pour les questions et les réponses.
Monsieur Bagnell, trois minutes.
M. Larry Bagnell (Yukon, Lib.): Merci.
Je viens du Yukon. Je vais aborder tout de suite la question de la gouvernance, parce que je crois que ma région est probablement la plus avancée à cet égard à cause des ententes d'autonomie gouvernementale maintenant en place. Quand les quatorze auront été signées, nous aurons quatorze gouvernements, dont certains auront autant ou plus de pouvoirs que les provinces du Canada. Je ne crois pas que beaucoup de Canadiens le sachent.
Connaissez-vous d'autres régions au Canada ou ailleurs dans le monde où la gouvernance est aussi avancée, pour que nous puissions les examiner ou les prendre pour modèles?
M. John Leslie: Je crois que vous trouverez quelques modèles aux États-Unis, surtout dans les États du Sud.
M. Larry Bagnell: Vous avez parlé d'un transfert croissant de pouvoirs aux gouvernements des premières nations au fil des ans. À mesure que ces pouvoirs étaient transférés, est-ce que les citoyens de ces gouvernements ont eu accès à des recours croissants, comme ce serait le cas s'ils avaient relevé d'autres ordres de gouvernement?
M. John Leslie : Je ne suis pas sûr d'avoir compris votre question.
M. Larry Bagnell : Si ces gouvernements deviennent plus indépendants et ont plus de pouvoirs, leurs citoyens ont-ils également des recours croissants s'ils ont des difficultés, comme les citoyens des autres ordres de gouvernement?
M. John Leslie: Je suppose qu'ils peuvent s'adresser aux tribunaux. Ils auraient sans doute cette possibilité. Je crois qu'ils peuvent recourir au système judiciaire canadien, à la Loi canadienne sur les droits de la personne et à la Charte.
M. Larry Bagnell: J'en viens à ma dernière question. Certains tentent de prouver que le Canada consacre plus d'argent aux membres des premières nations qu'à ses propres citoyens. Est-ce vrai ou n'est-ce là qu'un mythe? Si c'est vrai, comment expliquer les conditions dont vous avez parlé, ces conditions déplorables dans lesquelles vivent certaines de nos premières nations? Nous en avons entendu parler ici. Nous essayons de nous attaquer à ce problème et de trouver des solutions, mais qu'est-ce qui explique cette situation?
M. John Leslie: C'est une très bonne question.
Je crois que dans les années 60, les dépenses s'élevaient à plusieurs millions de dollars. Aujourd'hui, elles doivent atteindre des milliards. Beaucoup de ministères fédéraux ont des programmes pour les Indiens, pas seulement les Affaires indiennes. Pour résoudre le problème indien, si je peux utiliser cette expression, on a tendance à y consacrer de l'argent, en espérant que cela fera l'affaire. Je ne sais pas si des évaluations sont faites pour déterminer comment l'argent a été dépensé ou s'il y a des résultats probants.
[Français]
Le président: Monsieur Marceau.
M. Richard Marceau: Non, ça va. Merci.
[Traduction]
Le président: Madame Karetak-Lindell.
Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.): Je vous remercie.
Je voudrais avoir des éclaircissements sur une observation que vous avez faite en réponse à une question de M. Godfrey concernant le règlement des revendications territoriales. Comme je parlais à un chef il y a deux semaines, je lui ai dit que nous devions examiner une loi sur la gouvernance. Sa première réaction a été de me dire que son groupe était sur le point de régler sa revendication territoriale et qu'il espérait donc que la loi ne le toucherait pas. Cela signifierait que chaque première nation ou groupe d'Indiens, comme vous les appelez dans votre exposé, qui signe une entente sur ses revendications territoriales peut échapper à la Loi sur les Indiens. Est-ce que cela est vrai?
M. John Leslie: Non, pas du tout. Je ne sais pas vraiment ce que ce chef voulait dire. Nous avons deux genres de revendications territoriales au Canada, les particulières et les globales. Les revendications globales sont comme celles du Nord, portant sur de vastes étendues où subsistent des intérêts autochtones sur des terres et des ressources. Le règlement de ce genre de revendications peut comprendre des dispositions d'autonomie gouvernementale. Par conséquent, selon l'identité du chef à qui vous parliez, il pourrait effectivement échapper à la Loi sur les Indiens ou n'être assujetti qu'à une partie de la Loi.
Par ailleurs, si nous parlons de revendications particulières -- qui peuvent porter sur une fraude, un acte administratif erroné, un problème découlant d'un traité, par exemple, nous n'avons pas obtenu nos munitions ou autre chose --, la Loi sur les Indiens n'est pas en cause en cas de règlement. Les revendications globales sont différentes parce que les négociations peuvent également porter sur l'autonomie gouvernementale.
 (1215)
Mme Nancy Karetak-Lindell: Quand vous dites une partie de la Loi sur les Indiens, de quelle partie pourrait il s'agir dans le cas de revendications globales...
M. John Leslie: Je pense à...
M. John Godfrey: Non, c'est dans le cas des revendications territoriales particulières.
Mme Nancy Karetak-Lindell: Il vient de dire que le règlement des revendications territoriales globales peut comprendre...
M. John Leslie: Je pense que certaines des terres cries de la baie James peuvent relever de l'article 91.24, mais que d'autres dispositions de la Loi sur les Indiens ne s'appliquent pas. Tout est négociable, vous savez.
Mme Nancy Karetak-Lindell: Vous dites donc que chaque règlement est différent parce qu'il n'est pas couvert de la même façon par la Loi sur les Indiens?
M. John Leslie: Oui, c'est une possibilité. Je ne pense pas qu'il y ait des règles inflexibles.
Le président: Monsieur Martin.
M. Pat Martin: Merci, monsieur le président.
Je sais que, par manque de temps, vous n'avez pu qu'effleurer la question de la Commission royale sur les peuples autochtones. Par rapport à tout ce qui a précédé depuis 250 ans, c'était probablement l'effort le plus exhaustif et la consultation la plus large sur l'orientation que nous devrions prendre. Pourtant, jusqu'ici, les recommandations n'ont fait qu'amasser de la poussière. Beaucoup de gens disent qu'à la place de cette nouvelle loi sur la gouvernance des premières nations que nous attendons, nous devrions mettre en oeuvre les recommandations de la commission royale, qui a procédé à de vraies consultations. J'ai donc deux questions à poser.
D'abord, à votre connaissance, y a-t-il des aspects des recommandations de la commission royale qui puissent répondre aux voeux du ministre Nault en ce qui concerne cette question de gouvernance des premières nations?
Ensuite, compte tenu de l'expérience que vous avez des consultations antérieures, que devraient comporter de «vastes consultations»? Qu'est-ce que cette expression signifie? Ce que le ministre Nault a fait jusqu'ici est-il satisfaisant?
M. John Leslie: Je crois que ses consultations sont très vastes. Ce sont probablement les plus vastes que nous ayons jamais eues, du moins d'après ce que j'ai entendu dire.
M. Pat Martin: Seules quelque 600 personnes ont en fait présenté quelque chose.
Une voix : [Inaudible--Éditeur]
M. Pat Martin: Eh bien, on parle de 10 000, tandis que l'APN dit 600, à qui on aurait d'ailleurs tordu le bras pour qu'ils assistent.
M. John Leslie: Vous pouvez établir un numéro 1-800, mais qui va appeler si personne ne comprend vraiment ce qui se passe?
J'étais allé à Témiscamingue, il y a deux ans. Nous devions parler à une collectivité de ses revendications territoriales. Il s'agissait de revendications globales. Nous avons rencontré le chef et les membres du conseil, qui nous ont dit qu'il y aurait une réunion communautaire pour discuter de la question dans la soirée. Deux personnes sont venues. Le chef s'est tourné vers moi et m'a dit : «C'est la soirée du bingo. Mauvais choix.»
Pour ce qui est de la consultation, il est certain...
M. Pat Martin: Est-ce que le fait d'organiser une assemblée publique locale et de dire que tout le monde est invité à y assister suffit pour répondre aux critères d'une vaste consultation?
M. John Leslie: Je pense qu'aller dans une réserve pour parler aux gens serait une bonne chose.
Pour les consultations qui ont précédé l'adoption de la Loi sur les Indiens de 1951, le gouvernement a choisi sept ou huit dirigeants autochtones, les a fait venir à Ottawa, les a réunis pendant quatre ou cinq jours, leur a présenté la Loi révisée et l'a passée en revue avec eux. On les a conduits dans une chambre, puis on les a bombardés jour après jour, pendant quatre ou cinq jours. Voilà pour la consultation.
M. Pat Martin: Cela me fait pensait au lac Meech.
Des voix : Oh, oh!
M. John Leslie: En 1954, les consultations ont été plus approfondies. Les responsables du ministère ont dit qu'ils ne voulaient pas choisir les mêmes représentants. Ils voulaient les choisir par région, parce qu'ils essayaient d'avoir des groupes pouvant refléter l'opinion régionale. Il y avait donc une grande table autour de laquelle des représentants régionaux étaient assis. Ils pensaient qu'en faisant venir quelqu'un de la Nouvelle-Écosse, ils pourraient connaître le point de vue des autochtones de cette province.
Je suppose que c'était au moment où avait été établi le Conseil national des Indiens, devenu plus tard la Fraternité des Indiens du Canada, prédécesseur de l'Assemblée des Premières nations. Ils espéraient créer à Ottawa une organisation où les parlementaires et les politiciens pourraient obtenir rapidement le point de vue des Indiens, mais l'organisation était trop régionale et il y avait beaucoup trop de points de vue indiens.
M. Pat Martin: Maintenant, le ministre a en fait choisi de court-circuiter l'Assemblée et d'aller consulter directement la base.
M. John Leslie: Oui, mais je ne sais pas si les membres de la base vont comprendre... Je n'ai rien vu de ce que le gouvernement a produit.
M. Pat Martin: Personne n'a rien vu.
M. John Leslie : Non. Je ne sais donc pas s'ils comprendront ou non. C'est peut-être une mesure législative complexe, mais que signifie-t-elle? Comme je l'ai dit, on peut faire toutes sortes de consultations. Il reste à savoir si on obtient une opinion éclairée en contrepartie.
 (1220)
Le président: Comme je l'ai dit, on peut faire toutes sortes de consultations. Il reste à savoir si on obtient une opinion éclairée en contrepartie.
Lorsque le projet de loi sera déposé au comité, nous déciderons du processus de consultation que nous suivrons. Nous espérons en sortir en disant que nous avons donné à chacun la possibilité de participer. C'est mon voeu en tout cas.
Monsieur Godfrey.
M. John Godfrey: Pour revenir à la question des consultations, compte tenu de l'expérience des sept personnes enfermées dans une pièce, y a-t-il autre chose... Comme nous avons une organisation comme l'APN qui est généralement en contact avec tous les gens qui relèvent de la Loi sur les Indiens, peut-on dire que certaines caractéristiques de la structure de cette organisation la rendent moins légitime qu'un autre processus de consultation, comme un numéro 1-800 et tout le reste? Compte tenu de ces 240 ans d'histoire et du fait que toutes les complexités régionales se reflètent dans l'APN, y a-t-il quelque chose qui vous inquiéterait si on s'en servait comme principal moyen de consultation?
M. John Leslie: Je ne sais vraiment pas à quel point l'APN est représentative de l'opinion régionale. Ce serait mon premier point. Ensuite, dans quelle mesure est-elle représentative si l'on veut connaître l'opinion des gens ordinaires dans les réserves?
M. John Godfrey: Quand je pense aux 10 millions de dollars que nous avons consacrés jusqu'ici à ces consultations, et que je constate que l'APN a au moins quelques procédures de gouvernance et une certaine structure régionale, je me demande si nous avions vraiment besoin de la mettre à l'écart.
M. John Leslie : Nom, je ne le crois pas, mais les consultations posent un problème. Vous pouvez aller parler individuellement à chaque autochtone du pays, mais, à un moment donné, le ministre doit s'asseoir et donner des précisions sur son projet de loi. Certains ne l'aimeront pas, mais ce sera ce qu'il aura réussi à vendre aux organismes centraux et au Cabinet. Il devra donc s'y tenir
M. Pat Martin: Je vous remercie.
Le président : Une chose est claire. Notre comité ne disposera pas de 10 millions de dollars pour tenir des consultations.
Madame Grey.
Mme Deborah Grey: Merci.
Je suis un peu perdue. J'avais l'impression que ces consultations devaient précéder l'élaboration du projet de loi et auraient pour objectif de déterminer ce qu'il convient d'y mettre. Vous venez cependant de dire, Ray, qu'après le dépôt du projet de loi, nous aurons à arrêter nos modalités de consultation. Je n'arrive pas à suivre l'ordre dans lequel les choses se feront.
Le président : Le comité décide toujours de la façon de consulter les Canadiens sur un projet de loi que la Chambre lui confie. Ce sera notre décision. À qui nous parlerons, comment nous le ferons, si nous voyagerons... C'est de toutes ces choses que je veux parler.
Mme Deborah Grey: Merci pour ces éclaircissements.
En ce qui concerne les consultations, la répartition régionale, c'est certainement quelque chose, mais à l'intérieur des réserves... Dans la réserve où j'ai enseigné, il y avait toute la gamme des opinions. C'est toujours le cas. Il y a toujours le chef et le conseil d'un côté et les membres de la bande, de l'autre.
M. John Leslie: La tradition par opposition aux élus, comme pour les Six-Nations.
Mme Deborah Grey: Exactement. Je ne sais vraiment pas comment nous trouverons un processus de consultation qui sera assez efficace, que nous ayons recours ou non à l'APN, comme organe politique ou représentatif. Je sais aussi, pour avoir travaillé dans une réserve et avoir accueilli des enfants chez moi, que c'est difficile parce que les membres de la bande ne pensaient pas que ces gens parlaient en leur nom. C'est la réaction typique : les gens disent bien que personne d'entre nous, politiciens, ne sait vraiment ce qu'il fait. Les gens de la base seraient probablement d'accord avec moi sur ce point.
Je ne sais vraiment pas comment nous recueillerons ces points de vue. C'est ce que nous devons bien comprendre ici. Si, pour 10 millions de dollars, on n'a obtenu l'avis que de 800, 600 ou 60 personnes -- je ne sais pas exactement --, comment pouvons-nous espérer faire mieux, monsieur le président? J'aimerais bien croire que ce sera fantastique, mais...
Le président: Mon conseil au comité est de nous assurer de donner à chacun l'occasion de participer, une occasion honnête et loyale. Si nous n'obtenons pas de réaction, je ne peux vraiment rien y faire.
J'organise des assemblées publiques dans ma circonscription. En septembre dernier, j'ai fait cinq heures et demie de route pour aller dans une localité. À mon arrivée, personne n'était là, même pas celui qui avait la clé de la salle. Je suis donc allé prendre le café à différents endroits. On m'a dit que c'était formidable que j'organise ces assemblées publiques. On m'a prié de continuer à le faire. Les gens sont heureux d'avoir la possibilité de participer. Je préférerais qu'ils viennent aux assemblées. Ils m'ont dit que je devais être déçu. J'ai répondu non et qu'en fait, je m'inquiéterais bien plus si 400 d'entre eux m'attendaient à l'entrée de la ville.
Je comprends cependant ce que vous voulez dire. Nous nous assurerons que tout le monde... J'avais d'ailleurs l'intention de vous suggérer d'envoyer une lettre à chaque ménage. C'est vous qui déciderez comment nous leur donnerons l'occasion de participer. En envoyant peut-être une cassette ou une lettre. La décision vous appartiendra.
 (1225)
Mme Deborah Grey: Tant qu'ils le savent. Je pense que nous organisons tous des assemblées publiques. Nous les annonçons dans les journaux. J'ai dépensé 400 $ pour une annonce dans l'Edmonton Journal et l'Edmonton Sun. Pourtant, personne ne savait que j'organisais une réunion. Si nous n'avions pas appris, dans notre métier, à avoir la peau dure, ces situations nous mettraient le moral à zéro.
Mais je pense que vous avez raison quand vous dites que nous devons être disponibles. Avec cette idée d'image de marque, j'ai toujours eu un camion de la même couleur, de la même forme et de la même taille pendant toute ma carrière politique. Les gens disent qu'ils ne sont pas venus à ma réunion, mais qu'ils ont vu mon camion en ville et qu'ils savent donc que je les aime. C'est exactement comme cela que ça se passe. Les gens de la base veulent savoir. Ils ne veulent pas découvrir quatre mois après les consultations que nous avions prévus cette grande invitation pour eux. Nous devons trouver un moyen de les informer...
M. John Leslie: Ne serait-ce que pour le camion.
Mme Deborah Grey: Exactement. En fait, à l'élection partielle que j'ai remportée cela fera 13 ans demain, une femme m'a dit qu'elle voterait pour moi parce qu'elle trouvait que j'avais de belles dents! J'ai dit merci et je lui ai demandé d'emmener dix amis. Mais nous devons absolument faire mieux dans le pays. C'est ainsi. C'est une chose que nous avons tous à affronter.
M. John Leslie : Oui, je voulais dire que le comité spécial mixte qui s'est réuni de 1946 à 1948 avait un autochtone qui faisait la liaison avec les autres groupes. C'était un certain Norman Lickers des Six-Nations. Sa présence semblait toujours immédiatement faciliter les choses.
Le président : Il y a différent suggestions sur la question de savoir qui fera les consultations. Je vais trancher tout de suite. C'est le comité qui s'en occupera. Ce ne sera ni l'APN ni personne d'autre. Ce sont les membres du comité. Nous pouvons décider de l'aide dont nous aurons besoin, mais nous ferons nous-mêmes les consultations. Peut-être devrions-nous louer un train pour faire le tour du pays. Quand nous allons en train, on nous dit qu'on nous aime.
Monsieur Finlay, une seule minute. Ensuite, nous passerons au mot de la fin.
M. John Finlay: Merci, monsieur le président.
Je reviens à mon premier point, monsieur. À l'avant-dernière page, je lis : «En 1960 : le principe de l'émancipation obligatoire des Indiens est supprimé de la Loi sur les Indiens.» Cela signifie qu'on ne peut pas prendre un Indien et en faire un non-Indien.
M. John Leslie: Le gouvernement ne peut pas le faire de force.
M. John Finlay: Très bien, mais je lis ensuite : «En 1960 : les Indiens se voient accorder le droit de vote aux élections fédérales.»
M. John Leslie: Oui, ils ont obtenu le droit de vote. Il y a une certaine confusion à ce sujet, mais quand un Indien renonce à son statut, le processus officiel porte le nom d'émancipation.
M. John Finlay: Les mots ne veulent plus rien dire. Vos explications signifient le contraire. Ce n'est pas d'émancipation, mais de privation de droits qu'on aurait dû parler.
M. John Leslie : Oui.
Le président : Très bien, je vous remercie.
Monsieur Leslie, vous pouvez dire quelques mots pour conclure.
M. John Leslie : Je vous souhaite bonne chance.
Des voix : Oh, oh!
Le président: Merci beaucoup. Vous avez vraiment tout dit.
M. John Leslie: Si vous voulez, je peux écrire quelque chose là-dessus d'ici dix ans.
Le président : Oui, si vous voulez. Tout ce que je vous demande, c'est de bien orthographier mon nom.
Nous vous remercions très sincèrement. Cette séance a été très informative et très utile. Nous sommes heureux que vous ayez accepté de venir encore une fois pour nous aider. Quand nous recevrons le projet de loi, je suis sûr que les membres du comité me recommanderont de vous inviter de nouveau pour connaître votre point de vue.
M. John Leslie : Si vous voulez le connaître en entier, tout se trouve dans ma thèse de doctorat.
Le président : Merci encore.
M. John Leslie: Merci à vous.
Le président: Membres du comité, nous allons siéger à huis clos pour discuter de nos travaux futurs. Ce ne sera pas très long. Je vous remercie.
[Note de la rédaction: La séance se poursuit à huis clos.]