AGRI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON AGRICULTURE AND AGRI-FOOD
COMITÉ PERMANENT DE L'AGRICULTURE ET DE L'AGROALIMENTAIRE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le vendredi 27 avril 2001
Le président (M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.)): Bonjour tout le monde.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous aurons ce matin une séance d'information avec les représentants de la Société du crédit agricole.
Je souhaite la bienvenue à nos témoins. Je vous signale également que d'ici quelques jours, nous recevrons un nouveau projet de loi portant sur la Société du crédit agricole, le projet de loi C-25, que nous serons évidemment appelés à examiner. Aujourd'hui, nous entendrons des porte-parole de la Société du crédit agricole.
Monsieur Ryan, je crois savoir que vous êtes le principal intervenant, et je vous demanderais de présenter les autres membres de votre groupe. Vous avez de 10 à 15 minutes pour votre exposé, et nous passerons ensuite à la période de questions.
Monsieur Ryan, vous avez la parole.
M. John Ryan (président-directeur général, Société du crédit agricole): Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs les députés. Bonjour à tous.
Je suis heureux d'avoir l'occasion de faire le point sur les activités menées par la SCA au cours de l'année financière qui s'est terminée le 31 mars 2001. J'aborderai aussi le point de vue de la SCA quant aux défis économiques qui l'attendent. Je suis accompagné ce matin de Louise Neveu, vice-présidente exécutive et chef de la gestion du savoir, de Jacques Lagacé, notre directeur national des relations avec le gouvernement, et de Scott Grant, notre agent de gestion du portefeuille, qui s'intéressent tous ces jours-ci à la nouvelle mesure.
J'aimerais commencer par un bref aperçu de la société et de son mandat. La SCA est une société d'État fédérale qui sert exclusivement l'agriculture canadienne. Nos quelque 44 000 clients un peu partout au pays sont servis par 900 employés dévoués, à partir d'un réseau de 100 bureaux situés dans les localités rurales du Canada.
• 0910
L'un des atouts de la société, c'est son personnel. En fait,
la grande majorité de nos employés sont nés et ont grandi sur une
ferme. Ils connaissent donc bien l'agriculture et sont animés du
désir d'apporter la plus grande contribution possible dans ce
domaine. D'ailleurs, un grand nombre d'entre eux continuent de se
consacrer à une exploitation agricole, que ce soit individuellement
ou en partenariat avec un membre de leur famille ou leurs parents.
Pour ce qui est de la SCA, toutes ses activités sont vouées à mieux servir sa clientèle. Notre objectif est de nouer des relations à long terme avec les clients. D'après leurs commentaires, ils traitent avec leurs directeurs de compte depuis dix ans ou plus pour la plupart, et c'est ce qu'ils apprécient. Le fait que ces derniers connaissent bien l'entreprise du producteur leur assure une certaine stabilité. Chose certaine, c'est une très bonne façon de créer des liens à long terme.
On m'a déjà interrogé à maintes reprises quant au bien-fondé d'une société financière d'État entièrement vouée à l'agriculture. De nombreuses raisons justifient cela, mais j'en citerai quatre en particulier.
Premièrement, la SCA a été créée en 1959 afin d'assurer aux agriculteurs une source stable de services financiers sur laquelle ils pourraient compter, peu importe le cycle économique.
Deuxièmement, en tant que principal prêteur agricole à terme au Canada, la SCA est une force stabilisatrice au sein du secteur. Le rôle qu'elle y joue est particulièrement important compte tenu des changements marquants qui se produisent dans le secteur des services financiers et de leur impact possible sur le secteur rural canadien.
Troisièmement, la SCA a aussi la réputation d'agir comme catalyseur au sein du secteur et d'inciter d'autres institutions financières à investir en agriculture.
Quatrièmement, nous nous spécialisons dans le domaine agricole et nous consacrons énormément de temps à la création de nouveaux produits et services pour répondre aux besoins émergents de nos producteurs et de nos agri-entreprises. Le fait est que depuis quelques années, plusieurs de nos nouveaux produits ont été copiés par d'autres institutions financières. Nous nous en réjouissons car c'est avantageux pour l'ensemble des agriculteurs.
Il y a une chose que certains ignorent peut-être. Même si la SCA est mandataire du gouvernement fédéral, elle n'en reçoit aucun crédit annuel. La société n'emprunte pas auprès du Trésor. C'était auparavant le cas, mais ce ne l'est plus. Nous empruntons des fonds sur les marchés financiers et nous générons suffisamment de profits pour financer notre croissance ultérieure. En somme, nous réinvestissons nos profits dans l'agriculture, ce que nous considérons un véritable investissement.
Pour ce qui est de notre portefeuille et de l'évolution de la société, vous trouverez dans votre trousse divers graphiques pertinents. Pour résumer la situation actuelle, nous comptons 44 000 clients représentant un chiffre d'affaires de 6,8 milliards de dollars. En comparaison avec 1995, par exemple, nous avions quelque 24 000 clients et un portefeuille d'environ 3,5 milliards de dollars. Par conséquent, nous avons essentiellement doublé notre portefeuille depuis six ans.
En ce qui concerne les nouveaux prêts consentis pendant l'exercice financier ayant pris fin le 31 mars 2001, nous avons autorisé des nouveaux prêts d'une valeur de 1,7 milliard de dollars, ce qui est un record pour la société. Et comme je l'ai dit, nous considérons que cette somme de 1,7 milliard est un véritable investissement dans l'agriculture.
Selon les derniers chiffres de Statistique Canada, qui remontent à 1999, l'endettement agricole total s'élève à 35,8 milliards de dollars environ. Cela englobait à la fois le financement à court terme—c'est-à-dire les crédits à l'exploitation—et à long terme. Qu'est-ce que cela signifie dans le cas de notre portefeuille? Cela signifie que nous détenons environ 17 p. 100 de l'ensemble de la dette agricole. Si l'on considère strictement la dette à long terme, nous assumons environ 31 p. 100 de l'endettement agricole total sous forme d'hypothèques à long terme.
Nous occupons donc sans contredit un créneau important sur le marché financier agricole. Si la SCA n'existait pas, les difficultés d'accès au crédit que connaissent les agriculteurs à l'heure actuelle seraient encore plus importantes.
Sur le plan sectoriel, vous constaterez à la lecture des graphiques que nous appuyons pratiquement tous les secteurs de l'industrie agricole. Toutefois, il y a lieu de noter que notre principal champ d'activité demeure l'agriculture traditionnelle, notamment les cultures commerciales, la production laitière et l'élevage de bovins.
Permettez-moi maintenant de vous communiquer certaines des initiatives qu'a prises la SCA pour créer de nouveaux produits et services à l'intention de la communauté agricole. En fait, nos meilleures idées de produits nous sont inspirées des suggestions de nos clients et des groupes agricoles avec lesquels nous collaborons. Par exemple, pour cerner les besoins liés au développement des exploitations agricoles, nous avons discuté avec des groupes tels que la Fédération canadienne de l'agriculture, la Table pancanadienne de la relève agricole et l'Union des producteurs agricoles. D'une seule voix, ces derniers ont mis en lumière une lacune dans le secteur: le peu d'options de financement s'adressant aux jeunes agriculteurs et aux agriculteurs en développement.
• 0915
À l'issue de ces consultations, en 1998, nous avons lancé le
programme de prêts Coups d'pousse afin d'offrir aux jeunes familles
agricoles des modalités de remboursement souples et de les aider à
mettre sur pied des exploitations agricoles viables. Le volume de
prêts consentis au cours des dernières années dans le cadre de ce
programme a été considérable. En effet, nous avons autorisé plus de
1 300 prêts d'une valeur de 134 millions de dollars depuis le
lancement de ce nouveau produit.
En mars, il y a un mois ou deux, nous avons conclu un partenariat avec sept différents organismes des secteurs privé et public dans le but d'aider les agriculteurs à planifier le cycle de vie de leur exploitation, du démarrage à la retraite. AgriSuccès est une initiative conjointe qui offre des séminaires et de l'information en ligne aux producteurs afin de les aider à régler les enjeux de la planification à long terme. Par l'entremise d'AgriSuccès, la SCA agit comme catalyseur afin d'accroître l'accès à des services de planification d'entreprise dans tous les milieux ruraux du Canada. Le programme profitera surtout aux jeunes agriculteurs, du fait qu'il les aidera à planifier les premières années de leur exploitation, mais il est aussi avantageux pour ceux qui en sont à une étape un peu plus avancée. Nous examinons plusieurs facteurs liés au transfert intergénérationnel de l'exploitation agricole.
Permettez-moi de vous donner certains exemples de nouveaux produits ciblés pour répondre aux besoins de secteurs particuliers. Je commencerai par notre prêt Plantez maintenant, payez plus tard, qui a vu le jour parce que les producteurs de fruits de l'Ontario se sont adressés à la SCA pour obtenir de l'aide afin d'aménager et d'agrandir leurs vergers. Ce prêt est assorti de diverses options de remboursement visant à permettre aux producteurs de fruits de conserver leurs liquidités jusqu'à ce que leur exploitation fonctionne à plein régime. Grâce à ce prêt, la SCA peut fixer les modalités de remboursement en fonction des rentrées de fonds prévues de l'exploitation. Essentiellement, cela revient à reconnaître qu'un agriculteur qui plante maintenant et qui entretient son exploitation touchera un profit sur son investissement quelques années plus tard. C'est à ce moment-là que s'amorce le calendrier de remboursement.
Le prêt Flexi-Porc est aussi un bon exemple d'un produit destiné à un secteur en particulier. En fait, il découle d'une suggestion d'un éleveur de porcs de Brandon, au Manitoba, qui a mentionné au personnel de la SCA que le secteur du porc avait besoin d'un prêt qui lui permettrait de faire face aux cycles de la baisse des prix. Flexi-Porc a été lancé au printemps dernier et les modalités du prêt permettent aux producteurs de déterminer eux- mêmes le moment où leurs paiements de capital seront différés. Ils peuvent reporter leurs paiements jusqu'à trois fois pendant la durée de leur prêt. Le pouvoir de décision se trouve donc clairement entre les mains du producteur, au lieu d'être complètement entre celles de la personne ou de l'organisation autorisant le prêt.
L'an dernier, bon nombre de producteurs du Québec désireux de respecter les normes environnementales en vigueur se sont inscrits à un programme de subventions provincial qui devrait les aider à adapter leurs installations de gestion du fumier. La SCA a conçu l'Enviro-prêt afin de permettre aux producteurs de faire les améliorations, puis de rembourser leur emprunt lorsqu'ils recevront la subvention du gouvernement du Québec. C'est essentiellement une forme de financement de transition. S'il reste un solde à payer après la réception de la subvention, nous étendons la période d'amortissement sur une longue période, soit de cinq à sept ans. L'Enviro-prêt est maintenant offert partout au Canada, même si ce ne sont pas toutes les provinces qui ont un programme de subvention en parallèle.
Monsieur le président, j'aimerais maintenant parler de l'agri- entreprise, c'est-à-dire ce volet valeur ajoutée de l'agriculture. Nous croyons que l'avenir de l'agriculture est étroitement rattaché à la force des entreprises liées à l'agriculture en amont et en aval de la production primaire. Comme la SCA prête aux petites et moyennes agri-entreprises depuis 1996, nous avons environ cinq ans d'expérience à notre actif. À l'heure actuelle, nous avons consenti près de 1 000 prêts à des entreprises liées à l'agriculture, soit un montant total de plus de 400 millions de dollars.
De plus en plus, nous estimons que la ligne entre le producteur primaire et la valeur ajoutée s'estompe et devient de plus en plus floue. Une plus grande intégration intervient et la transition est en cours dans le secteur agricole. Essentiellement, notre objectif est d'appuyer le producteur primaire et l'exploitant d'une agri-entreprise. Nous ne pensons pas que l'un exclut l'autre. À notre avis, il est impératif d'appuyer ces deux volets. Les entreprises liées à l'agriculture offrent aux producteurs d'autres marchés pour leurs produits et contribuent aussi à la croissance économique et à la création d'emplois dans les collectivités rurales.
Monsieur le président, j'ai consacré une dizaine de minutes au rôle de la SCA dans le domaine agricole. J'aimerais prendre les cinq prochaines minutes, sur les 15 qui me sont imparties, pour vous communiquer notre perspective face à la conjoncture économique et pour parler très brièvement de la nouvelle mesure législative.
Avant de vous présenter une vue d'ensemble de notre situation nationale en matière d'arrérages, j'aimerais souligner que ces statistiques ne représentent qu'un des indicateurs de la santé économique de l'industrie. C'est un instantané qui pourrait fort bien ne pas être d'actualité. Il se peut qu'il soit décalé. En outre, nous avons constaté que nos clients ont travaillé extrêmement dur pour s'acquitter de leur remboursement et leurs efforts pour respecter leurs obligations nous impressionnent constamment.
• 0920
Au niveau national, il n'y a guère eu de changement quant au
pourcentage de notre portefeuille en arrérages. Ainsi, au 31 mars
2000, nous affichions quelque 35,1 millions en arrérages alors
qu'au 31 mars 2001, ce montant est passé à 35,7 millions, ce qui
représente une légère hausse. Selon nos estimations, le nombre de
nos clients qui sont en arrérages est de 2 300 comparativement à
2 600 en mars de l'an dernier. On note donc une légère baisse.
Sur le plan sectoriel, le problème demeure dans une grande mesure lié au secteur des cultures commerciales, et plus particulièrement à celui des céréales et des oléagineux, ce qui ne vous surprendra sans doute pas. D'après nos chiffres, les arrérages sur nos prêts s'établissaient à 22 millions de dollars dans le secteur des cultures commerciales l'année dernière. À la fin de mars 2001, ce chiffre était tombé à 21 millions. Au Manitoba et en Saskatchewan, où le secteur des cultures commerciales est principalement constitué de producteurs céréaliers, les arrérages ont aussi diminué, passant de neuf millions de dollars en mars dernier à huit millions au 31 mars 2001.
Il est justifié de conclure que le problème demeure lié aux cultures commerciales, plus précisément les céréales et les oléagineux. Quarante pour cent de notre portefeuille est consacré aux cultures commerciales, mais si l'on tient compte de l'ensemble des arrérages, qui se chiffrent à 35,7 millions de dollars, cela représente environ 60 p. 100 des arrérages.
J'ai dit tout à l'heure que les arrérages sont un indicateur décalé. Pour avoir une meilleure idée de la situation, nous nous sommes tournés vers le Service de médiation en matière d'endettement agricole, avec lequel nous collaborons régulièrement pour obtenir son opinion. Selon les chiffres qu'il nous a communiqués, le nombre des demandes a effectivement augmenté légèrement par rapport à l'année précédente. L'an dernier, ces rapports faisaient état de 1 369 demandes comparativement à 1 393 cette année, ce qui représente une légère hausse. Le Québec a accusé une hausse en grande partie à cause des problèmes qu'a connus l'industrie acéricole. En Saskatchewan, où l'on enregistre le plus grand nombre de demandes, ces dernières sont presque exclusivement liées à la céréaliculture.
Si l'on considère les faillites agricoles, on constate que le nombre total de demandes de faillites a chuté par rapport à l'année dernière. En 1999, il est passé de 243 à 213. Selon moi, cependant, ce n'est pas un indicateur tellement valable car d'après notre expérience, la plupart des producteurs en difficultés financières vendent leur exploitation ou trouvent une solution avant de déclarer faillite officiellement.
Monsieur le président, honorables députés, en vous présentant ces chiffres, mon intention n'était pas de vous laisser l'impression que l'agriculture canadienne a réglé tous ses problèmes. Des secteurs importants continuent d'éprouver des difficultés—dans certains cas, des difficultés très graves—qu'il ne faut pas sous-estimer malgré la stabilité apparente des données de cette année par rapport à celles de l'année dernière.
À titre de société d'État fédérale, la SCA déploie tous les efforts possibles lorsqu'elle traite avec des producteurs victimes d'un repli du marché ou d'une catastrophe climatique. Notre démarche est simple, mais cohérente. Nous collaborons avec chacun de nos clients qui ont des problèmes ou qui sont susceptibles d'en avoir. Nous examinons diverses façons de les aider à surmonter leurs difficultés pour que, peu importe la nature du problème, ils soient en mesure de les laisser derrière eux et de poursuivre leurs activités.
Nous rencontrons personnellement nos clients afin de trouver des solutions à leurs problèmes particuliers. Je peux vous donner quelques exemples à l'appui. L'automne dernier, la SCA a aidé les agriculteurs du sud de l'Alberta aux prises avec une grave sécheresse. Que pouvions-nous faire? Suspendre les modalités de remboursement ou les retarder jusqu'à ce que reviennent de meilleures conditions. Le mois dernier, nous avons travaillé avec les producteurs de pommes de terre de l'Île-du-Prince-Édouard afin de les aider à composer avec leurs problèmes de marché. Essentiellement, nous leur avons dit que nous savions pertinemment qu'ils n'étaient pas responsables du problème et nous leur avons demandé ce que nous pourrions faire pour les aider à le surmonter.
En somme, notre objectif fondamental est de réagir facilement aux défis qui se posent tout en collaborant avec les agriculteurs individuellement pour les aider à résoudre leurs problèmes particuliers.
Récemment, le propriétaire d'une entreprise de canneberges de la Colombie-Britannique a envoyé au ministre Vanclief une lettre de remerciement pour l'appui continu de la SCA pendant la récente crise qui a secoué le secteur de la canneberge. Il soutient que les mesures prises par la SCA pendant la crise ont contribué à sauver l'industrie de cette province car nous en comprenions les cycles.
Pour mettre les choses en perspective, lorsque l'on parle de report de prêts et de paiements, il y a eu plus de 600 reports l'année dernière.
Monsieur le président, je conclurai mon exposé en faisant quelques brefs commentaires au sujet de la nouvelle mesure dont vous avez parlé tout à l'heure, qui modifie la Loi sur la Société du crédit agricole.
• 0925
Comme vous le savez, des modifications ont été déposées devant
le Parlement le 5 avril dernier et la deuxième lecture devrait
avoir lieu sous peu. Les modifications que nous proposons à la loi
s'inscrivent tout à fait dans notre engagement à long terme envers
l'agriculture. Comme tous les producteurs vous le diront, le marché
a beaucoup changé depuis la dernière modification de la loi en
1993. Les modifications nous aideront à combler les besoins actuels
et futurs de l'agriculture, tout en nous permettant d'accroître la
gamme de services que nous offrons. Cela dit, la société demeurera
principalement axée sur la production primaire.
Grâce à la nouvelle loi, la SCA pourra contribuer encore davantage à la croissance de l'agriculture et aider les producteurs des divers secteurs à réussir. La SCA sera aussi mieux placée pour attirer les investissements dans le secteur rural canadien.
J'ai hâte à notre prochaine rencontre pour discuter plus à fond de ces modifications, lorsqu'elles seront soumises au comité. Je vous remercie beaucoup de votre temps et de votre attention et je répondrai volontiers à toutes vos questions.
Le président: Merci, monsieur Ryan.
Howard, voulez-vous prendre la parole en premier?
M. Howard Hilstrom (Selkirk—Interlake, AC): Oui, je le suppose. Et j'espère que Carol pourra poser une question à un moment donné.
Je vous souhaite la bienvenue. Nous sommes contents de vous accueillir ici.
Je voudrais pour commencer tirer une chose au clair. Vous n'êtes plus considéré comme un prêteur de dernier recours, n'est-ce pas?
M. John Ryan: C'est très clair. Notre loi de 1993 le précise clairement. Nous ne sommes plus un prêteur de dernier recours. En fait, il est dit noir sur blanc dans notre loi que nous devons faire nos frais.
M. Howard Hilstrom: D'accord. Vous concluez des accords de prêts et ainsi de suite et vous avez des partenariats. J'ai trouvé cela intéressant, les partenariats. Disons que l'un des partenaires est une coopérative de crédit locale ou une institution financière quelconque. Le Crédit agricole ne garantit pas que la coopérative de crédit ne subira aucune perte sur ce prêt. Autrement dit, vous êtes partenaires à parts égales et chacun des partenaires assume ses propres risques.
M. John Ryan: C'est exact. Nous évaluons chacun de notre côté, de façon indépendante, s'il y a lieu d'appuyer une proposition donnée. Nous tirons nos propres conclusions, mais en même temps, s'il y a des difficultés, chacun des deux partenaires doit se débrouiller seul.
M. Howard Hilstrom: La raison du partenariat, c'est que si l'institution financière ou l'un des autres partenaires estime ne pas pouvoir assumer seul toute l'affaire, on cherche alors...
M. John Ryan: C'est évidemment une raison possible.
M. Howard Hilstrom: Ou bien vous ne voulez pas assumer toute l'affaire vous-même?
M. John Ryan: Il peut y avoir différentes raisons qui jouent en même temps. Il arrive souvent, quand nous concluons un partenariat, en particulier avec des coopératives de crédit et d'autres institutions financières, que ces dernières sont seulement intéressées à fournir le crédit à l'exploitation. Elles veulent quelqu'un d'autre pour fournir le crédit à terme, de sorte que nous ne nous occupons pas du tout du crédit à l'exploitation. Elles se chargent de l'exploitation et nous, nous nous occupons du financement à terme.
M. Howard Hilstrom: Je comprends.
M. John Ryan: De plus, la proposition peut être d'une telle ampleur que les autres institutions ne veulent pas assumer le risque au complet, ou bien nous ne voulons pas assumer le risque en entier. En pareil cas, il nous arrive de chercher à le partager.
M. Howard Hilstrom: Bon, très bien. Vous évaluez le risque et vous évaluez le marché.
L'agriculture est votre premier domaine d'activité, sauf erreur, et vous êtes aussi présents dans le secteur des forêts, dans une certaine mesure. Quelle est votre évaluation de l'année prochaine, la campagne 2002-2003, pour ce qui est des céréales et des oléagineux dans notre pays? La situation va-t-elle s'améliorer ou bien verra-t-on le maintien des cours actuels et tout le reste? Vous devez avoir fait une évaluation.
M. John Ryan: Je suppose que notre évaluation se fait plutôt au cas par cas, pour chaque prêt. Premièrement, nous nous demandons si l'on va assister à une hausse importante des cours de nos denrées. Nous n'avons pas encore fait ces prévisions. Ce que nous faisons, toutefois, c'est de nous poser la question au cas par cas, dans chaque dossier; compte tenu de l'endettement d'un producteur et des cours que nous prévoyons, nous nous demandons si ce producteur pourra vraisemblablement poursuivre ses activités. C'est sur cette base que nous faisons nos évaluations. Nous nous fions évidemment aux prévisions que nous recevons d'Agriculture Canada et d'autres prévisionnistes pour tirer nos conclusions au moment d'établir nos propres prévisions.
M. Howard Hilstrom: Récemment, au Manitoba—et il y en a peut- être d'autres exemples ailleurs au Canada—des terres ont été mises en vente et personne n'a fait d'offres pour les acheter. Est-ce plus courant de nos jours, ou bien est-ce habituel? Ça s'est passé à Inglis, au Manitoba, et c'était dans les journaux. Cela arrive-t- il souvent?
M. John Ryan: En bref, je ne pense pas que cela arrive souvent. Si l'on examine le programme appelé Agri-Immeubles à la Société du crédit agricole, depuis deux ans, nous avons eu un certain nombre de baux qui sont venus à échéance. Nous avons cherché à mettre les terres sur le marché pour les vendre, et la demande a en fait dépassé nos attentes.
Louise, vous êtes directement responsable de ce programme. Vous voudrez peut-être ajouter votre propre point de vue.
Mme Louise Neveu (vice-présidente exécutive et chef de la gestion du savoir, Société du crédit agricole): Monsieur Hilstrom, nous voyons rarement des terres qui ne trouvent pas d'acheteur.
M. Howard Hilstrom: Mais vous fixez un prix minimum, n'est-ce pas?
Mme Louise Neveu: Nous fixons un prix, oui.
M. Howard Hilstrom: Vous fixez un prix minimum. Maintenant, ce prix minimum a-t-il un rapport avec le montant qui vous est dû sur cette terre, ou bien est-il fixé en fonction du prix du marché?
Mme Louise Neveu: Il est fixé en fonction du prix du marché.
M. Howard Hilstrom: Je suppose que vous obtenez ce prix du marché au moyen d'une formule tenant compte des ventes locales? Sinon, comment le calculez-vous?
Mme Louise Neveu: Nous avons des évaluateurs accrédités dans notre organisation et ce sont eux qui se chargent d'évaluer le marché. Oui, on tient compte de la vente de terres semblables.
M. Howard Hilstrom: C'est bien, parce que le problème que nous percevons pour ce qui est des subventions et de bien d'autres choses, c'est que le prix ou le loyer de la terre, à l'acre, a tendance à monter au-dessus de ce qu'il devrait être. Je ne voudrais pas que la SCC suive un tel processus.
M. John Ryan: Depuis combien de temps suivons-nous les ventes de terres, Louise?
Mme Louise Neveu: Tout dépend de la province, mais nous avons des statistiques qui remontent jusqu'aux années 70 quant à nos activités relativement aux prix des terres. Même dans le cas des loyers, nous avons toujours offert à nos locataires la possibilité de revenir à la charge et de nous laisser savoir si le marché a changé, auquel cas nous renégocions.
M. Howard Hilstrom: Oui. Je pense que c'est du domaine public, manifestement, et nous en avons d'ailleurs parlé l'autre jour là- bas, mais quel était le découvert de la SCA dans l'affaire Isobord à Elie, au Manitoba?
M. John Ryan: J'ignore si c'est du domaine public, mais je crois que c'était dans les journaux. Le montant qui nous est dû est de l'ordre de 12 millions de dollars.
M. Howard Hilstrom: Vous dites environ 12 millions de dollars?
M. John Ryan: Oui.
M. Howard Hilstrom: Bon. Je constate qu'un tiers des comptes en souffrance sont au Manitoba et en Saskatchewan et je pense que c'est un indicateur de la situation économique dans ces provinces.
Je voudrais poser rapidement une ou deux autres questions. Je pense qu'il me reste du temps. Du point de vue du contribuable, nous sommes préoccupés du fait que la SCA possède beaucoup de terres. Y a-t-il dans la loi une disposition quelconque qui empêche les futurs dirigeants de la SCA de décider de posséder des terres et de les louer pendant des périodes prolongées? Y a-t-il quelque part dans la loi ou les modifications qu'on veut y apporter une disposition quelconque qui empêcherait les décideurs à la SCA de détenir un portefeuille foncier?
M. John Ryan: Il n'y a rien à ce sujet dans la loi, mais je pense que si vous étudiez l'historique de la société, vous constaterez que nous étions tenus de posséder la terre pendant six ans. Nous avons pris délibérément la décision à la société de ne pas continuer à posséder des terres. Nous avions 1,5 million d'acres de terres dans notre portefeuille à un moment donné. Nous avons maintenant ramené ce chiffre à environ 120 000 acres. Il est clair que notre rôle est de remettre la terre entre les mains des producteurs et notre premier objectif était de rendre les terres aux producteurs qui en étaient propriétaires à l'origine. Il est clair que ce serait une volte-face complète par rapport à l'attitude que nous adoptons actuellement.
M. Howard Hilstrom: Bien. Ma dernière question est donc... En fait, vous pouvez répondre...
Mme Louise Neveu: C'était seulement dans la loi provinciale. Vous vous rappellerez que cette disposition sur la propriété des terres s'appliquait seulement en Saskatchewan.
M. Howard Hilstrom: Bon, alors c'était en Saskatchewan.
Mme Louise Neveu: C'était au titre de la sécurité des terres agricoles.
M. Howard Hilstrom: Voici ma dernière question: si je proposais un amendement à la loi qui empêcherait la SCA de devenir propriétaire et agent foncier à long terme, et aussi un amendement qui exigerait que la SCA cède son portefeuille foncier dans un délai déterminé, serait-ce une décision judicieuse de vous forcer à céder toutes les terres que vous possédez dans un délai donné?
M. John Ryan: La difficulté que je perçois est que dès que l'on précise une échéance, le moment n'est pas nécessairement bien choisi. Il est possible que ce le soit, mais ce n'est pas nécessairement le moment idéal pour obtenir le maximum de la vente d'une terre en particulier. C'est là que je perçois un problème. Vous pourriez aller contre les forces du marché.
Le président: Merci, Howard.
[Français]
Marcel, s'il vous plaît.
M. Marcel Gagnon (Champlain, BQ): Merci, monsieur le président.
Disons que les renseignements qu'on a eus ce matin, et que j'ai eus d'avance aussi dans mon cas, sont assez complets pour comprendre assez bien la façon dont la société fonctionne. J'ai aussi eu l'occasion, dans le passé, de travailler de très près avec des gens de la Société du crédit agricole au Québec.
Vous dites établir des partenariats avec les banques, avec les caisses et aussi, je crois, avec des entreprises de financement dans le domaine agricole.
Une voix: Oui.
M. Marcel Gagnon: Est-ce que vous allez établir un partenariat avec l'Office du crédit agricole du Québec ou si ce sera avec l'un ou l'autre?
Mme Louise Neveu: Nous travaillons rarement en partenariat avec l'office, avec la nouvelle financière, naturellement. Dans le cadre de son programme tandem, l'office travaille en partenariat avec les institutions financières, soit les caisses ou les banques, et non avec la société.
M. Marcel Gagnon: Je pense cependant que ce ne serait pas complètement exclu.
Mme Louise Neveu: Oui, nous sommes exclus.
M. Marcel Gagnon: Oui?
Mme Louise Neveu: Oui.
M. Marcel Gagnon: D'accord.
Mme Louise Neveu: Nous ne sommes pas inclus.
M. Marcel Gagnon: Le pourcentage de mauvais prêts ou de prêts en souffrance est-il élevé actuellement? Est-ce qu'il y en a beaucoup dans le domaine de l'élevage du porc, par exemple? J'ai vu des chiffres, mais je ne sais pas exactement... Est-ce davantage dans le domaine des céréales? Dans quel domaine en avez-vous le plus?
Mme Louise Neveu: Le tiers de nos arrérages aujourd'hui est dans le domaine des grandes cultures. On en a eu par les années passées dans le domaine du porc, mais aujourd'hui le pourcentage est très bas dans le domaine du porc, dans le domaine du boeuf ou dans celui du lait.
M. Marcel Gagnon: Les prix se sont améliorés.
Mme Louise Neveu: Exactement.
M. Marcel Gagnon: Vous êtes aussi venus en aide aux producteurs du Québec et de l'Ontario à la suite de la tempête de verglas. Est-ce qu'un grand nombre de producteurs ont fait appel à votre aide?
Mme Louise Neveu: Je n'ai pas les chiffres.
M. Marcel Gagnon: Non?
Mme Louise Neveu: Je ne me souviens pas. Un certain nombre ont eu recours au programme spécial, c'est certain, mais je n'ai pas les chiffres.
M. Marcel Gagnon: Je veux savoir, monsieur le président... Ce n'est pas le moment où on peut suggérer des amendements à la loi. On y reviendra plus tard.
Je vous remercie.
Mme Louise Neveu: Merci.
Le président: Merci.
Murray.
[Traduction]
M. Murray Calder (Dufferin—Peel—Wellington—Grey, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président. Madame et messieurs, je vous souhaite la bienvenue ce matin.
John, j'ai écouté votre exposé. Ai-je raison de dire que le mandat original de la Société du crédit agricole était essentiellement d'être un prêteur assumant des risques plus élevés que les banques, dans le but de venir en aide aux agriculteurs?
M. John Ryan: Le message est double. Oui, d'abord et avant tout, nous sommes là pour venir en aide aux agriculteurs. À l'origine, la société a été créée comme prêteur de dernier recours. Son rôle a changé en 1993 quand on a modifié la loi.
M. Murray Calder: Quelle est la situation aujourd'hui?
M. John Ryan: La société a toujours pour objectif de venir en aide à la production primaire des petites et moyennes entreprises agricoles, c'est très clair. Nous prenons des risques que d'autres pourraient trouver trop élevés, pas dans toutes les situations, mais le risque existe. Nous avons toutefois un bilan intéressant pour ce qui est d'évaluer le risque, parce que les gens qui travaillent à la société sont très proches de l'agriculture. Ils comprennent quel est le risque véritable.
Nous nous comparons au secteur privé. Nous ne cherchons pas à maximiser les profits. Par exemple, si vous examinez notre rendement sur l'avoir à la société, ce rendement se situe quelque part entre 8 p. 100 et 10 p. 100 avant impôt, sur une base annuelle.
M. Murray Calder: Mais j'ai donc raison de dire que vous accordez des prêts à des risques plus élevés que les banques.
M. John Ryan: En fin de compte, chaque agent doit décider ce qui est acceptable en termes de risque.
Dans un dossier donné, nous pourrions peut-être adopter le même point de vue pour ce qui est du risque. De notre point de vue, nous avons une bonne compréhension du degré de risque qui est acceptable. Je ne veux pas nous positionner comme prêteurs de dernier recours, parce qu'il est clair que nous ne le sommes pas.
M. Murray Calder: John, vous me donnez une réponse politique, et il se trouve que la politique, c'est mon domaine. Je vous pose la question: la SCA prend-elle plus de risques que les banques, oui ou non?
M. John Ryan: C'est une composante de ce que nous faisons.
Si vous examinez la situation sous l'angle des risques, vous constaterez que nous sommes présents, nous offrons de nouveaux produits et services à la communauté agricole longtemps avant les autres, et d'autres nous suivent.
Diriez-vous que c'est un plus grand risque? Peut-être. Mais je ne veux pas nous qualifier de prêteurs de dernier recours, parce que nous ne le sommes clairement pas.
M. Murray Calder: Bon.
J'ai pris en note des chiffres durant votre exposé. Jusqu'à maintenant, vous avez 1,7 milliard de dollars de nouveaux prêts pour un total de 35 milliards de dollars actuellement, soit 17 p. 100 de tout l'endettement agricole. C'est exact?
M. John Ryan: Oui.
M. Murray Calder: Mais cela veut dire qu'il y a quelqu'un d'autre, que ce soient les banques, les caisses populaires ou quiconque d'autre, qui assume 83 p. 100 de la dette.
Si vous êtes une sorte de prêteur de dernier recours, votre part ne serait-elle pas supérieure à 17 p. 100?
M. John Ryan: Vous devez séparer les chiffres.
Je voudrais d'abord apporter une précision. Nous avons 17 p. 100 de la dette totale de 35,8 milliards de dollars, incluant les crédits à l'exploitation, secteur où nous sommes absents. Si l'on tient compte seulement de la dette à long terme, nous avons 31 p. 100 du marché et les autres en ont donc 69 p. 100, ou 70 p. 100 en chiffre rond.
M. Murray Calder: Bon. C'est quand même plus élevé. Ils assument un pourcentage plus élevé que vous de la dette agricole totale, et pourtant, vous êtes censés être le dernier recours.
M. John Ryan: Justement pas, nous ne sommes pas censés être le dernier recours.
M. Murray Calder: Non?
M. John Ryan: Toutes les grandes institutions financières et toutes les caisses populaires font, ensemble, 70 p. 100 des prêts. Nous, nous avons 30 p. 100 des prêts.
En réalité, bien des gens vous diraient que c'est un chiffre très élevé. On pourrait entrer dans les détails et, dans certaines provinces, nous pouvons atteindre 55 p. 100 ou même 60 p. 100 de la dette totale de la communauté agricole.
M. Murray Calder: Bon. Je passe donc aux arrérages. Vous avez dit que les arrérages ont augmenté légèrement, passant de 35,1 millions de dollars à 35,7 millions de dollars, mais en fait, le nombre de vos clients a diminué, passant de 2 600 à 2 300. C'est juste?
M. John Ryan: Oui.
M. Murray Calder: Bien. En fait, pour les cultures, vos prêts ont diminué, passant de 23 millions à 21 millions de dollars.
M. John Ryan: Les arrérages.
M. Murray Calder: Les arrérages, oui.
Quand j'ai entendu ces chiffres, je me suis dit—vous me le direz si je me trompe—que vous avez simplement rehaussé la barre. La raison pour laquelle nous n'avons plus de problèmes de prêts, c'est que ces gars-là ne sont plus admissibles.
M. John Ryan: Je ne suis pas d'accord avec vous là-dessus, monsieur, parce que ce n'est pas la réaction que j'entends de la part de nos clients partout au pays.
M. Murray Calder: C'est en partie la réaction que j'entends, parce que quand nous avons accueilli les représentants de la SCA au comité permanent il y a quelques semaines, j'ai posé les mêmes questions que je pose en ce moment même et, je vous le dis franchement, les réponses m'ont étonné parce que je sais ce qui se passe dans le secteur des céréales et des oléagineux et que l'on m'a appris que les défauts de paiement sur les prêts étaient en fait en baisse. J'ai pensé que cela n'était pas logique.
Je suis donc allé en parler à mes commettants et ils m'ont dit que oui, bien sûr, c'est logique: ces gars-là ont relevé la barre; nous ne sommes plus admissibles. Un producteur de céréales et d'oléagineux qui veut emprunter sur hypothèque à la SCA pour acheter des terres ne peut plus obtenir de prêt. La SCA déclare qu'il n'y a rien à faire. Donc, pas de prêt, pas de problème.
M. John Ryan: Je reviendrai peut-être sur ce point particulier. Si en fait les clients eux-mêmes disent qu'ils n'y arrivent plus et qu'ils vous laissent payer la dette, est-il logique d'accorder des prêts à ces clients pour qu'ils s'endettent encore davantage?
Cela ne s'appelle pas relever la barre. C'est simplement examiner froidement chaque dossier en se posant la question: peut- on raisonnablement accorder un prêt à ce client s'il semble bien que ce prêt ne pourra pas être remboursé? Dans certains cas, alourdir la dette n'est pas une solution, quand on examine la question au cas par cas.
Je peux dire sans hésitation que nous, en tant qu'organisation, n'avons pas dit qu'il faut relever la barre parce que les producteurs de céréales et d'oléagineux ont des problèmes. Je peux vous affirmer catégoriquement que nous examinons toute cette question en évaluant chaque dossier au cas par cas. Et si nous pensons que les rentrées peuvent être suffisantes, nous accordons notre aide; sinon, nous ne leur ferions pas une faveur en accordant le prêt.
M. Murray Calder: En somme, ce que vous me dites est... En fait, quelle est la différence entre la SCA et une banque?
M. John Ryan: Il y a plusieurs différences, notamment notre capacité d'évaluer le risque et la probabilité qu'un agriculteur réussisse dans son entreprise. Nous sommes très bons dans ce domaine, parce que les gens que nous avons en première ligne connaissent vraiment bien l'agriculture. Ce ne sont pas des généralistes; ce sont des spécialistes de l'agriculture.
Deuxièmement, quand il y a des problèmes dans le secteur agricole, nous sommes les premiers à dire: voyons ce que nous pouvons faire pour aider à surmonter ces problèmes. Quand nous envoyons une lettre aux clients qui éprouvent des difficultés, ils disent: «Oh, voilà qui est intéressant—je n'ai pas reçu de lettre de ma banque pour me dire que l'on pourrait en discuter et voir ce que l'on peut faire, mais j'en ai reçu une de la Société du crédit agricole». En fait, certains agriculteurs qui ne sont pas des clients du Crédit agricole disent: «Je n'ai pas reçu de lettre de ma banque et il faudrait donc peut-être que j'aille en discuter au Crédit agricole». Ce sont deux différences.
La troisième différence concerne toute la question de la maximisation du profit dont j'ai parlé tout à l'heure. Nous avons un rendement de 8 p. 100 à 10 p. 100 avant impôt. Les banques cherchent à maximiser leurs profits. Elles font entre 16 p. 100 et 22 p. 100 après impôt, et chaque dollar de bénéfice que nous faisons est réinjecté directement dans l'agriculture.
M. Murray Calder: Eh bien, je vais vous dire, John, je ne suis pas non plus un grand partisan des banques, mais je vais en terminer avec ce qui suit.
Cette année, dans notre entreprise agricole, nous installons un nouveau poulailler. J'ai fait toute la paperasse l'année dernière. Je vous le dis franchement, je me suis adressé à la Banque Royale pour financer mon bâtiment parce qu'elle m'offrait des conditions plus flexibles que la SCC en ce qui a trait à la structure de l'hypothèque.
Le président: Merci, Murray.
Je donne la parole à Dick.
M. Dick Proctor (Palliser, NPD): Je pense que je devrais dire «Flexi-Poulet» en plus de Flexi-Porc, ou quelque chose du genre, Murray.
Monsieur Ryan, je voudrais poursuivre dans la même veine que M. Murray, mais peut-être d'un point de vue différent. J'ai remarqué dans les documents que le nombre de clients avec qui vous faites affaire a augmenté considérablement. Je pense que ce chiffre est passé de 26 000 à 44 000 depuis cinq ans, ce qui montre que vous suivez trois scénarios possibles et que vous faites du très bon travail de marketing. Les banques et les caisses populaires se retirent du secteur ou réduisent leur visibilité ou les deux à la fois. À quoi attribuez-vous cette forte augmentation?
M. John Ryan: Comme nous sommes une société d'État fédérale, nous avons pris consciemment la décision de renforcer la visibilité de la société. Nous devons faire savoir aux producteurs et à tous les exploitants d'agri-entreprises du Canada ce que nous avons à leur offrir.
En réponse à votre premier point, oui, il est très clair que nous avons intensifié nos efforts de marketing de la société. Je pense que nous avons une bonne organisation et que les gens doivent savoir ce que nous avons à offrir.
Quant aux autres institutions financières, cela dépend beaucoup de leur dynamisme. Plusieurs facteurs différents sont en cause. Je ne sous-estime pas du tout le fait que nous avons pris délibérément la décision d'accroître la visibilité de la société.
M. Dick Proctor: Chose certaine, dans l'ouest du Canada, la diminution du nombre des succursales dans les petites localités a sûrement eu un impact sur vos activités.
M. John Ryan: Louise, voulez-vous nous faire part de ce que vous avez vu d'un bout à l'autre du pays?
Mme Louise Neveu: Il y a en effet une diminution du nombre des succursales, mais en même temps, on a aussi accès à différents types de crédit. Il y a le service bancaire de type Internet, qui est très utile dans certaines régions éloignées, surtout pour le crédit à l'exploitation ou pour des prêts dont l'obtention est assez rapide.
Par ailleurs, il faut se rappeler que nous avons eu huit excellentes années dans l'agriculture. Par contre, dans certaines régions, les résultats n'ont pas été très bons. Dans l'ensemble, il n'y a pas eu de catastrophes majeures comme ce fut le cas à la fin des années 80, quand tout est arrivé en même temps. Nous avons encore certains secteurs où tout va très bien.
M. Dick Proctor: On entend beaucoup parler d'agriculteurs âgés qui veulent quitter l'agriculture. Que constatez-vous en termes de transferts entre générations? Y a-t-il des gens qui ont besoin d'aide pour permettre à la jeune génération de se lancer dans l'agriculture?
M. John Ryan: Il est certain que c'est un grand problème. En fait, d'après l'une de nos études qui date maintenant de deux ans, c'est le problème numéro un auquel sont confrontés les agriculteurs, en particulier ceux qui approchent de la retraite.
D'après les estimations, 125 000 agriculteurs, possédant des actifs d'une valeur de quelque 50 milliards de dollars, vont prendre leur retraite d'ici dix ans.
Une étude a été faite ici en Ontario par OMAFRA et l'Université de Guelph, d'après laquelle moins de 5 p. 100 des agriculteurs ont un plan pour leur succession. Je pense que c'est un problème d'envergure, qui préoccupe la Société du crédit agricole. J'ai fait allusion au partenariat que nous avons créé avec sept intervenants il y a quelques mois et nous voulons faire avancer ce dossier à mesure que nous progresserons dans l'étude et l'application de la loi.
M. Dick Proctor: D'accord.
Je veux aborder un dernier point avant que Rick prenne le relai. Le ministre de l'Agriculture a dit récemment que les agriculteurs ont peut-être besoin d'un programme de sortie pour faire la transition vers quelque chose d'autre. Quel est le point de vue de la Société du crédit agricole? Y a-t-il quelque chose que vous pouvez faire à cet égard?
M. John Ryan: Certainement, nous avons commencé par lancer en 1998 un nouveau programme appelé Agri-Immeubles. Comme je l'ai dit tout à l'heure dans mon exposé, ce programme a suscité beaucoup d'intérêt.
Nous réfléchissons constamment à ce que nous pourrions faire de plus. Si le gouvernement en place décide qu'il y a lieu de créer un programme spécifiquement pour la transition et qu'il demande à la SCA d'y participer, alors nous nous ferons un plaisir de faire connaître le rôle que nous pourrions jouer à cet égard.
M. Dick Proctor: Merci beaucoup. Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, Dick.
Paul, avez-vous des questions?
M. Paul Steckle (Huron—Bruce, Lib.): Je veux vous remercier d'être venu témoigner de nouveau devant nous ce matin.
Avec les changements que l'on prévoit apporter à la Société du crédit agricole du Canada, comme elle s'appellera dorénavant, quelles réactions percevez-vous de la part des banques et des institutions de prêts au moment de vous lancer dans d'autres marchés de prêts?
M. John Ryan: Nous n'avons pas eu de réaction récemment. Avant de mettre le nouveau texte de loi par écrit sous forme de projet de loi, nous avons fait des consultations étendues d'un bout à l'autre du pays, et nous en avons discuté avec les banques à charte.
La réaction des banques à charte à l'époque—c'était il y a juste un peu plus d'un an maintenant—était qu'elles n'ont pas vraiment d'objections majeures à ce que nous proposons. Elles préfèrent notre situation actuelle; en fait, elles voudraient même que nous revenions au rôle de prêteur de dernier recours.
Je prévois donc qu'en fin de compte, les banques ne vont pas dire que c'est l'idée du siècle et nous encourager à continuer. Elles n'ont pas eu d'objection—en fait, elles ont appuyé fermement nos projets pour ce qui est du capital de risque. Ce sont plutôt les prêteurs traditionnels qui nous ont demandé de redevenir un prêteur de dernier recours et qui ont précisé, en passant, qu'ils aimaient bien certaines de nos belles et grandes idées relativement au service complémentaire aux services de planification des affaires. Les banquiers ont donc réagi différemment aux diverses propositions, mais ça m'étonnerait qu'ils prennent l'initiative de dire qu'ils nous appuient sans réserve dans tous les domaines.
M. Paul Steckle: Je suppose qu'il faut s'y attendre.
Quel genre de collaboration avez-vous avec les banques quand vous prêtez par exemple sur hypothèque? Bien sûr, les banques doivent alors s'occuper du capital d'exploitation.
Trouvez-vous qu'il y a là un esprit de collaboration? Évidemment, c'est toujours bien d'avoir la terre et de laisser quelqu'un d'autre prendre le risque du côté de l'exploitation. Comment rationalisez-vous cela? Je pose des questions sur les domaines où l'on pourrait s'attendre à ce qu'il y ait des problèmes pour les deux organismes.
M. John Ryan: Je pense que les relations sont très bonnes dans l'ensemble. En fait, quand nous travaillons en étroite collaboration avec une institution financière donnée dans une localité, les relations peuvent être excellentes. Les banques et les caisses aiment bien s'occuper du crédit à l'exploitation, avec la sécurité que cela comporte, et laisser la SCA s'occuper du financement à long terme.
Vous constaterez que là où les relations n'ont pas été bonnes, pour quelque raison que ce soit, il peut y avoir des tensions. Mais de façon générale, en fin de compte, les banques se chargent de l'exploitation tandis que nous nous occupons des prêts à terme. La sécurité est une question distincte et nous sommes chacun responsables de notre propre secteur.
J'ignore ce que vous en pensez, Louise, parce que vous avez été très proche de tout cela au fil des années.
Mme Louise Neveu: Tout dépend vraiment des personnes à qui on a affaire sur place. Ce sont des relations personnelles qui sont habituellement établies entre un directeur de compte dans une institution financière et notre personnel. Plus ils peuvent travailler ensemble, plus ils vont se partager les comptes. Dans certains secteurs, l'esprit de compétition est très très fort et il y a moins de coopération.
M. Paul Steckle: J'ai raté le début de la réunion car je devais assister à une autre réunion, mais je constate en lisant vos graphiques que la capitalisation est très forte dans le secteur laitier. Je représente une région qui compte un très fort pourcentage de collectivités agricoles. Il se construit beaucoup plus d'installations dans le secteur du porc que dans le secteur laitier. Ce n'est pas vrai partout au Canada, mais ça l'est assurément dans ma région.
J'ai pris connaissance du nombre de clients que vous avez. Serait-il juste de dire que vous êtes plus disposés à assumer l'hypothèque des producteurs laitiers que des producteurs de porcs? Les chiffres semblent l'indiquer. Les montants en dollars l'indiquent.
Étant donné l'expérience récente dans le secteur du porc, il y a à peu près deux ans, nous savons ce qui peut s'y passer. Pourtant, si j'examine les dettes en défaut de paiement, les arrérages, il n'y a pas beaucoup de différence entre l'industrie du porc et l'industrie laitière. Je sais qu'il y a plus de clients. Il y a plus d'hypothèques.
M. John Ryan: Je vais demander à Louise de répondre, parce qu'elle a été plus proche de l'aspect opérationnel au fil des années, mais d'après mon évaluation, cela varie énormément d'une localité à l'autre. Je pense qu'il y a eu au fil des années et qu'il y a encore une forte demande de quotas dans le secteur laitier. Il y a donc eu expansion continue de ce secteur. Nous avons donc de plus en plus de demandes de prêts. Avons-nous accordé la préférence au secteur laitier plutôt qu'à celui du porc? Je ne le pense pas.
M. Paul Steckle: Est-ce qu'un facteur important ne serait pas le fait que les contrats conclus par les producteurs de porcs sont habituellement d'une durée de cinq ans? Les hypothèques sont plutôt d'une durée de 20 à 30 ans. En évaluant la capacité d'assumer une dette, n'accorderiez-vous pas une grande importance à cet aspect?
M. John Ryan: C'est certainement un facteur. Il faudrait aussi en mentionner d'autres.
Mme Louise Neveu: Un facteur très répandu. Mais je pense que vous vous rendez compte que le secteur du porc a lui-même connu des fluctuations plus prononcées depuis 20 ans qu'au cours des cinq dernières années. Depuis cinq ans, les ententes contractuelles ont été plus stables, de sorte qu'il y a eu beaucoup moins d'entrées et de départs dans le secteur du porc qu'il n'y en avait eu auparavant.
• 0955
Notre portefeuille augmente en fait dans le secteur du porc en
comparaison du secteur laitier, par exemple, bien que nous soyons
présents dans le secteur laitier depuis 1959.
Le président: Merci, Paul. Je vous redonnerai la parole plus tard, mais je vais maintenant passer à Rick.
M. Rick Borotsik (Brandon—Souris, PC): Merci, monsieur le président.
Simple observation: ça bouge énormément dans l'industrie du porc actuellement, certainement beaucoup plus que dans la volaille. Je soupçonne que c'est à cause du système de libre marché pour le porc, mais je ne vais pas me lancer là-dedans.
Vous avez fait des prêts dans le secteur de la volaille, comme vous en faites toujours: durant l'année se terminant le 31 mars 2001, 1,7 milliard de dollars. Simple précision, vous avez dit que ce chiffre de 1,7 milliard de dollars est un record. S'agit-il de nouveaux prêts qui ont été accordés? Pouvez-vous tirer ça au clair?
M. John Ryan: Ce sont de nouveaux prêts accordés. Notre portefeuille total est de 6,8 milliards de dollars, dont 1,7 milliard de dollars de nouveaux prêts l'année dernière.
M. Rick Borotsik: D'accord. Nous avons eu quelques difficultés dans l'agriculture, comme vous le savez bien. Quand vous récrivez un prêt, autrement dit quand vous le refinancez, vous payez l'ancien montant et ensuite vous accordez un nouveau prêt. Ces nouveaux prêts sont englobés dans ces 1,7 milliard de dollars. Avez-vous une idée du montant que représentent ces opérations de refinancement? La raison pour laquelle je pose la question, c'est que nous entendons parler de vos comptes en souffrance et vous faites du très bon travail dans ce dossier. Vous faites du refinancement, du rééchelonnement. Quelle fraction de cette somme de 1,7 milliard de dollars est un record en une année? Soit dit en passant, cette année-ci ne devrait pas être une année record, à mon avis. Quelle partie de ce montant représente du refinancement et du rééchelonnement de dette?
M. John Ryan: Louise va vérifier les chiffres exacts, mais je ne crois pas que cela atteigne 200 millions de dollars. Je dirais que c'est plutôt de l'ordre de 100 ou 150 millions de dollars.
M. Rick Borotsik: Des 1,7 milliard de dollars.
M. John Ryan: Des 1,7 milliard de dollars.
M. Rick Borotsik: Est-ce inhabituellement élevé, ou bien est- ce normal?
M. John Ryan: En fait, le refinancement n'est pas tellement important depuis deux ans.
M. Rick Borotsik: Alors, vous m'embrouillez complètement, parce que nous avons des arriérés vraiment bas et c'est ce dont Murray nous parlait tout à l'heure. Nous y reviendrons peut-être plus tard, parce que j'ai deux autres questions.
Premièrement, vous êtes une société d'État, n'est-ce pas?
M. John Ryan: Oui.
M. Rick Borotsik: Êtes-vous assujettis à la Loi sur l'accès à l'information?
M. John Ryan: Oui.
M. Rick Borotsik: Vous êtes assujettis à la Loi sur l'accès à l'information alors que vous êtes dans un secteur très compétitif. Vous faites concurrence aux banques, aux caisses populaires et aux autres institutions financières. Trouvez-vous que le fait de devoir respecter la Loi sur l'accès à l'information nuit à votre compétitivité dans ce secteur?
M. John Ryan: Eh bien, je pense que la Loi sur l'accès à l'information nous donne le droit de protéger des renseignements très précis, c'est-à-dire les renseignements confidentiels fournis par le client. Cela ajoute un poids...
M. Rick Borotsik: Je n'ai pas beaucoup de temps et le président n'est pas très souple. Cela vous permet-il d'être compétitifs dans une industrie très compétitive?
M. John Ryan: Je dirais que non.
M. Rick Borotsik: Vous diriez que non. En bref, la réponse est non, vous ne pouvez pas être compétitifs. Merci beaucoup. J'ai une raison de poser ces questions, car je viens de faire une intervention au sujet d'autres sociétés d'État.
Dans certaines provinces, vous détenez 55 p. 100 des prêts à terme.
M. John Ryan: Oui.
M. Rick Borotsik: Je signale en passant que j'ai travaillé en étroite collaboration avec votre organisation et que beaucoup de gens dans mon coin de pays font appel à vos services; peut-être pas à ce point-là, mais c'est proche. Est-ce que la raison pour laquelle vous atteignez un tel niveau de prêts à terme, c'est que les banques se retirent peut-être des prêts à terme dans l'agriculture? Je sais qu'elles se sont emparées du secteur des prêts à l'exploitation, mais constatez-vous que les banques se retirent du secteur des prêts hypothécaires?
M. John Ryan: Je pense qu'il serait exagéré de dire qu'elles se retirent du secteur des prêts à terme.
M. Rick Borotsik: Que font-elles, alors?
M. John Ryan: Il faut presque examiner chaque institution et chaque région pour tirer cette conclusion. Nous constatons que dans certaines régions, les banques sont très énergiques.
M. Rick Borotsik: Ce sont les gens, alors, n'est-ce pas? Cela dépend des gens qui travaillent dans une région donnée?
M. John Ryan: Je pense que cela dépend des gens et de l'appétit qu'ils ont pour le secteur agricole aujourd'hui.
M. Rick Borotsik: Une très brève question. Il y a un programme appelé Programme de consultation agricole, ou quelque chose du genre. C'est administré à partir de Regina. Cela fait-il partie de vos activités?
M. John Ryan: La médiation.
M. Rick Borotsik: Non, pas la médiation. C'est un service de consultation qui...
M. John Ryan: ... relève d'Agriculture Canada, n'est-ce pas?
M. Rick Borotsik: En effet. Travaillez-vous avec eux? C'est un excellent service. Pour 100 $, un agriculteur peut obtenir une sorte d'instantané de sa situation financière. Il peut trouver des gens à qui parler au lieu de déclarer faillite. Ils vendent des terres et ils font toutes sortes de belles choses. Avez-vous des relations étroites avec cette organisation? J'en suis un fervent partisan. Je pense qu'il faudrait faire plus de ce genre de travail d'éducation, de marketing et de gestion, par rapport à ce qui se fait maintenant.
Mme Louise Neveu: Nous leur envoyons des clients.
M. Rick Borotsik: Et après, examinez-vous les résultats?
Mme Louise Neveu: Tout dépend des circonstances. Si la personne est déjà l'un de nos clients et cherche à obtenir des services complémentaires d'une tierce partie indépendante et si la personne veut ensuite revenir nous voir, absolument.
M. Rick Borotsik: Bien, merci.
Me reste-t-il du temps?
Le président: Vous avez encore 50 secondes.
M. Rick Borotsik: Vraiment? Saperlipopette, le président est très souple.
Dans ce cas, parlons-en encore un peu. Je vais vous laisser nous parler de ce service de consultation. Vous dites que vous mettez vos clients en contact avec eux. Ils s'occupent de tout le plan d'affaires. Ils disent ensuite que tel ou tel client devrait faire telle ou telle chose. Maintenant, le client ne veut pas nécessairement le faire.
• 1000
Prenez-vous connaissance des recommandations qui ont été
faites et tentez-vous d'aider le client à s'orienter dans cette
direction? Parce que beaucoup de clients qui passent par ce
processus ne se rendent pas à l'étape suivante, malheureusement.
Cela fait-il partie des considérations que vous devriez prendre en
compte pour les futures décisions quant à d'éventuels prêts?
M. John Ryan: Cela dépend de la volonté des gens de nous faire part de ces renseignements.
Évidemment, s'ils se sont adressés au programme de consultation agricole, nous demandons à voir ce qui leur a été présenté et nous essayons de voir si nous pouvons travailler avec la proposition et faire partie de la solution. Mais les clients ne sont pas toujours d'une franchise totale et ne veulent pas nécessairement tout nous dévoiler.
M. Rick Borotsik: Monsieur Ryan, vous avez dit que vous êtes meilleurs que les banques dans le domaine de l'agriculture. J'en conviens. Je pense que vous êtes davantage spécialisés dans l'agriculture. La banque, si vous avez un avoir propre de 50 p. 100, vous donnera autant d'argent que vous en voulez, ce qui n'est pas nécessairement la chose à faire.
Ne devriez-vous pas vous tourner vers ce genre de service de consultation avec tous vos clients, peut-être?
M. John Ryan: Je suis entièrement d'accord. Je pense que quand nous aurons l'occasion de discuter d'une nouvelle loi, vous verrez qu'un élément clé portera sur ce que nous pouvons faire à l'avenir en matière de services de planification des affaires.
M. Rick Borotsik: C'est ce que je voulais dire, et il n'en est pas fait mention dans le projet de loi C-25, mais peut-être qu'il le faudrait.
M. John Ryan: C'est là, mais le texte de loi n'est peut-être pas aussi clair qu'il le devrait.
M. Rick Borotsik: Merci.
Le président: Merci, Rick.
Carol.
Mme Carol Skelton (Saskatoon—Rosetown—Biggar, AC): Premièrement, je voudrais dire que je suis de la Saskatchewan et je voudrais savoir quelle fraction de ces 31 p. 100 de dette à long terme se trouve dans la province de la Saskatchewan.
M. John Ryan: Donnez-nous un instant, je vous prie. Je ne connais pas les chiffres par coeur.
Mme Carol Skelton: Pendant que Louise fait la recherche, j'ai une autre question à vous poser.
Vous avez dit que vous discutez avec les producteurs quand ils ont des problèmes. Avez-vous rencontré les producteurs de cerfs de la Saskatchewan ou d'ailleurs? Quand cette rencontre a-t-elle eu lieu?
Mme Louise Neveu: Quand des difficultés ont surgi dans ce secteur, nous avons communiqué directement avec tous nos clients et les avons invités à venir discuter de leurs problèmes avec nous. Nous rencontrons les producteurs individuellement. Nous sommes toujours en contact avec l'association, qui peut nous mettre au courant de ce qui se passe ou qui nous invite parfois à prendre la parole à certaines réunions. Mais dans la plupart des cas, ce sont des rencontres individuelles.
Mme Carol Skelton: Il y a plus de 400 producteurs de cerfs en Saskatchewan. Ils traversent une période très difficile. Il y a beaucoup d'éleveurs de cerfs. Je n'ai pas entendu dire que la Société du crédit agricole les avait rencontrés. Je voulais que vous nous en parliez.
J'ai une autre question à vous poser: comment fixez-vous le prix, exactement? Comment fixez-vous le prix d'une terre quand vous la vendez? Procédez-vous simplement au cas par cas, quand des agriculteurs viennent vous voir?
Mme Louise Neveu: Non. Nos évaluateurs fonciers sont spécialisés dans le secteur rural et agricole et ils doivent se fonder sur les critères de leur association pour établir le prix des terres.
Mme Carol Skelton: Pouvez-vous me dire tout de suite quel est le prix de la terre en Saskatchewan?
Mme Louise Neveu: À quelques dollars près?
Mme Carol Skelton: Oui, à peu près.
Mme Louise Neveu: C'est 275 $.
Mme Carol Skelton: C'est donc 275 $ l'acre.
Mme Louise Neveu: C'est une moyenne pour toute la province.
Mme Carol Skelton: Dans notre région, il y a des terres qui ont été vendues entre 900 $ et 650 $ l'acre. C'est très supérieur à la moyenne. On dit dans la communauté agricole que c'est votre organisation qui a causé l'augmentation du prix de ces terres.
C'est difficile quand on éprouve des problèmes de ce genre. Cela va faire monter le prix de toutes les autres terres dans la région. Il y a des cultivateurs qui abandonnent l'agriculture.
Mme Louise Neveu: S'agit-il d'une terre que nous avons mise en vente, et l'on a offert un prix aussi élevé?
Mme Carol Skelton: Oui. C'est le prix qu'on a offert.
M. John Ryan: Je voudrais apporter une précision, madame la députée. À la question de savoir si la société essaie de fixer le prix des terres en étant le chef de file sur le marché, la réponse est non, nous ne le faisons pas. Voici les faits: quand tous ces baux sont venus à échéance, nous avons cherché à retourner ces terres à leurs anciens propriétaires ou à d'autres. Nous avons fait très attention de ne pas en mettre trop sur le marché en même temps.
Vous avez peut-être raison de dire que cela a fait monter les prix dans une région donnée. Je ne connais pas cet exemple précis. Mais ce n'est pas notre objectif.
Mme Carol Skelton: Les gens de votre bureau ont-ils l'habitude de négocier le prix des terres quand des offres sont présentées? Ou bien accepte-t-on toujours l'offre la plus élevée?
Mme Louise Neveu: C'est normalement l'offre la plus élevée, je dis bien normalement.
Mme Carol Skelton: Dans le nouveau projet de loi, il est question que vous puissiez prêter à des concessionnaires de machines agricoles et à d'autres entreprises agricoles. Si le Saskatchewan Wheat Pool venait vous demander une injection de fonds, y a-t-il dans le projet de loi une disposition quelconque qui empêcherait la Société du crédit agricole de devenir un important prêteur à cette organisation?
M. John Ryan: C'est intéressant que cette question nous ait été posée trois ou quatre fois par des personnes différentes ces derniers jours.
Je dirai d'abord que le Saskatchewan Wheat Pool n'est pas une organisation qui prête ou emprunte de l'argent à la Société du crédit agricole. Il n'y a rien dans la loi qui nous empêche expressément de fournir ce financement, mais il est clair que ce n'est pas dans cette voie que la société s'oriente. Nous ciblons plutôt les petites et moyennes agri-entreprises. Nous tenons compte des capitaux propres que nous avons à la société et de notre capacité d'absorber un coup dur si une importante organisation ne fonctionne pas aussi bien qu'on s'y attendait. Nous ne cherchons donc pas à être présents dans ce secteur. Nous avons une limite qui est fixée par notre conseil d'administration, un maximum de 20 millions de dollars.
Mme Carol Skelton: On a dit qu'il y a 2 300 agriculteurs dont les prêts sont en souffrance au Canada. L'année dernière, vous en aviez 2 600. Cela veut-il dire que 300 producteurs ont renoncé et abandonné l'agriculture?
M. John Ryan: Pas nécessairement, car ce qui arrive dans certains cas, c'est que les gens réussissent à se sortir de leurs difficultés et recommencent à payer régulièrement. Le fait est que nous avons accordé un certain nombre de moratoires pour diverses raisons et, par la suite, quand nous sommes revenus à la charge pour vérifier comment ça allait maintenant que nous avions accordé un report de paiement d'un an, nous avons constaté qu'ils avaient recommencé à faire leurs paiements.
Mme Carol Skelton: Avez-vous des chiffres? Savez-vous combien de ces agriculteurs ont renoncé et combien ont simplement remis à plus tard leurs paiements?
M. John Ryan: Je ne connais pas les chiffres par coeur. Je peux vous dire le nombre de moratoires que nous avons accordés l'année dernière par rapport à l'année précédente, si cela peut vous être utile. Mais quant à savoir combien ont abandonné, je l'ignore.
Mme Carol Skelton: J'aimerais le savoir. En tant qu'épouse et mère d'agriculteurs, j'ai vu deux de mes fils quitter la ferme et cela m'intéresse donc beaucoup et je voudrais le savoir. Mon mari et moi-même envisageons de quitter la terre. En fait, le moment est venu pour nous de prendre notre retraite. J'ignore pourquoi je suis venue à Ottawa... Quoi qu'il en soit, j'aimerais vraiment connaître ce chiffre. Combien ont abandonné?
M. John Ryan: Il ne faut pas perdre de vue que les 2 600 de l'année dernière ne sont pas nécessairement les mêmes que les 2 300 de cette année, et il peut donc être difficile de faire le calcul. Il y en a qui arrivent et il y en a qui partent. Notre liste d'arriérés est telle que nous n'avons pas de constante. Nous pouvons voir s'il y a moyen de trouver quelque chose, mais je dirais que nous n'avons pas de chiffres là-dessus.
Mme Carol Skelton: J'ai une dernière question. Est-il vrai que votre service de recouvrement de créances a un quota?
M. John Ryan: Un quota? Non. Nous essayons de gérer nos arriérés, mais pour ce qui est d'imposer un quota à chacun, non.
Mme Carol Skelton: Merci.
Le président: Nous allons maintenant passer au deuxième tour. Larry, avez-vous des questions?
M. Larry McCormick (Hastings—Frontenac—Lennox and Addington, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être venus. Nous les reverrons peut- être bientôt quand nous étudierons le projet de loi C-25. C'est maintenant du domaine public que cette mesure est inscrite au Feuilleton et sera étudiée très bientôt.
J'ai une question sur le Saskatchewan Wheat Pool. Pour ce qui est de prêts éventuellement accordés par la Société du crédit agricole, nous assistons à une forte reprise du mouvement coopératif dans bien des secteurs de l'agriculture et de l'agri- entreprise. Je pense qu'il y a vraiment des secteurs que l'on peut encourager. La Société du crédit agricole prête-t-elle aux coopératives? Je sais que c'est une question générale, mais je vais d'abord vous donner l'occasion d'y répondre.
M. John Ryan: Oui, absolument. C'est un fait que nous avons en ce moment même un certain nombre de prêts à des coopératives. En fait, nous considérons que c'est un secteur de croissance pour l'avenir.
M. Larry McCormick: Je suis content que vous le disiez publiquement.
Pour revenir aux céréales et aux oléagineux, nous avons certainement beaucoup de défis à relever. C'est la première fois dans l'histoire de l'humanité qu'il y a une récolte exceptionnelle sur les cinq continents cinq années de suite. Nous ne souhaitons malheur à personne, mais ces gens-là sont en difficulté.
On a parlé du programme Flexi-Porc et vous avez dit il y a quelques instants avoir conclu des arrangements avec les producteurs de céréales et d'oléagineux dans l'Ouest. Je me demande s'il y a eu ou s'il pourrait y avoir un arrangement plus formel—j'ignore s'il faudrait que ce soit officiel ou non—pour les céréales et les oléagineux, par exemple, en donnant aux producteurs la possibilité de ne pas payer d'intérêts pendant un an ou deux. Bien sûr, on ne voit pas nécessairement la lumière au bout du tunnel, mais il pourrait y avoir une petite lueur d'espoir, monsieur Ryan.
M. John Ryan: Pour le moment, à la société, nous n'avons pas envisagé d'adopter une telle mesure. Nous administrons la société sur la base du recouvrement des coûts. Si nous décidions d'accorder une remise d'intérêt pendant une certaine période, disons un an, cela nuirait évidemment à notre capacité de faire nos frais. Je pense qu'il faudrait plutôt une décision politique du gouvernement et que l'initiative ne viendrait pas du Crédit agricole, car il y aurait un certain nombre de clients qui diraient que si nous accordons une remise à un autre groupe du secteur, pourquoi pas à eux?
M. Larry McCormick: Bien sûr, ce ne sont pas toujours les mêmes producteurs, les 2 300 ou 2 600 ou quoi que ce soit. Mais certains d'entre eux ont été refinancés. Vous avez dit que vous avez bien travaillé avec beaucoup d'agriculteurs, et je sais que vous le faites, mais quand vous travaillez avec eux, avec cette partie de l'intérêt, cela fait-il partie du travail que vous faites avec eux?
Mme Louise Neveu: Au sujet du refinancement?
M. Larry McCormick: Au sujet du fait qu'ils n'ont pas d'argent, de liquidités, pour assumer leurs obligations.
Mme Louise Neveu: Il nous est arrivé à l'occasion d'accorder un moratoire à la fois sur l'intérêt et le principal, quand il semble que ce soit nécessaire, parce que la récolte est mauvaise ou que l'agriculteur n'a absolument aucune liquidité pour quelque raison que ce soit. Mais le plan d'affaires garantit que l'entreprise va poursuivre ses activités. Nous avons, dans certains cas, remis des paiements à plus tard.
M. Larry McCormick: Très bien. Dans le sud-ouest du Manitoba et le sud-est de la Saskatchewan, où il y a eu des inondations, le problème a toujours été que l'eau est stagnante. Nous sommes heureux de voir que ce ne sera probablement pas le cas, mais avez- vous été en mesure d'aider à ce moment-là? D'autres autorités n'ont pu le faire.
M. John Ryan: Absolument, nous l'avons fait. Nous avons pris l'initiative d'en discuter avec les producteurs. Nous avons accordé un certain nombre de moratoires. En fait, un an plus tard, après l'échéance des moratoires, les personnes en cause ont recommencé à faire leurs paiements. Nous avons demandé combien d'entre elles étaient vraiment en mesure de recommencer leurs paiements. La grande majorité, je crois que c'était de l'ordre de 75 p. 100 à 80 p. 100, avaient recommencé à faire leurs paiements. C'était donc une bonne décision d'affaire d'accorder ce moratoire en période de difficultés.
M. Larry McCormick: J'ignorais quelle réponse vous alliez me donner et je suis impressionné de ce que vous avez fait dans ce domaine.
Je reviens au programme Coups d'pousse. C'est dans la belle circonscription de Hastings—Frontenac—Lennox et Addington, que j'ai l'honneur de représenter, que le ministre en a fait l'annonce, au Concours international de labourage dans le comté de Frontenac. Ce programme semble intéressant: 1 300 prêts, 34 millions de dollars. Je me demande, approximativement, quel est le montant le plus bas et quel est le plus élevé? Quel est le montant moyen des prêts, approximativement?
M. John Ryan: Dans le programme Coups d'pousse, cela varie beaucoup, parce qu'il y a trois composantes. Il y a le prêt de croissance un-deux-trois, un prêt pour le jour de paye, et le prêt pour la ferme familiale elle-même. Je pense que cela peut aller de peut-être 20 000 $—ce sont des chiffres que je lance sans avoir vérifié—jusqu'à 200 000 $ ou même 400 000 $. En moyenne, toutefois, notre prêt moyen est d'environ 115 000 $.
M. Larry McCormick: Donc une moyenne de 115 000 $. Je vous suis vraiment reconnaissant pour ce programme. J'ai l'impression...
M. John Ryan: C'est 115 000 $ en tout, monsieur, et nous vous donnerons les détails.
M. Larry McCormick: Pour le programme de la ferme familiale, il y a assurément des besoins un peu partout au Canada car nous essayons d'encourager nos jeunes agriculteurs. Nous aurons besoin d'eux très bientôt et je pense donc que nous devons vous encourager à poursuivre dans cette voie.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Le président: Monsieur Gagnon.
[Français]
M. Marcel Gagnon: Quel pourcentage maximum de la valeur d'une ferme peut-on emprunter? Prêtez-vous jusqu'à 55 p. 100?
Mme Louise Neveu: On prête jusqu'à 75 p. 100 et, dans certaines circonstances, on prête même jusqu'à 80 p. 100. Dans le cadre de notre programme Coups d'pousse, dont le but est d'aider la relève, on peut même aller jusqu'à 90 p. 100.
M. Marcel Gagnon: Jusqu'à 90 p. 100. Dans l'évaluation que vous faites de la ferme, tenez-vous compte de la valeur des quotas de production?
Mme Louise Neveu: Oui.
M. Marcel Gagnon: Donc, maintenant, on peut emprunter sur la valeur du quota de production.
Mme Louise Neveu: Oui, nous prêtons sur la valeur du quota.
M. Marcel Gagnon: Dans le cas des très grosses fermes qu'on voit chez nous, entre autres, et sûrement aussi ailleurs, on forme de plus en plus de compagnies. Un individu seul a de la difficulté à acheter une ferme de 3, 4 ou 5 millions de dollars. Alors, il y a de plus en plus de compagnies. Est-ce que ces gens qui se regroupent en compagnie pour acheter une ferme peuvent emprunter facilement?
Mme Louise Neveu: Il n'y a aucun problème. On traite ces personnes qui se regroupent de la même façon qu'un individu. Souvent, ce sont des partenaires familiaux. Ce serait une proposition qui serait faite dans le plan d'entreprise, par les trois entrepreneurs ou les trois actionnaires. Tout dépend de la structure corporative.
M. Marcel Gagnon: En ce qui a trait au financement à court terme, ce n'est pas tout d'avoir 5 000 porcs dans la porcherie; il faut aussi les amener au marché. Est-ce que vous faites du financement à court terme? C'est cette partie qui est laissée à l'entreprise, aux banques ou aux caisses populaires.
Mme Louise Neveu: Exactement.
M. Marcel Gagnon: C'est de la collaboration, en fait.
Si vous prêtez jusqu'à 75 ou même 80 p. 100 de la valeur de la ferme, cela veut dire que le jeune qui s'établit doit quand même avoir un comptant considérable.
Mme Louise Neveu: Oui.
M. Marcel Gagnon: La valeur des fermes d'aujourd'hui est considérable. Le programme Coups d'pousse ne s'occupe pas cet aspect.
Mme Louise Neveu: Non.
M. Marcel Gagnon: Le programme Coups d'pousse, c'est pour la nouvelle orientation.
Mme Louise Neveu: Exactement. On offre seulement des prêts. Il n'y a aucune subvention. Jusqu'à présent, la société ne peut offrir d'actions. Donc, c'est simplement basé sur un prêt qui doit être remboursé.
M. Marcel Gagnon: Donc, le jeune qui n'a pas eu la chance d'avoir son père avant lui ou d'avoir un héritage d'environ 20 p. 100 de la valeur de la ferme qu'il veut acheter n'a aucune possibilité. Est-ce qu'il y a des possibilités pour ces jeunes-là actuellement? Je ne parle pas nécessairement de chez vous, mais est-ce qu'il y a d'autres endroits où ces jeunes peuvent emprunter?
Mme Louise Neveu: L'office offre un taux d'intérêt inférieur aux jeunes qui s'établissent.
M. Marcel Gagnon: Pour les premières années.
Mme Louise Neveu: Oui.
M. Marcel Gagnon: Ce qui ne se fait pas chez vous.
Mme Louise Neveu: C'est ça.
M. Marcel Gagnon: Est-ce que vous envisagez de le faire?
Mme Louise Neveu: Pas jusqu'à maintenant.
M. Marcel Gagnon: C'est le gros problème, du moins au Québec. Les fermes sont de plus en plus grosses et la valeur des quotas est de plus en plus élevée. Dans ma paroisse, les fermes de 3 ou 4 millions de dollars ne sont pas rares. Donc, même lorsqu'ils se regroupent en compagnie, les jeunes doivent avoir un certain capital pour venir à bout de s'établir.
Vous n'envisagez pas non plus d'offrir le crédit à court terme, n'est-ce pas? Ce n'est pas une possibilité.
Mme Louise Neveu: Disons que ce serait une possibilité, mais chez nous, on a toujours indiqué qu'on n'avait vraiment pas l'expertise nécessaire pour se lancer dans ce domaine.
M. Marcel Gagnon: Il faut plutôt travailler en collaboration avec les banques.
Mme Louise Neveu: Oui.
M. Marcel Gagnon: Merci.
[Traduction]
Le président: Merci, Marcel.
Pour faire suite à cette série de questions, quand le ministre a témoigné devant nous, il a dit qu'il y avait environ 300 000 agriculteurs au Canada. J'ai donc été plutôt ébranlé ce matin de vous entendre dire que 125 000 agriculteurs prendront leur retraite au cours des cinq prochaines années. C'est bien ce que vous avez dit?
M. John Ryan: Dans dix ans.
Le président: Dix ans. Pour faire suite aux questions posées par Marcel, c'est une situation très grave à laquelle est confrontée la communauté agricole, puisque plus du tiers de nos agriculteurs se situent dans ce groupe d'âge. Voilà un point d'établi et j'espère que vous en tiendrez compte dans vos activités.
Je donne maintenant la parole à Dick.
M. Dick Proctor: Monsieur le président, on a déjà répondu à ma question.
Le président: On a répondu à votre question.
Rick.
M. Rick Borotsik: J'ai une très brève question sur les frais de dossier. Votre organisation exige des frais de dossier calculés d'après une échelle mobile, si je comprends bien, quand les gens viennent vous voir pour demander un prêt hypothécaire, comme vous l'avez dit. Les autres institutions financières font-elles payer des frais de dossier? Et envisagez-vous de rajuster ces frais d'une manière quelconque? Il y a une échelle mobile, je le sais. S'en sert-on pour dissuader des gens qui pourraient demander des prêts, parce que je crois comprendre qu'il s'agit de frais de demande non remboursables? Ces frais ont-ils un effet de dissuasion? Envisagez- vous de changer d'une manière quelconque ces frais de dossier?
Mme Louise Neveu: Nous révisons nos frais de dossier assez régulièrement. Nous ne nous situons pas en dehors du marché. Dans bien des cas, nos frais sont inférieurs à ceux qu'exigent d'autres institutions financières. Nous ne nous en servons jamais comme facteur de dissuasion, mais on vous dira peut-être que dans bien des cas, nous faisons beaucoup de travail avec un emprunteur éventuel. Il vient seulement nous parler de son plan d'affaires, nous en discutons et le faisons approuver par notre personnel.
À partir du moment où il faut un ou deux jours ouvrables pour passer en revue un plan d'affaires avec un client éventuel, nous demandons normalement le paiement de frais non remboursables. Ce paiement ne représente pas nécessairement la totalité des frais de dossier.
M. Rick Borotsik: Êtes-vous en train de dire que pendant une certaine période, il n'y a aucun coût associé au dossier, quand vous commencez...
Mme Louise Neveu: Absolument. Quand quelqu'un vient nous voir pour discuter avec nous, absolument.
M. Rick Borotsik: Quand prenez-vous la décision de mettre en marche le compteur, pour ainsi dire?
Mme Louise Neveu: Cela dépend tout à fait du directeur de compte. Il nous est arrivé parfois qu'un emprunteur obtienne de nous des services gratuits pour ensuite aller s'adresser à une autre institution financière. Nous avons déjà fait tout le travail. Dans certains de ces dossiers, nous avons évidemment dû assumer tous les coûts associés à la préparation de ce prêt.
M. Rick Borotsik: Donc, en fait, si un directeur de compte ne veut pas travailler avec un client donné, il pourrait lui rendre la vie très difficile en imposant à ce client des frais de dossier.
Mme Louise Neveu: Ce serait là un cas vraiment exceptionnel.
M. Rick Borotsik: D'accord.
Mme Louise Neveu: Nous avons...
M. Rick Borotsik: C'est affaire de jugement, évidemment.
Mme Louise Neveu: Oui, c'est une question de jugement.
M. Rick Borotsik: Recevez-vous parfois des plaintes à ce sujet?
Mme Louise Neveu: Je n'en ai jamais eu.
M. Rick Borotsik: J'en ai eu. C'est pourquoi j'en parle. Merci.
M. John Ryan: Peut-être, monsieur le président, pourrais-je répondre à une question qui a été posée tout à l'heure au sujet du refinancement. J'ai vérifié les dossiers et, à la fin janvier, le montant était d'environ 97 millions de dollars.
M. Rick Borotsik: C'est donc 97 millions sur 1,7 milliard de dollars.
M. John Ryan: Oui.
M. Rick Borotsik: Bon, c'est peu.
M. John Ryan: Pardon, à la fin janvier, c'était probablement autour de 110 millions.
M. Rick Borotsik: Bon, vous avez donc eu une année record l'année dernière en accordant 1,7 milliard de dollars de prêts hypothécaires. De ce chiffre, seulement 100 millions étaient du refinancement. On nous dit constamment qu'il y a d'énormes difficultés dans le secteur agricole. Il y en a, je le sais. Bien des gens sont très durement frappés. Comment se fait-il que vous prêtiez plus d'argent, mais que vous ayez moins d'arriérés? Est-ce parce que ce sont des particuliers et des entreprises aux finances plus solides qui achètent des terres?
M. John Ryan: Je pense que presque tous les secteurs sont en pleine croissance. Enfin, il faut voir ce qui se passe dans le secteur de la volaille, dont vous parliez tout à l'heure, et dans le secteur du porc, du boeuf et de l'élevage laitier. Tous ces secteurs sont florissants et parfois même en pleine expansion.
M. Rick Borotsik: C'est vrai. J'oublie qu'il y a autre chose que les cultures.
Le président: Merci, Rick.
Vous avez utilisé tout à l'heure le mot «moratoire». Est-ce différent des arriérés?
M. John Ryan: Oui.
Mme Louise Neveu: Oui.
Le président: Cela ne déguise-t-il pas les difficultés qu'éprouvent les gens? Combien de moratoires avez-vous accordés l'année dernière?
M. John Ryan: L'année dernière, nous en avons accordé environ 600. En général, cela veut dire qu'au moment où les paiements du client sont dus, nous disons: bon, serez-vous en mesure de faire ces paiements? Si vous n'en êtes pas capable, reportons l'obligation de faire ces paiements à la fin, à l'échéance du prêt.
Le président: Merci.
Paul, vous aviez une question?
M. Paul Steckle: Oui. Quelle est la durée maximale de vos prêts hypothécaires sur une exploitation agricole?
M. John Ryan: Notre maximum est de 29 ans.
M. Paul Steckle: Vous pouvez aller jusqu'à 29 ans.
M. John Ryan: Pour les hypothèques à long terme sur biens immeubles.
M. Paul Steckle: Bon, mais vous ne pouvez pas accorder aujourd'hui une hypothèque de 29 ans au taux courant et garantir ce taux pendant 29 ans. Quand cette pratique a-t-elle pris fin? Il fut un temps où c'était possible. Ma première hypothèque, contractée aux termes de la Loi sur les prêts aux jeunes agriculteurs de l'Ontario, était à 5 p. 100 pendant 25 ans. On pouvait à cette époque obtenir du crédit agricole pour des durées de 25 ou 29 ans; c'était une option.
M. John Ryan: Il fut un temps où nous avions les mêmes conditions. Je pense... Est-ce cinq ans maintenant? Si la période d'amortissement est de 29 ans, le taux d'intérêt est révisé au bout de cinq ans.
M. Paul Steckle: C'était aussi une hypothèque à paiements dégressifs, n'est-ce pas?
M. Murray Calder: Pas vraiment.
Le président: Bon, continuez, Paul.
M. Paul Steckle: Je suppose que ma question... L'agriculture est une entreprise à long terme. Je sais que vous tentez de vous protéger contre les fluctuations des taux d'intérêt, mais l'agriculteur aussi. Supposons que vous puissiez offrir aujourd'hui un taux de, disons 7 p. 100, mais que vous décidiez d'offrir un taux de 9 p. 100 garanti pendant 29 ans ou 25 ans. Trouveriez-vous preneur?
Mme Louise Neveu: Je ne le pense pas.
M. Paul Steckle: Les agriculteurs ne seraient pas preneurs?
Mme Louise Neveu: Non, nous constatons que...
M. Paul Steckle: La raison pour laquelle je pose la question est que les agriculteurs veulent gagner sur tous les plans. Je le sais, j'en suis un. Quand les taux d'intérêt grimperont à 13 p. 100, ce taux de 9 p. 100 apparaîtra intéressant.
J'ai vécu cela. Cinq pour cent semblait assez intéressant en comparaison de 22 p. 100. On disait alors que l'on ne reverrait plus jamais des taux d'intérêt de 5 p. 100 ou 6 p. 100, mais c'est arrivé.
Les gens ont perdu le goût des prêts à long terme parce que l'on pouvait emprunter à 5 p. 100 il y a quelques années. Je me demande si cela pourrait être avantageux pour nos agriculteurs, si l'on pouvait l'offrir comme option.
Mme Louise Neveu: Nous avons actuellement des prêts de dix ans avec paiements anticipés de 10 p. 100 par année, et nous avons très peu de demandes.
M. Paul Steckle: C'est simplement pour me permettre de réitérer l'argument, à l'intention de mes collègues. Car je suis certain que nous avons tous entendu dire cela, vous savez.
M. John Ryan: Je veux réitérer ce que Louise a dit. Nous l'offrons pour dix ans et nous ne trouvons pas preneur.
M. Paul Steckle: Oui, bon, c'est...
M. John Ryan: Alors nous avons le sentiment que si l'on offrait des prêts d'une durée de 29 ans, il y aurait encore moins d'intéressés.
M. Paul Steckle: D'accord.
Le président: Merci, Paul.
Howard.
M. Howard Hilstrom: Merci.
Les amendements m'inquiètent beaucoup. Je crains que vous vous ne lanciez dans le financement d'agri-entreprises et que cela ne s'arrête pas là. J'ai plusieurs raisons de m'inquiéter, notamment le fait que la Banque de développement du Canada reçoit des coups de téléphone du premier ministre au sujet de prêts. Avez-vous déjà reçu un appel téléphonique du premier ministre?
M. John Ryan: Non, jamais.
M. Howard Hilstrom: Avez-vous déjà reçu un appel téléphonique de quelqu'un du cabinet du premier ministre au sujet d'un prêt quelconque?
M. John Ryan: Non.
M. Howard Hilstrom: Bon, aucune tentative d'influencer de la part du cabinet du premier ministre.
Les amendements ne vous permettent-ils pas de faire double emploi avec la Banque de développement? N'allez-vous pas dédoubler certains de leurs services?
M. John Ryan: Je ne le pense vraiment pas, et la raison en est que nous avons un protocole d'entente, un accord avec la Banque de développement du Canada. Donc, quand nous étudions des propositions de plus grande envergure dans le secteur de l'agri-entreprise, nous nous demandons s'il nous serait possible de partager le dossier.
En fait, nous avons un certain nombre de succursales ou de bureaux d'un bout à l'autre du pays qui travaillent avec des succursales de la Banque de développement du Canada, justement pour s'assurer qu'il n'y a ni dédoublement ni chevauchement.
M. Howard Hilstrom: Ces protocoles d'entente... Seront-ils rendus publics un jour, ou bien sont-ils réservés à la Banque de développement et à la SCA?
M. John Ryan: Je me ferai un plaisir de vous en faire parvenir copie si cela peut vous être avantageux, ou bien au comité...
M. Howard Hilstrom: Si cela vous était possible, je vous demanderais d'en apporter copie si vous témoignez de nouveau devant le comité, et nous pourrions alors en discuter.
Il y a un autre élément qui me rend très nerveux au sujet de la SCA et des amendements qu'on veut apporter. En fait, il y a une question fondamentale qui va m'inciter à recommander à l'Alliance canadienne que nous nous prononcions contre ces amendements, à savoir si les caisses populaires et les autres coopératives de crédit viennent nous dire que la concurrence qui résultera de tout cela nuira à leurs activités. Je ne peux pas vous dire à quel point les coopératives de crédit, les caisses populaires et les banques sont importantes pour nos localités du Canada rural. Elles sont absolument essentielles.
Ne croyez-vous pas que vous allez livrer une concurrence déloyale à ces institutions financières?
M. John Ryan: Du point de vue des taux d'intérêt, nous n'offrons pas de taux d'intérêt bonifiés. Chaque fois que nous avons essayé de comparer nos taux d'intérêt à ceux des autres, nous avons toujours constaté que nous sommes de 10 à 40 points de base plus élevés.
Vous trouverez peut-être un dossier particulier à un moment donné où l'on a offert un taux plus bas que ce qu'offrait quelqu'un d'autre. Mais nous n'avons nullement l'intention d'offrir des taux d'intérêt inférieurs à ceux du marché, parce que nous ne croyons vraiment pas que c'est ce que devrait faire la Société du crédit agricole ou toute autre société d'État.
Oui, il y a certaines coopératives de crédit qui se félicitent des excellentes relations de travail qu'elles entretiennent avec le crédit agricole. Vous en trouverez peut-être d'autres qui vous diront exactement le contraire, mais comme Louise l'affirmait tout à l'heure, c'est lorsque les relations personnelles sont mauvaises au niveau local.
M. Howard Hilstrom: Eh bien, je vais de toute évidence essayer de savoir ce qui se passe de l'île de Vancouver jusqu'à Charlottetown. Je ne vais pas me baser sur une ou deux entreprises seulement.
J'ai une dernière petite question. La SCA accorderait-elle un prêt à un secteur régi par la gestion de l'offre, la valeur du quota étant la seule garantie?
M. John Ryan: Oui, je pense que nous le ferions. Si vous examinez nos livres, vous en trouverez probablement des exemples dès maintenant.
M. Howard Hilstrom: Les banques prêtent-elles de l'argent actuellement sur la valeur des quotas de gestion de l'offre?
M. John Ryan: Oui, elles le font.
M. Howard Hilstrom: Je vais devoir vous croire sur parole, mais je ferai quelques vérifications. Je crois savoir que les banques s'inquiètent des prochaines négociations à l'OMC et au sujet de la Zone de libre-échange des Amériques. La gestion de l'offre fait partie des éléments en négociation. Dans cinq ans, un quota n'aura peut-être plus la valeur qu'il a aujourd'hui. En avez-vous tenu compte? Avez-vous réfléchi à cette question?
M. John Ryan: Si nous accordons un prêt en nous fondant sur la seule valeur du quota, ce prêt ne sera pas pour une durée supérieure à sept ans.
M. Howard Hilstrom: Et il représentera quel pourcentage de la valeur totale? À l'heure actuelle, les quotas laitiers se vendent environ 18 000 $ en Ontario.
Mme Louise Neveu: Tout dépend de la personne.
M. Howard Hilstrom: Ça dépend des fermes. Vous exigez donc d'autres garanties en plus?
Mme Louise Neveu: S'il y a possibilité de le faire, nous pouvons exiger d'autres garanties. Tout dépend. Si c'est un nouveau prêt accordé à un emprunteur actuel...
M. Howard Hilstrom: Qui sait comment tout cela fonctionne? À un moment donné—et laissez-moi vous dire que je ne fais absolument pas confiance aux libéraux—ils pourraient voter contre...
Une voix: Soyez gentil.
M. Howard Hilstrom: Un instant, s'il vous plaît. Cette question du quota est une affaire très sérieuse pour les agriculteurs. C'est extraordinairement important. Selon ce que le gouvernement fera durant les négociations commerciales, il se pourrait que l'on doive intervenir au sujet de la valeur de ce quota, si l'on change les règles de la gestion de l'offre, faisant ainsi baisser la valeur du quota. Je me demandais quelle était votre réflexion là-dessus et quelles dispositions vous prendrez dans cette éventualité.
M. John Ryan: Comme j'ai commencé à le dire tout à l'heure, si nous accordons un prêt avec pour seule garantie la valeur du quota, nous acceptons une période d'amortissement jusqu'à sept ans, ce qui veut dire que le prêt sera remboursé après cette échéance. Dans tout ce que nous avons reçu ou dans toutes les évaluations que nous avons faites à ce jour, nous avons toujours dit que s'il y avait des changements, ils seraient faits graduellement sur une certaine période. Quand nous rencontrons nos producteurs individuellement, ils nous disent qu'ils réfléchissent aussi à cette question. Ils ne sont pas intéressés à s'endetter à long terme si leur quota doit se déprécier. Notre point de vue, actuellement, c'est que si une décision devait être prise de changer la donne par rapport à la situation actuelle, cette dette serait remboursée de manière que les agriculteurs ne se retrouvent pas endettés jusqu'au cou quand leur quota n'aura plus de valeur. C'est ainsi que nous estimons avoir mis en place des sauvegardes à ce sujet.
M. Howard Hilstrom: Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, Howard.
J'ai une question sur la pisciculture: quelle est votre position là-dessus?
M. John Ryan: Nous avons aujourd'hui environ 50 millions de dollars de prêts dans l'industrie de la pisciculture, surtout en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick et en Colombie-Britannique. Nous avons eu de très bonnes expériences, mais d'autres dossiers n'ont pas été aussi bons. Je pense que ça dépend beaucoup de chaque producteur. Nous demeurons actifs dans l'industrie de l'aquaculture.
Le président: Murray, avez-vous une autre question?
M. Murray Calder: Oui, une brève question.
Howard a parlé de la gestion de l'offre et de la valeur du quota. La valeur du quota est essentiellement dictée par le marché et elle ne peut baisser que si le gouvernement change sa position sur la gestion de l'offre. Cela résume bien la situation, n'est-ce pas?
M. John Ryan: Oui.
M. Murray Calder: Je voudrais vous parler des hypothèques à long terme. Quand je me suis lancé dans l'agriculture à la fin des années 70, j'ai contracté une hypothèque de la SCA en 1980. Je peux vous dire que cela m'a sauvé la couenne à ce moment-là parce que...
M. Larry McCormick: Vos poulets.
M. Murray Calder: Non, en fait, j'élevais des porcs à ce moment-là, Larry. J'ai réorienté ma carrière pour le mieux en 1985.
Des voix: Oh, oh!
M. Murray Calder: Quoi qu'il en soit, j'avais une hypothèque à 12 p. 100. J'ai vu les taux grimper jusqu'à 22 p. 100 et je me frottais les mains. Mais l'hypothèque à long terme que j'avais contractée était à facturation dégressive. En fait, dans une telle hypothèque, on paie l'intérêt d'abord et l'on rembourse le principal ensuite. Je me trouvais essentiellement à financer ma ferme avec une carte de crédit parce que c'est essentiellement ainsi que fonctionne une carte de crédit. Tant qu'on n'a pas remboursé le dernier dollar de principal, on continue de payer 12 p. 100 sur le montant du prêt. Disons que c'est 100 000 $; on paie 12 p. 100 sur 100 000 $ jusqu'à ce qu'on ait remboursé le dernier dollar de principal. Les hypothèques à long terme que vous accordez actuellement à 29 p. 100 sont-elles structurées de la même manière?
M. John Ryan: À 29 p. 100?
M. Murray Calder: Pardon, je veux dire 29 ans.
M. John Ryan: Simple précision.
M. Murray Calder: Sont-elles structurées de cette manière?
M. John Ryan: J'étais en train de vérifier auprès de Louise. Je pense qu'en bref, la réponse est oui. Il s'agit essentiellement d'un prêt à versements confondus et le paiement est le même chaque mois. Au début, le gros du paiement sert à payer les intérêts et très peu d'argent va au principal.
M. Murray Calder: C'est donc un prêt à remboursement dégressif.
M. John Ryan: En fait, on regarde cela et l'on dit: voici le paiement que je vais faire chaque mois pendant x années. Le paiement ne change pas. Est-ce que c'est compatible avec les rentrées de l'entreprise?
M. Murray Calder: Autrement dit, si quelqu'un prend une hypothèque de, disons, 100 000 $ à la SCA, il va payer 10 p. 100—c'est l'un des taux que l'on a évoqués tout à l'heure—de 100 000 $ pendant 20 ans jusqu'à ce que le dernier dollar de ce montant de 100 000 $ ait été remboursé.
Une voix: Il faut bien que le solde diminue. Les banques fonctionnent de la même manière.
M. Scott Grant (agent de gestion du portefeuille, Société du crédit agricole): Les hypothèques résidentielles accordées par les banques sont structurées de la même manière. On peut aussi avoir un paiement composé du principal plus l'intérêt, c'est-à-dire que l'on paie chaque mois une portion fixe du principal, et un paiement d'intérêt est calculé séparément, simplement pour séparer les deux.
M. Murray Calder: Je sais que pour l'hypothèque que j'ai contractée à la banque et que je paie actuellement, j'ai un paiement d'intérêt et un paiement de principal. À mesure que le principal commence à diminuer, l'intérêt diminue également parce que le principal n'est plus aussi élevé. Mais si l'on a un paiement fixe chaque mois, c'est une hypothèque à versements dégressifs parce que l'on paie l'intérêt sur le principal jusqu'à ce que l'on ait remboursé tout l'intérêt sur le principal, après quoi, vers la fin... Disons qu'il y a aussi une clause permettant de rembourser le principal plus rapidement sans pénalité, je vous le concède. Mais cela revient essentiellement à acheter une ferme avec une carte de crédit.
M. John Ryan: La différence que je perçois, c'est qu'au début, le gros des paiements sert à payer l'intérêt. À mesure que l'on rembourse, on paie de plus en plus de principal. Une fraction de plus en plus importante du paiement sert à diminuer le principal. Je ne suis donc pas certain d'être entièrement d'accord avec vous quand vous parlez de versements dégressifs. Il s'agit seulement de voir quelle portion sert à payer l'intérêt et quelle portion sert à payer le principal, et cela change avec le temps.
M. Paul Steckle: L'hypothèque ne serait jamais remboursée si cela fonctionnait comme vous le dites.
Le président: Marcel.
[Français]
M. Marcel Gagnon: On vient de parler de la valeur des quotas. Quand vous évaluez une ferme, vous prenez en considération les quotas, selon ce qu'on m'a dit plus tôt. Est-ce que vous prenez en considération un prix maximum pour la valeur de ces quotas ou si vous prenez en considération le prix du marché?
Mme Louise Neveu: On n'a absolument rien à dire quant au prix du quota; c'est le prix du marché.
M. Marcel Gagnon: C'est le prix du marché. Par contre, si j'ai bien compris, vous financez le quota sur sept ans, alors que le fond de terre ou la première hypothèque est financée sur 29 ans.
Mme Louise Neveu: Elle peut être financée sur 29 ans.
M. Marcel Gagnon: Elle pourrait être financée sur 29 ans.
Mme Louise Neveu: Oui.
M. Marcel Gagnon: Si on finance le quota sur sept ans, est-ce parce qu'on le sent un peu plus vulnérable?
Mme Louise Neveu: Oui, et on devrait habituellement être capable de le payer à court terme.
M. Marcel Gagnon: C'est du court terme.
Mme Louise Neveu: Oui.
M. Marcel Gagnon: Je dis ça parce que les producteurs ont des craintes et posent des questions au sujet des négociations sur le libre-échange. La gestion de l'offre ne doit pas faire partie des négociations sur le libre-échange. Par contre, on entend dire par la bande qu'on prend cela en considération et que la gestion de l'offre est peut-être moins en sécurité qu'on ne nous le dit. Faites-vous aussi des pressions pour que la gestion de l'offre ne fasse pas partie des négociations? Je pense que les producteurs agricoles s'attendent à ce que les pressions viennent de toutes parts. S'il fallait qu'un jour on négocie quelque chose sur la gestion de l'offre et sur la valeur des quotas, la valeur de l'ensemble des fermes baisserait considérablement.
M. John Ryan: Du point de vue de la Société du crédit agricole, cela ne fait pas partie de notre mandat, je veux dire d'exercer des pressions sur le gouvernement. C'est une décision politique et, comme Murray l'a dit tout à l'heure, quelle que soit la décision du gouvernement, nous devons alors voir comment nous pouvons y donner suite. Il n'est pas question que nous prenions parti dans un sens ou dans l'autre.
[Français]
M. Marcel Gagnon: Je suppose que vous pouvez quand même affirmer qu'aujourd'hui, une grosse partie de la valeur des fermes réside dans la valeur des quotas, c'est-à-dire dans la gestion de l'offre.
[Traduction]
Le président: Merci, Marcel.
Y a-t-il d'autres questions?
M. Larry McCormick: Au sujet des 1,7 milliard de dollars de nouveaux prêts accordés l'année dernière, peut-être que ma question vous prendra au dépourvu car on ne peut pas s'attendre à ce que vous connaissiez tous les détails, mais je m'interroge sur les montants par secteur.
Je me pose la question parce que je viens de lire il y a quelques instants le numéro d'aujourd'hui du Manitoba Co-Operator. Bien sûr, le journaliste rapporte seulement ce que l'économiste en chef de la Société pour l'expansion des exportations a déclaré, et je suppose que je vais vous en faire part dans mon préambule. Rick est parti et je me rends compte qu'il est très au courant de tout ce dossier, mais l'on s'inquiète vraiment de la concentration du porc au Manitoba alors même qu'il y a peut-être trop de porcs sur le marché mondial. Pourtant, on est coincé et l'on n'a pas le choix. Le secteur est en pleine croissance, mais je me demande si vous pouvez nous donner des pourcentages approximatifs relativement à ces prêts.
M. John Ryan: Je pourrais peut-être vous donner des chiffres, mais je vais devoir les additionner parce que nos totaux ne sont pas sur la même page.
M. Larry McCormick: Vous pourriez nous les faire parvenir plus tard ou les déposer au moment de votre prochaine comparution.
M. John Ryan: Je peux vous dire qu'environ 460 millions de ces 1,7 milliard de dollars sont allés au secteur des cultures.
M. Larry McCormick: Bien.
M. John Ryan: Le secteur laitier représente environ 400 millions de dollars.
Je peux vous donner la ventilation détaillée par secteur, mais ce sont là les deux plus importants.
Nous avons près de 300 millions de dollars dans le secteur du boeuf—je fais un calcul rapide à partir de ces deux pages.
M. Larry McCormick: Je vous en remercie.
Pour revenir au porc, ce secteur connaît une bonne croissance et cette croissance se poursuivra.
Je n'ai jamais oublié ce qu'un certain ambassadeur nous avait dit un jour—non pas au Comité de l'agriculture. Il parlait de l'agroalimentaire et il venait d'Asie. Il disait si nous pouvions seulement vous encourager, vous, les Canadiens, à mettre une feuille d'érable un peu plus grande sur vos produits... Il y a des gens en Asie qui sont prêts à payer peut-être un peu plus cher, 1 p. 100 de plus, pour des produits canadiens parce que nous avons établi une solide réputation.
Je suppose que je peux faire le calcul moi-même. La Société du crédit agricole n'a pas surinvesti. Non pas que je puisse m'ériger en juge de vos actions, mais quand j'additionne tous ces chiffres, je constate que vous n'avez pas nécessairement surinvesti dans l'industrie du porc l'année dernière. J'étais simplement curieux de le savoir.
M. John Ryan: Dans le secteur du porc, cela donne environ 150 millions de dollars.
M. Larry McCormick: Merci beaucoup.
Le président: Howard, avez-vous une brève question?
M. Howard Hilstrom: Non, je pense l'avoir déjà posée, merci, mais Carol aurait peut-être une brève question à poser.
Mme Carol Skelton: Je voudrais seulement savoir s'il y a quoi que ce soit dans le projet de loi C-25 qui empêche les futurs dirigeants de la Société du crédit agricole de posséder et de détenir un portefeuille foncier pendant longtemps.
M. John Ryan: Je pense que vous trouverez une disposition dans la loi qui nous interdit expressément d'agir en ce sens. Tout ce que je peux dire, c'est que nous avons pris délibérément la décision de faire exactement le contraire. Je vous le dis franchement, nous avons fait l'objet de beaucoup de pressions pour prolonger les baux quand ils sont venus à échéance. Nous estimions que ce n'était ni notre rôle ni notre responsabilité d'être des propriétaires fonciers au Canada, mais que nous devions plutôt remettre ces terres à l'agriculteur.
Mme Carol Skelton: Je voudrais le voir par écrit.
Le président: Monsieur Ryan, je voudrais vous remercier, vous- même et vos collaborateurs, d'être venus ce matin. Je ne peux m'empêcher de me dire qu'il y a une dizaine d'années, l'atmosphère n'était probablement pas aussi bonne quand les représentants de votre organisation comparaissaient devant un comité comme le nôtre. Je pense que le succès obtenu depuis, disons 1993... Je ne devrais peut-être pas choisir l'année 1993 comme point de départ, Howard. Mais je pense que vous avez fait beaucoup mieux depuis 1993, C'est le projet de loi, apparemment, qui est arrivé en 1993, Howard.
M. Howard Hilstrom: Oh oui, le projet de loi. Cela n'a rien à voir avec...
Le président: Mais quoi qu'il en soit, on a abordé ce matin un certain nombre de points que je voudrais moi aussi examiner de plus près dans le projet de loi C-25. Je ne peux m'empêcher de m'inquiéter au sujet du maximum que vous pouvez accorder en termes de prêts à divers secteurs ou dans divers dossiers.
• 1045
Il faut se pencher sur la question du crédit-bail agricole,
que l'on a abordée brièvement ce matin. J'espère que quand vous
reviendrez, vous pourrez nous donner le coût réel de la location de
terres aux agriculteurs. Cela semble intéressant la première année,
la deuxième année et la troisième année, mais quel est le coût réel
de la location? On se pose beaucoup de questions à ce sujet et l'on
se demande si c'est bon ou mauvais pour l'industrie. Certains
d'entre nous ont une opinion à ce sujet. Pour bien des gens, la
location est un moyen d'éviter de payer quelques dollars d'impôt à
court terme, mais il y a des conséquences à long terme pour
l'agriculteur et aussi de lourdes conséquences sur le prix de vente
de cet équipement.
Howard a soulevé la question des concessionnaires de machines agricoles. Je me demande si vous pouvez nous donner un argument convaincant pour justifier le fait que la Société du crédit agricole se lance dans le domaine du matériel agricole.
Bien sûr, les banques et les caisses populaires y sont présentes et elles comparaîtront aussi. Quand nous étudierons le projet de loi, nous voudrons nous assurer que nous renvoyons à la Chambre un texte de loi qui est bien fait, qui est bien reçu par les agriculteurs et qui améliorera l'économie agricole de notre pays.
M. Howard Hilstrom: Quand vous aurez fini, j'ai une dernière petite question.
Le président: Bon, si vous n'en avez qu'une, et je vous donne seulement 30 secondes.
M. Howard Hilstrom: Oui, j'en ai seulement pour 30 secondes.
Au sujet de l'agriculture autochtone, je voudrais que vous nous disiez brièvement quelle est votre présence dans ce secteur, et aussi dans les forêts. Je sais que vous accordez des prêts dans le secteur forestier.
À Pine Falls, au Manitoba, il y a un groupe d'employés qui possèdent l'usine de pâte à papier, et les Autochtones sont en train de s'organiser pour l'acheter. Est-ce que vous envisageriez de financer un tel achat? Il y a cinq Premières nations et un groupe d'employés qui possèdent cette usine. S'ils vous en faisaient la demande, vous serait-il possible d'accorder un prêt pour une telle opération financière?
M. John Ryan: J'ignore s'ils ont communiqué avec nous, mais je peux vous dire que nous avons récemment nommé quelqu'un qui est expressément chargé de voir ce que nous pourrions faire pour renforcer notre présence et notre aide à la communauté autochtone.
La communauté autochtone a déjà demandé notre aide dans le passé pour la gestion foncière, par exemple; les Autochtones achètent beaucoup de terres qu'ils ne sont pas nécessairement en mesure de mettre en culture aujourd'hui, mais ils ont des plans. Il faut donc voir comment nous pouvons les aider pour la gestion des terres.
Nous avons aussi des pourparlers avec certains conseils de bande et avec les sociétés autochtones de financement pour voir si nous pourrions leur accorder du financement à titre individuel, surtout dans le secteur du bétail. Notre objectif est donc d'en faire encore plus, et non pas moins, pour aider les Autochtones.
M. Howard Hilstrom: Est-ce dans les réserves ou à l'extérieur de celles-ci?
M. John Ryan: Les deux. Nous comprenons les difficultés associées à la Loi sur les terres et la capacité d'acheter notre sécurité. Mais nous travaillons avec les conseils de bande et les sociétés de financement des Autochtones et nous nous posons la question: comment pourrait-on en faire plus?
Le président: Merci, Howard. C'est une bonne intervention.
M. Howard Hilstrom: Je sais que nous n'avons pas le temps, mais c'est un domaine qui mérite d'être examiné plus à fond.
Le président: Quoi qu'il en soit, je vous remercie encore une fois d'être venus. Nous avons hâte d'étudier le projet de loi et il faut espérer que l'on pourra en faire une bonne mesure législative pour tout le monde.
Je demanderais aux députés de rester quelques instants et nous allons discuter des témoins à entendre.
[La séance se poursuit à huis clos]