CIMM Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON CITIZENSHIP AND IMMIGRATION
COMITÉ PERMANENT DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 15 mars 2001
Le président (M. Joe Fontana (London-Centre-Nord, Lib)): Bonjour, chers collègues, mesdames et messieurs. Nous commençons nos audiences publiques et notre audition des témoins au sujet du projet de loi C-11, Loi concernant l'immigration au Canada et l'asile conféré aux personnes déplacées, persécutées ou en danger.
Nous avons le plaisir, ce matin, de recevoir un certain nombre de témoins. De 9 heures à 10 heures, nous entendrons Amnistie internationale, B'nai Brith Canada et l'Association du Barreau canadien, qui nous feront un exposé.
Je crois que selon les règles établies les trois groupes de témoins nous feront une déclaration liminaire de cinq à sept minutes, ce qui permettra aux membres du comité de poser de nombreuses questions. J'essaierai d'être le plus équitable possible et assez souple. Nous avons reçu vos mémoires, et certains d'entre nous ont eu l'occasion de les examiner, si bien que vous n'avez pas à les lire mot pour mot, ce qui nous épargnera sans doute quelques problèmes. Peut-être pourriez-vous nous faire part des principaux points, de vos questions et préoccupations, mais surtout de vos bonnes idées, si vous en avez, comme j'en suis certain, sur la façon dont nous pouvons travailler tous ensemble pour doter le pays de la meilleure politique et des meilleurs programmes d'immigration qui soient.
Cela dit, j'invite les représentants d'Amnistie internationale, Alex Neve, Michael Bossin et Gloria Nafziger, à prendre la parole. Qui va parler au nom d'Amnistie internationale?
[Français]
M. Alex Neve (secrétaire général, Amnistie Internationale (Canada)): Bonjour, monsieur le président et membres du comité. Amnistie Internationale vous remercie de l'occasion qui lui est fournie de vous rencontrer au sujet du projet de loi C-11.
Je m'appelle Alex Neve. Je suis le secrétaire général de la section canadienne d'Amnistie Internationale, branche anglophone. Je suis accompagné aujourd'hui de Mme Gloria Nafziger, qui est la coordonnatrice de notre programme de travail concernant les réfugiés, et de M. Michael Bossin, qui est le président de notre branche et aussi avocat ici, à Ottawa.
Avant de partager nos réactions au projet de loi C-11, je vais vous expliquer très brièvement le mandat d'Amnistie Internationale.
Amnistie Internationale est un mouvement mondial composé de bénévoles qui compte maintenant plus d'un million de membres à travers le monde. Amnistie Internationale intervient partout dans le monde en faveur de la défense des victimes dont les droits fondamentaux ont été violés ou sont menacés de l'être.
C'est dans ce contexte que nous accordons une très grande importance aux systèmes visant la protection des réfugiés. Essentiellement, la protection des réfugiés nous donne les mesures préventives nécessaires à la protection des droits de la personne. Quand les réfugiés sont bien protégés, les persécuteurs sont frustrés de leurs victimes.
[Traduction]
Nous avons eu l'occasion d'examiner le projet de loi C-11, comme le projet de loi C-31, et nous y avons trouvé des mesures qui, selon nous, renforceront notre régime de protection des réfugiés. Nous avons également pris note de propositions qui, nous le craignons, risquent de renvoyer les gens dans des pays où ils seront torturés ou subiront d'autres graves violations de leurs droits.
• 0910
Notre mémoire formule des recommandations dans plusieurs
domaines. Aujourd'hui, nous aborderons très brièvement trois
seulement de ces questions, soit le droit de demander asile, les
dispositions d'appel et la protection des personnes contre le
renvoi vers un pays où elles risquent d'être torturées. Je
commencerai par la première, et mes collègues aborderont les deux
autres questions.
Le droit de demander asile pour être protégé des persécutions est un droit humain fondamental enchâssé à l'article 14 de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Mais c'est toutefois un droit qui se trouve menacé dans le monde entier. De plus en plus, et dans pratiquement chaque coin du monde, les gouvernements ont adopté des lois, des politiques et des pratiques telles que la fermeture des frontières, le renvoi des bateaux et l'obligation d'obtenir un visa, qui rendent le voyage des réfugiés difficile et même illusoire. En général, ces initiatives sont prises pour contrôler l'immigration et l'entrée dans le territoire national.
Amnistie internationale ne nie pas que les États ont ce droit et cette responsabilité. Nous craignons toutefois que ces mesures ne tiennent pas compte de la situation des personnes qui fuient les persécutions et qui ont besoin d'une protection internationale.
Nous avons constaté ces dernières années que, comme bien d'autres pays, le Canada continue de consacrer de plus en plus de ressources à cet aspect de la politique d'immigration que l'on désigne souvent comme l'interdiction d'accès à l'étranger. En postant des agents d'immigration à l'étranger et par d'autres moyens, le Canada intercepte les personnes qui cherchent à venir au Canada et qui n'ont pas de documents de voyage ou de pièces d'identité. En interrompant leur voyage, on laisse les autorités où ce voyage s'est arrêté décider de leur sort. Bien souvent, nous savons que ces personnes ont été replongées dans les situations qu'elles avaient tenté de fuir.
Nous trouvons inquiétant que cette dimension du contrôle de l'immigration et de l'application des lois, qui peut avoir des conséquences dramatiques pour la protection des réfugiés et qui accapare de plus en plus de ressources non seulement au Canada, mais aussi dans de nombreux pays, ne soit pas intégrée dans la législation canadienne. Rien dans la loi ou dans la réglementation canadienne ne définit le rôle, les pouvoirs et les responsabilités des agents d'immigration postés à l'étranger qui barrent la route à une personne qui se dirige vers le Canada et qui peut être un réfugié. Rien ne garantit que si elle se voit barrer la route, alors qu'elle est en droit de revendiquer le statut de réfugié, cette personne obtiendra la protection dont elle a besoin d'un organisme compétent.
La première recommandation que nous formulons dans notre mémoire et que je voudrais mentionner ce matin, c'est qu'il est temps que la législation canadienne sur l'immigration s'attaque à ce problème et fasse en sorte que les pouvoirs, le rôle et les responsabilités des agents d'immigration en poste à l'étranger qui se livrent à ce genre de travail soient réglementés et définis pour que nous ayons la certitude que les gens ne seront pas renvoyés vers des situations dangereuses.
Je vous remercie. Je vais maintenant céder la parole à ma collègue, Mme Nafziger, qui vous parlera des dispositions d'appel.
Mme Gloria Nafziger (coordonnatrice pour les réfugiés, Section canadienne, Amnistie internationale (Canada)): Amnistie internationale est très satisfaite de constater, dans le projet de loi, que l'on permet aux réfugiés d'en appeler d'une décision négative. C'est une disposition indispensable qui manquait sérieusement dans les lois antérieures. Nous croyons que la possibilité de faire appel permettra de résoudre plus efficacement et plus équitablement la situation des réfugiés qui sont en danger et qui ont besoin d'une protection.
Nous constatons toutefois quelques faiblesses dans cette disposition concernant les appels. Il s'agit notamment des restrictions touchant la preuve qui peut être présentée. Le projet de loi limite la Section d'appel des réfugiés à un simple examen du dossier qui se fonde sur le compte rendu des délibérations. Nous croyons que cette disposition est inutilement restrictive.
Pour que l'appel soit efficace, nous recommandons que la Section d'appel des réfugiés prenne en considération toute preuve relative au besoin de protection. Les réfugiés font face à toutes sortes de situations qui n'apparaîtront peut-être pas lors de la première audience, surtout quand les conditions ont changé dans leur pays d'origine ou quand un demandeur d'asile a été débouté pour une question de crédibilité.
S'il n'est pas possible de présenter de nouvelles preuves ou des preuves qui n'étaient pas disponibles lors de la première audience, les réfugiés peuvent se voir également déboutés en appel. Il faut trouver un moyen de résoudre ces questions au niveau de l'appel. Nous avons longuement réfléchi à l'utilité d'une audience verbale en appel, et je crois qu'idéalement c'est ce que nous recommanderions, mais nous comprenons certaines des limitations qui pourraient poser des problèmes.
• 0915
La loi permet à la Section d'appel des réfugiés de renvoyer le
cas devant la Commission de l'immigration et du statut de réfugié
dans certaines circonstances. Même si cela ne figure pas dans notre
mémoire, nous recommandons de donner des directives au président de
la commission pour traiter les cas qui doivent être renvoyés à la
Section du statut de réfugié. Surtout lorsqu'un problème de
crédibilité se pose, il faut que les membres de la commission et de
la section d'appel sachent exactement dans quelles circonstances le
dossier doit être renvoyé devant la Section du statut de réfugié.
Des directives à l'intention du président contribueraient
certainement largement à résoudre cette question.
M. Michael Bossin (membre de l'exécutif, Amnistie internationale (Canada)): Je vais parler brièvement de l'examen des risques avant renvoi qui figure aux articles 112 à 114 du projet de loi.
La loi prévoit le cas de personnes qui, par exemple, ont été déboutées en vertu du paragraphe F de l'article 1 de la Convention sur les réfugiés parce qu'elles ont commis des crimes contre l'humanité. En pareil cas, lorsqu'on procède à l'examen des risques avant renvoi, on tient compte d'une part du risque de torture et, de l'autre, du risque de danger pour le public ou la sécurité du Canada.
Quand le Canada a signé la Convention contre la torture, nous avons convenu de ne jamais renvoyer une personne qui risquerait d'être torturée. En raison de ces dispositions, nous estimons que le Canada a mis en place un processus qui sanctionne le renvoi vers la torture. À mon avis, c'est un recul. L'article 97 mentionne spécifiquement la torture. Notre pays se dit prêt à renvoyer des gens vers la torture, dans certaines circonstances. En fait, les États-Unis ont pris récemment des dispositions contraires. Ils ont dit qu'en aucun cas, quel que soit leur passé criminel ou le risque qu'ils présentent pour la sécurité publique, des gens ne doivent être renvoyés vers la torture. Nous nous dirigeons dans la direction opposée.
À notre avis, le droit de ne pas être renvoyé dans un pays où l'on sera torturé est un droit absolu auquel on ne peut pas déroger. Amnistie internationale n'est pas la seule à le croire. Le Comité sur la torture a toujours répété qu'une personne ne devait pas être renvoyée vers la torture, quels que soient ses antécédents et son passé criminel. En novembre dernier, le Canada a comparu devant le Comité sur la torture, qui a émis des inquiétudes devant la conviction du Canada qu'il pouvait exposer au risque de torture une personne présentant un danger pour la sécurité.
Nous recommandons que, lors de l'examen des risques avant renvoi, il ne soit tenu compte que du risque de torture. C'est à l'article 97. Il ne faudrait pas tenir compte en même temps des intérêts du public et des intérêts nationaux.
Cela dit, pour conclure, Amnistie internationale ne croit pas que les individus dangereux pour le public canadien, qui ont commis des atrocités, devraient pouvoir se promener librement dans nos rues. Il faudrait les traduire devant les tribunaux, et nous devrions légiférer pour ce faire. Il serait irresponsable de notre part de fermer les yeux et de les renvoyer vers des pays où ils subiront des traitements que nous n'autoriserions jamais chez nous.
Le président: Je remercie infiniment Amnistie internationale. Nous aurons certainement des questions à vous poser.
Nous allons maintenant donner la parole à B'nai Brith et à son représentant, David Matas. David, soyez le bienvenu.
M. David Matas (avocat principal, B'nai Brith Canada): B'nai Brith s'inquiète de la fragmentation du processus concernant les criminels de guerre qui sont au Canada et les retards abusifs que cela entraîne. Plusieurs personnes sont décédées au cours de la procédure parce qu'elle était trop lente. C'est le cas de Namsila, Tobiass, Grujicic pour ce qui est des poursuites, Bogutin et Kancevakius. Il y a maintenant deux causes, celles de Obondzinski et Kisluk, qui sont retardées parce que ces individus sont mourants. Il y a d'autres cas qui ont été impossibles à prouver parce que les témoins sont morts et qui ont dû être abandonnés.
• 0920
La poursuite dure beaucoup trop longtemps, et ce n'est pas
seulement parce que le gouvernement ou les tribunaux sont trop
lents. C'est parce que le processus est trop fragmenté. Il y a trop
d'étapes qui reviennent constamment sur les mêmes éléments du
dossier.
Malheureusement, la législation devant le Parlement perpétue ce processus. Ce n'est pas seulement le projet de loi sur l'immigration. Il y a eu aussi la Loi sur la citoyenneté, la législation pénale, la Loi sur l'extradition, qui toutes portent sur la même question, mais de façon fragmentaire et non pas intégrée. Il faut intégrer tous ces éléments de la législation afin de couvrir en même temps le problème des criminels de guerre, des crimes contre l'humanité et de la torture.
Pour ce qui est du projet de loi C-11, le projet de loi sur l'immigration, le problème vient d'abord de la façon dont ces crimes sont décrits. À plusieurs endroits du projet de loi, la torture est décrite comme un crime grave, et non pas comme une violation des droits humains, et c'est la même chose pour les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité, qui sont décrits comme des crimes de droit commun graves plutôt que comme des violations des droits humains. Cela a un effet sur le renvoi, car si c'est un crime grave, l'intéressé ne peut être renvoyé que s'il présente un danger pour le public ou si c'est dans l'intérêt national. Les crimes de ce genre ne risquent évidemment pas d'être commis de nouveau au Canada, et si la loi précise que ces personnes peuvent être renvoyées uniquement si elles présentent un danger pour le public, elles ne peuvent pas être renvoyées, ce qui n'est pas acceptable.
À notre avis, il ne faudrait laisser aucun pouvoir discrétionnaire en ce qui concerne le renvoi dans ce genre de cas, à part une exception dont je parlerai dans un instant, et il ne faudrait pas tenir compte du danger pour le public. Le seul pouvoir discrétionnaire devrait dépendre de l'intérêt national.
Pour ce qui est de l'exception dont j'ai parlé, je reprendrai exactement ce que vient de dire Amnistie internationale, à savoir qu'en aucun cas, même le pire criminel ne devrait être renvoyé dans un pays où il sera torturé, exécuté arbitrairement ou éliminé. Le projet de loi devrait prévoir le renvoi automatique dans certains cas et interdire automatiquement le renvoi dans d'autres cas, mais il confère des pouvoirs discrétionnaires en toutes circonstances alors que c'est parfois parfaitement inacceptable.
En ce qui concerne l'intégration, il faudrait d'abord inclure dans la Loi sur la citoyenneté—et je sais que ce n'est pas la loi que vous étudiez pour le moment—le pouvoir, comme celui que prévoit la Loi sur l'immigration, de révoquer la citoyenneté de ceux qui se sont rendus coupables de crimes de guerre, de crimes contre l'humanité ou de torture. En pareil cas, il faudrait le reconnaître automatiquement et l'appliquer dans le cadre de la Loi sur la citoyenneté.
Ce que nous avons actuellement dans la Loi sur la citoyenneté, c'est le pouvoir de renvoyer quelqu'un en cas de fraude. Il faudrait que la Loi sur l'immigration s'aligne sur cette disposition afin que si la citoyenneté est révoquée pour fraude, une mesure de renvoi soit prise en même temps. Il ne faudrait pas qu'il s'agisse d'une procédure distincte, étant donné qu'il s'agit du même dossier. Les deux questions devraient être examinées par la Section de première instance de la Cour fédérale. Il ne faudrait plus avoir à s'adresser au gouverneur en conseil. Il faudrait prévoir un simple appel à la Cour d'appel fédérale, sur autorisation, et la possibilité d'un sursis sur ordonnance du tribunal en attendant l'appel, mais non pas un sursis automatique.
Il faudrait intégrer les infractions afin que, si une personne est reconnue coupable à l'étranger ou au Canada, il ne soit pas nécessaire d'en refaire la preuve. En fait, si une personne est reconnue coupable au Canada, les tribunaux pénaux devraient pouvoir, en même temps, émettre les mesures de renvoi.
Pour ce qui est de la poursuite de ces crimes, encore une fois, nous sommes d'accord avec Amnistie pour dire qu'il faudrait traduire ces personnes devant les tribunaux du Canada ou de l'étranger et que le renvoi n'est pas une solution à lui seul. Il pourrait compléter, mais non pas remplacer, la poursuite. S'il y a des allégations, il faudrait les transmettre aux procureurs. Une personne ne devrait pas être renvoyée du pays avant que le procureur ait enquêté et décidé d'intenter ou non des poursuites. S'il décide de le faire, l'intéressé devrait rester au Canada en attendant son procès. Le projet de loi dit simplement qu'il doit rester au Canada lorsqu'il est condamné.
Enfin, il y a la question de l'extradition dans le cas d'une personne qui est acquittée à l'étranger. Si l'intéressé est acquitté à l'étranger après avoir été extradé, il a encore des difficultés à accéder au système. Je dirais que la façon dont le projet de loi est rédigé pose un problème à cet égard.
On suppose que, la plupart du temps, ou étant donné la façon dont les événements se déroulent, le gouvernement gagnera sa cause. Les rédacteurs n'ont pas envisagé le cas où il la perdrait. Le projet de loi produira des conséquences absurdes si le gouvernement perd une cause. J'invite les rédacteurs à en tenir compte lorsqu'ils examineront les amendements.
Je m'arrêterai là.
Le président: Merci, David, le représentant de B'nai Brith Canada.
Nous allons maintenant passer à l'Association du Barreau canadien, représentée par Michael Greene, Gordon Maynard et Lorne Waldman.
Michael, soyez le bienvenu.
M. Michael A. Greene (président, Section nationale du droit de l'immigration et de la citoyenneté, Association du Barreau canadien): Merci, et je remercie les membres du comité de nous avoir invités.
Je parlerai au nom de l'Association du Barreau canadien. Je suis un avocat spécialisé en immigration qui exerce à Calgary, en Alberta. Je suis accompagné de Gordon Maynard, un avocat spécialisé en immigration de Vancouver, et de Lorne Waldman, qui fait la même chose à Toronto. Nous couvrons donc au moins la moitié du pays.
L'Association du Barreau canadien est un organisme national qui compte 37 000 membres. La Section du droit de l'immigration et de la citoyenneté regroupe environ 600 membres des quatre coins du pays. Parmi les objectifs de l'ABC figure l'amélioration de la législation et de l'administration de la justice, et c'est dans ce contexte que nous prenons la parole devant vous aujourd'hui.
Nous nous réjouissons beaucoup de cette comparution. Nous participons à ce processus d'examen législatif depuis plusieurs années, et j'ai l'impression de l'avoir toujours fait. Cela représente l'aboutissement et une étape absolument cruciale du processus.
Comme vous le savez peut-être, certaines questions nous ont préoccupés au plus haut point. Avant d'entrer dans les détails, je tiens à dire que, au départ, nous appuyons les initiatives de la ministre en vue d'améliorer et de moderniser la loi. Nous nous réjouissons de voir qu'elle est déterminée à améliorer l'image publique de l'immigration, et nous pensons qu'elle y a réussi, ainsi qu'à accroître l'efficacité de son ministère, surtout pour atteindre les objectifs de l'an dernier. Ces derniers temps, nous avons été témoins de nettes améliorations.
Cela dit, nous tenons à préciser que ce projet nous préoccupe sérieusement. Il renferme des lacunes fondamentales, et nous ne pouvons pas appuyer son adoption tant qu'il ne sera pas modifié en profondeur. La bonne nouvelle, c'est que le projet de loi peut être modifié de façon à devenir plus acceptable, voire un bon texte de loi. Nous voulons toutefois être très clairs sur ce point: le projet de loi renferme de graves lacunes.
Pour nous préparer à témoigner, nous avons fait un mémoire détaillé sur le projet de loi C-31. Je pense que vous l'avez tous en main, mais dans le cas contraire vous pourrez l'obtenir au site abc.org ou auprès de notre bureau national. Nous sommes en train de préparer un mémoire détaillé sur le projet de loi C-11, car cette mesure renferme des modifications fondamentales par rapport au projet de loi C-31 qui l'a précédé, et nous voulons également en tenir compte.
Vous devriez avoir en main une copie de la lettre que nous avons envoyée à tous les députés, en énonçant brièvement certaines de nos préoccupations, et nous répondrons volontiers à des questions à ce sujet. Nous n'avons pas beaucoup de temps aujourd'hui. Nous comptons bien aider le comité par tous les moyens possibles à l'avenir, qu'il s'agisse de venir témoigner dans d'autres villes, ou de revenir ici lorsque vous reviendrez à Ottawa, ou lors de l'étude article par article.
Nous croyons savoir que le comité est assujetti à de fortes pressions pour adopter le projet de loi dans les plus brefs délais. Nous vous demandons instamment de prendre votre temps et de passer ce projet de loi au peigne fin. Nos préoccupations et les problèmes liés à cette mesure sont assez sérieux pour mériter votre attention minutieuse. Nous pensons également que rien ne presse. Il n'est pas nécessaire d'adopter ce projet de loi à la hâte dans les prochaines semaines. Il est le fruit d'un processus intensif, et il n'y a que quelques semaines que le projet de loi C-11 a été déposé.
Nous pouvons très bien bloquer les réfugiés qui arrivent par bateau grâce aux instruments dont nous disposons actuellement. Les mesures que nous avons prises l'an dernier l'ont prouvé; ce qu'il faut, ce sont des ressources suffisantes et la volonté de les utiliser. À notre avis, bon nombre des mesures proposées dans tout ce projet de loi sont inutiles.
Pour en arriver aux dispositions précises du projet de loi et aux principaux changements, je vais en aborder quelques-uns seulement. Je vous demanderais de lire notre mémoire pour y trouver plus de détails et comprendre certaines de nos autres préoccupations. Je vais donc vous faire part des principaux points qui nous inquiètent.
En vertu du projet de loi, la Section d'appel de l'immigration n'aura plus compétence pour examiner la perte de statut de résident permanent notamment, mais également dans les cas de parrainage; nous estimons que la Section d'appel de l'immigration fonctionne très bien et a donné d'excellents résultats. Elle a à son actif énormément de succès et très peu d'échec. Nous estimons que la Section d'appel de l'immigration devrait être maintenue comme organisme décisionnaire indépendant chargé de trancher les questions importantes dans le domaine de l'immigration. Il ne faut pas transférer ces pouvoirs à des agents, et il ne faut pas supprimer le pouvoir d'examen.
• 0930
Notamment, nous nous inquiétons des résidents permanents à
long terme. Il est prévu que ces derniers n'aient plus accès à la
SAI en fonction de critères comme la criminalité grave. C'est à
notre avis foncièrement injuste, et le processus est lacunaire. Si
le gouvernement a créé la Section d'appel de l'immigration au
départ, dans les années 70, c'était justement pour dépolitiser le
processus décisionnaire. Si l'on supprime les pouvoirs de la
section, ces décisions deviendront très politiques et
inacceptables.
Le fait que le projet de loi ne garantisse aux résidents permanents aucune possibilité d'examen de toutes les circonstances du cas constitue une omission flagrante et inacceptable. Si l'on examine les notes d'information ou les documents de travail, on constate qu'il est question des garanties qui existeront. Or, il n'y a aucune garantie dans ce projet de loi, en vertu duquel un résident permanent à long terme qui est ici depuis son enfance risque d'être expulsé du pays sans la moindre possibilité d'examen de son dossier. Cela n'est pas prévu. «Faites-nous confiance» ne peut pas suppléer à la justice.
Nous nous opposons à l'imposition d'une disposition d'autorisation qui limite l'accès aux contestations à l'étranger. Cette mesure a été justifiée principalement, sauf erreur, pour des raisons financières. À notre avis, cela garantit l'obligation de rendre compte, fonction importante qui n'existait pas depuis la restructuration du ministère il y a plusieurs années. Selon nous, si le nombre de cas portés devant la Cour fédérale a augmenté, c'est à cause de la restructuration du ministère et de l'absence d'obligation de rendre compte et de révision de la gestion. Si l'on ne rétablit pas cette fonction, cacher le problème en limitant l'accès à une cour fédérale n'est pas la solution.
Ce qui nous préoccupe vivement, c'est le transfert à des agents d'immigration de pouvoirs draconiens et illimités en vue d'appréhender des ressortissants étrangers, et notamment des résidents permanents, et d'exiger la tenue d'un contrôle.
Au Canada, si les politiciens frappent à votre porte, vous avez plusieurs options. S'ils peuvent vous poser des questions dans le cadre d'une enquête, par exemple, vous pouvez accepter de leur parler ou exiger de parler à votre avocat au préalable, ou encore demander la présence de votre avocat lorsque vous leur parlez. Ou encore, vous pouvez leur dire que vous refusez de leur parler, qu'ils aillent voir ailleurs et qu'ils présentent des preuves contre vous s'ils le désirent. C'est ce que prévoit actuellement la législation relative à l'immigration. Aux termes du projet de loi C-11 ces droits contre l'auto-incrimination et le droit de garder le silence seront complètement supprimés.
Si vous examinez l'article 15, il permet à un agent de procéder à un contrôle de tout étranger s'il a des motifs raisonnables de croire que ce dernier peut être interdit de territoire. C'est ce qu'on appelle le critère du seuil minimum. Et ce serait facile; pour exiger la tenue de ce contrôle, il leur suffirait de recevoir une plainte.
Aux termes du paragraphe 16(3), l'agent peut exiger la production d'un document qu'il demande. En vertu de l'article 127, quiconque refuse de présenter des faits importants lors d'un contrôle commet une infraction, et celle-ci est passible d'une amende d'au plus 100 000 $ et de cinq ans de prison. Il faut non seulement répondre aux questions en disant la vérité, mais aussi fournir tout renseignement pertinent. Il faut s'incriminer soi-même.
Aux termes de l'article 127, la personne qui refuse de prêter serment lors d'un tel contrôle commet également une infraction. Cela supprime totalement le droit de garder le silence, et le droit d'être présumé innocent jusqu'à ce qu'on prouve sa culpabilité. Cela rappelle un peu la police secrète de Staline, qui réveillait les gens au milieu de la nuit en leur disant: «Venez avec nous; nous allons vous interroger, et vous n'avez pas le choix.» Ce n'est pas conforme à la tradition canadienne; ce genre de chose n'existe pas dans le droit actuel et n'a pas sa place dans ce projet de loi.
Nous n'avons rien contre l'idée de prévoir ces pouvoirs au point d'entrée ou à l'égard des personnes qui cherchent à entrer au Canada en présentant une demande. Il est très facile de remanier ces dispositions en limitant ces pouvoirs aux cas où les gens demandent quelque chose, mais les accorder dans les cas où les agents d'immigration font simplement une enquête, c'est inadmissible. Cela traiterait les immigrants d'une façon dont les Canadiens n'accepteraient jamais eux-mêmes d'être traités.
En ce qui concerne le processus de la carte de résident permanent, pour l'essentiel ce système est excellent. Il est facile de calculer les deux ans sur une période de cinq ans; c'est beaucoup plus simple, et ce processus est fondamentalement bon.
• 0935
Ce qui nous préoccupe essentiellement dans ce processus, c'est
le droit d'accès au Canada ou le droit de revenir dans notre pays.
À notre avis, les résidents permanents devraient avoir le droit de
revenir au Canada même si leur statut risque de changer, c'est-à-dire
s'ils risquent de ne pas pouvoir conserver leur statut de
résident permanent. Laissons-les revenir. Ce ne sont pas des
criminels. Ils ne font aucun tort à notre société. Certaines
mesures du projet de loi prévoient le retrait du statut grâce à une
procédure judiciaire, et nous pouvons très bien appliquer ces
mesures. Ce qui nous préoccupe, c'est que des résidents permanents
risquent d'être perdus à l'étranger sans pouvoir revenir dans notre
pays.
Notamment, nous sommes inquiets en raison de l'effet discriminatoire que cette mesure peut avoir pour les pays où il faut un visa. Si l'on est résident permanent d'un pays n'exigeant pas de visa—disons la Grande-Bretagne—même si le ministère part du principe que l'on n'a pas droit au renouvellement de sa carte de résident permanent, on peut prendre l'avion. Au point d'entrée, on sera admis. C'est normal. On nous a donné l'assurance, tout comme à vous, j'en suis certain, que ces personnes seront autorisées à revenir. Toutefois, si l'on vient d'un pays exigeant un visa, il ne sera pas possible de prendre l'avion. Cela a donc un effet discriminatoire à l'égard des résidents permanents—nous ne parlons pas de visiteurs, mais bien de résidents permanents—qui viennent de ces pays, et ils sont très nombreux. Nous recommandons qu'on leur donne le droit absolu de revenir au Canada.
Il y a une suggestion qui a été faite à notre demande, et c'est un compromis qui permet aux personnes qui se sont absentées pendant moins d'un an de revenir. Si on acceptait ce compromis—et vous savez que ce n'est pas ce que nous proposons, mais c'est une solution de repli—il faudrait reformuler cette disposition, car elle pose certains problèmes. Je n'entrerai pas maintenant dans les détails.
Enfin, nous sommes préoccupés par le transfert des pouvoirs qui se fait entre la loi et les règlements qui en découlent, ou le fait que la loi ne prévoit pas des garanties fondamentales pour les résidents permanents. Le projet de loi a cela de remarquable qu'il comporte énormément de dispositions où les pouvoirs de réglementation remplacent les pouvoirs jusque-là prévus dans la loi en vue de prendre certaines décisions. Cette disposition a pour effet de vous ôter vos pouvoirs. Cela ôte au Parlement le pouvoir d'avoir la haute main sur la législation de l'immigration. Ce projet de loi peut effectivement être modifié en profondeur par voie de règlement, désormais, car les définitions adoptées par règlement sont intégrées dans la loi. Par exemple, les critères de détention sont énoncés dans la loi, mais si on les regarde de plus près, le projet de loi prévoit le pouvoir de prendre des règlements pour ajouter à la liste des facteurs à prendre en ligne de compte. On peut donc effectivement modifier ces critères.
Dans le but de préserver l'engagement fort louable de la ministre à l'égard d'un processus juste et équitable—je pense qu'elle l'a dit elle-même—nous vous invitons à examiner de près ce projet de loi et à défendre les droits fondamentaux pour les résidents permanents et les ressortissants étrangers au Canada en proposant des amendements de fond à ce projet de loi avant de l'adopter.
Merci.
Le président: Merci de vos exposés mûrement réfléchis. Même si vous les avez résumés, nous avons en main vos mémoires, et nous espérons recevoir de vous toute documentation supplémentaire que vous nous enverrez dans le cours de nos délibérations.
Nous passons maintenant aux questions. Je suis sûr que mes collègues en ont.
Gurmant, vous avez 10 minutes pour le premier tour.
M. Gurmant Grewal (Surrey-Centre, AC): Merci, monsieur le président.
Je souhaite la bienvenue aux témoins. J'ai écouté avec intérêt les exposés, qui étaient tous excellents et très succincts.
J'ai quelques questions à poser, monsieur le président.
Depuis cinq ans, je dis que la Loi sur l'immigration devrait viser à empêcher l'immigration illégale, mais ouvrir les portes aux véritables immigrants. La ministre a repris mes propos, mais elle n'a fait ni l'un ni l'autre dans ce projet de loi. À la place, elle a prévu des mesures qui mettront des bâtons dans les roues aux candidats à l'immigration. J'ai trois questions à poser. Lorsque vous y aurez répondu, nous passerons à autre chose.
Après avoir suivi le débat et écouté les exposés et lu les notes d'information, je crois comprendre qu'une fois acceptés, les réfugiés authentiques n'ont aucune garantie d'obtenir le statut de résident permanent. Cela aura une incidence sur la réunion des familles des réfugiés qui sont acceptés, mais ne sont pas des résidents permanents au Canada. Ai-je raison ou tort de voir les choses de cette façon?
Deuxièmement, pourquoi la Section du statut de réfugié devrait-elle prendre les décisions en matière d'admissibilité à la place du ministère, surtout du fait qu'elle n'a pas les outils voulus pour évaluer l'admissibilité et les critères d'admissibilité?
• 0940
Il y a une troisième question que je vais poser, monsieur le
président. En vertu du projet de loi, on prévoit beaucoup trop de
règlements. À mes yeux, c'est la preuve que le Parlement est lésé
de ses pouvoirs au profit des bureaucrates.
J'aimerais que les témoins me disent ce qu'ils en pensent ou confirment mon opinion à ce sujet.
Le président: Gurmant, vos questions s'adressent-elles à tous les témoins, à tous les groupes, ou à l'un d'entre eux en particulier?
M. Gurmant Grewal: Les représentants de l'Association du Barreau canadien vont répondre à la première question, et peut-être la deuxième. Quant à la troisième, n'importe qui pourra y répondre.
Le président: Entendu.
M. Lorne Waldman (membre de l'exécutif, Section nationale du droit de l'immigration et de la citoyenneté, Association du Barreau canadien): Au nom de l'Association du Barreau canadien, je vais répondre à la première question sur le droit des réfugiés d'obtenir le statut de résident permanent.
Il nous a fallu un certain temps pour le comprendre, car ce n'est pas très clair dans la Loi sur l'immigration. Aux termes de la loi actuelle, l'article 46.04 porte qu'un réfugié au sens de la Convention obtiendra le statut de résident permanent s'il remplit certaines exigences en matière d'admissibilité. Autrement dit, un réfugié a le droit absolu de devenir résident permanent à moins qu'il ou elle ne soit interdit de territoire pour des motifs d'ordre criminel, de terrorisme, etc.
C'est extrêmement important, car un réfugié ne peut pas faire venir les membres de sa famille tant qu'il n'est pas résident permanent. C'est impossible. Il est arrivé que les retards dans l'obtention du statut de résident permanent aient créé tant de problèmes que certains de nos clients se sont même suicidés parce qu'ils ont attendu pendant des années pour pouvoir être réunis avec leurs familles.
Ce projet de loi a pour effet de supprimer le droit au statut de résident permanent, et désormais ce sera fait de façon discrétionnaire. Les agents d'immigration pourront accorder ce statut, mais ils n'y sont pas obligés. Pire encore, il n'est pas énoncé clairement dans la loi à quels critères les réfugiés devront se conformer pour obtenir le statut de résident permanent. Cela représente un changement extrêmement important. Cela représente un écart terrible par rapport à notre politique d'immigration, qui, auparavant, a toujours reconnu aux réfugiés qui étaient admis au Canada le droit de devenir des résidents permanents. Il faut y remédier.
Le président: Pour la gouverne des députés, vous parlez toujours de l'article 46.04 de la loi actuelle, n'est-ce pas?
M. Lorne Waldman: C'est exact, dans la loi actuelle.
Le président: Ce qui vous préoccupe, c'est que dans la loi actuelle il est dit que: «l'agent d'immigration accorde», et dans le projet de loi C-11, toujours à l'article 46.04, cela a été changé par «peut accorder». C'est bien ce que vous dites?
M. Lorne Waldman: Non, il n'y a pas d'article semblable.
Si vous voulez que je cite les articles du projet de loi pour bien comprendre comment fonctionne la loi actuelle, au paragraphe 99(4) du projet de loi, il est prévu ceci, lorsque la demande d'asile est justifiée:
-
La demande de résidence permanente faite au Canada par une personne
protégée est régie par la partie 1.
Le seule paragraphe concernant l'établissement dans les dispositions visant les réfugiés est donc le 99(4), et cela renvoie à une autre partie. C'est pour cela qu'il est difficile de s'y retrouver. Il faut passer d'un article à l'autre, et précisément au paragraphe 12(3), qui porte ce qui suit:
-
La sélection de l'étranger, qu'il soit au Canada ou non, s'effectue
[...] selon qu'il a la qualité, au titre de la présente loi, de
réfugié ou de personne en situation semblable.
Dans la version anglaise, on utilise le terme «may» au lieu de «shall», et on ne précise pas les critères relatifs au droit d'établissement. On ne précise pas quels sont les critères à remplir, et la disposition renvoie aux critères généraux relatifs aux interdictions de territoire, lesquels sont énoncés aux articles 36 à 43.
Le président: Votre deuxième question portait sur...
M. Gurmant Grewal: La Section du statut de réfugié par opposition à CIC...
M. Lorne Waldman: Et l'admissibilité.
Nous sommes vivement préoccupés par la façon dont le processus d'admissibilité prévu dans le projet de loi s'appliquera. Nous sommes tout autant préoccupés par le système actuel, où l'on s'en remet aux agents d'immigration. À notre avis, c'est à la Commission du statut de réfugié que revient cette responsabilité, car elle a la compétence voulue à cette fin.
D'après nos renseignements, les gens s'inquiètent de savoir si la Commission du statut de réfugié dispose des ressources voulues, mais il est possible de remédier au problème, à notre avis, en faisant en sorte qu'elle ait à sa disposition les ressources suffisantes pour s'acquitter de cette tâche. Il est beaucoup plus sûr d'avoir un tribunal indépendant qui s'occupe du processus d'admissibilité que de s'en remettre à des agents d'immigration.
Le président: La question sur les règlements s'adressait à vous tous.
M. David Matas: À ce sujet en particulier, il faut tenir compte des motifs pour lesquels une personne ne peut pas être admise dans notre pays. Dans certains cas, il s'agit de personnes reconnues coupables de crimes de guerre, de crimes contre l'humanité, de torture, etc. Ces questions relèvent déjà de la compétence de la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, en vertu des clauses d'exclusion. C'est l'un des éléments de cette fragmentation, puisque l'on constitue des tribunaux différents ayant les mêmes compétences, et que la question pourrait être renvoyée à plusieurs d'entre eux. Il serait beaucoup plus logique de dire qu'il n'y a qu'un seul tribunal, qui s'occupe de ces questions, et que tout se fera en une seule étape, au lieu de fragmenter le processus et de renvoyer les gens devant des tribunaux différents qui examinent la même question à tour de rôle.
Le président: Merci.
En ce qui concerne la réglementation, peut-être pourrions-nous commencer par Amnistie internationale et faire le tour de la table. Avez-vous quelque chose à dire au sujet de la réglementation par rapport à la législation?
M. Alex Neve: Les autres ont sans doute des opinions plus détaillées que nous à ce sujet, mais nous faisons valoir qu'on se repose trop sur la réglementation pour certaines questions cruciales, et surtout l'importance de définir certains termes qui détermineront si les gens auront accès ou non au processus de détermination du statut de réfugié et aux choses de ce genre.
Une chose que nous avons notée par exemple—je ne me souviens pas du numéro de l'article—c'est une disposition qui priverait de protection ceux qui ont porté atteinte aux droits humains ou internationaux. L'expression «droits internationaux» n'est pas définie dans la loi. En principe, la définition sera donnée dans le règlement. De façon générale, la notion de «droits internationaux» n'est pas connue en droit, et nous estimons qu'un concept qui servira à déterminer si quelqu'un va pouvoir faire évaluer sa demande d'asile ne doit pas être défini dans un règlement. Et il y a de nombreux autres exemples de ce genre.
Le président: David, avez-vous quelque chose à dire au sujet de l'inclusion de certaines dispositions dans la loi plutôt que dans les règlements?
M. David Matas: Oui, ce projet de loi est en fait meilleur que le projet de loi C-31, qui laissait une place beaucoup plus grande à la réglementation, mais il y a quand même beaucoup de choses qui seront décidées par voie de règlement, dans des domaines reliés aux droits fondamentaux. L'exemple que nous venons d'entendre au sujet du droit d'établissement des réfugiés en fait partie.
Il y a toute la question du sursis, par exemple. Le ministère a dit qu'il prévoirait un sursis en attendant l'examen des risques avant renvoi. Il s'agit de savoir s'il accordera un sursis en attendant que l'intéressé ait accès à la Cour fédérale, ou faudrait-il une suspension des procédures? Lorsqu'il faut assurer l'application régulière de la loi, on ne peut pas laisser dans l'ombre ce que la loi prévoit exactement.
Le président: Gordon.
M. Gordon H. Maynard (membre de l'exécutif, Section nationale du droit de l'immigration et de la citoyenneté, et président de la Section de la Colombie-Britannique, Association du Barreau canadien): Oui, merci.
Je crois que l'article 44 du projet de loi fournit un excellent exemple du problème qui se pose lorsqu'on confie des questions importantes à la réglementation.
La Loi sur l'immigration actuellement en vigueur précise quelles sont les mesures de renvoi qui peuvent être prises contre quelles personnes et dans quelles circonstances. Il y a trois types de mesures de renvoi, soit les mesures d'expulsion, les mesures d'exclusion et les mesures d'interdiction de séjour, qui sont des mesures plus ou moins sévères. Pour le moment, c'est surtout le tribunal indépendant qui émet les mesures de renvoi. Les agents d'immigration ont des pouvoirs, mais ils sont limités par la loi. Ils se limitent aux mesures de renvoi les moins rigoureuses et ne s'appliquent jamais aux résidents permanents. Ce projet de loi ne contient aucune de ces restrictions. L'article 44 porte simplement que ce sera décidé par règlement.
Ces règlements peuvent autoriser les agents d'immigration à prendre des mesures de renvoi contre des résidents permanents qui perdront leur statut en dehors de toute procédure judiciaire. Au moyen d'un règlement, on mettra sur pied une procédure parallèle en évitant les tribunaux qui sont censés être compétents. Il n'y a aucune restriction à ce sujet dans la loi; tout est confié à la réglementation. C'est pourtant une question fondamentale. Le statut de résident permanent confère des droits, et il ne faudrait pas que la réglementation puisse en décider.
Il y a aussi l'article 61. Cet article autorise à prendre des règlements au sujet des facteurs que le tribunal examinera pour déterminer les conditions de mise en liberté. À l'heure actuelle, c'est le tribunal qui décide si une personne doit être mise en liberté, si elle pose ou non un risque pour le public ou si elle risque ou non de prendre la fuite. La loi autorise à prendre des règlements pour dire au tribunal quels sont les facteurs dont il doit tenir compte. À qui revient-il de prendre cette décision? Est-ce aux agents d'immigration, est-ce aux autorités de réglementation ou est-ce au tribunal? Le projet de loi omet d'inclure dans la loi des droits importants qui seront déterminés par voie de règlement.
Également, l'article 18 permet de prendre des règlements au sujet du contrôle—et Michael en a parlé. Le pouvoir d'obliger les résidents permanents ou tout étranger à se soumettre à un contrôle pour entrer au Canada, simplement pour faire une vérification, est un pouvoir extraordinaire. Il n'est pas prévu dans la loi actuelle et ne devrait pas être inclus dans ce projet de loi. C'est une énorme atteinte aux libertés civiles. Ce projet de loi ne définit pas en quoi consiste ce contrôle et laisse le règlement le déterminer. En fait, il faut y remédier. Il y a trop de droits importants qui seront déterminés par le règlement.
Le président: Merci. Steve Mahoney.
M. Steve Mahoney (Mississauga-Ouest, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je suppose que notre personnel nous fournira une réponse détaillée à toutes ces questions, mais j'aurais une ou deux questions à poser à chacun des témoins.
La première s'adresse à Amnistie internationale. À propos des préoccupations que vous avez émises au sujet de l'absence d'audience, je voudrais savoir ce que vous pensez de l'alinéa 113b), page 50, où on peut lire que: «il n'y a lieu de tenir d'audience que si le ministre l'estime requis compte tenu des facteurs réglementaires». On nous a dit que cela permet éventuellement de tenir une audience verbale plutôt qu'un simple examen du dossier. Je me demande si vous êtes d'accord ou si vous le contestez.
M. Alex Neve: Quand nous avons émis nos inquiétudes au sujet des audiences verbales, c'était à propos de la procédure d'appel. Je crois que cette disposition porte sur l'examen des risques avant renvoi, ce qui est une procédure légèrement différente.
Bien entendu, nous nous sommes réjouis de trouver dans le projet de loi C-11 cette disposition qui n'existait pas dans le projet de loi C-31. Le projet de loi C-31 ne prévoyait qu'un examen du dossier pour l'examen des risques avant renvoi, et je me réjouis de voir que c'est inclus dans cette mesure. Toutefois, comme les critères seront déterminés par règlement, nous ne pouvons pas savoir exactement dans quel genre de contextes ou de circonstances il y aura des audiences. C'est un autre exemple montrant qu'il aurait été utile d'apporter plus de précisions dans la loi.
M. Steve Mahoney: Si nous apportions ces précisions, cela pourrait peut-être remédier à vos inquiétudes.
M. Alex Neve: Oui. En ce qui concerne l'appel, la section d'appel n'est pas autorisée à tenir ses propres audiences, mais elle peut renvoyer la cause devant la Section du statut de réfugié, qui procédera à une audience si elle le juge nécessaire. Encore une fois, la loi ne précise pas dans quelles circonstances cela aurait lieu. Nous avons donc suggéré que le président de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié émette au moins des directives pour préciser quand il y a lieu de tenir une audience dans le cas de la procédure d'appel.
M. Steve Mahoney: Je vous remercie.
Pour ce qui est de B'nai Brith, vous m'excuserez, David, si j'ai oublié comment vous avez formulé précisément vos préoccupations, mais vous avez dit qu'une personne qui risque d'être persécutée ou torturée dans son pays d'origine ne devrait jamais y être renvoyée. Même s'il s'agit du criminel le plus odieux, peu importe. Ne craignez-vous pas les critiques que nous entendons souvent au cours de la période des questions et ailleurs quant au risque de faire du Canada un lieu de refuge pour les criminels étrangers, qui pourraient commettre un crime et s'enfuir rapidement au Canada en sachant qu'ils ne seront jamais renvoyés chez eux, sauf en cas d'extradition? Ne craignez-vous pas d'exacerber ces critiques, ou comment répondriez-vous à ce genre d'accusation?
M. David Matas: Tout d'abord, je m'inquiète effectivement de ce que le Canada est un lieu de refuge. En réalité, le Canada a été un lieu de refuge pour les criminels de guerre nazis depuis des décennies. C'est un problème qui a énormément préoccupé notre organisation.
Le problème, c'est que ce n'est pas la solution. L'expulsion vaut mieux que rien, mais cela ne permet pas à ces personnes d'être jugées. Cela ne les punit pas pour les crimes qu'elles ont commis. Tout ce que cela permet, c'est de les déplacer, et elles risquent d'être renvoyées dans un pays où elles ne feront même pas l'objet de poursuites; cela signifie simplement qu'elles obtiennent un permis de séjour temporaire dans notre pays. En vertu du projet de loi, on pourra abréger ou prolonger la durée du séjour, mais cela n'a pas vraiment d'effet dissuasif. Il faut, pour vraiment dissuader ces personnes, un système en vertu duquel elles feront l'objet de poursuites au Canada. Ce genre de délits existent dans tous les pays. Il s'agit simplement d'assurer le bon fonctionnement des lois, car elles existent déjà dans notre Code criminel. Nous punissons la torture et nous venons à peine d'adopter une loi sur les crimes de guerre.
• 0955
Ce que nous disons, c'est que lorsque ces personnes sont ici
et que nous disposons de renseignements les concernant, il faut
renvoyer leur dossier devant la justice, car cela ne s'est pas fait
jusqu'ici, pour autant que nous puissions en juger. Il faut
attendre que les enquêtes soient terminées. Il faut que les
procureurs nous disent si ces personnes peuvent être poursuivies ou
non.
Le droit international ne prévoit pas l'obligation de renvoyer les personnes. En droit international, il est dit que l'on est tenu de poursuivre ou d'extrader—ce n'est pas un pouvoir, c'est un devoir. En outre, si l'on renvoie une personne sans l'avoir poursuivie ou extradée, on enfreint cette obligation. C'est donc ce qui devrait se passer.
M. Steve Mahoney: Par conséquent, malgré la décision de la Cour suprême sur l'extradition relativement à la peine capitale, vous êtes en fait pour une procédure d'extradition, mais pas de cette façon, pas en vertu de cette loi?
M. David Matas: Malgré la décision de la Cour suprême relative à la peine capitale, je suis en faveur de l'extradition.
Tout d'abord, je ne vois pas de contradiction entre la décision de la Cour suprême relative à la peine capitale et l'extradition. En fait, j'ai défendu cette position—non pour B'nai Brith, mais pour Amnistie internationale, mais je l'ai fait. Il n'y a pas de contradiction entre cet arrêt et l'extradition. En effet, ce que nous disons ici, c'est que l'extradition est une bonne chose, mais j'ajouterais que pour aucune de ces infractions... J'appuie manifestement la décision de la Cour suprême dans l'affaire Burns et Rafay. L'extradition est une bonne solution lorsqu'il y a une demande à cet effet, mais en réalité il n'y a pas de demande d'extradition pour ceux qui ont commis des tortures, les criminels de guerre, les auteurs de crimes contre l'humanité. Si nous ne recevons pas de telles demandes—et c'est le cas—il nous incombe de les poursuivre et pas simplement de les expulser.
M. Steve Mahoney: Merci. Je...
Le président: Il faudrait que les réponses soient un peu plus brèves. Je regrette, nous sommes limités par le temps; je le sais. Les questions doivent être plus brèves.
M. David Matas: Merci.
Le président: Ce sont des questions et des réponses complexes. J'en suis conscient, mais j'essaie de faire avancer les choses.
M. Steve Mahoney: Je vous en remercie, monsieur le président. J'essaie d'être aussi bref que possible en posant ces questions.
J'ai une question à poser aux représentants de l'Association du Barreau. Ce n'est pas une critique, mais vous avez cité le projet de loi en passant des articles 15 et 16 et 20 à l'article 99, pour revenir ensuite à l'article 12, et j'ai essayé de suivre cette balle au rebond, si vous voulez...
M. Lorne Waldman: Ce n'est pas nous qui avons rédigé le projet de loi.
M. Steve Mahoney: Si ma mémoire est bonne, vous trouvez à redire au paragraphe 99(4), qui prévoit ceci: «La demande de résidence permanente faite au Canada par une personne protégée est régie par la partie 1.» Il s'agit donc d'une demande de statut de réfugié, et dans ce cas également vous êtes préoccupés par le choix du terme «may» dans la version anglaise.
Une voix: Douze.
M. Steve Mahoney: C'est à l'article 12, effectivement.
J'y ai jeté un coup d'oeil et j'aimerais savoir ce que vous en pensez. Je suppose que si l'on remplaçait «may» par «shall», vous seriez satisfaits. J'ai toutefois l'impression qu'il y a là trois options, plutôt que de prévoir une série souple de directives: la sélection des résidents permanents se fait en fonction de leur appartenance à la catégorie «immigration économique», etc., ou s'il s'agit d'un époux, d'un conjoint de fait, etc.; et le troisième cas. Il s'agit là de trois options qui pourraient être appliquées, plutôt que de s'en remettre à des directives trop vagues, ce qui serait le cas si l'on suivait votre suggestion.
Selon vous, ai-je raison de considérer que ce sont là des options possibles? Autrement dit, on va en choisir une. Les agents pourront choisir la première, ou la deuxième ou la troisième option.
M. Lorne Waldman: D'accord. Cela ne change rien à l'affaire. Je comprends ce que vous voulez dire, mais cela ne change rien. En fait, aux termes de la loi actuelle, un réfugié a le droit absolu à l'établissement. Le terme est «shall», et c'est extrêmement important. C'est au coeur de notre politique visant les réfugiés depuis les années 50. Nous avons toujours reçu des réfugiés et nous avons toujours dit que ceux qui viennent dans notre pays ont le droit de devenir des résidents permanents à moins d'être des criminels, des terroristes ou autres.
Le fait qu'on ait inclus dans le projet de loi le terme «may», dans la version anglaise, est extrêmement important; cela signifie que ce droit qui est actuellement garanti à l'article 46.01 est remplacé par un pouvoir discrétionnaire. Il existe peut-être trois critères en fonction desquels se fera la sélection, mais cela ne veut pas dire pour autant que ces personnes seront automatiquement sélectionnées. C'est ce qui nous préoccupe.
M. Steve Mahoney: Cela calmerait-il vos inquiétudes si on modifiait le projet de loi pour garantir que l'une des trois options sera appliquée?
M. Lorne Waldman: Nous serions satisfaits si l'on adoptait un amendement prévoyant qu'un réfugié qui n'est pas interdit de territoire pour des motifs précis, liés au terrorisme ou à la sécurité nationale, se verra accorder le statut de résident permanent. Un tel amendement serait facile à apporter, et il est compatible avec la loi actuelle.
Dans tout ce que nous a dit la ministre, rien ne nous porte à croire que ces dispositions visent à supprimer ce droit; c'est pourquoi je pense que la ministre sera sans doute prête à accepter cet amendement. C'est peut-être un oubli de la part des fonctionnaires. J'espère que c'est le cas.
Le président: Très bien.
Nous passons maintenant aux tours de cinq minutes. Nous allons commencer par Madeleine, suivie de Judy, et nous reviendrons ensuite à Gurmant.
[Français]
Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ): Monsieur le président, je veux d'abord faire un très court commentaire.
Quelqu'un d'entre vous a mentionné qu'il n'y avait pas d'urgence en la demeure, qu'il valait mieux prendre son temps pour étudier la situation et faire une loi qui soit le plus juste possible. Je suis tout à fait d'accord sur cela et j'imagine que tout le monde autour de la table est d'accord sur cela.
Je passe maintenant à mon deuxième commentaire. Vous avez également dit que les gens qui décident de faire une demande d'asile au Canada le font généralement parce qu'ils n'ont pas le choix. Ce sont des personnes avant toute chose.
J'aurais une question à vous poser, puisque, bien sûr, ce sont d'autres personnes qui prennent la décision pour ces personnes-là. Si vous deviez établir des critères pour les gens qui siègent à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, par exemple, quels seraient ces critères? Est-ce que, dans votre esprit, le mode de nomination actuel de ces personnes responsables—vous avez beaucoup parlé d'indépendance des personnes—est une bonne façon de faire ces nominations? Comme je n'ai entendu personne là-dessus, j'aimerais bien vous entendre.
[Traduction]
Le président: L'un des témoins souhaite—t-il répondre?
M. Lorne Waldman: Cette question nous préoccupe vivement depuis très longtemps. On peut bien avoir le meilleur système d'accueil des réfugiés au monde, si la gestion est confiée à des incapables, le système ne fonctionnera pas.
À notre avis, il faudrait prévoir dans la loi des critères qui établissent clairement que les agents qui s'occupent des réfugiés devront être choisis en fonction de leurs compétences et minutieusement sélectionnés grâce à une sorte de processus indépendant.
[Français]
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Merci. Ma deuxième question s'adresse aux représentants d'Amnistie Internationale. Est-ce que je me trompe en disant que vous trouvez que les agences d'immigration disposent vraiment d'une très large marge de pouvoir? C'est ce que j'ai cru comprendre. Si j'ai bien compris, pourriez-vous alors préciser quel serait le cadre qui vous apparaîtrait raisonnable?
[Traduction]
M. Alex Neve: Nous avons fait part de nos inquiétudes au sujet des pouvoirs des agents d'immigration dans deux contextes différents. J'ai d'abord parlé des pouvoirs conférés aux agents d'immigration à l'étranger. Dans ce cas, ce qui nous préoccupe, c'est que leurs pouvoirs sont illimités et ne sont absolument pas définis. De plus en plus, c'est l'un des véritables problèmes à l'échelle internationale qui battent en brèche notre système efficace de protection des réfugiés. Il est de plus en plus difficile aux personnes de se rendre dans un pays où elles peuvent présenter leur revendication.
Par conséquent, il nous paraît important que, à cet égard, la loi définisse les pouvoirs des agents d'immigration à l'étranger de façon à s'assurer que toute personne qui veut se rendre au Canada pour y demander asile, mais qui est interceptée, a deux options. D'une part, sa revendication sera renvoyée aux autorités d'un pays où elle a une chance raisonnable d'être examinée de façon équitable, un pays qui a fait ses preuves en matière de protection des réfugiés; ou, d'autre part, cette personne sera autorisée à aller jusqu'au Canada pour y présenter sa revendication du statut de réfugié. Ainsi, quiconque demande asile ne pourra pas simplement être intercepté sans le moindre espoir de pouvoir présenter sa revendication.
Nous avons également émis des inquiétudes au sujet des pouvoirs des agents d'immigration au Canada, surtout en ce qui a trait aux décisions relatives à l'admissibilité. Cela va dans le même sens que ce qui s'est dit plus tôt, à savoir que nous estimons également qu'il incombe à la Section du statut de réfugié de prendre ces décisions, car c'est elle qui est spécialiste en la matière. Il est artificiel—et, en réalité, vain—de diviser le processus en deux étapes. Si l'on confie les décisions en matière d'admissibilité aux agents d'immigration, nous craignons que les personnes qui ont besoin de protection ne l'obtiennent pas.
Le président: Judy.
Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD): Merci, monsieur le président.
J'aimerais remercier tous les témoins de leurs exposés.
Il est dommage que nous ayons si peu de temps pour nous pencher sur un domaine aussi important et un projet de loi qui a une portée aussi vaste. Nous allons manquer de temps, et j'espère simplement que tous les intervenants comprendront qu'ils peuvent nous soumettre des propositions d'amendements afin que nous puissions mieux nous informer et nous préparer pour toute l'étude de ce projet de loi.
Le président: C'est une invitation dont ils vont certainement se prévaloir.
Mme Judy Wasylycia-Leis: J'ai trois ou quatre brèves questions à poser. Je vais les poser toutes ensemble et j'espère que... Je sais qu'il va me couper la parole; donc je vais aller vite en espérant que... J'en ai l'habitude dans mes autres comités.
Le président: Je suis un bon président libéral; ce n'est pas un problème.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Oh, vous êtes vraiment gentil. Bon.
Tout d'abord, tous les intervenants ont abordé une question générale concernant le rôle humanitaire du Canada à l'échelle planétaire. Voici ma première question. On a déjà laissé entendre qu'il existait en fait un contingent non divulgué pour le nombre de réfugiés que nous acceptons au Canada, et j'aimerais savoir si vous avez la même impression et ce que l'on peut faire face à cette situation.
Je crois savoir que le Canada accueille quelque chose comme vingt-cinq mille réfugiés par an. J'aimerais bien pouvoir comparer cela au nombre de demandes présentées dans le monde entier et savoir aussi quel nombre vous envisageriez. Sans entrer dans les contingentements, j'aimerais aussi savoir comment nous pourrions jouer un rôle plus important sur la scène internationale à cet égard.
Vous avez tous mentionné les conventions des Nations Unies, et je voudrais que vous me disiez directement si, avec ce projet de loi, nous allons violer la Convention des Nations Unies contre la torture. Dans la même veine, y a-t-il un consensus international pour dire que la Convention contre la torture comporte une interdiction absolue de déportation vers le pays d'origine?
Deuxièmement, suivons-nous la convention des Nations Unies concernant le statut des réfugiés? Je sais que la ministre a dit qu'elle avait apporté certaines modifications concernant la documentation, et si je ne me trompe, il s'agit de l'article 106. Les modifications qui figurent dans le projet de loi C-11 par rapport au C-31 répondent-elles vraiment aux préoccupations qui ont été formulées au sujet des réfugiés qui se trouvent plongés dans un vide juridique parce qu'ils viennent de pays qui n'émettent pas les bons documents?
Le président: Ce n'est pas mal pour un début.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Bon.
M. Michael Bossin: Je vais répondre à la question sur la Convention contre la torture. Je vais simplement vous citer quelques passages des délibérations du Comité contre la torture.
Il y a tout d'abord le cas d'un membre du Sentier lumineux au Pérou, au sujet duquel le comité a dit que le critère de l'article 3 de la convention, qui interdit de renvoyer quelqu'un qui va être torturé, ne souffre aucune dérogation. La nature des activités de l'intéressé ne saurait être une considération matérielle lorsqu'on doit se prononcer sur l'article 3 de la convention.
Dans un autre cas, le comité a déclaré que lorsqu'il existe des raisons sérieuses de penser qu'un individu risque d'être torturé s'il est déporté dans un autre État, l'État partie ne doit pas le renvoyer dans cet autre État. La nature des activités de l'intéressé n'est pas une considération pertinente dans la décision prise conformément à l'article 3 de la convention.
Je pense que le comité a bien montré de façon catégorique qu'il s'agissait d'un droit absolu.
Et effectivement, je crois que ce projet de loi prévoit une situation où la ministre mettra en balance le risque présenté pour le public ou l'intérêt national et le risque de torture, et que ce projet de loi permettra au gouvernement de renvoyer quelqu'un dans un pays où il risquera d'être torturé une fois qu'on aura pesé ces risques. Ce serait en effet une violation flagrante de nos engagements internationaux.
Le président: Bon, Judy, quelle était votre question suivante?
Mme Judy Wasylycia-Leis: Je voulais m'informer sur le statut des réfugiés et la question de la documentation dans le contexte de la convention.
M. Lorne Waldman: Je ne suis pas sûr de pouvoir vous aider, car je ne crois pas que cela figure à l'article 106. Je crois que... pour autant que je puisse voir... C'est la question des réfugiés qui sont dans un vide juridique qui est très préoccupante. Il s'agit des gens qui attendent pendant des années et des années de pouvoir devenir immigrants reçus parce qu'ils n'ont pas les bons documents. L'article 106 n'en parle pas. Ce qui s'en rapprocherait le plus, c'est l'article 31, qui parle de l'attestation de statut. Voici le texte du paragraphe 31(1):
-
Il est remis au résident permanent une attestation de statut; la
personne protégée peut s'en voir délivrer une.
Là encore, il s'agit d'une disposition conçue pour les réfugiés, et elle devrait constituer une enveloppe. La personne protégée devrait recevoir ce document pour être en sécurité, et devrait y avoir droit. Toutefois, cela ne règle pas la question des réfugiés qui ne peuvent pas faire venir leurs familles au Canada, et tout cela nous renvoie à la question que nous avons posée auparavant. Il s'agit des gens qui ne peuvent pas obtenir le statut d'immigrant reçu, pour pouvoir ensuite faire venir leurs familles.
Le président: David.
M. David Matas: Je vais essayer de répondre à votre troisième question, bien qu'elle ne porte pas vraiment sur notre mémoire, qui traite de chiffres. Il n'y a pas non plus de rapport particulier avec le projet de loi pour ce qui est des chiffres.
Nos chiffres sont trop faibles. Nous acceptons environ 7 300 réfugiés par an, alors qu'il y a entre 15 et 25 millions de réfugiés dans le monde entier, selon les années.
Il s'agit là des réfugiés qui bénéficient d'une aide gouvernementale. Si l'on prend les réfugiés parrainés à titre privé évidemment, il y en a encore plus. Toutefois, il est très difficile de parrainer quelqu'un à titre privé étant donné le taux élevé de refus, les critères d'établissement et la façon dont la notion de besoin de rétablissement est appliquée. Donc, le taux de rejet pour les demandes de parrainage privé est très élevé.
• 1010
Le gouvernement justifie la faiblesse de ce nombre de réfugiés
en disant qu'il est élevé comparativement à ce que l'on constate
dans d'autres pays. En réalité, si l'on examine les autres pays de
rétablissement, nous ne sommes pas tout en haut, mais plutôt vers
le milieu de l'échelle. Nous ne sommes pas tout en bas.
Concrètement, ce sont les pays frontaliers qui accueillent la masse des réfugiés. Ce n'est pas un contexte très accueillant, et beaucoup de réfugiés sont tellement maltraités qu'ils sont obligés de repartir.
Un précédent gouvernement avait annoncé qu'il avait pour cible 25 p. 100 de réfugiés sur le total. Autrement dit, sur 200 000 immigrants, nous aurions 50 000 réfugiés. C'était la cible à l'époque. Si on l'a abandonnée pour revenir maintenant plus près de 10 p. 100, c'est que le gouvernement ne pouvait pas concrètement atteindre ce nombre. L'objectif de la politique n'a jamais été abandonné en tant que tel. On y a simplement renoncé parce que ce n'était pas concrètement réalisable, compte tenu de la façon dont le système fonctionne.
À mon avis, on pourrait améliorer le système. On pourrait certainement faciliter plus le parrainage privé. On pourrait accroître le nombre de personnes aidées par le gouvernement. À mon avis, nous devrions nous fixer pour cible ce pourcentage de 25 p. 100, soit 50 000 personnes par an sur un total de 200 000.
Le président: Gordon, vous aviez une brève remarque à faire à ce sujet?
M. Gordon Maynard: On écarte des réfugiés pour attirer l'attention des médias et apparemment aussi celle des parlementaires. Le projet de loi ne concerne pas simplement les réfugiés, mais aussi les résidents permanents.
Nous vous avons dit au départ que nous étions très inquiets du fait que la section d'appel ne revoit plus la situation des résidents permanents et des réfugiés qui sont déportés du Canada. Le projet de loi va permettre l'expulsion obligatoire sans examen. Je vous conseillerais de concentrer vos esprits et vos questions sur ce domaine.
Le président: Bon. Gurmant.
M. Gurmant Grewal: Merci beaucoup. Vous êtes un président très libéral. Je vais essayer d'être plutôt conservateur dans la durée de mes questions.
La taxe d'entrée ou le droit exigé pour l'établissement est discriminatoire, car quand on l'exprime en devise locale, compte tenu du coût de la vie, cette taxe dissuade les habitants de pays du tiers monde de présenter une demande. J'aimerais savoir si vous êtes d'accord avec cela.
Le président: Je pense que nous devrions nous en tenir à la nature du projet de loi. Je ne crois pas que le projet de loi concerne...
M. Gurmant Grewal: Le projet de loi n'en parle pas, monsieur le président.
Le président: Il n'en parle pas. Vous pouvez soulever la question ailleurs, mais pour l'instant nous parlons du projet de loi. Je sais que vous avez déjà soulevé la question, et vous n'êtes pas le seul. Mais ce n'est pas ici qu'il faut le faire. Le projet de loi ne concerne pas les droits ni les politiques gouvernementales visant les droits ou taxes exigés pour l'établissement, etc. Si vous voulez que les témoins fassent des commentaires...
M. Gurmant Grewal: Peut-être en ont-ils.
Le président: Certainement.
M. Gurmant Grewal: Je vais passer à ma deuxième question. Dans le projet de loi, on reconnaît la notion de double intention, c'est-à-dire qu'une personne peut être à la fois immigrant et visiteur. À mon avis, quand une personne entre au Canada en tant que visiteur, elle peut en vertu de ce projet de loi présenter une demande sur place, c'est-à-dire demander à immigrer dans le cadre de certaines catégories au Canada. Cela veut dire que l'immigrant potentiel a la possibilité de passer devant les autres. Pensez-vous que cela risque de dissuader les agents des visas de donner un visa de visiteur à des gens qui risqueraient de venir au Canada pour y faire une demande d'immigration? C'est ma deuxième question.
La troisième est...
Le président: Non, désolé, mais commençons par les deux premières questions. Commençons par...
M. Gurmant Grewal: La première, monsieur le président...
Le président: S'il vous reste du temps, Gurmant, je vous redonnerai la parole. Occupons-nous d'abord de la question pertinente de la double intention, et nous parlerons ensuite des droits s'il nous reste du temps.
M. Michael Greene: Je peux parler des deux. Je vais simplement faire une brève remarque sur l'aspect financier, car il y a quelque chose de pertinent ici.
En ce qui concerne la double intention, ce qui nous préoccupe depuis longtemps, c'est que quelquefois les agents des visas font preuve d'excès de zèle en refusant d'octroyer des visas de visiteur. On refuse de donner ce visa à des personnes qui risquent de demander à immigrer même si elles n'ont pas l'intention d'enfreindre la loi. Nous avons un peu réussi à faire évoluer l'attitude du ministère à l'étranger. Nous sommes heureux de voir maintenant qu'on mentionne explicitement la double intention et qu'on admet que ce n'est pas parce qu'une personne risque de demander à immigrer dans l'avenir qu'il faut lui refuser un visa de visiteur. Des quantités de personnes qui seraient des visiteurs légitimes ne peuvent pas venir ici à cause de la façon dont on applique les lois, et je pense donc que ce changement est une bonne chose.
• 1015
Pour ce qui est des demandes sur place, d'après ce que je
crois savoir du règlement envisagé, ce sera assez limité. Je ne
pense donc pas qu'on puisse parler de resquillage.
À notre avis, le problème du système de sélection proposé vient de ce que si vous êtes une personne de métier spécialisée, la seule façon de venir ici, c'est de venir travailler quelques années. C'est comme cela. Le problème, si on a des agents des visas trop zélés, c'est que les citoyens de certains pays ne pourront pas obtenir ces visas de travail parce qu'on estimera qu'ils risquent de demander le statut de résident permanent.
Le président: Les représentants d'Amnistie ou de B'nai Brith ont-ils d'autres commentaires à faire au sujet de cette notion de double intention?
M. Michael Greene: Un mot sur l'aspect financier. Je ne parlerai pas de la taxe d'entrée. Nous dénonçons depuis longtemps cette taxe et son effet discriminatoire. Je pense qu'il faut faire attention...
Le président: J'aimerais bien que vous évitiez de parler de taxe d'entrée. Rectifions les choses. Ce n'est pas une taxe d'entrée. Un juriste devrait le savoir.
M. Michael Greene: Le droit exigé pour l'établissement. Je ne sais pas qui a prononcé ce terme.
Le président: Ne l'employez pas.
M. Michael Greene: Nous sommes préoccupés par son effet négatif. Ce qui nous inquiète, ce sont les dispositions du projet de loi et du règlement qui font qu'on commence à dire que les personnes qui ont une certaine quantité d'argent pourront venir s'installer au Canada. Ce qui nous inquiète, c'est que quelque chose qui figure actuellement dans le manuel de politique en tant que politique est en train d'être transformé en règlement, à savoir qu'il faudra disposer d'une certaine quantité d'argent à la banque pour être admissible en tant qu'immigrant de la composante économique. Cette disposition aura un effet discriminatoire sur les personnes venant de pays sous-développés ou moins développés.
Le président: Merci.
Jean et ensuite John, une question chacun, s'il vous plaît.
Mme Jean Augustine (Etobicoke—Lakeshore, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je tiens à dire aussi que je suis très heureuse d'avoir la possibilité de discuter avec vous et de lire vos mémoires.
Je crois que nous essayons d'avoir le meilleure projet de loi possible. Nous essayons de faire en sorte qu'il soit aussi équitable que possible.
Je prends donc très au sérieux le commentaire des représentants de l'Association du Barreau qui dit que le projet de loi ne comporte aucune protection contre les vastes pouvoirs des agents. Je sais que vous étudiez la question depuis longtemps. Vous avez fait appel à toute l'expérience de vos collègues de l'Association du Barreau. Avez-vous aussi collaboré avec les fonctionnaires sur cette question? Pourrait-on apporter des modifications au projet de loi sans le modifier radicalement?
Le président: Merci, Jean.
Peut-être chacun des témoins pourra-t-il nous donner son point de vue sur cette très importante question. Michael.
M. Michael Greene: Nous continuons à travailler sur la question. Je crois que je dois rencontrer encore aujourd'hui des cadres supérieurs du ministère. Certains des problèmes sont manifestement de simples erreurs de rédaction ou des omissions. Nous avons relevé certaines choses qui risquent d'avoir un effet différent de celui qui était prévu, et nous espérons qu'on va les rectifier. Ce travail se poursuit donc, et nous espérons qu'il va se poursuivre.
Je voudrais simplement souligner encore une fois que le comité s'attaque à une tâche colossale en examinant ce projet de loi. Il porte sur tous les aspects de notre système d'immigration. C'est le genre de chose qu'on fait une fois tous les 25 ans. Il faut condenser cela en quelques semaines et prendre vos décisions... Ce qui vient de se passer ici depuis une heure en est la parfaite illustration. Il faudrait se pencher sur toutes sortes de questions concernant les réfugiés. Vous allez avoir la même chose durant les six semaines de votre étude. Il y a une multitude de domaines absolument critiques, alors qu'on est en train de procéder à des changements radicaux. Nous avons peur qu'on aille trop vite et qu'ensuite il soit trop tard. On a déjà ouvert les écluses.
Le président: Permettez-moi un commentaire à ce sujet. Vous-mêmes et les 154 autres personnes qui veulent intervenir auprès de notre comité vous apportez manifestement une somme énorme d'expérience et de compétence, et nous allons compter sur vous pour nous signaler les forces et les faiblesses d'un projet de loi donné. Nous allons prendre tout le temps nécessaire pour nous assurer que les Canadiens auront le meilleur projet de loi sur l'immigration possible. Étant donné ce calendrier serré, nous avons l'intention de travailler très fort, mais nous comptons bien sur l'appui d'une foule de personnes comme vous-mêmes, qui êtes en première ligne, pour nous signaler ce qui va et ce qui ne va pas dans le système.
David.
M. David Matas: Je le répète, le regroupement et l'intégration nous préoccupent. Pour différents projets de loi nous traitons avec des fonctionnaires différents qui, apparemment, ne se parlent pas nécessairement entre eux. Lors de l'étude du projet de loi sur la citoyenneté, nous avons signalé qu'il aurait fallu parler de révocation, alors qu'on parlait d'expulsion. À cette époque-là, on nous a dit qu'on avait déjà pris la décision pour le projet de loi C-16 et qu'il fallait en parler aux gens de l'immigration. Nous leur en avons donc parlé, mais nous ne voyons toujours pas cela ici.
• 1020
La question est de savoir si cela va se retrouver dans le
projet de loi sur la citoyenneté. Comment le ministère va-t-il
intégrer sa façon d'aborder la citoyenneté et l'immigration en ce
qui concerne la révocation fondée sur la fraude et les crimes de
guerre? Je ne le retrouve pas dans le projet de loi. Je pense que
cela devrait y figurer.
Le président: Merci. David. Alex.
M. Alex Neve: Oui, nous nous efforçons certainement de nous prévaloir de toutes les occasions de communiquer avec les fonctionnaires du ministère et la ministre au sujet de ces questions et nous leur avons fait part de ces préoccupations lors de nos entretiens avec eux.
Nous avons constaté des progrès. L'exemple le plus flagrant selon nous, qui se trouve dans ce projet de loi, est le droit d'en appeler du rejet d'une demande d'asile. C'est une chose que nous avions réclamée. Il a fallu toutefois dix ans pour en arriver là. Cela a été long.
Dans notre mémoire, nous avons cherché à suggérer des amendements de façon très pragmatique et très pratique et nous pensons que la plupart des questions très importantes que nous avons soulevées pourraient être réglées en apportant à ce projet de loi des modifications assez minimes, mais toutefois importantes. Il ne s'agit donc pas nécessairement de réécrire entièrement ce projet de loi. Il suffit de prêter attention aux dispositions qui soulèvent des problèmes.
Le président: Merci.
John McCallum posera une dernière question, car nous avons six autres témoins, et nous sommes déjà en retard.
M. John McCallum (Markham, Lib.): Monsieur le président, j'ai une observation extrêmement brève et une courte question à poser à Amnistie, si vous le permettez.
Je voudrais me faire l'écho de mon collègue, Steve Mahoney. En tant que nouveau membre de ce comité, j'espère que le personnel nous fournira des renseignements complémentaires, car, à entendre certains commentaires, les rédacteurs ont commis des injustices tellement énormes que ce n'est pas digne du Canada. Ce domaine n'est pas ma spécialité, mais j'aimerais entendre ce que les experts ont à répondre à cela.
À propos de l'argument invoqué tout à l'heure quant au refuge offert aux criminels, je voudrais savoir si Amnistie pense que c'est là un problème important. D'autre part, quand vous dites qu'il y a d'autres façons de traiter les criminels, que des gens risquent d'être renvoyés dans des pays où ils seront torturés, quelles sont les autres solutions qui permettraient de résoudre la question?
M. Alex Neve: Je me ferai l'écho de David Matas, de B'nai Brith. Nous ne voulons absolument pas que le Canada ou un autre pays serve de refuge à des individus qui ont commis de graves violations des droits humains. C'est un élément crucial et essentiel de la protection des droits de la personne. Si nous ne commençons pas à nous attaquer au problème pour de bon, nous ne créerons jamais ce monde meilleur où les droits humains seront vraiment protégés dans le monde.
Cela dit, nous reconnaissons que l'expulsion ne nous permet pas d'atteindre cet objectif. Premièrement, on renvoie souvent des gens dans des pays où leurs propres droits humains sont également violés, ce qui nous enferme dans le cercle vicieux de la violence et de la répression qui ne fait qu'entretenir la violence et la répression. L'autre scénario est la possibilité bien réelle que l'intéressé s'en tirera impunément et ne sera traduit devant aucun tribunal.
C'est pour cette raison que le moyen le plus efficace de veiller à ce que le Canada ne soit pas un refuge pour les criminels est de se centrer sur les possibilités d'extradition et de poursuites plutôt que d'expulsion. C'est seulement en resserrant les mailles de la justice internationale, en traînant ces gens devant les tribunaux du Canada, en veillant à ce qu'ils soient traduits devant les tribunaux internationaux compétents, que nous veillerons à ce que ces criminels ne trouvent aucune terre d'asile et que nous nous rapprocherons davantage d'un monde où les droits humains seront protégés.
Le président: Je crois, Lorne, que vous aviez une brève observation à formuler.
M. Lorne Waldman: Il faut bien comprendre qu'il s'agit d'un processus. La communauté internationale a créé le tribunal international des crimes de guerre, à Rome. C'est la solution ultime. Le Canada a été l'un de ses architectes. La solution consiste à créer un tribunal international qui poursuivra ces individus, car c'est trop difficile... Les choses commencent à bouger. Cela exigera quelques années. Il faut donc bien comprendre qu'il s'agit d'un processus. Si les membres du comité peuvent inciter les États-Unis à ratifier le traité, cela contribuerait largement à résoudre le problème. Mais il s'agit d'un processus international, et la solution consiste à se doter d'un tribunal international des crimes de guerre qui poursuivra ces gens-là.
Le président: Merci beaucoup.
Je dirai à mon collègue, John, que notre comité a commencé par une séance d'information qui lui a été donnée par les fonctionnaires du ministère, à qui nous avons posé beaucoup de questions mardi. Ces séances d'information se poursuivront.
• 1025
Je tiens à assurer aux témoins et à nos collègues que vos
recommandations seront toutes prises très au sérieux. En fait, je
tiens beaucoup à ce que les témoins nous fournissent leurs mémoires
sur le projet de loi C-11 le plus tôt possible, de préférence avant
la réunion, afin que nous sachions ce que vous allez dire, de quoi
vous allez parler avant votre comparution. Dans la plupart des cas,
c'est très important.
Nous allons dresser la liste de toutes les recommandations formulées par tous nos témoins afin de pouvoir interroger les fonctionnaires pour qu'ils expliquent ce qu'ils ont fait de façon rationnelle. Au cours des semaines à venir, nous verrons à obtenir des réponses qui vous satisferont, mais surtout qui nous satisferont, afin d'avoir la certitude d'obtenir la meilleure législation possible.
Je tiens à remercier Amnistie internationale, B'nai Brith et l'ABC pour leur contribution. Nous aurons certainement l'occasion de nous parler au cours des semaines à venir. Merci beaucoup pour vos idées.
Des voix: Merci.
Le président: Chers collègues, nous devons passer rapidement au groupe de témoins suivant. Il s'agit de la Fédération canadienne des municipalités, de la Basilique-Cathédrale Notre-Dame, de l'Association canadienne des policiers et policières et de l'Alliance évangélique du Canada. Je demande à ces témoins de bien vouloir s'avancer.
Nous avons un peu de retard. Un autre comité doit occuper bientôt cette salle, mais nous verrons à prendre le temps nécessaire pour écouter nos témoins.
Je tiens à souhaiter la bienvenue à Cliff Dezell, de la Fédération canadienne des municipalités; à Bernard Daly, président de la Basilique-Cathédrale Notre-Dame d'Ottawa; à David Griffin, directeur exécutif de l'Association canadienne des policiers et policières, et à Janet Epp Buckingham, de l'Alliance évangélique du Canada. Soyez les bienvenus.
Certains d'entre vous nous ont fourni un mémoire, tandis que d'autres ne l'ont pas fait. Je dois vous dire que nous voulons recevoir les mémoires le plus tôt possible. Vous ne pouvez pas les déposer sur nos bureaux à votre arrivée, surtout s'ils ne sont pas traduits. Je vous demanderais de résumer la teneur de vos mémoires. Prenez cinq à sept minutes pour nous parler un peu des questions que vous voulez soulever, mais je demande à nos témoins de faire preuve d'un peu de respect pour les membres du comité. Nous voudrions recevoir vos mémoires le plus tôt possible. Il faut qu'ils soient dans les deux langues officielles. Je ne dis pas que vous avez tous omis de nous les envoyer. Je dis cela uniquement pour la gouverne des prochains témoins qui comparaîtront devant le comité.
Commençons par Cliff Dezell, de la FCM.
M. Cliff Dezell (directeur et président, Fédération canadienne des municipalités): Bonjour, monsieur le président. Nous vous remercions de nous avoir invités.
Depuis 1901, la FCM représente les administrations municipales de l'ensemble du pays et cherche à améliorer la qualité de la vie dans toutes les collectivités grâce à la promotion d'une administration solide, efficace et responsable. Nous représentons actuellement plus de 1 000 municipalités réparties d'un océan à l'autre et plus de 82 p. 100 de la population canadienne.
Nous avons certaines inquiétudes à propos de ce projet de loi, et je vais les résumer.
La FCM croit que l'immigration enrichit notre vie sociale et culturelle, complète notre population active en déclin, apporte des capitaux financiers et crée des emplois. Toutefois, nous avons constaté que les immigrants et les réfugiés ont moins de chances d'exercer un emploi et gagnent des salaires nettement plus bas que les personnes nées au Canada. Comme vous l'avez sans doute entendu dire, l'incidence des crimes haineux contre les minorités raciales et autres est en augmentation, ce qui nous inquiète.
De plus, en effectuant des compressions et en se déchargeant de leurs responsabilités, le gouvernement fédéral et les provinces ont soumis à de fortes pressions la capacité financière des villes, qui doivent répondre à une demande accrue de services.
• 1030
Il ressort du recensement de 1996 que 85 p. 100 des immigrants
résident dans les 25 régions métropolitaines de recensement du
pays, et près des trois quarts se concentrent dans trois villes,
Toronto, Vancouver et Montréal. En 1999, la plupart des immigrants
ont continué à s'établir dans ces villes, soit 44 p. 100 à Toronto,
15 p. 100 à Vancouver et 12 p. 100 à Montréal. De plus, des villes
comme Kitchener—Waterloo et Hamilton reçoivent une forte
proportion de migrants secondaires, d'immigrants, de réfugiés et de
demandeurs d'asile qui arrivent de leur lieu de destination
initial. Par contre, d'autres villes, comme Winnipeg, voient leur
population diminuer. Elles doivent attirer des immigrants pour
renforcer une population active de plus en plus réduite et stimuler
le développement économique.
Plus précisément, nous nous préoccupons du fait que le projet de loi C-11 ne parle pas de consulter les municipalités. La coopération entre le gouvernement canadien et les autres gouvernements est l'un des objectifs énoncés dans la loi actuelle. Dans le projet de loi C-11, cet objectif a été éliminé, et le ministre doit seulement consulter les provinces au sujet de leurs besoins économiques et démographiques pour la répartition des immigrants et les mesures visant à faciliter l'intégration.
C'est toutefois dans les localités locales de tout le pays que se fait cette intégration. Ce sont les programmes et les services offerts dans ces collectivités qui contribuent au succès des politiques nationales d'immigration. Un grand nombre des répercussions de l'immigration se font sentir au niveau local, et les municipalités sont bien placées pour savoir quelles sont les répercussions de la politique fédérale sur les collectivités locales.
Tous les niveaux de gouvernement doivent coopérer les uns avec les autres et avec le secteur communautaire et privé pour établir les objectifs des politiques et programmes à l'égard de l'immigration et des réfugiés.
Il est d'autant plus important de consulter directement les municipalités qu'un grand nombre des changements apportés à la Loi sur l'immigration seront précisés dans la réglementation plutôt que dans la loi. L'article 38, par exemple, concerne la protection de la santé et de la sécurité des Canadiens et les motifs sanitaires justifiant l'interdiction de territoire.
Il faut que les administrations municipales participent activement à l'élaboration des règlements d'application de cet article. À notre avis, la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration devrait établir immédiatement un processus qui permettra à la Fédération canadienne des municipalités et aux municipalités représentatives de participer à part entière à l'élaboration du règlement d'application.
Plus précisément, il faudrait également modifier le projet de loi C-11 pour inclure les municipalités dans la partie intitulée «Objet de la loi» et les dispositions prévoyant des consultations avec les provinces, soit les alinéas 3(1)c) et f), l'alinéa 3(3)c) et les paragraphes 10(1) et (2), afin que le gouvernement du Canada consulte directement les administrations municipales au sujet des politiques et programmes d'immigration.
Le projet de loi ne semble pas reconnaître les coûts que doivent assumer de nombreuses municipalités, sinon la totalité, pour fournir des services de santé publique, de logement d'urgence et d'aide sociale, entre autres, aux demandeurs d'asile, de même que l'aide sociale aux immigrants lorsque le parrainage est interrompu. Le gouvernement canadien devrait partager ces coûts.
En deux mots, monsieur le président, nous demandons au gouvernement du Canada de modifier le projet de loi C-11 de façon à prévoir des consultations et une collaboration avec les administrations municipales. Nous lui demandons de partager les coûts qu'assument les municipalités pour fournir des services de santé, de logement d'urgence et d'aide sociale, entre autres, aux demandeurs d'asile, aux réfugiés et aux immigrants.
Enfin, nous demandons au gouvernement du Canada de soutenir le financement des programmes et des initiatives visant à assurer le bien-être social et économique des immigrants et des réfugiés ainsi que leur intégration réussie dans la société canadienne.
Un grand nombre de répercussions de l'immigration se font sentir au niveau local, et ce sont les programmes et les initiatives communautaires qui assurent le succès de nos politiques d'immigration nationale. Le financement devrait refléter cette réalité. Les changements que nous suggérons d'apporter au projet de loi C-11 permettront d'atteindre l'objectif visé, qui consiste à faciliter l'établissement et l'intégration des immigrants et des réfugiés au Canada.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, Cliff.
Nous allons maintenant donner la parole au représentant de la Basilique-Cathédrale Notre-Dame. Bernard.
M. Bernard M. Daly (président, Basilique-Cathédrale Notre-Dame d'Ottawa): Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs.
Notre intérêt pour la question des réfugiés vient de l'expérience que notre paroisse a vécue en parrainant une famille de réfugiés rwandais. Ces personnes sont arrivées à Ottawa en juin dernier, elles sont bien installées, et M. Kanamugire est en fait ici ce matin, à titre d'observateur.
De façon générale, nous voulons que la nouvelle Loi sur l'immigration reprenne certaines des dispositions de la loi actuelle visant à venir en aide aux réfugiés, à la fois outre-mer et au Canada. Nous nous intéressons particulièrement à deux catégories de réfugiés qui ont été incluses chaque année dans le plan, soit les réfugiés parrainés par le gouvernement et les réfugiés parrainés par des organismes du secteur privé.
• 1035
L'inclusion de ces deux catégories était nouvelle lorsque la
loi actuelle est entrée en vigueur. On a posé des questions tout à
l'heure au sujet des chiffres. Nous recommandons vivement que l'on
maintienne au moins les niveaux actuels au cours des années à
venir, soit 7 500 pour les réfugiés parrainés par le gouvernement
et jusqu'à 4 200 pour les réfugiés parrainés par des organismes du
secteur privé.
En ce qui concerne les réfugiés, l'alinéa 3(2)b) du projet de loi C-11 réaffirme «la volonté du Canada de participer aux efforts de la communauté internationale pour venir en aide aux personnes qui doivent se réinstaller». Nous demandons toutefois d'ajouter les mots «y compris au Canada». Cela permettrait de bien préciser que nous n'aidons pas seulement les réfugiés à se réinstaller, disons, dans les pays frontaliers, mais également au Canada. Cela nous ramène aux chiffres déjà mentionnés. Nous nous réjouissons donc de voir que le paragraphe 13(2) maintient le parrainage privé.
Nous trouvons inquiétant que l'article 94 du projet de loi C-11 n'oblige pas clairement à faire rapport chaque année au Parlement des nombres futurs de réfugiés et d'immigrants qui seront admis. L'article 7 de la Loi sur l'immigration de 1976 commence par exiger un rapport annuel au sujet des niveaux prévus pour l'année à venir. Cependant, l'article 94 du projet de loi C-11 insiste plutôt sur un rapport rétrospectif des activités de l'année précédente.
Les nombres de futurs immigrants sont seulement mentionnés à l'alinéa 94(2)b), presque après coup. Il faudrait réviser l'article 94 pour qu'il suive le même modèle que l'article 7 de la loi actuelle.
C'est certainement important, et nous comprenons pourquoi le gouvernement tient beaucoup à recevoir un rapport sur les activités de l'année écoulée à cause des critiques qui lui ont été adressées. Il est encore plus important d'établir clairement les plans pour l'avenir. À notre avis, le gouvernement devrait annoncer chaque année les niveaux d'immigration prévus sur cinq ans, de même qu'un plan détaillé pour l'année à venir. Cela permettrait de mettre en place les ressources nécessaires au moment et à l'endroit où on en aura besoin.
Nous recommandons également de modifier le projet de loi C-11 pour établir un processus différent pour l'admission des réfugiés. En raison de l'urgence de la situation des réfugiés, le processus devrait être plus souple et mieux répondre aux besoins que le processus de sélection des immigrants. C'est ce que faisait valoir le mémoire du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, que vous avez reçu, je crois, le 5 mars. Nous ne reviendrons pas sur les détails de ce document.
Je voudrais attirer votre attention sur deux autres questions plus importantes. Nous acceptons que des réfugiés s'établissent au Canada. Ils ne devraient pas faire l'objet des mêmes critères de regroupement familial que les immigrants économiques. Privés de leur patrie et de tout ce que cela représente, les réfugiés ont particulièrement besoin du soutien émotif et social que seuls les membres de leur famille peuvent leur apporter. Il faudrait mettre en place une procédure spéciale pour les réfugiés qui désirent parrainer des membres de leur famille.
Leurs conjoints, leurs enfants indépendants et leurs autres parents proches ne devraient pas avoir à payer la taxe d'établissement et autres frais du même genre. Ils ne devraient pas avoir à répondre aux mêmes critères d'admissibilité que les autres immigrants. Il est particulièrement injuste qu'un réfugié ait à payer la taxe d'établissement lorsqu'il parraine un conjoint ou un enfant dans le cadre du regroupement familial, même si ces personnes sont également des réfugiés à part entière.
Les changements que nous recommandons trouveraient l'engagement du Canada d'atteindre les objectifs énoncés de façon générale à l'alinéa 3(2)f). Le Canada s'engage à «encourager l'autonomie et le bien-être socio-économique des réfugiés en facilitant la réunification de leurs familles au Canada».
Monsieur le président, nous soutenons également ceux qui demandent un changement à la catégorie des personnes admises pour des motifs humanitaires. Nous convenons qu'il serait préférable de remplacer la liste des pays désignés par une définition générale qui pourrait s'appliquer à n'importe quel pays où le Canada peut mettre un programme en oeuvre.
Enfin, nous croyons que le gouvernement canadien devrait chercher davantage à sensibiliser les Canadiens aux droits et aux besoins des réfugiés. De nombreux facteurs, y compris le trafic de clandestins, dont les médias ont beaucoup parlé, les resquilleurs et les inquiétudes au sujet des coûts que les réfugiés représentent, contribuent à produire une image négative des réfugiés. Le gouvernement devrait s'efforcer davantage de rétablir la vérité.
Nous vous remercions.
Le président: Je crois que vous avez commencé ce processus en venant ici ce matin. Merci, Bernard.
L'Association canadienne des policiers et policières, David.
M. David Griffin (directeur exécutif, Association canadienne des policiers et policières): Merci, monsieur le président.
En tant qu'organisme national représentant 30 000 employés de première ligne de la police, l'Association canadienne des policiers et policières se réjouit de pouvoir comparaître devant le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration de la Chambre des communes.
Nos membres qui sont regroupés au sein de nos 13 sections affiliées, sont les policiers et policières qui travaillent pour les 275 services de police des petites localités du pays, de même que dans les services de police des grandes villes, la police du Canadien national et du Canadien Pacifique, la GRC et la police des Premières nations.
Nous sommes fiers des relations que nous entretenons avec les parlementaires de tous les partis politiques. Comme vous, nos membres veulent changer les choses dans leurs collectivités. Nous avons participé aux délibérations sur des questions comme la justice pénale pour les jeunes, la pornographie infantile, la conduite avec facultés affaiblies, la détermination de la peine, la réforme correctionnelle et la réforme de la libération conditionnelle, les poursuites au criminel et le crime organisé. C'est dans cet esprit que nous nous réjouissons de pouvoir témoigner devant vous aujourd'hui.
Je voudrais commencer par émettre quelques réserves au sujet de la nature de notre exposé. Je m'excuse dès le départ de ne pas avoir de mémoire à remettre au comité. Notre comparution correspond à une période très occupée pour notre association. Mais nous avons eu l'occasion de préparer une analyse au sujet du projet de loi précédent.
Nous reconnaissons dès le départ que le Canada est le meilleur pays du monde et que, pour cette raison, bien des gens du monde entier veulent venir s'y établir. Nous savons que sur plus de 4 millions de personnes qui demandent la résidence permanente au Canada chaque année, 20 p. 100 seulement environ l'obtiendront. Nous savons aussi que la majorité, plus de 90 p. 100, des immigrants qui viennent s'établir au Canada deviennent des membres productifs de la société et respectueux des lois.
Cela témoigne certainement de l'excellent travail que les fonctionnaires du ministère accomplissent quotidiennement. Grâce aux outils et aux ressources à leur disposition, ils n'épargnent aucun effort pour faire un examen approfondi des demandes d'immigration et des demandes d'asile.
Nous ne sommes pas compétents pour parler des diverses mesures et procédures contenues dans cet ambitieux projet de loi concernant la migration légale au Canada. Notre association centre ses préoccupations non pas sur la question de l'immigration comme telle, mais plutôt sur les méthodes d'application utilisées lorsque des personnes visées par la Loi sur l'immigration commettent des actes criminels, au Canada ou à l'étranger.
Dans cet exposé, je chercherai à aborder plusieurs aspects du problème: la protection de nos frontières, l'expulsion des criminels reconnus coupables, les pouvoirs conférés au ministre pour passer outre aux exigences de la loi et les ressources. Je terminerai en parlant des dispositions de la loi dont notre association se réjouit.
Depuis plusieurs années, l'Association canadienne des policiers et policières a adopté des résolutions, à ses assemblées générales annuelles, au sujet de l'application de l'immigration et de l'expulsion, de la protection de nos frontières et du phénomène grandissant du crime organisé. Étant donné notre proximité des États-Unis, le Canada est particulièrement vulnérable comme porte d'entrée de la criminalité internationale.
Les criminels internationaux considèrent le Canada comme une porte d'entrée vers les États-Unis pour la contrebande de drogues, de pornographie infantile, d'armes à feu, et même de gens, dont certains cherchent à se livrer à des activités terroristes. Mais surtout, le Canada a acquis sur la scène internationale la réputation d'être un lieu de refuge pour les criminels et un terrain fertile pour la croissance du crime organisé.
Le Service canadien de renseignements criminels a déclaré que pratiquement chaque grand groupe criminel du monde est actif dans notre pays. Selon son directeur, Richard Philippe, pour 6 millions de dollars d'héroïne traverse nos frontières au cours d'une période de 24 heures tandis que de 21 à 43 immigrants illégaux arrivent quotidiennement.
L'Association canadienne des policiers et policières a récemment mené une enquête auprès des policiers responsables des enquêtes sur le crime organisé dans leur secteur. Pratiquement tous les enquêteurs du pays s'entendent pour dire que les lois sur l'immigration en vigueur et leur mode d'application ne suffisent pas à lutter contre les criminels qui arrivent de l'extérieur.
L'élimination de la police portuaire n'est qu'un exemple des compressions budgétaires qui ont affaibli la sécurité du pays dans ses ports d'entrée. Cela souligne la nécessité de coordonner les services de protection aux frontières du Canada.
L'immigration clandestine qui se fait grâce à la complicité de réseaux de passeurs représente de graves dangers pour les cargaisons humaines, qui, même lorsqu'elles atteignent la terre promise, sont forcées de rembourser leur voyage sous les menaces et l'intimidation et risquent de se tourner vers la criminalité. Il faut chercher davantage à protéger nos frontières, à empêcher l'entrée illégale de la contrebande et des criminels et à faire en sorte que le Canada ne soit plus un lieu de refuge pour les criminels.
• 1045
Nous préconisons la création d'un service national de
protection des frontières, indépendant du ministère du Revenu
national, qui assurerait une protection stratégique et coordonnée
le long des frontières du Canada, de même qu'aux points d'entrée.
Ce service soutiendrait les efforts de la GRC. Je parlerai plus
tard des outils et des ressources nécessaires pour remplir cette
mission.
La procédure d'expulsion des criminels reconnus coupables est souvent très décourageante pour les enquêteurs du crime organisé. Nous avons recommandé à de nombreuses reprises de confier au tribunal pénal qui a prononcé la condamnation et ensuite à la procédure d'appel en matière pénale le soin de se prononcer sur le statut d'immigration des personnes reconnues coupables d'un acte criminel au Canada et passibles de 10 ans d'emprisonnement ou plus.
Il me semble à la fois justifié et plus économique de transférer ces contrevenants aux autorités carcérales de leur pays d'origine, en leur donnant droit à des possibilités de libération conditionnelle équivalentes et en accordant une indemnisation financière au pays qui les reçoit. Il ne faudrait pas laisser les contrevenants choisir les pays où ils préfèrent purger leur peine.
L'expulsion devrait être décidée, sur condamnation pour certains délits, par le juge qui détermine la peine plutôt que par un tribunal d'immigration. Cela permettrait certainement de réaliser des économies importantes. Cette modification n'imposerait probablement pas beaucoup de travail supplémentaire à nos tribunaux pénaux, étant donné que le travail à faire est le même que pour déterminer le statut d'immigration.
Nous avons déjà manifesté notre appui envers le projet de loi C-221, un projet de loi d'initiative parlementaire que le député libéral Janko Peric a présenté à plusieurs reprises et qui permettrait d'appliquer ces principes. Nous sommes déçus de voir que le projet de loi C-11 ne contient pas une disposition du même genre. Nous trouvons toutefois encourageant que la ministre ait reconnu qu'il n'est pas souhaitable d'accorder la semi-liberté aux personnes incarcérées pour un acte criminel et qui seront expulsées après avoir purgé leur peine.
C'est une chose que nous préconisons depuis un certain temps, et nous croyons qu'il faudrait appliquer ce principe uniformément à toute forme de libération conditionnelle. Les personnes condamnées à la prison qui attendent d'être expulsées ne devraient être admissibles à aucune forme de semi-liberté.
Les personnes qui demandent à immigrer légalement au Canada et qui sont déboutées trouvent injuste la façon dont on traite les demandeurs d'asile dont la crédibilité est douteuse. Nous croyons qu'il faudrait chercher davantage à présélectionner les demandeurs avant qu'ils n'entrent au Canada et à améliorer la qualité des personnes méritant d'obtenir le statut de réfugié en cherchant davantage à éviter l'entrée de criminels.
Il est logique de simplifier les paliers et la procédure des appels. Il importe de réinvestir toute économie découlant de ces modifications dans un système de présélection amélioré. En relevant les seuils de l'immigration au Canada, nous augmentons également le volume de demandes à examiner par les agents d'immigration. Nous devons faire en sorte de mettre en place des ressources suffisantes pour répondre à ces exigences.
Les personnes qui se voient refuser l'accès au Canada par des moyens légitimes pour des motifs non criminels sont à juste titre furieuses de voir que certaines personnes réussissent à entrer dans le pays par des moyens détournés. Je peux vous dire que les fonctionnaires du ministère sont incapables d'expliquer pourquoi des gens auxquels on refuse l'accès en vertu du processus législatif peuvent demander des exemptions en vertu d'un processus purement politique.
D'après mes renseignements, certains ministres ont été moins réceptifs que d'autres aux demandes visant à passer outre aux exigences de la loi. Toutefois, c'est actuellement une sérieuse source de préoccupations pour ceux qui sont responsables de la mise en oeuvre des activités prévues dans la Loi sur l'immigration.
Notre association continue de s'opposer au recours au pouvoir discrétionnaire ministériel pour délivrer des permis spéciaux aux personnes qui ne sont pas admises au Canada pour une raison quelconque d'activités criminelles. Nous ne disposons pas à nos frontières des ressources et de la technologie voulues pour inspecter comme il se doit les énormes volumes de marchandises et le grand nombre de personnes qui entrent dans notre pays ou en sortent jour après jour.
Nous devons appliquer une technologie plus moderne pour passer au peigne fin les marchandises et les personnes à l'entrée. Pour bien faire leur travail, les agents des douanes et de l'immigration doivent avoir plus facilement accès à l'information, y compris le système d'information de la police. Les agents d'immigration se plaignent de ne pas avoir de ressources suffisantes et de ne pas être en mesure de répondre aux demandes croissantes—comme le prouvent les exemples récents de passage de clandestins sur une grande échelle qui se sont produits sur la côte Ouest.
Le président: David, combien de temps vous reste-t-il avant la fin de votre exposé?
M. David Griffin: Environ deux minutes, monsieur.
Le président: Pouvez-vous résumer? C'est pourquoi j'ai dit qu'il est plus important de résumer votre mémoire. Si nous l'avions reçu à l'avance, cela aurait été utile. Si vous pouviez nous le résumer, ce serait plus juste pour tous.
M. David Griffin: Oui, monsieur le président.
Le président: Je dois être équitable envers tout le monde.
M. David Griffin: Voici ma conclusion.
En 1997, des coupures importantes dans le budget du ministère ont entraîné des compressions d'effectifs de 25 p. 100. Malgré l'augmentation du budget des agents d'immigration, les niveaux restent inférieurs à ce qu'ils étaient il y a 10 ans. Nous souhaitons qu'on utilise davantage la technologie moderne, qu'on accorde plus de ressources aux agents du ministère de l'Immigration qui sont aux premières lignes et qui doivent régler ces problèmes.
Nous sommes satisfaits de certaines modifications contenues dans le projet de loi en rapport avec le passage de clandestins, les sanctions visant les faux documents, la saisie des biens, le blanchiment de l'argent, l'accès à certains éléments criminels et au crime organisé, mais il nous paraît incompréhensible que la ministre puisse passer outre à ces dispositions en usant de son pouvoir discrétionnaire.
Dans l'ensemble, le projet de loi renferme des améliorations concrètes, mais nous pensons qu'il est encore possible de renforcer ce texte de loi et d'améliorer le système de mise en oeuvre de la Loi sur l'immigration dans notre pays.
Le président: Merci.
M. David Griffin: Merci beaucoup.
Le président: Vous nous remettrez une copie de ce mémoire, David?
M. David Griffin: Oui, monsieur.
Le président: Et nous le ferons traduire. Merci beaucoup.
Je donne maintenant la parole à Mme Janet Epp Buckingham, de l'Alliance évangélique du Canada.
Mme Janet Epp Buckingham (Alliance évangélique du Canada): Merci, monsieur le président, et mesdames et messieurs les membres du comité, de m'avoir invitée à comparaître devant vous.
Vous avez notre mémoire sous les yeux, et je vous demanderais de vous reporter à la dernière page, où se trouvent nos recommandations précises.
L'Alliance évangélique du Canada est une association de 32 confessions religieuses protestantes. Elle compte parmi ses membres de nombreuses organisations religieuses, des Églises et des particuliers. Certains de nos membres sont signataires d'ententes de parrainage avec le gouvernement canadien, pour parrainer des réfugiés. D'autres offrent diverses mesures d'aide aux réfugiés, et d'autres encore sont eux-mêmes des réfugiés au Canada.
En 1997, notre association a créé une commission de la liberté religieuse chargée de s'occuper des problèmes liés à la persécution religieuse dans le monde entier. Nos observations et nos recommandations visant le projet de loi C-11 se limitent à la détermination du statut de réfugié, en mettant tout particulièrement l'accent sur ceux qui sont persécutés du fait de leur religion. Selon les estimations, il existe actuellement plus de 200 millions de personnes dans le monde qui sont persécutées pour leurs croyances religieuses.
Le Canada doit traiter les réfugiés authentiques avec justice et compassion. D'après ce que j'ai entendu ce matin, il existe dans notre pays une volonté d'agir ainsi. Nous craignons toutefois que certaines dispositions du projet de loi C-11 n'empêchent notre pays d'atteindre son objectif de sauver des vies et d'offrir une protection aux personnes déplacées et persécutées.
Plus précisément, nous sommes préoccupés par les dispositions du projet de loi relatives aux pièces d'identité, à la grande criminalité, et aux demandes antérieures. Nous avons également des observations de portée générale à faire au sujet du programme de réinstallation à l'étranger.
Pièces d'identité: il arrive qu'on refuse de fournir aux réfugiés des documents d'identité, ou qu'ils doivent attendre pendant de longues périodes ou qu'ils ne soient pas en mesure de demander ces documents en raison de circonstances désespérées. Comme le comité l'a déjà constaté, la fuite vers la liberté est souvent marquée par le danger, la rapidité des déplacements et la nécessité de recourir à tous les moyens disponibles, quels qu'ils soient, pour se mettre en sûreté. Même si nous n'approuvons pas l'utilisation de documents d'identité frauduleux, nous reconnaissons que c'est une réalité pour de nombreux réfugiés.
L'article 133 du projet de loi C-11 reconnaît apparemment la situation des réfugiés en proposant d'exempter de toute poursuite les demandeurs du statut de réfugié pendant que leur demande est à l'étude et s'ils sont reconnus comme des réfugiés. Pourtant, l'article 106 oblige la Section de la protection des réfugiés à tenir compte de l'absence de pièces d'identité d'un revendicateur lorsqu'elle examine la crédibilité de ce dernier. Aux termes de l'article 122, si le revendicateur se voit refuser le statut de réfugié, il peut être poursuivi pour avoir utilisé de faux papiers et est passible d'au plus 14 ans de prison.
Nous recommandons de supprimer l'article 106 du projet de loi C-11. Il y avait une modification par rapport au projet de loi C-31 à l'article 133, mais l'article 106 du projet de loi actuel semble aller à l'encontre de cette disposition.
Nous incitons également votre comité à réexaminer l'infraction pour possession prévue à l'article 122 afin de déterminer si elle est conforme au droit reconnu par la Charte d'être présumé innocent.
Citoyenneté et Immigration Canada a annoncé le renforcement des mesures d'interception à l'étranger, et vous en avez déjà entendu parler par les représentants d'Amnistie internationale ce matin. La découverte de faux papiers d'identité peut mettre en danger les réfugiés dans le pays qu'ils cherchent à quitter. Si le pays en question a des lois contre la possession ou l'utilisation de faux papiers, comme on le propose dans le projet de loi C-11, cette découverte pourrait entraîner l'emprisonnement des réfugiés. Elle pourrait aussi provoquer le refoulement des réfugiés dans des pays où ils risquent d'être persécutés.
• 1055
Nous sommes satisfaits de la définition de grande criminalité
prévue à l'article 101, visant l'irrecevabilité. L'article de cette
disposition prévoit les cas où le ministre estime que l'étranger
constitue un danger pour le public au Canada, ainsi que la
déclaration de culpabilité à l'extérieur du Canada pour une
infraction qui serait considérée comme telle si elle était commise
au Canada.
Cette disposition peut permettre de régler le cas de ceux qui ont été condamnés à tort. La persécution par un gouvernement peut prendre la forme de poursuites au criminel et d'incarcération injustes.
Nous recommandons que l'alinéa 112(3)b), qui porte sur l'examen des risques avant renvoi, soit modifié conformément à l'article 101.
L'article 112 prévoit une définition plus générale de la grande criminalité, ce qui constitue peut-être, selon nous, une infraction au Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, où il est précisé qu'un crime «grave» doit être un «crime capital ou une infraction punissable grave». La définition de grande criminalité, à l'alinéa 112(3)b), ne se limite pas aux infractions graves.
En ce qui concerne les demandes antérieures, le projet de loi C-11 propose de rendre quiconque a déjà fait une demande de statut de réfugié au Canada inapte à présenter une nouvelle demande de statut de réfugié. Nous comprenons que l'on craint que le système de détermination du statut de réfugié ne suscite des abus et ne devienne une «porte tournante» pour les demandeurs à répétition. Nous constatons toutefois qu'il y a des raisons légitimes qui peuvent inciter un réfugié à présenter une nouvelle demande, comme un changement de circonstances, par exemple.
Les dispositions du projet de loi C-11 sur les demandes antérieures peuvent empêcher les réfugiés de bénéficier d'un examen juste et approfondi de leur demande; pour cette raison, nous demandons que ces dispositions soient réexaminées.
Vous avez déjà entendu parler ce matin des préoccupations relatives à la réunification des familles. Conformément à l'article 3, celui de la définition, dans le cas des réfugiés, l'objectif de la réunification des familles semble être fonction de la contribution économique des membres de la famille d'un réfugié. À cela s'ajoute le fait que les réfugiés n'auront pas le droit d'établissement.
Nous recommandons que l'objectif de la réunification des familles des réfugiés prévue à l'alinéa 3(2)f) soit modifié pour s'aligner sur l'objectif de l'immigration, énoncé à l'alinéa 3(1)d).
Venons-en maintenant à nos observations générales relatives à la réinstallation à l'étranger.
Le président: Janet, nous n'avons pas beaucoup de temps, malheureusement. Pourriez-vous passer directement à vos principales recommandations, car nous aurons peut-être des questions à poser.
Mme Janet Epp Buckingham: Je les ai déjà présentées au fur et à mesure...
Le président: Oui, je sais.
Mme Janet Epp Buckingham: Je suis rendue à la toute dernière.
Le président: Très bien.
Mme Janet Epp Buckingham: Notre première recommandation relative à la réinstallation à l'étranger prévoit que les critères de sélection soient les mêmes, que ce soit au Canada ou à l'étranger, et que l'on précise bien que ces critères sont identiques.
Nous recommandons également d'accroître le nombre d'agents des visas dans les zones de conflits et à proximité. Surtout si l'on veut augmenter les cas d'interdiction, il faut avoir plus d'agents en place dans les secteurs où il y a des conflits et où les risques de persécution sont plus grands.
Merci.
Le président: Merci.
Gurmant, avez-vous des questions à poser?
M. Gurmant Grewal: Merci, monsieur le président.
J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt l'exposé de tous les témoins. Les recommandations de l'ACP m'intéressent tout particulièrement. J'ai deux questions à poser, une à l'ACP et l'autre à la FCM.
La première question s'adresse à l'Association des policiers. Étant donné que la sécurité est au coeur des préoccupations du Canada et des Canadiens, et sachant que nos agents d'immigration aux premières lignes disposent de ressources restreintes et ont reçu une formation limitée, l'ACP est-elle satisfaite du processus de présélection en vue d'appréhender les éléments criminels et les terroristes lorsqu'ils font une demande de visa, et par la suite de citoyenneté? Faudrait-il que le ministère présente des demandes de renseignements indépendantes à Interpol, et est-ce ce que recommanderait l'ACP? Ou souhaitez-vous qu'on mette davantage l'accent sur le processus de présélection, si j'ai bien compris son fonctionnement?
Ma deuxième question s'adresse à la Fédération canadienne des municipalités. Je comprends l'importance des services d'établissement au niveau local et communautaire pour les réfugiés, etc. Le coût de l'établissement est un facteur vraiment important car nous entendons le maire de Toronto nous dire que le gouvernement fédéral n'a pas versé 30 millions de dollars pour l'établissement des réfugiés dans la région métropolitaine de Toronto. Nous entendons le même son de cloche à Montréal et à Vancouver. Ce non-paiement par le fédéral aux municipalités pose-t-il un sérieux problème à l'heure actuelle et quelle est l'ampleur du problème, sur le plan strictement financier? J'aimerais connaître votre réponse.
Le président: Je me souviens que Mel a demandé au gouvernement fédéral de payer l'enlèvement de la neige à une époque, mais c'est à côté de la question.
David.
M. Gurmant Grewal: Mais nous parlons des réfugiés.
Le président: Oui, je sais. J'ai essayé de faire une blague.
M. Gurmant Grewal: Lorsque nous parlerons de la neige, nous y reviendrons.
Le président: Je parlais de Mel Lastman.
M. Gurmant Grewal: Parlons donc des immigrants et des réfugiés.
M. David Griffin: Je vais essayer d'être bref.
Lorsque nous discutons avec les responsables qui, jour après jour, s'occupent de la présélection, ils nous disent qu'ils doivent faire de plus en plus de vérifications avec de moins en moins d'effectifs, des ressources restreintes et qu'ils n'ont pas accès à toute l'information qui leur paraît utile dans le domaine.
Ce projet de loi vise à mettre sur pied un important cadre législatif. Il va sans dire que nous souhaiterions certaines améliorations, mais ce n'est qu'un premier pas. Il faut mettre en place les ressources, les outils et les effectifs nécessaires pour effectuer ces vérifications, et les agents doivent avoir accès à toute l'information disponible.
Le président: Et pour ce qui est de la FCM...?
M. Cliff Dezell: Le coût est certainement un facteur de taille. Encore une fois, pour donner l'exemple de Toronto, on a calculé que l'année dernière, d'un mois à l'autre, quelque 8 000 des cas d'aide sociale sont des réfugiés, et, 6 000 autres sont des immigrants qui reçoivent l'aide sociale. Pendant l'hiver, d'un jour à l'autre, quelque 475 clients des abris d'urgence sont des immigrants ou des réfugiés. Toronto a évalué que pour l'année dernière, le coût supplémentaire était de l'ordre de 24 millions de dollars.
Vrai ou faux, il n'en demeure pas moins que les gouvernements provinciaux font valoir que, parce que le gouvernement fédéral a cédé ses responsabilités et réduit les paiements de transfert, à leur tour, les gouvernements provinciaux font de même à l'égard des administrations municipales.
À Vancouver, pour plus de 60 p. 100 des enfants inscrits dans un grand nombre des écoles du centre-ville, l'anglais est une langue seconde. Un financement supplémentaire est donc capital pour nos membres. C'est ce qu'il nous faut si nous voulons pouvoir négocier avec les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral.
M. Gurmant Grewal: Je voudrais aborder, pendant le temps qu'il me reste, les permis ministériels. On a effleuré la question mais si je comprends bien, l'utilisation ou l'abus des permis ministériels est, dans bien des cas, teinté politiquement, et ce recours intervient quand le candidat est inadmissible ou ne peut être casé dans aucune autre catégorie. L'Association canadienne des policiers recommande-t-elle l'abolition des permis ministériels?
M. David Griffin: Oui, c'est ce que nous recommandons. Nous avons adopté plusieurs résolutions demandant l'abolition des permis ministériels. Selon nous, il est particulièrement vexant pour des agents qui respectent les dispositions législatives, qui instruisent les demandes et qui respectent la loi à la lettre de voir leurs décisions cassées pour des raisons politiques.
Le président: Je suis ravi de constater que les dispositions du projet de loi C-11 prévoient le retrait de cette procédure de permis ministériels pour la remplacer par une mesure beaucoup plus conforme à ce que vous préconisez, David et Gurmant.
M. David Griffin: Je vous dirais, très respectueusement, que ces dispositions-là ne vont pas assez loin. Prenez par exemple le crime organisé, quand on soupçonne qu'une personne appartient à la pègre. Les dispositions du projet de loi permettent au ministre de laisser venir cette personne, à moins qu'on établisse qu'elle constitue un danger pour la collectivité. Nous pensons que c'est trop faible.
Le président: Merci.
Steve.
M. Steve Mahoney: Monsieur le président, je sais que nous manquons de temps, mais j'ai quelques questions et des commentaires à faire.
Le représentant de la FCM reconnaîtra-t-il que les paiements en remplacement des impôts fonciers qui sont versés à toutes les municipalités qui ont sur leur territoire des institutions fédérales, pour lesquels la municipalité n'a pas pratiquement aucun service à donner en retour—et je parle de mon cas particulier, Mississauga. J'ai déjà été conseiller municipal, de même que président des budgets pendant sept ans dans ma collectivité, si bien que je connais les recettes touchées par notre municipalité, à bon droit du reste, sans qu'il ne lui en coûte de gros efforts. Ainsi, on pourrait trouver là de quoi éponger en partie les coûts supplémentaires que les réductions dans les services sociaux imposent aux municipalités.
Concernant l'exposé de Notre-Dame, je dirais que le gouvernement envisage un plan triennal, plutôt que quinquennal. Cinq années, c'est trop long pour n'importe quel gouvernement, étant donné les mandats qu'il reçoit. En outre, il est difficile de lier les gouvernements à venir. Je pense que le maximum que nous obtiendrons, c'est trois ans.
• 1105
Les réfugiés ne se voient pas imposer de droits d'entrée. Dans
leur cas, ils ont été éliminés. Actuellement, en vertu des
dispositions de ce projet de loi, un réfugié disposera d'une année
pour faire venir les membres de sa famille. Ces derniers peuvent
venir aussi à titre de réfugiés et n'auront pas à payer le droit
d'entrée. Ce droit n'est exigé que dans le cas des immigrants
reçus.
Je voudrais demander au représentant des policiers s'il serait possible de procéder à une enquête plus serrée avant l'entrée des nouveaux venus. David, vous-même et votre groupe, avez-vous eu l'occasion d'aller rendre visite à nos agents en mission à l'étranger pour assister à certaines des entrevues et des vérifications judiciaires que l'on fait dans le cas des réfugiés?
Pendant longtemps, je suis allé dans bien des pays, y compris dans un camp de réfugiés en Afrique dans le désert, et j'ai pu constater que la vérification judiciaire est véritablement remarquable, les efforts de notre personnel, assez incomparables, voire héroïques.
Je voudrais dire au représentant de la Evangelical Fellowship of Canada, que je trouverais inquiétant de supprimer l'article 106 du projet de loi. Il me semble que cela pourrait nous amener à prêter le flanc à des abus et nous n'aurions plus la possibilité de faire le nécessaire pour vérifier qui entre au pays. Je pense que cela donnerait des idées aux indésirables des autres pays. Et vous avez vous-même utilisé l'expression «réfugié à bon droit»—disant qu'il fallait aider les véritables réfugiés. Cela m'amène à croire que vous adhérez au principe voulant qu'une personne qui n'est pas un réfugié légitime ne trouve pas moyen de passer entre les failles.
Le président: Il y a plusieurs questions là-dedans. La première question s'adressait à la FCM.
M. Cliff Dezell: Monsieur le président, nous préconisons depuis longtemps que le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux versent des impôts fonciers comme tout le monde. Nous reconnaissons que les subventions en remplacement de ces impôts couvrent une grande partie de ce qui revient à la municipalité, mais il ne faudrait pas croire que les impôts fonciers ou les subventions en remplacement des impôts fonciers ne correspondent pas à des services municipaux fournis.
Les immeubles fédéraux se trouvent dans les limites de nos villes et ils ont droit aux mêmes services que n'importe quelle autre propriété.
Une voix: Pas les aéroports.
M. Cliff Dezell: Les aéroports, c'est autre chose, monsieur le président.
Le président: Deuxième question, David.
M. David Griffin: En réponse à la question de M. Mahoney, il me faut reconnaître que je ne suis pas allé à l'étranger, mais j'ai rencontré au Canada des agents qui avaient servi à l'étranger et étaient rentrés ici et j'ai discuté avec eux des rouages de notre système. Je reconnais avec vous qu'ils font un travail remarquable. Mais ils m'ont parlé de leurs frustrations à l'égard des outils et du peu de ressources dont ils disposent et de l'énorme volume de travail qui est le leur.
Le président: Bernard, aviez-vous quelque chose à ajouter?
Janet, avez-vous quelque chose à dire concernant les réfugiés, leurs familles et les droits d'entrée?
Mme Janet Epp Buckingham: Pour ce qui est de l'article 106, la Section de la protection des réfugiés, quand il s'agit de la crédibilité, doit voir si le revendicateur a en sa possession des papiers d'identité réglementaires et, dans la négative, voir s'il a une explication raisonnable. Cela pourrait aller. Tout dépend du niveau de preuve exigé. Pour un revendicateur du statut de réfugié, il est très difficile de prouver qu'il a effectivement demandé ces papiers et qu'il ne les a pas reçus.
Cela pourrait aller car de telles difficultés seront prises en compte. Nous savons que quantité de réfugiés n'ont pas des papiers réglementaires pour toute une gamme de raisons. Ce qui nous inquiète davantage, c'est le niveau de preuve exigé, en l'absence de ces papiers.
M. Steve Mahoney: C'est pourquoi on accepte toute explication raisonnable.
Le président: Bernard.
M. Bernard Daly: Quand on s'inquiète des coûts que représentent les réfugiés, j'ai l'impression qu'on perpétue le mythe que les immigrants ont un apport positif tandis que les réfugiés font grossir le passif du bilan. Les réfugiés, dès qu'ils arrivent au pays, commencent à utiliser bien des services au même rythme que les immigrants. Le fait que dans un cas on parle d'un apport économique et dans l'autre, d'autre chose, me semble contraire à la réalité.
Deuxièmement, quand on commence à additionner les millions—même s'il en coûte 300 millions par année pour les réfugiés—le Canada n'en a pas moins une population de près de 31 millions d'habitants. Ainsi, 300 millions de dollars c'est environ 10 $ par année par personne—le coût d'un hamburger, de frites et d'un café. Voilà ce que nous payons pour les réfugiés, ce que l'on prétend être des coûts exagérés.
Le président: Je vous remercie d'avoir précisé cela. Votre organisation, de même que celle de Janet, voudront sans doute rencontrer les représentants de la FCM et s'assurer que le bilan est plus clair dans l'esprit des maires et des conseillers des villes du pays qui d'une part font valoir l'apport économique des réfugiés tout en disant par ailleurs qu'ils représentent un lourd fardeau pour leurs coffres municipaux.
Madeleine.
[Français]
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Compte tenu que le temps presse, je vais faire deux courts commentaires et, par la suite, je vais poser une question à M. Griffin.
• 1110
Certains d'entre vous ont réclamé que les
frais de parrainage par rapport aux réfugiés
soient abolis. Je suis plutôt d'accord
sur ça. Je pense évidemment que le comité devrait
étudier très sérieusement la possibilité de permettre
qu'une nouvelle demande de réfugiés soit faite
dans les cas d'appel rejeté.
Ma question s'adresse à M. Griffin. Vous avez mentionné que vous aviez beaucoup de réserves quant à la discrétion ministérielle par rapport aux crimes. Est-ce que ces réserves s'appliquent également aux demandeurs d'asile?
[Traduction]
M. David Griffin: Oui. Je conviens qu'on applique sans doute un seuil différent suivant qu'il s'agit de candidats pour des raisons humanitaires et suivant qu'il s'agit de candidats d'immigration. Mais assurément, on a la ferme impression—dans le grand public et dans le système—que le processus de détermination du statut de réfugié a fait l'objet d'abus. Les cas d'abus ont certainement discrédité le processus légitime que notre pays essaie d'appliquer pour des motifs humanitaires. Encore une fois, on en revient aux préoccupations concernant l'oeuvre éducative que l'on devrait faire auprès des Canadiens à propos de la valeur de notre système.
Mais dans le système lui-même, on s'inquiète que des gens, après avoir abusé du processus du statut de réfugié, peuvent, grâce à des permis ministériels, obtenir ce qu'ils n'auraient pas pu obtenir autrement.
[Français]
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Il y a eu un cas tout récemment. Tout le monde doit s'en souvenir. C'était le cas d'un étudiant tunisien qui avait demandé l'asile. Il ne l'a pas obtenu et a été déporté. Dès son arrivée à Tunis, bien sûr, il s'est retrouvé en prison. Il a eu un nouveau procès. Il a passé trois ans en prison, et il semble qu'il ait été torturé. Donc, si vous refusez à la ministre le droit d'user de son jugement pour certains cas, je crois que l'on se place certainement dans une situation où l'on n'est pas en accord avec une des valeurs que le Canada et le Québec trouvent importantes, la compassion.
[Traduction]
M. David Griffin: Encore une fois, je vais essayer d'être bref.
Je pense qu'il faut trouver le juste équilibre en la matière. Je ne sais pas du reste où il se fixe mais assurément, quand il s'agit d'actes qui sont des crimes dans notre pays et qui feraient l'objet de poursuites ici, on peut se demander comment d'autres pays établissent leur appareil judiciaire—voyons les décisions de la Cour suprême concernant la peine capitale. Bien entendu, les Canadiens s'inquiéteraient si quelqu'un était déclaré coupable d'un crime relativement mineur et qu'on le renvoyait dans un autre pays où il encourrait la peine de mort. Mais il y a d'autres cas où des gens ont commis des crimes sordides ou des meurtres multiples dans des sociétés qui ont décidé d'un niveau particulier de sanctions.
Je ne prétends pas savoir où se trouve l'équilibre, mais je pense qu'il faut établir un cadre permettant aux agents responsables d'appliquer la loi.
Le président: Jean, une brève question.
Mme Jean Augustine: Merci, monsieur le président.
Monsieur le président, je sais que nous sommes pressés par le temps. Je vais garder mes questions car je sais que nous aurons divers groupes de témoins et que j'aurai l'occasion de les leur poser. Je tiens toutefois à féliciter les représentants de la basilique-cathédrale Notre-Dame d'Ottawa de leur présentation et du travail qu'ils font en partenariat pour encourager, appuyer, et parrainer des réfugiés, et en l'occurrence, cette famille de réfugiés.
Je pense que tous vous avez exprimé autour de cette table les enjeux qu'il nous faut couvrir grâce aux dispositions de ce projet de loi. Je tiens à vous remercier.
Le président: Merci.
Pour ce qui est de la catégorie de la famille, avez-vous quelque chose à dire concernant l'opportunité d'élargir la définition de la catégorie de la famille pour englober les frères et les soeurs? Je sais que les membres du comité se posent des questions là-dessus car, vous le savez, la définition prévoit les parents, les enfants à charge, de plus de 22 ans, je crois, ou de moins de 22 ans. Avez-vous quelque chose à dire concernant l'inclusion éventuelle des frères et des soeurs dans la structure familiale?
Mme Janet Epp Buckingham: En règle générale, nous voudrions l'élargissement de cette catégorie de la famille, surtout quand il s'agit de cultures beaucoup plus axées sur la famille élargie que bien des familles ne le sont au Canada. Les frères et les soeurs, et la famille élargie sont très importants pour le maintien du noyau familial au Canada.
Le président: Bernard, avez-vous des remarques?
M. Bernard Daly: Notre comité n'est pas allé jusque dans ces détails-là. Nous nous sommes penchés sur les tenants et les aboutissants de certains cas. Nous sommes actuellement en train d'étudier un autre cas où nous parrainerions la soeur de quelqu'un qui est venu au Canada comme réfugié. Ainsi, je dirais de façon générale que oui.
Le président: D'accord, merci.
Je remercie les représentants de la Fédération canadienne des municipalités, de la cathédrale Notre-Dame, de l'Association canadienne des policiers, de la Evangelical Fellowship of Canada d'être venus témoigner. Nous sommes impatients de prendre connaissance de tout ce qu'ils pourraient nous transmettre sur le sujet. Merci.
La séance est levée. Nous reprendrons mardi prochain.