HERI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON CANADIAN HERITAGE
COMITÉ PERMANENT DU PATRIMOINE CANADIEN
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 29 mai 2001
Le président (M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.)): Le Comité permanent du patrimoine canadien se réunit aujourd'hui conformément à un ordre de renvoi de la Chambre des communes en date du 27 février 2001 pour étudier le Budget principal des dépenses pour l'exercice financier se terminant le 31 mars 2002.
[Français]
Le comité se réunit conformément à un ordre de renvoi de la Chambre des communes du 27 février 2001 au sujet du Budget principal des dépenses pour l'exercice financier se terminant le 31 mars 2002.
[Traduction]
Nous sommes très heureux d'accueillir aujourd'hui l'honorable Hedy Fry, secrétaire d'État au multiculturalisme et à la situation de la femme.
Avant de donner la parole à Mme Fry, je tiens à faire remarquer que certains députés m'ont fait des observations dont j'ai pris bonne note, car elles étaient tout à fait justifiées. Je suis désolé de n'avoir peut-être pas été assez strict pour ce qui est de faire respecter la répartition du temps de parole, certains députés n'ayant pas eu de ce fait l'occasion de poser des questions. Je serai donc très strict aujourd'hui pour ce qui est de faire respecter les limites de temps.
J'ai vérifié auprès de la greffière ce qu'il en est des prévisions budgétaires. La tradition veut que, parce que les prévisions budgétaires incluent des chiffres et beaucoup de détails, l'on prévoie un premier tour de dix minutes par personne et un deuxième tour de cinq minutes. Nous allons donc donner la parole à l'Alliance canadienne et au Bloc québécois pour dix minutes chacun, à deux libéraux qui auront dix minutes chacun, puis à M. Hearn et à un autre député de l'opposition. Les libéraux auront ensuite droit à deux intervenants, puis nous passerons à des tours de cinq minutes.
Cela dit, je cède la parole à l'honorable Hedy Fry. Nous vous écoutons.
[Français]
L'honorable Hedy Fry (secrétaire d'État (Multiculturalisme)(Situation de la femme), Lib.): Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Merci de m'avoir invitée. Je suis heureuse d'être là aujourd'hui pour vous présenter mes observations sur les grandes questions et priorités relatives aux programmes de la situation de la femme au Canada et du multiculturalisme, et d'échanger avec vous sur ces enjeux et priorités.
Comme l'a déclaré le premier ministre:
-
Le Canada est depuis devenu une société postnationale, une
société multiculturelle [...] Les Canadiens savent que leurs deux
langues internationales et leur diversité sont des avantages
concurrentiels et sont source de créativité et d'innovation.
[Français]
Le Canada est le pays le plus inclusif qui soit, où des possibilités sont offertes de façon égale à tous les Canadiens et à toutes les régions.
[Traduction]
Je voudrais vous parler de l'évolution de la société canadienne. Notre société est une société dynamique. En l'espace d'une génération, le rôle des femmes au Canada a changé du tout au tout et, ces dernières années, la composition ethnique et raciale de la société canadienne s'est transformée à un rythme sans précédent. Quelque 43 p. 100 des Canadiens ont déclaré dans le recensement de 1996 avoir une origine ethnique autre que britannique, française ou autochtone. Les pourcentages sont encore plus élevés dans nos grandes villes, soit 69 p. 100 à Toronto, 66 p. 100 à Vancouver et 33 p. 100 à Montréal. Dans les localités de taille moyenne et les régions rurales, la proportion est d'environ 28 p. 100.
Le nombre de Canadiens appartenant à des minorités visibles a doublé en l'espace de dix ans, pour atteindre 11 p. 100, et nous prévoyons d'ailleurs, que d'ici l'an 2006, le nombre d'adultes appartenant à des minorités visibles aura augmenté de 20 p. 100. Les deux tiers des Canadiens appartenant à des minorités visibles ont moins de 34 ans, et les données démographiques révèlent une transformation en profondeur de notre paysage ethnique, notamment dans nos grandes villes. L'effet de ce changement sur la vie urbaine est complexe et divers. Notre capacité à tirer parti des avantages que nous offre cette diversité et à en éliminer autant que possible les inconvénients sera la clé de notre réussite et de notre cohésion sociale.
Le gouvernement du Canada s'est engagé
-
reconnaître les groupes de notre société qui sont désavantagés
et
-
aidera les Canadiens à resserrer les liens qui les unissent pour
mieux se comprendre et se respecter, à célébrer leurs réalisations
et leur histoire, et à assumer la citoyenneté qu'ils partagent avec
les autres.
cette déclaration est tirée du discours du Trône du 30 janvier.
• 0910
En s'engageant ainsi à «reconnaître les groupes de notre
société qui sont désavantagés», le gouvernement du Canada a fait
une déclaration extrêmement importante, car la définition de la
diversité canadienne peut sans cesse être élargie aux termes de la
Loi canadienne sur les droits de la personne. Elle reflète
l'évolution de notre société et s'est élargie au-delà de la race,
de l'origine ethnique, de la langue, du statut d'autochtone et de
la religion, si bien qu'elle englobe maintenant, par exemple,
l'orientation sexuelle et les déficiences physiques ou mentales.
Les éléments constitutifs de cette diversité doivent toutefois être vus à travers le prisme de l'égalité des sexes, car il se trouve que notre population est composée à 51 p. 100 de femmes. Aussi la notion d'égalité des sexes au Canada tient compte de l'envers de la médaille, du fait que les Canadiennes sont aussi diverses que le reste de la population et que les obstacles auxquels elles se heurtent sont liés non seulement à leur sexe mais à leur langue, leur race, leur origine ethnique, leur orientation sexuelle, leurs déficiences physiques ou mentales ou leur statut d'Autochtone. Cette façon de voir les choses est d'ailleurs reconnue dans le monde entier parce que le Canada a été le premier à la présenter aux tribunes internationales que sont l'OEA, la Francophonie, le Commonwealth et les Nations unies.
Nos efforts pour permettre aux groupes désavantagés de trouver leur place dans notre société et pour renforcer les liens qui nous unissent de manière à célébrer la citoyenneté que nous partageons et à exercer les droits qui en découlent doivent donc se fonder sur une approche visant à renforcer la participation de tous à la vie économique, sociale, culturelle et politique.
Par opposition à un modèle qui assimile, l'approche intégrative du Canada a maintenu une attitude de tolérance et de respect envers chacune des identités sans nuire à la cohésion sociale. Plus de 82 p. 100 des Canadiens estiment que «le caractère multiculturel du Canada constitue l'un de ses aspects les plus positifs»—sondage Ipos-Reid—et 96 p. 100 croient que «c'est une bonne chose que le Canada compte des personnes ayant des origines raciales différentes».
La Loi canadienne sur les droits de la personne, la Charte des droits et libertés, la Loi canadienne sur le multiculturalisme et la Loi sur l'assurance-emploi sont autant de paramètres législatifs qui nous guident dans l'élaboration des politiques socio-économiques qui nous permettront de reconnaître notre diversité et de répondre aux besoins des divers éléments qui composent notre société. Si l'égalité des droits de tous est consacrée par la loi, pour que cette égalité se traduise dans les faits, c'est-à-dire dans le vécu des gens, dans leur quotidien, la loi doit s'accompagner d'une action gouvernementale judicieuse et de changements institutionnels. Comment faire pour que cette action gouvernementale et ces changements institutionnels donnent à la loi son expression concrète?
Il faut notamment recueillir des données fiables, comme les données des recensements, et des informations exactes sur notre évolution démographique, effectuer des recherches sur la façon dont l'action gouvernementale se répercute sur la diversité canadienne; repérer les obstacles auxquels certains groupes se heurtent à cause de leurs caractéristiques particulières; travailler avec les collectivités à la mise en oeuvre de politiques gouvernementales judicieuses pour que ces politiques soient efficaces et qu'elles se traduisent par des changements; et donner aux collectivités les compétences et les outils dont elles ont besoin pour surmonter les obstacles auxquels elles se heurtent.
Quant aux principaux avantages que présentent notre société multiculturelle, monsieur le président,
[Français]
le multiculturalisme nous a permis de développer des aptitudes particulières en tant que société: la souplesse, le respect et l'adaptation. Ces capacités nous offrent des avantages au plan national et international.
[Traduction]
Monsieur le président, nous devons reconnaître en tant que société que ce sont nos ressources humaines qui constituent notre plus grande force pour le XXIe siècle. Notre capacité à tirer parti de toute la gamme des connaissances, compétences et talents créateurs de tous les Canadiens et Canadiennes, dans toute leur diversité, est un élément capital de notre productivité ici au Canada. Notre productivité passe aussi par la découverte d'un nouveau débouché au Canada, la reconnaissance des avantages de notre diversité sur le plan du tourisme, de l'entrepreneurship et de la mise en marché de nouveaux produits destinés à servir notre société qui accueille constamment de nouveaux éléments d'origine diverse. Nous devons aussi chercher à en tirer parti pour assurer notre compétitivité sur le marché international.
Mais, monsieur le président, il n'y a pas que la dimension socio-économique. Au fur et à mesure que nous avons appris à nous adapter à nos caractéristiques propres et aux changements et à nous comprendre les uns les autres, nous avons acquis certaines compétences. Ainsi, nous avons appris à nous respecter les uns les autres, à faire des compromis, à donner aux autres leur place au soleil et à trouver des terrains d'entente. Nous avons ainsi acquis des compétences très importantes en tant que Canadiens. Nous avons appris l'art de la négociation. La recherche de terrains d'entente nous a permis de trouver de nouvelles façons de résoudre les conflits. Nous pouvons de ce fait, monsieur le président et chers collègues, servir de modèle à la communauté internationale pour qu'elle s'engage dans la voie de la résolution des conflits et que le XXIe siècle se place sous le signe de la paix et de la sécurité humaine.
• 0915
Dans sa réponse au discours du Trône, le premier ministre a
dit:
-
Nous avons adopté une approche flexible qui reconnaît l'importance
de l'action et des responsabilités tant individuelles que
collectives. Nous avons appris à apprécier la chance que nous avons
de pouvoir travailler ensemble à l'atteinte d'aspirations communes
dans le cadre d'un système fédéral qui s'accommode de la diversité
et de l'expérimentation.
[Français]
Nous avons pris conscience des avantages que nous apportent notre dualité linguistique et notre société multiculturelle. Nous avons nourri un engagement profond en faveur de la démocratie et des droits de la personne. Nous sommes devenus un modèle dont le monde entier peut s'inspirer.
[Traduction]
Voyons quelles sont les réalisations de Condition féminine Canada. En 1995, le Canada a lancé un processus à temps pour la Conférence des Nations unies à Beijing en vue d'en arriver à une analyse de la façon dont les hommes et les femmes sont touchés différemment par les lois et les politiques gouvernementales. C'est ce qu'on appelle l'analyse fondée sur l'égalité homme-femme, et les résultats montrent que les différences entre les sexes ont leur importance.
Non seulement les hommes et les femmes sont différents sur le plan de l'anatomie, de la physiologie, de la psychologie et de la biologie, mais nous savons aussi, quand il s'agit de corriger le déséquilibre entre leurs revenus respectifs et de faire échec à la pauvreté, que les femmes ont une vie bien différente de celle des hommes. Les femmes ont généralement un revenu moins élevé que celui des hommes, et ce, pour des raisons bien précises. Le fait d'avoir des enfants a un effet plus important sur le revenu de la mère que sur celui du père.
Nous avons constaté que, tout au long de leur vie... En collaboration avec Statistique Canada et les gouvernements provinciaux et territoriaux, nous avons mis au point des indicateurs économiques axés sur le sexe qui tiennent compte du revenu global, du revenu global imposable et du revenu après impôt. Nous avons constaté qu'il existe des différences marquées entre les hommes et les femmes pour ce qui est des trois types de revenu et de l'effet du régime fiscal.
L'analyse fondée sur l'égalité homme-femme nous a ainsi permis de modifier certaines dispositions clés du Régime de pensions du Canada, notamment la disposition concernant les prestations au survivant et la clause d'exclusion pour élever des enfants, et d'instaurer l'indexation intégrale du régime fiscal, car nous avons constaté que le revenu après impôt avantage plus les femmes que le revenu avant impôt.
Nous savons, par exemple, que si nous aidons les personnes qui étudient à temps partiel à terminer leurs études secondaires et celles qui étudient à temps plein à faire des études universitaires... Grâce aux mesures destinées à alléger leur fardeau fiscal, celles qui ont des personnes à charge et qui sont le plus souvent des femmes, sont de plus en plus nombreuses à pouvoir acquérir les compétences dont elles ont besoin pour être financièrement autonomes dans notre nouvelle société.
Nous avons aussi appliqué l'analyse fondée sur l'égalité homme-femme à tous nos partenaires de l'administration fédérale, si bien que chaque ministère examine la façon dont les lois, les politiques et les programmes qui relèvent de sa compétence, influent sur la vie des hommes et des femmes. Cela nous a permis de nous attaquer à des dossiers d'une importance capitale, comme... Je vous donne un exemple: avec Industrie Canada, nous nous sommes penchés sur le rôle du commerce électronique et d'Internet dans l'activité des petites et moyennes entreprises du XXIe siècle. Nous avons constaté que, en nous attaquant au dossier des femmes et d'Internet, sur le plan de la politique, de l'accès, de l'utilisation, du contenu et du renforcement de la capacité, nous avons été en mesure d'assurer aux femmes une plus grande participation à la vie économique du Canada et de les sensibiliser aux différentes possibilités d'Internet pour ce qui est du marché international.
C'est la Direction générale de la recherche de Condition féminine Canada qui a été la première à souligner le besoin d'une stratégie gouvernementale pour faire échec au trafic de personnes. Condition féminine Canada a aussi coprésidé le comité interministériel qui a coordonné le travail visant à définir la position du Canada en vue de la négociation des protocoles des Nations unies sur le passage de clandestins et le trafic de personnes.
Dans le cadre du travail que nous avons fait avec l'ACDI et avec d'autres organismes internationaux pour que soit appliquée l'analyse fondée sur l'égalité homme-femme, qui nous a notamment permis de nous pencher sur la discrimination fondée sur le sexe comme motif susceptible d'être invoqué par les femmes qui fuient leur pays pour échapper à la persécution fondée sur le sexe et demander le statut de réfugié, nous avons été amenés à revoir non pas seulement nos programmes nationaux mais aussi nos programmes internationaux.
À Condition féminine Canada, nous travaillons aussi en étroite collaboration avec nos homologues du gouvernement fédéral ainsi que des gouvernements provinciaux et territoriaux. Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous avons mis au point deux indicateurs économiques fondés sur le sexe qui tiennent compte du temps que les femmes consacrent au travail rémunéré et au travail non rémunéré, et nous avons aussi examiné le rôle des établissements privés dans la formation des femmes en vue de leur participation à l'économie du XXIe siècle. Nous avons donc examiné leurs revenus et cherché à modifier le paradigme.
• 0920
En collaboration avec Statistique Canada, ce travail nous a
valu une place de chef de file dans le monde. Bien des pays ont
adopté depuis nos indicateurs économiques fondés sur le sexe pour
les aider à trouver des stratégies qui leur permettraient d'assurer
l'égalité des femmes chez eux.
Nous avons aussi collaboré à un projet appelé Metropolis, où nous nous sommes intéressés à la répartition hommes-femmes dans les grandes villes du monde qui sont en proie à un important phénomène de migration, pour déterminer l'effet de cette migration et voir s'il y avait des différences entre les hommes et les femmes, et nous avons constaté que les différences étaient considérables.
Le Canada a joué un rôle de chef de file à Beijing par sa contribution dans des domaines clés, comme celui du statut des femmes autochtones qui, comme vous le savez, viennent sans doute au dernier rang par rapport à l'ensemble de la population canadienne pour ce qui est de leur situation sur le plan économique, social et de la santé. Nous avons proposé avec succès à la communauté internationale l'idée d'une analyse comparative entre les femmes et les hommes autochtones, si bien qu'il existe maintenant des programmes en ce sens au Commonwealth, à l'OCDE et à l'APEC.
L'appareil que nous avons mis en place au Canada pour assurer l'égalité des femmes est en train de faire boule de neige dans le monde. Nous avons déjà entrepris une étude de la situation économique des femmes dans les pays de l'Asie-Pacifique dans trois domaines: la participation des femmes aux petites et moyennes entreprises; le développement des ressources humaines; et les moyens d'accélérer l'arrivée des femmes dans le domaine des sciences et de la technologie.
La politique canadienne de multiculturalisme se répercute favorablement sur notre produit intérieur brut. D'après le Conference Board, les groupes ethnoculturels du Canada sont un atout important pour nos entreprises canadiennes. Par leurs compétences linguistiques et la connaissance et la compréhension qu'ils ont d'autres cultures et marchés ainsi que de la façon de faire des affaires dans d'autres pays, qu'ils ont pu préserver grâce au multiculturalisme qui leur a permis, au lieu de s'assimiler, de conserver leur identité, leur langue et le contact avec leur pays d'origine, ils sont devenus pour nous un avantage certain sur le plan des échanges commerciaux. Étant donné la part importante que représentent ces échanges dans notre produit intérieur brut, c'est là un avantage considérable sur le plan de la compétitivité du Canada.
Notre programme de multiculturalisme nous amène à travailler avec bien d'autres ministères du gouvernement. Les statistiques du B'nai Brith et d'autres groupes montrent qu'il y a une recrudescence au Canada des activités de groupes organisés motivés par la haine. Aussi, nous travaillons en très étroite collaboration depuis trois ans avec d'autres ministères, comme Justice Canada, le ministère du Solliciteur général et Industrie Canada, afin d'élaborer une stratégie pour faire échec à la discrimination ainsi qu'aux activités et aux crimes motivés par la haine au Canada.
Nous avons donc mis au point certaines stratégies. Dans le cas, par exemple, d'Internet, qui est de plus en plus utilisé comme moyen de répandre la propagande haineuse au Canada, nous avons élaboré de concert avec Industrie Canada et Justice Canada des stratégies pour aider les jeunes à concevoir des outils susceptibles de leur permettre d'utiliser Internet de façon sûre, sage et responsable, afin qu'ils puissent trier l'information qu'ils en obtiennent, qu'ils puissent porter un jugement sur cette information et qu'ils ne la prennent pas nécessairement pour parole d'évangile.
Nous travaillons avec l'Association canadienne pour la santé mentale à l'élimination des obstacles systémiques aux soins de santé que constituent la langue et la culture.
Nous travaillons aussi avec les provinces. Ainsi, en Saskatchewan, nous avons, de concert avec les municipalités, mis au point des stratégies pour la formation des travailleurs de première ligne, des travailleurs des transports en commun et des travailleurs de la santé pour les sensibiliser aux besoins culturels et linguistiques des divers groupes ethniques qu'on retrouve en Saskatchewan.
À Halifax, nous travaillons avec la Gendarmerie royale du Canada afin de nous attaquer aux questions qui sont à l'origine d'importantes frictions à l'école de Cole Harbour, pour nous attaquer aux questions de différences raciales entre Noirs et Blancs. Nous avons aidé la GRC pour le recrutement de jeunes gendarmes noirs, qui sont devenus des modèles pour les étudiants noirs. Nous avons ainsi calmé les tensions dans la région, et les gens ont commencé à travailler ensemble et à nouer des liens. Le fait de reconnaître l'existence de problèmes comme cela permet d'accroître la cohésion sociale et la sécurité des collectivités.
Sur le plan international, nous nous penchons sur les problèmes de migration dans le cadre du projet international Metropolis, un projet qui réunit les universités et les universitaires de 24 pays. Il s'agit d'une étude sur la façon dont les migrations affectent les villes et sur la façon dont celles-ci peuvent se développer pour devenir sûres et homogènes.
Je voudrais également ajouter que tout récemment, au cours des deux à trois dernières années, et cela s'est accentué cette année, des pays dans le monde, particulièrement des pays d'Europe, ont invité le Canada à venir chez eux pour que nous leur parlions de notre expérience du multiculturalisme et de la façon dont cela a permis de créer des sociétés homogènes et de trouver un terrain d'entente. Nous avons donc travaillé avec des délégations du Danemark, d'Ukraine, des Pays-Bas, de la Russie, de l'Australie, des Caraïbes et du Portugal.
• 0925
Plus récemment, le président du Portugal était ici. Il est en
train d'examiner le modèle multiculturel du Canada afin d'aider à
élaborer au Portugal une façon de traiter les immigrants et la
multiplicité de la diversité au Portugal, et de voir comment cela
affecte l'Union européenne en général, afin de permettre le
développement d'une saine structure économique et sociale.
Enfin, nous avons remarqué qu'en fait, en ce qui concerne le racisme, les gens vivent dans ce nouveau Canada du XXIe siècle. Ils sont notre société multiculturelle. Nous savons cependant par ailleurs qu'ils sont les principales cibles des groupes haineux organisés. Nous avons donc commencé à travailler avec des jeunes dans le cadre de notre projet du 21 mars. Il s'agit d'un projet où les jeunes utilisent la musique et Internet—ce sont les deux sources qu'utilisent les groupes organisés de propagande haineuse—pour en fait lutter contre cette propagande et créer des groupes de jeunes solides et solidaires au Canada. Nos jeunes canadiens nous ont dit qu'ils voulaient participer pleinement à la Conférence des Nations unies contre le racisme, la xénophobie et d'autres formes d'intolérance.
Il s'agit d'un programme que le Canada fait valoir et nous avons dorénavant une composante jeunesse à la conférence mondiale sur le racisme qui se tiendra en août, grâce au travail que le Canada a effectué dans ce dossier. Des pays de partout au monde enverront une délégation de jeunes. Ces jeunes se pencheront sur la diversité dans le monde d'une façon très différente de celle que nous avons apprise.
Je voudrais vous présenter un instantané de la femme d'aujourd'hui au Canada, car je crois qu'il est très important, chers collègues, de reconnaître que le Canada change très rapidement.
Aujourd'hui, les femmes représentent 46 p. 100 de la main-d'oeuvre rémunérée. Dans presque le quart des familles où les deux conjoints travaillent, les femmes sont les premières titulaires de revenus. Ce que nous savons, c'est que cela a créé des pressions pour les femmes qui travaillent à l'extérieur du foyer et qui, lorsqu'elles rentrent chez elles, doivent encore dispenser des soins—s'occuper des enfants, s'occuper des personnes âgées qui vivent sous leur toit et s'occuper des malades et des handicapés.
Cela a créé non seulement des pressions pour les femmes, mais aussi un vide et des pressions accrues sur les services sociaux et les services de santé au pays qui doivent dorénavant combler le vide laissé par les femmes qui se sont jointes à la main-d'oeuvre rémunérée. Cela représente un défi réel pour nous, défi qui consiste à élaborer une bonne politique gouvernementale afin de régler certains de ces problèmes.
Chez les familles ayant des enfants, le taux des familles monoparentales dont le chef est une femme est de 18,5 p. 100. Près de 60 p. 100 de ces familles vivent sous le seuil de la pauvreté.
Nous savons également qu'il y a des cas de réussites. Les femmes dirigent 33 p. 100 des nouvelles PME, et près du quart des PME appartenant à des femmes ont exporté en 1997. Nous savons cependant que les femmes ont une autre façon de faire des affaires, de sorte que nous avons dû examiner comment nous pouvions les aider à faire le genre de commerce qu'elles doivent faire.
Je veux que vous sachiez qu'entre 1979 et 1998, 89 p. 100 des crimes violents qui se sont produits dans le cadre de la violence familiale étaient dirigés contre des femmes. Sur 1 901 meurtres entre conjoints, 1 468 des victimes étaient des femmes.
En 25 ans, la situation a changé. Nous constatons aujourd'hui que l'intinérance est de plus en plus fréquente chez les femmes. Ce sont les sans-abri invisibles, mais elles sont sans abri pour des raisons différentes des hommes. Bon nombre de femmes sont sans abri car elles fuient des situations de violence familiale; ce qui est important pour ces femmes, dont, c'est de s'assurer qu'on ne puisse pas les trouver.
Il est difficile d'avoir des refuges ouverts pour femmes battues car ces dernières ne veulent pas qu'on puisse les trouver. Elles veulent parfois disparaître et se cacher des harceleurs violents ou des gens qui tentent de les trouver. Par conséquent, la création de refuges ouverts n'est pas une solution.
Nous avons donc travaillé avec le Secrétariat des sans-abri et des organismes communautaires afin de voir comment nous pouvons aider les femmes sans-abri tout en respectant leur besoin de confidentialité et de sécurité. Il y a par ailleurs le fait que lorsque les femmes se déplacent avec leurs enfants, elles sont plus prudentes, car elles ne veulent pas que les services sociaux leur enlèvent leurs enfants. Il y a donc cet élément supplémentaire qui s'ajoute au problème des femmes sans-abri.
Nous savons aussi qu'en matière de santé, l'espérance de vie pour les femmes autochtones est inférieure de quatre ans à celle des autres femmes canadiennes. Nous savons par ailleurs qu'en 1995, 6 p. 100 des femmes avaient contracté le sida. Deux ans plus tard, ce pourcentage avait doublé. On sait donc que le sida ou le VIH touche maintenant de plus en plus de femmes et nous devons voir comment nous pouvons freiner la progression de cette maladie qui se communique d'une façon très différente dans d'autres secteurs.
• 0930
Pour ce qui est de la violence, en 1997, le Centre canadien de
la statistique juridique a révélé que 88 p. 100 de toutes les
victimes de violence conjugale étaient des femmes et que les femmes
autochtones âgées de 25 à 44 ans risquaient cinq fois plus que
d'autres femmes canadiennes de connaître une mort violente.
Monsieur le président, chers collègues, il s'agit là de statistiques alarmantes et je veux que vous reconnaissiez la raison pour laquelle nous devons faire cette analyse comparative entre les sexes et voir quel impact cela a sur la vie des hommes et des femmes au Canada aujourd'hui.
Toujours sur le plan de la violence, Statistique Canada a révélé en 1999 que chaque semaine au Canada il y avait une à deux femmes qui étaient tuées.
En ce qui concerne les femmes et les PME, il y a deux fois plus de PME qui sont lancées par des femmes par rapport au nombre de PME lancées par des hommes. En effet, les femmes se tournent vers les PME car souvent cela leur permet de travailler à la maison et de réintégrer la main-d'oeuvre rémunérée tout en élevant leur famille. En même temps, l'accès au capital représente un défi réel pour les femmes.
Nous avons examiné la situation des femmes sur le plan de l'éducation, et un pourcentage plus élevé de femmes vont en fait à l'université. Un pourcentage plus élevé de femmes terminent l'école secondaire. Et bien que la majorité des diplômes universitaires soient décernés à des femmes, ces dernières accusent un retard dans le domaine des sciences informatiques et du génie, des compétences qui sont nécessaires au XXIe siècle. Les femmes ne seront donc pas en mesure de profiter des emplois les mieux rémunérés au XXIe siècle.
Par ailleurs, les femmes ne représentent que 33 p. 100 des étudiants au niveau du doctorat et 26 p. 100 des professeurs canadiens, et nous avons remarqué que seulement 10 p. 100 des PDG sont des femmes. Dans le secteur des communications, qui est un secteur important au XXIe siècle, seulement 12 p. 100 occupent des postes de haute direction, des postes de décisionnaires.
Ce que je tente de dire, c'est qu'avec cet instantané de la femme d'aujourd'hui au Canada, on constate que même si les femmes ont fait de grands progrès, il y a encore beaucoup de travail à faire. La plupart des statistiques que je vous ai données proviennent de Statistique Canada.
Le président: Pouvez-nous nous donner une idée du temps qu'il vous voudra encore avant de conclure?
Mme Hedy Fry: Encore cinq minutes, monsieur le président.
Le président: Très bien. Merci.
Mme Hedy Fry: Ce que je tente de souligner, c'est que même s'il y a eu des succès tangibles pour les femmes au cours de la dernière décennie, nous savons qu'il y a toujours de nombreux défis à relever.
Par exemple, les femmes gagnent toujours 73c. pour chaque dollar que gagne un homme pour un emploi à plein temps—c'est-à-dire pour une semaine de 30 heures ou plus. Auparavant, c'était 60 p. 100; aujourd'hui, c'est 73 p. 100. Le fait est qu'il y a toujours un écart salarial très important, de sorte que nous devons examiner comment nous pouvons éliminer cet écart salarial et déterminer ce qui l'a créé.
Nous devons par ailleurs voir comment nous pouvons travailler avec les provinces, et Condition féminine Canada, fait partie d'un groupe de travail avec les provinces pour voir comment donner une nouvelle identité aux victimes qui se trouvent dans une relation qui met leur vie en danger—en d'autres termes, les femmes qui sont victimes de violence et qui craignent pour leur vie. Nous avons commencé à examiner comment nous pourrions aider ces femmes à trouver une nouvelle identité.
Regardons maintenant un instantané de la société multiculturelle canadienne. Je vous demanderais de regarder la diapositive. Nous constatons que 50 p. 100 des jeunes ont une origine ethnique autre que française, anglaise ou autochtone. À Toronto et à Vancouver, ce taux est de 70 p. 100. Le nombre de membres des minorités visibles a doublé en 10 ans pour atteindre 11 p. 100 de la population et il doublera à nouveau d'ici l'an 2006.
Quatre diplômés universitaires émigrent au Canada pour un qui quitte vers les États-Unis et c'est ce que nous appelons l'importation des travailleurs intellectuels. Pour chaque Canadien qui quitte le Canada, il y a quatre diplômés universitaires qui émigrent au Canada. Que faisons-nous avec ces diplômés? Voilà le problème. Est-ce qu'ils travaillent dans des emplois pour lesquels ils sont formés?
Nous savons que chacune des origines allemande, italienne, ukrainienne, chinoise et hollandaise a été citée par plus de 900 000 Canadiens—il y en a plus d'un million aujourd'hui au Canada. Et de tous les enfants qui commenceront la maternelle au Canada cette année, un sur trois sera membre d'une minorité visible ou sera autochtone.
En ce qui concerne le développement du jeune enfant, nous savons qu'un enfant sur trois devra faire face à des obstacles linguistiques et culturels qui l'empêcheront d'être naturellement prêt pour l'école. Nous devons donc nous pencher sur la diversité des enfants lorsque nous examinons le développement des jeunes enfants.
Il y a de graves problèmes de revenu, d'emploi et de sécurité liés à l'ethnicité et à la race. Permettez-moi de vous donner quelques chiffres qui illustrent ce que je veux dire.
En Colombie-Britannique, 25 p. 100 des jeunes Vietnamiens sont sans emploi. En Alberta, 18 p. 100 des jeunes Haïtiens sont sans emploi. En Saskatchewan et au Manitoba, 23 p. 100 des jeunes autochtones sont sans emploi. En Ontario, 20 p. 100 des Sri Lankais sont sans emploi, tandis qu'au Québec, 31 p. 100 des jeunes Pakistanais sont sans emploi. Au Nouveau-Brunswick, c'est 25 p. 100 des jeunes Autochtones, en Nouvelle-Écosse, 25 p. 100 des jeunes de race noire et à l'Île-du-Prince-Édouard, 29 p. 100 des jeunes Portugais qui sont sans emploi. À Terre-Neuve, 35 p. 100 des jeunes Métis sont également sans emploi. Dans ma ville de Vancouver, le taux de chômage chez les jeunes Serbes atteint 30 p. 100.
• 0935
Nous constatons donc en fait que le taux de chômage chez les
jeunes est beaucoup plus important que celui de la population en
général en raison de la langue, de l'ethnicité ou de la race. Si le
nombre de ces derniers doit doubler ou tripler dans nos villes,
comme on peut le voir sur la première diapositive, plus de
70 p. 100 à Toronto et à Vancouver, qu'est-ce que cela signifie
pour nos villes et pour l'avenir de celles-ci, sur le plan de la
capacité des gens à espérer pouvoir trouver un emploi et bien vivre
au Canada?
Les études révèlent—par exemple le projet métropolis—que lorsque les gens ne participent pas, ils ont tendance à perdre espoir et il y a davantage de toxicomanie, de violence et moins de cohésion sociale. Ce sont des choses que nous devons, je pense, examiner.
Donc, certains des défis de l'inclusion en raison du multiculturalisme sont, comme je l'ai déjà dit, lorsque nous avons, pour chaque Canadien qui quitte le Canada, quatre diplômés universitaires qui immigrent... Nous devons examiner la question des titres de compétence acquis à l'étranger. Nous savons que cette question relève des provinces, mais nous devons travailler avec ces dernières dans le domaine du développement des ressources humaines, de la citoyenneté, de l'immigration et du multiculturalisme afin de voir comment nous pouvons aider ces gens à utiliser leurs compétences.
Le coût de la sous-utilisation des immigrants est estimé à 10,9 milliards de dollars par année au Canada. Nous savons également qu'en fait ce sont les membres des minorités visibles nés au Canada ou à l'étranger qui ont le plus haut niveau d'études postsecondaires au Canada et pourtant les hommes immigrants membres de minorités visibles gagnent 15 p. 100 de moins que leurs homologues membres d'une minorité non visible.
Les hommes membres d'une minorité visible nés au Canada gagnent 9 p. 100 de moins que les hommes membres d'une minorité non visible au Canada, ce qui fait que le niveau de pauvreté chez les minorités visibles est deux fois plus élevé que chez les membres de minorités non visibles dans nos villes bien qu'ils aient le plus haut niveau d'études postsecondaires. Cela montre bien que la question des titres de compétence acquis à l'étranger est un problème et que nous ne devons pas permettre un tel gaspillage des cerveaux et que nous devons par conséquent améliorer notre productivité et notre compétitivité.
Je voulais vous donner rapidement de l'information ici. À Toronto, les Ukrainiens, les Hongrois, les Polonais, les Roumains, les Italiens, les Espagnols, les Portugais, les Grecs ont comme les Noirs un revenu inférieur à la moyenne. Ce que je tente de faire ressortir ici, c'est qu'il ne s'agit pas là d'un problème de minorités visibles; c'est plutôt un problème de langue et d'ethnicité, de différences culturelles. Ces gens arrivent ici avec des diplômes universitaires mais ne peuvent s'en servir. Ce sont là quelques problèmes que je voulais porter à votre attention et il faut voir comment ces problèmes touchent plus particulièrement les jeunes.
Comment avons-nous l'intention de relever ces défis? C'est là la dernière question que j'aborderai. Il est très important d'adopter une approche horizontale et axée sur les résultats de l'analyse comparative entre les sexes. Il faut examiner la question du commerce et son impact sur les femmes et comment les femmes entrent dans ce domaine. Comment allons-nous nous attaquer au problème du trafic des personnes dans le monde? La Maison-Blanche nous dit que le trafic des personnes touche deux millions d'individus dans le monde. Nous ne savons pas, au Canada, ce que cela signifie car nos statistiques nous disent qu'il y en a entre 8 000 et 16 000. Nous devons donc mettre au point ce genre de base de données statistiques. Et comment pouvons-nous créer des partenariats afin de nous attaquer à certains de ces problèmes?
Voilà donc ce que nous faisons dans le cadre des programmes de multiculturalisme. Le principal défi pour nous sera en fait d'adopter une approche horizontale qui nous permettra de promouvoir l'égalité des chances, d'augmenter la productivité et qui permettra aux personnes qui ont une langue et une ethnicité différentes d'utiliser leurs titres de compétence et de faire en sorte que l'importation des travailleurs intellectuels soit quelque chose de plus avantageux pour le Canada.
Enfin, lorsque nous regardons certaines données très importantes, le Centre Simon Wiesenthal nous a dit qu'il y avait une augmentation des activités haineuses et des sites haineux sur Internet. Au cours d'une période d'environ quatre ans, le nombre de sites haineux sur Internet en Amérique du Nord est passé de moins de dix à environ 2200. Le ministère du Multiculturalisme a pris l'initiative de travailler avec d'autres ministères afin d'examiner cette augmentation des groupes haineux organisés.
Ce sont là des questions dont nous parlons. Nous avons examiné ces questions sous cinq grands titres. Nous avons eu des tables rondes et je serai heureuse de vous parler plus tard de la façon dont, en partenariat avec les services de police, les provinces et d'autres ministères, nous sommes en train d'élaborer une stratégie afin de lutter contre les activités haineuses au Canada.
• 0940
Enfin, nous devons envisager des changements institutionnels
au niveau des titres de compétence et sensibiliser davantage tous
les intervenants sur la façon différente de faire les choses au
Canada.
Au XXIe siècle, nous devons mener notre action à la fois sur les fronts social et économique. Nous pourrons ainsi montrer au monde entier un Canada dont la société est vouée à l'innovation comme à l'inclusion, à l'excellence comme à la justice, et qui peut servir de modèle pour engager la communauté internationale dans la voie de la paix et de la sécurité humaine.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, madame la ministre.
Nous avons décidé que, comme il s'agit du Budget des dépenses, nous aurons un premier tour où chaque parti aura droit à 10 minutes. Ce sera 10 minutes pour les questions et les réponses, et nous allons veiller à ce qu'il n'y ait pas de dépassement puisque certains ont dit que j'ai été beaucoup trop négligent à cet égard et que je laissais les gens parler comme ils le voulaient.
Nous allons commencer par l'Alliance canadienne. M. Harris et M. Grewal vont partager leur temps de parole. Nous irons ensuite au Bloc québécois, avec Mme Gagnon, puis nous aurons deux libéraux. Nous reviendrons ensuite à M. Hearn et nous retournerons aux libéraux, après quoi nous aurons droit à cinq minutes chacun.
M. Harris et M. Grewal.
M. Richard Harris (Prince George—Bulkley Valley, AC): Merci, monsieur le président.
Madame la ministre, nous vous sommes reconnaissants pour l'exposé que vous nous avez présenté aujourd'hui. Il s'est toutefois passé des choses récemment qui ont sérieusement miné votre crédibilité—vous en êtes bien consciente—si bien que nous ne pouvons faire autrement que de douter des déclarations ou des documents que vous nous présentez ici. Tant que ces questions de crédibilité concernant votre ministère et vous-même qui découlent, bien entendu, de vos déclarations relatives aux croix de feu, n'auront pas été tirées au clair, je pense que notre comité et, en tout cas, bien des Canadiens ont le droit de mettre en doute ce qui nous vient de votre bureau.
Vous avez répété récemment, et à maintes reprises, que vous aviez reçu une lettre concernant les croix de feu du maire de Prince George. Vous vous êtes ensuite ravisée, et vous avez dit que ce n'était pas le maire de Prince Georges mais quelqu'un d'autre. Vous soutenez encore aujourd'hui que vous avez effectivement reçu une lettre au sujet de croix de feu, mais vous n'avez toujours pas produit cette lettre ni expliqué de qui elle vous est venue. Nombreux sont ceux qui en déduisent qu'il n'y a jamais eu de lettre au sujet de croix de feu et qu'il n'y a jamais eu de lettre de la part d'un maire.
Je dois donc vous poser des questions directes, madame la ministre, pour tirer au clair ces questions qui minent sérieusement votre crédibilité. Avez-vous effectivement reçu une lettre au sujet de croix de feu, de quel maire, de quelle ville, à quelle date, et accepterez-vous de déposer cette lettre?
Mme Hedy Fry: J'ai déjà dit que je m'étais trompée en ce qui concerne Prince George et je m'en suis excusée auprès des gens de Prince George.
M. Richard Harris: Oui.
Mme Hedy Fry: Il s'agit essentiellement ici d'une erreur au sujet de Prince George.
Pour ce qui est de la crédibilité de mes statistiques, ces statistiques proviennent de Statistique Canada, du Centre de la statistique juridique, du B'nai Brith, du Centre Simon Wiesenthal et de la Colombie-Britannique. Je crois que nous pouvons...
M. Richard Harris: Si vous me permettez de vous interrompre, madame la ministre, je vous ai posé des questions directes. Je les passe en revue. Oui, nous reconnaissons que vous avez fait une erreur en ce qui concerne la lettre du maire de Prince George, mais vous soutenez toujours avoir reçu une lettre du maire d'une ville canadienne. Vous le soutenez toujours, mais vous n'avez jamais produit cette lettre ni indiqué de quelle ville il s'agissait ni de quel maire. Dans presque toutes les villes du Canada, on se demande «est-ce chez nous?» Les gens se demandent de quelle ville il s'agit. Y a-t-il eu des croix de feu et quel maire vous a écrit cette lettre? Vous n'avez pas répondu à ces questions.
Je vous demande instamment de tirer la situation au clair et de tenter de rétablir votre crédibilité en répondant directement à ces questions.
Mme Hedy Fry: Je réitère que, quand j'ai reconnu avoir fait erreur et m'en être excusée auprès des gens de Prince George, je n'ai fait aucune autre déclaration. Je vais répéter...
M. Richard Harris: Madame la ministre, je tiens à vous corriger. Vous avez dit à maintes reprises...
Le président: Laissez la ministre répondre.
Mme Hedy Fry: ...que je n'ai fait aucune autre déclaration. N'ayant fait aucune autre déclaration, à part celle où j'ai reconnu m'être trompée en ce qui concerne Prince George—l'information que j'ai donnée au sujet de Prince George et ce que j'ai dit était une erreur, et je m'en suis excusée—je suis...
M. Richard Harris: Madame la ministre, vous avez à maintes reprises soutenu avoir effectivement reçu une lettre. Pourtant, vous n'avez pas produit la lettre en question ni identifié le maire. Vous l'avez soutenu à maintes reprises dans les médias et vous n'avez toujours pas démenti cette déclaration.
Mme Hedy Fry: Monsieur le président, j'aimerais répondre à cette question en me fondant sur les résultats de mon erreur en ce qui concerne Prince George et de mes excuses. Je crois qu'il n'est pas question ici de collectivités ou de villes, mais bien de ce que nous rapportent le Centre de la statistique, le B'nai Brith, le Centre Simon Wiesenthal et la Commission des droits de la personne de la Colombie-Britannique quant à la montée des groupes haineux organisés. C'est là une constatation qui ressort de toutes ces données, de l'étude du B'nai Brith pour l'an 2000. Il y est question de la recrudescence des groupes haineux organisés dans de nombreuses collectivités du Canada et du monde entier. Le phénomène est mondial. La recrudescence des groupes haineux organisés est un phénomène parce qu'ils recrutent dans les écoles, et c'est quelque chose qui devrait nous préoccuper beaucoup. Les collectivités des différentes régions du Canada où l'on retrouve de ces groupes haineux organisés sont d'ailleurs préoccupées par le problème et s'efforcent d'y trouver des solutions.
La question qui se pose est donc celle de la prolifération des groupes haineux organisés et des activités de ces groupes qui sont motivées par la haine, non pas seulement au Canada, mais dans le monde entier. Nous travaillons, non pas seulement au Canada, mais à l'échelle internationale, avec les collectivités pour faire échec à ces groupes dès que leur présence se fait sentir. Toutes les données concernant les endroits où ces groupes exercent leurs activités se trouvent dans les statistiques du B'nai Brith, du Centre Simon Wiesenthal et de la Commission des droits de la personne de la Colombie-Britannique. Quand on se concentre sur une collectivité en particulier, on détourne l'attention du fait qu'on parle ici d'une recrudescence des groupes haineux organisés au Canada et dans le monde qui doit nous préoccuper tous et chacun.
Le président: Monsieur Grewal, cinq minutes.
M. Gurmant Grewal (Surrey-Centre, AC): Merci, monsieur le président. Dans l'intérêt du comité, je vais poser toutes mes questions pour que la ministre puisse choisir d'y répondre comme elle voudra.
Monsieur le président, où pouvons-nous trouver dans le détail du Budget principal des dépenses, la liste des bénéficiaires des subventions et contributions accordées par le ministère dont la ministre a la charge et les montants qu'ils ont reçus? À la séance d'information, la sous-ministre adjointe a insisté pour dire que ces renseignements se trouvent dans le budget, mais ils n'y sont pas. Les budgets des années 99 et 2000 sont les derniers pour lesquels le secteur du multiculturalisme... Auparavant, ces renseignements figuraient invariablement dans le budget, mais ils ne figurent pas dans celui-ci, si bien que je voudrais demander à la ministre quels sont les montants en question et je voudrais savoir ce qu'elle essaie de cacher et pourquoi elle a supprimé les mentions à cet effet dans le budget.
Deuxièmement, il y avait obligation de faire rapport sur plus du cinquième des dossiers que le vérificateur général a vérifiés, et pourtant, même les renseignements les plus élémentaires sont toujours absents de ces dossiers. C'est ce qu'a dit le vérificateur général. En réponse à une question que j'ai posée à la période des questions, la secrétaire parlementaire a indiqué que le vérificateur général approuve les progrès déjà réalisés.
Il est inconcevable, monsieur le ministre, que les collaborateurs de la ministre fassent ainsi des déclarations à l'emporte-pièce qui ne reposent sur rien du tout. Comment la ministre peut-elle défendre ces déclarations?
D'après un éditorial de l'Ottawa Citizen du 15 février 2001, vous vous êtes entièrement soustraite à votre obligation de rendre des comptes à l'égard de 56 p. 100 des projets dont le vérificateur général a dit, après les avoir examinés, ou bien qu'ils ne répondaient pas aux critères minimaux ou bien qu'ils étaient tout juste acceptables. Cette évaluation est venue six ans après le rapport de 1994 du député libéral John Bryden, qui soulignait que les subventions gouvernementales ne sont assorties d'aucune condition. Il ne semble y avoir aucune obligation de montrer que l'argent a été bien dépensé.
En fait, selon l'éditorial, dans tous les rapports du vérificateur général sur les dépenses, c'est votre ministère qui récolte le plus d'observations négatives. Est-il vrai que la ministre n'a pas répondu à l'éditorial?
Ma question suivante, monsieur le président...
Le président: Vous devez lui donner la chance de répondre, sinon vous aurez utilisé tout le temps qui vous était alloué avec les questions.
M. Gurmant Grewal: Je ne prendrai que la moitié du temps, monsieur le président, et pendant l'autre moitié, la ministre pourra répondre aux questions.
Le président: La moitié du temps a déjà été utilisée.
M. Gurmant Grewal: Je serai bref, monsieur le président. Il ne me reste que deux questions.
Quelle est la source réelle, madame la ministre, de votre dédain envers les collectivités de Prince George et de Kamloops? Comment pouvez-vous assurer notre comité que vous ne traiterez pas les dépenses de votre ministère, votre Budget principal des dépenses, avec la même exubérance imprudente que vous avez démontrée par votre incapacité à répondre aux questions, même aux questions amicales que vous a posées votre propre parti dans le seul but de vous donner une tribune pour prêcher avec véhémence la propagande de votre ministère?
Madame la ministre, vous prétendez avoir reçu une lettre du maire de Prince George ou d'une autre ville, mais vous ne nous avez pas donné d'explications à ce sujet. Vous n'avez toujours pas répondu à cette question. Je trouve incroyable que vous n'ayez pas remis en question vos notes d'allocution pour la période de questions au sujet de Prince George ou d'une autre ville, que vous n'ayez pas vérifié afin de vous assurer qu'on brûlait vraiment des croix au Canada avant de parler d'une telle chose. Croyez-vous vraiment que l'on brûlait des croix quelque part au Canada?
• 0950
Enfin, monsieur le président...
Le président: Je suis désolé, c'est en train de devenir... Vous devez donner à la ministre la chance de répondre, sinon, vous utiliserez tout votre temps.
Mme Hedy Fry: Monsieur le président, je voudrais dire à l'honorable député, M. Grewal, en ce qui concerne sa question au sujet de chacune des activités, je n'ai pas la réponse. Je viens de poser la question à ma sous-ministre, et elle me dit que nous n'apportons pas cela habituellement. Je vous dirai cependant que nous n'avons rien à cacher et que nous pourrons vous fournir ces renseignements. Nous vous les ferons parvenir à votre bureau ou à quiconque veut les obtenir. C'est quelque chose que vous pouvez tout à fait obtenir. Je serai ravie de vous les faire parvenir.
En ce qui concerne le vérificateur général et les dossiers, comme je l'ai dit à l'honorable député précédemment, le rapport du vérificateur général dont il parle est un rapport qu'il a déposé il y a presque un an. Depuis le dépôt de ce rapport, toutes les recommandations qu'il fait dans ce rapport, ont été mises en oeuvre par mon ministère. Essentiellement, l'une des choses qui est à notre avis très importante dans le rapport du vérificateur général, c'est qu'il nous dit qu'il est nécessaire de nous pencher sur nos structures de gestion, sur la formation du personnel et sur la façon de mettre en place des processus permanents, de renforcer ces derniers et de les resserrer. C'est exactement ce que nous avons fait. Nous croyons que le rapport du vérificateur général nous a aidés à mettre en place une série de processus au sein de notre ministère afin de renforcer la façon dont nous accordons nos subventions et nos contributions.
Je pense que cela répond à toutes les questions que le député a posées.
Le président: Il y a la question au sujet de Prince George.
Mme Hedy Fry: Je répète, comme je l'ai dit à la Chambre des communes, que j'ai commis une erreur en ce qui concerne Prince George, et je l'ai déjà dit...
M. Gurmant Grewal: Monsieur le président...
Le président: Je suis désolé, monsieur Grewal, vous avez dépassé le temps qui vous était alloué. Je ne pense pas que cela soit juste à l'égard des autres membres du comité. Vous aurez la chance de revenir à la charge à la fin du tour de table.
M. Gurmant Grewal: Mais quelle est la réponse, monsieur le président?
Le président: Je suis terriblement désolé.
M. Gurmant Grewal: C'est la deuxième fois que nous devons poser...
Le président: Oui, je sais.
M. Gurmant Grewal: ...perte de temps, monsieur le président. Nous n'avons toujours pas eu de réponse. De quelle collectivité s'agissait-il?
Le président: Cela échappe à ma compétence. C'est à vous de poser des questions et à la ministre d'y répondre si elle le veut.
Madame Gagnon.
[Français]
Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Il s'agit donc de deux gros dossiers: multiculturalisme et condition féminine. Dans un premier temps, je vais faire un commentaire sur le multiculturalisme. D'après ce que je peux voir, c'est que sous le couvert de beaucoup de souplesse et d'intégration, quand on fait appel au multiculturalisme, ça banalise le fait qu'il y a deux sociétés qui vivent au Canada: la société québécoise et la société canadienne. Je trouve que c'est envoyer un message à la diversité culturelle, aux gens qui viennent bonifier les cultures canadiennes et québécoises, qu'il n'y a qu'une culture au Canada. Donc, le Bloc québécois ne peut donner son aval à une telle politique, et nous ressentons un non-respect de la société québécoise dans ce discours sur le multiculturalisme.
Je pense que l'approche du multiculturalisme minimise justement le respect que l'on devrait avoir des communautés culturelles, parce qu'on s'en sert, finalement, à des fins plus économiques, quand on parle de leurs rapports, et non pas à leur intégration dans les deux sociétés. On sait que le Québec a une approche très différente en matière de multiculturalisme de celle du Canada, et quand vous dites que le multiculturalisme existe sous le couvert de la souplesse, du respect, j'ai beaucoup de problèmes face à ça quand on voit comment le Canada respecte les différentes politiques. Au Québec, on n'a qu'à prendre la Loi sur les jeunes contrevenants. Je me demande quel message on donne aux diversités culturelles au Canada. Disons que je ne poserai pas de questions, parce que je pense que vous avez votre point de vue sur le multiculturalisme et qu'on a le nôtre. Je sais que vous faites bien votre travail dans l'ensemble de vos dossiers, mais on peut être en désaccord sur la vision du multiculturalisme.
Je vais parler de la condition féminine. Vous savez qu'une motion a été déposée par le Bloc québécois, parce que depuis 1993, depuis que je siège ici, au Parlement, le Comité du patrimoine n'est pas le lieu propice pour parler des questions de la condition féminine, et depuis la mort du Conseil consultatif canadien sur la situation de la femme, il est assez difficile d'avoir une analyse des différentes démarches entreprises par votre ministère. On sait qu'il n'y a pas vraiment de critique objective.
• 0955
Je sais que vous avez mis en branle beaucoup de travail en
ce qui a trait à la condition féminine et que c'est un
dossier qui vous tient à coeur, mais dans un comité, il y
aurait lieu de s'interroger, par exemple,
sur le dossier du congé parental ou de maternité.
Il aurait été
intéressant de voir
comment le congé parental, par le biais de l'assurance-emploi,
a entraîné de la discrimination envers les
femmes qui ne pouvaient pas se qualifier.
On aurait pu se pencher sur tout l'impact qu'a votre
ministère sur les femmes en vertu de
la Loi sur l'assurance-emploi, qui est
beaucoup plus large que le congé parental:
le fait qu'elles sont pénalisées,
qu'elles ont des emplois précaires et tout cela.
Donc, il y aurait lieu de faire venir des témoins devant un comité pour que vous puissiez aussi avoir un certain leadership au sein de votre gouvernement et auprès de certains ministères où la condition féminine a un impact quant aux orientations des différents ministères dont, entre autres, Développement des Ressources humaines. Je voudrais vous demander, madame la ministre, si vous êtes en faveur de ce comité parce que, vous le savez, on discutera aussi de la question du budget. Comment ce comité pourrait-il être mis en branle? Est-ce que vous êtes favorable à la mise en place d'un comité?
[Traduction]
Mme Hedy Fry: Je pense que ce serait au comité de décider. Je ne voudrais pas empiéter sur le droit du comité de prendre ses propres décisions.
Je crois cependant que vous avez raison de vous préoccuper des femmes qui représentent 51 p. 100 de la population canadienne. Nous devons examiner des questions comme la pauvreté, l'analyse fondée sur l'égalité homme-femme, et son impact sur la répartition du revenu, sur les avantages sociaux, etc. C'est ce que nous faisons au sein de notre ministère.
En ce qui concerne la recherche, nous avons une division de recherche indépendante qui est composée d'un comité de femmes universitaires de tout le pays. Elles demandent elles-mêmes des rapports de recherche. Elles décident des questions sur lesquelles elles veulent des rapports de recherche. Nous n'avons absolument rien à dire à ce sujet. Bon nombre des rapports de recherche qu'il est en fait possible d'obtenir—et si vous le voulez, je serai heureuse de vous les faire parvenir à votre demande—trouvent en fait beaucoup à redire au sujet des politiques. Cela aide à étoffer la politique gouvernementale. J'ai consulté des organisations féminines au pays qui nous aident en fait à mettre en oeuvre la politique gouvernementale.
En ce qui concerne la mise en oeuvre critique de la politique gouvernementale, il y a en fait un groupe au sein du Cabinet qui travaille actuellement avec des organisations non gouvernementales pour voir comment ces dernières pourraient créer un partenariat avec le gouvernement pour mettre en oeuvre la politique gouvernementale ou examiner la politique gouvernementale avant qu'elle soit mise en place, de façon à en assurer l'efficacité.
Nous cherchons à trouver un moyen de travailler avec la société civile—faute d'un meilleur terme—mais l'analyse fondée sur l'égalité homme-femme est claire. Il y a de nombreux ministères qui travaillent actuellement à des projets pilotes pour voir comment nous devons faire progresser ce dossier.
En ce qui concerne le congé parental, je pense que la prolongation du congé parental à 50 semaines est une première étape dans un effort permanent pour trouver un juste équilibre pour les femmes qui font partie de la main-d'oeuvre rémunérée et qui doivent s'occuper de leur famille, de leurs parents et des personnes handicapées et malades. Cela s'inscrit dans un projet permanent sur lequel nous travaillons et qui consiste, à partir de l'analyse fondée sur l'égalité homme-femme, à voir comment nous pouvons trouver de meilleures solutions pour les femmes au Canada qui ont ce genre de problèmes.
[Français]
Le président: Madame Gagnon, il vous reste quelques minutes.
Mme Christiane Gagnon: Justement, j'ai une question au sujet du congé parental. Le ministère du Développement des ressources humaines a donné un long congé parental à des femmes qui, premièrement, n'auront pas les moyens de se le payer et qui, dans plusieurs cas, ne pourront pas se qualifier. Est-ce qu'il n'y aurait pas eu lieu, par exemple, d'adopter la position du Québec et de faire un transfert de fonds pour que les femmes puissent avoir le choix, comme le Québec le souhaitait, de la longueur du congé et pour adopter la rémunération qui a été proposée par le Québec, qui est beaucoup plus flexible et beaucoup plus près des réalités de la condition de la femme? Je ne sais pas.
En tout cas, pour vous qui voulez aider les femmes, je considère que cette flexibilité-là n'est pas là, qu'elle n'est pas mise de l'avant par le projet de loi de la ministre des Ressources humaines. Ne trouvez-vous pas que cela aurait été une façon pour vous d'avoir un certain leadership à l'intérieur du parti et de présenter des solutions beaucoup plus flexibles pour les femmes?
• 1000
Ça, ce sont des groupes de femmes, et dans un comité,
les groupes de femmes auraient pu venir nous parler et
se faire entendre des députés. Je comprends que vous avez
vos consultants autour de vous, mais je pense que cette
compréhension des différents dossiers sur la
condition féminine doit aussi être digérée et qu'il faut
que d'autres députés mettent la main à la
pâte pour comprendre ce que les groupes de femmes
veulent, finalement, ainsi que les sociétés
québécoise et canadienne. Merci.
[Traduction]
Mme Hedy Fry: Je pense que les provinces sont et devraient être en mesure de voir comment elles peuvent trouver un juste équilibre entre le travail rémunéré et les soins à prodiguer. Je pense cependant qu'en ce qui concerne le comité permanent, comme je l'ai déjà dit, il serait présomptueux de ma part de dire au comité ce qu'il devrait faire. Je pense que c'est au comité de décider.
Je voudrais également souligner que tous les comités permanents devraient utiliser la lentille de l'analyse fondée sur l'égalité homme-femme pour examiner comment les choses se font, que ce soit dans le domaine de l'industrie, des finances—et en fait le Comité des finances l'a déjà fait dans certains domaines—ou dans le domaine de la santé, afin de déterminer comment elles ont un impact différent sur les hommes et sur les femmes, car nous savons que c'est le cas. L'outil qui leur permet de le faire est l'analyse fondée sur l'égalité homme-femme. Nous serions très heureux d'en faire part aux comités pour que ces derniers puissent examiner les questions qui les intéressent particulièrement à travers cette lentille. Je pense que c'est une façon de faire les choses, que chaque comité fasse une analyse fondée sur l'égalité homme-femme des questions qui les intéressent.
Mais madame Gagnon, je crains que ce soit plutôt à vous d'avoir un débat pour décider ce que le Comité permanent du patrimoine canadien veut faire à cet égard.
Le président: Je passe maintenant du côté ministériel. Vous avez 10 minutes. M. Harvard m'a demandé la parole. Vous pouvez partager vos 10 minutes—Mme Bulte voudrait elle aussi intervenir—ou vous pouvez les garder pour vous, les autres pourront intervenir plus tard.
M. John Harvard (Charleswood St. James—Assiniboia, Lib.): Je me ferai un plaisir de les partager.
Le président: Vous les partagerez avec Mme Bulte.
M. John Harvard: Volontiers.
Merci, madame la ministre, d'être des nôtres aujourd'hui. Je suis heureux de dire que je partage votre point de vue sur le multiculturalisme. Je suis heureux de voir que nous progressons vers l'égalité et l'intégration.
Dans votre exposé, vous n'avez pas prononcé les mots «action positive»; c'est pourtant une notion à laquelle je suis tout à fait favorable en principe. Votre ministère a-t-il un programme qu'on pourrait qualifier d'action positive? Ou est-ce que vous évitez cette formule pour une raison quelconque?
Mme Hedy Fry: J'en ai déjà parlé dans des tribunes internationales, et l'action positive a tellement de sens différents que je ne veux même pas en discuter. Certains pays considèrent que l'action positive correspond à toutes les mesures proactives qu'on peut prendre en matière d'égalité.
M. John Harvard: Vous pouvez donc dire qu'elle existe chez nous.
Mme Hedy Fry: D'autres considèrent les quotas. Si l'on considère comme action positive toute mesure proactive prise pour identifier les obstacles, pour les supprimer ou pour qu'on puisse les contourner, c'est effectivement ce que nous essayons de faire. Si l'on considère des quotas comme source d'action positive, on peut prétendre que c'est un renforcement des stéréotypes, que c'est comme si les groupes visés n'auraient jamais pu réussir par eux- mêmes, comme s'il avait fallu baisser la barre pour eux, ce qui tend à renforcer les préjugés selon lesquels ces groupes ne réussiraient pas si les critères n'avaient pas été rabaissés.
M. John Harvard: Je ne propose pas la formule des quotas.
Mme Hedy Fry: Je le sais bien.
M. John Harvard: Mais est-ce qu'on a des objectifs en matière d'égalité et d'élimination des obstacles systémiques?
Mme Hedy Fry: Je pense qu'il faut considérer la situation démographique, c'est-à-dire la répartition des hommes et des femmes dans la société canadienne et dans tous les secteurs de la vie économique, sociale et politique. On remarque avec intérêt que les nouveaux venus au Canada, qui représentent 12 p. 100 de la population, constituent 19 p. 100 de la députation à la Chambre des communes. Nous avons dépassé tous les objectifs démographiques de représentation des immigrants à la Chambre des communes, mais cet objectif n'est pas encore atteint dans certains secteurs économiques en matière d'emploi et de possibilités d'emploi.
Il faut donc considérer ce qui se passe actuellement, en mettant l'accent sur les obstacles. Il faut travailler avec les provinces, les corps de métier et les organismes professionnels. C'est ainsi qu'on pourra identifier les obstacles, voir les statistiques et le pourcentage de travailleurs qualifiés, pour vérifier si leurs qualifications sont bien mises à profit dans cette société.
• 1005
Si nous fixons des objectifs en disant que nous allons
considérer les données démographiques et créer des perspectives en
fonction de ces données, ce sera très bien si nous dépassons nos
objectifs; dans le cas contraire, il faudra reconnaître l'échec et
veiller à ce que tous les groupes de population soient représentés
au Canada. Voilà comment nous considérons les objectifs.
M. John Harvard: Dans ce domaine, il faut parler aussi de la population autochtone, car elle a du retard à rattraper. Il suffit de jeter un coup d'oeil autour de la Colline du Parlement. On n'y voit pas beaucoup d'Autochtones. Que ce soit dans nos circonscriptions, dans les magasins, dans les commerces, chez les professionnels, etc., on ne voit pas souvent d'Autochtones.
Il est indéniable que dans notre pays, on a, délibérément ou non, constitué des ghettos pour les Autochtones, qui se retrouvent en petits groupes.
Dans votre ministère, est-ce que vous travaillez en collaboration étroite avec le ministre Nault ou avec d'autres pour éliminer les obstacles, pour qu'on retrouve davantage d'Autochtones parmi les médecins, les avocats, les ingénieurs, les économistes, les comptables, et qu'ils ne soient pas cantonnés dans des métiers inférieurs?
Mme Hedy Fry: Oui. Nous travaillons effectivement en étroite collaboration avec le ministère de M. Nault. Dans le cadre des consultations menées depuis neuf mois dans tout le pays, nous avons consulté spécifiquement les peuples autochtones du Canada, parce qu'ils voulaient nous dire que le statut d'autochtone créait des valeurs discriminatoires à leur encontre en matière d'emploi, de participation sociale, de participation politique, d'intégration à la fonction publique ainsi que dans d'autres domaines.
Nous travaillons avec M. Nault pour définir les obstacles et pour analyser les idées formulées par les collectivités. L'essentiel que nous ayons appris dans nos deux ministères, c'est qu'on peut avoir d'excellentes idées sur le papier, mais qu'il faut travailler avec les collectivités pour vérifier l'efficacité des mesures prises. Nous essayons de procéder à partir de la base et de nous rencontrer à mi-course pour collaborer plus étroitement.
Nous avons travaillé avec les communautés autochtones sur cette question ainsi qu'avec M. Nault. Nous avons étudié les obstacles créés par le statut autochtone, notamment pour les femmes qui, d'après toutes les statistiques, sont au plus bas en matière de santé et d'éducation, et sont les plus exposées à la violence.
M. John Harvard: Je cède maintenant la parole à Mme Bulte.
Le président: Madame Bulte.
Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.): Merci.
Je vous remercie de votre présence, madame la ministre. Je vais vous soumettre un commentaire plutôt qu'une question. Dans votre exposé, vous avez dit qu'on considérait le Canada comme un chef de file et qu'on vous avait invitée en Europe pour parler du succès de notre régime multiculturel. Je vous en félicite. Encore une fois, le Canada est en tête.
J'ai eu récemment l'occasion d'assister à une réunion du ministre du Patrimoine culturel en Slovénie. Parmi les documents de la rencontre figurait un merveilleux article d'Arthur Wilczynski sur l'importance du multiculturalisme. Dans votre dernière diapositive, vous en avez parlé très brièvement. Peut-être serait-il bon de distribuer ce document à tous les membres du comité, car j'estime qu'il fait le point sur l'importance du multiculturalisme. On doit aussi considérer le rôle qu'il joue au niveau de la participation, de la prospérité et de la sécurité.
Vous en avez donc parlé à la fin de votre exposé, mais je pense qu'il est essentiel de bien voir comment notre société aborde ces questions, et à quel point les autres pays nous prennent comme modèle. Du côté de la sécurité, comme l'a dit l'ancien ministre des Affaires étrangères, les guerres se déroulent désormais à l'intérieur même des pays, et non plus entre pays différents; il faudrait donc se servir du multiculturalisme pour régler les conflits et promouvoir la compréhension. Si vous le pouvez, madame la ministre, faites distribuer ce document parmi vos fonctionnaires, pour que tout le ministère y ait accès. Voilà ma première intervention.
Deuxièmement, je voudrais reprendre la question de Mme Gagnon sur le congé de maternité. Au cours de la dernière session, lorsque vous avez comparu devant ce comité, vous avez présenté des statistiques sur les travailleuses autonomes. J'ai été frappée par le nombre de femmes qui travaillaient dans leur propre entreprise. Les statistiques sont tout à fait remarquables et indiquent qu'il faudrait faire quelque chose pour venir en aide à ces travailleuses autonomes.
Actuellement, un travailleur autonome ou quelqu'un qui possède 50 p. 100 d'une entreprise—c'est parfois l'entreprise du conjoint—peut travailler à temps plein et toucher un salaire, mais il n'a droit ni à l'assurance-emploi ni au congé de paternité.
• 1010
Je suis très favorable à cette extension du congé de
paternité, mais on laisse ainsi de côté un grand nombre de
travailleuses autonomes qui travaillent dans leur propre entreprise
ou qui se retrouvent dans le même genre de situations. Je me
souviens des statistiques sur la croissance très rapide de l'emploi
autonome chez les femmes. Qu'est-ce qu'on fait dans ce domaine et
qu'en pense votre ministère? C'est une question qui m'a toujours
préoccupée, même dans le secteur privé.
Toujours en matière de travail autonome—et j'aurais une autre petite question, si possible—on entend dire que les femmes assument les deux tiers du travail non rémunéré. Selon certains, ce serait la clé de la progression des femmes vers l'autonomie financière. Que fait-on sur la question du travail non rémunéré? Est-ce que votre ministère s'efforce de le valoriser? Comment ce travail peut-il favoriser l'autonomie économique des femmes?
Mme Hedy Fry: Ce sont des questions très importantes, car elles permettent de comprendre les différences entre hommes et femmes et leurs conséquences dans la vie quotidienne.
En ce qui concerne les travailleuses autonomes, nous avons analysé les statistiques dont nous disposons. Nous travaillons avec les ministères compétents pour essayer de trouver des solutions pour aider les femmes qui occupent des emplois non traditionnels, pour intervenir dans les rapports entre employés et employeurs, compte tenu du nombre croissant des travailleuses autonomes.
Nous travaillons actuellement non seulement avec d'autres ministères mais aussi avec des chefs d'entreprise pour voir comment ce travail peut être pris en compte et pour trouver des formules d'avantages sociaux pour celles qui l'assument. Nous avons consulté la recherche à ce sujet pour définir les mesures efficaces et celles qui ne le sont pas. Je m'intéresse, par exemple, à certains modèles européens.
Deuxièmement, vous avez parlé de la valeur du travail non rémunéré. Le Canada a été le premier pays à le mesurer dans le recensement de 1996. Nous avons poursuivi la démarche en posant des questions fondamentales sur le travail non rémunéré, qui est aussi effectué par des hommes, mais qui concerne majoritairement des femmes; nous avons considéré le travail des personnes soignantes ainsi que certains éléments du travail ménager et des autres formes du travail non rémunéré.
Nous avons élaboré des modèles qui tiennent compte des différentes formes de travail non rémunéré pour essayer de lui appliquer des mesures fiscales. Vous vous souvenez que dans le budget de 1998, le ministre Martin a accordé un crédit d'impôt aux personnes—il employait le mot personne, sachant que c'était en majorité des femmes—qui s'occupent chez elles de personnes handicapées ou âgées. C'était un début. Les mesures d'ordre fiscal sont importantes.
Les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux ont commencé à s'en occuper. Les indicateurs économiques d'égalité entre les sexes sont très précieux pour analyser ce travail. Nous avons constaté récemment que le volume du travail non rémunéré des femmes est en diminution. Nous ne savons pas pourquoi. Nous pensons que ces activités sont désormais partagées avec les hommes au sein de la famille, ou que les femmes en font moins parce qu'elles participent davantage à la main-d'oeuvre active rémunérée. Nous ne savons pas ce qu'il advient de ce travail non rémunéré, ni qui l'assume. On en revient à la question des personnes soignantes.
Ce que nous avons également remarqué, qui constitue un élément d'information nouveau, c'est que les jeunes femmes de 15 à 24 ans—je n'aime pas parler de jeunes femmes de 15 ans—font davantage de travail non rémunéré que leurs homologues masculins du même groupe d'âge.
Qu'est-ce que cela signifie du point de vue des affaires publiques? Nous devons nous préoccuper du phénomène. Il faut étudier sa signification et savoir pourquoi il en est ainsi. Est-ce qu'à l'avenir, il va falloir s'intéresser à la façon dont les familles se forment? Y aura-t-il des conséquences pour le taux de natalité au Canada? Je ne sais pas. C'est le genre de travail qu'il va falloir faire. Nous avons élaboré ces indicateurs pour être en mesure de le faire et nous sommes en train de constituer une base d'information avec Statistique Canada.
Tous les pays du monde s'intéressent au phénomène et se servent des indicateurs pour faire les mêmes recherches. Nous sommes donc à l'écoute de ce qui se fait ailleurs à partir des mêmes données.
Le président: Merci.
Monsieur Hearn, vous avez dix minutes.
M. Loyola Hearn (St. John's-Ouest, PC): Merci, monsieur le président.
Tout d'abord, je voudrais remercier la ministre et ses collaborateurs de leur présence parmi nous. Madame la ministre, j'aimerais également obtenir un exemplaire du document détaillé sur les subventions... Peut-être faudrait-il en remettre un à tous les membres du comité pour que nous en discutions ensuite.
J'aurais quelques questions à poser, monsieur le président. La ministre a signalé que certaines des statistiques qu'elle reçoit la préoccupent. Je l'invite à en prendre connaissance avec attention car elle a dit notamment que 35 p. 100 des jeunes Métis de Terre-Neuve étaient au chômage, et les gens vont dire: mon Dieu, comme ces jeunes chômeurs sont nombreux à Terre-Neuve! À mon avis, le nombre total des jeunes Métis à Terre-Neuve est infime. Il n'y en a sans doute pas plus de 35. C'est donc un tout petit groupe de population. Les Métis sont très peu nombreux. Quand on avance ce genre de pourcentage, il faut être très prudent, car on risque de donner une fausse impression.
Le vérificateur général s'est dit à maintes reprises préoccupé par les subventions accordées par votre ministère, madame la ministre, et par le suivi auquel elles donnent lieu. Je sais qu'à cause de l'organisation de votre ministère, vous êtes constamment sollicitée par différents groupes et organismes qui vous demandent des crédits pour toutes sortes de raisons. Comment choisissez-vous les groupes que vous subventionnez et est-ce que vous surveillez l'utilisation des crédits qui leur sont accordés?
Par ailleurs, pour ce qui est du multiculturalisme dans ce pays, je crains qu'on reste trop loin des problèmes. La plupart d'entre eux ont été attribués au fédéral et ont été réglés au niveau fédéral.
J'ai écouté Mme Gagnon. Bien souvent, les problèmes concernant les nouveaux venus dans notre pays et qui se retrouvent sans ressources pendant un certain temps, pourraient être réglés si les pouvoirs décisionnels étaient partiellement délégués au niveau local, le gouvernement fédéral en conservant une partie, car les responsabilités seraient plus clairement délimitées et ces nouveaux venus se sentiraient beaucoup plus chez eux.
Le troisième sujet concerne les populations autochtones. Je pense en particulier ici aux Inuits de Davis Inlet. Leurs problèmes ont pris une dimension nationale, avec les jeunes qui respirent des vapeurs d'essence, etc. Nous avons là une communauté d'une centaine de familles qui, compte tenu de l'endroit où elles se trouvaient initialement, ont connu toutes sortes de problèmes; c'est du moins le principal motif invoqué. On est en train de les installer à quelque distance, dans un endroit appelé Sango Bay, mais leur déplacement devrait coûter près d'un million de dollars par famille. Je ne suis pas certain qu'en les déplaçant, on va résoudre tous leurs problèmes, et j'aimerais savoir ce que vous en pensez.
Je vais en rester là, monsieur le président.
Mme Hedy Fry: Je vous remercie de ces questions.
Pour les statistiques, j'ai essayé de donner un très court aperçu de la situation dans chaque province. On peut dire que si 35 p. 100 des jeunes Métis d'une province comme la vôtre sont au chômage, ils ne représentent effectivement qu'un très petit groupe.
Ce que nous essayons de montrer, c'est que même s'il s'agit d'un petit groupe, ce sont néanmoins des jeunes qui restent à l'écart de la vie économique canadienne, et que le taux de chômage des jeunes Métis dans l'ensemble du pays, et non pas uniquement dans cette province, est supérieur au taux de chômage du reste de la jeunesse. Par conséquent, le statut d'Autochtone, en l'occurrence le statut de Métis, a constitué un obstacle entre ces jeunes et l'emploi.
Une fois qu'on connaît cette information, il reste à savoir ce qu'on va en faire. Quels sont les obstacles? Comment peut-on aider ces jeunes à acquérir les compétences et la formation nécessaires pour les contourner? Est-ce qu'ils ont décroché plus tôt au niveau secondaire? Dans ce cas, pourquoi? Que peut-on faire? En définitive, si l'on considère les données des jeunes des groupes ethniques, des minorités visibles et de l'ensemble de la jeunesse en matière de productivité au Canada, on trouve au total un grand nombre de personnes qui ne participent pas à la vie économique du Canada.
• 1020
Comme le développement des ressources humaines est l'événement
le plus important du XXIe siècle, il est important que le Canada
atteigne le plus haut niveau de productivité car les travaux
réalisés à l'échelle internationale par les universitaires pour
Metropolis montrent que lorsque des groupes de populations, quel
qu'en soit le nombre, sont tenus à l'écart et restent désavantagés
pour une raison quelconque, ils ont tendance à se sentir exclus et
à se rebeller. Ils commencent à s'intéresser à la drogue et à
s'agiter, compromettant ainsi la cohésion et la sécurité de la
société.
Nous considérons donc que tous ces éléments sont interdépendants et que dans les petites provinces, il importe de prendre en compte les groupes même les plus infimes, car ils représentent tous un élément du modèle canadien de productivité. Voilà pour la première question.
Deuxièmement, vous vouliez savoir comment nous choisissions les groupes auxquels des subventions sont accordées. Le multiculturalisme a trois grands objectifs. Le premier concerne l'identité et le sentiment d'appartenance. Le deuxième est la participation civique à la vie économique, sociale, politique et culturelle du pays, et le troisième est l'accès à la justice sociale et aux droits des Canadiens. Pour ces trois éléments, nous disposons d'un recueil de critères. Nous ne finançons pas des groupes pour leur caractère ethnoculturel et nous ne décidons pas de financer telle ou telle association. Nous les finançons si elles s'efforcent de favoriser nos objectifs. Elles doivent nous soumettre leurs projets en nous indiquant comment elles s'y prennent pour les atteindre. Le processus comporte un élément d'évaluation.
En réponse au rapport du vérificateur général, nous avons resserré ce processus. Ma sous-ministre adjointe, Judith LaRocque, pourra peut-être vous donner des détails. Je pourrai aussi le faire en répondant à votre autre question.
Quant à la délégation de pouvoir au niveau local, je crois que c'est un élément important et c'est notamment pour cette raison, par exemple, que Développement des ressources humaines Canada laisse une grande latitude aux provinces quant aux points sur lesquels elle décide d'intervenir, aux modalités de leur intervention et aux groupes ciblés. L'important, c'est que si l'on ne recueille pas l'information et les données nécessaires, on ne peut pas le savoir.
Nous avons tendance à céder aux stéréotypes et à croire que certains groupes sont les seuls à avoir des problèmes. Nous avons vu—et c'est pour cela que j'ai présenté un aperçu de la situation par province—que certains groupes que l'on ne soupçonnerait pas connaissent des problèmes et ne participent pas pleinement à l'activité de la société. On a tendance à associer un problème à un groupe de minorité visible ou aux Autochtones. On a tort. La langue, la culture et l'ethnicité constituent des obstacles. Toutes nos études le montrent. Il faut donc travailler, même au niveau local, pour recueillir des données et de l'information à ce sujet.
Enfin, pour ce qui est du déplacement de ces familles inuites, je reconnais que ce n'est pas nécessairement la bonne réponse au problème. Pour trouver la meilleure solution à ce genre de problème, il faut garder un contact permanent avec la société civile. Il faut travailler avec les collectivités et les interroger sur les meilleures solutions à mettre en oeuvre, car le gouvernement ne dispose pas de toutes les réponses. Il est très important de travailler avec la société civile avant d'arrêter une politique.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, le cabinet a constitué un petit comité spécial qui consulte les groupes communautaires afin d'établir un partenariat permettant de définir la meilleure politique avec la participation des collectivités. Je fais partie de ce groupe de travail. Nous écoutons avec un grand intérêt ce que les groupes ont à nous dire sur les mesures à prendre. Nous sommes donc en train de préparer ce nouveau modèle.
Judith ou Florence Ievers ont peut-être quelque chose à ajouter.
Le président: Oui. Elles pourront peut-être le faire tout à l'heure, car pour l'instant, j'aimerais donner la parole en priorité aux membres du comité.
Nous allons maintenant passer à des tranches de cinq minutes. Mme Gallant, M. Wilfert et M. Murphy ont demandé la parole.
Madame Gallant.
Mme Cheryl Gallant (Renfrew—Nipissing—Pembroke, AC): Merci, monsieur le président. Je remercie la ministre d'être des nôtres ce matin.
J'en profite pour l'inviter à revenir nous voir, car l'opposition officielle a bien des questions à lui poser. Je vais moi-même lui en poser trois d'un coup, car il y a eu...
Le président: À condition de ne pas dépasser cinq minutes. Si la ministre n'a pas le temps de vous répondre, vos questions vont rester en suspens.
Mme Cheryl Gallant: Madame la ministre, la gestion de votre ministère est en crise. Vous êtes chargée d'administrer l'argent du contribuable avec diligence, ce qui n'est pas le cas.
• 1025
Je voudrais citer le rapport du vérificateur général:
-
Lors de notre vérification de ce programme en 1998, nous avions
constaté que les résultats attendus des projets financés par
rapport aux objectifs du Programme étaient ambigus. En outre, nous
avions relevé qu'il y avait un manque de diligence raisonnable dans
30 p. 100 des cas que nous avions examinés.
Deux ans plus tard, il n'y a aucune amélioration, et les mêmes problèmes graves persistent. Votre propre rapport de vérification signale que 19 p. 100 des dossiers examinés ne satisfont la norme minimale fixée par votre propre ministère et que 37 p. 100 d'entre eux, de votre propre avis, sont à la limite de l'acceptable. Plus grave encore, rien n'indique que les problèmes relevés soient traités.
Madame la ministre, le vérificateur général vous adresse ici de sérieux reproches. Est-ce que vous contestez la véracité de ces propos? Si vous ne la contestez pas, les contribuables du Canada aimeraient savoir pourquoi vous ne démissionnez pas. C'était ma première question.
Ma question suivante concerne la façon dont votre ministère distribue les crédits du multiculturalisme. Le programme Canadian Cultural Connections a été créé à la base en tant que programme d'échange à cause des mauvaises décisions prises par ce gouvernement sur le référendum québécois de 1995, dans un souci de rejoindre tous les Canadiens. Les membres de ce groupe considèrent que la seule façon d'assurer l'unité de ce pays, c'est de partir de la base, de rejoindre tous les Canadiens dans le cadre d'une initiative citoyenne qui fasse intervenir non seulement les jeunes, mais aussi leur famille. En dehors des fonds de lancement dont il a bénéficié, ce groupe ne sollicite pas l'argent du contribuable pour financer ses activités, et votre ministère refuse de prendre en considération la demande présentée par Canadian Cultural Connections.
Ma deuxième question est donc la suivante: pourquoi refusez- vous de reconnaître la valeur d'une démarche de promotion du multiculturalisme émanant du secteur privé et qui fait particulièrement appel à la famille?
Ma dernière question reprend celle de M. Hearn sur le financement de groupes. Madame la ministre, l'Alliance canadienne adhère tout à fait à la reconnaissance de la diversité du multiculturalisme du Canada. Ainsi, dans ma circonscription de Renfrew—Nipissing—Pembroke, nous avons un groupe particulier de culture kachoube. Ces Kachoubes voudraient partager leur patrimoine avec leurs concitoyens, mais votre ministère ne reconnaît pas leur existence, car ils n'entrent pas dans le moule créé par votre ministère pour définir le multiculturalisme. Ma troisième question est donc la suivante: pourquoi votre ministère a-t-il donné une définition du caractère multiculturel, au lieu de considérer directement les groupes culturels?
Le président: Madame la ministre, vous avez deux minutes pour répondre à toutes ces questions qui comportaient de longs commentaires—c'est la députée qui en a décidé ainsi.
Mme Hedy Fry: Je voudrais répondre à la première. Comme vous l'avez dit, le vérificateur général a rappelé qu'il avait fait un certain nombre de recommandations en 1998. Son dernier rapport date du printemps de l'an 2000. Depuis lors, nous avons mis en place toutes les initiatives dont il a parlé. À partir de ses recommandations, nous nous sommes appliqués à mettre en place au sein du ministère de meilleures structures, notamment en matière de formation permanente, etc.
Je voudrais également signaler qu'en 1997, nous avions changé les objectifs du ministère, nous avions modifié nos critères et nous avions donné trois ans de transition aux intéressés. Étant donné ces modifications, les choses étaient rendues plus difficiles. Par conséquent, nous collaborions avec les collectivités pour les aider à s'adapter à ces changements. Toutefois, à l'heure qu'il est, tout ce qu'il a demandé a été mis en oeuvre.
Vous avez parlé de la répartition des fonds. Vous évoquiez le cas d'un groupe qui avait réclamé de l'argent et auquel on a refusé des subventions et contributions. Si un groupe répond aux critères, s'il respecte les exigences de diligence raisonnable et la démarche exigée par le ministère, et si le cadre d'évaluation est solide, nous ne refusons pas. Vous préconisez que nous mettions en pratique les recommandations du vérificateur général, mais si un groupe particulier respecte les critères et les exigences de diligence raisonnable, nous sommes en mesure de lui accorder le financement correspondant aux objectifs.
En fait, ce ne sont pas les groupes que nous finançons mais le travail qu'ils font sur le plan de la participation à la vie civile, comme sur le plan d'une amélioration de la vie culturelle, économique, sociale, politique du pays. C'est donc la participation des groupes qui nous importe, quels qu'ils soient, dans la mesure où ils s'occupent de questions d'identité, d'appartenance et de justice sociale. Tout groupe, même s'il ne représente que deux personnes dans la mosaïque canadienne, peut faire une demande, et s'il travaille à l'atteinte de ces objectifs, s'il a besoin d'argent, sa demande sera accueillie favorablement dans la mesure où les exigences de diligence raisonnable sont respectées.
Le président: M. Wilfert, M. Murphy, et M. Grewal.
M. Bryan Wilfert (Oak Ridges, Lib.): Merci, monsieur le président.
Madame la ministre, tout d'abord il semble indiqué que vous déposiez le budget des dépenses principal auprès du président, pour que tous les membres du comité sachent à quoi s'en tenir en ce qui concerne le multiculturalisme. Je vous demande de le faire.
Deuxièmement, vous avez témoigné devant les représentants de la Fédération canadienne des municipalités à plusieurs reprises. Comme vous le savez, j'ai été président de cette organisation et je rentre tout juste de la dernière conférence qu'elle a organisée. À un moment, j'ai également été président d'honneur de la Journée de lutte contre le racisme...
J'ai participé à la réunion de leur comité sur les relations raciales, entre autres, ce week-end et une des préoccupations très nettes est l'approche descendante pour ce qui est du fait que des immigrants arrivent au Canada, dans nos villes et nos villages, mal équipés. Manifestement, cela ne relève pas de vos responsabilités dans certains cas, mais plutôt de la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration.
Toutefois, étant donné notre objectif qui est de rendre les rapports de société plus harmonieux dans les villes, vous préparez toutes sortes de documents bien pensés, sauf que dans bien des cas, ils n'atteignent pas ceux qui en ont vraiment besoin. C'est le message qu'on m'a transmis, en ajoutant qu'il faut davantage de consultation, la concertation des maires à l'échelle du pays pour qu'ils discutent de ces questions. C'est ce à quoi ils s'attendent.
Ce que je viens de dire s'apparente davantage à une remarque qu'à une question mais si vous voulez bien me répondre, je vous en serais reconnaissant.
Troisièmement, quand je regarde ce document intitulé Le racisme: mettons-y fin!, je lis:
-
Des termes comme ethnique ou ethnoculturel évoquent l'origine de
tous les Canadiens, qu'ils soient nés au Canada ou ailleurs.
Je trouve absolument offensant de dire que si je suis né ici, on peut me qualifier d'ethnique ou d'ethnoculturel. Bien entendu, lors du recensement, nous avons eu un grand débat au Canada pour savoir si nous pouvions même dire que nous étions Canadiens. Cela a fait l'objet d'un débat vigoureux au Canada. D'aucuns se demandent s'il appartient au gouvernement de recueillir des renseignements sur l'ethnicité des Canadiens en général.
Vous avez donné des réponses à cela mais manifestement, il y a encore des inquiétudes dans certains milieux et cela crée des dissensions. Vous avez dit qu'il fallait respecter nos différences. Il faut se poser la question: quel est le ciment qui retient toutes ces différences ensemble? Je pense que c'est extrêmement important car nous voulons veiller à ce que les nouveaux arrivants au Canada puissent avoir un sentiment d'appartenance à une nation, puissent comprendre ce qu'être canadien signifie.
La promotion des langues, des cultures et de ce qui vient des autres pays est tout à fait louable et je ne désapprouve pas les mesures que vous avez énumérées en ce qui a trait à nos rapports avec les autres pays, etc. Je ne trouve rien à redire à cela.
Là où je trouve à redire, c'est sur les mesures insuffisantes que prend le gouvernement quand il s'agit de parler du ciment qui nous retient ensemble. Il est tout à fait louable de promouvoir nos différences, mais que fait-on pour que nous soyons unis?
Je songe notamment à des événements sportifs où s'affrontent des équipes canadiennes et des équipes étrangères et ce sont ces derniers qui sont acclamées plutôt que nos équipes canadiennes. Je songe en particulier à l'équipe de basket-ball de Toronto, l'équipe nationale de basket-ball, qui a eu l'impression d'être davantage l'équipe visiteuse que l'équipe hôte.
Tout en menant une politique de multiculturalisme, il faut songer à l'autre côté de l'équation. Il faut parler du ciment qui nous unit également. À défaut de cela, nous éprouvons un problème d'identité extrêmement épineux.
Madame la ministre, ce sont mes remarques et questions.
Mme Hedy Fry: Je vais vous répondre tout d'abord à propos de la Fédération canadienne des municipalités. En fait, c'est la première année que je n'ai pas pu me rendre à la réunion de la FCM pour rencontrer les représentants.
Nous avons travaillé de concert avec la FCM. En fait, la Fédération canadienne des municipalités avait un représentant à mon comité consultatif quand je me suis rendue aux quatre coins du pays pour constater la réaction des régions à ceci et au phénomène du racisme.
Si nous travaillons avec la FCM, c'est parce que nous estimons que c'est un groupe très important puisque c'est le palier de gouvernement le plus local. Nous collaborons avec la FCM sur divers terrains.
Autrement dit, comme je l'ai indiqué plus tôt, nous avons travaillé avec la municipalité de Saskatoon, en Saskatchewan, à un programme de sensibilisation à ces travailleurs de première ligne. Nous avons travaillé avec la ville de Winnipeg quand elle a dû examiner des façons de traiter de certaines questions liées aux nouveaux arrivants au Canada qui ne s'intégraient pas bien et nous avons également abordé le problème de l'accès aux soins de santé.
• 1035
Ainsi, nous avons travaillé avec les municipalités, au cas par
cas, et le dialogue est engagé.
Permettez-moi d'ajouter ceci: il est arrivé que j'aille aux conférences de la FCM, en l'occurrence au comité sur les relations raciales, et j'ai constaté que la plupart des maires n'assistaient pas à ce comité. Seulement ceux qui sont véritablement intéressés y sont. On peut en conclure que ceux qui s'intéressent à la question en font part dans leur rapport au conseil d'administration de la FCM. Par conséquent, nous entretenons des rapports avec ces municipalités qui nous présentent leurs problèmes particuliers et nous intervenons dans ces cas-là.
Pour que les choses se fassent véritablement de haut en bas, il faut que les municipalités s'adressent à nous pour demander notre aide concernant un problème particulier. C'est ainsi que nous avons...
M. Bryon Wilfert: Monsieur le président, permettez-moi d'intervenir. Les maires souhaitent peut-être un mécanisme plus officiel.
À mon tour de vous signaler qu'à la dernière conférence, les maires étaient présents en grand nombre. C'était un des messages de toutes façons—qu'il y ait un mécanisme de communication plus officiel. Ils sont reconnaissants d'avoir pu de façon individuelle obtenir votre aide, mais il serait très important de faire davantage au niveau de l'organisme.
Mme Hedy Fry: Merci de votre suggestion, nous allons y réfléchir. Nous allons voir comment nous pourrions procéder. Pour l'instant, nous travaillons avec la personne qui travaille par l'entremise de ce groupe. Nous pourrions officialiser les choses au niveau des maires, au besoin.
Vous avez dit que puisque vous étiez né ici, on ne pouvait pas vous qualifier d'ethnique, et que vous trouviez cela offensant. Toute la notion de multiculturalisme, au Canada et en Australie—ce sont les deux pays du monde qui ont des politiques officielles de multiculturalisme et une loi à cet égard—vise l'intégration et non l'assimilation.
Cela veut dire que l'on peut continuer de maintenir son identité par rapport à un groupe, son ethnicité, peu importe le terme, parce que cela fait partie intégrante de ce que l'on est. Certains groupes choisissent de faire ainsi. Vous n'êtes pas forcés de le faire. Libre à vous, mais d'autres groupes nous disent, très prudemment, car ils constatent que leur ethnicité, leur langue, leur culture et leur race ont créé des obstacles à leur intégration, parfois même après trois ou quatre générations de présence au Canada.
En fait, toutes les consultations que nous avons faites auprès de ces groupes tendent à décrire cette réalité. Il est absolument nécessaire de procéder à des modifications systémiques et institutionnelles. Ainsi, les groupes qui ont constaté l'existence de ces problèmes dans leurs collectivités veulent nous en parler, même s'ils ont trois générations d'ancêtres. D'autres viennent d'arriver.
Suivant la notion d'intégration, le ciment qui nous unit est constitué d'une citoyenneté commune, de valeurs communes, de notre conviction dans la primauté du droit et de notre sentiment d'avoir une responsabilité sociale les uns envers les autres. Quand le premier ministre parle de la façon canadienne de faire, c'est ce à quoi il songe. La façon canadienne de faire ne nous empêche pas d'être Canadiens et de maintenir notre identité si nous le choisissons. L'un et l'autre ne sont pas incompatibles.
Selon le Conference Board, l'existence de citoyens qui après trois générations gardent vivaces leurs origines, donne aujourd'hui au Canada et à l'Australie un net avantage, puisqu'ils se souviennent de leur langue, des habitudes commerciales et de la culture de pays avec lesquels nous échangions. Ils peuvent très respectueusement apporter leurs connaissances linguistiques et culturelles lors de transactions commerciales entre le Canada et leur pays d'origine. Ce phénomène est impossible dans le cas des groupes assimilés. Nous avons pu constater cela très nettement.
Le président: Pouvons-nous poursuivre?
Auparavant, je voudrais revenir sur ce que M. Wilfert a demandé, et M. Grewal avant lui.
Quand on se reporte au budget des dépenses de cette année, on constate que la condition féminine est un poste. Étant donné tout ce que l'on a dit du multiculturalisme, il est ironique de constater que rien ne figure là-dessus dans les dépenses. C'est un peu comme si cela n'existait pas au ministère. Pas un seul mot dans le budget des dépenses—ni dans le budget des dépenses détaillé, ni dans le budget-objet.
Nous vous serions reconnaissants si vous pouviez envoyer quelque chose...je songe ici aux parties I et II, pour 2001-2002.
Mme Hedy Fry: Volontiers.
Le président: Tout est enfoui dans les prévisions générales du ministère, je suppose.
Mme Hedy Fry: Non. Nous avons un secteur d'activités pour l'identité canadienne. C'est sous la rubrique du Patrimoine canadien.
Le président: On ne trouve rien dans les dépenses détaillées non plus.
Cela semble un peu singulier, surtout qu'il s'agit de la principale politique du ministère. On ne trouve nulle part le mot «multiculturel». Nous voudrions des détails sur ce qui est dépensé. Le sous-ministre pourrait peut-être envoyer ces renseignements à la greffière qui les transmettra aux membres du comité.
M. Murphy, M. Grewal.
M. Shawn Murphy (Hillsborough, Lib.): Monsieur le président, je voudrais faire une remarque et poser une question. C'est dans la même veine que ce qu'a dit M. Hearn, à savoir qu'il faut se montrer prudent face aux statistiques. Il a dit qu'un très petit nombre de familles et de jeunes Métis vivaient dans la province. Je pense qu'il a dit... [Note de rédaction: Difficultés techniques]... un très petit nombre mais ce ne serait pas 35. Je voulais signaler que parfois les statistiques peuvent induire en erreur.
Madame la ministre, en commentant vos acétates, qui se sont révélées très utiles, vous avez dit qu'actuellement quatre diplômés universitaires immigraient au Canada pour chaque diplômé qui émigre aux États-Unis. Je ne trouve pas de preuves statistiques, de véritables preuves, pour affirmer cela mais par contre, les médias nous rapportent que des médecins, des gens qui ont des diplômes universitaires, des gens très instruits, des gens qui, semble-t-il, pourraient enseigner à l'université, conduisent des taxis ou travaillent chez McDonald's dans nos grands centres urbains.
Votre ministère a-t-il effectué une analyse complète de cette question de la reconnaissance professionnelle des étrangers, et pourriez-vous nous en dire davantage à ce sujet?
Mme Hedy Fry: Comme vous le savez, grâce à des efforts antérieurs, il a été question de la reconnaissance professionnelle des étrangers dans le discours du Trône. Et il ne s'agit pas tout simplement de reconnaissance visant de nouveaux arrivants qui viennent chez nous à titre d'immigrants. Il s'agit également de personnes qui ont des diplômes, qui vivent ici depuis de nombreuses années et qui sont sous-employées ou ne sont pas en mesure d'exploiter leurs compétences.
Vous avez parlé par exemple des médecins. Nous avons fait beaucoup de travail ici au Canada concernant les dispensateurs de soins d'origine philippine, dont un grand nombre de cas sont des infirmières venues ici dans le cadre du programme visant la catégorie des aides familiaux résidants. Ces personnes souhaiteraient maintenant devenir des infirmières et elles ne le peuvent pas. Elles sont en quelque sorte bloquées.
Il faut retenir que la délivrance de titres et de certificats relève de la compétence provinciale. Les provinces légifèrent en ce qui concerne les métiers et les professions. Nous devons donc collaborer avec les provinces. Pour ma part, je suis en rapport avec la Colombie-Britannique, je rencontre des ministres au Manitoba et j'ai des échanges avec le ministre de l'Ontario, dans une certaine mesure tout au moins, concernant les possibilités de collaboration pour des projets pilotes.
Par exemple, si une province considère que la question des infirmières revêt une grande importance, alors nous allons étudier avec les autorités provinciales la question de la délivrance de titres et certificats pour les infirmières, compte tenu des lois qui visent les métiers et professions dans la province. Nous allons envisager la possibilité de former des gens ou de les recycler durant des périodes de six ou de trois mois ou autres, selon les besoins, de manière à exploiter les ressources intellectuelles dont nous disposons.
Nous nous penchons donc sur cette question. Lorsqu'une province manifeste de l'intérêt, nous collaborons avec elle, étant donné que la compétence relève de la province. Dans notre optique il s'agit d'une question de productivité qui concerne l'ensemble du Canada. Voilà pourquoi nous consentons des efforts à cet égard, de manière à voir comment les provinces pourront être en mesure de collaborer avec nous.
Au Nouveau-Brunswick, le secteur privé a même étudié la possibilité de faire venir des personnes de l'étranger pour créer des entreprises et travailler dans le domaine de la haute technologie. Les autorités provinciales considèrent tout à fait constructive l'idée de préparer de nouveaux entrepreneurs et de doter des personnes de la province de nouvelles compétences, de manière à accroître la productivité.
Nous nous penchons donc concrètement sur cette question, aussi bien en collaboration avec les provinces qu'avec des groupes du secteur privé. Nous avons même des pourparlers avec les associations d'infirmières de certaines provinces, dans la mesure où ces dernières nous l'autorisent. Certaines initiatives ont été prises également, par exemple, avec les ingénieurs de la Colombie- Britannique.
Certaines activités sont donc en marche. Cependant, ce doit être à la demande des provinces et avec leur accord, étant donné que cela relève de leur compétence.
Le président: Monsieur Grewal.
M. Gurmant Grewal: Merci, monsieur le président.
Récemment, le sous-ministre du Tourisme du Yukon a dû s'excuser après avoir lancé une injure raciste à l'égard d'un groupe minoritaire très visible. Et, savez-vous quoi? Il a été suspendu pour un mois sans solde et on lui a ordonné de participer à des séances de sensibilisation.
Par le truchement du président, madame la ministre, j'aimerais vous demander comment vous pourriez assurer la gestion du budget des dépenses du gouvernement fédéral en matière de multiculturalisme, alors que chacun sait au Canada que vous avez vous-même quelque difficulté à bien comprendre les diverses collectivités de notre pays. Bien des gens estiment que vos excuses ne suffisent pas.
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Où donc dans le budget des dépenses peut-on trouver les
dollars qui seront consacrés à votre formation en matière de
sensibilité culturelle? Ne devrait-il pas y avoir dans ces
prévisions de dépenses un poste concernant la formation en matière
de sensibilité culturelle pour vous et vos collègues ministres, le
cas échéant? N'avez-vous donc pas l'impression que le Cabinet vous
a laissée tomber, vous qui avez tant besoin de ce genre de
formation et d'habilitation pour bien effectuer votre travail?
Mme Hedy Fry: Ma réponse sera fort simple. Je répondrai par la négative. Je me déplace au Canada depuis bon nombre d'années et, plus récemment, au cours des neuf derniers mois, j'ai eu l'occasion de rencontrer des gens—des représentants de collectivités ethnoculturelles, des groupes, des municipalités, des Autochtones—pour discuter avec eux de leurs problèmes, de leurs besoins, des enjeux qui les concernent, de ce qui se passe dans leur région et à l'échelle du pays. Or, dans les rapports avec tous ces groupes, il est ressorti clairement que nous avons été en mesure de travailler ensemble, que nous avançons dans la même direction, et que nous sommes à l'écoute de ce que ces gens nous recommandent de faire.
J'aimerais signaler, toutefois, que dans le feuillet de votre parti, vous semblez estimer que le multiculturalisme n'est pas quelque chose d'important et que cela doit relever de l'initiative individuelle. Or, il me semble que cela ne corresponde pas à ce que j'ai pu entendre des diverses collectivités du pays, où les gens sont nettement convaincus que le gouvernement a un rôle véritable à jouer. Plus concrètement, 82 p. 100 des Canadiens estiment, selon un sondage Ipsos-Reid, que le gouvernement a une responsabilité importante en matière de lutte contre le racisme et la discrimination.
Je vous répondrai donc que nous sommes fort sensibles aux besoins des collectivités du pays. Je les rencontre fréquemment. Je me déplace un peu partout au Canada pour les rencontrer, leur parler et savoir ce qu'elles veulent. Peut-être que vous devriez vous aussi envisager d'en faire autant pour être en mesure de déterminer ce que ces collectivités souhaitent véritablement.
Je me ferai un plaisir de partager avec vous les résultats de mes consultations. Je sais que vous avez assisté d'ailleurs à l'une de mes consultations et que vous avez été en mesure d'entendre très bien l'expression des sentiments et des intérêts des personnes concernées.
Le président: Une dernière question, brièvement je vous en prie.
M. Gurmant Grewal:, Merci, monsieur le président.
J'estime que le petit territoire du Yukon a une bonne longueur d'avance sur Multiculturalisme Canada pour ce qui est de régler une crise de ce genre.
Madame la ministre, pourquoi avez-vous refusé de me fournir à moi, le porte-parole de l'opposition officielle en matière de multiculturalisme, les coupures de presse quotidiennes qui vous sont fournies par votre ministère? J'ai demandé aux gens de votre bureau à de nombreuses reprises depuis les élections—probablement quatre, cinq, et même six fois—de le faire et j'en ai demandé autant au sous-ministre à l'occasion d'une séance d'information. Il a consenti à me fournir ce service. N'est-ce donc pas vous qui avez demandé à votre ministère de ne pas me fournir le service de coupures de presse?
Lorsque j'étais le porte-parole en matière d'affaires étrangères, de l'ACDI et d'autres ministères, j'obtenais les coupures de presse. D'autres porte-parole obtiennent les coupures de presse qui concernent d'autres ministères. Pourquoi votre ministère a-t-il refusé de me fournir les services de coupures de presse?
Mme Hedy Fry: Tout d'abord, il n'est pas du tout exact que, comme vous l'avez laissé entendre, j'ai demandé au ministère d'agir de la sorte. Je vais demander à mon sous-ministre de répondre à votre question concernant la politique du ministère en matière de coupures de presse. Je n'étais même pas au courant de votre demande. C'est la première fois que j'en entends parler.
M. Gurmant Grewal: On semble vouloir garder des secrets...
Mme Hedy Fry: Non, monsieur Grewal, il n'y a rien de secret dans tout cela. C'est la première fois que j'entends parler de cette demande. Par conséquent, si vous aviez parlé à un sous- ministre adjoint, peut-être que le sous-ministre voudrait répondre à cette question.
Mme Judith A. LaRocque (sous-ministre associée, ministère du Patrimoine canadien): Je sais... [Note de la rédaction: Difficultés techniques]...et on m'a informée du fait que le ministère n'avait pas pour politique de fournir des coupures de presse aux députés.
M. Gurmant Grewal: Monsieur le président, est-il vrai que seul le ministère du multiculturalisme ne fournit pas de coupures de presse, alors que les autres le font?
Mme Judith LaRocque: Non, je m'excuse, c'est le ministère du Patrimoine canadien qui a pour politique de ne pas fournir de coupures de presse et, d'ailleurs, les coupures de presse ne sont même plus fournies sur papier mais elles le sont par voie électronique.
M. Gurmant Grewal: C'est facile à transmettre par courrier électronique, monsieur le président.
Le président: Pouvez-vous vérifier si on peut transmettre par courrier électronique à M. Grewal les coupures de presse, ou bien y a-t-il une politique selon laquelle...
Madame Bulte.
Mme Sarmite Bulte: Le ministère du Patrimoine canadien a pour politique de ne pas distribuer des coupures de presse. Peu importe ce que font les autres ministères. La question doit donc être adressée au ministre du Patrimoine canadien, étant donné qu'il s'agit d'une décision d'ordre politique qui émane du ministre du Patrimoine canadien. Comme nous le savons tous, le multiculturalisme relève de Patrimoine Canada.
Si vous cherchez le budget des dépenses—et ici il s'agit d'un rappel au règlement—il a probablement été présenté la semaine dernière, au moment où le ministre du Patrimoine canadien a comparu puisque, comme vous le savez, le multiculturalisme relève de Patrimoine Canada. Je tenais à faire cette précision. La ministre l'a vraisemblablement fourni lorsqu'elle a comparu la semaine dernière.
Le président: Oui, mais nous nous interrogeons justement sur les différents postes des crédits du multiculturalisme. Je crois que la sous-ministre a dit qu'elle enverrait à...
M. Gurmant Grewal: On m'avait promis qu'on m'enverrait les coupures, tout comme les autres ministères m'envoyaient périodiquement des coupures sur les sujets qui m'intéressaient alors comme porte-parole. De plus, jamais je n'ai été avisé qu'il s'agissait là d'une politique de son ministère. On m'a informé qu'on n'avait pas suffisamment de personnel pour ni envoyer les coupures, mais que l'on était en train d'embaucher quelqu'un.
Le président: Cela ne fait rien. Nous verrons bien si c'est une politique du ministère.
M. Gurmant Grewal: Pourquoi toutes ces excuses?
Le président: À l'ordre.
Mme Sarmite Bulte: Une précision et un rappel au Règlement: je dirais respectueusement à M. Grewal que si cela pose problème pour lui, il devrait s'adresser au ministre du Patrimoine canadien.
Le président: Nous comprenons bien. C'est la position qui a été énoncée, et le débat est maintenant clos.
Vous pouvez nous adresser à la ministre. Vous pouvez même lui poser la question aujourd'hui à la période de questions, et elle vous répondra.
Mme Bulte, suivie de Mme Gagnon, après quoi nous terminerons.
Mme Sarmite Bulte: Non, c'est tout ce que je voulais dire.
Le président: Madame Gagnon.
[Français]
Mme Christiane Gagnon: Ma collègue qui est porte-parole du dossier de la condition féminine ne pouvait pas être ici ce matin, mais elle a demandé à être reçue pour avoir un breffage sur les différentes actions de votre ministère et m'a dit qu'il lui était difficile d'avoir une rencontre. Vous serait-il possible de la rencontrer durant les prochains jours, étant donné que c'est un nouveau dossier pour elle? Elle m'a dit qu'elle avait de la difficulté à obtenir qu'on lui réserve une plage de travail. Je sais que vous allez accéder à ma requête.
Deuxièmement, dans votre budget de dépenses 2001-2002, il y a une augmentation pour le soutien des organismes qui oeuvrent auprès des femmes. Quel choix ferez-vous? Allez-vous élargir votre soutien ou si vous allez consentir des augmentations à des organismes qui bénéficient déjà de votre soutien sur le plan financier?
[Traduction]
Mme Hedy Fry: Non, nous ne choisissons pas les groupes que nous subventionnons. Ce sont les groupes qui nous envoient des projets à subventionner. Nous évaluons ces projets en fonction de nos critères et de l'optique proposée à une règle générale, nous nous demandons s'ils répondent aux objectifs du ministère. Puis, nous subventionnons ceux qui y répondent.
Puisque vous vous interrogez au sujet des nouveaux groupes, sachez que nous avons subventionné de nouveaux demandeurs alors que nous avons refusé à l'occasion de subventionner des demandeurs qui avaient déjà une feuille de route mais dont les projets ne répondaient pas à nos critères. Autrement dit, il y a toujours de nouveaux groupes. Ceux qui s'intéressent à la question de l'égalité des femmes et plus particulièrement à leur autonomie économique, ou à la violence faite aux femmes, ou encore à la justice sociale et aux avantages, etc., sont ceux que nous sommes disposés à subventionner.
Ainsi, nous avons subventionné de tout nouveaux groupes qui s'intéressaient au commerce électronique. Nous avons formé des alliances avec des organisations de femmes et des entrepreneures pour étudier l'aspect des échanges commerciaux. Vous voyez que nous abordons de nouveaux secteurs. Mais sachez que dès que quelqu'un nous soumet un projet, nous l'examinons.
[Français]
Mme Christiane Gagnon: Est-ce que vous serez en mesure de réserver une plage de travail pour ma collègue?
[Traduction]
Mme Hedy Fry: En fait, votre collègue m'a demandé, il y a quelque deux mois, sauf erreur, d'assister à une séance d'information de ce genre; j'ai transmis son message à mon ministère, Situation de la femme, pour lui demander de la rencontrer. Or, j'ai cru comprendre que la réunion n'avait pas pu avoir lieu, pour une raison qui m'échappe. Mais tout cela est ouvert, et j'exhorte mon ministère à être le plus expéditif possible. Il est extrêmement important que les porte-parole de l'opposition soient mis au courant et informés des détails de nos travaux.
[Français]
Mme Christiane Gagnon: Merci.
[Traduction]
Le président: Madame la ministre, merci beaucoup d'avoir comparu et d'avoir répondu à toutes sortes de questions. Nous vous en sommes reconnaissants.
Merci également à mesdames Larocque et Ievers.
Nous allons nous réunir brièvement à huis clos pour étudier ces motions de façon à présenter un budget.
[La séance se poursuit à huis clos]