INST Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON INDUSTRY, SCIENCE AND TECHNOLOGY
COMITÉ PERMANENT DE L'INDUSTRIE, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mercredi 24 octobre 2001
Le vice-président (M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.)): Conformément à l'ordre du jour, nous entendrons aujourd'hui des témoignages sur le projet de loi C-23, Loi modifiant la Loi sur la concurrence et la Loi sur le Tribunal de la concurrence.
Je constate que certains députés ont tellement l'habitude de venir ici à 15 h 30 qu'ils ne lisent pas l'avis de convocation, mais je remercie les témoins d'être venus ici à l'heure. J'aimerais donc que nous commencions à entendre les témoignages.
Monsieur Janigan, vous avez la parole.
Maître Michael Janigan (directeur exécutif et avocat général, Centre pour la défense de l'intérêt public): Merci, monsieur le président.
• 1520
Nous vous remercions de l'occasion qui nous est donnée
aujourd'hui de venir vous présenter nos observations concernant
le projet de loi C-23 et les amendements à celui-ci. Le Centre
pour la défense de l'intérêt public a participé au processus qui
a précédé les délibérations du comité et a par ailleurs présenté
de nombreux mémoires et rapports au cours des 25 dernières années
en ce qui a trait à la Loi sur la concurrence du point de vue du
consommateur canadien ordinaire.
Je voudrais aborder principalement la question de l'accès des particuliers au Tribunal de la concurrence, mais aussi plusieurs autres dispositions qui méritent d'être commentées. Nous appuyons les dispositions qui permettront la collaboration des États étrangers afin d'assurer la conformité entre les lois sur la concurrence qui sont en grande partie semblables.
Nous sommes conscients des préoccupations relativement à la confidentialité des renseignements commerciaux, notamment des stratégies et des procédés commerciaux. Cependant, il est tout aussi important de s'assurer qu'au nom de la confidentialité on ne refuse pas de partager des renseignements qui pourraient donner lieu à une poursuite valable en droit d'un comportement anticoncurrentiel de la part d'un gouvernement étranger. Les renseignements ne devraient pas être confidentiels tout simplement en raison des conséquences négatives que cela pourrait avoir selon la Loi sur la concurrence dans un autre État s'ils sont divulgués.
Nous appuyons par ailleurs les dispositions du projet de loi C-23 qui interdisent le comportement fallacieux des maisons de publicité directe par la poste ou par Internet, lorsqu'elles disent à ceux qui reçoivent une communication qu'ils ont gagné un prix alors qu'en fait elles ne veulent que les solliciter davantage. Il semble y avoir suffisamment d'évidences anecdotiques selon lesquelles cette disposition répond à un problème réel pour les consommateurs qui, à l'occasion, doivent en subir les conséquences graves particulièrement lorsqu'il s'agit de consommateurs vulnérables. Tout au moins, l'élimination de cette pratique qui dure depuis trop longtemps pourrait aider à réduire au minimum le cynisme concernant les pratiques légitimes de commercialisation, particulièrement chez nos jeunes.
Les dispositions du projet de loi C-23 qui autorisent le commissaire à demander au Tribunal de la concurrence une ordonnance provisoire ex parte afin de stopper un comportement anticoncurrentiel sont importantes et pourraient s'avérer une arme utile que l'on attend depuis longtemps dans l'arsenal des recours à la disposition du commissaire.
Les marchés peuvent évoluer rapidement, et l'impact d'un comportement anticoncurrentiel de la part d'un intervenant dominant envers un nouveau venu sur le marché peut être dévastateur. Parfois, sa survie dépend de sa capacité d'obtenir réparation en quelques jours plutôt qu'en quelques semaines ou quelques mois.
Nous comprenons que l'on soit naturellement peu favorable à ce qu'un recours, même provisoire, puisse être possible sans préavis, mais nous croyons cependant qu'une ordonnance provisoire ex parte du Tribunal de la concurrence permet de trouver un juste équilibre entre les divers intérêts.
Nous remarquons que le comité est saisi d'amendements qui permettraient au demandeur qui représente des intérêts privés d'obtenir une mesure de redressement déclaratoire ou injonctive conformément aux articles 75 et 77 de la loi qui portent sur le refus de transiger, la vente liée, et ce genre d'agissements.
Avant de faire des observations sur le fond des amendements, j'aimerais tout d'abord parler du principe de l'accès privé au tribunal, principe qui fait l'objet de nombreux débats. D'autres avant moi ont souligné l'ironie d'avoir un monopole statutaire d'application prévu dans une loi qui a pour objectif de maintenir et d'encourager la concurrence.
Au fil des ans, on a fait un effort plutôt extraordinaire pour faire peur à ceux qui préconisaient l'accès privé au Tribunal de la concurrence. Ceux qui sont contre cette idée disent que cela risquerait de déclencher une avalanche de poursuites non valables en droit contre des entreprises qui ont du succès afin d'obtenir du Tribunal ce qu'ils n'auraient pu obtenir sur le marché. Ils disent que si un tel modèle était adopté, certaines entreprises risqueraient de se retrouver pendant des années aux prises avec des poursuites coûteuses entamées par des avocats qui ne cherchent qu'à faire de l'argent.
Ce qui est remarquable au sujet de cette petite fable, c'est jusqu'à quel point elle a gagné en popularité sur le marché intellectuel des idées de la concurrence. Sauf votre respect, je dirais que les entreprises risquent des poursuites pour toutes sortes de raisons dans le cours normal de leur exploitation. L'ingérence dans les relations contractuelles, la responsabilité par rapport aux produits, des poursuites en délits de contrefaçon, des poursuites de la part des actionnaires pour obliger le conseil d'administration à prendre certaines mesures—la liste est presque interminable pour ce qui est de la façon dont des poursuites peuvent être entamées afin d'obtenir réparation en cas de mauvaise conduite présumée d'une entreprise.
Bon nombre de ces poursuites concernent des questions d'intérêt public pouvant faire intervenir des procédures au niveau de la Commission des valeurs mobilières, du procureur général et des ministères provinciaux de la consommation.
Y a-t-il parfois abus de ces droits de poursuite pour des raisons stratégiques? Absolument. Y a-t-il quelqu'un qui croit que les poursuites et les revendications concurrentes entre les frères McCain ne visaient tout simplement qu'à régler un désaccord familial difficile? Naturellement, il y a des actions frivoles dans les poursuites stratégiques, mais personne ne dit que le droit unique de poursuivre dans n'importe laquelle de ces situations devrait être accordé à un agent public nommé par le gouvernement du jour. C'est parce que nous comprenons la valeur des droits et des droits potentiels que ces recours privés protègent.
• 1525
Nous concevons des systèmes pour décourager l'abus, et nous
adaptons notre droit commercial aux circonstances du marché. Nous
n'excluons pas les préoccupations publiques et privées pour
favoriser uniquement l'initiative bureaucratique.
On a permis que ces recours en matière de concurrence soient mis en quarantaine parce que nous ne nous sommes pas suffisamment préoccupés des ramifications du comportement anticoncurrentiel. Les dépenses juridiques éventuelles ont davantage motivé la politique que le tort éventuel que pourraient subir les consommateurs, les innovateurs et le marché en général, en maintenant un goulot d'étranglement pour l'accès aux recours en matière de concurrence.
Même si ceux qui s'opposent à l'accès privé ont souvent dit qu'ils faisaient confiance au commissaire et que cela est réconfortant, il est intéressant de noter la nature asymétrique de cette confiance. Ces mêmes personnes qui disent ne pas vouloir donner trop de pouvoir au commissaire, par rapport à l'échange d'information avec les États étrangers et l'obtention d'ordonnances provisoires, semblent être tout à fait d'accord pour accorder au commissaire toute la discrétion voulue pour ce qui est d'entamer des recours devant le Tribunal de la concurrence.
Il faut par ailleurs souligner que dans un article qui est paru samedi dans le Globe and Mail concernant un rapport de l'OCDE, on dit que notre bureau manquait d'indépendance et de ressources. L'accès privé aiderait à répondre à ces deux préoccupations.
Par ailleurs, à notre avis, le fait que l'on étende les droits individuels à seulement deux articles qui sont visés par l'amendement n'a rien de très louable. L'abus de position dominante, étant donné que par le passé nous avons toujours encouragé les champions nationaux, demeure une préoccupation importante, particulièrement à la suite de la restructuration récente des marchés monopolistiques. Par ailleurs, nous ne voyons pas pourquoi il faudrait limiter le recours à des mesures déclaratoires et injonctives.
Je suis prêt à répondre à toute question que vous voudriez me poser concernant ces observations.
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Merci beaucoup.
Nous allons maintenant entendre M. Conacher de Démocratie en surveillance.
M. Duff Conacher (coordonnateur, Démocratie en surveillance): Je vous remercie beaucoup de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui devant le comité qui examine le projet de loi C-23.
Démocratie en surveillance a participé au cours des dernières années à des consultations qui avaient été faites à la demande du Bureau de la concurrence et facilitées par les consultations du Forum des politiques publiques sur la Loi sur la concurrence. Nous avons par ailleurs participé aux audiences du Comité de l'industrie.
Je serai bref car de façon générale, nous appuyons les observations qui ont été présentées aujourd'hui par le Centre pour la défense de l'intérêt public et nous appuyons plus particulièrement la création d'un droit du citoyen de poursuivre et de s'adresser directement au Tribunal de la concurrence sans avoir à passer, comme c'est le cas actuellement, par le Bureau de la concurrence.
Nous sommes d'avis que toute partie lésée devrait pouvoir demander une mesure injonctive et des dommages-intérêts à la fois pour les infractions pénales et les pratiques examinables aux termes de la loi.
Par ailleurs, nous sommes d'avis que les pratiques examinables devraient être officiellement interdites plutôt que tout simplement examinables comme elles le sont à l'heure actuelle dans de nombreux cas, par le Tribunal de la concurrence. Pour ce qui est des pénalités, nous sommes d'avis que les dommages-intérêts devraient également être augmentés afin d'inclure spécifiquement les dommages-intérêts punitifs.
Pour ce qui est des violations, nous sommes d'avis que des changements devraient être apportés afin de s'assurer que la fixation des prix et les ententes de partage du marché sont, de façon générale, illégales.
En ce qui concerne les fusions, nous sommes d'avis que le seuil de déclenchement d'une notification préalable devrait être considérablement réduit, en ce qui concerne les parties et le type d'acquisition envisagé, aux termes de la partie IX de la loi.
Par ailleurs, comme nous l'avons fait remarquer lorsque nous avons comparu devant le comité l'an dernier et lorsque nous avons publié notre rapport intitulé «Revolving Doors, The Undue Influence of Corporate Lawyers on the Competition Bureau», nous espérons qu'en renvoyant le projet de loi, le comité, encore une fois, comme il l'a fait dans son rapport de juin 2000, enverra un message clair au Cabinet, plus particulièrement au ministre des Finances, disant que le financement du Bureau de la concurrence devrait être considérablement augmenté pour mettre fin à la pratique selon laquelle on nomme à répétition des avocats provenant de quelques cabinets qui se spécialisent dans le droit corporatif pour aider ou représenter le commissaire dans des causes concernant la Loi sur la concurrence.
• 1530
Le financement devrait être accru de façon à ce que le Bureau
de la concurrence puisse embaucher des avocats qui peuvent
développer des compétences. Ainsi, on pourra mettre fin aux
conflits d'intérêts et aux partis pris avec lesquels on s'est
retrouvé dans plusieurs cas, comme nous le disons dans notre
rapport entre 1986 et 1999, du fait que des avocats de cabinets
privés de l'extérieur travaillaient pour le Bureau.
Lorsque des avocats de société travaillent pour le Bureau de la concurrence, c'est un peu comme si on laissait le renard entrer dans le poulailler. Il faut que le Bureau ait des règles claires et un financement adéquat pour empêcher cet abus continu de l'intérêt public.
Pour revenir à la question principale, c'est-à-dire la création d'un droit de porter plainte directement devant le Tribunal, nous sommes d'avis que les Canadiens devraient avoir le droit de poursuivre ceux qui violent les lois de la concurrence, ce qui permettrait de s'assurer, de concert avec des pouvoirs et des pénalités accrus pour le Bureau et le Tribunal, que les sociétés respectent les règles.
Or, à titre de députés membres de ce comité, vous avez reçu ce projet de loi après l'étape de la première lecture et vous avez la possibilité d'apporter de tels amendements qui, à notre avis, sont tout à fait dans l'intérêt public. Nous espérons que vous saurez résister aux pressions très fortes que vous subissez de la part des lobbyistes des sociétés qui donnent des dizaines de milliers de dollars au Parti libéral et que vous ferez quelque chose pour tous les Canadiens dans ce domaine très important qui est quelque peu obscur.
La plupart des Canadiens ne comprennent sans doute pas exactement à quel point le Bureau de la concurrence est important pour eux, sur le plan de leurs interactions quotidiennes avec les sociétés. Ils le comprendraient si vous citiez les cas où le Bureau de la concurrence—dans de nombreux cas suivant tout simplement ce que la Federal Trade Commission avait fait, ce qui est un symptôme du manque de ressources au Bureau—est intervenu pour mettre fin à l'escroquerie et à d'autres pratiques abusives.
Dans l'abstrait, il est très peu probable que les Canadiens en général comprennent vraiment le rôle que jouent le Bureau et la loi. Nous doutons fort que vous receviez des milliers de lettres de Canadiens pour dire qu'ils considèrent qu'il s'agit d'une question chaude. Cela veut dire que cette question permettra vraiment de voir si le gouvernement fait preuve d'intégrité et est intéressé à maintenir l'intérêt public. Va-t-il agir lorsqu'il sera confronté aux fortes pressions des lobbyistes de société qui s'opposent à l'intérêt public et au droit du public d'avoir accès à la justice? Ne tiendra-t-il tout simplement pas compte de l'intérêt public et va-t-il céder aux pressions des lobbyistes des sociétés?
Nous vous demandons—comme nous vous l'avons demandé à maintes reprises auparavant car bon nombre des questions qui nous intéressent sont du ressort du Comité de l'industrie—d'agir avec intégrité, de maintenir l'intérêt public et de modifier le projet de loi comme nous vous le recommandons aujourd'hui.
Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions. Merci beaucoup.
Le président: Merci beaucoup. Nous allons commencer par Mme Girard-Bujold.
[Français]
Mme Jocelyne Girard-Bujold (Jonquière, BQ): Merci, monsieur le président.
Messieurs, merci d'être venus témoigner. Le témoignage que vient de nous livrer M. Conacher va dans le même sens que celui d'autres témoins qui, eux aussi, se posent présentement beaucoup de questions au sujet des amendements proposés à la Loi sur la concurrence. Je pense que vous êtes venus témoigner afin de souligner le fait que le gouvernement et les législateurs doivent maintenant faire un virage vers l'an 2000. C'est le temps, comme le disait un témoin hier, d'agir et de moderniser cette loi.
Monsieur Janigan, vous dites que vous êtes d'accord sur l'échange de renseignements commerciaux avec des États étrangers afin d'empêcher la concurrence. Vous avez aussi fait une intervention qui touchait le marketing au cours d'une comparution antérieure. Vous avez également dit que vous étiez en faveur de l'accès des citoyens au tribunal.
• 1535
Présentement, il y a beaucoup de
personnes qui sont touchées par cette loi.
Si, demain matin, vous vous trouviez dans le poste d'un
législateur, quels points importants
aimeriez-vous voir, dans
les amendements que les députés proposeraient, qui
feraient en sorte que cette loi ait enfin du mordant et
que le public en général puisse enfin avoir
recours au tribunal
sans passer
par le Bureau de la concurrence? J'aimerais que vous
me donniez des points précis.
Merci.
[Traduction]
Me Michael Janigan: Tout d'abord, là où il semble le plus nécessaire d'apporter des amendements—et le comité a reconnu qu'il allait examiner la question pour voir si des amendements étaient nécessaires—est la question de l'accès privé au Tribunal. Vous êtes saisis d'amendements qui portent sur la capacité d'une partie de s'adresser au Tribunal pour demander des mesures déclaratoires ou injonctives aux termes de deux articles de la loi. L'un porte sur le refus de transiger et l'autre se trouve dans la partie qui porte sur les ventes liées.
Nous ne voyons pas pourquoi il faudrait limiter la capacité d'obtenir des mesures déclaratoires ou injonctives à ces deux articles seulement. Nous aimerions que cela puisse être possible dans les cas d'abus de position dominante, tout au moins, et surtout parce que, comme on le souligne dans l'étude de l'OCDE, ce problème prévaut dans l'économie canadienne et le commissaire n'a vraisemblablement pas les ressources nécessaires pour s'attaquer comme il se doit à ce problème. Par ailleurs, cela fait intervenir d'importantes questions au niveau de la concurrence.
Deuxièmement, nous ne croyons pas non plus que le fait de limiter les recours à des mesures déclaratoires et injonctives soit nécessairement étanche. Nous croyons que les particuliers qui veulent ce recours devraient avoir le droit de réclamer dommages-intérêts et dépens au Tribunal.
Je crois que c'est l'ancien commissaire Wetston ou le professeur Ross qui a dit l'autre jour que nous voyons cela comme faisant partie du processus de maturation de l'économie canadienne. Nous sommes maintenant en mesure de comprendre que si nous voulons effectivement compter davantage sur les forces du marché pour diriger l'économie, nous devons alors nous assurer qu'il y a vraiment une concurrence sur le marché afin de ne pas faire tort aux consommateurs, de permettre aux innovateurs d'aller de l'avant, de réaliser des gains d'efficacité et de ne pas nous retrouver dans une situation où nous avons tout simplement un petit groupe d'intervenants dominants qui exercent leur pouvoir sur un marché déréglementé.
M. Duff Conacher: Je suis tout à fait d'accord avec ce que M. Janigan vient de dire. J'aimerais ajouter que lorsqu'il parle de la maturation de l'économie canadienne, et qu'il cite d'autres témoins, à notre avis il est clair qu'avec la maturation de l'économie canadienne, les sociétés ont acquis du pouvoir sans qu'on accroisse les mécanismes de reddition des comptes. Par conséquent, les sociétés sont de plus en plus en mesure d'abuser de leur position dominante sur le marché. Les mécanismes de reddition de comptes doivent tout simplement accompagner le pouvoir accru. L'obligation de rendre des comptes doit toujours augmenter, sinon avec le pouvoir accru sur le marché sur le plan de la part de marché, il y a également un pouvoir accru d'abuser, et c'est quelque chose qu'il faut contrôler. Manifestement, c'est dans l'intérêt public de le faire.
[Français]
Mme Jocelyne Girard-Bujold: L'un de vous est le représentant de Démocratie en surveillance, alors que l'autre représente le Centre pour la défense de l'intérêt public. Est-ce que vous vous êtes penchés sur l'article 45 de la Loi sur la concurrence, qui porte sur les complots? Vous savez qu'il y a eu, partout au Canada, des hausses exorbitantes du prix de l'essence et que plusieurs personnes ont accusé les pétrolières de collusion. Vous savez également que la loi prévoit présentement qu'il faut avoir des preuves écrites ou orales avant de pouvoir intenter des poursuites contre une compagnie qui pourrait être accusée de complot. Est-ce que vos deux regroupements se sont penchés sur l'article 45?
• 1540
Si vous avez examiné l'article 45, est-ce que vous avez des
suggestions à offrir au
comité quant à des amendements bien précis, par exemple
enlever le mot «indûment», qui pourraient
faire en sorte qu'à l'avenir,
les consommateurs soient vraiment protégés
contre certaines décisions futures que pourraient prendre
les pétrolières dans ce domaine-là?
[Traduction]
M. Duff Conacher: Non, nous n'avons pas eu la capacité d'examiner chacune des dispositions de la loi. Nous n'allons pas prétendre avoir cette capacité, et c'est pourquoi, pour revenir à ce que je disais précédemment, nous demandons aux députés de s'acquitter de leur devoir public et d'agir dans l'intérêt public. Dans ce cas-ci, on a d'une part un groupe de lobbyistes de société très bien financé et très important qui tente d'aller à l'encontre de l'intérêt public et, d'autre part, un manque réel de capacité au sein des groupes de citoyens de réagir dollar pour dollar, lobbyiste pour lobbyiste, don pour don.
Nous espérons donc que grâce aux attachés de recherche de la Bibliothèque du Parlement et à d'autres témoins, notamment des universitaires, vous serez en mesure de répondre dans l'intérêt public.
Me Michael Janigan: Oui, je crains que nous non plus n'ayons pas d'amendements spécifiques à proposer pour rendre cet article plus efficace relativement au méfait dont il est question dans la loi.
À première vue, cela semble être une question qui devrait attirer bien davantage l'attention du Bureau de la concurrence, puisqu'on donne à celui-ci des ressources additionnelles, particulièrement lorsqu'il faut recueillir des éléments de preuve et faire l'analyse du marché. Tout cela demande beaucoup de ressources et le commissaire à la concurrence pourrait certainement faire ce travail si on lui fournissait tout simplement davantage de ressources.
[Français]
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Vous savez sans doute que même le commissaire dit qu'il n'a pas présentement les revenus qu'il lui faut pour répondre aux demandes qui sont adressées à son bureau.
Vous disiez plus tôt, dans votre exposé, qu'il devait embaucher des avocats. Embaucher des avocats indépendants qui opèrent à contrat et qui, par le passé, auraient été accusés de... Est-ce que, dans votre exposé, vous demandez au comité de faire en sorte que l'enveloppe budgétaire du commissaire à la concurrence soit augmentée et de faire en sorte aussi que tous ces petits dossiers-là... Je me dis que ça, c'en est un gros.
Vous avez également dit que cela allait permettre à des petites entreprises de se présenter directement devant le tribunal sans passer par le commissaire à la concurrence. Présentement, il y a beaucoup de PME qui n'ont pas les moyens d'embaucher des avocats parce que cela coûte très cher. Il ne faut pas se le cacher. Aussi, il y a un très grand lobbying qui se fait par les avocats et les grandes pétrolières, les grands de ce monde, quoi. Je peux vous dire comme cela, en passant, que je n'ai jamais été influencée par des lobbyistes. Ces gens-là ne m'influencent pas du tout.
Est-ce que vous seriez prêts à proposer que l'enveloppe budgétaire du commissaire à la concurrence soit elle aussi augmentée?
[Traduction]
Me Michael Janigan: Comme on semble le souligner dans le rapport de l'OCDE—et je me fie ici à ce qu'on a dit dans la presse—et comme le commissaire lui-même l'a reconnu, ils manquent de ressources, et je crois que la plupart des témoins qui ont comparu devant votre comité ont fait des observations à cet effet.
Pour ce qui est de l'article 45, étant donné qu'il s'agit d'une infraction pour laquelle on peut être poursuivi devant les tribunaux, il s'agit alors tout particulièrement de s'assurer que le commissaire à la concurrence dispose de ressources adéquates. Dans l'éventualité où des poursuites privées sont entamées, il pourrait y avoir d'autres types de mécanismes pour recouvrer les coûts, le coût de la poursuite pourrait être considéré dans les amendements. Au départ, il s'agit surtout de s'assurer que le commissaire a les ressources voulues pour préparer ses arguments lors d'une poursuite conformément à ces dispositions sur le complot.
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Merci beaucoup, madame Girard-Bujold.
Je vais maintenant donner la parole à M. McTeague.
M. Dan McTeague (Pickering—Ajax—Uxbridge, Lib.): Tout d'abord, je veux remercier nos invités d'être ici aujourd'hui.
Je vous remercie de vos observations.
Jusqu'à présent, nous avons entendu un certain nombre de témoins sur le projet de loi C-23 et, ce qui est encore plus intéressant, sur la version très limitée que j'ai proposée relativement à l'accès privé. Ce qui était assez surprenant, c'est que bon nombre des intervenants moyens et même plus importants ne sont pas nécessairement contre l'idée.
Ce qui est ironique, c'est que la plupart des témoins plus importants, à qui M. Conacher a fait allusion précédemment, semblent prendre position par procuration. Je dirais, pour vous, que ce qui est proposé serait hors de portée sur le plan financier pour bon nombre de personnes qui pourraient chercher un recours ou tout au moins trouver une autre solution de rechange dans des domaines très limités. Par conséquent, ceux d'entre nous qui défendent les intérêts de la majorité de la population ne leur rendraient pas un service si nous devions adopter ces dispositions qui prévoient une forme limitée d'accès privé.
J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Je trouve plutôt intéressant que certains des particuliers que nous traiterions comme particuliers puissent avoir davantage leur mot à dire et certainement exercer beaucoup plus indûment une influence, pour reprendre les termes de Mme Girard-Bujold, par rapport à ce qui se trouve dans la loi ou à ceux qui la pratiquent, si effectivement ces particuliers parlent au nom de vos organisations.
M. Duff Conacher: Non. Il est très clair qu'ils ne parlent pas au nom de Démocratie en surveillance. Comme je l'ai mentionné, nous pourrions appuyer, au-delà du droit limité, le plein droit de présenter une demande, si on est une partie lésée, tant pour les infractions criminelles que pour les pratiques examinables.
Tout le monde essaie naturellement de prédire l'avenir et de dire ce qui pourrait se produire si un tel droit était créé. Nous préférerions examiner la question d'une autre façon, plutôt que de dire qu'on va ouvrir les portes toutes grandes à des poursuites stratégiques. Nous préférerions plutôt examiner tout simplement ce droit comme principe d'application efficace.
Il est bien reconnu que dans beaucoup de domaines, par exemple en droit environnemental, le fait de créer un droit de poursuivre pour un citoyen ou pour une partie est efficace sur le plan de l'application. Cela est efficace pour s'assurer que les organismes de réglementation du gouvernement agissent également et maintiennent l'intérêt public de façon constante et tiennent compte des cas qui sont dans l'intérêt public, car ils subissent eux-mêmes les pressions des lobbyistes, par exemple.
Cette avenue dans une démocratie évoluée est reconnue comme étant tout à fait nécessaire dans bon nombre de domaines du droit. Cela nous permet de nous assurer que non seulement ceux qui violent les lois ont de bonnes chances d'être tenus responsables mais aussi que les organismes gouvernementaux qui ne font pas respecter la loi de façon uniforme ou qui n'ont pas les ressources pour le faire, étant donné que nous savons très bien qu'ils n'ont pas les ressources pour faire respecter les lois dans tous les cas, sont également tenus responsables. Ou, tout au moins, encore une fois, que les citoyens ont le droit de contourner l'organisme de réglementation et d'établir leurs propres priorités.
Encore une fois, comme nous le disons dans note rapport intitulé Revolving Doors, à l'heure actuelle dans les cas où le Bureau choisit d'aller devant le Tribunal, il ne dispose même pas des ressources internes pour s'en occuper pleinement. Il doit retenir les services d'avocats de l'extérieur, de façon assez régulière, et cela crée toutes sortes de conflits et de partis pris au sein du Bureau et pour ces cas.
Donc, pour ces raisons, il faut à la fois créer un tel droit et accroître le financement du Bureau afin qu'il puisse porter les causes qui l'intéressent devant le Tribunal en tant que gouvernement seulement, sans faire intervenir des intérêts privés de l'extérieur.
Me Michael Janigan: La première chose qu'il faut dire, c'est que ce recours est disponible en plus du recours que le commissaire à la concurrence pourrait faire appliquer. Donc, la présence d'un recours privé n'enlèvera rien à la capacité d'une petite entreprise, par exemple, d'obtenir réparation par rapport à sa capacité de le faire avant cet amendement.
• 1550
Deuxièmement, cela renforce probablement sans le vouloir
l'argument selon lequel le tribunal devrait offrir plus qu'une
mesure déclaratoire et injonctive du fait que s'il était possible
d'obtenir dommages-intérêts et dépens pour compenser les coûts de
ces poursuites potentiellement coûteuses, on aurait peut-être un
recours plus efficace.
M. Dan McTeague: Vous laissez entendre, alors, que les dommages-intérêts pourraient faire partie d'une proposition plutôt que l'affaire soit tout simplement renvoyée devant le Tribunal ou devant la Cour fédérale pour confirmer les dommages-intérêts. Croyez-vous que cela nous donnerait une loi sur la concurrence plus efficace pour soutenir, appuyer et renforcer le processus concurrentiel, si nous avions une telle chose?
Je remarque, par exemple, que le modèle australien prévoit une certaine forme de dommages-intérêts et, manifestement, bien que certains aimeraient dire que ce que nous suivons est le modèle américain, en fait notre système est sans doute plus semblable au modèle australien. Ce modèle semble fonctionner là-bas. Croyez-vous que, sauf pour ceux qui ont un intérêt direct, naturellement, certains pourraient avoir des craintes si l'on s'assurait qu'une petite entreprise ou tout type d'entreprise qui est lésée par des pratiques non concurrentielles puisse recouvrer certaines de ces pertes étant donné le manque de surveillance?
Me Michael Janigan: Je pense, selon l'expérience en général avec les tribunaux spécialisés, que ces derniers sont beaucoup plus réceptifs et habitués au genre d'éléments de preuve qui peuvent être apportés pour obtenir des dommages-intérêts ou toute autre réparation. J'ai beaucoup de respect pour les juges de la Cour fédérale, mais ils n'ont pas tous ce même genre d'expérience en droit de la concurrence, droit des affaires ou droit commercial, relativement aux dommages-intérêts, que le Tribunal pourrait offrir avec ses connaissances spécialisées.
Donc, de façon générale, je pense qu'il est préférable d'avoir un recours établi par le Tribunal qui est le mieux à même de s'en occuper.
M. Dan McTeague: Monsieur Conacher, aviez-vous quelque chose à dire à ce sujet?
J'ai quelques questions concernant les ressources.
Au fait, monsieur le greffier, pourriez-vous également fournir à nos témoins des exemplaires des changements que j'ai apportés, des amendements que j'ai proposés, à moins que ces documents aient été automatiquement fournis aux témoins?
Les témoins ne sont peut-être pas au courant du fait que, grâce aux efforts de notre comité, le Bureau de la concurrence a effectivement vu son budget augmenter.
Êtes-vous d'avis que le rôle du Bureau de la concurrence devrait se limiter aux enquêtes et à l'application dans le domaine qui suscite la plus grande préoccupation dans le public, notamment l'abus de position dominante, les fusions, l'examen des fusions, les complots, si nous pouvions mettre à part les questions moins importantes qui ne se retrouvent pas à la une des journaux ou qui, en soi, ne créent pas nécessairement une préoccupation générale pour ce qui est de réduire considérablement la concurrence? Devrions-nous viser autre chose, quelque chose qui va au-delà des amendements que je propose, ou êtes-vous d'avis que mes amendements, comme nous l'a laissé entendre ici Howard Wetston hier, devraient être assujettis tout simplement à un examen quinquennal? Notre comité devrait-il aller plus loin en ce qui a trait au projet de loi C-23?
M. Duff Conacher: En ce qui concerne le droit privé d'action?
M. Dan McTeague: Oui, dans le contexte du projet de loi C-23.
M. Duff Conacher: Bien.
Encore une fois, je crois qu'il devrait être plus vaste et qu'il devrait s'appliquer à la fois aux infractions criminelles et aux pratiques examinables. Naturellement, vous pourriez décider de procéder plus lentement et comme première étape, d'accorder un droit privé d'action, et nous sommes fermement convaincus que la plupart des lois fédérales devraient faire l'objet d'un examen quinquennal obligatoire. Étant donné la rapidité avec laquelle le marché évolue, mais plus particulièrement dans ce domaine, avec les amalgamations dans bon nombre de secteurs, il est particulièrement important d'examiner les droits et les responsabilités aux termes d'une telle loi d'une façon régulière. Cependant, en règle générale, nous croyons que le droit de porter directement une cause devant le Tribunal pour un particulier devrait être aussi vaste que possible.
Me Michael Janigan: Je pense que nous serions également d'accord pour dire que toute une gamme de recours devraient être offerts, et particulièrement si on parle d'un examen après une période de cinq ans, il serait bon que le Tribunal acquière de l'expérience dans ces domaines, particulièrement ceux concernant le droit privé d'action. Par ailleurs, le droit privé d'action devrait s'étendre tout au moins aux questions liées à l'abus d'une position dominante sur le marché.
M. Dan McTeague: Merci, monsieur le président.
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Merci, monsieur McTeague. Nous reviendrons à vous.
Monsieur Martin.
M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Je vous remercie de l'occasion que vous me donnez de me familiariser avec le projet de loi C-23. C'est un domaine relativement nouveau pour moi et j'apprends donc beaucoup des groupes qui viennent témoigner.
Lors de la dernière séance, quelqu'un—Thomas Ross, je crois—expliquait qu'ou bien on adopte un règlement pour garantir l'équité dans le secteur ou on laisse la concurrence s'en charger. Or, de plus en plus de citoyens sentent que les lois de la concurrence ne les ont pas servis.
Des gens réclament que l'on régule à nouveau les secteurs déréglementés pour établir l'équité. L'État de la Californie en est un bon exemple. Il a beau être un bastion de la libre entreprise, son secteur de l'électricité est en crise et il se précipite pour le réguler à nouveau parce que le libre jeu de la concurrence a échoué.
C'est ce qui illustre pour moi l'importance de l'examen des deux dernières années, les discussions publiques des grandes orientations détaillées ici.
J'aimerais développer ma pensée sur une ou deux choses.
Tout d'abord, en ce qui concerne l'idée de permettre aux particuliers de déposer une plainte en vertu des articles 75 et 77, qui portent sur les accords d'exclusivité, les ventes liées, etc., un témoin a indiqué ici que le Canada devient un refuge d'escrocs. On lui a demandé de nous communiquer des renseignements qui justifiaient ses propos. Il a révélé qu'en l'an 2000, 613 plaintes avaient été adressées à la Direction des affaires civiles; 74 en vertu de l'article 75 et 47 en vertu de l'article 77. Aucune d'entre elles n'a été transmise au Tribunal. Sur les 613 plaintes déposées—et sur les quelque 120 en vertu des articles 75 et 77—aucune n'a été transmise au Tribunal.
Est-ce que les amendements que vous recommandez concernant l'accès par les particuliers contribueront à améliorer ce chiffre alarmant? Si cela devait entraîner une augmentation massive du nombre d'affaires faisant l'objet d'une audience, comment peut-on s'assurer que cela ne devienne pas une véritable industrie comme c'est le cas, comme certains le disent, aux États-Unis? Quand vous touchez trois fois la valeur du préjudice subi, on devient de plus en plus litigieux.
Vous êtes d'ailleurs en très bonne compagnie; il y a toute une liste d'organisations comme les vôtres. Ce que vous recommandez toutes les deux à propos de l'accès réservé aux particuliers—ou l'amendement proposé—est-ce que cela va produire les résultats souhaités? Quels mécanismes mettriez-vous en place pour vous assurer que cela ne donne pas lieu à une avalanche de plaintes?
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Monsieur Janigan.
Me Michael Janigan: Je vais essayer de répondre à certains points.
En ce qui concerne les plaintes en vertu des articles 75 et 77, si celles-ci sont des affaires d'escroquerie, il semble que dès que la police intervient, les escrocs plient bagage. Si ces plaintes concernaient des escrocs de ce genre, cela ne m'étonne pas vraiment que le Tribunal ne soit pas intervenu. Il ne vous reste sans doute rien d'autre qu'un bureau ou une chaufferie vide où les infractions de télémarketing ont eu lieu. Le nombre va augmenter quand le Bureau de la concurrence est à court de ressources pour suivre l'affaire ou si l'escroc a beaucoup à gagner.
• 1600
En ce qui concerne les abus possibles, le Tribunal de la
concurrence dispose des mêmes moyens que les autres tribunaux, pour
faire échec aux procédures futiles ou vexatoires: octroi de dépens,
récusation péremptoire, ordonnance d'étayer la plainte. Le Tribunal
de la concurrence dispose de tous ces moyens.
Moi, l'idée d'un système à l'américaine m'effraie moins que d'autres. Les États-Unis ne se sont pas décidés un beau jour au début du siècle de faire un cadeau aux avocats et de les autoriser à toucher trois fois les dommages-intérêts parce que les avocats sont des chics types. La cote d'amour des avocats au début du siècle est la même qu'aujourd'hui. S'ils ont agi ainsi, c'est qu'ils estimaient que les entreprises et les trusts de l'époque méritaient une correction et qu'il ne fallait pas forcément compter sur l'État pour s'en charger. C'est pourquoi ils ont investi autant dans leur législation antitrust et l'ont rendue accessible. Cela a eu des conséquences importantes aux États-Unis.
Le Canada n'a peut-être pas besoin de ce genre de lois, mais si les Américains l'ont fait, c'est qu'ils avaient fermement confiance aux lois de la concurrence. Ils y croient beaucoup plus passionnément que les Canadiens. Au Canada, on s'est toujours beaucoup plus attendu que l'État s'associe avec l'entreprise privée pour régler les problèmes. C'est un trait de notre économie. Nous nous sommes toujours moins fiés aux lois du marché ou à l'idée que le marché devait être loyal pour pouvoir intervenir.
Aujourd'hui, le consommateur doit compter sur les forces du marché pour régler le problème. Il faut donc bien s'assurer que le marché est concurrentiel. Il ne faut pas pour autant éviter de lui imposer des règles. Cela ne signifie pas par exemple qu'il ne devrait pas y avoir une loi sur les pratiques loyales des affaires ou des normes de santé et de sécurité. L'État doit continuer de les appliquer. Mais en plus, il faut s'assurer que là où nous avons déclaré que le marché concurrentiel est capable de livrer la marchandise, il y a bien un marché concurrentiel.
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Merci, monsieur Martin.
Monsieur St. Denis.
M. Duff Conacher: J'aimerais ajouter brièvement quelque chose. Je ne vais pas répéter ce que M. Janigan a dit, parce qu'en général je suis d'accord avec lui. Mais nous voyons les choses de cette façon-ci. Si vous faites du tort à une entreprise, jusqu'où celle-ci peut-elle aller dans sa riposte? Si elle vous fait du tort, pourquoi est-ce que ce ne serait pas la même chose, si vous croyez dans le marché? Le marché n'est-il libre que pour les vendeurs et les grosses entreprises dominantes qui poussent les prix et les services dans la direction qui leur plaît ou est-ce que cela vaut aussi pour le consommateur? Nous estimons, nous, que la création de ces droits crée un authentique libre marché, et non seulement un marché pseudo-libre uniquement à la disposition de ceux qui détiennent le pouvoir. C'est pourquoi ce genre de droits—qui reposent sur le principe de la démocratie et de la loyauté ainsi que les droits et responsabilités qui servent l'intérêt public—doivent être créés en s'inspirant de ces principes de base.
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Merci.
Aviez-vous d'autres questions, monsieur Martin?
M. Pat Martin: Est-ce qu'il me reste du temps?
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Eh bien, nous...
M. Pat Martin: Ça va, j'attendrai le prochain tour.
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Non, allez-y. Vous êtes bien parti.
M. Pat Martin: Très bien, magnifique. Ça va m'aider. Merci.
Avant de vous poser une autre question, il vous intéressera de savoir que quand j'ai dit qu'en l'an 2000 il y avait eu 74 plaintes en vertu des articles 75 et 47 en vertu de l'article 77, à peine 10 ont fait l'objet d'une enquête. De celles-là, trois ont été réglées par un autre moyen et aucune n'a été transmise au Tribunal. Je peux vous en donner une copie si cela vous intéresse.
• 1605
Je suis aussi curieux à propos des dommages-intérêts. Si on
permet à la population de recourir à un mécanisme pour régler une
plainte, comment mesure-t-on le préjudice réellement subi par la
personne? Il est facile de calculer le tort subi par une entreprise
qui estime avoir été évincée du marché d'une manière ou d'une
autre. Elle peut alléguer une occasion manquée. Cela se calcule
même si c'est approximatif. Pour un particulier, comment... Je ne
suis pas avocat, mais pour gagner sa cause, il faut montrer qu'un
préjudice a été subi. Quel est le préjudice du particulier, hormis
le fait qu'il y a eu atteinte à ses droits démocratiques? Comment
calcule-t-on ce préjudice?
M. Duff Conacher: C'est assurément une question épineuse, mais c'est aussi pourquoi nous recommandons des dommages-intérêts punitifs qui incitent au respect de la loi. Les dommages-intérêts devraient aller jusque-là.
C'est essentiel. Vous avez rappelé tout à l'heure que nous avons connu une période de déréglementation et que les gens commencent à en voir les effets. Je ne pense pas que nous étions en période de déréglementation. Même si des règlements ont été pris, je pense que dans la plupart des cas, comme dans celui de la concurrence, il manquait un élément essentiel au régime—un vice de fond qui a invalidé tout le régime.
Il manque des règles claires et fermes—sans lacunes ou vices de forme qui permettent de vous dérober—et un organisme indépendant qui appliquera ces règles; l'obligation de révéler ce que vous faites pour repérer les problèmes; et des sanctions qui fassent mal au portefeuille de l'entreprise. Les sanctions ne sont pas assez lourdes au Canada. C'est pourquoi nous recommandons des dommages-intérêts punitifs parce que les régulateurs canadiens ne se rendent pas compte que les entreprises prennent des décisions basées sur leurs résultats financiers. Si la sanction et le risque d'être condamné ne suffisent pas à entamer ses résultats, il y a peu de chances que l'entreprise marche droit. La dernière chose qui manque, c'est le droit du citoyen d'intenter une poursuite.
Dans la plupart des secteurs réglementés vous constaterez qu'un de ces cinq éléments manque. Il s'ensuit que le régime est inefficace parce qu'il y a plus d'arguments qui poussent à enfreindre la loi qu'il n'y en a qui poussent à la respecter.
Je ne pense donc pas que nous ayons jamais connu de période de réglementation. J'espère qu'on va enfin y venir, parce qu'il faut s'assurer que le marché fonctionne loyalement. Cela s'applique aussi aux pouvoirs publics. L'administration n'est pas assujettie à une réglementation interne qui l'oblige à défendre l'intérêt public. J'attends donc que commence cette ère de la réglementation.
Me Michael Janigan: Brièvement, je ne sais pas si je peux donner ici un atelier sur les dommages-intérêts, mais d'après mes souvenirs, l'entreprise doit avoir un espoir raisonnable de tirer un profit. Il faut se reporter au texte de loi pour voir si c'était une cause probable du préjudice, sans égard à la question de savoir si cette cause est trop éloignée pour avoir eu un effet sur les profits. Un ensemble de questions doit être examiné.
C'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles les États-Unis ont adopté un système de triplement des dommages- intérêts, parce qu'il était difficile d'appliquer le régime des dommages-intérêts et de les observer, et qu'il n'était donc pas possible souvent de mesurer l'ampleur du tort causé par le comportement anticoncurrentiel.
C'est pourquoi je dis qu'un tribunal spécialisé, comme le Tribunal de la concurrence, est sans doute le mieux placé pour trancher ce genre de litiges car, avec le temps, il acquerra l'expérience nécessaire.
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Merci beaucoup.
Monsieur Bagnell.
M. Larry Bagnell (Yukon, Lib.): Merci. Je veux d'abord dire publiquement que, contrairement à un de mes collègues, je ne suis pas un chaud partisan de la réglementation. Il vaut mieux régler le problème au départ. En effet, les Canadiens ont vu les prix de l'électricité et du téléphone monter de 20, 30 ou 40 p. 100 alors que l'inflation n'est que de 2 p. 100. Même si c'est difficile, je trouve qu'il faudrait essayer de faire marcher la concurrence. Bien sûr, c'est difficile. Nous avons ce projet de loi et nous essayons de corriger la situation.
• 1610
Pendant des années, je me suis battu contre l'environnement
non concurrentiel dans lequel évoluent les grosses entreprises et
mes collègues des deux côtés en ont abondamment parlé.
J'ai été découragé il y a quelques années quand—et je demande votre avis ici—quelqu'un dans une des industries les plus petites, une où il y a une prolifération de points de service, m'a dit qu'il subissait les pressions de son entourage ou de ses pairs pour qu'il n'abaisse pas les prix. Si c'est généralisé, avez-vous des suggestions à faire sur la manière d'éviter ce genre de situation dans la petite entreprise? Je suis certain que vous traitez avec beaucoup de petites entreprises. Pensez-vous que ça existe ou avez-vous des suggestions sur ce que nous pourrions faire? Il s'agit peut-être seulement de changer les attitudes et les valeurs, je ne sais pas. En tout cas, ça va à l'encontre de ce qu'on essaie de faire ici, instaurer la libre concurrence et un marché libre pour que chacun obtienne le meilleur prix et que les entreprises veillent au grain.
Me Michael Janigan: Cela tient sans doute aux ressources que l'on consacre à régler le problème. Souvent, le Bureau de la concurrence a du mal à déterminer le comportement de l'industrie. Comment sait-il s'il s'agit de ce qu'on appelle le parallélisme inconscient dans le cas des prix ou si un prix donné est effectivement basé sur un accord tacite ou non de maintenir les prix à un certain niveau, enlevant ainsi aux consommateurs les avantages d'un marché concurrentiel? C'est le genre d'analyse que ne pourrait sans doute faire qu'un bureau de la concurrence doté de suffisamment de moyens pour réaliser les enquêtes approfondies nécessaires.
M. Duff Conacher: J'aimerais bien avoir d'autres idées, mais je pense que ces changements et plus de moyens contribueront à résoudre une quantité de problèmes qui existent actuellement.
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Merci, monsieur Bagnell.
Monsieur Rajotte, avez-vous des questions? Madame Girard- Bujold? Pas d'autres questions?
Je tiens à remercier les témoins d'être venus cet après-midi et de nous avoir communiqué ces renseignements. Je vous remercie également d'avoir répondu à nos questions.
Nous allons suspendre la séance pendant deux minutes après quoi nous allons tenir la deuxième séance.
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Veuillez reprendre vos places.
Il y a bel et bien un vote. Nous allons donc être interrompus par le timbre. Avec un peu de chance, la séance sera terminée avant que le timbre se fasse entendre.
Commençons. Passons à l'ordre du jour. Nous entendrons André Piché et Stéphane Robichaud de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. André, je crois savoir que c'est vous qui allez commencer. Merci.
M. André Piché (analyste principal des politiques, Affaires nationales, Fédération canadienne de l'entreprise indépendante): Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je m'appelle André Piché. J'appartiens à la FCEI et je vous présente mon collègue, Stéphane Robichaud, directeur, Affaires provinciales, Nouveau-Brunswick et Île-du-Prince-Édouard.
Au nom des 100 000 propriétaires de petites et moyennes entreprises au Canada qui sont membres de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, nous remercions le comité de nous avoir invités aujourd'hui afin de discuter des modifications proposées à la Loi sur la concurrence.
Le projet de loi C-23 revêt une importance primordiale pour nos membres. En fait, nous avions espéré au départ vous présenter aujourd'hui la perspective du Canada Atlantique et, le 30 octobre, une perspective nationale. Cependant, en raison des événements récents aux États-Unis et au Canada, le comité a décidé d'entreprendre, à compter de la semaine prochaine, un examen urgent de l'économie canadienne. Nous l'en félicitons et nous participerons également avec plaisir à ces audiences.
Catherine Swift, notre présidente, et Garth White, notre premier vice-président des Affaires nationales, vous présenteront, mardi prochain, des données sur les attentes de nos membres quant à leur entreprise et à la création d'emplois pour le reste de cette année et de l'année prochaine à la suite des événements du 11 septembre.
L'objectif de notre présentation d'aujourd'hui comporte trois volets. D'abord, nous voulons parler brièvement du rôle que jouent les PME dans l'économie canadienne, deuxièmement, nous allons présenter certaines des préoccupations de longue date de nos membres quant à la Loi sur la concurrence, troisièmement, nous allons préciser les raisons majeures pour lesquelles nous appuyons pleinement le projet de loi C-23.
[Français]
Comme vous le savez probablement, la plupart des entreprises au Canada sont très petites. Il y a environ un million d'entreprises canadiennes. Plus des trois quarts d'entre elles emploient cinq personnes ou moins et plus de 97 p. 100 des entreprises comptent moins de 50 employés. Comme l'indique notre graphique 2, la part de l'emploi total des PME ne cesse d'augmenter depuis quelques années. Comme vous le remarquerez, les PME représentaient 56 p. 100 de l'emploi total en 1998, comparativement à 53 p. 100 en 1990.
• 1620
Les petites entreprises créent la majorité des
nouveaux emplois et sont le moteur économique
des communautés locales. Un récent sondage de la FCEI,
intitulé Bâtir une meilleure communauté, révèle que
les propriétaires des petites entreprises ont un esprit
d'entreprise très fort et sont très loyaux à l'égard de
leur communauté.
Plus de la moitié des propriétaires d'entreprises
interrogés disent qu'ils sont partis de rien avec leur
entreprise. Les autres ont repris l'entreprise
familiale, ont acheté une entreprise existante ou ont
fondé une entreprise dérivée.
Quand on leur a demandé s'ils envisageaient de
déménager leur entreprise, sept répondants sur dix ont
dit ne pas prévoir de déménagement au cours des trois
prochaines années. Près de la totalité de ceux qui
prévoient déménager ont dit qu'ils resteront dans les
limites de la ville ou qu'ils iront dans une
municipalité voisine.
Non seulement les PME jouent un rôle majeur dans la création d'emploi et la croissance économique, mais elles contribuent grandement au bien-être de leur collectivité. Cependant, pour bien jouer leur rôle, les PME requièrent non seulement des règles de concurrence justes, mais aussi un processus juste et efficace de réparation.
[Traduction]
Le but convenu de la Loi sur la concurrence consiste à maintenir et à encourager la concurrence au Canada afin de promouvoir l'efficience et l'adaptabilité de l'économie canadienne, dans le but d'assurer notamment que:
-
la petite et la moyenne entreprise a une chance honnête de
participer à l'économie canadienne, de même que d'assurer aux
consommateurs des prix compétitifs et un choix dans les produits.
La FCEI demande depuis des années l'examen de la Loi sur la concurrence afin de remédier à son incapacité apparente d'atteindre le but visé, c'est-à-dire appliquer des règles de concurrence justes sans nuire à la nature dynamique de l'économie canadienne. De plus, ces dernières années, l'industrie et des groupes de consommateurs se sont adressés aux gouvernements provinciaux pour obtenir de l'aide en raison du manque d'efficacité de la Loi sur la concurrence. La FCEI a fait plusieurs présentations à des commissions d'enquête sur la question du prix de l'essence mises en place par les gouvernements du Québec et du Nouveau-Brunswick.
En 1999, la FCEI a mené un sondage auprès de ses membres de tout le Canada pour déterminer si le gouvernement fédéral devait ou non renforcer la Loi sur la concurrence. Sur les 8 700 répondants ayant une opinion, 64,3 p. 100 ont dit oui et 35,7 p. 100 ont dit non.
Vous vous souvenez peut-être que la FCEI a écrit à ce comité en avril 1999 pour faire part de son soutien au projet de loi C-235, parrainé par le député Dan McTeague, qui visait à renforcer les dispositions de la Loi sur l'établissement de prix abusifs. Nous félicitons le comité pour la décision prise à l'époque d'examiner la Loi sur la concurrence et sa mise en application.
Par la suite, le Bureau de la concurrence a commandé une série d'études. Dans un rapport sur l'efficacité de la Loi sur la concurrence et la performance du Bureau, le rapport VanDuzer, les auteurs font remarquer que sur une période de cinq ans, le Bureau de la concurrence a reçu 931 plaintes sur de supposées pratiques d'établissement de prix injustes, mais que très peu ont fait l'objet d'une enquête officielle et qu'un nombre encore moindre ont fait l'objet d'un litige. En fait, pour les 931 plaintes, il y a eu trois procédures officielles d'application.
Il est impossible de déterminer combien d'entreprises ont préféré ne pas déposer de plainte auprès du Bureau de la concurrence, estimant que c'était une perte de temps ou par crainte de représailles de la part des concurrents visés. Cependant, selon les informations recueillies par la FCEI au fil des ans, c'est un problème sérieux.
Le rapport VanDuzer met également en lumière la nécessité d'une plus grande jurisprudence. Les auteurs indiquent qu'un nombre minimal de procédures officielles d'application est essentiel si l'on veut que le secteur privé accorde une certaine crédibilité au Bureau de la concurrence et soit donc incité à respecter la loi. Les auteurs précisent que:
-
L'absence relative de procédures officielles d'application soulève
plusieurs préoccupations concernant la clarté et, en fin de compte,
l'efficacité de la loi. Des procédures d'application obligeraient
les cours et les tribunaux à peaufiner progressivement la loi, en
clarifiant son application et en soulignant la volonté du Bureau de
l'appliquer.
M. Stéphane Robichaud (directeur, Affaires provinciales, Nouveau-Brunswick et l'Île-du-Prince-Édouard, Fédération canadienne de l'entreprise indépendante): Lors des consultations tenues en août 2000 sur les modifications possibles à la Loi sur la concurrence, la FCEI a fourni de nombreux exemples de cas flagrants de concurrence injuste menaçant la survie de nombreuses petites entreprises. Parmi les exemples cités, on compte:
Des stations d'essence indépendantes au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse ont dû injecter des capitaux considérables dans leur entreprise uniquement pour supporter les conséquences de la diminution de leur marge bénéficiaire due aux prix imposés par les grossistes.
Des vitriers d'automobile indépendants avaient à rechercher un numéro de facture d'un concurrent national avant de commencer à travailler sur une réclamation d'assurance. Ils devaient ensuite transmettre leur facture au concurrent, qui la réduisait de jusqu'à 40 p. 100 avant de l'envoyer à la compagnie d'assurances. Le chèque était émis au concurrent, qui prélevait des frais administratifs de 15 $ pour ensuite payer la facture du vitrier.
Une chaîne d'épicerie dans la vallée d'Annapolis en Nouvelle-Écosse a fait faillite en raison de l'établissement de prix abusifs. Cette chaîne a dû fermer ses portes en raison des prix abusifs et du contrôle du marché de gros par les deux plus grosses chaînes de supermarchés de la région. Ce type de pression a aussi touché d'autres petites chaînes d'épicerie, notamment Capitol Stores dans la région de Halifax.
Les serristes de la Nouvelle-Écosse ont fourni des exemples d'intimidation et de dumping de la part de détaillants locaux dominants, ce qui a entraîné la diminution du nombre de serristes de 16, il y a cinq ans, à sept, en juin de cette année dans cette province. Par exemple, un important producteur de l'Ontario doit livrer 100 tonnes de tomates au marché de Boston. Dans le but d'assurer la qualité du produit, il produit 120 tonnes, et offre les 20 tonnes restantes à un prix abusif en Nouvelle-Écosse.
Récemment, la FCEI a travaillé sur une affaire soumise au Bureau de la concurrence quant à l'acquisition de Multi-Marque par Canada-Bread. S'il n'y avait pas eu d'intervention, cette transaction aurait permis à cette société de contrôler 90 p. 100 du marché au Canada atlantique, les 10 p. 100 restants étant partagés entre divers petits joueurs. Après un examen approfondi par le Bureau de la concurrence, des parts de marché ont été cédées aux autres joueurs et une concurrence minimale a été maintenue.
En ce moment même, des fabricants étrangers d'équipement d'impression tentent d'étouffer les petites et moyennes entreprises canadiennes qui remettent à neuf des fournitures d'impression comme des rubans, des cartouches de toner et des cartouches d'encre. Ces PME ont créé 5 000 emplois directs et indirects au Canada et ont permis de recycler 3 200 tonnes de plastique et de métal l'année dernière.
Le Bureau de la concurrence dispose de ressources limitées, comme l'a rappelé le commissaire lors de sa présentation au comité, et il doit traiter les questions d'importance nationale en priorité, par exemple les fusions proposées dans le secteur bancaire et l'industrie aérienne. Il faut donc établir d'autres façons pour les PME de se faire entendre.
Pour ce qui est de la position de la FCEI sur le projet de loi C-23, nous croyons que les modifications proposées sont un pas dans la bonne direction, alors que l'on cherche à améliorer l'équité et l'efficacité de la Loi sur la concurrence. En ce qui a trait au droit d'accès privé, nous sommes très favorables à la proposition, pour les raisons suivantes:
Cette modification profitera à la fois aux petites et aux grandes entreprises, car elle aidera à clarifier certains aspects de la loi. Comme nous l'avons mentionné plus tôt, la jurisprudence sur les pratiques sujettes à révision en vertu de la Loi sur la concurrence est minimale. L'accès privé remédiera en partie à ce problème, comme ce fut le cas en Australie, aux États-Unis et en Nouvelle-Zélande quand l'accès privé a été permis.
Nous pensons que les mesures proposées pour éviter les litiges stratégiques empêcheront les abus potentiels, car les recours utilisés par les tribunaux prendront la forme d'une injonction, et non pas celle de dommages pécuniaires et de l'allocation des dépens.
Nous sommes convaincus que toute petite ou moyenne entreprise dont la survie est menacée par un concurrent déloyal devrait avoir le droit de riposter et de se faire entendre, et sommes ravis de voir que cela semble également être l'avis du commissaire à la concurrence et de son prédécesseur.
• 1630
Enfin, en ce qui a trait au consensus nécessaire pour accorder
le droit d'accès privé, nous estimons respectueusement qu'il existe
déjà une base solide de support en faveur de la modification
proposée. Comme vous l'avez certainement remarqué lors des
audiences, pratiquement toutes les petites et moyennes entreprises
sont en faveur de cette modification, alors que quelques grosses
sociétés s'y opposent.
Compte tenu de la prédominance des petites et moyennes entreprises au Canada comparativement aux grosses sociétés, nous croyons qu'il existe un appui très solide en faveur d'une modification à la loi.
Le fait de ne pas aller de l'avant avec cette modification équivaudrait à accorder à quelques grosses sociétés un droit de veto sur les changements qui sont dans l'intérêt public.
Nous tenons à remercier les membres du comité pour le travail accompli ces deux dernières années relativement à la Loi sur la concurrence. Nous pensons que ce projet de loi vous permettra d'apporter des modifications considérables à l'équité de la Loi sur la concurrence et nous vous pressons d'y accorder votre plein appui.
Merci.
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Merci beaucoup.
Nous allons maintenant entendre les représentants de l'Institut canadien des produits pétroliers, M. Alain Perez, président, et M. Tom Ryley, vice-président exécutif chez Sunoco.
Monsieur Perez, je vous laisse la parole.
M. Alain Perez (président, Institut canadien des produits pétroliers): Merci, monsieur le président.
Nous sommes très heureux d'avoir reçu cette invitation à venir discuter du projet de loi C-23 et à partager nos idées sur le concept d'accès privé. Je me nomme Alain Perez et je suis président de l'Institut canadien des produits pétroliers, l'ICPP. Mon collègue, Tom Ryley, est vice-président exécutif de Sunoco et membre du conseil d'administration de l'ICPP.
Comme vous le savez, l'ICPP représente les sociétés de raffinage et de commercialisation des produits pétroliers. Je joins à mon mémoire une liste de nos membres. Comme ni Tom ni moi ne sommes avocats, nous tenterons plutôt d'exposer à votre comité une perspective du monde des affaires face à ces questions.
En ce qui a trait au projet de loi C-23 lui-même, l'ICPP a participé activement au Forum des politiques publiques. Dans le cadre de ce forum, nous nous sommes ralliés, ou opposés, à plusieurs modifications éventuelles de la Loi sur la concurrence, mais en règle générale, nous sommes aujourd'hui généralement en faveur du projet de loi tel que présenté initialement à la Chambre des communes.
La Loi sur la concurrence est une loi cadre. Il s'agit du plus important élément de toutes les mesures législatives qui régissent notre industrie et nous respectons scrupuleusement tant la lettre que l'esprit de cette loi. Elle offre aux Canadiens le cadre réglementaire dont ils ont besoin pour que le marché demeure hautement compétitif et nous voyons d'un bon oeil toute modification à la loi qui viserait à protéger les consommateurs et à stimuler la concurrence.
J'aimerais maintenant aborder la question de l'accès privé. Du point de vue philosophique, notre industrie ne s'oppose pas à l'accès privé.
Pour paraphraser le commissaire du Bureau de la concurrence quand il a comparu devant vous, il existe sûrement certaines questions d'ordre privé qui permettraient de donner le droit aux parties de s'adresser directement à une cour de justice. Aussi, comme l'a dit M. von Finckenstein, il faut voir l'accès privé comme un moyen supplémentaire venant s'ajouter aux recours dont dispose le Bureau de la concurrence.
Nous sommes d'accord avec lui mais tenons à ajouter que, conséquemment, l'accès privé ne doit pas affaiblir les responsabilités essentielles qui incombent au Bureau de la concurrence, peu importent les ressources qu'il faudra déployer pour leur application. La mission du Bureau consiste à protéger la concurrence et l'intérêt public.
D'abord et avant tout, l'accès privé, même si on le considère comme une procédure équitable et pratique, ne doit pas être utilisé dans le but de fausser le marché, de réduire la concurrence ou encore comme outil de promotion d'intérêts privés. Se fondant sur ces réalités, notre industrie, sans s'opposer au principe de l'accès privé, demeure inquiète, et permettez-moi de vous dire pourquoi.
Nous devons cependant préciser que nous ne sommes pas inquiets de la possibilité de voir l'accès privé devenir, pour les entreprises définies comme petites et moyennes, un outil favorisant les poursuites stratégiques.
Dans notre cas, les PME sont nos clients. Ce sont des détaillants indépendants et des distributeurs, petits et gros, et nous entretenons avec eux des relations commerciales qui durent depuis plusieurs dizaines d'années.
Je sais que certains d'entre eux sont en faveur de l'accès privé, mais je sais aussi que plusieurs autres entrepreneurs indépendants, dont des membres de l'ICPP, voient l'accès privé tel qu'on le définit dans le projet de loi C-472 comme non pertinent en ce qui a trait aux relations qu'ils entretiennent avec les entreprises de raffinage.
• 1635
Au contraire, nous craignons que certaines entités
commerciales de grande envergure—par exemple, une entreprise
américaine de vente au détail—se servent de dispositions que
prévoit l'accès privé dans le but de défendre leurs propres
intérêts. Dit simplement, elles pourraient avoir recours aux
poursuites stratégiques comme moyen de réaliser leurs objectifs
commerciaux comme, par exemple, de pénétrer rapidement le marché
canadien.
Reportons-nous maintenant aux responsabilités essentielles qui incombent au Bureau de la concurrence. Nous croyons que, dans le type de litige décrit plus haut, même si les parties concernées ont toutes les ressources juridiques et financières pour s'affronter en cour, le Bureau de la concurrence conserve néanmoins la responsabilité d'analyser les raisons du litige et de formuler des recommandations qui tiendront compte des intérêts des consommateurs et des moyens à privilégier pour maintenir la concurrence. J'aimerais également ajouter qu'un seul de ces litiges privés pourrait avoir des répercussions sur le marché plus importantes que plusieurs des fusions sur lesquelles le Bureau se penche régulièrement. Maintenant, comment nous assurer que seuls les litiges privés sérieux se retrouveront devant le Tribunal et comment réduire le risque de poursuites stratégiques?
D'abord, nous tenons à dire avec tout le respect que nous vous devons que cette question est si sérieuse que tout processus visant à établir un large consensus—et ici, je répète les objectifs du commissaire—ne doit pas être nécessairement lié à l'adoption du projet de loi C-23. Le Bureau et des groupes d'intérêts examinent d'ailleurs en ce moment d'autres modifications à la loi qui sont d'une importance primordiale pour tous. La question de l'accès privé est suffisamment importante pour faire partie de la prochaine ronde de consultations.
Permettez-moi de vous faire part des exigences que nous croyons essentielles pour faire de l'accès privé un outil efficace qui viendrait s'ajouter au rôle du Bureau, servirait l'intérêt public et bénéficierait d'un large consensus.
Nous croyons qu'il faut s'assurer que l'accès privé ne s'applique qu'aux dispositions des articles 75 et 77. Tel que proposé par le commissaire, ces parties touchent souvent des questions qui opposent deux entreprises, généralement un fournisseur et un distributeur... et sont essentiellement de nature privée. Ce sont les propos qu'il a tenus dans son témoignage de la semaine dernière.
Nous souhaitons toutefois soulever un point de principe. Lorsqu'un plaignant privé invoque l'article 75 en raison d'un refus présumé d'approvisionnement, le commissaire se doit d'intervenir si l'intérêt public est en cause pour des questions de concurrence. Si l'intérêt public n'est pas en jeu, alors la cause est du ressort du droit privé et devrait être traitée sous le régime de la common law ou du droit civil par la Cour provinciale concernée.
Ensuite, comme je l'ai indiqué il y a un instant, il faudra établir des mesures de protection pour s'assurer que l'accès privé est utilisé dans l'intérêt public. Les modifications proposées par M. McTeague—les dispositions du projet de loi C-472—prévoient des mesures de protection, notamment l'exigence d'une autorisation pour intenter une action, la possibilité d'exiger des coûts de la part du plaignant, un avis remis au commissaire et, par voie de conséquence, la possibilité pour le commissaire d'intervenir dans la procédure.
Nous estimons souhaitables ces mesures de protection, ainsi que d'autres présentes dans le projet de loi C-23 et C-472, mais elles ne semblent pas suffisantes pour garantir le consensus général de la part des groupes d'intérêts. C'est pourquoi nous vous proposons une mesure de protection supplémentaire: une action privée ne pourra être intentée que si le plaignant s'est d'abord adressé au commissaire avant d'entamer la procédure et que, par surcroît, le commissaire a refusé d'intenter cette action en son propre nom. Si le commissaire accepte d'intenter la procédure, il n'y aurait pas lieu d'intenter un recours privé. Nous croyons que cette mesure aura pour conséquence de garantir que le Bureau continuera d'exercer ses responsabilités de base tout en permettant aux causes véritablement privées d'être traitées directement par le Tribunal.
Je vous remercie de votre attention. Tom et moi répondrons aux questions quand notre tour viendra.
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Merci, monsieur Perez.
Nous allons maintenant entendre David Croome de l'Association des consommateurs du Canada. Monsieur Croome.
M. David Croome (président, Comité du commerce, Association des consommateurs du Canada): Merci beaucoup.
Je m'appelle David Croome. Je suis un bénévole qui occupe la présidence du Comité du commerce de l'Association des consommateurs du Canada.
• 1640
Depuis 54 ans qu'elle existe, l'Association canadienne des
consommateurs a comparu à de nombreuses reprises devant les comités
de la Chambre des communes et du Sénat. Nous sommes venus témoigner
dans un ensemble de dossiers de consommation reliés à la
concurrence dans des secteurs donnés, comme celui des services
financiers, ainsi que de questions plus vastes reliées à la Loi sur
la concurrence.
Nous sommes évidemment heureux de l'occasion qui nous est donnée aujourd'hui de discuter de ce projet de loi très important et de l'aide qu'il pourra apporter au consommateur canadien. Je rappelle que le consommateur canadien fait évidemment partie de l'intérêt public dont on vient de parler.
Tout d'abord, je vais brièvement esquisser les antécédents et le travail de l'Association. Nous sommes une association indépendante, à but non lucratif, composée de bénévoles, créée il y a 54 ans et dont le siège est à Ottawa et qui compte des sections provinciales et territoriales. Notre vocation est d'informer le consommateur sur les questions relatives au marché, de défendre le consommateur auprès de l'État et de l'industrie et de collaborer avec l'État et l'industrie pour régler les problèmes du marché de façon avantageuse. Nous nous concentrons dans les secteurs de l'alimentation, de la santé, du commerce, des normes, des services financiers et des services de communication, tout en nous penchant sur toutes autres questions relatives au marché au fur et à mesure qu'elles apparaissent.
Toutes nos politiques sont encadrées par une série générale de principes axés sur le consommateur, qui sont les mêmes qui régissent les associations de consommateurs qui appartiennent à la fédération mondiale des groupes de consommateurs, Consumers' International. Parmi ces principes figurent le droit de choisir, le droit à la sécurité, à l'information et à un environnement sain.
J'aimerais maintenant passer à la Loi sur la concurrence et au projet de loi qui motive notre présence ici. Rappelons les quatre principaux thèmes du préambule de la Loi sur la concurrence:
-
La présente loi a pour objet de préserver et de favoriser la
concurrence au Canada dans le but a) de stimuler l'adaptabilité et
l'efficience de l'économie canadienne, b) d'améliorer les chances
de participation canadienne aux marchés mondiaux tout en tenant
simultanément compte du rôle de la concurrence étrangère au Canada,
c) d'assurer à la petite et à la moyenne entreprise une chance
honnête de participer à l'économie canadienne et
...à la fin de la liste, je ne sais pas s'il faut y voir un sens...
-
d) d'assurer aux consommateurs des prix compétitifs et un choix
dans les produits.
Les trois éléments essentiels du projet de loi C-23 soutiennent en principe chacun de ces points, en particulier l'efficience, les marchés mondiaux et une chance honnête pour la petite et la moyenne entreprise et un marché compétitif qui offre un choix au consommateur. Nous demandons au comité—je le répète—de se souvenir que l'intérêt supérieur du consommateur canadien devrait l'emporter sur les besoins de l'entreprise, grande ou petite, nationale ou étrangère, ou sur un investissement nouveau ou déjà fait. Tel est l'intérêt à long terme du consommateur canadien.
En avril 2000, au début de l'examen public des projets de loi d'initiative parlementaire qui ont précédé le projet de loi C-23, le commissaire a déclaré que «la Loi sur la concurrence fait partie du cadre juridique du marché canadien, dont le but est d'encourager la concurrence au profit de l'entreprise et du consommateur».
La loi est généralement considérée comme très complexe et les membres de notre association n'ont peut-être pas les connaissances spécialisées pour discuter des arcanes de ces divers liens et de l'application de certaines dispositions de la loi en parallèle ou non avec d'autres lois. Toutefois, nous sommes très heureux de l'occasion qui nous est offerte de présenter nos observations de nature générale sur les changements proposés en vertu du projet de loi C-23.
Notre première observation porte sur les avis trompeurs de prix à gagner. Il ne s'agit pas d'une question où c'est au consommateur de se conduire en acheteur averti. Les faits sont falsifiés pour amener le consommateur à engager une dépense sans le prévenir comme il se doit des modalités ou des chances de gagner. Nous approuvons donc l'imposition d'une sanction criminelle contre ceux qui commettent cette tromperie.
• 1645
En fait, nous aimerions que le Bureau se voie conférer le
droit de rendre des ordonnances d'interdiction dès qu'il établit
qu'une preuve prima facie existe. Le Bureau dispense déjà des
conseils sur les bonnes pratiques en matière de concours; on sait
donc déjà ce qui est requis et comment structurer les concours.
Ceux qui tentent de tromper et d'induire les gens en erreur
devraient être forcés de cesser de le faire dès que le Bureau a
établi ce fait. Le Bureau ne devrait pas devoir attendre qu'une
audience officielle ait lieu. Il faudrait toutefois régler les
détails relatifs à la nomination d'un arbitre ou à l'établissement
d'une autre méthode pour séparer ces pouvoirs de ceux du
commissaire. Nous croyons néanmoins qu'un processus bien conçu
d'ordonnances d'interdiction serait très avantageux et permettrait
d'éviter de grands préjudices pour les consommateurs.
En passant, nous proposons aussi des règles bien précises sur l'emplacement et la lisibilité des conditions s'appliquant à la réclamation d'un prix. On devrait peut-être préciser la taille des caractères et leur couleur et le fait que les conditions doivent figurer du même côté que l'invitation à participer, là où le prix est annoncé. On pourrait se fonder sur les règlements qui régissent déjà les promesses publicitaires.
En outre, dans sa forme actuelle, il semble que le projet de loi ne s'applique qu'aux concours transmis par courrier ou courriel. L'ACC suggère donc à votre comité d'envisager la possibilité de modifier la loi de sorte qu'elle s'applique aussi aux concours pour lesquels les documents sont remis en personne, dans la rue, au domicile ou au lieu de travail. Autrement dit, la loi devrait s'appliquer quel que soit le mode de communication. Bien sûr, nous savons que dans certains cas, ce sont les provinces ou les municipalités qui ont compétence sur ces activités.
En résumé, l'ACC approuve la criminalisation des avis trompeurs indiquant qu'on a gagné un prix et propose que la loi s'applique à tous les modes de communication et que le Bureau ait le pouvoir de rendre des ordonnances d'interdiction.
Passons maintenant aux pouvoirs judiciaires du Tribunal de la concurrence. En dépit des discussions exhaustives qu'ont tenues votre comité et le Forum des politiques publiques, le projet de loi ne prévoit pas de droit d'accès privé. Pourtant, c'est ce qui avait été proposé à l'origine pour l'article 75 de la loi sur le refus de vendre et l'article 77 sur l'exclusivité, les ventes liées et les limitations du marché.
Bien des observateurs sont d'avis que le projet de loi C-23 constitue la première étape vers l'octroi de ce droit d'accès privé. Si tel est le cas, l'ACC est favorable à ces changements qui accroîtront la transparence et la reddition de comptes et feront en sorte que le Bureau ne limitera plus ses activités à ses priorités.
Certains pourraient prétendre que les préoccupations de l'Association des consommateurs concernant la situation générale des consommateurs au pays sont déjà et resteront celles du Bureau, et que le droit d'accès privé ne profitera qu'aux sociétés sur le marché concurrentiel. En effet, le Bureau s'est occupé de nombreux cas qui ont semblé méritoires à l'ACC. Nous ne voudrions pas laisser entendre que le Bureau ne s'acquitte pas bien de ses tâches.
Plutôt, lorsque les priorités du Bureau ne lui permettent pas d'entreprendre un projet, l'ACC, peut-être en collaboration avec d'autres groupes de défense de l'intérêt public et conformément à la règle de l'accès privé, pourrait s'adresser au Tribunal de la concurrence sans attendre que le Bureau agisse. Ainsi, à long terme, l'ACC réclame non seulement le droit d'accès privé, mais aussi la possibilité d'intenter des recours collectifs.
L'ACC reconnaît qu'il faut assurer l'équilibre entre la commodité et le maintien de la responsabilité réglementaire. Nous ne voulons pas qu'à long terme, l'exercice du droit d'accès privé diminue la responsabilité qu'a le Bureau de préserver et favoriser la concurrence sur les marchés canadiens. Le commissaire et votre comité devraient s'assurer que le Bureau ne se décharge pas de ses responsabilités en les confiant à des entités privées conformément au droit d'accès privé.
L'ACC reconnaît que les modifications qu'apporte le projet de loi C-23 aux pouvoirs du Tribunal de la concurrence simplifieront et accéléreront l'atteinte des objectifs de la loi. Elles aideront même le Bureau à «préserver et favoriser la concurrence au Canada... dans le but d'assurer aux consommateurs des prix compétitifs et un choix dans les produits». Ces propositions semblent constituer un moyen pratique et efficace d'accroître l'efficacité en les encourageant à traiter en commun les dossiers.
• 1650
Nous suggérons aussi que votre comité se penche sur la
question de savoir quels articles devraient être invoqués. Jusqu'à
présent, on a surtout parlé des articles 75, 77 et 79, ce dernier
portant sur l'abus de position dominante. Nous proposons que le
commissaire invoque ces trois dispositions et que l'on permette
d'invoquer les trois dans l'exercice du droit d'accès privé à long
terme.
Nous reconnaissons aussi qu'il est légitime de réclamer des mesures de protection contre les poursuites stratégiques dans le projet de loi C-23. La loi même a été conçue pour promouvoir la concurrence dans son sens le plus large et ne devrait pas servir à harceler les concurrents ou à réprimer les comportements concurrentiels par le biais de poursuites stratégiques. Toutefois, nous estimons que si le Tribunal avait le droit d'octroyer des dommages-intérêts et de disposer sommairement des affaires, on découragerait les poursuites stratégiques.
La question de l'octroi de dommages-intérêts par le Tribunal est certainement plus difficile et litigieuse. Nous savons tous qu'aux États-Unis, les dommages-intérêts triples sont possibles, tout comme les recours collectifs. L'ACC est d'avis que la tentation d'intenter des poursuites serait trop grande s'il était possible d'obtenir le triple en dommages-intérêts et que le Tribunal devrait être en mesure d'accorder seulement des dommages-intérêts simples quand la nature de l'affaire le justifie.
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Votre temps est presque écoulé. Pourriez-vous résumer la dernière page? Nous passerons ensuite à la période de questions et si vous voulez alors ajouter quelque chose, vous pourrez le faire.
M. David Croome: Certainement.
Pour ce qui est de faciliter la collaboration avec les concurrents étrangers, nous appuyons les principes qui sous-tendent la collaboration avec les autorités étrangères de la concurrence. Le Bureau doit pouvoir réagir efficacement dans les cas de comportement anticoncurrentiel, tels que certaines fusions transnationales et pratiques de mise en marché.
En terminant, nous insistons sur la nécessité de créer un marché concurrentiel ouvert et vigoureux dans l'intérêt de tous les consommateurs. Nous avons proposé quelques modifications et nous appuyons l'adoption à long terme du droit d'accès privé.
Merci de nous avoir écoutés.
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Merci, monsieur Croome.
Nous commençons par M. Strahl.
M. Pat Martin: J'invoque le Règlement. J'aimerais savoir quel sera l'ordre d'intervention.
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Vous pouvez commencer.
M. Pat Martin: À titre de membre du quatrième parti, je suis plutôt sensible à...
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Oui, mais je ne voudrais pas que vous soyez trop sensible. Vous pouvez commencer. Allez-y.
M. Pat Martin: Merci.
Merci aux témoins de leurs exposés très intéressants.
Puisqu'il y a trois groupes de témoins, je commencerai par dire à la FCEI que je la remercie de nous avoir fait part de son point de vue. Vos mémoires s'accompagnent souvent des résultats de sondages que vous avez menés auprès de vos membres, et cela me plaît. Vous ne vous contentez pas de vous exprimer à titre de conseil d'administration, vous sollicitez les vues de vos membres de façon exhaustive d'abord, et cela pèse beaucoup dans la balance à mes yeux. Cela ajoute à la valeur de vos remarques.
J'ai remarqué que, dans votre mémoire, vous avez pris soin de signaler que, bien que vous appuyiez le droit d'accès privé, il faut établir les peines avec prudence. Peut-être pourriez-vous nous en dire plus long. Je n'ai pas très bien compris ce que vous recommandez comme peine. Par ailleurs, la mise en garde de l'Association des consommateurs contre les dommages-intérêts triples qu'on octroie aux États-Unis m'est apparue très intéressante. J'aimerais voir comment se comparent ces deux points de vue et savoir aussi ce qu'en pensent les producteurs de produits pétroliers.
Je ne suis pas certain d'avoir bien compris votre mémoire en ce qui a trait au droit d'accès privé, mais j'ai ici une lettre du commissaire qu'il nous a fait parvenir, avec des notes de précision, après son témoignage devant notre comité. Il indique que votre organisation fait partie de ceux qui s'opposent aux dispositions sur le droit d'accès privé. Sa lettre comporte la liste des partisans et des opposants.
• 1655
Pour la gouverne du comité, je vous demande dans quel camp
vous situez-vous? Vous opposez-vous au droit d'accès privé? Il me
semble que vous n'avez pas condamné absolument l'idée. La plupart
de vos membres sont de grandes sociétés américaines qui sont
assujetties à un régime réglementaire permettant les dommages-intérêts
triples et des recours collectifs. Si vous n'avez aucun
problème dans un tel régime—moi, je prétends que vous avez des
problèmes—pourquoi craindre des restrictions semblables au Canada,
puisque ces restrictions ne vont pas aussi loin que celles des
États-Unis?
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Monsieur Perez, voudriez-vous répondre?
M. Alain Perez: Le commissaire nous a peut-être placés dans le camp des opposants parce que, aux premières étapes du processus de consultation par le Forum des politiques publiques, nous étions contre le droit d'accès privé tel qu'il était alors défini, pour des questions de droit et de principe.
Bien sûr, nous avons sondé nos membres et Tom et moi-même pouvons nous faire leur porte-parole. Dans mon mémoire, je dis que, en théorie, nous ne pouvons nous opposer au droit d'accès privé, car il permet aux parties privées de s'adresser à un tribunal pour régler des questions privées.
Ce à quoi nous nous opposons et ce à quoi nous restons opposés, c'est le genre d'accès privé qui permettrait au Bureau de se décharger de ses responsabilités à l'égard des consommateurs et du marché. Pour que nous appuyions le droit d'accès privé, il faudrait que l'on prévoie des mesures de protection contre les poursuites stratégiques, et qu'on s'engage à prévoir dans la loi que le commissaire ou le Bureau, si on fait appel à l'un ou l'autre, étudiera l'affaire et déterminera d'abord s'il s'agit d'une question d'intérêt public. Si tel est le cas, le Bureau ou le commissaire pourrait s'occuper de l'affaire comme c'est le cas aujourd'hui; dans le cas contraire, il donnerait ses motifs et permettrait aux parties de s'adresser au Tribunal. En l'occurrence, je présume que c'est ce qui aurait été décidé car il s'agissait d'une affaire privée que seules les parties privées pouvaient débattre.
C'est notre position. Nous nous opposons au droit à l'accès privé dans sa forme actuelle qui donne préséance aux intérêts privés et leur permet d'invoquer la Loi sur la concurrence, la seule loi au Canada protégeant les consommateurs sur le marché, et la détournant ainsi de son objectif premier.
M. Pat Martin: J'aimerais savoir si certains de vos membres sont aussi membres du Conseil canadien des chefs d'entreprises.
M. Alain Perez: Oui, certains le sont.
M. Pat Martin: N'y a-t-il pas une contradiction? Le Conseil canadien des chefs d'entreprises est dans le camp des opposants. Lorsque vous avez sondé vos membres, y avait-il unanimité? Y avait-il des opinions divergentes?
M. Alain Perez: Non, pas du tout. La situation n'est pas embarrassante.
M. Pat Martin: La situation n'est pas embarrassante?
M. Alain Perez: La semaine prochaine, le Conseil et d'autres groupes présenteront un avis juridique sur le droit d'accès privé.
M. Pat Martin: Ils l'ont fait hier, et ils s'opposent avec véhémence à l'article 75.
M. Alain Perez: Nous nous opposons aussi à l'octroi hâtif du droit d'accès privé et à son ajout au projet de loi C-23 sans les consultations nécessaires. Nous vous offrons le point de vue des gens d'affaires. Des poursuites de la part des petites et moyennes entreprises ne nous inquiètent pas; ça, c'est un mythe. Ce que nous craignons, c'est que de grandes sociétés menacent d'intenter des poursuites.
Si, après l'octroi du droit d'accès, le Bureau continue de s'acquitter de ses responsabilités, soit de défendre le marché concurrentiel, et si c'est dans la loi—contrairement à la situation actuelle, car le projet de loi C-472 prévoit que le plaignant avise le Bureau, mais le Bureau n'est pas tenu d'en faire autant... selon le processus que nous envisageons, le Bureau serait avisé—nous présumons qu'il lira l'avis—mais il déciderait aussi s'il devrait intenter la poursuite lui-même et, dans le cas contraire, il donnerait ses motifs. Alors, nous ferions confiance au gouvernement et au Bureau, sachant qu'ils feraient ce qui doit être fait.
M. Pat Martin: Merci. Je crois que je vous comprends, maintenant.
Est-ce que d'autres témoins voudraient répondre?
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Y a-t-il d'autres remarques?
M. André Piché: Monsieur Martin, vous nous avez demandé ce que nous pensons des poursuites stratégiques. Essentiellement, nous partageons le point de vue du commissaire. Il vous a indiqué que les mesures de protection contre les poursuites stratégiques lui semblaient raisonnables et suffisantes. Je le cite:
-
On doit d'abord convaincre le Tribunal que l'on a un cas défendable
et, deuxièmement, que l'incitatif de poursuivre est éliminé parce
que vous n'allez pas recevoir de l'argent—tout ce que l'on peut
obtenir c'est une injonction—et, enfin, il est même possible que
vous aurez à payer vos propres frais judiciaires ainsi que les
frais de l'autre partie si vous n'obtenez pas gain de cause.
Il est d'avis que ce sont là des mesures dissuasives suffisantes et nous abondons dans le même sens.
M. Pat Martin: Votre réponse m'a été très utile. Merci.
Et l'Association des consommateurs?
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Y a-t-il d'autres interventions?
M. David Croome: Vous avez demandé pourquoi des dommages-intérêts triples ne seraient pas indiqués. Je crois savoir que l'approche adoptée dans la Loi sur la concurrence se fonde sur des changements graduels; passer directement à des dommages-intérêts triples ne serait donc pas indiqué. Des dommages-intérêts simples seraient peut-être difficiles à définir, mais pourquoi ne pas voir si ça ne fonctionnerait pas? On pourrait ensuite agir en conséquence.
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Monsieur Martin, vous pouvez poser une dernière question.
M. Pat Martin: Ma dernière observation sera la suivante: quand il est venu témoigner devant notre comité, le commissaire a commencé par dire que le Canada est devenu un refuge pour les escrocs qui font dans les faux concours et autres choses du genre dont vous avez parlé. On lui a demandé des détails. M. Bagnell lui a demandé si ses preuves étaient simplement anecdotiques ou s'il avait des chiffres. Apparemment, il y a eu 13 100 plaintes de publicité trompeuse et de pratiques trompeuses en matière de concours, 4 200 plaintes relativement au courrier et 1 600 plaintes liées au télémarketing. Nous avons donc des chiffres, et votre association est scandalisée à juste titre. Je vous félicite de vous être concentrés sur ce problème, car c'est une très bonne façon de défendre les consommateurs canadiens.
Compte tenu de ces chiffres, aimeriez-vous ajouter quelque chose, réaffirmer votre position sur le télémarketing frauduleux qui vise surtout les personnes âgées?
M. David Croome: À ce sujet, ceux qui tombent le plus souvent dans ces pièges sont ceux qui sont les plus vulnérables. Ils sont moins bien informés sur leurs recours, ils ne savent pas auprès de quelle organisation déposer une plainte. Ils ne savent pas qu'ils doivent s'adresser au Bureau de la concurrence à Ottawa. Le Bureau doit donc être proactif—ne pas simplement attendre les plaintes, mais bien gérer activement ce grand nombre de cas de fraude.
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Merci, monsieur Martin.
Je vais laisser M. Strahl poser deux questions avant de céder la parole aux députés ministériels. Puis, la parole sera de nouveau à vous, monsieur Martin, étant donné que vous avez déposé un projet de loi sur ce sujet.
Monsieur Strahl, à vous la parole.
M. Chuck Strahl (Fraser Valley, PC/RD): Merci. Il semble que nous devions tous prendre la parole sur le même projet de loi d'initiative parlementaire ce soir; nous devrons peut-être tous partir plus tôt que prévu.
Quoi qu'il en soit, je remercie tous les témoins d'être venus. J'ai été heureux de pouvoir entendre votre point de vue.
Comme M. Martin, je m'intéresse aux nuances de la position de l'Institut canadien des produits pétroliers sur les poursuites privées. Je vous remercie de nous l'avoir précisée. C'est maintenant beaucoup plus clair et je crois bien comprendre votre position. Elle semble différer un peu de celle du Conseil canadien des chefs d'entreprises qui est catégoriquement contre cette idée.
J'aimerais savoir ce que les représentants de la FCEI pensent des mesures de protection décrites par les autres témoins. Ces mesures vous semblent-elles raisonnables ou ne pourraient-elles que compliquer un processus qui vous semble tout à fait ouvert?
M. Stéphane Robichaud: Je ne suis pas avocat non plus. Toutefois, depuis six ans, je consacre énormément de temps à m'entretenir avec des petits entrepreneurs sur diverses questions. J'ai parlé à des gens du secteur des vitres d'automobile, à des détaillants d'essence—des gens qui sont dans une situation très précaire et qui estiment que le Bureau de la concurrence est leur seul recours.
• 1705
Les membres nous disent que, lorsqu'ils s'adressent au Bureau
de la concurrence, on leur répond que, tant qu'ils n'ont pas fermé
leurs portes, les concurrents ne les ont pas acculés à la faillite.
Je vous le dis, parce que le Bureau de la concurrence vous a
expliqué que c'est une bonne raison qui explique pourquoi les
petits entrepreneurs n'obtiennent pas toute l'attention qu'ils
estiment mériter. Le Bureau de la concurrence est saisi de nombreux
dossiers et doit établir ses priorités. Le Bureau vous l'a très
bien expliqué, et à mon sens, ce qu'on veut ajouter ici ne fera que
ralentir davantage le processus.
À l'heure actuelle, nos membres n'ont pas accès au commissaire. Ils ne peuvent attirer l'attention du Bureau de la concurrence sur leurs problèmes. Si vous vous engagez sur cette voie, nous n'avons aucune raison de croire que la situation changera.
M. Chuck Strahl: À ce sujet—et les représentants de l'Institut canadien des produits pétroliers pourront intervenir dans une minute—ceux-ci proposent qu'une poursuite privée ne puisse être intentée que si le plaignant s'est d'abord adressé au commissaire et que le commissaire a refusé d'intenter la poursuite au nom du plaignant. C'est seulement alors que le plaignant pourrait agir.
Cela me semble intéressant comme proposition, surtout si on prévoit une échéance. Si nous demandions au commissaire de se prononcer et de donner ses motifs par écrit dans une période donnée, cela pourrait satisfaire tout le monde. Le commissaire pourrait par exemple signaler que cette question a fait l'objet de trois poursuites qui n'ont mené à rien. Il peut juger la poursuite tout à fait futile. Ou peut-être n'a-t-il pas les ressources parce qu'il s'occupe déjà de deux autres affaires et, pour cette raison, il encourage le plaignant à intenter une poursuite privée.
Cela ne serait-il pas raisonnable? Cela ne nous permettrait-il pas d'éviter les poursuites futiles?
M. Stéphane Robichaud: En théorie, cela semble sensé. Mais en réalité, il est impossible pour bon nombre de ces petits entrepreneurs d'obtenir du commissaire qu'il évalue leur situation.
M. Chuck Strahl: Mais si nous exigions du commissaire qu'il réponde à toutes les demandes qu'il reçoit—s'il ne lui suffisait plus d'envoyer une lettre type invoquant le manque de ressources?
Je ne suis pas avocat non plus, mais je lance cette idée. J'ai lu dans votre mémoire qu'il y a déjà eu plus de 900 plaintes, sans que ces plaignants puissent intenter une poursuite privée. Si nous ouvrions la porte un peu plus, ce nombre pourrait passer à 2 000, Il nous faudra alors donner davantage de ressources au commissaire et au Tribunal. Si nous lui disions: «Vous avez un mois»—ou quelque période raisonnable—«pour répondre; sinon, le droit d'accès privé au tribunal sera permis.»?
Il est intéressant de noter que les petits entrepreneurs réclament ce droit d'accès privé, et que les grandes sociétés, elles, leur disent de ne pas s'inquiéter, qu'elles protégeront leurs intérêts. Je ne sais trop avec qui je devrais sympathiser. Je sais toutefois qu'il nous faut être prudents et non pas tout simplement ouvrir la porte à des poursuites stratégiques de la part de n'importe qui.
Une petite librairie prospère pourrait se sentir menacée par un grand conglomérat comme Chapters—je ne veux pas m'en prendre à Chapters—et actionner cette société. Si tout le monde s'y met, les avocats seront heureux. Cela ne vous inquiète-t-il pas?
M. André Piché: En réalité, je crois que tout petit entrepreneur envisageant une poursuite privée s'adresserait d'abord au Bureau de la concurrence pour vérifier les faits. Pour ma part, je tenterais d'obtenir des conseils officieux avant d'aller de l'avant. En ce sens, donc, votre idée est très sensée. Mais je ne suis pas certain qu'une procédure officielle soit nécessaire. C'est ce qui se passerait de toute façon parce que tout petit entrepreneur qui décide de s'adresser au Tribunal doit y réfléchir très sérieusement. C'est très coûteux et ça prend beaucoup de temps.
M. Tom Ryley (vice-président exécutif, Sunoco Inc., Suncor Energy Inc.; Institut canadien des produits pétroliers): Puis-je ajouter quelque chose?
M. Chuck Strahl: Je vous en prie. C'est un sujet intéressant.
M. Tom Ryley: J'aimerais d'abord signaler à M. Martin que Suncor Energy est une entreprise canadienne comme la majorité des membres de notre institut.
En ce qui a trait au droit d'accès privé, nous nous opposons à cette idée par souci d'efficience pour le gouvernement et pour la façon dont les questions de concurrence sont résolues, parce qu'il n'y a en fait aucune modification législative. La Loi sur la concurrence que nous devons respecter est la même, que le droit d'accès privé existe ou non.
Notre première préoccupation est la suivante: Si nous nous adressons directement au tribunal, nous devenons partie à un processus quasi judiciaire. Cela nécessite beaucoup plus de temps. Il y a beaucoup plus de procédure. Il faut faire appel à de nombreux experts de l'extérieur. Honnêtement, je suis étonné que cela n'intimide pas les petites entreprises, car cela intimide Suncor et Sunoco qui sont des entreprises d'assez bonne taille.
De plus, quand on fait des allégations en public devant le Tribunal, que ces allégations soient jugées ou non fondées en dernière analyse, il est toujours possible qu'on vous présume coupable jusqu'à ce que votre innocence soit prouvée. Ces allégations font souvent les manchettes beaucoup plus que le jugement final.
Voilà pourquoi notre institut, sans s'opposer au droit d'accès privé, estime préférable pour la réputation de tous les intéressés et pour l'efficience du gouvernement de s'en remettre au Bureau. Si le Bureau assume la suite devant le Tribunal, cela devrait suffire. Si le Bureau ne souhaite pas le faire et explique pourquoi, nous ne craignons pas que l'on puisse alors directement intenter une poursuite privée devant le Tribunal de la concurrence.
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Merci, monsieur Strahl.
Je cède la parole à M. Bagnell.
M. Larry Bagnell: Quelqu'un m'attend à mon bureau; je devrai donc partir, et ce ne sera pas parce que vos réponses m'auront déplu.
Mes deux courtes questions, qui appellent de brèves réponses, s'adressent à la FCEI. Auparavant, je tiens à dire que j'abonde dans le même sens que l'Institut des produits pétroliers et j'espère—je l'ai dit hier—que le droit d'accès privé ne minera pas les ressources ou les capacités du Bureau de la concurrence.
J'ai été heureux d'entendre les défenseurs des droits des consommateurs soulever la question des concours. Je ne suis pas d'accord avec vous toutefois lorsque vous dites que les besoins des consommateurs priment ceux des entreprises parce que, à mon avis, les deux sont interreliés. Si nous avons une communauté des affaires saine et concurrentielle, nous pourrons offrir de bons produits à bas prix aux consommateurs. Mais je suis heureux que vous ayez parlé des concours, car vous êtes les seuls à l'avoir fait. C'est un de mes chevaux de bataille. En fait, j'estime que cette disposition devrait avoir encore plus de mordant, qu'elle devrait garantir que le coût d'obtention du prix ne soit pas supérieur au prix même.
Ma question s'adresse à la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante car peut-être que certains de ses membres tiennent de tels concours. J'ignore si vous abordez cette question dans votre mémoire, mais êtes-vous pour les dispositions portant sur les concours?
M. André Piché: Oui.
M. Larry Bagnell: À l'instar de M. Martin, je vous félicite tous. De tous les groupes qui nous transmettent des informations, le vôtre—et je l'ai indiqué à quelqu'un dans une lettre cette semaine—est le meilleur, car il nous présente toujours les résultats de sondage et les arguments qu'ont fait valoir vos membres pour ou contre; c'est très utile pour nos débats sur les orientations politiques.
Vous avez parlé des affaires qu'on ne peut régler à l'heure actuelle en raison de l'existence du droit d'accès privé; les autres témoins ont aussi abordé la question. À votre sens, parvient-on à régler efficacement les grandes causes assujetties aux règlements actuels et à préserver la concurrence?
M. André Piché: Nous avons fait remarquer que des plaintes ont été déposées au Bureau, mais que très peu ont été traitées avec succès. C'est là une des raisons qui expliquent pourquoi nous réclamons le droit d'accès privé; c'est un recours de plus pour les petites entreprises.
Comme le commissaire du Bureau de la concurrence l'a dit lui- même, ces nouvelles dispositions ne font que compléter la Loi actuelle sur la concurrence. Donc si cet accès direct entraînait une diminution ou un affaiblissement des fonctions du Bureau, cela nous inquiéterait certainement. Nous croyons que le Bureau a un rôle très légitime à jouer. C'est simplement un élément de plus dans son arsenal. C'est une voie de recours supplémentaire pour les petites entreprises.
M. Larry Bagnell: Vous voulez dire que si cela ne marche pas la première fois en passant par le Tribunal, elles pourront de nouveau s'essayer en appliquant le plan B?
M. André Piché: Un des problèmes signalés dans les études réalisées par le Bureau est le manque de jurisprudence. Un des moyens d'accroître cette jurisprudence est de confier un plus grand nombre d'affaires au Tribunal. Cette jurisprudence aura pour effet de clarifier les règles d'engagement en matière de concurrence entre toutes les entreprises, grosses ou petites, et cela ne peut que profiter à tout le monde.
M. Larry Bagnell: Bon, merci.
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Merci, monsieur Bagnell. Monsieur St. Denis.
M. Brent St. Denis (Algoma—Manitoulin, Lib.): Merci, monsieur le président.
Messieurs, merci d'être venus. C'est une excellente discussion.
Monsieur Perez, dans votre exposé, vous avez commenté la suggestion selon laquelle un requérant pour une action privée s'adresserait pour commencer au commissaire pour lui demander s'il veut bien le représenter, ou à une catégorie plus large de personnes représentées par le requérant, au Tribunal, ou au cas où sa demande serait rejetée, le requérant prendrait lui-même son dossier en charge.
En réfléchissant à cette suggestion, avez-vous pensé au coût supplémentaire pour le requérant qui, selon votre scénario, s'adresserait d'abord au commissaire puis, en fonction du résultat, finirait par devoir s'adresser au Tribunal? Et avez-vous pensé à la possibilité qu'un tel scénario ralentisse la procédure? Il pourrait y avoir simultanéité des procédures, pendant que les requérants à l'accès privé au tribunal feraient une demande au Tribunal, parallèlement, la même demande ou les mêmes documents pourraient être soumis au commissaire avant que le Tribunal ne se saisisse du dossier?
Le commissaire aurait la possibilité de décider de se charger du dossier, pour déterminer s'il n'y a pas un soutien plus général dans la communauté du cas de figure soumis par le requérant. Je crois que le commissaire a plus ou moins comme mandat d'étudier les plaintes d'un point de vue national par opposition aux plaintes individuelles et je peux certainement voir le mérite dans certains cas. Ne voyez-vous donc pas d'inconvénient à cette procédure de demande concurrente où la notion générale d'accès privé, accompagnée des garde-fous et autres garanties nécessaires, pourrait être prise en charge par le commissaire qui conserverait malgré tout, si vous voulez, son option de désistement? Pourrais-je avoir votre avis sur la question?
M. Alain Perez: Le projet de loi C-472 stipule que lorsqu'une plainte est déposée au Tribunal, le commissaire en est simultanément notifié et il a le droit d'intervenir. Il n'est donc pas question de délais. Il n'y aurait pas plus de délais, et il n'y aurait pas plus de coûts non plus, car ce serait une simple question d'envoi d'avis au commissaire. Et le commissaire, comme j'ai essayé de l'expliquer précédemment, doit étudier l'avis. Il ne le met pas dans un tiroir. Il doit décider d'intervenir ou non.
Nous ajoutons simplement ici que lorsqu'il refuse d'intervenir, il doit nous dire pourquoi, et c'est le coeur même de notre proposition et je crois le coeur même de la querelle qui oppose le projet de loi C-472 au secteur privé, à savoir que nous ne voulons pas que le Bureau cesse de faire ce qu'il est censé faire. S'il n'a pas les ressources, donnez-les-lui, mais ne le laissez pas abdiquer ses responsabilités.
Très brièvement, j'ai entendu beaucoup de comparaisons avec les États-Unis. La différence entre le Canada et les États-Unis est qu'aux États-Unis, chaque État a sa direction antitrust. Il y a une direction antitrust à Washington et il y a la FTC (Commission du commerce fédéral). Les recours ne manquent pas.
• 1720
Ici, nous avons un bureau de la concurrence et aucune province
n'exerce de compétence en matière de compétition. Donc je ne vois
pas comment cet accès privé pourrait diminuer les responsabilités
du Bureau.
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Encore une question.
M. Brent St. Denis: J'ai peut-être mal compris vos commentaires tout à l'heure, mais ces deux procédures se succéderaient-elles ou seraient-elles simultanées selon vous? Y a-t-il danger que les commentaires du commissaire—à supposer qu'il ou elle ne soit pas d'accord et le dise—puissent porter préjudice au dossier du requérant devant le Tribunal? Le commissaire exerce une grosse influence, vous le savez, quand il s'agit de ces questions. N'y a-t-il pas ce danger?
M. Alain Perez: Le projet de loi C-472 lui donne déjà le droit d'intervenir.
M. Brent St. Denis: Si j'ai bien compris, il faut qu'il donne son avis.
M. Alain Perez: S'il dit non, il faut qu'il dise pourquoi.
M. Brent St. Denis: Ce qui doit se passer dans la majorité...
M. Alain Perez: Il n'a qu'à dire que c'est une affaire purement privée. Qu'à son avis, cela n'aura pas d'effet sur le marché et que par conséquent c'est au plaignant et à l'autre partie d'assumer les frais de procédure et non pas le gouvernement.
M. Brent St. Denis: Très bien, je vous remercie de cette précision.
Merci, monsieur le président. Merci, monsieur Perez.
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Monsieur Martin, vous aviez une petite question.
M. Pat Martin: Oui. Je suis heureux de pouvoir fouiller un peu plus.
Je ne veux pas rouvrir le débat avec nos témoins représentant l'Institut canadien des produits pétroliers, mais Petro-Canada est un de vos membres, ainsi que les compagnies qui se sont opposées à cette disposition lors du Forum des politiques publiques: l'Association canadienne des fabricants de produits chimiques, qui n'appartient peut-être pas à votre groupe; Imperial Oil; l'Association canadienne des producteurs pétroliers; Shell Oil; et Irving Oil. Je ne pense pas qu'il y ait vraiment unanimité au sein de votre industrie mais là n'est pas la question. Vous n'êtes le porte-parole que de l'organisme que vous représentez.
M. Alain Perez: Je suis le porte-parole de ces gens ici.
M. Pat Martin: Êtes-vous le porte-parole de ces organismes? Les avez-vous de nouveau contactés et ont-ils changé d'avis depuis le Forum des politiques publiques?
M. Alain Perez: Ils n'ont pas changé d'avis, monsieur Martin. C'est Petro-Canada qui est actuellement le président de l'ICPP. Je n'ai certainement pas envie de me suicider en présentant une position en désaccord avec mon président. M. Ryley n'est pas un coconspirateur. Nous étions opposés à la forme du projet de loi C-472. Nous y restons toujours opposés.
M. Pat Martin: Mais c'est du projet de loi C-23 que nous parlons...
M. Alain Perez: Le projet de loi C-23 ne nous pose pas de problème. Nous l'appuyons.
Nous attirons votre attention sur ce qui, d'après nous, pourrait mener à un consensus, certainement dans l'industrie, sur le projet de loi C-472 et les modifications proposées par le projet de loi C-23. Il n'y a donc pas...
M. Pat Martin: Contradiction. Je crois que je vous comprends. Très bien.
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Très bien, monsieur Martin. Je veux donner la parole à Mme Torsney. S'il reste encore du temps, nous vous le donnerons.
M. Pat Martin: Très bien.
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Madame Torsney.
Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.): Hier, certains témoins nous ont suggéré qu'un des moyens de faciliter l'accès privé et d'assurer qu'il offre les meilleures possibilités aux Canadiens serait de limiter la durée d'audition des affaires en constituant un dossier préalable approuvé par les parties en présence et en limitant le nombre de témoins et d'experts convoqués pour venir déposer.
Un de vos organismes s'est-il demandé si cela pouvait vous intéresser? Si vous êtes déjà pour, est-ce que ce serait un problème? Si cela vous inquiète un peu, cela dissiperait-il une partie de votre inquiétude?
M. Tom Ryley: Oui. Je crois qu'on peut dire... Aucun de nos organismes n'a de personnel qui s'occupe uniquement des questions traitées par le Bureau ou par le Tribunal, si bien que n'importe quel gain d'efficacité au niveau du gouvernement est important pour nous en tant que contribuables. C'est également très important pour nous en tant qu'entreprises qui devons répartir notre temps qui est déjà précieux entre diverses activités. Nous sommes favorables à tout ce qui peut rendre plus efficace la procédure. Je crois que c'est en réalité ce que M. Perez voulait faire comprendre à M. Martin.
• 1725
Nous connaissons le problème de l'accès privé et nous ne
sommes ni pour ni contre car nous comprenons ceux qui réclament
cette procédure. Cependant, nous voulons trouver une méthode qui
permette de l'appliquer de la manière la plus efficace possible.
Mme Paddy Torsney: La FCEI?
M. André Piché: Je dirais en bref que toute procédure efficace et rapide a notre approbation. C'est dans l'intérêt surtout des patrons de petites entreprises qui peuvent y perdre leur entreprise si la procédure prend trop longtemps. Nous sommes favorables à une procédure rationnelle, efficace et rapide—absolument.
Mme Paddy Torsney: Monsieur Croome.
M. David Croome: Je n'ai rien à ajouter.
Mme Paddy Torsney: Je m'adresse tout particulièrement à la FCEI. J'apprécie beaucoup votre travail aussi, et je vous remercie de nous avoir fourni tous ces chiffres. Ils sont très utiles.
Vous représentez plus de 100 000 membres, mais il n'y en a que 8 700 qui ont répondu—ce qui n'est pas énorme—et 64 p. 100 d'entre eux ont dit qu'ils appuyaient les modifications de la Loi sur la concurrence.
Vous dites dans votre mémoire qu'ils craignent un peu de fâcher leurs fournisseurs, et que sais-je encore. Quand même, si votre organisme garde ces renseignements confidentiels... je suis un peu surprise de la faiblesse du nombre de réponses si le besoin de changement est tel. Première chose.
Deuxième chose, il y a la question des ressources qui m'inquiète. D'un côté, si un patron de petite entreprise estime un recours nécessaire par le biais de la Loi sur la concurrence car il risque autrement de perdre son entreprise ou d'être sévèrement touché, je me demande s'il a vraiment les ressources nécessaires pour entamer une procédure, recruter un conseiller pour participer, voire écrire la lettre de requête. Je me pose vraiment des questions sur l'efficacité de ce mécanisme pour les propriétaires de petites entreprises, de petites entreprises de moins de cinq employés surtout.
M. André Piché: Je vais commencer par le nombre de réponses. Si je m'en tiens aux enquêtes et aux sondages de Statistique Canada, c'est un nombre tout à fait satisfaisant.
Deuxièmement, beaucoup de petites entreprises ne répondent pas à ce genre de questions car elles ne les concernent pas personnellement. C'est une de ces choses qui...
Mme Paddy Torsney: Pas encore.
M. André Piché: ...quand cela vous arrive, alors vous vous sentez vraiment concerné mais autrement vous ne l'êtes pas et vous pensez que cela ne vous arrivera pas. Ça, c'est l'explication pour le nombre de réponses.
Est-ce que vous voulez dire un mot sur le second point?
M. Stéphane Robichaud: Oui. C'est lié à l'explication d'André concernant le nombre de réponses. Je sais que certains s'inquiètent d'une arrivée massive de requêtes dès que ce changement sera entré en vigueur.
Je peux vous assurer que les patrons de petites entreprises ne savent pratiquement rien du Bureau de la concurrence jusqu'au jour où ils sont à deux doigts de perdre l'entreprise familiale. Ils ne sont pas menés par l'intérêt et ils ne suivent pas ces changements pour adapter leur stratégie de marché ou leur stratégie par rapport à leurs concurrents. C'est un outil pour ceux qui se retrouvent dans une situation vraiment désespérée.
J'ai connu des exemples de patrons de petites entreprises qui s'étaient regroupés, qu'il s'agisse d'entreprises du secteur des vitres d'automobile ou de petits détaillants. Six à huit fois par an, on me demande de rencontrer des gens à l'Île-du-Prince-Édouard ou dans de petites communautés. Des gens de toutes les Maritimes se sont regroupés et leurs situations à tous sont très désespérées. Cela ne concerne pas qu'une seule petite entreprise. Quand on en arrive à ce point, ils sont tous dans une situation très précaire.
Mme Paddy Torsney: D'accord.
Monsieur Croome, je vous remercie infiniment de votre soutien pour les cartes de jeu. En vérité c'est un grave problème. Peut-être est-ce parce que nous recevons beaucoup de publicité, de sollicitation, pas toujours importune, mais parfois importante d'entreprises—surtout ceux d'entre nous qui prêtent leur aide à ces comités de bénévoles. On ne regarde pas forcément tout.
Étant donné qu'elles étaient distribuées avec mon envoi collectif, j'ai commencé à prêter un peu plus attention à ce genre de choses. Je suis toujours curieuse de voir ce qui est proposé. C'est peut-être aussi en partie parce que les techniques de marketing m'intéressent. Il est surprenant de voir combien il y a de ces produits en circulation et combien de gens pensent avoir gagné quelque chose.
• 1730
Je finirai par le point de M. Bagnell. S'ils savent que cela
va leur coûter plus cher que ce qu'ils ont gagné et qu'ils décident
quand même d'acheter, nous ne pouvons rien y faire. Mais s'ils ne
comprennent pas qu'il y a un coût, comme avec les numéros 1-900
pour les coupons à gratter qui sont à l'origine de ma petite
colère, alors il ne faut pas... C'est un triste exemple d'abus car
ils se font prendre et ils dépensent de l'argent, beaucoup, qu'ils
n'ont pas. Pour moi c'est un très gros problème et qui explique le
dépôt de ce projet de loi d'initiative parlementaire. Et puis il y
a toutes ces cartes dont nous sommes inondés.
Merci.
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Merci, madame Torsney.
Monsieur Martin, vous aviez encore une dernière petite question à poser.
M. Pat Martin: Non, merci.
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Chuck.
M. Chuck Strahl: Je conviens avec la FCEI que ce n'est pas une panacée pour les petites ou les grosses entreprises. Personne n'aime recourir à ce genre de procédures et comme WestJet l'apprend à ses dépens, même quand votre plainte est reçue, cela ne donne toujours pas les résultats escomptés. Il vous faut continuer à vous battre sur le marché souvent contre un concurrent qui semble détenir toutes les cartes. Je suis donc d'accord avec vous. Je ne crois pas que M. von Finckenstein sera assiégé par une meute d'entreprises à deux ou trois employés.
La question que je pose à qui voudra bien y répondre concerne la proposition d'entente bilatérale déposée par M. von Finckenstein comme suggestion sur la manière dont cette entente bilatérale pourrait fonctionner—je suppose probablement pour commencer avec les États-Unis et ensuite avec d'autres pays qui ont des bureaux de la concurrence analogues au nôtre ou avec ceux avec lesquels nous voulons conclure une entente.
L'un d'entre vous a-t-il eu l'occasion d'y jeter un coup d'oeil et pourrait-il nous dire... Je pense à vous, monsieur Ryley. Vous avez posé la question à propos de ces grosses compagnies américaines qui s'en servent simplement pour obtenir des renseignements ou pour avoir accès à votre stratégie commerciale, à vos plans, que sais-je. Pensez-vous que ce genre d'entente bilatérale comporte suffisamment de garde-fous pour vous conforter dans l'idée que si notre gouvernement devait signer une entente de ce genre avec les Américains, par exemple, cela ne vous poserait pas de problème?
M. Alain Perez: La question de l'entente bilatérale est compliquée premièrement par le fait que nous n'avons pas les mêmes lois et deuxièmement par le fait que ce qui constitue là-bas un délit peut ne pas en constituer un ici et vice versa. Cela ouvre donc la porte à toutes sortes de problèmes. Une compagnie américaine pourrait entamer une poursuite rien que pour avoir des renseignements sur quelque chose qui chez nous serait considéré complètement inoffensif alors que chez eux, cela serait considéré autrement.
Il faut donc être très prudent ici. Cependant, je ne veux pas compromettre le Bureau en disant que je lui suis favorable, mais de manière générale, nous avons confiance dans le Bureau et nous avons confiance dans le gouvernement. Par conséquent, cela me préoccupe. Les avocats vont soulever toutes sortes d'autres objections à ce sujet. Du point de vue de l'entreprise, et si j'en juge d'après l'expérience que nous avons des autres lois, par exemple celle sur l'accès à l'information, et le reste, les gouvernements s'assurent généralement que leurs propres citoyens soient protégés. C'est préoccupant, mais il n'y a pas de quoi en faire une obsession.
M. Chuck Strahl: Eh bien, c'est ce que je crois aussi. C'est un grand accord cadre. Personne ici n'est avocat. Mais il me semble que, pour de nombreuses industries—j'ignore si les gens de la FCEI en pensent autant—la plus grande menace pour la concurrence, pour ainsi dire, c'est le gros poisson dans l'océan, peu importe la taille de cet océan. S'il y a dans cet océan une entente bilatérale avec les États-Unis ou l'Europe, par exemple, avec d'autres pays qui ont eux aussi un bureau de la concurrence bien établi—mais pas la même chose que nous—il me semble qu'avant d'ériger cette mesure en loi, il serait bon de réfléchir un peu et d'étudier comme il faut cet article-là. Si l'on espère que le gouvernement adoptera la bonne mesure, et espérons que ce sera le cas, il faut se préoccuper de cet aspect de la concurrence internationale.
Nous avons vu récemment, par exemple, les pays nordiques se plaindre de certaines choses qui se font en Europe et qui ont dit ensuite, très bien, on accepte cela ici, et dans d'autres pays non; les règles ne sont pas les mêmes.
C'est l'un des domaines où il faut bien faire les choses, particulièrement avant la première entente bilatérale ou la deuxième, parce que si nous nous trompons, nous éprouverons peut- être de sérieuses difficultés. C'est aussi important qu'un accord du genre de l'ALENA, particulièrement pour des industries comme la vôtre où il y a beaucoup de négociations transfrontalières.
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Merci, monsieur Strahl.
Je vais clore la séance.
M. Chuck Strahl: Si vous le permettez, avant de mettre un terme à la séance, j'ai une chose à dire mais qui ne concerne pas les témoins.
Le vice-président (M. Walt Lastewka): Je tiens à remercier les témoins, pour leurs rapports détaillés et leurs explications très succinctes. Nous nous retrouvions devant un certain nombre d'enjeux qui étaient embrouillés, et vous avez réussi à démêler tout cela pour nous. Je tiens donc à vous remercier pour ces explications.
M. Chuck Strahl: Monsieur le président, si vous le permettez, je n'ai pas de motion ou rien d'autre de ce genre, mais étant donné l'article qui est paru dans le Globe and Mail au cours de la fin de semaine au sujet de cette prétendue analyse de l'OCDE—un obscur rapport confidentiel qui porte expressément sur le Bureau de la concurrence—je me demande s'il ne conviendrait pas de demander à notre greffier de prendre toutes les mesures nécessaires pour obtenir le texte de ce rapport.
C'est une attaque en règle contre le Bureau. Ou bien nous avons intérêt à le défendre vigoureusement, ou alors il faudra convoquer le ministre pour qu'il nous explique pourquoi l'OCDE semble trouver que c'est une si mauvaise chose.
Le vice-président (M. Walt Lastewka): D'accord.
Merci. La séance est levée.