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NDVA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants


Témoignages du comité

TABLE DE MATIÈRE

Le mardi 5 février 2002




¹ 1530
V         Le président (M.David Pratt (Nepean--Carleton, Lib.))
V         Clive J. Addy (témoignage à titre personnel)
V         M. John O'Reilly (Haliburton--Victoria--Brock, Lib.)
V         Le président
V         M. John O'Reilly
V         Le président
V         M. Clive Addy

¹ 1535

¹ 1540

¹ 1545

¹ 1550

¹ 1555
V         Le président
V         M. Benoit
V         M. Clive Addy

º 1600
V         M. Benoit
V         Le président
V         M. Benoit
V         Le président
V         M. Leon Benoit
V         Le président
V         M. Clive Addy
V         M. Benoit
V         M. Clive Addy
V         M. Benoit
V         Le président
V         M. Clive Addy
V         M. Leon Benoit
V         M. Clive Addy
V         Le président
V         M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ)

º 1605
V         M. Clive Addy
V         M. Claude Bachand
V         M. Clive Addy
V         M. Claude Bachand
V         M. Clive Addy
V         M. Claude Bachand
V         Le président
V         M. Bachand
V         M. Clive Addy

º 1610
V         Le président
V         M. David Price (Compton--Stanstead, Lib.)
V         M. Claude Bachand
V         M. David Price

º 1615
V         M. Clive Addy
V         M. David Price
V         M. Clive Addy
V         M. David Price
V         M. Clive Addy
V         Le président
V         M. Peter Stoffer (Sackville--Musquodoboit Valley--Eastern Shore, NPD)

º 1620
V         Le président
V         Mr. Stoffer
V         M. Clive Addy
V         M. Peter Stoffer
V         M. Clive Addy
V         M. Peter Stoffer
V         M. Clive Addy
V         M. Peter Stoffer

º 1625
V         M. Clive Addy
V         M. Peter Stoffer
V         M. Clive Addy
V         M. Peter Stoffer
V         M. Clive Addy
V         M. Benoit

º 1630
V         M. Clive Addy
V         M. Leon Benoit
V         M. Clive Addy
V         Mr. Benoit
V         M. Clive Addy
V         M. Leon Benoit
V         Le président
V         M. Clive Addy
V         Le président
V         M. Peter Stoffer
V         Le président
V         M. Claude Bachand

º 1635
V         M. Clive Addy
V         M. Claude Bachand
V         M. Clive Addy
V         M. Claude Bachand
V         Le président
V         M. Bryon Wilfert (Oak Ridges, Lib.)

º 1640
V         Le président
V         M. Clive Addy
V         Le président

º 1645
V         M. Bryon Wilfert
V         Le président
V         M. Peter Stoffer
V         M. Clive Addy
V         M. Peter Stoffer
V         Le président
V         M. Clive Addy
V         M. Peter Stoffer
V         M. Clive Addy
V         M. Peter Stoffer
V         M. Clive Addy
V         M. Peter Stoffer

º 1650
V         M. Clive Addy
V         Le président
V         M. Bob Wood (Nipissing, Lib.)
V         M. Clive Addy
V         Mr. Wood
V         M. Clive Addy
V         Mr. Wood
V         M. Clive Addy
V         M. Bob Wood
V         Mgén Clive Addy
V         Mr. Wood
V         M. Clive Addy
V         M. Bob Wood
V         M. Clive Addy

º 1655
V         Mr. Wood
V         M. Clive Addy
V         Le président
V         M. Benoit
V         M. Clive Addy
V         M. Benoit
V         M. Clive Addy
V         M. Benoit
V         M. Clive Addy
V         M. Leon Benoit
V         M. Clive Addy
V         Le président
V         M. Leon Benoit
V         M. Clive Addy
V         M. Benoit

» 1700
V         M. Clive Addy
V         M. Leon Benoit
V         M. Clive Addy
V         M. Leon Benoit
V         Le président
V         M. Leon Benoit
V         Le président
V         M. David Price
V         M. Clive Addy
V         M. David Price
V         M. Clive Addy
V         M. David Price
V         M. Clive Addy
V         Le président
V         M. David Price
V         M. Clive Addy

» 1705
V         Le président
V         M. Claude Bachand
V         M. Clive Addy
V         M. Claude Bachand
V         M. Clive Addy
V         M. Claude Bachand
V         M. Clive Addy
V         M. Claude Bachand
V         M. Clive Addy
V         M. Claude Bachand
V         M. Clive Addy
V         M. Claude Bachand
V         M. Clive Addy
V         Le président
V         M. Claude Bachand

» 1710
V         M. Clive Addy
V         M. Claude Bachand
V         M. Clive Addy
V         M. Claude Bachand
V         Le président
V         M. Bachand
V         M. Clive Addy
V         Le président
V         M. Carmen Provenzano (Sault Ste. Marie, Lib.)
V         M. Clive Addy
V         M. Carmen Provenzano
V         Le président
V         M. Peter Stoffer
V         M. Clive Addy
V         M. Peter Stoffer

» 1715
V         M. Clive Addy
V         Le président
V         M. Peter Stoffer
V         M. Clive Addy
V         Mr. Stoffer
V         M. Clive Addy
V         Mr. Stoffer
V         M. Clive Addy
V         Le président
V         Mr. Stoffer
V         Le président
V         M. Bryon Wilfert

» 1720
V         M. Clive Addy
V         M. John O'Reilly
V         Le Président










CANADA

Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants


NUMÉRO 041 
l
1re SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

Témoignages du comité

Le mardi 5 février 2002

[Enregistrement électronique]

¹  +(1530)  

[Traduction]

+

    Le président (M.David Pratt (Nepean--Carleton, Lib.)): La séance du Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants est ouverte. Nous avons le quorum.

    Il y a plusieurs points à notre ordre du jour. Le premier concerne la comparution et le témoignage du major général (retraité) Clive J. Addy. Bien entendu, c'est dans le contexte de notre étude sur l'état de préparation des Forces canadiennes. Le deuxième qui devrait être bref concerne le budget du Sous-comité des anciens combattants.

    Nous avons la biographie du général Addy et vous devriez tous avoir reçu des notes concernant une comparution qui aurait dû avoir lieu en novembre, n'est-ce pas?

+-

    Clive J. Addy (témoignage à titre personnel): [Major général retraité] Je devais comparaître en novembre, mais je n'ai pas pu me libérer.

+-

    M. John O'Reilly (Haliburton--Victoria--Brock, Lib.): Monsieur le président, j'invoque le Règlement. Ne pourrions-nous pas adopter immédiatement ce budget? Je ne vois pas de problème. Est-ce que quelqu'un a des questions à poser? Y a-t-il une raison quelconque pour que nous ne l'adoptions pas immédiatement?

+-

    Le président: C'est Mme Beaumier qui est la présidente du sous-comité et je ne sais pas si elle voudrait dire un mot ou deux au sujet de ce budget. Je suppose qu'elle ne verra pas d'inconvénient à ce que nous l'ayons adopté.

+-

    M. John O'Reilly: Je crois que tout le monde est favorable à son adoption.

    Je propose son adoption.

    (La motion est adoptée)

+-

    Le président: C'était rapide.

    Général Addy, à vous la parole.

+-

    M. Clive Addy: Merci beaucoup.

    Monsieur le président, c'est peu dire que d'affirmer que les choses ont changé depuis le début de votre rapport, en juin, et mon étude de celui-ci pour le Réseau national des associations de la défense. Le 11 septembre, en effet, a amené la plupart des Canadiens à s'intéresser à la question de la sécurité et à se rendre compte de la mesure dans laquelle elle constitue une assise vitale et essentielle à la prospérité et à la justice au Canada et dans le monde entier.

    Comme bien d'autres, j'ai été approché, pendant cette période de turbulence et de risque, par plusieurs représentants des médias à la recherche d'avis et d'opinions sur l'état de notre force militaire. En ma qualité de participant et d'observateur, il m'est apparu que le pays a peut-être plus de conseillers que de soldats et cela, en soi, est assez troublant.

    Qu'il suffise de dire que l'état de préparation opérationnelle des forces armées et, chose plus importante encore, la pertinence et le financement passé du Livre blanc de 1994 sont des questions, à n'en pas douter, d'un intérêt actuel et vital pour le Canada et les Canadiens. Inutile de citer les derniers sondages sur la question.

    J'ai accueilli avec beaucoup de plaisir votre dernier rapport et je suis d'accord avec vos recommandations, à une chose près: il faut nous garder de nous prémunir seulement contre la menace terroriste du 11 septembre. En revanche, comme vous le savez, j'ai considéré tout à fait pusillanime l'initiative de redressement contenue dans le budget du 10 décembre.

    Dans le mémoire que j'avais préparé à votre intention avant le 11 septembre, je vous faisais part de mon intention de procéder à une analyse plutôt théorique de ce que des termes assez vagues comme «préparation opérationnelle», «efficacité opérationnelle», etc., signifient. Chacun est souvent utilisé avec beaucoup d'autorité, mais qui sait ce qu'ils peuvent bien vouloir dire? Je ne me livrerai pas à cet exercice qui semble désormais futile, sauf pour souligner qu'une bonne partie de cette discussion a tourné, dans le passé, sur le recours sélectif à des concepts vaguement définis et non mesurés. La base des définitions d'un orateur donné relativement à celles d'un autre ne me paraît plus valoir la peine d'être explorée, à mon avis.

    Ayant écouté le ministre de la Défense nationale tenter de définir avec exactitude ce que nous pourrions produire et ayant vu les gens courir en tous sens dans les Forces canadiennes pour concocter ce que nous avons aujourd'hui en Afghanistan, ce qui, pour l'essentiel, correspond à l'engagement du Livre blanc, je crois que cela témoigne suffisamment de l'état de sous-financement, de sous-dotation, de surcharge de travail et de préparation médiocre de nos forces armées.

    Comprenez-moi bien, je n'exprime nullement une opinion négative sur les militaires. Les Forces canadiennes feront de leur mieux avec ce qu'on leur a donné. Elles feront preuve de professionnalisme et d'abnégation et feront face à la responsabilité illimitée et inhérente à leur profession. Comme à leur habitude, elles le feront d'une façon bien supérieure à ce que nous méritons pour l'appui que nous leur accordons.

    Si l'objectif de votre comité consistait à l'origine à préciser l'état opérationnel des forces armées, il demeure aujourd'hui le même pour la bonne raison, beaucoup plus substantielle, qu'il faut établir la véritable base de notre sécurité nationale présente et à venir. J'aimerais donc en conséquence traiter des quatre sujets suivants et répondre ensuite à vos questions: premièrement, la nécessité de mesurer le mieux possible la capacité opérationnelle; deuxièmement, la nécessité d'un examen de la sécurité nationale; troisièmement, une description des lacunes de notre capacité existante; et enfin, les mises en garde que j'estime nécessaires lorsque vous étudierez et que vous analyserez notre politique de sécurité.

    Permettez-moi de commencer par dire que dorénavant, et sous quelque forme que le gouvernement désire définir la capacité opérationnelle des Forces canadiennes, il doit le faire de telle manière que cette capacité s'exerce et soit mesurée. Il est assez difficile de se faire une idée de ce que l'on attend des forces en partant du Livre blanc, de toute façon.

    Au chapitre 3, où l'on dit que le maintien de forces «multifonctionnelles et aptes au combat est dans l'intérêt national», les auteurs perdent leur temps à définir ce qui n'est pas au lieu d'expliquer ce qui est. Ce faisant, ils ont créé il y a des années une source de confusion et de débat incessant.

    Plus récemment, Mme Janice Stein a ajouté son propre point de vue révisionniste mais inoffensif de notre passé militaire et de nos besoins de sécurité actuels qui n'a rien fait pour clarifier la situation.

    Il y a longtemps que le Bureau du vérificateur général nous demande de mieux définir et de mesurer nos capacités opérationnelles. Dans le passé, cette demande a représenté tout un défi pour la hiérarchie militaire de tous les services, qui s'y sont essayés par différentes méthodes. La taille actuelle et la surcharge de travail des forces ont largement contribué à exacerber la situation.

    La difficulté demeure toujours de mesurer nos capacités par rapport à une norme convenue. Cette norme peut s'établir le mieux, à mon avis, à partir de scénarios résultant d'une recherche opérationnelle fondée sur une politique de défense et sur des mesures claires. Je crois qu'il est essentiel de définir cette norme même si cela peut sembler difficile à beaucoup.

    L'autre possibilité consiste à confier tout l'exercice au jugement des officiers supérieurs et, parfois, aux responsables politiques de haut niveau ou aux bureaucrates. Je crois que tout système de mesure doit comporter le jugement écrit de commandants militaires de grade élevé, mais j'insiste pour dire que cela ne suffit pas. Une fois la mesure prise, ce sont les responsables politiques qui doivent décider ce qu'il faut faire.

¹  +-(1535)  

    Normalement, j'estime que les bureaucrates n'ont pas la compétence nécessaire pour exprimer une opinion. L'une des raisons de ce manque apparent d'objectivité est évidente dans le témoignage récent d'un membre de haut niveau de la Direction des politiques du MDN devant le Comité sénatorial de la défense et je cite: «Tout nous indique que le Canada sera prévenu suffisamment longtemps à l'avance pour déployer une brigade». Je me permets de lui suggérer qu'à mon avis nous n'aurons jamais le temps suffisant pour déployer une brigade ou quoi que ce soit d'autre. Il a également dit: «C'est en Corée que le Canada a eu pour la dernière fois l'occasion de déployer des effectifs de la taille d'une brigade». Et il semble me souvenir, ce qui tombe à point, que la 57e brigade, la 4e brigade et la 1re division aérienne étaient déployées en Europe il y a 40 ans.

    Non, nous devons prendre une mesure objective de nos capacités pour rassurer les Canadiens. N'importe quel placeur de la bourse vous le dira: la sécurité naît dans l'esprit des investisseurs... dans le cas présent, les citoyens du Canada, d'après moi.

    La nécessité de procéder à un examen de la défense dans le cadre de l'examen de la sécurité nationale est mon sujet suivant. Permettez-moi de commencer par dire que, de l'avis de la Fédération des instituts militaires et interarmées du Canada et du Council for Canadian Security in the 21st Century (Conseil pour la sécurité canadienne au XXIsiècle) et d'autres, le Livre blanc de 1994, dans sa forme actuelle, devrait être lui-même revu. Ce qui est plus important encore et, j'espère, plus évident pour la majorité aujourd'hui qu'en février 2001 quand nous avons publié notre premier rapport intitulé Canada's Strategic Security XXI, nous estimons que cet examen doit impliquer directement les ministères des Affaires étrangères, de la Défense nationale, du Solliciteur général, de la Justice, de l'Immigration, des Finances et, indirectement, la plupart des autres.

    Le document de la Fédération intitulé Canada's Strategic Security XXI ne prétend pas fournir toutes les réponses, ni même soulever toutes les questions, mais il affirme que la sécurité nationale dépasse le cadre du MDN et requiert une réflexion intelligente, une coordination et des ressources au niveau national.

    Sa seule recommandation officielle que je me permets de vous rappeler est la suivante: que le gouvernement constitue un groupe d'experts indépendant chargé d'élaborer rapidement une stratégie de sécurité nationale pour le XXIsiècle. Ce groupe aurait pour mandat d'en arriver à une convergence maximale faisable sur des questions d'importance primordiale pour la sécurité du Canada. Quant à la stratégie, elle orienterait les politiques futures en matière d'affaires étrangères, de finances et de défense. Le groupe ferait rapport de ses activités directement au Parlement.

    La Fédération propose également la création d'un bureau de la sécurité nationale qui coordonnerait la stratégie au niveau national mieux que ne le fait à l'heure actuelle le système BCP/CPM. Les responsabilités confiées au nouveau vice-premier ministre vont dans ce sens et sont tout à fait bienvenues.

    Il est possible que le Livre blanc actuel, après quelques modifications, puisse satisfaire à cette stratégie sous la forme d'une politique de la défense nationale, mais je ne doute pas un instant, ni la Fédération d'ailleurs, qu'un financement adéquat et une meilleure utilisation des fonds attribués seront nécessaires. Sur ce dernier point, par exemple, il est évident que le Canada, en sa qualité de membre du G-7 et du G-8, pourrait bénéficier d'une capacité de transport stratégique nettement améliorée. Si, toutefois, cette capacité de transport stratégique coûtait une proportion si importante du budget qu'il faudrait restreindre la force utilisable à un seul endroit et à un très petit nombre, on peut se demander s'il s'agirait là d'un investissement judicieux pour la sécurité nationale.

    Dans la même optique, la Fédération se réjouit à l'idée de recevoir les réponses aux questions sur l'approvisionnement posées par le CPDNAC et ses commentaires sur ces réponses, car elle croit qu'ici aussi, on peut faire plus pour économiser.

    Finalement, nous sommes également d'avis que ce n'est que dans un contexte de sécurité nationale que le rôle et la perspective véritables des forces de réserve peuvent vraiment être compris et définis et, par conséquent, adéquatement financés.

    Vous savez sans doute que nous ne sommes pas seuls à proposer un examen. À l'Université de Calgary, M. David Bercuson, aidé d'un certain nombre d'autres «conseillers en matière militaire», a produit une étude semblable mais plus détaillée dans la même veine. Elle a pour titre To Secure a Nation. Votre tout dernier rapport semble y faire allusion également.

    Dans quel état se trouvent donc nos Forces pour faire face à l'avenir et cet état est-il ce qu'il devrait être? Vous entendrez des déclarations, pour la plupart enjolivées d'une pléthore de qualificatifs, indiquant que nous sommes en mesure de respecter les engagements du Livre blanc de 1994. La difficulté réside dans le fait de savoir si ces forces sont formées et prêtes au niveau voulu. Certaines le sont. La plupart des membres connaissent les exigences de leur métier et les remplissent très bien, mais, comme dans une équipe de football ou dans un orchestre, le succès dépend davantage que de la somme des investissements de chacun. Il faut de la pratique et un travail d'équipe. D'après les déclarations des chefs des forces maritimes, terrestres et aériennes, il nous apparaît que le niveau de financement empêche, dans une large mesure, d'atteindre les niveaux de travail d'équipe jugés nécessaires à l'état de préparation opérationnelle.

¹  +-(1540)  

    Il faut aussi se rendre compte qu'à cause des budgets, certaines unités de combat régulières qui ne sont pas immédiatement affectées à des missions de l'ONU, de l'OTAN ou autres, sont limitées à environ 15 jours d'entraînement collectif par année.

    On pourrait s'interroger de la même façon sur l'entraînement d'adaptation effectué récemment par les 750 soldats destinés à l'Afghanistan; on peut se demander dans quelle mesure ils ont mis en pratique ce qu'on appelle maintenant les «règles d'engagement».

    Les plus révélatrices de ces déclarations des chefs opérationnels se trouvent dans les dernières versions de ce que l'on appelle les «Plans d'activités de niveau 1» pour 2001. Ces énoncés ont été tirés de ces divers plans d'activités et compilés dans une étude intitulée Caught in the Middle, réalisée par la Conférence des associations de défense et leur recherchiste Sean Henry.

    Permettez que je vous en cite quelques-unes parmi les plus révélatrices.

    Premièrement, la marine

ne sera pas en mesure de fournir le niveau de capacité de défense maritime attendu d'elle sans ressources supplémentaires [...] Le coût accru du carburant, combiné à l'absence de souplesse des budgets de fonctionnement, mènera à une réduction des opérations nécessaires de la flotte [...] À moins qu'un financement d'appoint ne soit obtenu, la Marine devra, entre autres choses, éliminer les exercices nationaux et internationaux qui servent à l'atteinte et au maintien des niveaux requis de préparation.

    La Force aérienne «est confrontée à de graves pénuries. La situation est extrêmement grave dans le cas des pilotes et s'aggravera probablement au cours des trois années à venir [...] il en résultera une perte de capacité.»

    Ces déclarations portent sur le court terme des deux armes considérées les mieux portantes. Dans le cas de l'armée de terre, la situation est plus navrante: «L'instruction collective est tombée sous le niveau de la prudence.»

    Il s'est passé neuf ans depuis le dernier exercice de niveau brigade. «La capacité de ne générer que des groupes opérationnels de la taille d'une compagnie ne répond pas aux attentes du gouvernement.» Elle ne répond pas non plus à la politique du Livre blanc.

    «Seulement deux bataillons sur neuf recevront une instruction à ce niveau cette année». Cela veut dire que le tiers de tous les chefs qui commandent un bataillon et qui seront promus à des grades plus élevés n'auront jamais commandé ou n'auront jamais été mis à l'épreuve à ce niveau. Voilà la réalité à long terme.

    L'avenir semble moins rose, bien que l'armée se propose de tenir un exercice de niveau brigade si son financement le permet dans deux ou trois ans.

    Pour l'exercice comptable 2001-2002, l'armée de terre est 172 millions de dollars en deçà de ce qu'il lui faut pour ses opérations minimales. Elle a aussi «un débit de remplacement des infrastructures et de recapitalisation des installations de 900 millions de dollars qui continue de s'accumuler».

    Ne songeons même pas à aborder les besoins d'équipement et les carences de personnel. Je crois que vous les connaissez. Toutes les armes, essentiellement, sont en déficit quant à leur capacité de respecter les engagements du Livre blanc mais continuent de faire de leur mieux pour produire un résultat aussi proche du but que possible. Elles sont toutes trois sur une pente glissante.

    Je n'ai pas parlé du sous-chef d'état-major de la défense, du vice-chef d'état-major de la défense ni des autres directions du MDN, bien que je sache que la branche du renseignement de sécurité des Forces canadiennes et le centre opérationnel interarmées continuent de fonctionner à des niveaux insoutenables de sous-dotation.

    Du côté du soutien médical et logistique, il n'y a pas de quoi se réjouir non plus. Vous voudrez peut-être vous rendre sur place et poser quelques questions.

    Mais chose encore plus importante, c'est que vous devez tenir compte de ce que seront les cinq à dix prochaines années, quand il faudra de cinq à six milliards de dollars de plus pour remplacer l'équipement usé, sans compter les augmentations des budgets de fonctionnement et d'entretien ni les investissements en technologie de pointe.

    Dans une analyse semblable, détaillée et intéressante, publiée dans la revue On Track en août, le magazine de la Conférence des associations de défense, le colonel MacDonald parle du retard accumulé au chapitre du remplacement de l'équipement et confirme, en substance, les prévisions du vérificateur général.

    Certains vous diront que c'est beaucoup d'argent et qu'il y a sûrement exagération. Ils douteront que les Forces canadiennes aient besoin d'un effectif de cette taille. Il est relativement facile de répondre à ces questions dans la mesure où l'interlocuteur reconnaît le rôle de sa sécurité relativement à son bien-être et le fait que les Forces canadiennes tirent une capacité impressionnante de l'argent qu'elles dépensent.

    Cela ne se fait pas facilement quand le ministre lui-même brouille les cartes en déclarant en réponse à l'appel aux armes de l'ambassadeur Celucci, publié dans le National Post du 2 août dernier: «plus de 3 milliards de dollars ont été investis au cours des trois dernières années... le Canada a le septième budget de défense le plus important...»

    En réponse à une lettre dans le même sens, au printemps, il a déclaré en septembre dernier que cette somme s'élevait à 2,3 milliards de dollars. La vérité se trouve dans la façon dont nos amis et alliés de l'OTAN nous voient... Le fait est que nous investissons 265 $ par habitant en dépenses de défense; la moyenne de l'OTAN est de 589 $, à l'inclusion de nos nouveaux partenaires orientaux. Le fait est que l'OTAN utilise comme mesure un pourcentage du PIB parce que cette méthode tient compte de différences aussi importantes que la conscription dans certains pays alliés et reflète tant la capacité que la détermination des pays à se soutenir les uns les autres mieux que ne peut le faire une simple somme d'argent. À 1,2 p. 100, je vous rappelle que nous sommes à l'avant-dernier rang de l'OTAN, tout de suite après le duché du Luxembourg.

¹  +-(1545)  

    Soit dit en passant, le huitième rang—nous sommes au septième—est occupé par la Hollande, qui compte 60 p. 100 de notre population, 1/30 de notre superficie, est bordée par un océan, contribue plus que nous actuellement à l'ONU et ne consacre qu'un peu moins que nous, en dollars américains, à la défense.

    En l'absence d'un bon miroir, c'est dans les yeux de ses amis que l'on se rend compte qu'on est chauve.

    Quant au volume de l'effectif, nous n'en avons pas autant par dollar investi dans la défense que la plupart des pays de l'OTAN et les coûts de notre infrastructure, dans ce pays vaste et froid qui est le nôtre, tout comme le coût concurrentiel de la main-d'oeuvre de notre force volontaire expliquent en bonne partie la situation. Mais, nous pouvons faire mieux.

    Bref, comme membre du G-7 et pays aussi dépendant du commerce, surtout avec les États-Unis, comme pays qui croit au multilatéralisme et s'en remet à lui pour construire un monde meilleur, le Canada doit être vu par ses citoyens comme contribuant à sa propre sécurité et par ses amis et alliés comme faisant sa part. Consacrer 1,2 p. 100 du PIB à la défense ne satisfait aucunement à ces exigences, à mon avis.

    Je vais laisser de côté la citation bien connue et souvent reprise du ministre Manley qui serait allé aux toilettes au moment de l'adoption du projet de loi, mais je vous rappelle les paroles prononcées par l'ambassadeur Celucci le 27 juillet et répétées après le 11 septembre, et je cite:

Je dois maintenant signaler que beaucoup de nos amis au Canada ont exprimé une inquiétude à ce sujet, une inquiétude que beaucoup partagent du côté américain de la frontière. Cette inquiétude concerne les ressources consacrées au Forces canadiennes. Même si elles ont été réduites de façon draconienne à cause de la fin de la guerre froide, et du besoin de rétablir l'équilibre budgétaire fédéral, la situation a maintenant atteint un point où, en l'absence d'augmentations importantes, les Forces canadiennes pourraient perdre une grande partie de leur efficacité. Au cours des deux dernières années, leur budget a été augmenté et, à titre d'amis, d'alliés et d'admirateurs du bon travail effectué par les militaires canadiens, nous espérons que cette tendance se poursuivra.

    Et je l'espère aussi.

    Les récentes discussions sur les prisonniers de guerre, les uniformes adaptés au désert et les communications au Cabinet, bien qu'intéressantes pour les médias et l'opposition, sont beaucoup moins importantes pour nos soldats, leur mission et nos alliés. Ce qui est vital pour eux, c'est notre capacité d'entraîner, d'appuyer, de soutenir et d'équiper nos troupes. À cet égard, je crois que nous ne sommes toujours pas à la hauteur.

    Dans le domaine des communications, on pourrait toutefois demander pourquoi le MDN n'a pas donné un briefing clair, public, régulier et détaillé sur ce que l'on attend de nos troupes et sur ce que font nos troupes qui ont été déployées depuis octobre. Si l'on avait établi de tels briefings en s'inspirant des recommandations de l'enquête sur la Somalie, cela aurait permis à mon avis d'atténuer certaines incertitudes actuelles et peut-être futures et cela aurait cristallisé l'attention sur ce qui importe.

    Je voudrais maintenant faire certaines mises en garde. Elles sont particulièrement pertinentes relativement au budget que nous avons reçu le 10 décembre. Quand on se tourne vers l'avenir, je crois que nous devons éviter de trop nous attarder sur ce que j'appellerais «le sujet de l'heure» pour ce qui est du rôle des forces. Aujourd'hui, c'est le terrorisme immédiat. Nous allons claquer la porte au nez des gens qui volent des avions pour aller percuter des gratte-ciel, mais nous aurons résolu bien peu par ailleurs. Il y a encore pénurie de connaissances.

    L'autre aspect pertinent, c'est que nous devons être très bien informés. Nous devons nous améliorer suur ce plan pour être en mesure de prédire où sera le prochain conflit, quelle en sera l'ampleur et quelle sera notre implication. Pour cela, nous avons besoin de forces armées dotées intrinsèquement de souplesse.

    Je suis convaincu que la solution réside toujours à l'heure actuelle dans une capacité de combat multifonctionnelle. Les gens vous disent, et Ed Greenspon ne s'en prive pas: «N'allez pas tomber dans le piège de la capacité au combat multifonctionnelle. Il nous faut un rôle spécialisé».

    Ce qui cloche avec un rôle spécialisé, c'est qu'on choisit normalement de se spécialiser dans le rôle qui est le moins utile dès qu'une crise surgit. Il suffit de connaître un peu l'histoire pour en trouver des exemples.

    Il y a aussi le défi de l'espace. Vous pouvez lire tous les articles, si vous le voulez. Vous avez eu la chance inouïe de visiter NORAD et vous savez ce qui s'y passe. Je pourrais peut-être vous rappeler qu'il y a plus de 600 satellites actifs en 2001, plus de 100 milliards de dollars qui ont été investis en communication là-haut. On en lancera 1 000 autres d'ici 10 ans et l'on prévoit une croissance annuelle de 20 p. 100 dans ce domaine.

    Quand vous commencez à dire qu'il faut protéger les lignes de communication et le commerce, je vous invite à considérer que l'espace est déjà devenu l'une de nos principales lignes de communication et de commerce. Vous devriez vous pencher là-dessus, au lieu d'essayer de sauver un traité qui est peut-être pertinent, mais peut-être pas autant qu'il l'était.

¹  +-(1550)  

    Il faut absolument relever le défi du renseignement et en assurer la coordination pour éviter le genre d'information gênante que vous avez tous constaté ces derniers jours. Pour ce faire, il existe des méthodes beaucoup plus efficaces que celles utilisées à l'heure actuelle. Il est en fait possible de mettre en commun l'information dont disposent le solliciteur général, la GRC, le SCRS et le MDN. Si vous voulez savoir comment cela peut se faire, rappelez-vous l'énorme diagramme que vous avez vu lorsque vous êtes tous allés, je crois, à NORAD. Vous saurez alors que le regroupement des renseignements et les sources de ces renseignements sont pratiquement infinis.

    Les politiques de sécurité mêmes devraient atténuer les dommages dont elles ne peuvent prévenir l'occurrence. Qu'est-ce que je veux dire par là? Je veux dire que vous devez être prêts à pratiquement n'importe quoi ou avoir un plan pour pratiquement n'importe quoi, mais ne vous attendez pas à pouvoir prévenir tout ce qui est susceptible de se produire dans le monde aujourd'hui et à l'avenir.

    Les forces au pays devraient être positionnées en fonction du besoin national, pas selon les circonscriptions électorales ou d'autres considérations. Il faut repenser la chose en partie. Comme j'ai été commandant de la région ouest, je suis particulièrement sensible au retrait de toutes les forces terrestres de la Colombie-Britannique. Je ne considère pas qu'il s'agit d'une question de parti, mais d'une question de besoin national. Il s'agit en fait de la province du Canada qui court le plus de danger et après en avoir retiré les forces terrestres, nous ne lui avons pas attribué ce que je considère être un élément utile pour cette région du pays—des hélicoptères.

    Nous devrions explorer les capacités et la technologie interarmées pour voir s'il serait possible de réaliser des économies. Par exemple, un hélicoptère d'attaque tous temps sans équipage peut-il remplacer l'hélicoptère avec équipage, ou même le char d'assaut? La réponse est oui, probablement, et de bien des manières; et il pourrait être remplacé par quelque chose d'autre. Mais ce genre de choses prennent du temps et doivent être développées et coordonnées. On ne peut pas garer ce char d'assaut aujourd'hui en attendant de trouver d'ici 10 ans un solution technologique. Ce n'est pas ainsi qu'il faut procéder; c'est ce que nous avons fait par le passé et nous avons perdu notre capabilité.

    Il faut se garder de renoncer à du personnel et de l'équipement sur une promesse d'acquisition future de biens technologiques. Il est peut-être bon de se rappeler qu'un tiens vaut mieux que deux tu l'auras. Mais on si on ne prend pas de décisions et si ces décisions tardent à être prises par les dirigeants du pays, c'est alors qu'on se trouve aux prises avec ces dilemmes et ces gaspillages.

    Il est important d'engager des troupes. Comme pays, il est important de mettre des gens sur le terrain. C'est risqué mais ne pas les engager peut s'avérer plus risqué à long terme. Je considère que la sécurité de notre pays exige que nous ayons des forces armées tant chez nous qu'à l'étranger. Je crois que la tendance va évoluer étant donné que l'accent portera davantage sur la sécurité du territoire étant donné que la vulnérabilité de l'Amérique du Nord est devenue un mythe depuis le 11 septembre et que c'est une question qui nous préoccupe davantage. Il faut structurer, affecter et financer les Forces canadiennes pour qu'elles répondent aux besoins du Canada aujourd'hui et demain. L'efficacité des forces il y a 10 ans n'est absolument plus pertinente et n'intéresse personne qui connaît son métier.

    Les besoins du Canada en matière de sécurité doivent aller au-delà de la politique de défense et être étudiés et coordonnés dans ce contexte plus vaste. Ces besoins se trouvent exprimés aujourd'hui dans le Livre blanc de 1994, et les Forces canadiennes sont incapables d'y répondre même si elles font de leur mieux. Cela est attribuable en majeure partie au manque de financement, à notre effectif réduit et à la surcharge de travail qui en découle. La situation actuelle est vraiment déplorable, même si nos soldats arrivent à accomplir des miracles, mais nous devons retenir et former plus de gens que le nombre prévu par le Livre blanc de 1994. L'armée en particulier a besoin immédiatement d'un bon nombre de recrues.

    Je ne crois pas personnellement que tout plan futur en matière de sécurité pour le Canada prévoira un effectif inférieur à celui réclamé par le Livre blanc. Je suis convaincu qu'il faudra au moins 70 000 personnes pour faire le travail correctement, même avec l'ajout de la technologie. Mais je crois effectivement que le moment est venu d'adopter une nouvelle politique nationale et plus vaste en matière de sécurité qui débouchera sur une politique de défense révisée, qui doit être suffisamment financée. Nous ne pouvons pas continuer à demander à nos gens de faire l'impossible.

    J'ai le privilège d'être un conseiller auprès de l'ombudsman et de connaître les répercussions que ce genre de politique a sur les gens que nous envoyons là-bas et je ne suis pas impressionné.

    Cela, monsieur le président, met fin à ma présentation.

¹  +-(1555)  

+-

    Le président: Je vous remercie, général Addy.

    Monsieur Benoit, une question.

+-

    M. Leon Benoit (Lakeland, Alliance canadienne): Merci beaucoup, monsieur le président, et merci, général, pour votre présentation. Je l'ai trouvée très intéressante. J'aurais aimé que l'ensemble du comité ait l'occasion d'entendre la présentation que vous avez faite sur une politique très prospective de défense—dont certaines questions abordées sont nettement orientées vers l'avenir—à l'occasion d'une conférence qui s'est déroulée le week-end dernier, en compagnie entre autres du professeur Bercuson et du professeur Granatstein. Cette conférence était très intéressante.

    Ma première question concerne un sujet que vous avez évoqué, à savoir les règles d'engagement de nos troupes. Les recommandations formulées à l'issue de l'enquête sur la Somalie ont indiqué clairement que les règles d'engagement d'une mission devaient être établies rapidement afin que les troupes aient la possibilité de s'entraîner ensemble et de se familiariser avec les règles. C'est ce que vous avez mentionné. Je sais qu'il y a des cas bien entendu où c'est un luxe qu'on ne peut pas se permettre parce que les troupes sont appelées très rapidement, mais il s'est écoulé cinq mois depuis le 11 septembre et une mission doit avoir été prévue. C'est en novembre qu'on a donné un préavis de 48 heures à nos troupes. On avait certainement le temps dans ce cas de les prévenir.

    J'aimerais vous demander quand, en tant qu'officier, vous espérez raisonnablement pouvoir prendre connaissance des règles d'engagement et, je suppose, quand vous vous attendez à pouvoir en prendre connaissance. Il s'agit peut-être de deux choses différentes. Donc j'aimerais avoir vos commentaires là-dessus et j'aimerais que vous fassiez le lien avec la mission actuelle en Afghanistan.

+-

    M. Clive Addy: Si vous me le permettez, les règles d'engagement comportent des aspects qui, comme vous le savez, monsieur Benoit, se rapportent à la chaîne de commandement et qui feront toujours l'objet des négociations les plus détaillées. Ce document ne se contente pas d'indiquer les circonstances dans lesquelles un soldat peut faire feu ou non.

    En ce qui concerne le soldat, ce document est assez curieux et important—et je vous raconterai une anecdote par la suite—mais je vais vous l'expliquer en termes simples. Tout d'abord, si vous regardez les règles des Nations Unies, il s'agit du chapitre 6. Je vais vous l'expliquer dans le contexte des chapitres 6 et 7. Le chapitre 6 des règles des Nations Unies indique que vous ne pouvez probablement faire feu sur quelqu'un que si on vous tire dessus. Le chapitre 7 indique que si vous vous sentez menacé ou qu'une personne essaie de faire obstacle à votre mission, vous tirerez le premier. Vous comprendrez que j'ai simplifié. Pour le soldat qui serait de faction par une nuit noire, j'aurais intérêt à être beaucoup plus précis que cela. Cependant, essentiellement, c'est ce dont il s'agit.

    Je soupçonne que le troisième bataillon de la Princess Patricia's Canadian Light Infantry s'est familiarisé avec ces deux options dans le cadre de son entraînement jusqu'à ce que sa mission soit précisée. J'espère qu'il a fait de son mieux. Si j'entends parler de choses bizarres, si on rapporte maintenant des incidents bizarres quant au traitement des mines terrestres ou d'autres aspects sur lesquels on ne les a pas renseignés, je serais très contrarié d'apprendre qu'on ne les a pas renseignés à ce sujet auparavant.

    Je ne suis pas au courant des règles d'engagement qui ont encadré leur entraînement depuis le mois de novembre lorsqu'ils ont reçu l'avis de 48 heures les informant de leur départ. Par conséquent, en toute sincérité, je ne peux pas dire s'ils ont agi comme ils le devaient, mais je peux vous dire que c'est un dilemme quand il faut à la dernière minute transmettre les règles d'engagement. On se pose des questions et ce sont en fait des questions qui doivent être posées.

º  +-(1600)  

+-

    M. Leon Benoit: Lorsque le ministre a dit la semaine dernière que les règles d'engagement venaient d'être mises au point , certaines de nos troupes de la PPCLI étaient déjà là-bas. Est-ce normal? Est-ce ce à quoi on s'attend?

+-

    Le président: Monsieur Benoit, simplement pour l'information du comité, êtes-vous en train de parler du détachement de reconnaissance?

+-

    M. Leon Benoit: Oui.

+-

    Le président: Ce détachement était là-bas essentiellement pour aider à définir les règles d'engagement. Je vous l'indique simplement à titre de précision.

+-

    M. Leon Benoit: C'est en fait la question que je suis en train de poser au général Addy.

+-

    Le président: Mais j'apporte cette précision pour éclairer la lanterne des membres du comité.

+-

    M. Clive Addy: Mais vous avez fait remarquer très justement qu'il y a toujours des détails qui sont peaufinés par le détachement de reconnaissance ou les détachements précurseurs—habituellement, le détachement de reconnaissance.

+-

    M. Leon Benoit: Bien, mais il y a un groupe plus important qui part cette semaine...

    Mgén Clive Addy: Oui.

    M. Leon Benoit:... Et le ministre a indiqué que les règles d'engagement n'ont été finalisées que la semaine dernière. Cela ne me semble pas laisser suffisamment de temps aux troupes pour qu'elles se familiarisent...

+-

    M. Clive Addy: Votre question est valable et vos préoccupations le sont aussi. Comme je ne connais pas les détails de l'entraînement qu'elles ont reçu ni les détails concernant la teneur de ces règles d'engagement, je ne suis pas en mesure de me prononcer ni de répondre à votre question correctement.

+-

    M. Leon Benoit: En ce qui concerne le budget, vous en avez évidemment parlé dans votre document et vous dites que certains considéreraient que c'est beaucoup d'argent que c'est trop coûteux et se demanderaient pourquoi nous avons besoin d'un effectif militaire aussi important. Même si je crois que certains Canadiens posent peut-être ce genre de question, des sondages récents indiquent un net changement d'attitude de la part des Canadiens, surtout si vous leur posez la question de façon réaliste—c'est-à-dire ne pas leur demander s'ils veulent que les dépenses soient consacrées à la défense ou aux soins de santé? C'est un faux choix, parce qu'il existe d'autres choix, comme établir la priorité des dépenses et éliminer celles qui ne sont pas prioritaires et certaines dépenses qui ne sont que du gaspillage. Donc il s'agit d'un faux choix. Lorsque l'on pose la question aux Canadiens de façon réaliste et juste, ils répondent, oui, finançons la défense. J'ai constaté un réel changement à cet égard.

    Pendant que cette question continue d'être posée, même par certains députés probablement de la plupart des partis, le président des États-Unis vient de réclamer une importante augmentation des dépenses militaires aux États-Unis. Je me demande ce que vous pensez de la façon dont les Américains risquent de considérer le Canada qui a pris un si faible engagement dans son budget tandis que le président demande une augmentation de près de 20 p. 100 de son budget militaire, qui sera probablement approuvée.

+-

    Le président: Général Addy, vous avez moins d'une minute pour répondre.

+-

    M. Clive Addy: Oui, je vous remercie.

    J'étais sur le point de dire que mon père était juge et que mon frère est avocat, et que je sais reconnaître les questions tendancieuses.

    Des voix: Oh, oh!

+-

    M. Leon Benoit: Ce n'était certainement pas notre intention, général Addy.

+-

    M. Clive Addy: Mais je répondrai comme un soldat en indiquant que les montants que nous dépensons au Canada comparativement aux dépenses engagées par d'autres pays sont considérés par d'autres pays où j'ai servi comme étant inférieures à ce que le Canada devrait dépenser, compte tenu de son économie. Il ne fait pas sa part.

    Je crois que la plupart des Canadiens l'ont indiqué—tant dans le sondage de la revue MacLeans que dans d'autres sondages que nous connaissons bien. Pour la première fois depuis longtemps, ils ont accepté le fait que si nous voulons la guerre, nous devons en assumer le coût.

+-

    Le président: Je vous remercie.

    Monsieur Bachand.

[Français]

+-

    M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Merci, monsieur le président.

    Je ne sais pas, M. Addy, si vous avez besoin de l'interprétation.

º  +-(1605)  

+-

    M. Clive Addy: Non, pas du tout. Je vous en prie.

+-

    M. Claude Bachand: J'ai vu ici, sur votre feuille de route, que vous avez eu une carrière militaire assez brillante sur 35 ans, ou presque. D'ailleurs, vous avez bien commencé en faisant vos études au Collège militaire royal de Saint-Jean.

+-

    M. Clive Addy: Avec fierté.

+-

    M. Claude Bachand: Alors, c'est probablement pour cela que vous êtes un militaire très rehaussé, très reconnu aujourd'hui: vous avez bien commencé.

    J'ai une question qui pourra vous paraître bizarre. Elle porte sur la loyauté. Je remarque que les gens en uniforme sont toujours extrêmement loyaux aux contrôles civils. Je pense qu'ici, au Canada, comme dans les autres pays occidentaux, la question de la loyauté à l'égard du pouvoir civil est extrêmement importante. Autrement, on vivrait dans des pays où le pouvoir est militaire, et ce n'est pas facile lorsqu'on manque de contrôle civil.

    Vous qui étiez major-général, je vais vous parler de l'état de préparation de l'armée. Ici, en comité, les grands généraux des Forces armées canadiennes de terre, de mer et de l'air ainsi que le chef d'état-major sont venus nous dire que l'armée canadienne est mieux préparée aujourd'hui qu'il y a 10 ans.

    J'ai un problème face à cela, je vous l'avoue. Il n'y a pas longtemps que je suis au comité à titre de critique en matière de défense nationale, mais quand on regarde le niveau de financement, quand on regarde la diminution du nombre de militaires, quand on regarde l'usure de l'équipement, est-ce que vous partagez, maintenant que vous ne portez plus l'uniforme, la vision de ceux qui sont en uniforme selon laquelle l'armée canadienne, à ces niveaux-là, dans toutes ses sphères, est plus prête aujourd'hui qu'il y a 10 ans?

+-

    M. Clive Addy: Je peux débuter en disant que non, je ne partage pas cette opinion. J'ai déjà mentionné dans ma présentation que non seulement je n'y crois pas, mais que je trouve que cette opinion n'est pas mesurable.

    Deuxièmement, elle n'est pas importante. Ce qui est important, c'est de savoir si on est en mesure de faire ce qu'on doit faire aujourd'hui ou si, dans quelques années, on sera en mesure d'accomplir ce que l'on prévoit que sera la mission en fonction des fonds qu'on nous a accordés. Dans ces deux domaines, ce genre de question, je pense, est bête. C'est une comparaison inexacte, que l'on ne peut pas mesurer et qui, je crois, est même malhonnête. Si je dis que ce sont des confrères en uniforme qui disent cela, je le regrette. Vous m'avez demandé mon opinion personnelle et je vous la donne.

+-

    M. Claude Bachand: Je vous remercie de votre honnêteté.

[Traduction]

+-

    Le président: Monsieur Bachand, vous avez quatre minutes. Utilisez-les à votre gré.

[Français]

+-

    M. Claude Bachand: D'accord.

    Monsieur Addy, il y a de plus en plus de gens qui se disent que [Note de la rédaction: inaudible]. Je considère actuellement que le gouvernement libéral n'est pas un gouvernement promilitaire. Si on regarde la réaction historique et la réaction des dernières années, on voit que le budget ne suit pas. On a des critiques de la part de nos alliés qui disent qu'on n'injecte pas suffisamment d'argent. Vous connaissez la statistique: à l'OTAN, on se classe 18e sur 19 pour notre effort, si on tient compte du PIB.

    Tout cela pour dire qu'il y a de plus en plus de gens qui s'interrogent aussi sur la structure actuelle de l'armée. Quand je dis la structure actuelle, c'est qu'on a trois armées principalement; je répète: air, terre et mer. Il y a des gens qui se demandent si la piste de solution ne serait pas, compte tenu de notre incapacité de soutenir financièrement la défense ou de notre manque de volonté de la soutenir financièrement, dans la spécialisation des rôles.

    Quand je parle de la spécialisation des rôles, je parle de la reconnaissance internationale du Canada dans les missions de maintien de la paix. Est-ce que vous croyez que c'est envisageable, comme piste de solution, de se dire qu'on va laisser tomber une partie de l'armée de l'air, qu'on va laisser tomber aussi un peu les forces de mer et qu'on va se concentrer sur un rôle plus spécifique, un rôle que la communauté internationale nous reconnaît?

    Je veux aussi vous entendre sur l'interopérabilité, car c'est une autre façon pour les gens de dire qui si on était capables d'être interopérables, on n'aurait peut-être pas besoin d'autant de monde.

    Tout à l'heure, je vous ai entendu mentionner le chiffre de 70 000. Est-ce que, pour vous, c'est envisageable, quand on manque de volonté ou de budget, d'essayer de voir d'autres pistes de solutions et de faire un débat sur le Livre blanc afin de s'entendre et de convenir de va faire les choses autrement dorénavant que ce qui est spécifié dans le Livre blanc?

+-

    M. Clive Addy: Je dois répondre à votre question de deux façons. Premièrement, le Canada fera ce que le Canada voudra. C'est un pays souverain. C'est un pays indépendant. Il votera selon ses intentions et son portefeuille.

    Je trouve, par contre, que le Canada, si on le compare à d'autres pays, a été très gâté depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Qu'il conçoive qu'il a fait un effort, c'est seulement son opinion, et ce n'est pas une opinion qui est partagée partout dans le monde.

    Vous avez posé directement la question du maintien de la paix. Je suis de ceux qui croient fermement, sans exception, qu'avant de devenir un mainteneur de la paix, il faut être un bon soldat: marin ou pilote. La connaissance du métier confère une crédibilité face au bonhomme qui vous regarde de l'autre côté. C'est ce qu'il a à l'esprit et c'est ce qui maintient la paix. C'est une dissuasion physique face à cette compétence.

    Si vous avez écouté mon ami Roméo Dallaire--et je suis sûr que vous l'avez fait--qui aurait donné son bras droit pour avoir des gens compétents en nombre suffisant sur le terrain au Rwanda... Il ne s'agissait pas d'un nombre important. Ce n'est pas d'une spécialisation de maintien de la paix dont on parle; on parle de gens qui sont préparés pour faire la guerre, mais qui savent se retenir s'il le faut. Donc, ils maintiennent cette crédibilité. Il ne faut pas se leurrer au sujet d'une spécialisation de maintien de la paix. C'est une opération de maintien de la paix faite par des vrais soldats. C'est ça, la première chose.

    L'autre question portait sur les trois domaines: la marine, l'aviation et l'armée de terre. Si on se spécialise seulement dans le maintien de la paix, on laisse la porte ouverte partout au Canada, dans l'espace et ailleurs, à toutes les autres menaces que comporte le monde moderne. Moi, comme militaire, et surtout comme citoyen canadien, je n'oserais pas faire cette recommandation, pas du tout. Il faut réfléchir un peu plus sur ce qu'on peut faire avec le peu d'argent qu'on a dans notre portefeuille en fonction de la générosité et de notre perception quant au besoin de mettre l'accent sur un domaine ou un autre. La question de la spécialisation est justement celle de gens qui essaient d'esquiver les responsabilités d'un pays souverain. C'est ma déduction. Un pays souverain a des responsabilités et la défense en est une grande.

º  +-(1610)  

[Traduction]

+-

    Le président: Général Addy, je vais devoir vous interrompre pour permettre aux autres membres du comité qui veulent poser aussi des questions de le faire.

    Monsieur Price.

+-

    M. David Price (Compton--Stanstead, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président, et je tiens à vous remercier, général d'être des nôtres. Malheureusement, une tempête de neige vous avait empêché d'être ici la dernière fois, mais pas cette fois-ci.

    Simplement comme point de départ, M. Bachand et moi-même venons tout juste de rentrer de Washington et de McDill, le centre de commandement et de contrôle pour l'Afghanistan. Il était agréable d'être accompagné de M. Bachand car depuis le Bloc a un porte-parole qui est très militariste, et c'est une bonne chose.

    Des voix: Oh, oh!

+-

    M. Claude Bachand: J'ai voté pour l'adoption du rapport.

+-

    M. David Price: Comme vous pouvez le constater, il fait des progrès.

    Nous avons appris des choses très intéressantes là-bas. Nous avons bien entendu eu des séances d'information au département d'État et au collège de la défense.

    Vous avez brossé un tableau assez juste de la situation mais plutôt sombre. Mais il existe aussi d'autres aspects. Et à deux occasions différentes nous avons entendu les Américains dire que dans la guerre en Afghanistan et partout dans le monde où ils devront intervenir, ils ne peuvent compter que sur les Canadiens, les Britanniques et les Hollandais. Ils ne sont que trois.

    Lorsque nous étions là-bas en tant que groupe de l'OTAN vous pouvez imaginer qu'ils n'ont pas été tendres envers les Européens. Ils disaient des choses du genre: vous n'êtes pas sérieux; vous dépensez de l'argent vous achetez de l'équipement et vous n'achetez pas ce qu'il faut.

    Ce qui m'a un peu dérangé c'est qu'ils ont dit assez clairement en ce qui concerne les Canadiens, c'est votre force aérienne c'est votre force maritime. Ils n'ont jamais parlé de nos forces terrestres. C'est un peu troublant, surtout compte tenu de l'équipement de déblayage que nous avons au moins, parce que c'est ce qu'ils ont demandé et nous faisons du bon travail à cet égard.

    Donc vous parliez de la non-spécialisation. Au lieu du terme spécialisation, je préfère le terme partenariat, qui semble correspondre partiellement à cette orientation mais pas complètement. J'aimerais savoir ce que vous en pensez, parce que ce que nous constatons à l'OTAN maintenant, c'est qu'on met beaucoup l'accent sur la spécialisation, effectivement, puis des partenariats se forment en ce sens.

    Nous sommes coincés dans une situation ici où nous avons un important partenaire de l'autre côté. Nous avons un autre partenaire qui commence à faire preuve d'un peu d'ouverture, et c'est le Mexique. Nous avons à peine ouvert cette porte, mais nous l'ouvrons.

    Que pensez-vous de cet aspect relatif au partenariat? Nous jouons le rôle de spécialiste à titre de partenaire dans un groupe particulier, ce qui correspond un peu à ce que nous faisons à l'heure actuelle. Prenons le travail que nous faisons avec la marine en Afghanistan; nous nous occupons de la protection de leur groupe aéronaval.

    Au Kosovo, notre force aérienne disposait de l'équipement nécessaire. Bien sûr, si nous ne maintenons pas cet équipement, nous perdrons également beaucoup de terrain.

º  +-(1615)  

+-

    M. Clive Addy: Je répondrai que c'est ce que nous faisons depuis la création de l'OTAN. La première escadre aérienne a toujours fait partie intégrante de la 4e Force aérienne tactique de façon conjointe avec eux. Nous avons toujours fait partie—sinon du groupe d'armées du Nord, du groupe d'armées du Sud, et la marine a toujours été chargée de la guerre sous-marine, principalement dans le cadre de la défense de l'Atlantique. Donc cela n'a rien de nouveau, nous avons déjà procédé à certains égards de cette façon.

    Ce que nous aurions dû faire bien avant la fin de la guerre froide, c'est-à-dire ce que nous avons fait depuis, c'est de rassembler tous les éléments des Forces canadiennes en une organisation commune.

    Lorsque vous examinez les structures et ces genres de partenariats, il faut se rendre compte qu'en tant que Canadiens, si vous divisez ces trois forces et que vous les dispersez, peu importe le niveau de la dispersion, plus le temps passe et plus le groupe est petit et plus vous perdrez de souveraineté. Plus le groupe est petit et moins vous arriverez à contrôler la façon dont vos soldats sont traités, l'endroit où ils seront affectés et ce qu'ils feront.

    Et c'est la raison pour laquelle, depuis la Deuxième Guerre mondiale, on considère que dans ce genre d'opération, les militaires ne devraient pas avoir un grade inférieur à celui d'officier général. C'est ce que nous avons fait depuis les années 90 et cela a eu certaines répercussions bizarres. Certaines relèvent peut-être de la croyance populaire ou sont des conséquences présumées, mais d'autres mériteraient une recherche en bonne et due forme.

    Pour répondre à votre question, je crois que la plupart des conflits auxquels nous allons participer nous obligeront à nous tourner de plus en plus vers les Américains, à établir de plus en plus de liens entre nos services plutôt que d'opérer en tant qu'organisation commune canadienne. Nous ne devrions pas perdre la capacité de participer en tant que groupe conjoint de Canadiens à une opération à laquelle nous voudrions prendre part et à laquelle les Américains ne voudraient pas participer immédiatement. Il me semble que c'est ce que nous avons fait au début la Deuxième Guerre mondiale et dans d'autres situations semblables; donc il faut conserver cette possibilité tant sur le plan intellectuel qu'organisationnel.

    Je crois que c'est une question qui mérite une étude plus approfondie que le simple fait de ma part de répondre oui, c'est une bonne chose ou non, c'est une mauvaise chose à ce stade-ci.

+-

    M. David Price: Voici. Je pensais au fait qu'il est question d'un nouveau Livre blanc et donc d'une nouvelle orientation. Il faut commencer à voir les choses différemment.

    On a dit aujourd'hui que la guerre avait changé de visage, qu'il s'agit maintenant d'une guerre contre le terrorisme. Or, on ne fait plus la guerre à un ennemi visible ni à un pays visible et, quand on gagne une bataille, c'est sans éclat. Il suffit d'empêcher le détournement d'un avion pour crier victoire.

+-

    M. Clive Addy: À l'heure actuelle, c'est en Afghanistan que ça se passe. Mais si c'était en Iraq, s'il se produisait quelque chose au Moyen-Orient—et notre premier ministre nous a déjà dit que nous serions là si quelqu'un faisait appel à nous—je crois que les batailles seraient différentes de celles dont nous avons l'habitude.

+-

    M. David Price: C'est pourquoi j'estime qu'il faut être prudent. Nous ne sommes pas simplement en train de nous préparer à une guerre contre le terrorisme. Il faut tenir compte aussi de l'autre aspect. Il faut être très prudent à ce sujet, car nous voyons ce qui se passe dans le cas de certains pays, où l'on dit qu'il s'agit de lutter contre le terrorisme et rien d'autre.

+-

    M. Clive Addy: Le terrorisme comprend d'autres types de menaces, qui englobent une multitude d'activités très curieuses.

    J'aurais peut-être dû vous faire mon discours sur ce que l'avenir nous réserve. Il me semble qu'il nous faudra mettre beaucoup plus l'accent sur la défense du Canada que sur les conflits qui se passent ailleurs. Ce sont ces interventions à l'étranger qui prédominaient pendant et après la guerre froide. Or, avec la nouvelle orientation, il faut que notre stratégie de défense soit un peu plus axée sur notre territoire, et c'est là un changement important dans la façon de voir les choses.

+-

    Le président: Merci, général Addy. Merci, monsieur Price.

    C'est maintenant au tour de M. Stoffer.

+-

    M. Peter Stoffer (Sackville--Musquodoboit Valley--Eastern Shore, NPD): Merci, monsieur le président.

    Merci, monsieur, pour votre exposé.

    Je tiens simplement à féliciter M. Benoit, de l'Alliance canadienne, pour l'excellent travail qu'il a fait en ce qui concerne le caporal McEachern d'Edmonton et que l'ombudsman a repris dans le rapport qu'il a présenté aujourd'hui. Je sais que vous vous êtes beaucoup occupé vous-même de ce dossier, et je vous en remercie.

    Monsieur Price, vous auriez peut-être dû amener le premier ministre avec vous à Washington si vous tenez à avoir un allié dans le dossier des dépenses militaires. Ce n'est qu'une blague.

    La première question que j'ai pour vous, monsieur Addy...

º  +-(1620)  

+-

    Le président: Ne connaissez-vous pas la règle, monsieur Stoffer? Il faut être assis de ce côté-ci pour pouvoir décocher des pointes.

    Des voix: Oh, oh!

+-

    M. Peter Stoffer: Je voulais simplement faire une blague.

    En voici une autre. Ce que je m'apprête à dire ne concerne pas l'actuel ministre de la Défense nationale. Ne risquons-nous pas de mettre tous nos oeufs militaires dans le même panier? Je ne vise pas le ministre en tant que tel par cette remarque. Tout le monde parle de notre relation avec les États-Unis, du fait que nous collaborons davantage avec eux et que nous participerons à plus d'opérations militaires avec eux. Le fait est, cependant, que nous avons une excellente relation avec l'OTAN, même si, d'après le Livre blanc, elle n'est pas ce qu'elle devrait être. Pour contrer les menaces qui nous guettent à l'avenir à l'échelle mondiale—nous n'avons pas la moindre idée de ce qui pourrait arriver demain—, ne serait-il pas préférable d'avoir de meilleurs rapports avec les autres pays qui sont nos voisins, comme la Hollande, l'Angleterre, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, les États-Unis ou le Mexique? J'ai l'impression que nous ne nous soucions que de ce que veulent les Américains et de ce que font les Américains. Je crains que nous soyons en train de mettre tous nos intérêts militaires dans le même panier. C'est ce que nous avons fait du côté économique. Si eux décident d'aller dans le Sud, nous y allons aussi. Nous n'avons rien d'autre. Il en va de même pour l'aspect militaire. Ne pensez-vous pas?

+-

    M. Clive Addy: Je pense qu'il y a un risque et que le risque n'est pas fondé, si je puis m'exprimer ainsi.

    Il y avait un article formidable dans le New York Times d'avant-hier qui parlait de la fin de l'OTAN, de la force américaine, de la puissance américaine. Il vaudrait la peine de le lire. L'auteur est américain. Il dit que la fin de l'OTAN signalera la prédominance et l'élargissement de la capacité américaine. Dans le discours qu'il a fait l'autre jour sur les contributions des diverses parties, Lord Robertson a dit la même chose. Je crois que c'est une préoccupation importante des autres parties, ce fait que les Américains soient devenus les seuls à avoir une telle puissance. Ils ont déjà montré dans ce dernier conflit—je le dis sans ambages—qu'ils vont choisir leurs alliés, ceux qu'ils préfèrent, comme vous l'avez signalé, monsieur Price, et ils établiront eux-mêmes les règles au fur et à mesure. Cette situation à elle seule constitue un danger que le Canada doit examiner de près—mais ce n'est pas seulement le Canada qui doit s'en soucier, mais l'ensemble de l'OTAN.

    Parlons franchement cependant. Nos bons amis hollandais, les Britanniques et les autres qui voulaient aller à Kaboul ont décidé qu'ils ne voulaient pas du Canada. Ils voulaient faire appel au Canada seulement du côté de l'ingénierie, sans doute pour construire le siège social ou je ne sais trop quoi de l'organisation en place. À mon sens, ce n'est pas là le rôle qui convient non plus à l'armée canadienne. Ce n'est pas un rôle à notre mesure.

    La solution n'est pas facile, mais il y a un risque, et mettre notre «oeuf» dans un seul panier, c'est...

    Des voix: Oh, oh!

+-

    M. Peter Stoffer: C'est pas mal comme formule, hein? Ça va, vous pouvez vous en servir.

+-

    M. Clive Addy: Voilà ce qui m'inquiéterait le plus, il me semble.

+-

    M. Peter Stoffer: Très bien, merci pour cette réponse.

    Vous avez évoqué la réduction des effectifs et de l'équipement. J'aimerais discuter du fait que la décroissance des effectifs militaires se poursuit, en ce sens que les tâches d'approvisionnement sont confiées en sous-traitance à Tibbett & Britten d'Angleterre, et du fait qu'on envisage toujours de réduire l'infrastructure et les effectifs des bases. Je suppose que l'objectif est d'économiser de l'argent et d'affecter les économies ainsi réalisées à d'autres utilisations. Pensez-vous que c'est une bonne idée à ce moment-ci, alors qu'un nouveau Livre blanc ou un nouvel examen est prévu, de confier les tâches d'approvisionnement et les installations militaires à des entrepreneurs indépendants comme on est en train de le faire à Shearwater?

+-

    M. Clive Addy: Je pense que les avantages énormes qu'on attendait de l'impartition ne se sont pas concrétisés. Il en est résulté des risques qu'on n'avait pas prévus. Il me semble qu'il faudrait prendre le temps de réfléchir à tout cela. Il me semble qu'il serait sage de marquer une pause pour examiner ce qu'ont été les résultats jusqu'à maintenant.

    Par contre, je ne suis pas de ceux qui partent du principe que tout ce qui touche à la logistique doit être fait par des militaires. Il me semble qu'on peut faire une place aux entrepreneurs.

+-

    M. Peter Stoffer: On peut leur faire une place maintenant.

º  +-(1625)  

+-

    M. Clive Addy: À l'heure actuelle, la plupart du transport lourd est effectué par des tiers, et il me semble qu'on pourrait avoir intérêt à essayer de trouver des alliés ou des tiers plus fiables pour s'occuper de cette fonction. C'est ce que j'encouragerais nos gens à faire.

+-

    M. Peter Stoffer: Monsieur, vous êtes major général et militaire de carrière. Nous avons entendu dire en novembre que nos troupes devaient être prêtes à partir moyennant un préavis de 48 heures. Voici la question que je vous pose et que j'ai déjà posée au ministre, sans toutefois recevoir de réponse. Comment nos militaires vont-ils faire pour se rendre là à partir d'Edmonton dans un délai de 48 heures?

+-

    M. Clive Addy: Non, je pense que vous mêlez les pommes et les oranges, en ce sens que c'est le soldat lui-même qui a 48 heures pour être prêt à partir d'Edmonton pour aller là où on veut qu'il aille. Que ce délai de 48 heures soit raisonnable ou exagéré, je m'en remets aux commandants qui en ont décidé ainsi. Cela ne veut pas dire qu'ils ont 48 heures pour se rendre en Afghanistan, mais bien qu'ils ont 48 heures pour se rendre à leur base avec tout leur équipement et ayant reçu l'information et la formation voulues. Je vous demande de bien vouloir comprendre que c'est de cela qu'il s'agit.

    Le préavis était-il celui qui convenait... Car tout saute, les congés, les vacances, etc. Ceux qui suivaient un cours doivent sans doute annuler leur participation, que le cours soit donné à l'interne ou à l'externe. Les conséquences sont énormes. Et quiconque imposerait un tel préavis uniquement pour montrer à quel point on est macho ou à quel point on est prêt ferait un très mauvais usage de son autorité. Il faut bien réfléchir avant d'imposer un tel préavis, car il a des répercussions sur tout.

+-

    M. Peter Stoffer: Monsieur, le gouvernement n'a jamais respecté les engagements pris dans le Livre blanc de 1994 en ce qui concerne ses troupes, ses réservistes, son équipement et ses finances. Après ce qu'a dit le ministre quant à la nécessité d'adapter le Livre blanc au contexte économique actuel, ne risque-t-on pas de voir le nouveau Livre blanc dilué encore plus qu'il ne l'est déjà?

+-

    M. Clive Addy: C'est ce que je crains le plus. Je ne sais pas si c'est bien ce qui convient, mais j'inviterais le comité, notamment, à voir comment l'Australie s'y est prise pour élaborer son nouveau Livre blanc sur la défense.

    On y trouve une annexe intitulée «financement», et en souscrivant aux principes, on souscrit aussi au financement et on accepte de payer la note. Je ne vois pas à quoi il servirait d'avoir un Livre blanc sur la sécurité ou un examen sur la sécurité si nous ne sommes pas prêts à y consacrer un budget considérable. Les deux vont de pair.

    Il n'y a pas un militaire à mon avis qui n'a pas compris que les importantes réductions budgétaires qui ont été imposées étaient nécessaires pour venir à bout du déficit et que tout le monde devait faire des sacrifices. Je crains vraiment qu'on tente de nous garder dans cet état d'esprit alors que notre marge financière est un peu meilleure maintenant et étant donné le recul que nous accusons déjà. Voilà ce qui m'inquiète.

+-

    M. Leon Benoit: Ce n'est pas possible. C'est la question que je voulais justement vous poser. C'est affolant de constater que vous ayez prévu ma question. Vous voyez bien que j'ai un peu de mal ici cet après-midi.

    Ce à quoi je veux en venir en fait, c'est que si les Américains deviennent tellement puissants par rapport aux autres alliés de l'OTAN qu'ils sont pratiquement les seuls responsables de la puissance militaire, il pourrait en résulter un vent d'isolationnisme parmi les dirigeants politiques et la population des États-Unis.

º  +-(1630)  

+-

    M. Clive Addy: C'est bien possible.

+-

    M. Leon Benoit: C'est déjà arrivé auparavant, aussi je vous demande de nous dire ce que vous pensez de cette possibilité et de nous expliquer ce que nous pouvons offrir sur le plan militaire à nos alliés de l'OTAN, aux États-Unis dans le cadre du NORAD, qui pourrait avoir des conséquences économiques importantes, favorables ou défavorables, selon ce que nous déciderons de faire.

+-

    M. Clive Addy: En effet. Si vous me permettez de revenir à cette idée de ce que les Américains consacrent à la défense de leur territoire comparativement à ce que nous y consacrons et au fait qu'ils sont tellement plus puissants, non pas seulement que nous, mais que tous les autres membres de l'Alliance, c'est effectivement ce qui pourrait se produire. Ils pourraient en venir à se demander à quoi bon s'allier à d'autres pays quand ils peuvent tout faire seuls? Cette attitude serait très dangereuse, et je ne pense pas que les Européens souhaitent eux non plus qu'on en vienne à cela. Il faut donc prendre garde que cela ne se produise. La dimension militaire est très importante.

+-

    M. Leon Benoit: L'autre question est cette idée du commandement américain d'élargir le NORAD—et c'est une idée qui circule il me semble—de façon que le NORAD englobe aussi l'armée et la marine. Bien des gens, notamment des députés, se disent inquiets que pareil élargissement pourrait constituer une nouvelle menace réelle pour la souveraineté canadienne.

    Seriez-vous de cet avis?

+-

    M. Clive Addy: Permettez-moi de vous parler d'une situation que j'ai connue, où je pensais que quelque chose était impensable et qu'on est quand même allé de l'avant sans qu'on sache ce qu'il allait en advenir. Il s'agissait d'une brigade ou d'une division franco-allemande. Je faisais alors partie du Groupe d'armées du Centre en Europe. Je ne pouvais même pas imaginer, tout d'abord, que les Français et les Allemands puissent collaborer à quoi que ce soit, encore moins faire partie de la même division dans la même brigade, mais j'ai vu comment on y est arrivé au bout du compte. Ce qu'ils ont fait, cependant, c'est qu'ils ont conservé la possibilité de se servir de leurs militaires ailleurs si la division n'avait pas besoin d'eux, et c'est le genre d'aménagement qui leur a permis de moins se soucier du fait que l'autre a un style de commandement différent du mien, qu'il est plus imposant, que c'est lui qui domine, qu'il est le mâle de type A ou je ne sais trop quoi. Ainsi, toutes ces préoccupations très humaines étaient quelque peu atténuées par le fait que les militaires participaient à d'autres activités de formation et qu'ils échappaient à la structure conjointe.

    Je me méfierais d'une structure trop intégrée à un échelon trop bas... Cela m'inquiéterait en tant que soldat. Je ne dis qu'il en serait de même pour les membres de la force aérienne ou de la force maritime, car dans la marine, chaque navire se suffit à lui-même de toutes façons. Combien de navires faut-il avoir pour pouvoir dire: «restez Canadien»? Je ne le sais pas, mais il me semble que ce qui a le mieux marché par le passé, c'est la formule du groupe opérationnel.

+-

    M. Leon Benoit: D'accord, cela ne vous préoccupe pas autant que dans l'armée.

+-

    Le président: Merci, monsieur Benoit.

    Mesdames et messieurs les membres du comité, pourrais-je intervenir brièvement pour approfondir une des questions soulevées par M. Benoit?

    Vous pourriez peut-être me faire une réponse de 15 secondes, général Addy. Pensez-vous que les Américains dépensent trop pour leurs activités de défense?

+-

    M. Clive Addy: Non. Comparativement à quoi?

+-

    Le président: Étant donné leurs responsabilités à l'échelle mondiale et l'échiquier politique. Mais vous avez répondu, et je vous en sais gré.

+-

    M. Peter Stoffer: Vous voulez parler de ce qu'ils dépensent maintenant? Que dire de ce qu'ils ont l'intention de dépenser à l'avenir?

+-

    Le président: Je mettais tout cela ensemble.

    Monsieur Bachand, vous avez cinq minutes.

[Français]

+-

    M. Claude Bachand: Je suis obligé de poursuivre le sujet abordé par M. Pratt. En effet, à ce que j'ai vu, le président américain a accordé une hausse substantielle du budget de la Défense nationale et n'a pas non plus voulu mettre fin à sa politique de retour d'impôt pour les contribuables. Alors, la seule voie qu'il lui reste, c'est peut-être de mettre moins d'argent sur les infrastructures routières et de mettre la pédale douce dans les programmes sociaux, d'éducation et de santé.

    Il faut donc penser que lorsqu'on dit qu'ils mettent suffisamment d'argent, cela se fait souvent aux dépens d'autres programmes. C'est un débat de société finalement.

    Je voudrais aussi revenir sur le sujet de la souveraineté. Je suis souverainiste--vous connaissez mon parti politique--et si j'étais ministre de la défense au Québec, je serais très inquiet de la tournure des événements. Je voudrais seulement que vous me confirmiez votre opinion. Vous semblez dire que plus les capacités militaires canadiennes vont diminuer ou devenir vieillottes, plus la souveraineté canadienne sera menacée. Moi, et je vois que les commandements militaires sont toujours sous l'autorité américaine et toujours... ce qui est bien compréhensible puisque, comme on dit en anglais: money talks. Je connais les Américains et il est certain que quand ils payent 90 p. 100 de la facture, ils ne donnent pas le commandement à quelqu'un qui en paie 1 p. 100.

    Il est quand même surprenant de voir la tournure des événements: on se trouve sous commandement militaire, un commandement unifié, du type NORAD, qui s'étendrait à tous les autres. Est-ce que toute cette discussion, selon vous, est reliée au fait qu'il n'y a pas suffisamment de volonté politique du côté du gouvernement canadien pour prendre la question militaire au sérieux en y investissant les sommes d'argent nécessaires pour maintenir une armée qui soit respectable?

    Par conséquent, tout ça nous amène tranquillement vers un changement de rôle qui nous oblige à nous jeter dans les bras des Américains et à perdre la souveraineté canadienne.

    Je ne veux pas non plus revenir sur la question des frontières ni sur la demande que nous font les Américains d'harmoniser nos lois sur l'immigration. Cependant, ils sont un peu en train, à mon avis, de nous traiter comme le 53e État américain. Ne trouvez-vous pas?

º  +-(1635)  

+-

    M. Clive Addy: Les Américains, dans l'histoire, se sont toujours d'abord occupés de leurs propres intérêts et les ont toujours très bien défendus, merci. Parfois, les intérêts du voisin ne coïncident pas avec les nôtres. Nous n'avons pas toujours été aussi doués dans la défense de nos propres droits dans tous les domaines. C'est une observation historique.

    Si je peux employer les mots contenus dans votre question, «qui nous oblige à nous jeter dans les bras des Américains», je dis que non. Il y a des gens qui ne se jetteront pas dans les bras des Américains, mais qui ne donneront pas un autre sou à la défense et qui, sans un accord, se retrouveront plutôt dans le même bateau que les Américains, veux, veux pas.

    Si on y va avec confiance et des forces armées d'une certaine valeur, une certaine astuce et un certain poids, on aura quand même une crédibilité. On pourra converser dans ce domaine-là avec les Américains.

    C'est un soit que... soit que... Ce n'est pas un absolu; la défense n'est jamais un absolu. Ça ne l'a jamais été et ça ne le sera jamais. Mais ce que je vous dis, c'est qu'à mon avis, dans le moment, on ne fait absolument pas assez.

+-

    M. Claude Bachand: Quand vous parlez de converser avec le Américains, vous vous rendez compte qu'il s'agit d'un pygmée qui discute avec un géant. Le géant n'est peut-être pas intéressé à discuter longtemps. Il est peut-être plutôt intéressé à ce que tout se passe sous son commandement et que, finalement, toute la planète obéisse au même « pattern » culturel, militaire, etc. que les États-Unis d'Amérique. C'est peut-être ça le problème aussi.

+-

    M. Clive Addy: L'art d'être Canadien, en Amérique du Nord, c'est de l'être tout en étant voisin de la plus grande puissance mondiale. La question en est une de jugement. Que nous faut-il pour demeurer Canadiens, conserver une économie brillante dans un cadre social respectable dans un tel contexte?

    Je pense, franchement, qu'il faut, au niveau international, que nous fassions notre part, que nous payions notre cotisation, qui est souvent la défense. Dans le cas présent, c'est évidemment la défense.

+-

    M. Claude Bachand: Est-ce que vous maintenez votre affirmation...

[Traduction]

+-

    Le président: Je vais devoir vous interrompre, monsieur Bachand.

    Monsieur Wilfert.

+-

    M. Bryon Wilfert (Oak Ridges, Lib.): Monsieur le président, j'ai trouvé les commentaires du major général très intéressants. Je suis souverainiste, moi aussi, mais ma souveraineté s'étend plus loin que la simple province de Québec. Autrement dit, c'est la souveraineté en général de notre pays qui me préoccupe, et j'ai pourtant l'impression que l'on élude le sujet malgré la plus haute importance qu'il revêt.

    On semble préférer discuter de choses et d'autres qui, à mon point de vue, sont tout à fait hors de propos, à savoir qui a dit quoi, quand, comment et pourquoi. Les commentaires de mes collègues d'en face sont intéressants, mais il serait beaucoup plus opportun qu'ils les fassent à la Chambre et qu'ils posent là-bas leurs questions.

    Il me semble que l'enjeu de fond, c'est la question de la souveraineté et la façon dont nous allons la protéger. Le Canada n'a jamais eu, de tout temps, d'armée permanente d'envergure, que l'on pense au début de la Première Guerre mondiale ou au début de la seconde. Au départ, nous n'avions même pas de chars, mais nous nous sommes retrouvés avec la troisième ou la quatrième armée en importance à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Autrement dit, nous avons toujours réagi avec efficacité lorsque nos intérêts nationaux étaient menacés.

    Vous avez signalé que nous ne nous étions pas félicités ni à la Chambre ni ailleurs de la capture des soldats d'Al Qaïda par la FOI 2 et que nous préférions nous concentrer sur d'autres questions. Ces soldats étaient bien entraînés et ont visiblement fait leur travail, et pourtant les médias et certains autres milieux ont été muets là-dessus.

    Vous avez signalé que tous les États sont assujettis à leur intérêt national et vous avez aussi jeté de l'eau froide sur la proposition de spécialisation. Vous avez expliqué ce que l'on entendait par la défense du Canada. J'aimerais savoir quels devraient être, à votre avis, les outils précis dont nous aurions besoin pour défendre le Canada? Pour vous équiper, il faut de l'argent, sans aucun doute. Mais si nous étions prêts à mettre de côté les sommes voulues, comment choisiriez-vous de dépenser l'argent pour défendre le Canada?

    En second lieu, lorsque le secrétaire général de l'OTAN a parlé du Canada, il a également mentionné les alliés européens et a fait remarquer que chacun doit faire sa part et que les États-Unis ont redécouvert depuis le 11 septembre les vertus du multilatéralisme. Jusqu'au 11 septembre, ils agissaient comme bon leur semblait et certainement pas en respectant le multilatéralisme. En fait, ils battaient encore en retraite. Or, je pense qu'il faut désormais tenter de garder les Américains engagés.

    En troisième lieu, il est tout aussi important de débattre de la question du commandement des Américains, et notre comité devrait se pencher là-dessus. Personnellement, j'y suis complètement et farouchement opposé. J'étais d'ailleurs surpris d'entendre ces propos de la part du général en question. Le ministère semble émettre beaucoup de commentaires et d'affirmations qui n'ont pas été discutés ici. Je me demande souvent qui dicte la politique. Quoi qu'il en soit, vous pourriez peut-être me dire ce qui vous semblerait à votre avis une façon de contrebalancer cette façon de faire qui, à mon avis, ne sert en rien l'intérêt national.

    Enfin, je souscris sans réserve à ce que vous avez dit, major général, au sujet de la Colombie-Britannique, ayant visité moi-même l'ancienne base de Chilliwack. C'était une très mauvaise décision de la fermer, étant donné les sommes qui y avaient été investies, et de vouloir faire émaner toutes les opérations d'Edmonton, ce qui me semble aberrant. Mais la base existe toujours aujourd'hui, et rien n'est encore résolu, ce qui est tragique, à mon avis. On aurait pu au moins la transformer en base d'entraînement, mais on n'aurait jamais dû la fermer étant donné le besoin que nous avons d'avoir une armée prête à réagir rapidement en cas de tremblements de terre ou de feux de forêts, par exemple. Mais je n'y étais pas à l'époque où la décision a été prise.

    Voilà mes questions, monsieur le président.

º  +-(1640)  

+-

    Le président: Monsieur Wilfert, je vous suis reconnaissant d'observer le protocole à notre comité, mais il me semble que vous êtes en train d'attraper vous aussi la maladie de M. Benoit.

    Des voix: Oh, oh!

    Le président: Major-général, il vous reste moins d'une minute pour répondre.

+-

    M. Clive Addy: Vous avez raison: La question de la souveraineté et de sa protection est cruciale. Mais je vous demanderai en retour ceci: Dans quelles circonstances permettriez-vous aux troupes américaines d'entrer au Canada et sous les ordres de qui? Voilà ce que vous devez vous demander lorsqu'il est question éventuellement d'agir collectivement ou pas. Demandez-vous dans quelles circonstances vous le feriez, et si c'est parce que nous n'avons pas ce qu'il faut sur place pour agir par nous-mêmes, alors c'est que nous avons failli à la tâche.

    Qu'est-ce que j'entends par cela? S'il devait y avoir une inondation, une grève ou un événement nous obligeant à intervenir et que nous ne soyons pas en mesure d'intervenir comme nous l'avons fait jusqu'à maintenant et conformément aux attentes des Canadiens, alors je dirais que nous ne sommes pas à la hauteur.

    Et que dire de notre force aérienne, de notre force maritime et de la protection de nos côtes? Que dire de nos propres lois? Si nos forces armées sont incapables de faire appliquer les politiques adoptées au Canada, comme par exemple la limite des 200 milles, et qu'elles sont incapables de patrouiller faute d'un personnel suffisant et malgré la menace, et même s'il faut assurer la protection commerciale de nos côtes, je peux vous assurer que ces limites ne seront pas respectées et que, en second lieu, seules les contraintes qui représentent quelque intérêt pour les Américains seront protégées par ceux-ci. Autrement dit, cela mènera à une perte de notre souveraineté.

    Du côté de la force aérienne, nous dépendons tout autant de l'espace aérien que les Américains, si ce n'est plus qu'eux par habitant et toutes proportions gardées. Et lorsque l'on ouvrira le débat pour déterminer si nous devons armer notre espace et avoir notre propre système de défense antimissile, il y sera de notre intérêt de fixer nos propres critères et d'adopter notre propre politique. De plus, ce serait faire preuve d'irresponsabilité que de gouverner sans savoir ce que nous faisons et en ne comprenant pas les enjeux commerciaux qui se trouvent dans l'espace.

+-

    Le président: Général, je vais malheureusement devoir vous interrompre.

    Monsieur Wilfert.

º  +-(1645)  

+-

    M. Bryon Wilfert: Sachez, monsieur le président, que je suis un des rares membres du comité à reconnaître continuellement la présidence et que, par conséquent, je m'attends à ce que celle-ci soit un peu plus libérale à mon égard.

+-

    Le président: J'en ai bien pris note, monsieur Wilfert.

    Monsieur Stoffer.

+-

    M. Peter Stoffer: Merci, monsieur le président.

    Major général, vous avez tout à fait raison, de même que M. Wilfert, au sujet de certaines des questions posées par l'opposition au sujet des uniformes, et au sujet du qui, du quoi et du quand. Ce sont peut-être des questions moins importantes, mais si le gouvernement n'est même pas en mesure de répondre à une simple question sur des uniformes ou de nous dire qui savait quoi...

    Au sujet de la FOI et de la capture des combattants de l'Al Qaïda, M. Wilfert a dit que rien ne prouvait que c'était bel et bien la FOI 2 qui avait capturé ces gens et que, à toutes fins utiles, la FOI pouvait très bien avoir simplement escorté les prisonniers pour les Américains. Nous ne le savons pas. Vous comprenez qu'il est impossible de féliciter nos soldats si l'on ne sait pas. Je prétends, pour ma part, que nous ne devrions même pas avoir cette information, puisque la FOI 2 est une force secrète. On ne devrait pas trouver les renseignements en première page du The Globe and Mail. Je trouve assez dégoûtant que le ministre se soit vanté d'avoir reconnu nos soldats. Mais je vais passer à quelque chose d'un peu différent, à savoir à l'intégration.

    On a beaucoup entendu parler de l'intégration avec les États-Unis, et tout comme vous, j'ai l'impression que nous n'aurons plus notre mot à dire et que nous ne ferons plus ou moins qu'obéir aux ordres des Américains. Mais ne serait-ce que pour protéger notre propre pays, ne serait-il pas judicieux à votre avis d'intégrer nos forces armées et notre garde côtière, par exemple, avec notre GRC, le SCRS, le CST, etc.?

    Lors des pourparlers récents de l'OPANO au sujet des pêches en Europe, le Canada a perdu la face chaque fois qu'il essayait de réfuter les arguments pour nous protéger contre la pêche illégale à l'intérieure de notre limite de 200 milles. Même s'il n'y a aucune façon de déterminer qui effectue de la pêche illégale dans nos eaux, nous savons qu'il y a bel et bien pêche illégale. Si nous ne parvenons même pas à protéger nos réserves halieutiques, comment pouvons-nous espérer nous protéger sur un plan militaire sans intégrer nos forces, comme par exemple nos forces armées à notre garde côtière et à toute autre composante de sécurité? Et je souscris sans réserve à ce que vous avez dit au sujet de l'importance de faire de la sécurité un enjeu pour le Canada à l'avenir.

+-

    M. Clive Addy: Était-ce une question?

    Des voix: Oh, oh!

+-

    M. Peter Stoffer: Il réagit aussi bien que s'il était à la Chambre.

    Ne devrions-nous pas prôner une intégration plus serrée de tous nos services canadiens?

+-

    Le président: Genéral, je crois que M. Stoffer...

+-

    M. Clive Addy: Oui. C'est justement par souci d'intégration que j'ai parlé d'avoir une vision interministérielle de la sécurité qui ferait appel aux quatre secteurs que j'ai mentionnés plus tôt, de même qu'à toutes les autres composantes. À quoi bon une politique sur les pêches si celles-ci ne sont pas protégées ou ne font pas l'objet de patrouilles pour en assurer l'intégrité? C'est simplement impossible.

+-

    M. Peter Stoffer: Dernière question: Lorsque vous parlez d'une force terrestre basée en Colombie-Britannique, par exemple, à combien de gens pensez-vous?

    Si nous devions faire une recommandation au gouvernement, devrions-nous recommander une brigade ou un nombre donné de militaires? Que suggéreriez-vous?

+-

    M. Clive Addy: La dernière fois, dans l'escadron du génie... Je dirais qu'il faudrait de 500 à 1 000 soldats de la force régulière.

+-

    M. Peter Stoffer: J'aimerais vous faire une proposition et voir si vous l'acceptez ou pas. Certains d'entre nous ont suggéré la création d'un poste d'inspecteur général qui serait complètement indépendant du gouvernement et qui rendrait des comptes au Parlement. Il pourrait s'intéresser aux questions de disponibilité ou à tout ce qui touche le Livre blanc, comme par exemple la capacité de déplacer nos troupes dans les 48 heures.

    Il existe déjà un ombudsman, mais il n'y a pas d'inspecteur général qui puisse confirmer que le gouvernement respecte ses engagements. Seriez-vous d'accord ou pas avec un tel poste pour le Canada—un chien de garde quoi?

+-

    M. Clive Addy: Je vous dirais très franchement que cette personne, ce devrait être l'officier supérieur en uniforme. Et on me convaincrait difficilement qu'il faudrait avoir en plus un inspecteur général, dans un pays de la taille du nôtre.

    Toutefois, je dirais qu'au sein même des Forces canadiennes, il pourrait y avoir un inspecteur général dont le rôle serait de s'assurer que les trois composantes des forces respectent leurs engagements.

+-

    M. Peter Stoffer: Conviendrez-vous avec moi que le poste de chef de l'état-major de la Défense et d'autres aussi sont des postes très politiques? Vous avez déjà rempli ces fonctions, et il me semble que leurs titulaires agissent beaucoup plus comme des ministres que comme des soldats. Voilà pourquoi j'ai parlé d'un poste indépendant, pour que l'on ne puisse pas y percevoir d'affiliation politique.

º  +-(1650)  

+-

    M. Clive Addy: J'ai déjà écrit et je me suis déjà prononcé là-dessus: c'est pourtant dans la tradition du Canada et c'est ainsi que les choses sont faites actuellement. Mais si vous voulez changer la situation, vous êtes mieux en mesure de le faire que moi. La tradition au Canada veut que l'on se tourne pour cela vers le soldat en uniforme. Lorsque cette personne prend la parole devant un comité comme le vôtre ou devant n'importe qui d'autre pour parler de la politique gouvernementale, il doit dire comme le ministre, en se permettant toutes les nuances subtiles qui sont nécessaires, ou il doit retirer son uniforme.

+-

    Le président: Merci, général Addy.

    Monsieur Wood.

+-

    M. Bob Wood (Nipissing, Lib.): Général, vous avez parlé des médias et dit qu'il semblait y avoir au Canada plus de conseillers que de soldats. Eh bien, je dirais qu'il y a dans les médias plus de conseillers militaires qu'il n'y en a dans les forces armées.

    Ce qui m'embête au sujet de ces conseillers, c'est que chaque fois qu'on les entend à la télévision ou à la radio, ils n'ont pas grand-chose de positif à dire au sujet des forces armées et de la façon dont elles sont gérées. C'est à se demander s'il y a quoi que ce soit de bon dans l'armée.

+-

    M. Clive Addy: Il y a beaucoup de bon dans l'armée.

+-

    M. Bob Wood: Tant mieux. Parlez-m'en.

+-

    M. Clive Addy: Nous embauchons des Canadiens pour faire notre travail.

+-

    M. Bob Wood: C'est tout?

+-

    M. Clive Addy: En effet, c'est sans doute ce qu'il y a de plus important.

    Équipons-nous nos soldats convenablement? Sans doute pas assez. Avons-nous suffisamment de gens et nous occupons-nous d'eux de notre mieux? Je ne le crois pas. On publie des liasses de papier, mais nous penchons-nous sur les bons sujets lorsqu'il est question des forces armées? Plus souvent qu'autrement, je dirais que oui.

    Qu'est-ce que nous faisons comme il faut? Qu'est-ce que nous avons déjà fait comme il faut? La dernière bonne chose que nous ayons faite, c'est lorsque nous avons décidé de prendre part au conflit, et avec les bonnes personnes. Nous avons décidé de prendre part au conflit avec notre Troisième bataillon, le régiment Princess Patricia et nous avons décidé de l'envoyer en Afghanistan. Nous avons décidé d'envoyer nos soldats dans un rôle de combat pour lequel ils avaient été entraînés et c'était une excellente décision.

    Je pourrais vous donner d'autres exemples. Je dirais même que le dossier pour lequel on vous en attribue le plus souvent le mérite, c'est le dossier de la qualité de vie de nos soldats et de leur famille. Le travail du comité a, en effet, était exceptionnel. Mais ce qui m'a vraiment embêté, c'est que c'était une bataille ardue. Ce qui m'a embêté, c'est qu'il a fallu que cela devienne une bataille.

    Que nos soldats en uniforme n'aient pas pu décider de leur propre chef de refuser la hausse de loyer dans les endroits comme Edmonton, là où le chauffage faisait défaut, et tout ce qui s'en est suivi... il a fallu que je me demande pourquoi cela avait pris une telle tournure. Pourquoi avait-il fallu un comité permanent et pourquoi avait-il fallu déployer tant d'efforts pour que nos soldats obtiennent enfin justice? Et pourquoi faut-il qu'il soit constamment aux aguets pour ne pas perdre ce qu'ils ont acquis?

    Voilà le genre de chose qui me dérange. J'aimerais bien pouvoir dire au contraire que nous faisons de notre mieux comme Canadiens. Mais je peux vous dire sans hésiter que nos soldats, nos marins et nos aviateurs font de leur mieux.

    Allez voir nos manèges militaires qui servent aux réserves un peu partout au Canada—comme je suis sûr que vous en avez eu l'occasion—et demandez-vous si c'est là la qualité d'installation dans laquelle vous vous attendez à ce que les fils et filles du Canada servent? Je ne le crois pas.

+-

    M. Bob Wood: Vous avez pris votre retraite en 1996...

+-

    Mgén Clive Addy: En effet.

+-

    M. Bob Wood: ... et je crois qu'au moment des audiences, quelqu'un—Baril ou quelqu'un d'autre—avait affirmé que l'armée avait mal fixé ses priorités. Elle avait le choix entre investir dans l'équipement ou investir dans la qualité de vie de ces soldats et avait choisi, à l'époque, d'investir dans l'équipement.

    Est-ce bien ce qui s'est passé, comme on nous l'a dit?

+-

    M. Clive Addy: Il y a sans doute beaucoup de vrai là-dedans, en effet. Mais vous devez savoir que pour ce qui est de notre personnel, il y a des choses qui nous sont imposées par le Conseil du Trésor et au sujet desquelles les forces armées ont très peu à dire.

    Prenons un exemple qui s'est posé: Supposons que je travaille dans un ministère donné plutôt qu'à la Défense nationale, ou même à la Défense nationale à titre de civil, et que le Conseil du Trésor impose par règlement un salaire de tel niveau. L'argent sert à la masse salariale et tous les employés, même ceux de la Défense nationale, sont payés à ce niveau. Mais essayez de faire augmenter les salaires des forces armées et vous verrez ce qui arrivera. Votre budget pour le fonctionnement et l'entretien diminuera, vos immobilisations aussi, et peut-être aussi autre chose. C'est un drôle de petit jeu auquel on joue. Mais comme c'était à ce jeu-là que l'on jouait, cela faussait la donne pour les commandants qui avaient à décider. Voilà pourquoi vous avez raison de dire que l'on a choisi d'investir dans l'équipement plutôt que d'investir dans nos soldats.

+-

    M. Bob Wood: J'ai une dernière question, général. Pourriez-vous nous dire quelles seraient à votre avis les trois priorités des forces armées? Pourriez-vous aussi, dans la mesure du possible, expliquer au comité combien il vous en coûterait de répondre à ces priorités?

+-

    M. Clive Addy: C'est une bonne question et je vais tenter d'y répondre de façon aussi claire que possible.

    J'estime que l'armée a besoin d'aide. À mon avis, les effectifs des forces armées devraient atteindre au minimum 70 000. Nous devrions reconstituer la réserve au Canada. Quand je dis que nous devons être en mesure de nous occuper de nos propres collectivités au Canada, je pense plus particulièrement à la réserve—et par là je n'entends pas de faire appel à la réserve uniquement pour déterminer à quelle vitesse elle peut aller combler un vide dans la force régulière, mais plutôt de lui confier de véritables missions ici même au Canada. Je pense que la marine fait un excellent travail et à l'heure actuelle, il lui faut des effectifs bien entraînés plus qu'autre chose. La force aérienne pour sa part doit à notre époque mettre l'accent sur le rôle qu'elle sera appelée à jouer dans l'autre dimension, l'espace, plutôt que sur ce à quoi elle semble s'intéresser actuellement.

º  +-(1655)  

+-

    M. Bob Wood: Et l'argent?

+-

    M. Clive Addy: Je crois qu'il suffirait d'y consacrer 1,9 p. 100 du PIB. Si vous nous donniez 1,6 p. 100, cela contenterait probablement le général Addy pendant quelque temps, mais la prochaine génération réclamerait les 0,3 p. 100 manquants.

+-

    Le président: Quelle réponse concise, général.

    Monsieur Benoit.

+-

    M. Leon Benoit: Merci. Comme je dois partir à 17 heures, je vais vous poser de courtes questions en rafale, général...

    Des voix: Oh, oh!

    M. Leon Benoit: —enfin, elles seront relativement courtes, étant donné qui je suis.

    Les politiciens américains disent, en privé et en public, qu'ils veulent cesser de participer aux missions de maintien de la paix puisque cela empêche leurs soldats de participer à des exercices d'entraînement en grand groupe et que cela les préoccupe réellement. J'avais entendu des politiciens américains de haut niveau le dire en privé et maintenant ils le disent publiquement.

    Qu 'en pensez-vous pour ce qui est du Canada? Est-ce que nos nombreuses missions de maintien de la paix ont causé des problèmes du côté de l'entraînement?

+-

    M. Clive Addy: J'estime qu'en votre qualité de Canadien, de citoyen du Canada et de citoyen du monde, vous avez des responsabilités à l'échelle internationale. Vous devez faire des choix judicieux auxquels vous ne pouvez pas vous soustraire. Étant donné la petite taille des forces armées, vous avez un problème si vous devez constamment faire appel aux mêmes soldats. Le problème ne tient pas à la nature du rôle que vous devez jouer mais plutôt au fait que vous n'avez pas suffisamment d'effectifs militaires ou de ressources à consacrer à ce rôle. Vous devez entraîner vos soldats aux opérations de maintien de la paix, ils doivent pouvoir participer à un entraînement collectif et ils doivent avoir le temps de respirer avant de repartir en mission. Et nous n'avons pas un nombre de militaires suffisant pour cela.

+-

    M. Leon Benoit: J'aimerais poser une question que vous avez vous-même posée dans votre exposé lorsque vous avez abordé la question de l'état de nos forces et celle de savoir s'il est ce qu'il devrait être aujourd'hui et pour l'avenir. Vers la fin du premier paragraphe vous dites: «il nous apparaît que le niveau de financement empêche, dans une large mesure, d'atteindre les niveaux de travail d'équipe jugés nécessaires à l'état de préparation opérationnelle». La même question pourrait être posée au sujet de l'acclimatation, des opérations et des tactiques pour lesquelles les 1 000 soldats envoyés en Afghanistan auraient pu s'entraîner ensemble.

    Je pose cette question. J'aimerais que vous y répondiez.

+-

    M. Clive Addy: Je crois y avoir répondu plus tôt quand j'ai dit que, statistiquement, seulement deux des neuf groupements tactiques au Canada ont effectivement reçu un entraînement à ce niveau à chaque année. Cela signifie que quatre groupements ont reçu cet entraînement pour une affectation de deux ans, durée normale de l'affectation d'un commandant. À vous de faire le calcul.

+-

    M. Leon Benoit: Mais j'aimerais que vous nous expliquiez pourquoi c'est important.

+-

    M. Clive Addy: Pourquoi est-ce important?

+-

    M. Leon Benoit: Oui.

+-

    M. Clive Addy: Parce que c'est lors de cet entraînement que les soldats apprennent à travailler en équipe et à connaître les commandants d'unité, les sergents majors, les commandants et le fonctionnement de l'organisation. Sans cela, ils ne respecteront pas la chaîne de commandement et feront part de leur avis directement aux gens d'ici. Ce sont des généraux à deux et à trois étoiles qui commandent ces opérations et ils n'ont probablement jamais exécuté les missions que leur profession exige. Sont-ils compétents, ont-ils les qualités voulues? Non, pas s'ils n'ont pas participé à ces entraînements collectifs.

    Je pourrais vous faire un exposé théorique sur la façon de commander un groupement tactique ou une brigade, mais tant que je n'aurai pas dirigé des opérations de nuit, tant que je n'aurai pas perdu des soldats et tant que les choses ne se seront pas gâtées... J'aurai fait de mon mieux. Quand j'ai envoyé nos soldats en Bosnie lors de la première mission et tant que je ne suis pas allé sur place voir comment les choses se déroulaient, je n'étais pas en mesure de dire si mon plan brillant était sensé ou non. Eh bien, croyez-moi, il était loin d'être parfait.

    Mais il faut des années et des années d'entraînement. Il faut que les gens s'entraînent ensemble pour que se crée un esprit d'équipe. Vous ne demanderiez pas à des joueurs de football d'enfiler l'uniforme et d'aller jouer une partie sans entraînement. Pourquoi en serait-il autrement pour une armée?

+-

    Le président: Vous n'avez jamais vu l'équipe de football parlementaire.

    Des voix: Oh, oh!

+-

    M. Leon Benoit: Et les joueurs de football ne jouent pas leur vie, le seul enjeu est l'argent. La différence est énorme.

    Vous avez parlé des séances d'information du MDN qu'a recommandées la Commission d'enquête sur la Somalie. Pouvez-vous nous expliquer à quoi vous pensez au juste?

+-

    M. Clive Addy: Vous dites?

+-

    M. Leon Benoit: Vous dites que nous n'avons pas les séances d'information du MDN comme l'a recommandé la Commission d'enquête sur la Somalie.

»  +-(1700)  

+-

    M. Clive Addy: Ah oui. J'estime qu'en cas de conflit—qu'il s'agisse d'une guerre, d'un conflit majeur, d'actes de terrorisme ou peu importe—et que vous déployez des militaires dans le cadre de ces missions, vous devriez avoir des séances d'information régulières, données publiquement, par des gens qui savent ce qui se passe. Je n'irais pas jusqu'à recommander que ce soit CNN tous les matins, mais plutôt... Depuis le mois d'octobre, combien de séances d'information avez-vous eues? Pouvez-vous les compter sur les doigts d'une main?

    M. Leon Benoit: Deux

    M. Clive Addy: J'estime que ce n'est pas suffisant et vous auriez pu éviter la moitié de vos débats à la Chambre des communes si vous aviez eu régulièrement des séances d'information données par des gens qui sont au fait des plus récents événements.

+-

    M. Leon Benoit: Exactement. Merci beaucoup.

+-

    M. Clive Addy: Je suis désolé, mais ce n'est pas important uniquement pour les débats à la Chambre des communes. Les militaires, hommes et femmes, doivent aussi être renseignés. Cela sert d'une part à les renseigner et d'autre part à les rassurer sur la justesse des décisions qui sont prises.

+-

    M. Leon Benoit: Merci.

    Puis-je poser une autre question?

+-

    Le président: En fait, je ne crois pas que vous ayez le temps.

+-

    M. Leon Benoit: D'accord.

    Merci beaucoup, général.

+-

    Le président: Monsieur Price.

+-

    M. David Price: Général Addy [Note de la rédaction: Inaudible] quand nous sommes allés sur place la semaine du 11 septembre, mais les Américains parlent maintenant de cette belle augmentation de budget obtenue pour la défense. Il y aura notamment une force permanente de 5 000 soldats basée en Europe—je digresse. Je me demande ce que vous en pensez.

    Si j'ai bien compris, cette force relèvera de l'OTAN. Je crois que c'est ce qu'ils projettent. J'aimerais savoir ce que vous pensez de l'effet que cela aura [Note de la rédaction: Inaudible]. Tout à coup un tout autre groupe arrive sur la scène. Que feront les Européens?

+-

    M. Clive Addy: J'ai le sentiment que l'on veut que les pays européens assument leur propre défense au sein de l'OTAN, et étant donné l'élargissement de l'OTAN en cours, j'aurais du mal à exprimer ne serait-ce qu'un avis. J'avoue honnêtement, monsieur Price, qu'il faudrait que je vous donne mieux qu'une réponse vague comme on en donne à la fin des conférences. Il faudrait que je fasse une analyse plus approfondie.

+-

    M. David Price: Je trouve assez intéressant que les Américains se dirigent sur cette voie...

+-

    M. Clive Addy: En effet, et cela témoigne de la confiance qui règne au sein de l'OTAN aussi.

    M. David Price: Précisément.

    M. Clive Addy: Comme vous le savez, il y a aussi l'autre côté de la médaille: dans le cadre de la défense antimissile nucléaire, les Américains et les Russes ont offert d'apporter leur contribution ensemble d'une part et les Européens, d'autre part. Voilà donc un dossier où on ne veut pas faire de vague.

+-

    M. David Price: La défense antimissile européenne, du moins, au premier niveau, se fondera sur une technologie entièrement américaine, à part quelques éléments français. Ce sont les Américains qui en retireront les profits.

    J'ai une question à vous poser sur les réserves qui m'apparaissent très importantes en raison de la présence qu'elles nous permettent d'assurer au sein de la collectivité. Croyez-vous que les événements du 11 septembre nous donneront la possibilité d'en faire davantage avec nos réserves? Vous avez déploré le peu de temps consacré à la formation des forces de réserve. Pourrait-on envisager de préciser le rôle qu'elles jouent, sans pour autant envisager de nouvelles missions?

+-

    M. Clive Addy: À ce sujet, je recommanderais aux forces armées de reconnaître que les réserves ont un certain potentiel militaire, mais surtout des responsabilités au niveau régional. C'est de ce point de vue que j'envisage les réserves.

    L'argent qu'on consacre au BPIEPC—je connais l'acronyme, mais j'ignore précisément ce qu'il signifie... oui, c'est le Bureau de la protection des infrastructures essentielles et de la protection civile—permet d'accroître notre présence dans la collectivité, et c'est important. Il faut certainement tenir compte.

+-

    Le président: Avez-vous d'autres questions, monsieur Price? Il vous reste une minute et demie.

+-

    M. David Price: J'ai d'autres questions, mais je ne pourrais pas les poser en si peu de temps.

    En ce qui a trait à notre orientation future, vous avez fait allusion à la participation des différents ministères dans l'élaboration d'une politique pouvant constituer le fondement d'un Livre blanc. Devrions-nous mettre à contribution tous ces ministères en même temps, ou devrions-nous commencer par élaborer le volet concernant la politique étrangère avant de nous pencher sur le volet militaire?

+-

    M. Clive Addy: J'estime qu'il faut d'abord élaborer la politique étrangère avant d'établir l'orientation militaire. Mais il ne faut pas se limiter à la politique étrangère. Il faut aussi se pencher sur la sécurité du Canada et, pour ce faire, mettre à contribution le ministère du Solliciteur général. Il est essentiel de bien établir ces deux volets avant de déterminer quels outils seront utilisés, car c'est ce qu'est le ministère de la Défense, l'outil grâce auquel nous assurons une partie de la sécurité du pays.

    M. David Price: Croyez-vous que nous devrions... Je crois que vous avez mentionné...

    M. Clive Addy: Tous les ministères intéressés ne devraient pas participer au processus dès le départ. Sinon, les recommandations ne seront pas formulées de notre vivant.

»  +-(1705)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Price.

    Je cède la parole à M. Bachand.

[Français]

+-

    M. Claude Bachand: Merci, monsieur le président. J'ai deux questions rapides.

    Le budget de la Défense nationale est quand même respectable. Il y a au-delà de 11 milliards de dollars qui sont investis par le gouvernement canadien dans la Défense nationale. Pensez-vous qu'il y a encore de l'espace à l'intérieur de ce 11 milliards de dollars pour que cet argent soit mieux géré?

    Une voix: Twelve.

    M. Claude Bachand: Excusez-moi, il s'agit de 12 milliards. Pensez-vous qu'il y a une autre façon, à l'intérieur de tous les départements et de tous les commandements qui sont à l'intérieur de ça, de gérer encore mieux ce montant de 12 milliards de dollars qui est là? Je sais que la réponse peut être assez longue, mais je vous demande d'y réfléchir.

+-

    M. Clive Addy: Il y a des façons d'économiser de l'argent. Ça, je vous le dis tout de suite. Je vous donne un exemple. Si on a des navires à acheter, on va les acheter chez les Américains, et on n'a pas d'industrie de navires au Canada. On peut faire ça; c'est moins cher. C'est cela de moins prélevé sur les 12 milliards de dollars.

+-

    M. Claude Bachand: Là, vous entrez dans un débat qui est très intéressant: le débat des « requirements », des « procurements ». Si on a le choix d'acheter un bateau à 100 $ de plus au Canada et que l'on décide de l'acheter plutôt aux États-Unis, est-ce correct?

+-

    M. Clive Addy: Si la différence était de 100 $, je vous dirais que vous êtes cave, mais je vous assure que ça va être un peu plus que ça.

+-

    M. Claude Bachand: À partir de quel montant ne serait-on plus considéré cave?

+-

    M. Clive Addy: Je ne sais pas. Ce n'est pas un absolu. Vous demandez à quel degré on doit investir dans le futur d'une industrie canadienne quelconque, et quels risques on prend en payant une pièce d'équipement plus cher plutôt que d'avoir la capacité en question.

+-

    M. Claude Bachand: Je reviens à ma question du début. Vous pensez qu'il y a quand même de l'espace pour ...

+-

    M. Clive Addy: Moi, je pense que pour ce qui est du domaine de l'achat des matériaux, il y a de l'espace. Je pense qu'il y a peut-être aussi des moyens administratifs qui pourraient simplifier les choses.

    Je vais vous poser une question et vous donner un exemple absolument typique. Pour enrôler une personne de la réserve, je vous dis que ça prend trois mois et demi. Et ça, c'est une amélioration sur le six mois que ça prenait auparavant. Est-ce que, dans un pays moderne comme le nôtre, c'est raisonnable? Est-ce qu'il n'y a pas là des pertes d'argent, d'efforts, de paperasse et de procédures? Il y a des pertes en procédures aussi.

+-

    M. Claude Bachand: Comment voyez-vous, en général, la question de la privatisation, c'est-à-dire le fait de confier à l'entreprise privée certains services qui sont actuellement fournis à l'intérieur de l'enveloppe de la Défense nationale? Il y a une espèce de perte de solidarité lorsque les gens ne font pas partie de la Défense et que c'est donné à une entreprise privée qui, elle, travaille pour un autre employeur. Elle n'a peut-être pas la même solidarité avec la Défense que lorsque c'est fait par des gens à l'interne. Cependant, des coûts peuvent peut-être être évités si on a recours au secteur privé. Comment voyez-vous le recours au secteur privé?

+-

    M. Clive Addy: Moi, j'accepte le recours au secteur privé lorsqu'il nous permet de faire des économies à court et à long termes sans qu'il y ait risque pour la vie des Canadiens et des soldats canadiens. C'est ça le critère selon moi. Si cela ne fait pas courir de risque pour la vie des soldats canadiens, c'est un critère.

    Mais quand on arrive en Bosnie où on a une base et que tout pète, que tout disparaît, la vie du soldat est menacée. Il faut se demander en vertu de quels contrats ils ont été envoyés là-bas, quels sont les règlements qui s'imposent.

+-

    M. Claude Bachand: Ça semble être le cas en Bosnie, pour tout le secteur soutien, pour la cuisine, etc. Il semble que cela a été confié à l'entreprise privée.

+-

    M. Clive Addy: Ça l'est.

[Traduction]

+-

    Le président: Ce n'est pas aux généraux, mais à nous qu'il incombe d'intervenir.

    Y a-t-il autre chose?

[Français]

+-

    M. Claude Bachand: Donc, vous semblez remettre cela en question, parce que si...

»  +-(1710)  

+-

    M. Clive Addy: Non, je pose une question; je ne remets pas cela en question.

+-

    M. Claude Bachand: Vous posez la question.

+-

    M. Clive Addy: Oui.

+-

    M. Claude Bachand: Ai-je le temps?

[Traduction]

+-

    Le président: Vous avez une minute.

[Français]

+-

    M. Claude Bachand: Je veux revenir sur la défense de l'espace, qui relèverait de la force aérienne. Le président Bush a mis fin au Traité ABM. Si je vous comprends bien, c'est une partie de la force aérienne qu'il faudrait développer dans le futur. Êtes-vous en faveur du bouclier spatial? Quelle est votre position sur la question?

+-

    M. Clive Addy: Le bouclier spatial, vu sous l'angle de la Guerre froide, est une chose tout à fait différente de la protection de l'espace vue sous l'angle de l'avenir technologique probable. Il y aurait une miniaturisation énorme qui s'effectuerait d'ici les prochains cinq ou six ans et qui doublerait encore au cours des 20 ans qui suivront. Par conséquent, beaucoup de munitions autres que les munitions traditionnelles, grandes roquettes, etc., et qui posent des menaces à travers... L'espace devient un domaine dans lequel il est plus économique de distribuer ces éléments. Donc, cette connaissance de l'espace est à penser à long terme que...

    M. Claude Bachand: Je vois. C'est inévitable, selon vous.

    M. Clive Addy: Selon moi, c'est inévitable. Ce serait surtout irresponsable de ne pas y penser.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci, monsieur Bachand.

    Monsieur Provenzano, vous avez la parole.

+-

    M. Carmen Provenzano (Sault Ste. Marie, Lib.): Général Addy, l'interopérabilité est un élément clé de la politique de défense du Canada. Or, nous avons entendu dire que la situation actuelle pourrait avoir une incidence négative sur l'interopérabilité future de nos forces terrestres. Êtes-vous d'accord avec cette affirmation? Qu'en pensez-vous?

+-

    M. Clive Addy: J'aimerais saisir cette occasion pour répondre à un des députés qui n'est pas ici en ce moment et qui m'a demandé: quels sont les points forts? Je répondrais que nos points forts sont nos navires de guerre, notre construction navale et l'interopérabilité de notre marine, qui est probablement à son niveau le plus élevé et l'un des éléments les plus positifs des Forces canadiennes depuis longtemps. Par conséquent, tout va bien dans la marine.

    Au sein de la force aérienne, nos avions de chasse et notre équipement de surveillance commencent à devenir problématiques.

    La force terrestre, elle, a encore du pain sur la planche pour atteindre l'interopérabilité. Nous devons d'abord déterminer à quel niveau se situera l'interopérabilité, une question qui va au-delà des mêmes uniformes et des mêmes carabines, au-delà de savoir si on achètera des véhicules Coyote ou non. Il s'agit plutôt de commandement et de contrôle, de communication d'information et de la mise en commun des systèmes de commandement et de contrôle.

    Au sein des forces terrestres, il reste donc beaucoup à faire. Dans la force aérienne, on commence à accuser du retard et, dans la marine, nous nous maintenons. C'est la meilleure description que je puisse vous faire.

+-

    M. Carmen Provenzano: Très bien.

    Merci.

+-

    Le président: Monsieur Stoffer, vous avez la parole.

+-

    M. Peter Stoffer: La question que je vais vous poser me vaudra probablement une punition, mais je vous la pose quand même: nos forces armées sont-elles déséquilibrées pour ce qui est du nombre de généraux et d'amiraux en comparaison au nombre de soldats et de marins qui sont sur la ligne de front? Quelle est la moyenne de l'OTAN? Y a-t-il une proportion moyenne, par exemple, de généraux aux soldats en première ligne?

+-

    M. Clive Addy: J'ignore quelle est la moyenne de l'OTAN. Je suis certain que le RCMI a des statistiques à ce sujet.

    Je peux toutefois vous dire qu'il y a en effet beaucoup de généraux par rapport aux autres grades, et ce, même si leur nombre a beaucoup baissé. Toutefois, même si le Canada est un petit pays doté d'une petite force de défense, il doit s'assurer que tous ces postes sont comblés. Il doit continuer à exercer son influence un peu partout dans le monde, au sein de l'OTAN et de NORAD, et, pour ce faire, il ne peut compter sur des commis, mais bien sur des personnes ayant reçu tout l'entraînement nécessaire. Il faut aussi assurer cet équilibre-là.

    Je crois qu'il y a en ce moment 70 officiers généraux au sein des Forces canadiennes. Ce nombre d'officiers généraux pourrait probablement commander une force plus nombreuse, mais il nous faut au moins ces 70.

+-

    M. Peter Stoffer: Merci.

    Lorsque vous avez abordé les dépenses en matière de défense, vous avez fait allusion à la construction navale. Or, nous n'avons plus de politique de construction navale à des fins de défense. Nous en avions une, mais nous n'en avons plus. L'injection de ressources additionnelles dans les forces armées et la construction de l'équipement militaire au Canada contribue au développement régional, ce que semblent oublier bien des intervenants. Je me demande si c'est une simple omission.

    J'imagine que quelqu'un comme vous, qui est respecté dans tout le pays et qui demande davantage d'argent et d'infrastructures pour les Forces canadiennes, peut concevoir qu'il est avantageux de créer des emplois pour 750 habitants d'Abbotsford, par exemple, qu'il est avantageux de se doter d'une politique de construction navale pour la défense, qu'il est avantageux de construire ici les Coyote ou d'autres pièces d'équipement car cela contribue au développement régional.

»  +-(1715)  

+-

    M. Clive Addy: Monsieur, si je peux me permettre, un autre rapport a été rendu public avant Coincé entre les deuxpar la Conférence des associations de la défense intitulé Les avantages d'investir dans le secteur de la défenseet qui abonde exactement dans le même sens que vous.

    D'une part, c'est avantageux. D'autre part, c'est un coût supplémentaire pour un budget très, très limité; il n'est donc pas facile de trouver une solution. Mais nous avons rendu public et distribué un document intitulé Les avantages d'investir dans la défensequi souligne précisément cela.

+-

    Le président: Pouvons-nous en obtenir un exemplaire?

+-

    M. Peter Stoffer: Ce serait bien d'en avoir un exemplaire.

+-

    M. Clive Addy: Je crois que vous en avez déjà un, mais je m'assurerai que l'on vous en donne un autre exemplaire.

+-

    M. Peter Stoffer: Merci.

    Pour terminer, avec toutes les questions qu'on soulève dans les médias sur ce que fait l'opposition, avec le refus du gouvernement d'acheter des Sea King, avec les reportages sur le syndrome de stress post-traumatique, avec Susan Riordon et son mari Terry, avec toute la publicité négative sur l'armée, que doivent penser les jeunes? Vous avez dit qu'il vous faudrait 70 000 membres. J'aimerais bien savoir où nous allons les trouver. Que nous conseilleriez-vous de recommander au gouvernement pour que nous ayons un recrutement suffisant pour assurer un déploiement convenable? Qu'est-ce qui inciterait un jeune homme ou une jeune femme de 18 ans à se joindre aux forces armées compte tenu de toute la publicité négative dont elles font l'objet dans les médias?

+-

    M. Clive Addy: C'est l'une des questions les plus difficiles qu'on m'ait posée aujourd'hui.

+-

    M. Peter Stoffer: J'en suis désolé.

+-

    M. Clive Addy: Ce n'est pas une question facile.

    Je ne vous dis pas cela à la légère: je crois que l'on devient militaire... Moi, je l'ai fait pour deux raisons. Je me suis engagé par désir d'aventures et aussi parce que je voulais plus qu'un simple emploi. Je crois que les jeunes du Canada qui font comme moi doivent le faire pour ces raisons.

    Cela peut paraître étrange, mais cette photo, qui n'aurait jamais dû faire la une du The Globe and Mail, contribuera probablement plus que n'importe quoi d'autre au recrutement. C'est là le genre de choses qui attire les jeunes dans l'armée.

    L'aspect négatif... Je semble soulever bien des points négatifs, mais je tente toujours de penser aux deux côtés de la médaille. Vous devez comprendre que les Forces canadiennes sont petites et que, par conséquent, c'est un réseau tissé de liens étroits entre père et fils, entre cousin, etc., de sorte que, lorsque ça va mal, les observateurs de l'extérieur ont souvent l'impression que tout va bien. Cependant, je ne suis pas certain que cacher la vérité soit très bon pour le recrutement. Voilà le dilemme auquel nous faisons face.

    Si je pouvais formuler une recommandation, ce serait de vous rappeler que les membres des forces armées servent leur pays ainsi parce qu'ils ont envie d'aventures; c'est là leur souhait le plus cher. Il leur est tout aussi important de faire quelque chose de différent, de ne pas se contenter d'un simple emploi.

    La qualité de vie est aussi très importante. Mais vous aurez beau parler de qualité de vie, si vous ne consacrez pas davantage d'argent à l'entraînement, ce sont des paroles vaines.

+-

    Le président: Merci.

+-

    M. Peter Stoffer: Je vous donne le temps qu'il me reste, monsieur.

+-

    Le président: Monsieur Stoffer, vous m'en devez une.

    Je cède maintenant la parole à M. Wilfert.

+-

    M. Bryon Wilfert: Bonsoir, monsieur le président.

    J'ai une question qui n'étonnera pas le président, car je la pose régulièrement. C'est dans un tout autre ordre d'idée que mes questions précédentes.

    Nous déployons des troupes dans une région du monde où nous n'avions auparavant personne sur le terrain, en Asie centrale, que ce soit au Tajikistan ou au Turkmenistan. Nos renseignements proviennent donc dans une grande mesure d'autres sources, surtout des États-Unis. Nous sommes le seul état du G-8 qui n'a pas d'organisme du renseignement étranger.

    Voici donc ma question: outre ce qui pourrait exister au sein du ministère de la Défense ou de façon indépendante, que nous faudrait-il pour mieux protéger les intérêts nationaux du Canada et mieux préparer nos forces armées à des déploiements dans diverses régions du monde, sachant que nous ne pouvons satisfaire tout le monde mais que nous pourrions adopter le modèle australien sur une base régionale? J'aimerais savoir ce que vous en pensez et, puisque M. O'Reilly est entré, je le fais par votre entremise, monsieur le président.

»  -(1720)  

+-

    M. Clive Addy: D'emblée, je vous dirais que je suis d'accord avec vous. Que ce soit au sein du G-7 ou du G-8, nous avons besoin d'un réseau de renseignements à l'étranger. J'en suis intimement convaincu. Vous avez vous-même souligné les avantages qu'il y aurait à avoir notre propre source de renseignements. Le renseignement est un bien qu'on peut marchander. Nous pourrions obtenir de meilleures ententes avec les Américains si nous avions quelque chose à leur offrir en échange. Les Canadiens ont accès à des tribunes qui sont interdites aux Américains. Si nous mettions l'accent sur ces tribunes et sur le genre d'information que nous pourrions y obtenir...

    À mon avis, nous n'avons pas besoin d'une CIA; il nous faut plutôt voir d'où proviennent nos renseignements, quelles ambassades nous allons cibler et quels sont ceux que nous y affecterons. Comme vous, peu m'importe qui obtient ces renseignements, à condition que cette personne soit canadienne et qu'elle ait les informations dont nous avons besoin.

+-

    M. John O'Reilly: Monsieur le président, j'invoque le Règlement pour signaler que la sonnerie se fait entendre, mais pas dans cette salle-ci. Il nous reste 12 minutes.

-

    Le Président: Douze minutes? Devrions-nous y aller? D'accord.

    Merci beaucoup général Addy. Nous vous sommes reconnaissants d'être venu comparaître aujourd'hui. Vos observations ont été très utiles.

    La séance est levée.