SINT Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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SUB-COMMITTEE ON INTERNATIONAL TRADE, TRADE DISPUTES AND INVESTMENT OF THE STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE
SOUS-COMITÉ DU COMMERCE, DES DIFFÉRENDS COMMERCIAUX ET DES INVESTISSEMENTS INTERNATIONAUX DU COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mercredi 17 octobre 2001
Le président (M. Mac Harb (Ottawa-Centre, Lib.)): Bonjour mesdames et messieurs. Je déclare ouverte la réunion du Sous-comité du commerce international, des différends commerciaux et des investissements internationaux.
Nous recevons aujourd'hui M. Juan Somavia, directeur général de l'Organisation internationale du travail. L'OIT est une agence spécialisée de l'ONU dont le siège est à Genève. Vous savez sans doute déjà que M. Somavia est en visite officielle au Canada. Il sera le conférencier d'honneur à la 12e Conférence interaméricaine des ministres du travail.
Monsieur le directeur général, je suis heureux que vous ayez accepté de témoigner devant le comité pour mieux nous faire comprendre l'OIT—son mandat, ses rapports avec le Canada et surtout le rôle qu'elle compte jouer pour améliorer le sort des travailleurs dans le monde dans le contexte de la mondialisation. L'OIT peut contribuer utilement à jeter les assises d'un partage plus vaste des avantages de la libéralisation économique et du commerce. La tâche n'est pas mince, mais nous sommes convaincus que vous et l'organisation serez à la hauteur.
Monsieur Somavia, à l'occasion de votre visite au Canada, vous avez rencontré des ministres canadiens et vous en rencontrerez sans doute d'autres. Vous avez eu ou aurez l'occasion de rencontrer des représentants du secteur privé, des dirigeants d'entreprises, des ouvriers, des universitaires ainsi que des organismes non gouvernementaux. C'est maintenant notre tour d'avoir le privilège d'échanger avec vous. On m'a indiqué que vous alliez discuter de la dimension sociale de la libéralisation du commerce dans le contexte de la mondialisation et des vues de l'OIT sur un travail décent.
Je vous remercie d'être parmi nous. Le comité compte des députés de tous les partis de la Chambre des communes, de l'opposition comme du gouvernement. Après votre déclaration, mes collègues auront la chance de vous poser des questions. C'est à vous que reviendra le mot de la fin. Nous disposons de la salle jusqu'à 16 h 30 et la séance est télévisée.
• 1535
Je vous souhaite donc la bienvenue, monsieur Somavia, et je
vous cède la parole
M. Juan Somavia (directeur général, Organisation internationale du travail): Je vous remercie de votre invitation. Je suis très heureux d'avoir l'occasion d'échanger avec vous et de connaître votre point de vue sur les questions dont l'OIT a à traiter.
Permettez-moi d'abord de vous parler de la genèse de l'OIT. Elle a été créée en 1919 aux termes du Traité de Versailles. L'Organisation internationale du Travail est le produit de la situation sociale critique de la fin du XIXe siècle et du début du XXe. Il s'agissait d'un effort de la communauté internationale pour répondre aux problèmes du travail à cette époque.
L'OIT est une organisation tripartite qui rassemble des gouvernements, des représentants d'organisations de travailleurs et des représentants d'organisations d'employeurs. C'est la seule institution internationale à la fois privée et publique, puisque toutes les organisations internationales du système de l'ONU sont gouvernementales. Chez nous, des intervenants du secteur privé participent aux décisions.
L'organe de direction de l'OIT compte 28 gouvernements, 14 représentants d'organisations d'employeurs et 14 représentants d'organisations de travailleurs. Cela confère évidemment à l'OIT une vaste somme de connaissances concernant notamment la vie de l'entreprise et la vie au travail, ce qui donne beaucoup de poids à son avis.
Nous pouvons examiner les événements de tous les jours, non seulement du point de vue du ministère qui siège à notre organe directeur mais aussi de ceux qui vivent le travail au quotidien. J'aimerais vous en dire davantage sur ce point.
Notre objectif est de traiter de toutes les conditions du travail et de tout ce qui se passe sur les lieux de travail. Comme l'OIT a été créée en 1919, son objectif est évidemment de promouvoir la qualité du travail, les normes du travail et l'amélioration des conditions de travail. Cela est passé par la définition de conventions dans divers domaines. Une fois négociées par cet organe tripartite de l'OIT et ratifiées par les gouvernements et l'assemblée, ces conventions deviennent des obligations nationales. Nous avons ce que l'on appelle des pouvoirs législatifs, en termes internationaux, assujettis à la ratification des gouvernements.
La plupart des lois du travail dans le monde aujourd'hui ont été influencées par le régime des conventions de l'OIT. Il a évidemment besoin d'être modernisé, puisque toutes les lois du travail évoluent avec le temps. Les concepts de base, toutefois, ont été élaborés à l'OIT.
L'institution a remporté le Prix Nobel en 1969, précisément pour sa contribution dans ce domaine. Il y a un lien précis avec le Canada puisque pendant la Deuxième Guerre mondiale, le secrétariat de l'OIT a été transféré ici et logé à l'université McGill, à Montréal. C'est là qu'une grande partie de la réflexion sur la manière de procéder après la guerre a eu lieu.
L'institution dispose d'un budget de 230 millions de dollars, les cotisations volontaires sont d'environ 100 millions de dollars et environ 2 500 personnes y travaillent. Par nos bureaux ou nos représentants, nous sommes présents dans 45 pays environ.
Comment a évolué l'OIT? Qu'est-elle aujourd'hui? J'aimerais me concentrer sur ce que nous avons fait au cours des deux dernières années, parler de la vocation première de l'organisation. C'est l'aboutissement de consultations poussées auprès des intéressés. J'ai dû trouver une formule de synthèse et dire: «Écoutez, il faut pouvoir expliquer ce qu'est l'OIT dans un message publicitaire de 30 secondes à la télévision, assurons-nous donc que c'est clair».
• 1540
Il en est ressorti quatre objectifs stratégiques: promouvoir
les droits des travailleurs et la protection sociale, ce qui est la
vocation historique de l'OIT, le travail, parce que si vous n'avez
pas de travail, il ne peut pas y avoir de droits des travailleurs;
créer des entreprises et un environnement propice à
l'investissement; et, finalement, le dialogue social.
Nous avons synthétisé ces objectifs en disant que nous sommes l'agence du travail décent du système multilatéral. Nous représentons la recherche en faveur du travail décent. Nous voulons promouvoir les conditions qui permettent aux gens d'avoir accès à un travail décent.
Si vous prenez chacun de ces objectifs stratégiques et demandez où nous en sommes dans l'atteinte de chacun d'eux, je répondrai que nous accusons de graves déficits dans tous les cas.
Cela signifie qu'en plus d'être l'organisme qui se charge de promouvoir le travail décent, nous devons admettre que nous accusons de graves déficits en la matière dans le monde, sous chacune de ces rubriques. Si vous prenez l'emploi, avant le ralentissement de l'économie, 160 millions de personnes étaient sans emploi dans le monde—c'est le chiffre officiel, avec toutes les réserves que l'on connaît à propos des chiffres officiels—et nous calculons qu'environ 1 milliard de gens sont sous-employés.
La dernière analyse que nous avons faite, à propos du ralentissement de l'économie et avant les événements terribles du 11 septembre, montre que dans l'année qui vient quelque 24 millions d'emplois dans le monde ne seront pas créés. Nous connaissons donc un déficit de l'emploi, sans parler de tous ceux qui travaillent dans l'économie parallèle et qui n'entrent tout simplement pas dans les calculs. Ils sont enfouis sous les statistiques mais ils existent bel et bien. C'est un des secteurs où l'OIT est très active.
Si vous examinez la protection sociale, environ 80 p. 100 de la population active dans le monde ne dispose pas de véritable protection sociale, notamment dans le monde en développement. Dans le monde en développement, un emploi, c'est et un revenu et une protection sociale. Dès que vous perdez votre emploi, vous perdez du même coup votre protection. Le travail a donc beaucoup plus d'importance.
Pour ce qui est des droits des travailleurs—et votre comité a déjà abordé la question du commerce et des normes de travail sur la scène internationale—on accuse là aussi un déficit.
Pour ce qui est de la syndicalisation et de l'animosité à l'endroit des travailleurs qui veulent se syndiquer, l'OIT estime que chaque citoyen a le droit de joindre une association et que les travailleurs ont le droit de se syndiquer. Si vous ne pouvez exercer votre liberté d'association, il y a quelque chose qui cloche dans le système industriel.
Enfin, il y a le dialogue social qui accuse un déficit immense dans le monde à bien des endroits et dont je ne parlerai pas en détails.
Vous, les Canadiens, comprenez très bien qu'aucun de ces objectifs ne peut être atteint facilement. Vous avez su aborder les problèmes dans ces quatre catégories. Vous avez un dialogue social et les structures de la protection sociale. Les travailleurs peuvent se syndiquer et négocier collectivement. Ils peuvent s'asseoir à la table et être traités avec respect. Vous avez su traiter des problèmes du chômage. Vous connaissez l'emploi et vous avez un filet de sécurité en l'absence d'emploi. Ce n'est évidemment pas le cas dans bien des parties du monde.
J'aimerais parler un peu du ralentissement de l'économie. Nous sommes aux prises avec des changements incroyables, qu'il s'agisse de la mondialisation, d'autres événements, du changement technologique. La planète se rapproche ou est en train d'exploser, si l'on pense aux horribles attentats qui nous ont frappés. Mais malgré tous ces changements, il est une chose qui reste inchangée et indispensable aujourd'hui, c'est le lien entre l'être humain et le travail—ce que le travail signifie pour les gens. Cela signifie la même chose aujourd'hui que par le passé. Cela signifie la dignité personnelle, l'épanouissement, la réponse aux besoins fondamentaux de chacun de prouver, par son travail, ce qu'il peut réaliser comme être humain.
• 1545
Le travail est l'assise d'une vie familiale stable, et trop
souvent nous négligeons le lien entre une famille au chômage et une
famille malheureuse. Nous nous demandons ensuite ce qu'il advient
des valeurs familiales, des enfants dans les rues, des jeunes qui
prennent de la drogue et des enfants battus chez eux, comme s'il
n'y avait pas de rapport entre l'absence de revenu familial et la
sécurité. Nous savons tous qu'une collectivité au travail est une
collectivité paisible et qu'une localité désoeuvrée est un endroit
où vous n'osez pas sortir dehors, le soir venu.
Enfin, vous êtes tous des politiques, et vous ne manquez pas de savoir qu'il est très difficile de se faire élire aujourd'hui, à moins de traiter de l'emploi et des conditions de travail parce que c'est à cela que les gens tiennent. L'OIT s'emploie donc à replacer le travail au centre des préoccupations des gouvernements. Paradoxalement, il n'y est pas. Vous-mêmes êtes en contact avec vos électeurs et vous savez pertinemment que c'est la préoccupation principale de ceux qui vous ont élus. Mais si vous examinez les politiques proposées dans le système multilatéral—je pense à celles qui émanent du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, avec lesquels l'OIT coopère—les politiques de réduction de la misère ne mettent pas l'emploi en tête de liste des priorités.
Chacun sait que pour sortir de la misère, il faut un emploi. Il n'y a pas 36 manières de faire les choses. C'est ainsi que les gens voient s'ils accèdent ou non à la sécurité, à la possibilité de sortir de la pauvreté et de l'exclusion sociale. Nous essayons donc de travailler avec eux pour expliquer que de notre point de vue, le système international doit placer la création de l'emploi et les conditions du travail au centre de la gouvernance mondiale. Cela s'applique à l'ensemble du système car il s'agit d'abord et avant tout d'une question sociale.
Si l'on regarde ce qui se passe aujourd'hui dans cette optique, on constate une convergence de facteurs qui menacent la plupart des choses dont j'ai parlé. Cela tient en partie aux limites du modèle actuel de mondialisation qui n'arrive pas à transférer ses avantages à suffisamment de gens. C'est la raison pour laquelle il y a eu des manifestants dans les rues de Seattle, Washington, Prague et ailleurs—des gens qui protestent contre quelque chose qui ne leur plaît pas sans avoir une idée très nette de ce qu'ils voudraient à la place. Mais il y a de toute évidence un malaise face à une machine qui selon eux s'est emballée.
Or, ces avantages existent bien. Qu'il s'agisse de nouveaux procédés technologiques, de la capacité de créer la richesse et du rapprochement que les sociétés ouvertes permettent. En effet, ces protestations n'auraient pas été possibles sans le courrier électronique. C'est donc dire que la technologie elle-même fait partie des moyens et de l'ouverture de nouveaux espaces démocratiques. Il y a indubitablement toute une série d'aspects positifs à la mondialisation.
Parallèlement, si l'on confronte le programme du travail décent et l'économie mondiale, et si l'on demande ce qu'elle fait pour résoudre ces problèmes, la réponse est: «bien peu». Les problèmes ne font que s'accumuler. Il faut donc trouver un modèle de mondialisation qui assure l'ouverture des économies et des sociétés tout en répondant aux besoins des populations.
Nous pensons que le programme en faveur d'un travail décent n'est pas une mauvaise façon de nous y prendre, parce que le problème est de savoir où concentrer notre action. À quoi s'attend-on de l'économie mondiale? Pour l'OIT, la réponse est plus d'emplois, des emplois de meilleure qualité, une plus grande protection sociale, un meilleur dialogue social dans le monde. Pourquoi ne pas essayer d'organiser l'économie mondiale pour qu'elle produise cela?
C'est une des choses qui s'en viennent. L'autre, c'est le ralentissement économique qui a commencé il y a huit ou dix mois. Ces ralentissements font maintenant partie du cycle de l'économie. Ils n'ont rien de nouveau et il y a des façons d'y faire face. Des mesures préliminaires ont commencé à être prises. Mais le drame du 11 septembre est venu ajouter une complication. Ces événements nous ont touchés d'une manière que personne n'aurait pu imaginer. Nous sommes tous en train d'en voir les implications non seulement pour notre vie émotive, personnelle et familiale, mais aussi les conséquences plus vastes. Cela met la sécurité humaine au centre des préoccupations—la sécurité contre des actes barbares comme celui dont on a été témoins et contre d'autres formes de barbarie.
• 1550
Il se trouve que je suis Chilien et je trouve ironique de mon
point de vue que le 11 septembre soit précisément la date du coup
d'État au Chili qui a étouffé la démocratie dans mon pays. Nous
avons aussi appris ce qu'est le terrorisme d'État.
Ce drame nous donne l'occasion d'examiner la sécurité humaine, qu'il s'agisse des horreurs que le terrorisme peut commettre ou de celles qui peuvent vous arriver quand on vient frapper à votre porte pour vous amener en prison ou encore des questions dont on parle ici, le chômage et la pauvreté.
Pourquoi ne pas saisir l'occasion pour examiner la sécurité humaine sous tous ses rapports et voir comment on peut instaurer un degré de sécurité qui apaise les motifs d'insécurité des gens? Un motif supplémentaire très puissant vient évidemment de s'ajouter. Je pense que c'est le principal problème auquel nous sommes actuellement confrontés.
Si nous arrivons à voir le lien entre toutes ces questions, nous ne devrions pas être pris de court. Prenez l'exemple de la crise asiatique. Cette crise a évolué. Soudainement vous avez vu éclater cette crise en Asie qui a eu d'énormes conséquences ailleurs, en particulier dans les économies nouvelles et à bien des égards nous avons été pris de court.
Nous savons plus ou moins ce qui va se produire l'an prochain dans l'économie. Pourquoi ne pas songer dès maintenant à ce que nous devrons faire à l'échelle internationale surtout les politiques d'expansion et d'économie? Car si nous essayons de faire face aux crises qui se dessinent à l'aide de méthodes traditionnelles et de solutions purement monétaires, il sera extraordinairement difficile de traiter des conséquences sociales de la crise.
Les États-Unis semblent maintenant mener la danse à cet égard. Paradoxalement, on semble revenir un peu aux politiques keynésiennes, alors qu'on nous a dit que ces principes ne s'appliquaient plus. Mais voilà tout à coup qu'il faut que l'État injecte de l'argent dans l'économie pour soutenir la consommation défaillante et réenclencher le cycle.
J'aimerais bien qu'on propose cette politique pour les pays en développement. Il serait tragique qu'on applique les politiques keynésiennes dans les pays industrialisés alors qu'on dit aux pays en développement d'appliquer des politiques réductionnistes pour équilibrer leurs comptes. La réponse doit être mondiale et il faut que nous puissions trouver les mécanismes qui permettront à tous de faire face aux récessions qui s'annoncent en en réduisant les coûts au minimum.
Pour nous, bien sûr, tout cela est au coeur même de notre programme de travail décent, à l'OIT, car les quatre composantes de ce programme en font un bon moyen de réagir à la crise. Essayons qu'aussi peu d'emplois que possible soient perdus; assurons-nous d'avoir des politiques qui permettent de créer des emplois par divers moyens.
J'ai rencontré aujourd'hui les ministres du travail des Amériques; c'est l'une des raisons pour lesquelles je suis ici aujourd'hui. Les ministres se réuniront demain, et ils m'ont demandé de participer à leur réunion. Chacun d'eux a sa façon de traiter cette question. Assurons-nous donc de créer des emplois et de bien encourager les investissements; il faut créer des entreprises et veiller à ce qu'il y ait des emplois plutôt que de simplement déposer l'argent à la banque pour obtenir un bon rendement sur son dépôt.
Pourquoi je dis cela? C'est qu'il y a deux mois, un pays d'Amérique latine qui souhaitait résoudre ses problèmes à l'échelle internationale a, le même jour, réduit de 13 p. 100 les salaires des travailleurs et des retraités de la fonction publique et augmenté à 37 p. 100 l'intérêt ponctuel sur les investissements. Il faut avouer que quelque chose ne va pas si c'est ainsi qu'on veut résoudre cette crise.
• 1555
Mon argument, aujourd'hui, c'est qu'on ne peut pas résoudre
par de tels moyens la crise imminente. Il faut résoudre cette crise
en créant des entreprises afin de réduire ses répercussions sur la
population, susciter une plus grande consommation et, ainsi,
résoudre le problème par la croissance et non pas la réduction.
Voilà en gros ce que je voulais dire, monsieur le président.
Permettez-moi deux autres joints. Premièrement, pour l'OIT, l'un des éléments clés est le dialogue social, le principe voulant que les employeurs et les travailleurs peuvent ensemble, avec la participation du gouvernement au besoin, régler bon nombre de ces problèmes; ils possèdent l'expérience et les connaissances nécessaires pour traiter les répercussions concrètes que ces questions peuvent avoir dans la vie des gens et dans la vie des entreprises.
Plus que jamais, il faut faire du dialogue social une méthode, un instrument, un moyen de résoudre tous les problèmes que j'ai mentionnés.
Deuxièmement, nous devons être conscients de ce que dans les pays en développement, comme je l'ai dit, l'emploi représente à la fois le revenu et la protection sociale. Tous les pays doivent réfléchir aux moyens d'aider ces pays en développement afin qu'il y existe un filet minimum de sécurité pour que les gens ne tombent plus entre les mailles du filet. Il faudra qu'il y ait des mesures d'urgence. On pourra voir plus tard s'il existe des solutions plus stables ou plus productives. On ne peut pas simplement se contenter de dire «tant pis, les choses sont ainsi, faites ce que vous pouvez.»
En ce XXIe siècle, lorsque nous savons que ces problèmes vont se produire, nous pouvons au moins maintenant adopter une sorte d'approche commune à l'échelle internationale et, dans le cas des pays en développement, pour pouvoir mettre en place une sorte de filet de sécurité.
Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis très heureux d'avoir eu cette occasion de m'adresser à vous et de réfléchir avec vous à ces problèmes. Pour conclure, nous savons tous que personne ne possède la solution. Personne ne pourrait dire qu'il suffit de faire ceci ou cela pour que les problèmes soient résolus.
Nous sommes aux prises avec des problèmes complexes qui nécessitent une réflexion beaucoup plus intégrée que par le passé, et ce n'est pas facile. Je le constate dans le système multilatéral, où un organisme s'occupe des questions monétaires et financières, un autre du commerce, un autre de la main-d'oeuvre, un autre encore de la santé et un autre de l'éducation, alors que le phénomène est de portée générale. Nous devons rendre plus uniformes les politiques mondiales et, plus particulièrement, nous devons adopter la même orientation. De nos jours, les différents organismes internationaux font parfois aux pays des recommandations contradictoires.
Tout comme l'OIT, je crois maintenant que nous devrions nous entendre sur le fait que les questions relatives au travail et à la vie professionnelle sont un bon point de départ pour oeuvrer de concert, parce que ces questions touchent les gens et c'est ce que les gens réclament.
Merci beaucoup.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Somavia.
Il nous reste environ 23 minutes. Nous allons poser des questions. Si cela vous va, les questions et réponses devraient se limiter à quatre minutes chacune. De cette façon, nous serons plus nombreux à pouvoir poser des questions.
Monsieur Duncan, monsieur Valeri, monsieur Paquette, et monsieur O'Brien.
M. John Duncan (Île de Vancouver-Nord, Alliance canadienne): Bonjour et merci de votre témoignage. Je suis d'accord avec bon nombre de vos dernières déclarations. Le monde est en fait un endroit bien compliqué.
Hier, des organisations non gouvernementales nous ont fait des recommandations sur les conseils et l'aide que le Canada devrait offrir aux pays moins développés en matière d'agriculture et dans d'autres domaines afin de les aider au niveau de l'emploi et de l'exportation. Nous avons tous vu clairement à quel point, comme vous l'avez dit, certains conseils peuvent être contre-indiqués, du moins contradictoires.
J'aimerais savoir quelle ampleur prend, à votre avis, le problème des obstacles non tarifaires dans la nouvelle économie. Il semble que ce soit un facteur important dans le secteur de l'agriculture; et le secteur de l'agriculture joue certes un rôle très important dans la création d'emplois et les exportations dans un grand nombre de pays moins développés.
M. Juan Somavia: Merci.
Voulez-vous que je réponde à toutes les questions, ou préférez-vous que j'y réponde une à la fois?
Le président: Nous pourrions peut-être faire un tour de table et vous pourriez ensuite répondre aux questions.
Avez-vous posé une question, monsieur Duncan?
M. John Duncan: J'ai posé une question que vous avez comprise, je crois.
Ma question porte sur les obstacles non tarifaires, plus particulièrement dans l'agriculture. Il est ressorti clairement hier, entre autres, que bon nombre des exigences en matière d'étiquetage des OGM qui s'appliqueront en Europe auront rapidement des répercussions importantes pour ceux qui exportent des marchandises en Europe. Ces exigences poseront de grandes difficultés dans certains des pays moins développés, surtout parce que l'étiquetage est onéreux, mais aussi parce qu'il faudra pouvoir retracer l'origine des marchandises.
Le président: Pour gagner du temps, nous allons tous poser nos questions et M. Somavia pourra y répondre à la fin. Vous êtes d'accord?
Des voix: D'accord.
Le président: Monsieur Valeri.
M. Tony Valeri (Stoney Creek, Lib.): Merci, monsieur le président.
Merci de votre témoignage. Il nous a permis de mieux comprendre ce que fait l'OIT.
Ce qui m'intéresse, dans votre énoncé de mission, c'est l'aspect de la création d'entreprises. Vous avez parlé de plusieurs choses. J'aimerais en savoir davantage au sujet des 24 millions d'emplois dont vous avez dit qu'ils ne seront pas créés à cause du ralentissement économique. J'aimerais comprendre un peu mieux comment ce modèle a été élaboré.
En outre, je dois dire que j'ai souri quand vous nous avez signalé la contradiction qui existe à l'heure actuelle, le fait que les États-Unis mettent en place un train de mesures pour stimuler l'économie, alors que les institutions internationales disent aux pays en développement ce qu'ils doivent faire et essaient de mettre en place des politiques réductionnistes. Cela m'a frappé car je ne suis pas un partisan de la politique keynésienne. En vous écoutant, je me suis dit que vous aviez tout à fait raison.
Mon autre question porte sur les encouragements à l'investissement, en ce qui a trait à la création et à l'expansion des entreprises. J'aimerais que vous m'en disiez davantage à ce sujet.
Pourriez-vous également nous dire ce que vous pensez d'une initiative canadienne, le G-20, qui a pour tâche d'examiner le secteur financier des pays? Le G-20 va plus loin puisque les pays en développement peuvent en faire partie. On veut s'assurer qu'ils participent aux discussions afin d'éviter que la crise en Asie empire. Pourriez-vous nous dire ce que vous pensez de ce modèle et si vous croyez qu'il faudrait étendre l'application de ce modèle du G-20?
[Français]
Le président: Monsieur Paquette, vous avez la parole.
M. Pierre Paquette (Joliette, BQ): Merci, monsieur le président.
Je vous remercie de votre présence et de votre présentation.
J'aimerais connaître votre opinion et savoir où en sont les travaux de l'Organisation internationale du travail. Depuis plusieurs années, la Confédération internationale des syndicats libres, entre autres, fait la promotion de l'idée d'inclure des clauses à caractère social dans les ententes commerciales, par exemple dans le domaine du travail. On rendrait ainsi la possibilité de bénéficier des avantages économiques d'un accord conditionnelle au respect de droits fondamentaux déterminés à partir des conventions de base de l'Organisation internationale du travail. Ces clauses pourraient traiter, par exemple, de l'interdiction du travail des enfants et du travail forcé, de la liberté d'association, de l'interdiction des différentes formes de discrimination.
• 1605
On a aussi fait la promotion de l'idée
de mettre en place un
mécanisme qui permettrait à l'OMC et à l'Organisation
internationale du travail d'avoir des rapports
permettant d'appliquer cette idée de rendre
conditionnels au respect des
droits fondamentaux les avantages commerciaux prévus.
Chez nous se tient aussi un débat sur la Zone de libre-échange des Amériques, débat qui va dans le même sens. Je voudrais savoir si, à l'OIT, vous avez travaillé sur ces dossiers et où en sont les travaux.
Le président: Merci, monsieur Paquette.
Monsieur O'Brien, c'est à vous.
[Traduction]
M. Pat O'Brien (London—Fanshawe, Lib): Merci, monsieur le président.
Ma question est peut-être semblable à celle de mon collègue, mais je vais la poser néanmoins pour être certain de bien comprendre. J'aimerais savoir si l'OIT appuie l'idée d'inclure les normes du travail dans les accords commerciaux. Le Canada—c'est-à-dire notre gouvernement—ne croit pas que ce soit la bonne solution.
Certains partis de l'opposition donnent l'exemple de l'Union européenne et disent que l'Union européenne est fantastique. Mais ils omettent de mentionner que les ministres de l'Union européenne s'opposent également à l'inclusion des normes du travail dans les accords commerciaux. J'ai participé à une conférence sur le commerce dans les pays moins développés qui était présidée par la secrétaire d'État du Royaume-Uni, Clare Short. Elle s'opposait férocement à cette mesure, disant qu'elle était stupide et qu'elle nous ramènerait à l'époque du protectionnisme.
Il existe donc dans notre Parlement des divergences d'opinions. Je me demande quelle est l'opinion de l'OIT à ce sujet.
Merci, monsieur le président.
[Français]
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Martin.
[Traduction]
M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Merci, monsieur le président.
Merci d'avoir pris le temps de nous rencontrer, monsieur le directeur général. C'est pour nous un grand honneur de vous accueillir. Votre réputation vous précède et nous savons que vous avez consacré votre vie à l'amélioration des normes salariales et des conditions de travail de ceux que vous représentez. Il ne saurait y avoir à mon avis de tâche plus noble.
J'ai eu le privilège de visiter l'OIT à deux reprises. Pour un syndicaliste, visiter l'OIT c'est un peu comme visiter le Vatican pour un catholique. Je suis très honoré d'avoir eu l'occasion de le faire.
Ma question porte sur les divers accords commerciaux. Si nous voulons mondialiser les investissements, n'est-il pas également possible de mondialiser les droits de la personne, les normes du travail, les droits environnementaux, etc.? Nos accords commerciaux pourraient-ils être les instruments de cette évolution? Je crois que cette question a déjà été posée.
Si vous en avez l'occasion, pourriez-vous informer les membres du comité sur la situation incroyable dont on a parlé hier soir au forum auquel nous avons participé sur la situation en Colombie, un pays où de 6 à 10 syndicalistes et militants sociaux sont assassinés chaque semaine—une véritable épidémie de meurtres des militants sociaux, de gens qui partagent la vision que vous nous avez expliquée. Si vous avez le temps de commenter cette situation, cela nous serait profitable.
Merci.
Le président: Merci, monsieur Martin.
J'ai également une question à poser, si vous voulez bien avoir la gentillesse d'y répondre. Il s'agit de la question de l'âge. Dans les pays industrialisés, on nous parle souvent du travail des enfants dans le tiers monde et dans les pays en développement. Je sais d'expérience que dans bon nombre de ces pays, il est essentiel pour un père que ses enfants travaillent pour faire vivre la famille, ou qu'ils travaillent avec lui sur la ferme. J'aimerais beaucoup savoir ce que vous en pensez, ainsi que de cette notion de normes internationales du travail en ce qui a trait aux conditions de travail. Quels seraient à votre avis les effets des pressions exercées par un grand nombre de grands pays industrialisés occidentaux pour que les pays en développement adoptent des normes identiques ou semblables à celles d'autres pays industrialisés, par exemple ceux du G-7.
M. Juan Somavia: Permettez-moi de commencer par la première question.
• 1610
Permettez-moi de généraliser la portée de votre question, car
elle n'est qu'une dimension d'un problème plus vaste. Pour les pays
en développement, l'accès aux marchés sera l'un des principaux
enjeux. L'équité des règles du jeu sera l'un des principaux
facteurs qui décideront si nous pouvons avoir une gouvernance
mondiale qui est perçue comme légitime ou si elle sera perçue comme
le produit des politiques de puissances—parlons-en en termes
politiques—s'il s'agit d'un régime qui protège ou aide certains
intérêts, ou s'il est ouvert de façon à ce que les différents
secteurs de la société et les différentes régions puissent s'en
prévaloir.
La question, c'est l'équité des règles du jeu et l'équité des règles commerciales. L'un des facteurs qui influent sur l'équité, c'est que même si on élimine les tarifs douaniers, on peut inventer unilatéralement toute une gamme d'obstacles non tarifaires. Vous pouvez établir des normes—des normes techniques et scientifiques—et les intégrer au droit national. Votre question peut être posée à chaque fois que quelqu'un décide d'imposer un obstacle non tarifaire qui peut se fonder sur des motifs techniques, médicaux ou autres parfaitement légitimes ou encore n'avoir aucun motif de ce genre et devenir une cause de protectionnisme. L'essentiel est là. L'obstacle peut être réel dans l'exemple que vous mentionnez. Il y en a bien d'autres exemples.
Ma réponse à cela, c'est que si nous examinons les questions commerciales, assurons-nous que les règles soient équitables pour tous. Cela veut dire qu'il faut écouter les préoccupations des pays en développement en ce qui a trait à leurs difficultés de pénétrer certains marchés des pays industrialisés, mais aussi certains marchés entre pays en développement, car il commence à y avoir de nombreuses différences entre eux.
Dans le modèle de l'OIT, la création d'entreprises est un élément clé puisqu'il place la création d'emplois au coeur de notre approche et que si on veut créer aujourd'hui des emplois, il faut passer par les entreprises. Par conséquent, il faut que soient en place les conditions qui favorisent la création d'entreprises.
Nous adoptons pour cela une optique très large—des grandes industries très technicisées jusqu'aux travailleurs autonomes en passant par les petites industries technicisées qui existent maintenant dans l'économie. Il faut voir ce qu'on peut faire pour ceux qui travaillent dans l'économie parallèle et qui, d'après moi, disparaissent des statistiques. Sauf pour les statistiques démographiques, ils se trouvent dans une zone grise dont nous ignorons le contenu. Dans certaines sociétés, cette zone grise peut représenter jusqu'à 90 p. 100 des travailleurs. Comment peut-on les atteindre?
À l'OIT, nous nous concentrons surtout sur les entreprises susceptibles de créer le plus d'emplois au monde, c'est-à-dire les petites entreprises. Nous préconisons la création de petites entreprises ou d'emplois autonomes, lorsque c'est possible. Dans le monde d'aujourd'hui, il est souvent beaucoup plus compliqué de créer une petite entreprise qu'une grande, car les grandes entreprises ont des structures, des avocats et tout un tas d'éléments qui décentralisent le processus. Dans le cas d'une petite entreprise, c'est généralement le petit entrepreneur qui doit faire tout le travail. Il existe donc une discrimination systémique contre les petites entreprises car elles ne peuvent pas compter sur l'infrastructure qui permet la création d'entreprises. C'est là qu'il faut réfléchir aux moyens, aux services et aux systèmes qui peuvent éliminer ces éléments discriminatoires qui s'appliquent simplement parce que l'entreprise est petite ou parce qu'elle débute et qu'elle n'a pas encore un dossier de crédit.
Soyons clairs quand il s'agit d'éliminer les discriminations contre d'éventuels entrepreneurs. L'endettement est énorme aujourd'hui. Celui qui a une bonne idée et veut créer une entreprise, n'est pas forcément capable de le faire en l'absence de mécanismes de soutien.
Le chiffre que je vous ai donné représente les projections de croissance effectuées par le Fonds et les banques privées—essentiellement la Banque de Bâle—les perspectives brutes pour l'an prochain. Nous avons commencé à tenir compte du ralentissement de la croissance, qui sera sans doute beaucoup plus important que ce que nous avions prévu, et nous l'avons appliqué à un coefficient plus ou moins accepté du nombre d'emplois créés par la croissance et de la diminution du nombre d'emplois attribuable au ralentissement. Le résultat est de 24 millions et c'est la formule que nous avons employée.
• 1615
Nous n'approfondissons pas davantage les secteurs. Par
exemple, les employeurs et les travailleurs du secteur de
l'alimentation et de la restauration vont se réunir dans quelques
jours à Genève pour discuter des conséquences pour le tourisme, la
restauration et l'alimentation. Ils ont décidé que l'OIT est le
lieu qui convient à la réflexion et à des discussions concernant
les moyens à prendre. C'est un problème commun.
Pour ce qui est des incitatifs qui conviennent au capital, je pense que les institutions sont importantes. Le capital a besoin de perspectives de stabilité pour l'avenir. Si vous créez des marchés du travail et des institutions qui stabilisent le marché du travail, donc les travailleurs, cela profite également aux entreprises. Des politiques actives de marchés du travail sont de bons instruments qui favorisent l'investissement.
Le dialogue social, d'après mon expérience, est sans doute l'un des facteurs les plus productifs que l'on puisse incorporer à une entreprise. La capacité de réfléchir ensemble à l'avenir de l'entreprise et à ses problèmes est la clé de son succès. Rares sont les entreprises qui ne sont pas fondées sur d'excellentes relations industrielles et un excellent dialogue interne. Une entité rigide et complexe ne dure pas longtemps si dès que cela se détraque... les compagnies qui ont réussi sont celles qui ont pu le faire.
C'est une question très vaste. Quels sont les encouragements qui conviennent? Je vais vous en donner un qui touche l'OIT. Il est certain que le dialogue est un des éléments qui contribuent au succès des investissements et des entreprises.
Enfin, en ce qui concerne le G-20, le Canada joue un rôle très important puisque c'est lui qui a lancé cette idée. Je pense que le ministre Martin élabore une ligne de pensée à l'échelle internationale qui pourrait aplanir les difficultés qui découlent du mécontentement face à la mondialisation et celles que fera naître le ralentissement de l'économie. Cela dépend évidemment de la façon dont les ministres des finances réagissent à ce repli. Du point de vue politique, quelles sont les orientations et les mesures qui seront prises pour y faire face?
Je suis convaincu—et permettez-moi une digression—que la voix du Canada sera déterminante dans les moments difficiles qui nous attendent. Dans votre histoire ou votre façon d'aborder les affaires internationales, vous avez manifesté cette capacité extraordinaire de faire des propositions qui ne sont pas directement reliées aux intérêts du Canada. Bien sûr, vous en tenez compte, mais vous ne négligez pas l'architecture du système, en particulier dans les propositions que vous faites pour améliorer le fonctionnement du système multilatéral.
Je ne pense pas seulement au gouvernement dans le contexte multilatéral. J'ai moi-même occupé diverses fonctions. Quand j'étais militant politique, je l'ai vu dans la façon dont les partis politiques canadiens traitent les questions internationales. À l'ONU, je l'ai vu dans les initiatives contre la dictature militaire chilienne. La solidarité du Canada dans ces situations était extraordinaire. J'ai été à la tête d'un institut de recherche; un de mes contacts était un Canadien et j'ai discuté avec lui des nouvelles idées à promouvoir. J'ai été dans la société civile. J'ai été aux côtés de la société civile du Canada dans les rues.
Vous avez cette capacité extraordinaire et je vous invite à en faire usage car on aura beaucoup besoin de votre façon de voir en cette période de crise où chacun défend ses propres intérêts. Ne négligeons pas les questions mondiales.
• 1620
Vu les problèmes qui nous attendent, la solution ne sera pas
la somme des réactions nationales. Vu l'importance de la dimension
financière dans le monde d'aujourd'hui, ce serait essentiel. Je
pense que le Canada joue un rôle très important grâce au ministre
Martin.
Pour ce qui est de la clause sociale, voici quelle est la position de l'OIT. La plupart des pays industrialisés et des travailleurs à l'OIT estiment qu'il faut établir un lien et la plupart voire la totalité des pays industrialisés et une bonne partie des employeurs disent qu'il ne devrait pas y en avoir. Si vous me demandez s'il y a une opposition de l'OIT à cette idée, je dirai que non. On retrouve à l'OIT le même débat qui a cours ici.
Nous avons décidé de prendre acte du débat. Il ne faut surtout pas que l'OIT soit frappée de paralysie parce que le débat n'a pas abouti. Nous allons nous employer à renforcer la capacité de l'OIT de promouvoir, de protéger et d'améliorer les droits des travailleurs. C'est notre tâche et c'est ce que nous faisons. Je n'ai pas le temps aujourd'hui de vous donner des exemples, mais le fait est qu'au cours des deux ou trois dernières années, nous avons connu d'énormes progrès, notamment au moyen de la déclaration de l'OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail.
Voici comment à mon avis nous pouvons faire progresser ce dossier. Les normes de travail fondamentales ont été définies pour la première fois en 1995 au Sommet mondial pour le développement social à Copenhague. Jusqu'à ce jour, l'OIT faisait la promotion des conventions qu'elle avait créées. À Copenhague, 120 chefs d'État ont déclaré vouloir faire des progrès en matière de réduction de la pauvreté, d'inclusion sociale et de qualité de l'emploi. Ils ont décidé que les travailleurs avaient droit à des minimas sociaux. À cette occasion, sept conventions de l'OIT—aujourd'hui huit avec la nouvelle convention sur les travailleurs, le travail des enfants—ont été approuvées. On les a retirées du système de l'OIT et on a déclaré qu'elles constituaient les principes et les droits fondamentaux du travail que nous allons tous défendre. Pays industrialisés et en développement ont accepté l'idée à l'unanimité. L'OIT en a fait la déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail, qui comporte un certain nombre de mécanismes destinés à en favoriser l'application.
Il n'y a pas qu'à l'OIT que revient la responsabilité de défendre les droits des travailleurs dans le monde. Comme la décision a été prise à un sommet mondial, nous pensons que c'est au système multilatéral dans son ensemble—le fonds, la banque, l'OMC, tout le système—d'en débattre et de promouvoir les droits des travailleurs. Nous avons des discussions avec le fonds et nous lui rappelons d'être prudent dans ses politiques financières car il risque de fragiliser les droits des travailleurs. Il y a certaines choses que le fonds peut faire et d'autres que la banque peut faire.
Nous disons essentiellement que chaque institution doit en débattre, et l'OMC doit en débattre dès maintenant. Pour ce qui est de savoir si les discussions aboutiront à un accord, c'est une autre question, mais nous estimons que le système international dans son ensemble... Il ne s'agit pas simplement des politiques commerciales, car les politiques financières sont aussi très importantes, tout comme les politiques de développement que la banque met de l'avant et certaines des autres politiques découlant du système multilatéral.
Il est essentiel à notre avis que nous reconnaissions tous qu'il a été décidé d'adopter certaines normes fondamentales du travail, et ce, à l'échelle de la planète. La question est de savoir si nous nous entendons tous pour reconnaître l'existence de ces normes et que nous soyons essentiellement d'accord sur les instruments qui permettront d'en faire la promotion. Certains instruments ne recueillent peut-être pas l'appui de tout le monde, et il n'y a toujours pas d'entente sur le commerce, bien entendu, mais cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas continuer à faire la promotion de ces droits. Au contraire, nous devrions en faire la promotion en faisant appel à bien d'autres instruments que nous avons déjà, notamment aux instruments financiers.
Une voix: [Note de la rédaction: Inaudible]
M. Juan Somavia: Tout à fait. Ainsi, le Canada fait preuve de beaucoup d'imagination en cherchant à faire adopter des accords parallèles qui ont un caractère promotionnel. Il y a diverses façons dont l'énergie avec laquelle on a poursuivi les efforts au chapitre des normes du travail et sur le commerce peut être canalisée vers la prise de mesures concrètes.
Ce qui nous intéresse à l'OIT, c'est bien sûr l'action concrète, et si les discussions aboutissent à des mesures concrètes, nous serons très heureux de nous charger de les appliquer. En attendant, il faut appliquer les instruments que nous avons. Voilà essentiellement...
• 1625
Si demain il y a un accord, nous allons faire tout ce qu'il
faut à l'OIT pour en assurer la mise en oeuvre. Pour l'instant,
nous travaillons avec ce que nous avons déjà.
Le travail des enfants est une question complexe parce qu'elle est liée au développement. Nous voulons que les parents soient au travail et les enfants à l'école. La complexité de la question tient au fait que le développement peut trop facilement être invoqué comme argument pour justifier l'inaction. Il faut être prudent, il faut reconnaître la réalité telle qu'elle existe, mais il faut aussi donner l'élan politique nécessaire pour faire bouger les choses.
Nous avons essentiellement pris position en disant que le travail des enfants est absolument répréhensible sur le plan moral, et je parle ici des pires types de travail enfantin. Les impératifs du développement ne peuvent être invoqués pour le justifier. Ce principe a aussi été consacré dans la convention sur les pires types de main d'oeuvre enfantine, qui a été approuvée à l'unanimité à l'OIT et qui a déjà été ratifiée par une centaine de pays en l'espace de deux ans à peine, ce qui est considérable. Nous poursuivons nos efforts relativement aux autres types de main d'oeuvre enfantine pour lesquels il faut toutefois tenir compte du développement.
Enfin, comme on a aussi posé une question sur les normes internationales du travail ici, permettez-moi de faire l'observation suivante.
Notre action doit notamment viser à accroître la capacité des gens de s'organiser à l'échelle locale et de défendre leurs intérêts à l'échelle locale. Quand je dis qu'il faut se concentrer sur des mesures concrètes, c'est que la communauté internationale doit apporter le soutien voulu à ceux qui souhaitent défendre la cause de leurs travailleurs par l'entremise d'organisations créées à cette fin.
Nous savons qu'il n'y a pas de remèdes miracles, que nous n'avons pas de baguette magique pour assurer le respect des droits des travailleurs dans le monde. Ceux qui travaillent à la réalisation de cet objectif savent que la lutte sociale est une composante nécessaire des efforts à ce chapitre. Les lois que vous avez ici au Canada sont le fruit des luttes et des efforts passés. Il faut appuyer les efforts en ce sens à l'échelle internationale, et vous pouvez le faire par l'entremise de votre politique de développement des entreprises. Vous pouvez décider de faire la promotion des droits des travailleurs dans le cadre de vos politiques de développement des entreprises.
La situation en Colombie est tragique, les diverses formes de conflit civil en faisant un pays en guerre contre lui-même. Nos efforts à l'OIT visent précisément à renforcer la capacité des travailleurs de s'organiser, nous cherchons à travailler avec eux et à les aider. Malheureusement, nous ne disposons pas d'instruments qui nous permettraient d'empêcher la population de s'entre-tuer dans ces conflits civils, mais nous sommes très présents sur le terrain travaillant avec les travailleurs, avec les syndicats de même qu'avec les employeurs et les gouvernements afin d'en arriver à une action concertée sur beaucoup de ces questions. Je suis toutefois entièrement d'accord avec vous pour dire que la situation des travailleurs en Amérique latine est une plaie ouverte.
Le président: Monsieur Somavia, au nom de mes collègues ainsi que de la Chambre des communes, nous vous remercions beaucoup pour votre exposé, pour vos observations très franches, pour votre perspicacité et votre vision. Nous n'avons aucun doute que l'OIT est entre bonnes mains à cause justement du leadership dont votre équipe et vous-même faites preuve. Nous vous souhaitons un agréable séjour au Canada, et nous espérons que les rencontres que vous aurez avec vos collègues dans les jours à venir seront fructueuses. Bonne chance.
Comme vous avez pu le constater, presque tous les membres du comité avaient des questions à vous poser. À les voir hocher de la tête, j'ai compris qu'ils étaient tous extrêmement satisfaits des réponses que vous nous avez données. Je vous remercie sincèrement encore une fois.
Nous allons suspendre nos travaux pendant une minute exactement. Quand nous reprendrons, nous passerons aux autres points à l'ordre du jour.
Le président: Chers collègues, nous reprenons nos travaux. Nous avons un ordre du jour très chargé, si bien que nous allons entamer l'étude du projet de loi C-32, en conformité de l'ordre de renvoi de la Chambre en date du 2 octobre 2001, voulant que le projet de loi C-32, Loi portant mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange entre le gouvernement du Canada et le gouvernement de la République du Costa Rica, soit maintenant lu pour la deuxième fois et renvoyé au Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international.
[Français]
Conformément à l'ordre de renvoi reçu le mardi 2 octobre 2001, le Sous-comité du commerce, des différends commerciaux et des investissements internationaux du Comité permanent des Affaires étrangères et du Commerce international procède à l'étude du projet de loi C-32, Loi portant mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange entre le gouvernement du Canada et le gouvernement de la République du Costa Rica.
[Traduction]
Nous avons sans doute entre une heure et une heure et dix minutes. Nous espérons pouvoir entendre tous les témoins. Les membres du comité ont reçu le texte du projet de loi de même que les notes d'information préparés par le personnel. Vous avez sans doute tous reçu le résumé qui a été rédigé par les attachés de recherche de la division économique de la Bibliothèque du Parlement. M. Berg et M. MacPherson nous ont par ailleurs fourni beaucoup d'autres informations connexes.
J'ai pensé que nous pourrions d'abord commencer par entendre les hauts fonctionnaires, après quoi nous entendrons les témoins. J'ai fait tout mon possible pour que nous entendions tous les témoins qui ont des inquiétudes, qu'elles soient directement liées au projet de loi ou non, car j'estimais qu'il était important d'entendre leurs points de vue. Nous nous sommes donc limités aux témoins qui avaient des préoccupations.
Beaucoup des témoins que nous aurions pu entendre sont très favorables au projet de loi, mais nous avons pensé qu'il n'était pas nécessaire de tenir beaucoup d'audiences, et ce, pour diverses raisons, notamment parce que le projet de loi doit être proclamé au plus tard à la fin novembre. Il doit entrer en vigueur au 1er janvier 2002, si bien qu'il doit retourner à la Chambre des communes pour y être adopté et être envoyé ensuite au Sénat où il doit aussi être adopté, tout cela en l'espace d'environ quatre semaines. C'est pourquoi nous avons décidé de siéger plus longtemps aujourd'hui pour pouvoir entendre nos témoins.
On nous apportera à dîner un peu plus tard, semble-t-il, et nous pourrons prendre une pause de 10 ou 15 minutes environ pour aller voter, après quoi nous poursuivrons.
• 1635
Il y a une dernière petite chose que je veux ajouter, en ce
qui concerne la façon dont nous allons procéder. Je suis prêt à
entendre vos suggestions, mais j'avais pensé que nous pourrions
garder pour la fin les articles au sujet desquels les membres du
comité ont des réserves et adopter les autres en bloc, au lieu de
nous attarder à chaque article et de les passer en revue un par un.
N'oubliez pas par ailleurs qu'étant donné la nature de l'accord, nous n'avons vraiment pas la possibilité, ni au comité, ni au Parlement, d'apporter quelque amendement que ce soit; nous pouvons simplement approuver ou rejeter la mesure proposée. Cela ne veut pas dire que le comité ou la Chambre ne pourra pas formuler des suggestions ou des observations qui pourraient être incorporées en parallèle dans le rapport du comité et qui pourraient servir à guider nos témoins ou le gouvernement.
Cela dit, je vais aussitôt donner la parole à nos témoins.
Vous voulez faire un rappel au Règlement, monsieur Duncan?
M. John Duncan: Oui, je vais faire un rappel au Règlement.
J'ai déposé des propositions qui ne visent qu'à modifier légèrement le préambule et qui, à mon avis, n'influent pas sur la teneur du projet de loi. Dans la mesure où vous reconnaissez dans vos remarques préliminaires que j'ai déposé ces propositions qui devraient, à mon avis, être recevables puisqu'il ne s'agit pas de tout chambarder...
Le président: Nous en déciderons quand nous serons rendus là.
Monsieur Speller.
M. Bob Speller (Haldimand—Norfolk—Brant, Lib.): Je voudrais avoir une décision à ce sujet avant que nous nous prononcions. Je croyais que nous étions saisis d'un traité international que nous pouvions ou bien approuver ou bien rejeter. S'il s'agit donc du texte du traité, je ne pense pas que nous puissions... Cela ne fait pas partie du texte?
M. John Duncan: Il ne s'agit pas du texte du traité, mais uniquement du préambule. Le préambule dispose que l'accord vise à poursuivre les discussions sur la zone de libre-échange des Amériques, et il s'agit simplement d'une modification relative, non pas à l'accord avec le Costa Rica, mais aux pourparlers qui vont suivre.
M. Bob Speller: Monsieur le président, il me semble que les témoins qui sont devant nous auront sans doute bien des observations qui nous seront utiles pour la prochaine série de négociations relatives à la zone de libre-échange des Amériques, car leurs préoccupations rejoignent sans doute celles d'autres pays. Nous voudrons certainement les faire revenir devant nous le moment venu.
Le président: Je crois que nous sommes tous d'accord avec ce que vient de nous dire M. Speller. Très bien.
Monsieur O'Brien, rapidement, puis M. Valeri, rapidement, pour faire un rappel au Règlement en ce qui concerne le processus.
M. Pat O'Brien: Comme les hauts fonctionnaires sont là, il me semble qu'il serait utile aux membres du comité qu'ils puissent examiner les modifications que M. Duncan voudrait apporter au préambule. Je suis ici depuis assez longtemps pour savoir que l'on ne s'entend pas toujours sur l'importance de ce qui se trouve dans le préambule d'une loi. Nous devrions faire appel à eux pour qu'ils examinent la proposition.
M. John Duncan: Je n'y vois pas d'inconvénient. Je trouve même que c'est une excellente idée.
Le président: Merci, monsieur O'Brien.
Avant que nous ne poursuivions, je voudrais déposer auprès du comité la lettre que nous avons reçue de l'Association canadienne des fabricants de confiserie. Dans sa lettre, l'association nous dit qu'elle appuie le projet de loi, bien entendu, et qu'elle évalue à plus de 2 milliards de dollars les ventes annuelles de produits de confiserie à base de sucre. Je vais donc déposer la lettre qui sera incorporée au rapport. Merci beaucoup.
Nous accueillons des témoins du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. M. Claude Carrière est directeur général, Direction générale de la politique commerciale I, et négociateur en chef, zone de libre-échange des Amériques. Nous accueillons également Mme Suzanne Vinet, directrice générale intérimaire, Direction des politiques de commerce international, Agriculture et Agroalimentaire Canada. Nous avons aussi parmi nous, pour représenter les ministres, M. Pat O'Brien, qui est secrétaire parlementaire du ministre du Commerce international.
• 1640
Monsieur Carrière, vous avez la parole.
M. Claude Carrière (directeur général, Direction générale de la politique commerciale I, négociateur en chef, zone de libre-échange des Amériques, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité.
Je voudrais tout d'abord vous parler brièvement de l'accord puis répondre aux questions que vous voudrez me poser. Mme Vinet, qui n'est plus intérimaire, mais bien directrice générale en titre des politiques de commerce international—et une excellente comédienne—pourra compléter en vous parlant de la composante agricole de l'accord.
[Français]
J'aimerais parler du contexte dans lequel s'inscrit l'accord. Il s'agit d'un accord de première génération qui traite surtout de commerce de biens et de produits, ce que l'on appelle un accord de première génération modèle. C'est également un accord qui va réglementer une relation bilatérale assez petite.
Le commerce entre le Canada et le Costa Rica représente annuellement environ 270 millions de dollars, la balance étant en faveur du Costa Rica. D'autre part, le commerce bilatéral avec le Costa Rica connaît une croissance assez significative depuis cinq ans, nos exportations augmentant de 7 p. 100 par année en moyenne et les importations en provenance du Costa Rica augmentant de 5 p. 100 en moyenne.
Grâce à l'accord de libre-échange, nous pensons qu'à long terme la situation va s'améliorer. Nous entrevoyons des occasions d'affaires assez intéressantes, surtout pour les petites entreprises canadiennes, autant pour faire affaire au Costa Rica que pour se servir du Costa Rica comme tremplin pour faire affaire dans les pays avoisinants.
Nous pensons qu'un plus grand accès au marché du Costa Rica va permettre à nos exportateurs d'aller conquérir une part de marché ou d'enlever une part de marché à nos compétiteurs, surtout américains et européens.
Il faut aussi mentionner que la grande majorité des importations en provenance du Costa Rica entrent déjà en franchise de douane au Canada. Plus de 80 p. 100 de ces importations entrent déjà en franchise de douane.
[Traduction]
Il est prévu que les tarifs costaricains sur la plupart des produits industriels en provenance du Canada, notamment sur les pièces automobiles, les produits environnementaux, les maisons préfabriquées, les structures de construction et les structures métalliques, seront éliminés dès l'entrée en vigueur de l'accord. Nous réaliserons aussi des gains intéressants au chapitre des produits agroalimentaires. Je laisse à Mme Vinet le soin de vous en parler.
Je devrais également vous signaler que, quand nous avons entamé les négociations avec le Costa Rica, à sa demande, nous avons aussi commencé à négocier en parallèle un accord sur l'environnement et un accord sur le travail, et que les négociations sur l'accord de libre-échange se sont terminées en même temps que celles relatives à ces deux autres traités distincts. Les trois accords ont été signés au même moment—dans une salle non loin d'ici, soit dit en passant—le printemps dernier. Ces accords sur l'environnement et le travail contribueront selon nous à la réalisation de nos objectifs en matière de développement économique du Costa Rica et au renforcement de sa capacité de gérer ses normes en matière d'environnement et du travail.
Les négociations s'inscrivaient aussi dans un contexte plus large. Vous vous souviendrez qu'elles ont eu lieu au même moment où l'on préparait le Sommet des Amériques et qu'elles se sont conclues au moment où le Sommet a eu lieu.
L'accord a une valeur symbolique parce qu'il témoigne du fait qu'un grand pays peut négocier et conclure avec un petit pays un accord avantageux pour les deux parties, et cet accord visait à montrer aux autres petits pays de l'hémisphère qu'il est possible de conclure un accord à la satisfaction de toutes les parties.
• 1645
Enfin, l'accord atteste selon nous que le Canada est convaincu
de l'importance de l'hémisphère du point de vue, non pas seulement
du commerce et du développement économique, mais aussi des grandes
orientations sociales, puisque, comme je l'ai dit, nous avons aussi
conclu des accords sur le travail et l'environnement.
Je vais maintenant céder la parole à ma collègue de l'agriculture qui pourra vous parler de certains des enjeux agricoles. Merci.
Le président: Merci, monsieur Carrière.
Madame Vinet.
Mme Suzanne Vinet (directrice générale, Direction des politiques de commerce international, Agriculture et Agroalimentaire Canada): Merci, monsieur le président.
Pour faire suite à ce que disait M. Carrière et vous sensibiliser quelque peu à l'importance de cet accord pour l'agriculture, tout en vous expliquant le contexte général, je vous dirai que les tarifs sur plus de 90 p. 100 des produits canadiens passibles de droits de douane au Costa Rica bénéficieront dorénavant, en conséquence directe de l'accord, soit de l'élimination immédiate des tarifs applicables soit de l'élimination progressive de ces tarifs sur des périodes pouvant atteindre 14 ans.
Ainsi, les exportations agroalimentaires canadiennes deviendront rapidement plus compétitives comparativement à celles de nos concurrents, les États-Unis, et surtout des pays du MERCOSUR. En conséquence de l'accord, nous prévoyons que, dans les années à venir, les exportations agroalimentaires canadiennes au Costa Rica deviendront plus importantes et plus profitables, et le Canada a également accepté aux termes de l'accord d'éliminer ces tarifs sur la plupart des importations agroalimentaires en provenance du Costa Rica dès l'entrée en vigueur de l'accord.
Certains produits seront toutefois exemptés des dispositions de l'accord qui prévoit l'élimination des tarifs, à savoir les produits laitiers, la volaille, les oeufs et les produits du boeuf, tandis que, dans le cas du sucre raffiné, les tarifs seront progressivement éliminés sur huit ans.
Comme la majeure partie des produits agroalimentaires costaricains entrent au Canada en franchise de douane ou sont passibles de droits de douane très faibles—90 p. 100 de ces exportations entrent au Canada en franchise de douane—, les dispositions concernant ces produits sont telles que ce sont surtout les Costaricains qui devront s'y adapter. Étant donné l'écart de développement important entre nos industries agroalimentaires respectives, on a pensé qu'il faudrait tenir compte du fait que le Costa Rica est moins développé en prévoyant une formule différente pour l'élimination progressive des barrières tarifaires des deux pays. Le secteur agroalimentaire aura ainsi un certain temps pour s'adapter et accroître sa compétitivité. Nous avons pensé que cette façon de faire nous permettrait de profiter d'un accès accru au marché du Costa Rica tout en prévoyant une formule adaptée à la réalité du marché costaricain.
C'est tout ce que j'ai à dire. Merci.
Le président: Merci, madame Vinet.
Monsieur O'Brien, voulez-vous faire une brève observation, ou préféreriez-vous être à notre disposition pour répondre aux questions?
M. Pat O'Brien: Très brièvement, monsieur le président, il ne s'agit pas à notre avis d'un gros accord commercial compliqué. On a établi le précédent avec l'accord de libre-échange Canada-Chili. Des deux côtés de la Chambre, nous sommes conscients des préoccupations de l'industrie sucrière plus particulièrement, mais nous estimons en fait que ce n'est pas un facteur et que cet accord est différent. Les gens anticipent quelque chose qui ne se produira peut-être pas. Voilà donc en bref le point de vue du ministre.
Le président: Merci beaucoup, monsieur O'Brien.
Nous allons passer aux questions, si vous voulez bien. Je vous demanderais d'être le plus bref possible, car nous devrons aller voter et revenir. Plus nous pourrons avancer rapidement, mieux ce sera.
Je donne donc la parole à M. Duncan et je ferai une rotation.
M. John Duncan: Merci.
Je viens d'écouter ce que M. O'Brien, le secrétaire parlementaire, avait à dire en ce qui a trait au traité, et je suis d'accord. Les gens anticipent peut-être quelque chose qui ne se produira pas. Le document que j'ai déposé vise à apporter certains éclaircissements à ce sujet. Donc, si les témoins n'ont pas eu la chance de le voir, j'aimerais qu'ils le reçoivent. J'aimerais par ailleurs entendre ce que le conseiller législatif a à dire à ce sujet.
M. Svend Robinson (Burnaby—Douglas, NPD): Je suis désolé, mais je n'ai pas vu le document dont vous parlez.
M. John Duncan: Je suis sûr qu'on peut le distribuer.
Ce que je dis, c'est que nous proposons une modification à la loi habilitante, non pas au traité, ce qui modifierait tout simplement le préambule et l'article 4, l'objet de l'accord, sans toutefois créer de précédent selon lequel il serait nécessaire de tenir d'autres négociations dans le cadre de l'accord de libre-échange. Je pense que notre industrie sucrière canadienne a besoin de cette assurance.
Le président: Voulez-vous attendre qu'on réponde aux questions et qu'on fasse des observations? D'accord.
Monsieur Speller.
M. Bob Speller: Merci beaucoup, monsieur le président, mais c'est en fait la question que j'allais poser. Les témoins que nous entendons ici aujourd'hui semblent tous être des représentants d'un même secteur—une industrie... lorsque je lis la loi, elle parle d'un... Eh bien, vous pourriez peut-être nous expliquer, monsieur Carrière, quel seront à votre avis les incidences sur l'industrie sucrière au Canada.
Le président: Monsieur Speller, avez-vous d'autres questions?
M. Bob Speller: Non. Je vais attendre que M. Carrière réponde à la question. Je verrai ce qu'il me répond avant de...
Le président: Vous pourriez également lui demander, si la réponse est oui, quelle serait votre question.
M. Bob Speller: Je vais le laisser d'abord répondre et je vous le laisserai savoir ensuite.
Le président: Très bien, il peut peut-être répondre aux deux questions à ce moment-là.
M. Claude Carrière: Eh bien, c'est la première fois que je vois le préambule, monsieur le président. Je devrai donc réfléchir à ce que propose l'honorable député.
Je vais répondre à la question de M. Speller en expliquant peut-être tout d'abord ce que contient l'accord au sujet du sucre raffiné, question qui, je crois, intéresse bon nombre d'entre vous.
Tout d'abord, le tarif NPF sur le sucre raffiné qui entre au Canada est un taux de droit spécifique équivalant à environ 8 p. 100 sur la valeur. Le tarif du Costa Rica sur le sucre raffiné est fixé à 50 p. 100 sur la valeur. Les deux pays s'engagent à éliminer graduellement sur une période de huit ans leur tarif NPF par tranche annuelle égale. Le Canada aura donc éliminé le tarif en huit ans, et c'est la même chose pour le Costa Rica, mais cette élimination se fera de façon beaucoup plus brusque pour eux que pour nous. Au cours de ces huit ans, les deux pays ouvriront des contingents tarifaires pour les importations de sucre provenant de l'autre pays équivalant à 1,7 p. 100 de la consommation intérieure jusqu'à concurrence de 3,4 p. 100 de la consommation intérieure—de 20 000 à 40 000 tonnes métriques au Canada, de 2 000 à 4 000 au Costa Rica, proportionnellement à la taille du marché.
Par ailleurs, le Canada bénéficie d'un niveau de préférence tarifaire au Costa Rica pour le sucre raffiné canadien produit à partir de sucre de cane importé ou de sucre importé peu en importe l'origine. Le Canada pourra exporter au départ 2 000 tonnes métriques de sucre raffiné au Costa Rica en franchise de douane, exportations qui pourront augmenter jusqu'à concurrence de 4 000 tonnes métriques. Il s'agit là d'une concession sans précédent de leur part qui permettra à notre industrie, si elle le souhaite, de vendre sur le marché du Costa Rica et d'éliminer tout avantage financier implicite de sanctuaire qu'il pourrait avoir en évoluant dans un marché captif.
Enfin, monsieur le président, le Costa Rica n'a pas de raffinerie. On y produit du sucre brut qui est transformé dans une certaine mesure mais loin d'être ce qu'on peut appeler du sucre blanc. On n'y produit donc pas de sucre raffiné. On craint que les producteurs costaricains investissent un jour dans une raffinerie, et c'est possible. Nous savons tous cependant qu'une raffinerie de sucre est une entreprise coûteuse. Il faut énormément de capital et un marché très important pour faire fonctionner une telle raffinerie. Le marché canadien est peut-être important par rapport au marché costaricain, mais ce n'est pas un marché énorme à l'échelle internationale. On ne sait donc pas si les Costaricains vont effectivement construire une raffinerie et, le cas échéant, combien de temps il leur faudra.
• 1655
Nous avons tenu compte de toutes ces conditions, monsieur le
président, avant de préparer ces propositions.
M. Bob Speller: Je crois comprendre qu'en ce qui a trait aux règles d'origine, il ne serait pas possible d'exporter du sucre au Canada en passant par le Costa Rica. Il y a des mesures pour empêcher que cela ne se fasse.
M. Claude Carrière: Les règles d'origine sont précises, pour qu'un produit puisse être originaire de la région, il doit y avoir été raffiné à partir de sucre brut.
Dans notre cas, nous pourrions expédier la betterave à sucre produite en Alberta, mais les coûts de transport sont élevés dans les Rocheuses, ce qui en fait isole les Prairies du sucre importé qui arrive dans le port de Vancouver. Cependant, la raffinerie de Vancouver pourrait importer le sucre brut du Costa Rica, le raffiner et le renvoyer au Costa Rica. Ou encore, les raffineries dans l'est du Canada ou de Vancouver pourraient expédier au Costa Rica le sucre raffiné à partir de la cane importée de tout autre pays jusqu'à concurrence de la limite prévue—c'est-à-dire 4 000 tonnes métriques.
M. Bob Speller: Craignez-vous alors qu'ils puissent envoyer au Canada du sucre brut pour le faire raffiner?
M. Claude Carrière: Le sucre brut entre déjà en franchise de douane. Nous importons déjà du sucre brut du Costa Rica. Ce qui nous préoccupe, c'est le sucre raffiné, monsieur le président. Mais le Costa Rica n'en produit pas.
M. Bob Speller: Ne craint-on pas cependant de créer un précédent? On craint qu'avec la signature de cet accord, lorsque vous devrez négocier d'autres accords dans la région, on pourrait en fait utiliser cet accord comme point de départ pour dire que puisque le Costa Rica a pu obtenir ceci, pourquoi ne pourrait-on pas obtenir la même chose.
M. Claude Carrière: Lorsque nous avons négocié l'Accord de libre-échange entre le Canada et le Chili, nous nous sommes inspirés de l'ALENA. Cependant, l'Accord de libre-échange Canada-Chili n'est pas identique à l'ALENA. On retrouve dans l'Accord Canada-Chili des dispositions que l'on ne retrouve pas dans l'ALENA et vice versa.
Lorsque nous avons négocié avec le Costa Rica, nous nous sommes inspirés de l'Accord Canada-Chili. Encore une fois, il y a des dispositions dans l'Accord Canada-Chili qu'on ne retrouve pas dans l'Accord du Costa Rica. En fait, je me rappelle une disposition en particulier sur les importations de vêtements qui a été très difficile à négocier, et où nous avons fait une concession généreuse au Chili relativement aux vêtements—un niveau de préférence tarifaire par lequel nous avons accordé au Chili une équivalence de deux millions de mètres carrés. Nous avons fait cette concession parce que le Chili ne pouvait en fait produire cette quantité de vêtements pour exporter au Canada. Le Costa Rica pourrait cependant le faire. Donc, plutôt que d'accorder deux millions de tonnes au Costa Rica, nous lui en avons accordé, 1,3 million.
Nous tenons compte des structures des industries, de la capacité de produire ou de profiter des concessions dans les deux pays avant d'en arriver à une solution négociée, monsieur le président.
[Français]
Le président: Monsieur Paquette, la parole est à vous.
M. Pierre Paquette: Je veux revenir à la question du sucre, mais aussi à la question de l'accord sur les investissements qui, comme vous l'avez mentionné, est un accord de première génération.
Comme vous l'avez expliqué, l'Accord de libre-échange nord-américain s'est inspiré de l'accord qu'on avait avec les Américains, avec le Chili. Mais il y a toujours de petites différences. Il n'en demeure pas moins que dans ce cas-ci, celui de l'ouverture que l'on fait en ce qui concerne le sucre, on va être obligés de l'offrir aussi au Guatemala, au Honduras, au Nicaragua et au El Salvador. Je verrais difficilement comment on refuserait de donner aux autres pays de l'Amérique centrale les mêmes avantages qu'on a donnés au Costa Rica.
C'est vrai qu'actuellement, le Costa Rica n'a pas de capacité de raffinage. Justement, la semaine dernière, une des manchettes de l'Associated Press s'intitulait: «Costa Rica Urges Shift to Sugar». Ils ont actuellement des problèmes avec le café parce que son prix est très bas. Le président Miguel Angel Rodrigueza disait qu'ils allaient convertir leur production de café en production de sucre afin de profiter de l'accord de libre-échange avec le Canada.
• 1700
Si, pour nous, ce n'est
pas un enjeu si important dans le cas du Costa
Rica et que le Costa Rica ne fait pas de sucre raffiné,
comment est arrivée cette clause qui ouvre notre marché
au sucre raffiné du Costa Rica?
Deuxièmement, j'ai trouvé un peu habile, mais en même temps un peu grossier qu'on nous dise, dans les documents du ministère, qu'on ne fait aucune nouvelle concession concernant les investissements et les services, parce que, évidemment, l'Accord de protection de l'investissement étranger contient déjà des éléments qui sont problématiques. Vous nous aviez dit, lorsque vous étiez venu au sous-comité avec M. Pettigrew, que le chapitre 11 de l'ALENA et l'Accord de libre-échange entre le Costa Rica et le Canada étaient complètement différents.
Je retrouve des éléments dans cet accord, entre autres au plan des tribunaux d'arbitrage, qui sont inspirés du chapitre 11 de l'ALENA. Ça m'inquiète, parce que le ministre Pettigrew nous a dit que dans le cadre de la Zone de libre-échange des Amériques, il ne voulait pas voir l'équivalent du chapitre 11 pour ce qui est de la protection des investissements et du règlement des différends.
Alors, comment serons-nous capables, au bout de tous ces accords de première génération, d'arriver avec la Zone de libre-échange des Amériques et de dire que nous aurons un accord sur la protection des investissements qui sera différent de ce que nous avons au chapitre 11 de l'ALENA?
J'ai beaucoup de problèmes, non pas face au libre-échange avec le Costa Rica, mais face au fait que d'accord en accord, on nous met devant des faits accomplis et qu'on est obligés d'avaler le fait que l'Accord de protection de l'investissement étranger n'est pas remis en cause, n'est pas débattu dans ce cas-ci. Pour ce qui est du sucre aussi, il y a un sérieux problème. Je voudrais avoir vos explications.
M. Claude Carrière: Sur le sucre, j'ai lu la même dépêche que vous. Il y a un petit paragraphe à la fin qui mentionne que la croissance du café est meilleure en montagne, en altitude, tandis que la canne à sucre se produit mieux en plaine, en plein soleil. Je ne suis pas certain que le Costa Rica sera capable de transformer des zones de production de café en altitude en zones de production de sucre. La canne ne pousse pas en montagne.
Deuxièmement, le parti de M. Rodriguez est en élection. Comme il y aura des élections, il est possible... Je ne peux pas donner de motif pour cette dépêche ou pour cet encouragement de la part du président, mais étant donné qu'on ne peut pas faire pousser la canne à sucre en montagne, j'en conclus qu'il y a autre chose.
Je vais vous dire ce que j'ai dit à M. Speller. Si on négocie avec le Guatemala, le Honduras, le Salvador et le Nicaragua—et on n'a toujours pas le mandat de négocier—, on va s'inspirer, comme eux voudront s'en inspirer, de l'accord avec le Costa Rica, mais aussi de celui avec le Chili et de l'accord qu'eux ont négocié avec le Chili aussi. Donc, on aura un menu.
Deuxièmement, nous avons toujours négocié à la table avec les pays avec lesquels on négocie, pas avec d'autres. On s'inspire des conditions qui s'appliquent particulièrement à la négociation et à l'équilibre qui existe dans la négociation qu'on a. Dans ce cas-ci, ce seront les quatre pays d'Amérique centrale et non pas le Costa Rica. En ce qui concerne l'investissement, nous avons un accord moderne de protection et de promotion de l'investissement qui est entré en vigueur en septembre 1999. Je me souviens qu'on l'a mentionné avant le Sommet de Québec, je pense. L'accord fonctionne. Ni le Costa Rica ni nous n'avons eu intérêt à négocier l'accord étant donné que c'est un accord relativement neuf et que nous en avions assez sur la table de négociation avec le Costa Rica.
En ce qui concerne le chapitre 11, vous savez que le ministre a convenu avec ses collègues, en juillet, d'une clarification, d'une interprétation de certains aspects du chapitre 11, qui sont maintenant en vigueur et que, depuis ce temps-là, nous avons proposé, dans le cadre du Groupe de négociation sur l'investissement de la ZLEA, que ces mêmes éléments puissent être introduits dans le chapitre des négociations sur l'investissement.
• 1705
Donc, dans la mesure
du possible, nous allons nous inspirer des améliorations au
chapitre 11 pour informer et faire des propositions
correspondantes dans ce groupe. Donc, la cohérence va
se trouver au niveau hémisphérique.
[Traduction]
Le président: Monsieur Robinson.
M. Svend Robinson: Merci, monsieur le président. J'aimerais poser des questions sur quelques points, mais je voudrais également souligner qu'en réalité le mandat de notre comité est très limité, car il s'agit d'un projet de loi qui découle d'un traité que le Canada a signé avec le Costa Rica. Essentiellement, c'est à prendre ou à laisser. C'est ce que je crois comprendre, et c'est la situation. Je ferai donc mes observations dans ce contexte. Franchement, je ne suis pas ici pour proposer des amendements, car je crois comprendre que si l'on proposait des amendements de fond il faudrait alors retourner à la table de négociation.
Je veux qu'il soit très clair que tout compte fait, nous n'appuyons pas ce projet de loi. Je sais cependant compter et je reconnais que cette position n'aura peut-être pas la majorité.
Je voudrais poser des questions sur quelques éléments qui me préoccupent. Avant de le faire, monsieur le président, je voudrais cependant préciser une chose. Nous tenons essentiellement une audience sur le projet de loi C-32. Ce projet de loi aura des conséquences importantes, et un certain nombre de témoins ont demandé à comparaître devant le comité sur le projet de loi C-32. Le Congrès du travail du Canada est très préoccupé par certains aspects de ce projet de loi relativement à la main-d'oeuvre. Il a souligné que le Costa Rica avait certaines lois et politiques très répressives et antisyndicales et il aimerait soulever certaines préoccupations à cet égard et relativement à d'autres pays. Je suis certain qu'il y a d'autres groupes—des groupes environnementaux, l'industrie sucrière et autres—qui ont des préoccupations. Avant de poser des questions qui portent spécifiquement sur le projet de loi à l'étude, je voudrais que le comité m'assure que dans le contexte de notre examen plus général de la ZLEA que fera le sous-comité, ces gens auront pleinement l'occasion de se faire entendre sur ces questions importantes.
Le président: Je pense que je parle au nom de tous les membres du comité lorsque je vous réponds oui. Vous n'avez qu'à nous envoyer le nom de quiconque s'intéresse à la zone de libre-échange des Amériques—la liste de ceux qui sont intéressés à comparaître. Nous ferons tout notre possible pour répondre à leurs demandes.
M. Svend Robinson: Très bien, merci. Les syndicats ont certainement deux graves préoccupations en ce qui a trait au rapport entre le Canada et le Costa Rica, mais j'aborderai ces préoccupations dans ce contexte plutôt qu'ici.
En ce qui concerne le sucre, j'ai eu l'occasion de rencontrer dans ma circonscription de Burnady en Colombie-Britannique des représentants de la raffinerie Rogers Sugar—des gens qui représentent à la fois la direction de Rogers et ses 200 employés et plus. Il s'agit de l'une des plus anciennes entreprises de la Colombie-Britannique—une société très bien établie et bien respectée. Ils sont très préoccupés—non pas tant par les conséquences de ce traité en particulier, et naturellement du projet de loi qui en découle, mais de ce qui arrivera par la suite. Mon collègue, M. Speller, y a fait allusion, et je partage cette préoccupation. Si on regarde les conséquences que pourrait avoir ce même type de mesure législative relativement à des pays comme le Honduras. le Guatemala, le Nicaragua et El Salvador—les CA-4, cela pourrait avoir des conséquences très destructives pour les travailleurs de Rogers et sur l'entreprise comme telle ainsi que sur la collectivité en général, car il s'agit d'une société importante. Je sais que dans d'autres régions du pays on a des préoccupations semblables.
J'aimerais me joindre à ceux qui disent qu'on ne devrait pas le considérer comme un modèle dans le dossier du sucre dans ces autres pays. Je voudrais que les témoins m'assurent qu'effectivement c'est de cette façon qu'ils voient les choses.
Le président: Monsieur Carrière.
M. Claude Carrière: Oui, monsieur Robinson, je peux vous assurer que nous négocions avec les pays individuellement et que nous cherchons à conclure le meilleur accord pour le Canada dans les circonstances de cette relation bilatérale particulière, et que même si nous pouvons nous inspirer des accords précédents—vous avez utilisé le mot modèle—je peux vous dire que nous ne reprendrions pas nécessairement chacun des articles contenus dans l'accord.
M. Svend Robinson: Je n'ai que quelques autres questions, monsieur le président.
Ce n'est pas seulement une question de... Je ne veux pas parler de reprendre nécessairement les mêmes choses, mais je voulais tout simplement dire aux fins du compte rendu que si on concluait le même accord avec ces autres pays, cela pourrait avoir des conséquences très néfastes pour la raffinerie Rogers et d'autres également au Canada. Nous nous y opposerions fermement.
Avez-vous consulté la société civile, l'industrie sucrière, le Congrès du travail du Canada, les groupes environnementaux et les groupes qui se préoccupent des questions de développement?
Une question qui a été portée à mon attention, par exemple, est l'impact que ce genre de projet de loi aura sur les petits propriétaires terriens au Costa Rica—qui sont parmi les plus pauvres. Nous avons constaté dans d'autres régions, notamment au Mexique, que certaines personnes parmi les plus pauvres—les petits propriétaires terriens, des gens qui ont de la difficulté à survivre dans le secteur agricole—ont dû abandonner leurs terres à cause des importations à bas prix de pays comme les États-Unis et le Canada. Cela a eu un impact terrible sur la vie de ces gens. J'ai eu l'occasion de m'entretenir avec de petits propriétaires terriens du Chiapas, au Mexique, par exemple.
Nous voulons savoir comment vous répondez à ce genre de préoccupation. Avez-vous consulté les différents groupes que j'ai mentionnés avant la signature de ce traité?
M. Claude Carrière: Merci, monsieur le président.
Avant de répondre à cette question, je devrais mentionner que certaines de ces personnes pauvres au Costa Rica, au Nicaragua et au Guatemala sont employées à la coupe de la canne à sucre; il ne faut pas l'oublier.
M. Svend Robinson: Ils y sont peut-être employés, mais je suis certain qu'ils n'en tirent pas grand profit.
M. Claude Carrière: En tout cas, ils y gagnent leur vie. J'espère qu'ils pourront améliorer leur niveau de vie grâce à cet accord et à d'autres accords qu'ils ont négociés.
En ce qui concerne la consultation, nous avons beaucoup consulté avant de commencer à négocier. Le ministre a écrit à bon nombre de groupes et d'organismes—des entreprises, des ONG, des syndicats et autres—pour demander leurs points de vue. Nous avons fait une consultation plus étroite ou plus ciblée au cours des négociations. L'industrie sucrière a été consultée de très près, avant et pendant les négociations.
En ce qui concerne le syndicat et les groupes environnementaux, je ne peux répondre personnellement car je n'ai pas négocié ces accords. Le ministère de l'Environnement a négocié l'Accord sur l'environnement et le ministère du Travail a négocié l'Accord en matière de main-d'oeuvre. Je sais cependant que nous avons reçu de la correspondance des syndicats et des groupes environnementaux ou des groupes qui se préoccupent de l'environnement. Nous avons négocié avec eux et nous avons répondu à leurs préoccupations. Je pense donc que nous avons beaucoup consulté.
Je dois mentionner que les relations entre le Canada et le Costa Rica ne sont pas intenses. En fait, elles sont assez limitées. Bon nombre des gens à qui nous avons écrit n'ont jamais répondu. Nous avons donc invité le plus grand nombre possible de gens à présenter des observations, aussi longtemps que nous avons pu le faire. Ils avaient la possibilité de le faire en consultant notre site Web, mais il ne faut pas oublier qu'il s'agit d'un accord bilatéral, monsieur le président.
M. Svend Robinson: Je sais qu'il ne me reste presque plus de temps, mais M. Carrière a dit qu'il y avait eu des consultations et qu'ils avaient reçu des observations. Je pense que notre comité devrait avoir l'occasion de prendre connaissance de ces observations. Franchement, il est un peu tard au cours du processus pour le faire, mais il aurait été utile d'en prendre connaissance auparavant. Je voulais tout simplement le signaler. Je me demande cependant si, à tout le moins, nous pourrions demander à M. Carrière de fournir au comité une liste de ceux qui ont été consultés et des observations qu'ils ont présentées.
Le président: Monsieur Carrière, vous fournirez ces informations à M. Robinson.
J'espère également, à l'instar du comité, entendre les mêmes témoins ou d'autres témoins au cours de nos prochaines audiences sur l'examen de notre commerce avec les Amériques. Nous prenons donc bonne note de ce que vous avez dit. Entre-temps, il y a un document qui contient de l'information à ce sujet.
Monsieur Carrière, nous manquons de temps, mais avant de passer aux autres témoins, pouvez-vous nous dire à combien se chiffrent les échanges commerciaux entre le Canada et le Costa Rica? De quel montant parlons-nous annuellement, dans les deux sens?
M. Claude Carrière: J'aimerais déposer auprès du comité un document qui décrit les relations entre le Canada et le Costa Rica, si ce n'est que du point de vue du Costa Rica. Nous l'avons photocopié à partir d'un journal au Costa Rica. J'aimerais le distribuer aux membres du comité, si vous le voulez bien. C'est très intéressant.
• 1715
Les échanges bilatéraux entre le Canada et le Costa Rica
totalisent 270 millions de dollars par an. Je pense que c'est
environ 170 millions pour les exportations du Costa Rica au Canada
et 100 millions de dollars...
Le président: Merci beaucoup, monsieur Carrière, madame Vinet et monsieur O'Brien. Je vous invite à rester si vous le voulez pour la prochaine partie de nos audiences au cours de laquelle nous entendrons nos témoins.
Je propose au comité, avec votre permission, qu'étant donné la nature du débat et que tous les témoins que nous entendrons seront des représentants de l'industrie sucrière, nous entendions d'abord tous les exposés avant de passer aux questions. Nous pourrons choisir de poser nos questions à l'un ou l'autre témoin de façon à ne pas répéter la même question chaque fois que nous avons un témoin. Est-ce que cela convient à tout le monde?
J'invite donc au micro M. Bruce Webster, de la Canadian Sugar Beet Producers' Association Inc.; Sandra Marsden, présidente de l'Institut canadien du sucre; M. Dan Lafrance, vice-président de Lantic Sugar Inc., qui est accompagné de Yvon Thibeault et de Normand Carle; la Confédération des syndicats nationaux, M. Vincent Dagenais; et M. Steven Schrybman.
Il n'est pas nécessaire d'être tous assis à la table en même temps. Lorsque M. Webster aura fait son exposé, il pourra se déplacer et nous entendrons Mme Marsden.
Monsieur Webster, plus vous serez bref, mieux ce sera, car nous pourrons passer aux questions. Si vous avez un document écrit, il sera considéré comme ayant été versé au compte-rendu.
M. Bruce Webster (directeur général, Canadian Sugar Beet Producers' Association Inc.): La Canadian Sugar Beet Producers' Association se compose à ce moment-ci de membres actifs qui sont des producteurs de betteraves à sucre provenant uniquement du sud de l'Alberta. Nous sommes très intéressés par la question du commerce du sucre et par la question à l'ordre du jour ce soir, c'est-à-dire l'Accord de libre-échange entre le Canada et le Costa Rica. Nous appuyons la libéralisation totale du commerce mondial du sucre et nous nous sommes joints à l'alliance mondiale pour la réforme et la libéralisation du commerce du sucre.
Le principal message que nous aimerions vous transmettre ce soir, c'est qu'à notre avis la réforme du commerce du sucre devrait se faire au niveau multilatéral par l'intermédiaire de l'Organisation mondiale du commerce. Ayant examiné les dispositions contenues dans l'accord entre le Canada et le Costa Rica, nous constatons qu'il y a des dispositions prévoyant la mise en oeuvre de différents volumes de commerce du sucre et aussi de réductions de tarifs.
Nous sommes d'avis que ces questions sont peut-être hypothétiques, tant du point de vue du Costa Rica que du Canada, car le Costa Rica n'a pas de raffinerie de sucre blanc à ce moment- ci, et nous n'avons pas de clients là-bas. Nous ne savons pas s'il y a une possibilité de trouver un créneau, mais nous sommes d'avis que la reproduction de ces dispositions et d'autres accords bilatéraux ou régionaux serait très préjudiciable à l'industrie canadienne de la betterave à sucre.
L'industrie de la betterave à sucre dans les Prairies canadiennes, particulièrement dans le sud de l'Alberta, est une industrie logique. S'il y avait libéralisation des échanges commerciaux dans le monde pour le sucre, nous sommes tout à fait convaincus que nous pourrions survivre et faire concurrence aux Américains, aux Européens, aux Australiens et à tous les autres.
La preuve, c'est que nous sommes là depuis 1924 et malgré la concurrence du sucre brut d'Australie et d'ailleurs, basée sur le cours mondial du sucre, nous avons survécu. Nous sommes donc d'avis qu'avec des accords commerciaux raisonnables, nous pouvons survivre dans un monde de libre-échange.
• 1720
Encore une fois, ce qui nous inquiète, c'est la possibilité
que les dispositions contenues dans l'accord entre le Canada et le
Costa Rica puissent se retrouver dans d'autres accords.
Le libre-échange n'a pas été bon pour l'industrie canadienne de la betterave à sucre, si on regarde ce qui s'est passé depuis le début des années 90 jusqu'à présent. Au début des années 90, nous étions en mesure d'exporter environ 55 000 tonnes de sucre de betterave raffiné, surtout aux États-Unis. Notre capacité actuelle se situe à moins de 15 000 tonnes. Donc pour nous, le libre-échange a eu un effet pervers jusqu'à présent.
Nos ventes diminuent en raison des divers contingents tarifaires qui sont en place, et soit notre accès aux marchés est limité, soit nous en sommes exclus, après quoi nous devons nous battre pour récupérer une petite part du marché. Par conséquent, nous nous réjouissons de voir que nous obtiendrons quelque chose en vertu de cet accord, mais à notre avis, le ratio de six pour un ne représente pas un bon contingent tarifaire à adopter par le Canada à l'avenir.
Le gouvernement albertain a communiqué avec le gouvernement du Canada, et il appuie notre position. Il y a de nombreux consommateurs de sucre industriel en Alberta, et le gouvernement de la province, en gros, a déclaré que notre industrie ne pourra pas—pas plus que le secteur primaire ou le secteur agroalimentaire ou celui de la transformation—connaître d'expansion si nous sommes continuellement assujettis à ce genre d'accord néfaste. La Fédération canadienne de l'agriculture a signalé au gouvernement qu'elle appuyait notre position, ainsi que la Wild Rose Agriculture Producers.
Nos députés et sénateurs de l'Alberta ont collaboré étroitement avec nous, ce dont nous les remercions. En outre, le groupe de travail du premier ministre sur l'Ouest canadien, lorsqu'il nous a rencontrés à Lethbridge, a dit qu'il comprenait qu'on ne pouvait plus faire de compromis aux dépens de l'industrie de la betterave à sucre. Nous remercions donc tous les intervenants de cet appui.
Nous comprenons que les accords commerciaux reposent sur des concessions mutuelles. Nous tenons simplement à vous signaler que nous avons déjà donné et que nous estimons que le moment est venu pour nous de recevoir en échange.
Nous prenons actuellement diverses mesures pour améliorer nos relations avec le reste de l'Amérique centrale, par le biais du gouvernement albertain et des administrateurs de l'Université de Lethbridge. Nous essayons de trouver des méthodes de communication avec les producteurs de canne à sucre de l'Amérique centrale et constatons qu'il y a de meilleures façons de procéder pour éviter les problèmes, tant pour nous que pour ces personnes. Cela va être une expérience intéressante, mais c'est notre message fondamental. À notre avis, l'OMC est l'endroit idéal pour régler ce genre de question.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Webster.
Nous passons maintenant à Mme Sandra Marsden, de l'Institut canadien du sucre. Si vous avez un texte écrit, vous pourrez nous le remettre. Au cas contraire, ça va.
Mme Sandra Marsden (présidente, Institut canadien du sucre): Merci, monsieur le président. Sauf erreur, il y a un mémoire écrit dans la documentation qui a été distribuée.
Le président: C'est bien.
Mme Sandra Marsden: Le mémoire est un peu plus détaillé que mon exposé, mais je vais essayer d'aller droit au but, ce qui est parfois difficile étant donné la complexité de notre industrie.
Le président: Merci.
Mme Sandra Marsden: Je vous remercie d'avoir invité à témoigner l'institut, qui représente tous les fabricants canadiens de sucre raffiné et de betterave sucrière, ainsi que les transformateurs de betterave sucrière dans l'Ouest du Canada. Notre groupe compte trois membres: Redpath Sugars, qui n'est pas représenté aujourd'hui, Lantic Sugar et Rogers Sugar.
L'industrie a pour position que les dispositions s'appliquant au Costa Rica ne doivent pas être reprises dans les futurs accords commerciaux. Nous sommes fermement contre l'ajout du sucre dans l'accord avec le Costa Rica. Permettez-moi de vous expliquer les trois raisons fondamentales de cette objection.
Tout d'abord, avant d'aller plus loin, il importe que le comité comprenne bien que notre secteur d'activité appuie sans réserve le libre-échange. Pour nous, le problème vient de ce que nous évoluons sur un marché mondial de sucre tout à fait faussé.
Au Canada, il existe simplement un droit de douane de 8 p. 100 sur le sucre raffiné. Nous n'avons aucune subvention nationale. Nous n'avons aucun filet de sécurité. Nous ne jouissons d'aucune subvention à l'exploitation ni de contingents ou d'obstacles artificiels aux importations. Pourtant, nous sommes confrontés à un marché international du sucre on ne peut plus désorganisé. Comme l'a dit Bruce, nous sommes limités à 10 000 tonnes pour ce qui est du marché américain du sucre qui représente 10 millions de tonnes, et ce contingent est établi par l'OMC.
Nous avons été exclus de l'entente mexico-américaine visant le sucre dans le cadre de l'ALENA. Nos exportations de sucre de canne raffiné sont assujetties à un droit de 565 $ la tonne. Cela représente près de 150 p. 100.
Les droits de douane des Amériques ne font pas exception à la règle. Au Guatemala, ce droit est prohibitif, à 160 p. 100. Même en vertu d'un accord prévoyant une diminution de ce droit de douane, celui-ci resterait prohibitif pendant encore de nombreuses années.
C'est donc une question de temps, pour nous. Les ententes commerciales régionales sont conclues avant de trouver une solution plus générale qui permettra à notre industrie de faire face à la concurrence sur un pied d'égalité.
Si nous n'avons pas accès au marché américain, notre partenaire commercial le plus évident, il nous est impossible de compenser le préjudice que nous subissons sur notre marché national. C'est pourquoi nous nous sommes opposés à l'ajout du sucre, même si nous sommes en fait défenseurs des principes du libre-échange.
• 1725
Nous faisons partie d'une vaste alliance mondiale qui oeuvre
en faveur de la réforme et de la libéralisation du commerce du
sucre, et qui englobe des groupes et producteurs comme le Brésil,
le Guatemala, l'Afrique du Sud, l'Inde, mais exclut les grands
marchés sucriers qui ont un effet de distorsion comme ceux des
États-Unis, de l'Union européenne et du Japon. Ensemble, ces pays
exercent des pressions auprès de leurs gouvernements pour qu'ils
demandent un règlement par l'Organisation mondiale du commerce.
Par conséquent, pour quelle raison précise nous opposons-nous aux dispositions de l'accord avec le Costa Rica et sommes-nous si préoccupés par notre avenir? Tout d'abord, cet accord n'offre pas de véritable débouché commercial: 2 000, 3 500 ou 4 000 tonnes sur notre production globale de 1,2 million de tonnes ne représentent pas un volume important du point de vue commercial. C'est vrai, les dispositions seront réciproques en fonction du pourcentage de consommation, mais la taille du marché et le niveau de développement du marché sont tellement différents qu'ils ne nous procureront aucun débouché commercial.
En outre, les modalités ne sont pas réciproques du point de vue commercial. Même si le Costa Rica obtient un contingent de 20 000 tonnes au Canada, notre contingent au Costa Rica est de 3 500 tonnes. Même si nous exportons 2 000 tonnes de sucre de canne raffiné, nous risquons de faire face à des importations illimitées de ce produit.
Et surtout, nous craignons que cet accord ne crée un précédent pour les négociations commerciales avec l'Amérique centrale. Pourquoi sommes-nous si inquiets? Nous avons entendu dire aujourd'hui que même si l'on s'en inspire, ces accords commerciaux ne serviront pas nécessairement de modèle à ceux de demain; ce n'est toutefois pas ce que nous avons constaté au fil du temps. Dans le cadre de l'Accord de libre-échange Canada-États-Unis, en vertu de l'ALENA et dans le cadre de l'OMC, à chaque fois, nous avons perdu une part de nos marchés d'exportation—et non pas faute d'avoir essayé d'intervenir. Notamment, les États-Unis ont profité de l'occasion à chaque fois pour limiter davantage nos exportations de sucre de betterave et de canne raffiné, et bon nombre d'autres produits alimentaires à forte teneur en sucre.
Dernièrement, Agriculture Canada a fait faire une étude pour évaluer les répercussions de l'application à d'autres pays d'Amérique centrale des dispositions relatives au sucre en vigueur avec le Costa Rica. La capacité actuelle de production de sucre raffiné en Amérique centrale est proche de la taille de tout le marché de l'Ouest canadien. Elle est plus importante que tout notre secteur des produits d'épicerie, dont dépend notre industrie pour garantir sa rentabilité.
À court ou moyen terme, dans un délai de un à deux ans, l'analyse économique a permis d'établir que cela coûterait à notre secteur dans les 30 millions de dollars, y compris le risque sérieux de fermeture d'usines, surtout dans l'ouest du Canada. Ces deux usines sont particulièrement vulnérables étant donné leur proximité avec la côte du Pacifique, destination de la grande majorité des importations d'Amérique centrale.
En fait, nous sommes en concurrence avec ces importations à l'heure actuelle. Notre droit de douane de 8 p. 100 n'est pas prohibitif. La fermeture d'une raffinerie entraînerait la suppression de 200 à 250 emplois, sans oublier bien d'autres emplois indirects.
À long terme, l'impact sera catastrophique. Si le sucre est inclus dans les négociations—et non si l'accord sert de modèle—la seule issue possible pour notre industrie est la suppression graduelle de ce droit de douane, ce qui augmentera sensiblement la concurrence des importations provenant d'une région qui exporte 1,8 million de tonnes de sucre et a la capacité voulue pour accroître son secteur du sucre raffiné en ajoutant des installations de raffinerie à ses usines. Ces pays n'auront pas besoin de créer une nouvelle raffinerie de sucre indépendante. Il ne s'agit donc pas d'investissements considérables, comme celui que représente la raffinerie du sucre Lantic et dont a parlé Dan Lafrance. Nous savons donc très bien ce qui se passera et c'est pourquoi notre industrie est très inquiète.
En résumé, pour notre industrie, le temps presse. Nous appuyons le libre-échange équitable, mais il nous faut trouver une solution dans le cadre de l'OMC. Nous réagissons énergiquement lorsqu'un gouvernement procède à toute hâte à la mise en place d'ententes régionales alors que le problème du sucre se situe au niveau mondial. Nous demandons instamment au comité de trouver un moyen de prévoir dans cet accord que les mêmes dispositions ne s'étendent pas aux autres pays d'Amérique centrale ni à la ZLEA. Merci.
Le président: Merci beaucoup.
Est-ce M. Lafrance qui est le porte-parole de Lantic Sugar?
M. Dan Lafrance (vice-président, Lantic Sugar Inc.): Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité.
[Français]
Je suis accompagné aujourd'hui de M. Yvon Thibeault, qui est le chef syndical délégué de la raffinerie de Montréal, et de M. Normand Carle, qui est délégué syndical à la raffinerie de Montréal. De par un contrat de gestion, Sucre Lantic et moi-même représentons également Rogers Sugar aujourd'hui.
Premièrement, je voudrais vous parler de Sucre Lantic. Nous exploitons une raffinerie dans le quartier Hochelaga—Maisonneuve, dans l'est de Montréal, depuis plus de 100 ans. Jusqu'en juillet 2000, Sucre Lantic exploitait deux raffineries, l'une à Montréal et l'autre à Saint-Jean, Nouveau-Brunswick.
• 1730
Afin d'être plus compétitif sur une base de coûts de
production, en
1999 et 2000, Sucre Lantic a investi plus de 100
millions de dollars dans sa raffinerie de Montréal. La
capacité de production de cette raffinerie
a doublé et, par conséquent, la
raffinerie de Saint-Jean a été fermée. C'était pour
nous permettre d'être plus compétitifs sur une base de
coûts afin que nous soyons sur une pied d'égalité avec les
raffineurs américains et européens.
Nous serons prêts lorsque nous aurons accès au marché
américain.
Sucre Lantic emploie plus de 345 personnes, dont environ 260 sont des employés syndiqués gagnant un salaire moyen de base excédant 20 $ l'heure. Comme vous le savez, ce genre d'emploi est de plus en plus rare, surtout dans l'est de Montréal, où plusieurs manufacturiers ont cessé leurs opérations dans les dernières décennies.
Sucre Lantic exploite sa raffinerie sur une base de 10/4, ce qui veut dire à peu près 240 jours par année. Ce n'est pas beaucoup. Les grands raffineurs américains et européens exploitent leurs raffineries de 330 à 340 jours par année. Une grande partie de nos coûts sont des coûts fixes. Il est important de fonctionner le plus possible. Nous fonctionnons à seulement 70 p. 100 de notre capacité parce que le marché est restreint et que nous n'avons aucune possibilité d'exporter, surtout aux États-Unis.
L'entente avec le Costa Rica, ou toute entente similaire qui pourrait être faite avec les autres pays d'Amérique centrale, va seulement accentuer ce problème de surcapacité qui existe déjà au Canada, alors que nous ne pouvons pas exporter vers le marché américain.
Aujourd'hui, le problème est qu'il y a déjà des importations de sucre qui viennent de l'Amérique centrale et de l'Amérique du Sud. Ces importations de sucre n'ont pas cessé d'augmenter au cours des dernières années. Elles visent surtout un genre de produits: les produits à valeur ajoutée, les produits que vous trouvez dans les épiceries aujourd'hui.
Comme l'a dit Mme Marsden, ces produits représentent en tout à peu près 300 000 tonnes sur le marché canadien. Par contre, ces produits représentent une grande part des bénéfices des raffineurs canadiens tels que Sucre Lantic. Toute perte dans ce secteur aura un effet négatif important sur les opérations de la compagnie. Une grande partie de nos employés syndiqués et de nos superviseurs cadres travaillent dans les départements d'emballage, d'entreposage et de distribution des produits à valeur ajoutée. Chez Sucre Lantic seulement, 150 de nos 260 employés syndiqués travaillent dans ces secteurs. C'est énorme.
L'expansion de la raffinerie de Sucre Lantic a été faite sur une base de compétition équitable et juste, mais même avec une raffinerie de classe mondiale, il nous sera impossible de faire la concurrence aux importations de sucre du Costa Rica et de l'Amérique centrale. Leur base de coûts est bien inférieure à la nôtre. Premièrement, ils ont déjà le sucre brut. Les salaires et avantages sociaux y sont beaucoup moins élevés qu'au Canada. Leurs coûts énergétiques sont bien inférieurs aux nôtres, car ils tirent leur énergie de la bagasse de la canne à sucre, qui est un produit dérivé. Également, les coûts reliés à l'environnement y sont de beaucoup inférieurs à ceux qu'on a au Canada. Donc, il nous est impossible de faire la concurrence sur cette base-là.
[Traduction]
Quant à Rogers Sugar, notre société est en activité à Vancouver depuis le début du siècle, en fait depuis 1890. L'usine de sucre de betterave est présente à Taber, en Alberta, depuis 1950. Elle a été agrandie en 1988-1989 au coût de plus de 50 millions de dollars, encore une fois pour améliorer le coût unitaire de production et être plus concurrentielle.
Ces deux usines ne tournent pas à pleine capacité. Tout d'abord, lorsqu'on considère l'usine de Taber, depuis trois ans, les producteurs ont été durement touchés par le faible prix du sucre brut et le développement du secteur des produits à valeur ajoutée.
Pour que l'usine de Taber soit viable et que les producteurs restent dans ce secteur, il importe qu'un produit transformé représente une proportion importante de leurs chiffres d'affaires. Nous partageons les recettes des ventes de l'usine de Taber avec nos producteurs. Lorsque nous vendons du sucre en vrac ou du sucre sous forme liquide, les marges bénéficiaires sont très faibles.
En revanche, ils ont besoin d'une grande partie de nos ventes à valeur ajoutée pour être concurrentiels par rapport à d'autres cultures. C'est très important. C'est pourquoi nous devons faire face aux importations du Costa Rica ou d'autres pays d'Amérique centrale.
• 1735
L'usine de sucre de Winnipeg a fermé en janvier 1997 en raison
de la restriction visant l'accès au marché américain et du coût
élevé de l'unité de production lié à l'exploitation d'une petite
usine de transformation de la betterave.
Pour l'usine de Vancouver, la situation est encore pire. Sa capacité fluctue. Elle est en activité pendant 38 semaines environ sur 52. Son coût de production unitaire est extrêmement élevé. Elle est de loin la plus vulnérable à toutes les importations de sucre étant donné ce coût unitaire élevé.
Nous avons pris connaissance de l'étude réalisée qui confirme que Rogers Sugar sera la plus touchée par les importations, et surtout l'usine de Vancouver, car le Guatemala, qui a accès aux ports de l'ouest, choisira vraisemblablement le Canada comme premier point d'exportation. Il en va de même pour les autres pays d'Amérique centrale.
La raffinerie de Vancouver emploie plus de 180 personnes. Toute perte de volume supplémentaire nuira à la survie de cette usine. Je le répète, être en activité 38 semaines par an entraîne des coûts unitaires élevés. Si nous ne pouvons pas être en activité plus de 34 ou 35 semaines par an, et que les produits d'importation toucheront en premier la raffinerie de Vancouver, cela risque d'entraîner la disparition de cette installation. Comme vous le savez bien, il sera très difficile, voire impossible de remplacer ce genre d'emplois, les emplois de cols bleus qui existent dans la partie est de Vancouver.
L'usine de Taber ne pourra pas survivre non plus si les producteurs de betterave sucrière n'ont pas un revenu suffisant. Ils doivent rentabiliser au maximum leurs terres, et nous le comprenons. Mais si nous n'obtenons pas les betteraves des producteurs de betterave sucrière, l'usine de Taber ne pourra pas rester en activité.
Il est donc très important pour la société Rogers de ne pas conclure d'accords bilatéraux de libre-échange comme celui avec le Costa Rica ou ceux qu'on envisage avec les pays d'Amérique centrale, car Rodgers est extrêmement menacée par les importations des pays d'Amérique centrale.
M. Carrière a dit plus tôt que nous aurions accès au marché de ces pays. Il semble peu réaliste que les raffineurs canadiens puissent avoir accès au marché du Costa Rica ou d'un autre pays d'Amérique centrale.
J'ai déjà parlé du coût de la main-d'oeuvre, des avantages sociaux et des coûts environnementaux. L'énergie coûte beaucoup moins cher dans ces pays. Il nous faudra importer du sucre brut de ces pays, le raffiner au Canada, le renvoyer et ensuite leur faire concurrence.
C'est impossible à l'heure actuelle. Ce serait impossible s'il fallait avoir le sucre brut au Canada pour le faire. C'est pourquoi ces marchés ne sont pas pour nous. Ils ne représentent pas un marché naturel pour les raffineries canadiennes ou Rogers Sugar.
[Français]
C'est important pour Sucre Lantic et Rogers Sugar. Nous sommes prêts à appuyer tout traité de libre-échange qui serait multilatéral, qui inclurait les Amériques, y compris les États-Unis.
[Traduction]
Nous appuyons sans réserve M. Robinson, qui a dit que l'accord avec le Costa Rica ne devrait pas servir de modèle aux négociations avec d'autres pays d'Amérique centrale, car ce sera très dangereux.
Le Costa Rica, qui ne produit pas de sucre raffiné—ou du moins très peu—a insisté pour que ce produit figure dans cet accord. On peut imaginer facilement ce que le Guatemala et les quatre autres pays d'Amérique centrale exigeront pour négocier la question du sucre.
Merci.
Le président: Merci beaucoup.
Nous passons maintenant à M. Vincent Dagenais, Relations internationales.
[Français]
Confédération des syndicats nationaux.
M. Vincent Dagenais (Relations internationales, Confédération des syndicats nationaux): Je vous remercie, monsieur le président. Je suis heureux d'avoir l'occasion de présenter mes remarques au sous-comité.
D'une certaine façon, bien que je ne sois pas un spécialiste de l'industrie du sucre, je trouve que les présentations qui ont été faites sont une bonne introduction à la première remarque que je voulais faire concernant cet accord commercial avec le Costa Rica, à savoir que l'accord commercial découle d'une conception un peu angélique du commerce.
La première conception angélique, c'est justement que les marchés n'ont pas besoin d'être encadrés et organisés. S'il y a quelque chose qui ressort clairement de la présentation des collègues qui viennent de l'industrie du sucre, c'est qu'on ne peut pas mettre tous nos espoirs dans une simple libéralisation des marchés.
• 1740
La deuxième conception angélique, et là aussi on est au coeur du
sujet, c'est que du commerce vont découler
automatiquement la croissance et le développement et
que, donc,
les autres problèmes auxquels on fait
allusion pour dire qu'on ne peut pas faire du commerce
sans encadrement vont se régler eux-mêmes,
c'est-à-dire les problèmes d'inégalité, de pauvreté,
d'environnement, de respect des droits, de respect des
droits syndicaux, etc.
Donc, quand on regarde l'accord avec le Costa Rica, on s'aperçoit qu'il est effectivement soutenu par une conception angélique du commerce. Donc, ma première remarque est qu'il faut revenir à des conceptions un peu plus complexes et un peu plus réalistes de la portée du commerce et inclure ces conceptions dans des accords avec d'autres pays.
Je me permets de vous dire qu'au moment où se tient cette sous-commission, se tient également la Conférence interaméricaine des ministres du Travail. L'ensemble du mouvement syndical est en train de dire aux ministres du Travail que les accords, y compris les accords commerciaux, devraient inclure des clauses qui imposent le respect des normes fondamentales du travail.
On ne prétend pas que tous les problèmes seraient réglés par le respect des normes fondamentales du travail, mais il nous semble que, même sur un terrain strict de saine concurrence entre les régions du monde, le fait que les normes fondamentales du travail, telles qu'elles ont été adoptées par l'Organisation internationale du travail, soient partie intégrante des traités faciliterait sans doute la poursuite du commerce.
J'en profite pour dire qu'on est loin d'être contre le commerce. Il faut du commerce, mais on pense qu'il faut encadrer ces flux commerciaux.
Ma deuxième remarque découle un peu d'une question à laquelle M. Carrière a commencé à répondre. Quel est l'intérêt pour le Canada d'avoir un accord avec le Costa Rica, puisque le marché est petit? Les échanges commerciaux ne représentent pas beaucoup d'argent, comme on nous l'a dit, et on parle sans doute de produits comme le café, le sucre, les bananes, etc. qui ne poussent pas beaucoup dans les plaines de l'Ouest ou sur les rives du Saint-Laurent. Quel intérêt le Canada poursuit-il dans cet accord?
La réponse a commencé à être donnée par M. Carrière, quand il nous a dit que c'était un accord de première étape. La réponse a déjà été donnée aussi d'une certaine façon par M. Pettigrew, quand il a réagi—je ne pas si les membres du comité s'en souviennent—à des déclarations de M. Parizeau. Il a déclaré que l'intérêt du Canada, compte tenu du fait que beaucoup de nos produits sont échangés hors taxes, est la protection des investissements canadiens à l'étranger et le développement de l'industrie des services. C'est là qu'il devient intéressant de regarder l'accord costaricain.
Il y a justement un accord entre le gouvernement de la République du Costa Rica et le gouvernement du Canada pour l'encouragement et la protection des investissements, qui a été signé un peu plus tôt mais qui existe. Je vous montrerai tout à l'heure qu'il y a un parallélisme entre ce qu'on retrouve dans cet accord, ce qu'on retrouve dans l'ALENA et ce qu'on risque de retrouver dans l'accord de la Zone de libre-échange des Amériques. Dans l'accord avec le Costa Rica, il y a une petite phrase, une petite mention qui dit que, pour les questions de services et d'investissements, le Canada et le Costa Rica vont poursuivre les discussions dans un cadre multilatéral.
Quel est ce cadre multilatéral? Les deux cadres de discussion multilatéraux, à l'heure actuelle, sont l'OMC et les discussions sur les zones de libre-échange. Voilà qui nous amène effectivement à voir quel est le principal enjeu de ce fameux article concernant les investissements.
Je vous rappelle rapidement les problèmes que cela pose et qu'on retrouve dans l'un et l'autre, que ce soit dans l'ALENA ou dans l'accord entre la République du Costa Rica et le gouvernement du Canada, des problèmes sur la définition des investissements. Qu'est-ce qu'un investissement? Ça va assez loin. Ça peut être simplement un placement dans une compagnie au Canada qui ferait affaire dans l'autre pays.
Il y a un problème quant à la possibilité pour des entreprises de poursuivre le gouvernement, non pas sur la base du fait qu'il respecte mal une ou des lois nationales, mais sur la base du fait qu'il aurait justement adopté une réglementation ou une loi qui serait contraire à l'accord commercial. Là on retrouve un biais extraordinairement dangereux dans ce genre d'accord. Les deux ont la même prétention, c'est-à-dire que le nouveau droit commercial créé par ces accords doit être interprété comme étant supérieur aux règles et au droit internes.
• 1745
On retrouve ça très précisément dans l'accord de
l'ALENA ainsi que dans l'accord avec le
Costa Rica. Les gens qui seront
appelés à juger en fonction des plaintes
vont se demander en quoi les lois ou les règlements
canadiens violent un accord international.
Il y a évidemment les mécanismes de règlement des plaintes, qui sont secrets et qui vont entraîner des juges à interpréter des lois canadiennes à l'aune d'un traité commercial international qui aura été négocié presque en secret et qui aura été présenté aux parlementaires presque comme un fait accompli, mais qui aura une valeur supérieure à celle des lois canadiennes.
J'ai deux dernières remarques à faire.
Sur la question de l'expropriation, dans les deux traités, on retrouve la même extension de la notion d'expropriation, qui est en fait la garantie du droit aux bénéfices, avec tous les travers que cela entraîne. Vous savez que les dernières poursuites contre le Canada ont touché ces questions-là. Il y a aussi le fait que le gouvernement canadien s'interdit, à l'intérieur de ces accords, d'imposer des objectifs de résultats aux entreprises.
Voici une dernière remarque pour faire un peu écho à ce qu'a dit M. Carrière. Quand on a posé la question précisément au ministère, quand on lui a demandé ce qu'il voulait modifier dans le chapitre 11, les deux seules réponses qu'il nous a données jusqu'à maintenant ont été très ténues. La première était qu'il voulait préciser la notion d'expropriation et la deuxième était qu'il voulait rendre un peu plus transparent le mécanisme de traitement des plaintes, point à la ligne. On peut lui poser la question de toutes les façons possibles et c'est tout ce qu'on obtient. J'aurais aimé que M. Carrière ou quelqu'un d'autre du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international soit encore ici pour répondre à cette question. Pour l'instant, on n'a aucune indication gouvernementale de ce qu'on ne voudra pas reproduire tout le reste de ce chapitre 11 et ce qu'on retrouve dans l'accord avec le Costa Rica.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Dagenais.
[Traduction]
M. Steven Shrybman est-il présent?
[Français]
M. Svend Robinson: Il n'est pas ici.
[Traduction]
Le président: Il y a un vote, ce qui va nous prendre environ 35 ou 40 minutes. Nous serons de retour dès la fin du vote, soit vers 18 h 30.
M. Bob Speller: Il n'y a qu'un seul vote?
Le président: Il y en a deux, sur les projets de loi C-36 et C-287.
Une voix: Le débat n'est pas encore terminé.
Le président: Il n'y a donc qu'un seul vote. Nous serons de retour dans 20 minutes. Il y a une cafétéria en haut.
Le président: Nous reprenons. Nous avons terminé les exposés des témoins. Nous pouvons donc passer aux questions et réponses. J'espère que mes collègues ne s'écarteront pas du sujet et qu'ils poseront directement leurs questions en évitant tout préambule. Cela vous permettra tous de poser plus de questions. Après cela, nous passerons à l'étude article par article et parlerons des préoccupations dont nous ont fait part nos témoins.
Je peux vous dire que j'ai été très touché par les exposés et les excellentes remarques qui ont été portées à notre attention aujourd'hui. Je tiens également à dire aux témoins qu'il existe au Parlement un caucus du sucre qui n'est pas partisan et compte des membres de tous les partis politiques. Je peux vous dire que c'est le caucus le plus dynamique et le plus bruyant. Mes collègues en conviendront sûrement. Autrement dit, vos remarques sont faites non seulement devant notre comité mais elles seront également transmises aux caucus du Parlement.
Je tiens à vous remercier au nom de mes collègues. Nous passons maintenant aux questions.
Nous commencerons par M. Solberg.
M. Monte Solberg (Medicine Hat, Alliance canadienne): Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis heureux d'être ici.
C'est avec plaisir que j'accueille les témoins d'aujourd'hui. Merci de vos exposés.
• 1830
Avant de poser ma question, j'aimerais dire brièvement
quelques mots. En tant que représentant d'une région productrice de
betteraves sucrières et où se trouve une raffinerie, je sais que ce
problème est très préoccupant pour les gens de ma circonscription,
et il en va de même depuis 1993, année de mon élection. Les gens
ont l'impression—et les faits le prouvent, d'après moi—que le
sucre est souvent objet de compromis lors des négociations. C'est
apparemment ce qui s'est passé lors des négociations de l'ALÉNA et
dans d'autres cas, et je ne peux pas m'empêcher de croire que cela
a encore une fois été le cas dans une certaine mesure. Le fait que
nos exportations aux États-Unis aient diminué considérablement
prouve que la situation ne s'améliore pas, bien au contraire. Cela
représente une menace pour cette industrie vieille de 50 ans de ma
circonscription, laquelle devrait être très rentable car les
producteurs de betteraves sucrières sont très assidus et font un
travail fantastique.
Ma question est en rapport avec la réponse que le gouvernement donne à l'industrie lorsque celle-ci lui fait part de ses préoccupations. Ce qui est particulièrement inquiétant, comme l'a dit Mme Marsden, c'est la limite visant nos exportations vers les États-Unis, alors que, en même temps, nous savons que nous devons faire face à une nouvelle concurrence de la part d'autres pays.
À votre avis, le gouvernement fédéral peut-il nous donner le moindre espoir que nous allons commencer à ouvrir des débouchés, ou que nous allons ouvrir un marché aux États-Unis dans un proche avenir—que le contingent pour les États-Unis sera maintenu? Au cas contraire, comment peut-on continuer de participer à ces nouveaux accords sachant que nous sommes confrontés à une nouvelle concurrence sur tous les fronts, sans être en mesure d'exporter vers cet important marché qui se trouve juste au sud de nos frontières?
Mme Sandra Marsden: Merci.
Vous demandez si nous espérons voir la situation s'améliorer pour ce qui est des exportations vers les États-Unis dans un avenir prévisible? Je dirais que non. La politique sucrière des États-Unis fait l'objet d'un débat dans le cadre de la nouvelle loi sur l'agriculture. C'est un débat qui va s'éterniser, comme toujours, mais les limites sont clairement définies. La politique sucrière des États-Unis est chaotique mais l'industrie sucrière américaine est active et avisée sur le plan politique, comme toujours. Il est donc très peu probable que l'on assiste à des réformes importantes. Le monde agricole comprend, je pense, que la réforme dans ce pays dépend des pressions internationales.
En l'absence d'une réforme de la politique sucrière de l'Union européenne, celle-ci vend à perte et subventionne 6 millions de tonnes de sucre sur le marché mondial. Les États-Unis ne pourront jamais être concurrentiels dans ce contexte. Ils ne manquent pas de faire valoir cet argument, ce qui est normal. Le reste du monde invoque cet argument car si l'Union européenne ne supprime pas ses subventions, le rendement des économies en développement sur les marchés mondiaux continue d'être très faible.
Ce n'est donc guère probable dans un avenir prévisible. Il existe une entente bilatérale qui garantit au moins que nous conservons cette part de 10 000 tonnes, mais le montant est établi d'avance. Nous sommes donc tributaires du marché canadien, et toute érosion de cette part de marché se fait au détriment de la rentabilité de l'industrie.
L'industrie est rationalisée, comme vous l'a dit Dan Lafrance. Nous avons fermé trois usines depuis mon arrivée en 1987, et il n'en reste donc plus que quatre sur sept. Ces usines ont réinvesti, pour garantir leur efficacité à l'avenir, mais nous ne pouvons pas être concurrentiels s'il nous est impossible de maintenir notre capacité de production.
M. Monte Solberg: À une époque où l'agriculture est très précaire dans tout le pays, cela représente une culture relativement intéressante. C'est une option pour les producteurs de ma circonscription—et il en allait de même pour ceux du Manitoba il y a quelques années à peine.
J'aimerais que M. Webster nous explique un peu plus en détail l'apport que ce secteur d'activité fait à l'économie du sud de l'Alberta, et à celle du pays en général.
M. Bruce Webster: L'industrie de la betterave sucrière dans le sud de l'Alberta est très importante pour les agriculteurs, pour les travailleurs d'usine et pour l'ensemble de la collectivité. À partir d'une base foncière très restreinte de 40 000 à 50 000 acres, on peut cultiver suffisamment de betteraves sucrières pour répondre à 10 à 15 p. 100 des besoins en sucre du Canada. C'est donc un secteur qui revêt une grande importance pour les fabricants de matériel, les marchands de carburant et ceux qui vendent des automobiles et des articles vestimentaires. Nous soutenons fortement l'économie de Lethbridge. Il y a de plus en plus de betteraves qui sont expédiées dans la région de Brooks et aux environs de Bow Island. Un grand nombre de collectivités dépendent de cette production pour offrir de l'emploi saisonnier ou à plein temps et fournir un intrant précieux à l'industrie de la transformation alimentaire de l'Alberta. Nous voulons préserver cette industrie; c'est logique. Toutefois, le libre-échange doit représenter la création de nouveaux débouchés et non la compression du marché.
M. Dan Lafrance: Si vous le permettez, je voudrais ajouter quelques mots à ce qu'a dit M. Webster.
La seule société Rogers apporte à l'économie de Taber de 30 à 40 millions de dollars par an pour les producteurs de sucre de l'Alberta. C'est ce que nous payons; cela représente le prix des betteraves. En plus, nous dépensons entre 15 et 20 millions de dollars pour les salaires, les services et les fournitures de l'usine de Taber. Ce sont donc des sommes importantes pour les producteurs et pour l'économie de Taber, de Lethbridge et du sud de l'Alberta.
Le président: Monsieur Valeri, avez-vous une question à poser?
M. Tony Valeri: Je serai très bref.
Je voudrais revenir sur une remarque faite par Mme Marsden. Vous avez dit que le Costa Rica n'offrait pour vous aucun débouché commercial. Nous comprenons la position adoptée par votre industrie. Toutefois, j'ai cherché un élément positif pour l'industrie sucrière dans cet accord. Notre comité a reçu une lettre de la part des fabricants de confiseries qui appuient cet accord, en indiquant certains marchés d'Amérique latine où ils souhaitent se faire une place.
Étant donné la décision récente rendue par le TCCE, il y a environ un an, visant à prolonger la décision de 1995 qui exclut à toutes fins utiles l'Union européenne et les États-Unis du marché intérieur, et vu le marché accru auquel ont accès les consommateurs de sucre, ces facteurs ne vont-ils pas du même coup élargir votre marché, ou en tout cas une partie de votre capacité de production?
Mme Sandra Marsden: Nous n'aimons pas être négatifs, mais d'après notre expérience, ces accords ne sont guère concluants. Permettez-moi de vous citer l'exemple de l'ALENA, et de l'OMC en l'occurrence. Certains produits de confiseries profiteront peut- être de cet accord à long terme—je ne le nie pas—et il y aura peut-être une croissance progressive de ce secteur. Cela ne peut en aucun cas compenser les répercussions négatives sur notre marché.
Notre problème, c'est que, à très court terme, il nous sera très difficile de produire du sucre fin à des prix concurrentiels. Si nous ne pouvons pas le produire, nous ne pouvons pas le vendre à nos clients. C'est ce qui est ressorti à l'évidence des audiences du TCCE lorsque les importations de sucre américain ont atteint 150 000 tonnes, s'ajoutant aux importations de l'Union européenne—lesquelles augmentaient continuellement—ce qui a rapidement grugé les marges bénéficiaires de l'industrie.
La dynamique est très semblable en l'occurrence. C'est une possibilité commerciale pour ces pays. Ils sont des producteurs très excédentaires et n'ont pas d'autres débouchés pour leur production. Les États-Unis ont un contingent fixe, soit 50 000 tonnes, pour leurs exportations de sucre brut, mais ils doivent soutenir la concurrence du reste du monde pour ce qui est de l'accès à un contingent global de 7 000 tonnes.
Le Canada est donc un débouché de choix. Le problème vient du déséquilibre. Nous ne pourrons peut-être pas rester viables le temps qu'il faut pour créer ces nouveaux débouchés. Ce n'est pas que nous nous opposions à l'idée d'offrir de meilleures possibilités ou plus de libre choix à nos clients, mais nous devons continuer d'exister pour leur fournir du sucre. Autrement, nous serons des centres de distribution.
Le président: Monsieur Duncan, avez-vous d'autres questions?
M. John Duncan: Très brièvement, le gouvernement vous a consultés d'une certaine façon et vous avez donné votre avis. Vous pourriez peut-être nous dire ce que les négociateurs du gouvernement ont déclaré à l'époque de ces consultations, avant l'accord de libre-échange entre le Canada et le Costa Rica.
• 1840
Étant donné tout ce qui s'est passé, il est très révélateur
que vous soyez encore ici à la dernière heure pour nous faire part
des points qui préoccupent vivement votre industrie. Je suis sûr
que vous avez d'autres choses à dire à ce sujet avant que nous ne
passions à la suite de nos délibérations, car je sais qu'il y a un
autre groupe de témoins qui suivra.
Mme Sandra Marsden: La consultation est un bien grand mot. En effet, nous avons été consultés. Mais de quelle façon? Je dirais que dans l'ensemble, cela s'est fait sur une toute petite échelle. Je veux dire, une fois que le sucre était à l'ordre du jour des négociations—et je soutiens que nous n'avons pas eu notre mot à dire à ce sujet—nous n'avons fait que discuter des détails. Sur quelle période va s'échelonner la suppression graduelle? Quel est le montant du contingent? En fait, nous n'avons pas eu notre mot à dire à ce sujet car les décisions se sont prises à la table de négociation.
Confrontés à un fait accompli, nous ne pouvons pas payer les pots cassés. C'est pourquoi cette question nous tient tant à coeur et que nous témoignons encore une fois à la dernière minute. Les accords qui seront conclus ultérieurement avec l'Amérique centrale nous préoccupent au plus haut point.
Le président: Merci.
[Français]
Monsieur Paquette, vous avez la parole.
M. Pierre Paquette: Monsieur Lafrance, j'aimerais que vous nous expliquiez comment, dans un marché libéralisé au plan multilatéral, ce que vous favorisez, une entreprise comme Sucre Lantic serait capable d'être compétitive. Si j'ai bien compris, vous avez fait des investissements pour devenir, justement, une entreprise de classe mondiale. Le marché, toutefois, vous en empêche parce qu'il connaît présentement trop de distorsions. J'aimerais que vous nous l'expliquiez, parce que je ne voudrais pas avoir l'air de cautionner une vision protectionniste du marché du sucre québécois et canadien. J'aurais aimé aussi que vous nous expliquiez en quoi le Guatemala représenterait un danger si un éventuel accord avec ce pays incluait les mêmes types de dispositions.
J'aimerais aussi qu'on revienne à M. Dagenais, parce que je ne suis pas convaincu que tout le monde ait saisi le fait que, dans l'accord de libre-échange avec le Costa Rica, on fait référence à un autre accord sur les investissements et que par le fait même, l'accord inclut des éléments de protection des investissements qui s'apparentent, selon ce que vous nous avez dit, au chapitre 11 de l'ALENA.
J'aimerais donc que vous repreniez les éléments de cet accord d'encouragement et de protection des investissements entre le Costa Rica et le Canada qui, selon vous, s'apparentent au chapitre 11 de l'ALENA.
M. Dan Lafrance: Vous m'avez d'abord demandé quel niveau de concurrence nous pouvons soutenir grâce à notre raffinerie de classe mondiale. Depuis que Sucre Lantic a doublé sa capacité à Montréal, nous avons maintenant une raffinerie qui peut se comparer facilement avec celles des autres raffineurs nord-américains.
Observons le marché nord-américain, le marché des États-Unis, des états du Nord, des états de New York, du New Jersey, du Rhode Island et du Massachusetts. Ces États consomment autant de sucre que le Canada au complet. Ce marché est donc naturel pour nous. Il s'agit d'un marché naturel pour Montréal et pour Toronto. Nous pourrions facilement y concurrencer les raffineurs de sucre américains.
Dans le passé, Sucre Lantic possédait une raffinerie à Yonkers, New York. Nous connaissons donc très bien le marché américain et les coûts de production des raffineries de sucre américaines. Si le marché était ouvert des deux côtés de la frontière, nous serions prêts à faire face à la concurrence. Les Américains pourraient vendre ici, au Canada et nous pourrions vendre aux États-Unis. Nous sommes certains qu'avec l'apport de nos employés et celui de nos fournisseurs, nous serions grandement gagnants à l'intérieur de ce marché grâce à l'expansion que nous avons prise au cours des dernières années.
Parlons maintenant du Guatemala et de la raison pour laquelle ce pays est si important. Comme Mme Marsden l'a mentionné plus tôt, le Guatemala a un très grand excédent de sucre. Le Guatemala exporte aujourd'hui un peu plus de 1,1 million de tonnes de sucre brut. Le marché canadien, au total, est de 1,2 million de tonnes. De plus, le Guatemala produit pour l'exportation approximativement 300 000 tonnes de sucre raffiné. Ces 300 000 tonnes de sucre raffiné représentent ce que l'on appelle des produits à valeur ajoutée ici, au Canada, comme d'ailleurs tous les produits que l'on trouve à l'épicerie.
• 1845
C'est un marché très important et il est certain que ce
serait le marché visé par ce genre d'importations. Ils
pourraient donc entrer facilement et, à cause de leurs
coûts de production très bas, s'accaparer avec succès
d'une part du marché et réellement mettre en péril
l'industrie canadienne du sucre.
Le président: Monsieur Dagenais.
M. Vincent Dagenais: Si on prend d'un côté le chapitre 11 de l'ALENA et de l'autre, l'accord entre le gouvernement du Canada et la République du Costa Rica, on s'aperçoit qu'on y trouve les mêmes choses en parallèle. Je ne vous lirai pas tout, mais je vais vous donner les références.
Ainsi, on peut voir à quel point la définition d'«investissement» est large. Vous trouvez cela au premier chapitre, parmi les définitions. Les investissements incluent les biens mobiliers et immobiliers, les actions, le capital, les titres, les obligations, les espèces monnayées, les créances, l'achalandage, le droit de propriété intellectuelle, tout ce qui est propriété directe ou indirecte.
Dans mon exposé, j'ai dit qu'une des choses les plus perverses dans les deux accords est qu'ils permettent à une entreprise de faire prévaloir un contrat, une entente commerciale internationale sur les lois canadiennes. Dans le traité de l'ALENA, on voit, au paragraphe 1001(4), que les gouvernements peuvent faire les lois qu'ils veulent dans la mesure où elles ne sont pas incompatibles avec les dispositions du présent chapitre. Donc, il y a prévalence du traité de l'ALENA sur les lois.
Dans le traité avec le Costa Rica, on prévoit que le tribunal—on retrouve ça à l'article 12—peut prendre une décision et appliquer les règles internes dans la mesure où ces règles de droit interne n'entrent pas en conflit avec l'accord. Donc, encore une fois, ils jugeront de la validité des lois internes dans la mesure où elles ne viennent pas en conflit avec l'accord, l'accord prévalant.
À propos du droit de l'extension de la notion d'expropriation, à l'article 1110 de l'ALENA, où on parle de mesures similaires, il est dit qu'on ne peut pas nationaliser directement ou indirectement ou prendre des mesures équivalentes. Et dans l'accord avec le Costa Rica, le chapitre VIII prévoit les mêmes choses. Je ne vous les lirai pas toutes.
-
Les investissements des investisseurs de l'une ou
de l'autre Partie
Contractante ne peuvent faire l'objet de mesures de
nationalisation ou
d'expropriation ou de toutes autres
mesures d'effets équivalant à une
nationalisation...
En passant, c'est la seule chose que le ministre Pettigrew remet en question, parce que cela permet de donner une interprétation tellement étendue des mesures que n'importe quelle mesure qui limiterait la capacité d'une entreprise de faire des profits pourrait être considérée comme étant une mesure équivalant à une nationalisation.
Voici un dernier exemple, celui de la prescription de résultats. Dans l'ALENA, à l'article 1106 qui porte là-dessus précisément, on dit que les gouvernements signataires s'interdisent d'imposer aux entreprises étrangères qui viennent investir des contraintes de résultats.
On a la même chose dans l'autre accord, dans lequel les contractants s'interdisent d'imposer des contraintes de résultats aux investisseurs.
Je ne sais pas si cela répond à la question, mais on voit bien qu'il y a un parallélisme. M. Carrière, encore une fois, l'a dit: la construction des accords futurs se fait un peu par amalgame, par construction, par petites touches. On se sert des accords. Donc, on voit bien ce qui est en train de se construire.
[Traduction]
Le président: Au nom du comité et de tous mes collègues, je tiens à remercier tous les témoins de leurs exposés. Certains d'entre vous nous ont fait parvenir un mémoire écrit. Nos délibérations sont enregistrées et seront publiées dans les procès- verbaux du comité. En outre, les autres documents feront partie intégrante de notre rapport. Vous avez éclairé notre lanterne et nous avez donné matière à réflexion, non seulement pour aujourd'hui mais également pour nos délibérations futures.
• 1850
Le comité va se lancer dans une grande étude du libre-échange
dans les Amériques, et je dirais que nous allons le faire le plus
tôt et le plus rapidement possible. Dans ce contexte, bien des
choses... En particulier, j'ai entendu deux ou trois d'entre vous
utiliser le mot «réduction». Je pense que c'est un mot très
important qui nous donne matière à réflexion.
Au moment d'aborder l'étude du libre-échange dans les Amériques, nous garderons à l'esprit vos observations et nous ferons en sorte, désormais, de toujours tenir compte de ce que vous nous avez dit aujourd'hui.
Il n'y a aucun doute que vous avez fait des exposés excellents et pertinents.
Nous allons maintenant passer à l'étape suivante, c'est-à-dire étudier le projet de loi article par article. Nous aurons d'abord une suspension d'une minute, car notre séance était télévisée. Cette suspension nous permettra de fermer les caméras et de passer à l'étude article par article.
Une fois de plus, je tiens à vous remercier. Des recommandations ont été formulées de part et d'autre visant à inclure dans notre rapport au Parlement les préoccupations très précises que vous avez soulevées. C'est-à-dire qu'à l'avenir, si le gouvernement décide de conclure un accord quelconque avec d'autres pays des Amériques, vous serrez là et vos vues et préoccupations seront prises en compte. J'ai bon espoir que le comité jugera bon d'adopter cette proposition, qui a été élaborée par des membres du comité. Je tiens à vous remercier chaleureusement.
Nous allons suspendre la séance pendant une minute.
Le président: Chers amis, nous allons reprendre notre réunion. Nous avons entendu les présentations de nos témoins et je pense qu'il est temps d'en discuter un peu, comme de ce qu'on a devant nous.
Je propose, si vous n'y voyez pas d'objection, que nous discutions d'une proposition de mon collègue Duncan en ce qui concerne les témoignages de nos témoins d'aujourd'hui.
[Traduction]
Avec votre permission, je vais lire une suggestion qui a été faite par M. Duncan et qui pourrait répondre aux préoccupations soulevées par bon nombre de mes collègues de part et d'autre de la Chambre, en particulier en ce qui a trait à l'industrie du sucre.
Franchement, d'après tous les commentaires que nous avons entendus, il semble que tout va bien, à l'exception des préoccupations soulevées par nos témoins aujourd'hui, lesquelles sont à mon avis valables et importantes. Il est impératif que nous, en tant que parlementaires, soyons vigilants au moment d'aborder tout nouvel accord de libre-échange dans les Amériques.
• 1900
Je voulais vous lire cela et j'ai bon espoir d'obtenir l'appui
unanime du comité. Je voudrais que nous fassions un rapport unanime
au Parlement, parce que, comme je l'ai dit au début, c'est un
traité, et compte tenu de la nature de cet instrument, nous ne
pouvons pas y apporter des amendements à des dispositions précises.
Si nous pouvions le faire, croyez-moi, nous aurions un certain
nombre d'amendements à mettre en place. Mais en fin de compte, nous
pourrons voter pour ou contre chaque disposition précise, le cas
échéant.
M. Paquette voulait intervenir, ainsi que M. Duncan. Je voulais que l'on signale les articles sur lesquels il n'y a pas unanimité afin qu'on puisse les mettre de côté pour y revenir ensuite et en discuter, et adopter le reste, c'est-à-dire les dispositions sur lesquelles il y a unanimité, de manière à ne pas perdre trop de temps là-dessus, puisqu'on est d'accord.
Monsieur Paquette et ensuite monsieur Duncan.
[Français]
M. Pierre Paquette: Parlons de procédure. Je comprends très bien qu'on ne puisse pas modifier le traité parce qu'il s'agit d'une entente qui s'est faite entre deux gouvernements. Toutefois, on peut amender la loi de mise en oeuvre.
Je me rappelle très bien que lors de l'adoption de la loi de mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange nord-américain, au moins deux amendements avaient été adoptés. Il y avait, entre autres, un amendement qui interdisait l'exportation de l'eau, parce qu'il n'en était pas question dans l'accord. On pouvait, justement, ajouter des éléments à la loi de mise en oeuvre pour baliser l'interprétation de cet accord. Je voudrais d'abord que cela soit clarifié, parce que je voudrais proposer trois amendements. Je veux donc savoir si j'aurai l'occasion de les proposer.
[Traduction]
Le président: Vous pouvez proposer n'importe quel amendement, monsieur Paquette, mais ce qui se passera, au bout du compte, c'est que l'accord, quand il a été signé, devait être mis en vigueur le 1er janvier 2002, de sorte qu'il faudrait que tout changement proposé obtienne l'appui non seulement du gouvernement canadien, mais aussi du gouvernement costaricain. En conséquence, la date d'entrée en vigueur ne serait plus valide. Le résultat net est donc que vous rouvrez le dossier de notre côté et eux peuvent le rouvrir de leur côté et, en bout de ligne, il se pourrait que nous soyons bloqués et ne puissions plus avancer. Bien sûr, vous pouvez proposer n'importe quel amendement.
[Français]
M. Pierre Paquette: Je suis un garçon raisonnable, ce qu'on m'a d'ailleurs reproché à plusieurs reprises dans d'autres milieux. Je vais laisser de côté deux de mes amendements parce qu'ils modifient l'accord. Un de mes amendements me semble refléter les préoccupations de tout le monde. Il vise à ce que, lorsque des négociations d'accords sur le sucre seront entamées dans le futur, cela se fasse dans un cadre multilatéral. Je ne pense pas que ce soit contraire à l'accord actuel avec le Costa Rica. Cela n'a aucune incidence sur les dispositions de l'accord. Cet amendement est apporté à la loi de mise en oeuvre de l'accord.
[Traduction]
Le président: Je dirai seulement que vous pouvez tout faire de façon multilatérale, mais cela dépend du temps dont vous disposez et des ressources que vous pouvez y consacrer.
Comme nous le savons tous, en fin de compte, nous aimerions que tout se fasse par l'intermédiaire de l'OMC, mais nous savons à quel point c'est complexe, compte tenu de la spécificité de chacune de ces industries dans chaque pays avec lequel nous faisons affaire. Et nous en avons eu un exemple aujourd'hui; nos témoins nous ont dit, écoutez, dans ce cas particulier, nous savons que c'est un petit pays, nous savons que nous n'avons pas accès au marché, nous savons qu'il y a des difficultés, etc., et nous ne serons pas compétitifs, et nous sommes inquiets devant la perspective de futurs accords.
Donc, en un sens, c'est contraire à l'objectif visé. M. Duncan a fait une proposition qui m'a semblé très réfléchie, à savoir que lorsque nous négocierons des accords avec d'autres pays dans les Amériques, compte tenu que nous préférons toujours les accords multilatéraux, nous voudrons nous assurer à tout le moins de tenir compte des préoccupations et des intérêts de l'industrie du sucre et de ne jamais perdre de vue ces intérêts.
Ce que je crains, c'est que si nous insistons sur le multilatéralisme, nous nous trouvons à dire en fait que nous avons renoncé aux accords bilatéraux, et l'OMC a déjà dit clairement que l'on encourage les pays membres de l'OMC à conclure des ententes bilatérales qui sont compatibles avec les règles de l'OMC. Mais en outre, ils encouragent les pays membres à le faire, tant et aussi longtemps que les accords conclus n'entrent pas en conflit avec les lignes directrices et normes générales établies par l'Organisation mondiale du commerce.
• 1905
Autrement dit, nous ne disons pas vraiment que nous renonçons
au multilatéralisme, mais simplement que nous adoptons une approche
double. Nous avons l'OMC, au sujet de laquelle nous aurons une
réunion en novembre, et nous aurons toujours cette tribune. Mais
cela n'empêche pas de conclure des ententes bilatérales avec
d'autres pays.
Si vous me permettez de lire ce que M. Duncan a proposé, je suis assez certain que vous y verrez probablement une piste de solution à ce que vous dites. Et il me semble que cela ne nous empêche nullement de continuer à progresser dans le cadre multilatéral, par l'intermédiaire de l'OMC. Avec votre permission, je vais vous lire cela.
M. Duncan a proposé que l'on dise ceci dans notre rapport:
-
Le sous-comité souhaite mettre en relief les préoccupations
spécifiques de l'industrie du sucre du Canada et demande que les
intérêts de cette industrie soient pris en compte dans toute future
négociation commerciale mettant en cause le Canada.
À mon avis, cette motion devrait dissiper vos craintes dans une grande mesure. Et je sais que mes collègues y tiennent tout autant que bien d'autres dans l'industrie ainsi que tous ceux qui sont des amis de ce secteur. Je lance un appel à tous, dans un esprit de coopération, si vous croyez que cela répond aux besoins précis de l'industrie sucrière, comme j'en suis convaincu, alors adoptons ce texte, si vous êtes d'accord.
Monsieur Duncan, allez-y.
M. John Duncan: Il y a deux choses que j'aimerais savoir. Premièrement, sommes-nous à huis clos en ce moment?
Le président: Non. Nous sommes télévisés.
M. John Duncan: Nos travaux continuent d'être télévisés?
Le président: Seulement à la radio. Non. Nous ne sommes pas télévisés. Non, c'est faux.
M. John Duncan: Nous ne sommes pas télévisés, mais nous ne sommes pas à huis clos.
Le président: Non, nous ne sommes pas à huis clos. Souhaitez- vous proposer le huis clos?
M. John Duncan: Non, c'est seulement qu'il me semblait que nous l'étions peut-être, mais on ne l'avait pas dit précisément et je tenais à en avoir le coeur net.
Je voudrais ensuite soulever une petite question relative à votre préambule. Je crois comprendre que les négociations CA-4 précèdent la ZLEA, ou bien vont commencer avant les véritables négociations de la ZLEA, et vous ne l'avez pas dit. Je tenais à m'assurer qu'en fait, les préoccupations de l'industrie sucrière se situent essentiellement au niveau CA-4, et vous avez seulement mentionné la ZLEA, et je voulais m'assurer qu'il n'y ait aucun malentendu.
Quant à la résolution que vous avez lue, j'espère que le comité l'adoptera et que nous pourrons passer à autre chose.
Le président: Merci beaucoup.
[Français]
Monsieur Paquette.
M. Pierre Paquette: À l'intérieur de quel rapport, exactement, cette proposition apparaît-elle?
Le président: Cela ne peut pas faire partie du rapport tel quel. Elle sera donc acheminée séparément. Le Parlement en prendra note. Cela constituera un rapport au Parlement.
M. Pierre Paquette: Peut-on faire référence au fait que le comité préférerait que, sans qu'on interdise les négociations bilatérales, cela se passe dans un cadre multilatéral? On nous dit, premièrement, que le marché du sucre subit de grandes distorsion et que, deuxièmement, notre vrai marché est le marché américain.
On aura beau conclure tous les accords de libre-échange qu'on voudra avec tous les pays d'Amérique du Sud, ce n'est pas là que nous allons exporter du sucre raffiné canadien. D'ailleurs, on n'y mange pas de sucre raffiné, on y mange du sucre brut, des cristaux. Le marché américain est donc, à terme, le marché où nous pourrons nous développer.
Je pense qu'il faut en être conscient et affirmer qu'au cours de la négociation de la Zone de libre-échange des Amériques, par exemple, la libéralisation du marché du sucre sera une préoccupation. On pourrait faire en sorte que par la suite, le comité considère qu'il faut faire des efforts pour libéraliser le marché du sucre au plan multilatéral.
[Traduction]
Nous serons peut-être en mesure d'encourager le gouvernement à poursuivre ses démarches multilatérales pour résoudre certains irritants commerciaux. Est-ce bien ce dont on parle en l'occurrence?
Monsieur O'Brien.
M. Pat O'Brien: Non, je pense que ça va, monsieur le président.
Je voudrais seulement rappeler que nous progressons sur trois fronts, comme nous le savons tous, je crois: multilatéral, c'est-à- dire l'OMC, régional, c'est-à-dire la ZLEA, et bilatéral. Et le gouvernement va continuer d'avancer sur ces trois fronts en même temps. Mais je peux citer le ministre; je peux même le citer textuellement parce que je l'ai entendu tellement souvent. Il a dit que l'OMC est la pierre d'assise de notre politique commerciale.
Le président: Dans ce cas, êtes-vous d'accord pour encourager le gouvernement à poursuivre ses efforts multilatéraux—bilatéraux, régionaux et multilatéraux...
M. John Duncan: Cela atténue la portée.
Le président: Nous allons changer le «en outre». Oubliez ce que vous avez sous les yeux, et ajoutez «en outre», ce qui veut dire que nous voulons que vous fassiez ceci, mais par ailleurs vous devez continuer de déployer des efforts sur le plan régional et multilatéral. Est-ce...?
M. John Duncan: Fondamentalement, vous avez...
Le président: Peut-être que nous pourrions en faire un texte séparé.
M. Pat O'Brien: Un texte séparé.
Le président: D'accord, nous dirons donc: une approche régionale et multilatérale.
Est-on d'accord là-dessus? Cela répond-il aux préoccupations de mes collègues?
M. John Duncan: Pourriez-vous préciser ce que nous avons décidé?
Le président: Y a-t-il unanimité pour le texte de M. Duncan? Bien.
Nous sommes maintenant saisis d'une proposition de M. Paquette visant à encourager le gouvernement à poursuivre son approche en trois volets: bilatéral, régional et multilatéral. Et ensuite, quoi? Résoudre les différends commerciaux, ou bien...?
[Français]
M. Pierre Paquette: Pour le marché du sucre.
[Traduction]
M. John Duncan: C'est exactement ce qui nous a amenés là. Cette motion est ce qui nous a entraînés dans cette situation insatisfaisante. Pourquoi voudrions-nous renforcer...?
[Français]
M. Pierre Paquette: Je parle de l'aspect multilatéral. Je veux que le comité fasse prendre conscience que si nous n'avons pas une approche multilatérale du processus de libéralisation du sucre, nous serons toujours perdants.
[Traduction]
Le président: D'accord. Encourageons donc le gouvernement à poursuivre son approche en trois volets—bilatéral, régional et multilatéral—pour résoudre les irritants commerciaux. Que pensez- vous de cela?
[Français]
M. Pierre Paquette: Multilatérale, régionale, bilatérale...
[Traduction]
Le président: Pourrais-je m'entretenir avec le greffier pour mettre au point un libellé en ce sens?
M. John Duncan: Si j'ai bien compris l'intervention de Pierre, il dit que nous devrions mettre l'accent sur l'aspect multilatéral, et non pas bilatéral.
[Français]
M. Pierre Paquette: Multilatérale et régionale.
[Traduction]
Le président: Mais vous ne dites pas que vous ne voulez pas d'arrangements bilatéraux?
[Français]
M. Pierre Paquette: Nous avons une entente bilatérale avec le Costa Rica. Il faut faire attention. Le gouvernement devrait poursuivre ses efforts à l'OMC et dans le cadre de la Zone de libre-échange des Amériques pour qu'il y ait une libéralisation multilatérale ou au moins continentale du sucre.
Le président: Cela ne veut donc pas dire qu'on arrête de faire du sucre de betterave.
M. Pierre Paquette: Il est clair que non.
Le président: On peut donc dire bilatérale, régionale et multilatérale.
[Traduction]
Nous ne disons pas non aux relations bilatérales? Tout ce que nous disons, c'est que l'on peut essayer de trouver une solution, peu importe qu'elle soit bilatérale ou multilatérale, pourvu que l'on ait du bon sucre que l'on peut vendre et acheter à un bon prix.
M. John Duncan: Est-ce que le comité et vous-même n'êtes pas en train de dire au gouvernement de continuer à faire ce qu'il fait? C'est ce que vous dites.
[Français]
M. Pierre Paquette: Si on étudie le cas du marché du sucre, on sait très bien que cela ne représente pas une priorité pour le gouvernement dans le cadre des négociations de l'OMC et de l'accord de la Zone de libre-échange des Amériques. Il faut que le gouvernement canadien continue, dans le cadre de ces négociations, à faire la promotion de la libéralisation du marché du sucre au plan multilatéral et au plan continental. Le plan bilatéral n'est pas une priorité, selon moi, parce qu'il y est déjà engagé. Il a déjà conclu une entente avec le Costa Rica.
[Traduction]
Le président: Bon, alors laissez-moi le lire une dernière fois et nous verrons si tout va bien.
Monsieur O'Brien et monsieur Speller.
M. Pat O'Brien: Premièrement, je voudrais seulement savoir quel libellé au juste nous avons maintenant sur la table.
Le président: C'est le numéro deux: encourager le gouvernement à suivre son approche en trois volets—bilatéral, régional et multilatéral, dans ses efforts pour résoudre les irritants commerciaux. Si vous êtes d'accord sur le fond, nous nous arrangerons avec le greffier pour mettre cela en bon français.
M. Pat O'Brien: Je suis d'accord avec cet énoncé.
Le président: Cela vous satisfait-il, monsieur Paquette?
M. Pierre Paquette: Avec la vôtre. Si on considère celle de M. Duncan et la mienne, il me semble qu'on...
Le président: Cela fonctionne.
[Traduction]
Monsieur Duncan, est-ce que bilatéral vous plaît? Nous n'en changeons pas un mot. C'est ce que nous voulions faire, mais en outre, nous faisons quelque chose d'autre que nous ajoutons séparément, à savoir qu'il faut faire des efforts bilatéraux et multilatéraux ainsi que régionaux.
M. John Duncan: Pour ne pas nuire à l'harmonie, je vais laisser passer, mais je ne crois pas que cela ajoute quoi que ce soit. Poursuivez.
Le président: Comme le diraient les avocats, c'est pour plus de précision. Est-on d'accord?
Nous avons déjà terminé cela. Ce que je dois faire maintenant, c'est passer à l'étude article par article. Conformément au paragraphe 75(1) du Règlement, on reporte à plus tard l'étude du préambule et du premier article.
Les articles 2 à 60 sont-ils adoptés?
[Français]
M. Pierre Paquette: Je vote contre ces articles.
Le président: Ah, bon. Monsieur Paquette, pouvez-vous nous en donner la raison?
M. Pierre Paquette: La raison est que, justement, j'aurais voulu qu'à l'intérieur de la loi de mise en oeuvre, on donne des directives au gouvernement pour les futures négociations. Vous nous dites qu'on ne peut pas amender cette loi. Donc, je vote contre.
[Traduction]
(Les articles 2 à 60 inclusivement sont adoptés avec dissidence)
(Les annexes 1 à 3 inclusivement sont adoptées)
(L'article 1 est adopté)
Le président: Le préambule est-il adopté?
Des voix: Adopté.
Le président: Le titre est-il adopté?
Des voix: Adopté.
Le président: Le projet de loi est-il adopté?
Des voix: Adopté.
Le président: Dois-je faire rapport au Comité permanent des affaires étrangères du projet de loi sans amendement?
Des voix: D'accord.
Des voix: Avec dissidence.
Le président: D'accord. Nous ferons rapport du projet de loi demain au comité, en espérant qu'il sera déposé à la Chambre vendredi.
Très bien. Merci beaucoup.
La séance est levée.