SINT Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Sous-comité du commerce international, des différends commerciaux et des investissements internationaux du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international
Témoignages du comité
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 31 janvier 2002
¹ | 1540 |
Le président (M. Mac Harb (Ottawa-Centre, Lib.)) |
M. Bruce Campbell (directeur exécutif, Centre canadien de politiques alternatives) |
¹ | 1545 |
¹ | 1550 |
Le président |
¹ | 1555 |
M. Bill Dymond (directeur exécutif, Centre des politiques commerciales et des lois) |
º | 1600 |
º | 1605 |
Le président |
M. William Miner (associé principal, Centre des politiques de commerce et de droit, Carleton University) |
º | 1610 |
Le président |
M. Peter Clark (président, Grey, Clark, Shih and Associates Limited) |
º | 1615 |
º | 1620 |
º | 1625 |
Le président |
M. Bergeron |
Le président |
º | 1630 |
M. Bergeron |
Le président |
M. Rick Casson (Lethbridge, Alliance canadienne) |
M. Bill Dymond |
º | 1635 |
M. Bruce Campbell |
Le président |
M. Bruce Campbell |
Le président |
M. Rick Casson |
º | 1640 |
M. Peter Clark |
M. Rick Casson |
M. Peter Clark |
Le président |
M. Bergeron |
º | 1645 |
M. Peter Clark |
º | 1650 |
M. Bergeron |
M. William Miner |
º | 1655 |
» | 1700 |
Le président |
M. Bill Dymond |
Le président |
M. Peter Clark |
Le président |
M. Pat O'Brien (London--Fanshawe, Lib.) |
» | 1705 |
Le président |
M. Bill Dymond |
» | 1710 |
M. Pat O'Brien |
Le président |
M. Mark Eyking (Sydney--Victoria, Lib.) |
» | 1715 |
M. Peter Clark |
M. Bill Dymond |
M. Peter Clark |
M. Bill Dymond |
» | 1720 |
Le président |
M. Mark Eyking |
M. Bill Dymond |
» | 1725 |
M. Mark Eyking |
M. Peter Clark |
M. Mark Eyking |
M. Peter Clark |
» | 1730 |
Le président |
M. Bergeron |
M. Mark Eyking |
Le président |
M. Bergeron |
» | 1735 |
Le président |
M. Bruce Campbell |
» | 1740 |
Le président |
M. Bill Dymond |
Le président |
M. Bergeron |
» | 1745 |
M. Bill Dymond |
Le président |
M. Peter Clark |
» | 1750 |
Le président |
M. Bruce Campbell |
» | 1755 |
Le président |
M. Pat O'Brien |
M. Bruce Campbell |
M. Pat O'Brien |
Le président |
M. O'Brien |
Le président |
M. Bergeron |
Le président |
CANADA
Sous-comité du commerce international, des différends commerciaux et des investissements internationaux du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international |
|
l |
|
l |
|
Témoignages du comité
Le jeudi 31 janvier 2002
[Enregistrement électronique]
¹ (1540)
[Traduction]
Le président (M. Mac Harb (Ottawa-Centre, Lib.)): Bon après-midi. La séance est ouverte.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, le comité évalue les enjeux des négociations de l'OMC d'un point de vue canadien.
Nous accueillons aujourd'hui un groupe éminent de citoyens spécialisés dans le domaine, en commençant par M. Bruce Campbell, directeur exécutif du Centre canadien de politiques alternatives. Du Centre des politiques commerciales et des lois, nous accueillons M. Bill Dymond, directeur exécutif. Du Centre de droit et de politique commerciale de l'université Carlerton, nous accueillons M. William Miner, premier agrégé. Enfin, nous accueillons M. Peter Clark, président de Grey, Clark, Shih and Associates Limited.
Nous amorcerons la discussion avec de brèves remarques préliminaires, puis nous passerons à un échange entre mes collègues et vous, et entre vous-mêmes. Si, pour une raison quelconque, M. Clark dit quelque chose et M. Dymond est d'une opinion différente, n'hésitez pas à intervenir. Je tiens à le préciser parce que les délibérations sont enregistrées et diffusées à la radio, le procès-verbal de cette réunion sera suivi de très près par nos administrateurs, ainsi que mes collègues. Donc, même si nous ne sommes que trois membres du comité présents, il y a énormément de gens qui vont prendre connaissance de ce que vous avez à nous dire.
Nous voulons entendre vos sages propos, nous voulons connaître les gestes concrets et précis que, selon vous, le Canada devrait ou ne devrait pas poser, nous voulons connaître vos pensées, nous voulons entendre tout ce que vous avez à dire sur la question.
Bien qu'un membre de l'opposition doit être présent pour la tenue juste et équitable de nos délibérations, je prends la décision d'aller de l'avant.
Monsieur Campbell, vous avez la parole.
M. Bruce Campbell (directeur exécutif, Centre canadien de politiques alternatives): Merci beaucoup, monsieur le président. Merci de m'avoir invité aujourd'hui.
Je devrais préciser d'emblée que je ne suis pas le spécialiste, mais celui qui devait être ici à ma place, l'agent principal de la recherche commerciale, Scott Sinclair, n'est pas disponible, puisqu'il est à l'extérieur du pays. Je suis donc son remplaçant. Heureusement, je peux vous donner un assez bon aperçu de certaines de nos préoccupations, de ce que nous faisons en rapport avec les questions commerciales. Je crois comprendre que dans la première partie de la séance, on parlera de l'OMC, puis dans la deuxième, de l'ALENA-ALEA.
La plus grande partie de nos travaux se fait dans le cadre du Groupe de recherche sur les investissements et le commerce, qui est un groupe que nous coordonnons à l'interne. Il réunit des chercheurs des ONG d'un vaste spectre de la société civile. Il compte des participants de plusieurs organismes de recherches stratégiques. On y retrouve également des universitaires. Il compte environ 30 membres en tout. C'est probablement le principal centre, certainement un des principaux centres, d'analyse et de recherche critiques de la société civile des accords sur les investissements et le commerce. Je vais remettre au comité une liste des publications récentes et à venir de façon à ce que vous puissiez avoir une idée de ce que nous avons fait et prévoyons faire dans les mois à venir.
Mes propos liminaires porteront aujourd'hui sur l'AGCS, l'accord sur les services. C'est à cet égard que nous avons de grandes préoccupations, tant dans sa forme actuelle que par rapport au cycle de négociations qui s'est amorcé l'année dernière et qui devrait conclure ses travaux avec le cycle lui-même au début de 2005.
La menace à l'endroit des services publics constitue notre principale préoccupation. L'AGCS porte sur les services, les services en général—évidemment, la plus grande partie d'une économie se compose de services—de sorte qu'il s'agit d'un secteur des plus importants. Cependant, dans ce vaste domaine, ce sont aux services publics que nous avons consacré la plus grande partie de notre énergie et de notre intérêt. Nous parlons ici de toute la gamme des services publics, la menace à l'éducation, aux soins de santé, à un éventail de services sociaux, à la gestion de l'eau, etc.
La menace concernant la réglementation nationale dans l'intérêt public serait un autre élément. C'est un domaine qui, selon nous, mérite un examen très attentif. L'accord couvre de toute évidence les règlements nationaux. Il y a d'ailleurs des négociations en cours.
Les répercussions de l'AGCS pour la démocratie sont une préoccupation, en raison de l'enchâssement de la privatisation de la commercialisation. Une fois que ces aspects sont réglés, une fois qu'ils sont enchâssés, on ne peut plus y revenir, on ne peut plus les défaire. C'est la nature de l'AGCS, la constante pression à sens unique vers la privatisation et la commercialisation. On ne peut donc pas prendre de décisions efficaces pour l'avenir, ou si on le fait, elles sont très coûteuses. Il y a d'importants freins à l'inversion du processus dans le cas d'un service qui est privatisé et qui aboutit à un fiasco.
L'autre aspect concernant la démocratie, c'est le fait que des décisions sont prises par des groupes d'experts qui travaillent très loin, et en secret. Ces groupes d'experts peuvent en réalité modifier la politique gouvernementale de sorte que c'est une préoccupation pour nous.
¹ (1545)
Il y a une soi-disant exemption touchant les services publics. Nous entendons beaucoup parler de cette exemption et il y a de grandes déclarations faites à son sujet, mais à notre avis, elle comporte de sérieux problèmes et on devrait l'examiner très attentivement. Votre comité, dans le cadre de ses travaux au cours de l'année qui vient, pourrait vouloir se concentrer sur cette exemption dans l'exercice de l'autorité gouvernementale, car si elle est interprétée de façon étroite, elle n'inclut pas, à notre avis, un grand nombre de services publics. Personne n'a encore dit de façon définitive ce qu'elle inclurait. Il y a bien eu une déclaration selon laquelle la Banque du Canada pourrait peut-être être visée par cette exemption, mais à part cela, la plupart de nos grands services publics se retrouvent dans un environnement mixte de prestation ou de finances privées et publiques, souvent en concurrence avec des intérêts privés. L'exemption est donc un domaine qui, selon nous, constituerait un point faible important. Il y a des correctifs possibles. Vous pourriez vouloir en examiner quelques-uns.
Nous croyons également qu'il est nécessaire de tenir un examen complet du cadre réglementaire du Canada et de la façon qu'il pourrait être touché par les négociations en cours sur les règlements nationaux. Comme vous le savez, il y a une période de demande et d'offre au cours de l'année qui vient. Je pense que le délai concernant la demande est juin, et celui pour les premières offres est mars 2003. Nous ne pensons pas que le gouvernement devrait s'engager dans les domaines de l'éducation, des soins de santé, des services sociaux, de l'eau et d'un éventail de services publics essentiels. Il devrait saisir toutes les occasions pour protéger ces services des engagements pris en vertu de l'AGCS.
En ce qui concerne les soins de santé, nous pensons qu'il est nécessaire de procéder à une évaluation complète des répercussions sur la santé de nos engagements actuels dans le cadre de l'AGCS. Un de nos auteurs, dans une étude publiée il y a environ sept ou huit mois, a constaté que les négociateurs en 1994 avaient inclus l'assurance maladie dans les engagements. C'est donc un véritable problème. La défense a ce sujet n'est pas très convaincante d'après ce que nous avons vu. C'est un autre domaine sur lequel vous pourriez vouloir axer vos travaux. Je ne sais pas si cela relève de votre mandat ou du mandat du Comité de la santé, mais c'est certainement une question de la plus grande importance pour les Canadiennes et les Canadiens, et le gouvernement devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger notre système de soins de santé des règles de l'AGCS.
Il y a eu un manque de lien dans la position du gouvernement en ce qui concerne les services exportés, y compris les services de santé, car c'est un important stimulant de la commercialisation, pour que les autres pays ouvrent leurs marchés à nos exportateurs de soins de santé. Par ailleurs, on dit que le système de soins de santé national ne sera pas ouvert aux prestateurs de soins de santé étrangers. Voilà des contradictions intéressantes.
Je pense que je vais m'en tenir à cela.
¹ (1550)
Le président: Merci beaucoup.
Comme vous l'avez fait savoir, monsieur Campbell, nous examinons les deux aspects, l'ALENA et l'OMC. Vous pourriez peut-être tous formuler vos observations sur les deux aspects de sorte que nous n'aurons pas à attendre à 17 heures ou 17 h 30 pour amorcer cette discussion, d'autant plus que ce sont les mêmes témoins qui traitent des deux questions.
Ceci dit, je cède la parole à M. Bill Dymond.
¹ (1555)
M. Bill Dymond (directeur exécutif, Centre des politiques commerciales et des lois): Merci, monsieur le président. Je remercie le comité de nous donner l'occasion de présenter quelques observations au sujet de Doha, et je parlerai en même temps de l'ALENA comme vous le suggérez. J'ai eu le privilège d'assister à la conférence ministérielle qui s'est tenue à Doha, en votre compagnie et celle de plusieurs autres députés et de mon bon ami Peter Clark.
J'aimerais traiter plus particulièrement de deux points; tout d'abord, les différences importantes entre le présent cycle et les cycles précédents, puis, les répercussions pour le Canada. Je pense qu'il y a quatre grandes différences qui auront une incidence sur la politique canadienne et la façon dont le Canada gère ce processus dans les années à venir.
Premièrement, si vous comparez le lancement du présent cycle à ce qui s'est passé auparavant, le contraste est tranchant. Les cycles précédents complets dans le système du GATT, le système multilatéral, le Kennedy Round des années 60, le Tokyo Round des années 70, l'Uruguay Round des années 80 et 90, tous ces cycles ont été amorcés par des déclarations ministérielles complètes qui indiquaient ce sur quoi portaient les négociations, qui essayaient de déterminer les modalités et les limites de ce qui faisait l'objet des négociations. À Doha, vous voyez vraiment un mélange. Vous avez vu des éléments de négociations, des éléments de la poursuite d'un programme de travaux sans engagement, des éléments pour lesquels une négociation doit avoir lieu après le prochain cycle de la conférence ministérielle, des éléments pour lesquels il y a un mélange. Par exemple, l'aspect du commerce et de l'environnement comporte une partie sur laquelle des négociations doivent avoir lieu et une autre partie sur laquelle des études doivent se poursuivre. Nous ne sommes donc pas en présence d'un lancement complet. Nous avons un programme de travaux accélérés comportant des éléments de négociations, notamment deux, l'agriculture et les services, qui ont en effet eu lieu officiellement il y a presque deux ans. Voilà pour la première grande différence.
La deuxième différence est que lors des cycles précédents, nous parlions de libéralisation du commerce. La grande partie de ce que nous disons de nos jours sur l'OMC porte sur la libéralisation du commerce. Ceux qui s'y opposent, par exemple, mon ami M. Campbell, et ceux qui sont en faveur utilisent souvent le langage de la libéralisation du commerce, l'élimination des obstacles au commerce international. Ce n'est plus ce que nous faisons. Pour le Canada, le programme de libéralisation du commerce est essentiellement terminé, à l'exception de quelques domaines, dont certains aspects de l'agriculture. Mais maintenant que les tarifs entre les pays industrialisés varient de 2 à 5 p. 100, ils sont essentiellement à un niveau de nuisance. Il y a quelques pointes qui seront utiles d'obtenir. Pour aller de l'avant dans le cadre du présent cycle avec la même notion que nous avions auparavant, à savoir que notre tâche est d'éliminer les obstacles au commerce mondial, je pense que c'est une erreur, et c'est une erreur qui nous mènerait sur la piste de politiques inutiles.
De quoi parlons-nous? Nous parlons de réglementation du commerce. Nous parlons de définir l'interface entre l'économie privée et la gouvernance nationale et mondiale. Essentiellement, c'est ce sur quoi porte l'accord sur les services, essentiellement ce dont traite un accord sur la propriété intellectuelle, essentiellement ce dont traitera un accord sur les investissements. Il serait donc sage de commencer à penser, au lieu de libéralisation du commerce, particulièrement quand nous songeons aux répercussions pour le Canada, de parler de réglementation du commerce et des conséquences pour la gouvernance nationale et nos propres ambitions au Canada pour des systèmes plus cohérents et intégrés de gouvernance mondiale.
La troisième différence est le développement. Les cycles précédents—je pense en particulier au Kennedy Round et à l'Uruguay Round—comportaient plusieurs références dans leurs documents de lancement au développement: nous allons aider au développement des pays en voie de développement grâce à ce cycle. Ils étaient plus rituels que réels. Pourquoi? Parce que dans les cycles précédents, les pays en voie de développement n'étaient pas en réalité très intéressés. Ils avaient des économies fondées sur un ancien modèle de remplacement des importations et sur les principes de commande et contrôle. Donc ils n'étaient pas très intéressés, et ils avaient tout à gagner de la libéralisation classique du commerce, en vertu de la règle de la nation la plus favorisée. Tous les aspects sur lesquels le Canada et l'Europe pouvaient s'entendre en ce qui concerne la réduction des tarifs et des obstacles au commerce allaient profiter automatiquement aux pays en voie de développement.
Il est maintenant évident que l'on va s'attendre à ce que nous nous exécutions. Les pays en voie de développement ont de grands enjeux au programme. La plupart de ces enjeux relèvent de ce que j'appelle l'ancien programme, les textiles, les vêtements, l'agriculture, des sujets très sensibles, des secteurs très sensibles dans notre pays et dans d'autres, et nous ne serons plus en mesure de nous en sortir avec un résultat qui en fin de compte ne tient pas compte des intérêts des pays en voie de développement. Ils ont à toutes fins pratiques le pouvoir pour arrêter le progrès, et il n'y a pas un consensus suffisant entre les pays industrialisés pour aller de l'avant sans eux.
Le quatrième aspect—et dans ce cas-ci je dois faire part d'un conflit—est l'accent mis sur l'aide technique. C'est l'une des choses que nous faisons au centre, et je tenais à ce que le comité le sache. Il y a au moins dix paragraphes dans la déclaration ministérielle de 53 paragraphes qui portent sur l'aide technique. Ici encore—et c'est certainement le point de vue du ministère, d'après ce que je crois comprendre—c'est un secteur où le Canada et d'autres pays industrialisés devront s'exécuter. Des engagements ont été pris lors de la conclusion de l'Uruguay Round à Marrakesh, et on n'y a pas donné suite. Il faudra donc faire beaucoup plus. La bonne nouvelle, c'est que cela ne coûte pas beaucoup comparativement aux autres domaines de l'aide technique ou de l'aide au développement. Ce n'est vraiment pas très dispendieux à donner, mais on pourrait gaspiller des sommes faramineuses si nous ne présentons pas un plan cohérent de ce que nous faisons.
Donc, l'aide technique et le développement forment ensemble un grand enjeu de reddition de comptes, et dans deux ans d'ici, lorsque votre comité examinera peut-être les résultats de la cinquième conférence ministérielle, le rendement du Canada et d'autres pays à l'égard de ces deux domaines jouera un rôle critique dans le résultat.
Un deuxième point dont il faut parler porte sur les répercussions pour le Canada. Vous vous rappellerez à quel point j'ai insisté sur l'établissement de règles, sur la réglementation du commerce. Ce n'est pas nouveau de la part du Canada. Cela relève totalement de la tradition de la diplomatie pearsonienne que nous mettons en oeuvre depuis la fin de la guerre, alors que nous avons délaissé la position d'un pays hésitant, isolationniste, pour jouer un rôle où nous allions prendre le leadership. Je me demande s'il existe un pays dans le monde qui n'a pas eu à faire face à une proposition par le Canada d'une règle sur quelque chose. En fait, nous sommes les grands Rotariens du monde. Nous embarquons dans tout. Nous proposons des règles sur tout. Dans son allocution devant l'Assemblée générale en novembre, le ministre Manley a dressé une longue liste des domaines pour lesquels de nouvelles règles devraient être prises. Pour cela, vous avez besoin d'idées, et une idée importante est l'état de préparation du Canada, dont nous avons toujours fait preuve, à échanger notre souveraineté, à échanger notre droit de gouvernement national en retour d'un résultat plus large, de contrôle et de limite sur le comportement des autres. Doha appartient vraiment à cette tradition.
La deuxième répercussion pour le Canada, c'est qu'un nouveau cycle nous donne l'occasion de réaliser des gains que l'on ne peut obtenir par des relations bilatérales, par exemple, avec les États-Unis ou régionalement. Il est plus particulièrement question d'agriculture, et je laisserai mon ami Bill Miner en parler. Un autre domaine est celui du dumping et la loi prévoyant des recours en matière de commerce. Il est peut-être possible, au niveau bilatéral ou trilatéral avec les États-Unis, de faire des progrès à ce sujet. Personnellement, j'en doute. Je pense que la plus grande occasion de progresser, d'obtenir des limites supérieures à l'égard des gestes arbitraires et capricieux des États-Unis, réside dans la collaboration avec les autres et dans la création de coalitions. Ces coalitions ne sont vraiment disponibles multilatéralement qu'au sein de l'OMC. La politique sur la concurrence et la politique sur les investissements, l'enjeu étant de gérer une économie mondiale par un système de concurrence national, est un autre domaine qui me semble mûr pour la négociation multilatérale.
La troisième répercussion pour le Canada —et j'en ai déjà dit quelques mots—est le défi du développement. Il faudra prendre des décisions difficiles dans des secteurs sensibles où il y a beaucoup d'emplois, des questions difficiles d'ajustement. Les pays en voie de développement ont un avantage comparatif dans plusieurs domaines. L'un d'entre eux est la disponibilité d'une main-d'oeuvre peu dispendieuse pour produire des articles de technologie courante. Ils vont s'attendre à ce que nous quittions ces secteurs en réduisant nos obstacles au commerce et leur faisions de la place. Ce sera un défi très important de développement.
Enfin, nous devons voir Doha après Seattle. Seattle a été un échec. Seattle a paralysé le système de commerce multilatéral. Nous avons maintenant rétabli un rythme de négociation, un climat de négociation pour régler nos problèmes. Nous avons ouvert la porte, je pense, à Doha pour que les États-Unis prennent les dernières mesures et obtiennent le pouvoir de négocier en accéléré, ce qui est utile non seulement à Doha, mais pour un certain nombre de nos objectifs régionaux et bilatéraux. Donc nous avons repris la progression. On ne peut en tirer que du bon, mais c'est un effort à long terme. La déclaration de Doha dit que nous allons terminer en 2005. Si quelqu'un y croit, je peux lui vendre un pont à un très bon prix. Cela va prendre beaucoup de temps.
º (1600)
Je vais parler brièvement de la ZLEA. Cette zone est intéressante pour le Canada d'un certain nombre de points de vue. Tout d'abord, personne ne peut douter de l'intérêt manifesté par le gouvernement envers la zone au Sommet des Amériques. L'engagement politique du premier ministre, l'engagement des ministères envers le processus, les négociations auxiliaires avec le Costa Rica et des pays d'Amérique centrale ne laissent planer aucun doute sur la position du gouvernement.
Qu'est-ce que cela signifie? À mon avis, cela signifie que nous commençons à résoudre la crise d'identité que nous avons au Canada. Nous commençons à reconnaître que nous sommes, en fait, une nation des Amériques, avec des droits et des responsabilités dans les Amériques, responsabilités que, jusqu'à il n'y a pas si longtemps, nous refusions d'assumer. Nous le faisions, en partie, parce que nous cherchions vainement à acquérir une identité Atlantique, une identité Pacifique, une identité Arctique. Je crois que nous savons maintenant qui nous sommes. Tout le processus des sommets, dont la clé de voûte doit être l'ALEA, comporte d'importantes implications géopolitiques.
Qu'est-ce que l'ALEA? C'est en partie un processus éducatif. Vous vous rappellerez que cinq pays des Amériques, dont le Canada et les États-Unis, ont été des membres fondateurs du système commercial multilatéral. Ils en font maintenant tous partie, mais ce n'est que récemment que ces pays ont accepté d'appliquer les règles du commerce multilatéral aux politiques intérieures. Pendant longtemps, ils ont essayé de ne pas ouvrir leurs marchés. Ils ont appliqué des politiques de remplacement des importations. Ils ont utilisé toutes les échappatoires que leur offraient les règles du commerce multilatéral, en fait, pour se décharger de toute obligation. Le Mexique, qui est maintenant notre principal partenaire dans la région, ne s'est joint au système de commerce multilatéral qu'en 1986.
Pour qu'il ait un sens, l'ALEA doit être plus que l'OMC. Autrement, il n'y a pas lieu d'aller de l'avant, parce que disposer d'un accord commercial régional qui copie ce qu'on trouve à l'OMC ne sera avantageux pour aucune des parties aux négociations. Bien des pays de la région ont déjà énormément de mal à respecter les obligations découlant de l'Uruguay Round qu'ils ont contractées à l'OMC. La Doha pose un nouveau défi. Je crois qu'on peut raisonnablement se demander si, en fait, nous en arriverons à un accord, mais cela est moins important que de faire participer ces pays au système de commerce multilatéral, de les faire profiter de l'éducation et de la formation que nous pouvons fournir, des exemples que nous pouvons donner des avantages qui découlent de l'adhésion à un système de règles.
L'ALEA mérite qu'on l'appuie. Nous ne devrions pas nous bercer d'illusions et nous demander si on aboutira ultimement à un accord; nous devrions regarder au-delà de l'aspect formel des procédures et nous concentrer sur les avantages réels.
Merci, monsieur le président.
º (1605)
Le président: Merci.
Monsieur Miner.
M. William Miner (associé principal, Centre des politiques de commerce et de droit, Carleton University): Merci, monsieur le président. J'aimerais vous remercier de votre invitation.
Je suis heureux d'aider le sous-comité dans son examen de l'Accord de libre-échange des Amériques et de l'OMC. Mes observations porteront sur les aspects agroalimentaires de ces deux négociations, étant donné qu'à mes yeux elles sont complémentaires et que les intérêts canadiens peuvent être promus plus efficacement si nous élaborons nos stratégies de négociation sur une base tant multilatérale que régionale.
M. Dymond a mentionné qu'à l'OMC on se concentre peut-être moins sur la libéralisation des échanges et davantage sur l'ajustement des politiques. En agriculture—et il l'a fait remarquer—il y a des exceptions. À mon avis, à la dernière ronde de négociations à l'OMC, on a entamé le processus de libéralisation des échanges dans le secteur agroalimentaire, mais on a reconnu que c'était un petit pas en avant et qu'il fallait continuer. En fait, il était question dans l'accord d'un tel engagement, ce qui montre bien qu'il reste du travail à faire dans le secteur agroalimentaire.
Il est maintenant largement admis que le secteur agroalimentaire canadien doit livrer concurrence sur le marché continental pour maintenir sa croissance et prendre de l'expansion. C'est déjà vrai pour les céréales et les oléagineux, pour les viandes rouges, pour la plupart des fruits et légumes ainsi que pour la majorité des produits alimentaires transformés. Ce l'est moins pour la volaille et les produits laitiers, même si ces secteurs s'ajustent graduellement de façon à opérer à l'échelle du continent. Le sucre, je crois, fait encore exception, mais cela, bien entendu, est attribuable aux politiques américaines envers ce produit.
Au fur et à mesure que les marchés nationaux deviendront plus étroitement liés et qu'une plus grande part du commerce agricole se retrouvera dans les produits transformés et les composants alimentaires de plus grande valeur, les avantages d'une zone de libre-échange assujettie à des règles compatibles et à des normes harmonisées deviendront de plus en plus manifestes, à mon avis, pour tous les pays de l'hémisphère occidental. En fait, elle ouvrira certaines possibilités, peut-être modestes en termes commerciaux, pour le Canada, mais néanmoins importantes, surtout étant donné que cette négociation peut influer sur la façon dont les discussions progressent à l'OMC. Mais elle risque peu, à mon avis, de devenir pleinement opérationnelle tant que les questions de subventions et les mesures de protection commerciales d'urgence, comme les lois régissant le dumping et les droits compensateurs, ne seront pas soumises à une plus grande discipline internationale.
Comme les membres du comité le savent sans aucun doute, l'ampleur des subventions versées par les Américains à leurs producteurs, d'une part, leurs menaces persistantes et les mesures qu'ils prennent contre les importations de produits de base représentent un grave problème pour les agriculteurs canadiens. De concert avec les autres pays du groupe CANZ, le Canada cherche non seulement à obtenir l'élimination des subventions à l'exportation et la réduction ou la suppression des mesures de soutien qui faussent les échanges sous diverses formes à l'OMC, mais également la suppression des contraintes au niveau plus général du soutien agricole. Cela traduit le fait, à mon avis, que l'octroi de subventions dans le secteur, dans une certaine mesure du moins, influe sur le niveau de production et, par voie de conséquence, le commerce. En fait, le Brésil s'oppose aux négociations à l'une ou l'autre tribune tant que les Américains n'accepteront pas de négocier non seulement un accès amélioré, mais des limites au soutien agricole. Les pays en développement exigent que les lois antidumping soient respectées. Nous partageons leurs préoccupations dans une certaine mesure. Pour prix pratiquement de leur pleine participation à la ronde, ils demandent bien entendu un plus grand accès.
Ces questions principalement d'ordre multilatéral n'ont pas besoin d'être étudiées à l'OMC. Certaines barrières commerciales peuvent faire l'objet de négociations au niveau régional, mais il faudra des engagements et des règles au niveau multilatéral, à mon avis, pour résoudre les questions politiques de base.
Dans le contexte de l'ALEA, on peut accomplir des progrès dans les domaines de l'accès aux marchés, des normes techniques et alimentaires, des règles d'investissement et des procédures douanières, mais bon nombre des problèmes commerciaux plus épineux sont d'ordre planétaire. L'inévitable conclusion, à mon sens, c'est que le Canada doit élaborer ses stratégies et défendre ses intérêts,dans le secteur de l'agroalimentaire du moins, tant à l'échelle régionale que par le biais de l'OMC. À voir les questions spécifiques en jeu, cela devient de plus en plus évident, à mon avis.
º (1610)
Des négociations à l'OMC concernant l'accès aux marchés sont nécessaires si nous voulons enregistrer des gains dans les marchés clés de l'Asie, du Moyen-Orient et de l'Europe, qui sont importants pour le secteur agroalimentaire. Par exemple, seules des négociations multilatérales peuvent réussir à libéraliser le commerce des produits du sucre. L'accès à la plupart des produits transformés peut être facilité par le biais des négociations de l'ALEA, ce qui incitera les pays tiers à aller plus loin à l'OMC. Elles devraient donc avoir un effet positif à cet égard. Un accord de libre-échange des Amériques peut également contribuer à aider les pays à refaçonner leur secteur agroalimentaire pour leur permettre de mieux livrer concurrence dans la région et au niveau international.
Concernant les subventions à l'exportation, même si les pays de la ZLEA pouvaient convenir de les abolir pour ce qui est de leur commerce mutuel, le véritable problème se situe au niveau des subventions à l'exportation américaines. Les travaux de l'OMC aboutiront vraisemblablement à l'imposition de règles concernant le commerce d'État et les crédits à l'exportation, mais je crois que ces questions seront soulevées au cours des pourparlers sur une ZLEA de toute façon.
Du côté du soutien interne, tous les pays de la ZLEA exigeront que les États-Unis limitent leurs subventions à leur agriculture. Même si le Congrès américain est prêt à se soumettre en grande partie à cet égard aux règles internationales, l'administration insistera pour que l'Union européenne et d'autres pays, comme le Canada, prennent le même engagement. Pour ce qui est de limiter le soutien interne, il faudra des négociations à l'OMC pour véritablement progresser.
Pour ce qui est des règles sanitaires et techniques, je crois que l'ALEA peut faire davantage en ne cherchant pas simplement à améliorer les conditions du commerce, mais en aidant chacun des pays de l'hémisphère à s'adapter aux nécessités du commerce contemporain. Des progrès utiles peuvent être accomplis à cet égard, je crois, sur une base régionale.
Nous sommes aujourd'hui plus conscients que jamais de la nécessité d'améliorer et de faciliter l'administration douanière et le contrôle à la frontière pour la circulation des biens et services. Comme l'a démontré l'Uruguay Round, des accords régionaux peuvent paver la voie à l'OMC, où des règles multilatérales renforcées sont également souhaitables.
En ce qui concerne la protection des importations, l'application de droits antidumping et de droits compensateurs peut-être limitée à la région, à mon avis, mais c'est un domaine difficile et sensible. Il est peu probable que l'administration américaine accepte de se plier à des règles exécutoires à cet égard dans l'hémisphère, si elle n'obtient pas le même engagement de la part d'autres grands pays commerçants.
À mon sens, il est encourageant de constater que des progrès sont accomplis au cours de ces deux négociations, mais il est trop tôt pour se prononcer sur une issue possible. Les négociations commerciales représentent une partie, à mon avis, de la réaction des gouvernements aux tendances actuelles d'intégration sociale et économique, qui sont attribuables principalement aux changements qui interviennent dans la technologie, les coûts des consommateurs et les styles de vie. Même si les récentes préoccupations au sujet de la sécurité nationale et de la circulation des biens, des services et des gens aux frontières risquent de ralentir la libéralisation du commerce, on tend essentiellement vers une plus grande liberté commerciale, et l'intégration des économies se poursuivra vraisemblablement. J'ai donc confiance que le secteur agroalimentaire canadien sortira gagnant des négociations tant à l'OMC que de la ZLEA.
Merci.
Le président: Merci.
Nous entendrons maintenant M. Peter Clark.
M. Peter Clark (président, Grey, Clark, Shih and Associates Limited): Merci, monsieur le président.
J'ai été très heureux de voir les ministres assemblés à Doha s'entendre pour remettre sur les rails le système de commerce multilatéral, parce qu'il risquait le déraillement si nous obtenions un autre résultat comme celui à Seattle. Il est très difficile de parler après des experts comme ceux qui m'ont précédé, mais j'aimerais aborder un certain nombre d'aspects de votre travail qui me rappellent nos discussions quand l'ambassadeur Marchi se préparait en vue des consultations à l'OMC il y a quelque temps—c'était, bien entendu, avant Seattle. À l'époque, nous avions parlé à de nombreuses reprises de l'importance de nouvelles discussions à l'OMC pour les pays en voie de développement. Le besoin est toujours là, mais ce qui a changé c'est que les pays en développement ont persuadé davantage de gens, davantage de pays, davantage de ministres, et en général ont persuadé les gens qui comptent, qu'il faut remédier à leur situation. Leurs problèmes tiennent au fait que les obligations sont les mêmes pour tous alors qu'il n'en va pas de même des capacités d'assumer les obligations, voire de mettre sur pied les systèmes nécessaires pour les respecter, ce qui nous mènera, au fil de notre discussion, à la question de l'assistance technique, du renforcement des capacités, quel que soit le mot à la mode cette semaine.
J'ai été très impressionné par la participation canadienne à Doha à cet égard. Le président de l'ACDI, un fonctionnaire qui s'est illustré au cours de sa carrière dans un certain nombre de domaines, Len Good, y était. Pendant que le ministre Pettigrew ne cessait de blaguer, disant qu'il fallait sortir son carnet de chèques vu le manque d'argent, il participait très activement. Pendant notre court séjour, il s'est retrouvé en train d'écrire des communiqués, il est devenu un intoxiqué du commerce—sans vouloir manquer de respect, bien entendu, à M. Good. Il s'est dévoué corps et âme, et il a été très utile au processus.
Nous offrons une assistance technique d'une manière légèrement différente de celle du Centre, mais nous fonctionnons tous les deux de la même manière. Nous ne construisons pas de Rolls-Royce pour ces pays, parce qu'ils ne peuvent pas les utiliser. Nous leur construisons des cyclomoteurs, des Chevy, parce qu'ils ne peuvent tout simplement pas se permettre le reste. Il ne sert à rien de dépenser 2 millions de dollars par le biais de la Banque mondiale ou par le biais de quelqu'un d'autre pour édifier un système antidumping pour la Jamaïque qui nécessite 120 personnes pour l'administrer, parce qu'elle n'a même pas les moyens d'en payer trois. Ce que nous faisons mon ami M. Dymond et moi vise à permettre à ces gens de fonctionner avec des systèmes qu'ils peuvent utiliser. C'est de cela qu'ils ont besoin. Ils ont besoin de conseils vraiment pratiques, ils n'ont pas besoin de conseils théoriques ou que nous leur disions, ce sont là nos lois, adaptez-vous. Ils n'ont pas les ressources, ils n'ont pas les institutions, n'ont pas la mémoire, n'ont pas l'expérience. Mais ils doivent avoir ces choses et ils doivent les utiliser.
L'autre aspect intéressant de votre travail c'est que votre comité n'est pas normalement perçu de l'extérieur comme un comité de l'agriculture. Hier, j'ai assisté à votre première séance et il a été beaucoup question de l'agriculture, et quand j'ai lu votre mandat, j'ai constaté qu'il était général.
Nous travaillons de temps en temps avec des provinces. J'ai une entreprise à l'île-du-Prince-Édouard—et cela rejoint la ZLEA et va plus loin—qui s'occupe de pommes de terre. Les gens appliquent ces supposées mesures phytosanitaires et imposent un blocus aux pommes de terre et on se retrouve avec des montagnes de pommes de terre sur l'île en train de pourrir. Avec la jolie terre rouge qu'on y trouve, on n'a pas besoin d'autant de compost. Nous n'avons pas besoin de cela.
Nous avons des problèmes avec des poursuites bidons entamées contre eux pour des moules, une espèce de moules, plutôt que toutes les moules. Il existe des centaines de sortes de moules, mais ils ont entamé une poursuite contre eux au sujet des moules.
Nous travaillons avec la Saskatchewan où les gens éprouvent des inquiétudes au sujet du blé, de la potasse, du principe de précaution appliqué à l'utilisation de l'uranium. Nous sommes le plus grand producteur d'uranium au monde, le moins coûteux, et pourtant nous devons nous occuper de toutes ces questions, du principe de précaution. Nous avons besoin de règles fondées sur la science. Le principe de précaution se défend, on ne devrait pas prendre de risques, mais il doit y avoir un quelconque système fondé sur la science.
º (1615)
Je veux en venir à ceci: Pourquoi les provinces ne sont-elles pas ici? C'est la première série de consultations. Il existe, au sein de la bureaucratie, un mécanisme pour les consultations avec les provinces qui donne d'excellents résultats, mais je crois que celles-ci devraient également être ouvertes aux hommes politiques.
La Commission canadienne du blé se fait constamment taper dessus par un sénateur après l'autre des États du nord des États-Unis. Pourquoi ne parlez-vous pas à la Commission canadienne du blé? Pourquoi n'invitez-vous pas ses représentants à venir vous rencontrer pour discuter?
C'est à ce genre de choses que nous en arrivons. Comme Bill l'a dit, il s'agit d'un genre différent de négociation et, à mon avis, étant donné que c'est une série de mise en forme, nous allons tout faire et nous devrions tout faire pour rétablir l'équilibre, mais il y a dans ce contexte des questions à caractère micro-économique que seules les personnes expressément concernées peuvent vous expliquer. Nous serions heureux de corriger cela, mais il faudrait prendre des mesures. La semaine dernière, j'ai rencontré l'ambassadeur de la République dominicaine—il était avec un de mes amis quand je l'ai rencontré par hasard—et il m'a dit que son pays aimerait avoir un accord de libre-échange avec le Canada. Je lui ai dit que nous négocierions un tel accord avec quiconque en ferait la demande ou manifesterait un intérêt. Cela dit, il y a cependant peut-être aussi un certain nombre de problèmes à régler.
Il y a des années que je m'entretiens avec votre comité sur un vaste éventail de questions, et j'aime la façon dont vous menez un débat. C'est un débat amical avec toutes les parties prenantes. Il vous faut vous poser d'autres questions et des questions qui ne sont pas traditionnelles. Hier, vous avez siégé et vous avez dit que vous ne pouviez pas faire cela à cause de l'industrie du textile et du vêtement. Pourquoi pas? Je connais bien cette industrie. Mon premier emploi au ministère du Revenu national a consisté à mener des enquêtes antidumping sur le vêtement et le textile. J'ai ensuite été négociateur pour le textile au ministère des Finances. Puis je suis allé à Genève. J'y étais avec M. Dymond et j'ai été l'un des négociateurs qui ont mis au point l'accord multifibres. J'ai présidé l'association de l'industrie du vêtement. Cela a duré quarante ans. Nous ne pouvons pas simplement dire que nous ne pouvons pas le faire. Nous devons regarder toute la situation d'un oeil neuf.
La ZLEA est, à mon avis, un exercice beaucoup plus à long terme. Nous devrions nous faire entendre à l'OMC avant d'y accorder trop de priorité. Je crois qu'une entente entre le Canada et les pays du MERCOSUR serait une bonne idée si nous pouvions parvenir à en conclure une. Regardez de quelle façon s'y prennent les Mexicains. Les Mexicains négocient avec les gens et ils ne se concentrent pas sur ce qui ne peut pas être fait; ils se concentrent sur ce qui peut l'être et mettent les difficultés de côté. Puis, au fur et à mesure que la relation s'établit, ce qui semblait impossible devient difficile, puis gérable. Je crois que c'est quelque chose que nous devons essayer d'étudier. Si nous attendons pour conclure une entente avec les pays du MERCOSUR, nous allons également devoir nous occuper de la rivalité dans la ZLEA entre le Mexique et le Brésil, ce qui ne sera pas facile. Nous avons le Mexique, le Costa Rica, nous traitons avec d'autres pays de cette région, nous regardons du côté de CARIBCAN. Pourquoi ne pas nous intéresser au MERCOSUR, puisque nous ne représentons pas pour ces pays une menace au même titre que les Américains? Nous devrions peut-être en tirer parti. Nous étions déjà au Chili et les Américains font du rattrapage. Nous y sommes présents. Il y a un avantage à être premier. C'est comme sortir un nouveau produit. Si vous le sortez le premier, les autres doivent faire du rattrapage. N'en faisons pas. Concentrons-nous et voyons dans quelle direction les gens veulent se diriger.
Les questions antidumping font l'objet de beaucoup de discussions. Dans un livre que j'ai rédigé pour l'association de M. Dymond en collaboration avec un certain nombre d'autres personnes, j'ai déclaré qu'il n'existe aucun bon système antidumping, et que certains sont pires et qu'à cet égard, le Canada et les États-Unis se retrouvent en gros dans la même ligue. Un de nos problèmes, c'est que nous avons toujours traité la question antidumping comme une loi fiscale, si bien que nous avons la même mentalité que les gens qui administrent la Loi de l'impôt sur le revenu, ce qu'on ne peut vraiment pas faire quand il s'agit d'un instrument commercial international. Nous devons changer notre stratégie à cet égard. Nous faisons des choses ridicules. En cas de différends, nous passons aux poursuites. Le marché est petit et, en général, cela n'a pas grand sens de poursuivre des gens.
º (1620)
À l'ouverture de la session parlementaire, je vous ai vu, monsieur le président, quand vous avez présenté un projet de loi d'initiative privée pour encourager le recours au règlement extrajudiciaire des différends avec le gouvernement, ce que j'ai estimé être une excellente idée, parce que cela permettrait au gouvernement d'épargner de l'argent, ainsi qu'aux gens qui traitent avec lui et que cela créerait une atmosphère différente. C'est là le genre d'approche que nous devons adopter face à ces problèmes. On ne peut pas toujours être en conflit. Mais nous devons admettre qu'il y a des choses que nous... Nous avons inventé la notion antidumping en 1904. Des personnes l'ont copiée, et certaines l'ont améliorée et certaines l'ont empirée. C'est un système très arbitraire. Nous parlons de systèmes capricieux et arbitraires aux États-Unis, mais ce l'est tout autant au Canada par moments. Les choses s'améliorent, mais d'avoir érigé cette notion en système n'a pas arrangé les choses, si bien que...
Pour ce qui est de la déclaration de M. Campbell, je me contenterai de dire que je suis tout aussi préoccupé que lui par les soins de santé et d'autres questions, mais il reste que l'AGCS est un accord qui permet de mettre sur la table une liste positive de choses pour lesquelles on est prêt à prendre des engagements. C'est le contraire en ce qui concerne les négociations commerciales traditionnelles, où tout est sur la table sauf ce que vous en retirez.
Au sujet de l'agriculture, en ma qualité de quelqu'un qui représente beaucoup d'agriculteurs au jour le jour, je dirais que si nous n'arrivons pas à maîtriser le système de subvention interne des États-Unis, les seules exploitations familiales que nous aurons au Canada seront les jardins maraîchers d'Holland Marsh qui produiront des denrées à offre réglementée.
º (1625)
Le président: Merci beaucoup. Les exposés ont été des plus intéressants et des plus fascinants.
Chers collègues, je pense que nous allons maintenant passer à une première série de questions, avant d'en entamer une autre. Si nos témoins veulent formuler des commentaires ou s'ils veulent y réagir, ils sont les bienvenus.
Cela dit...
[Français]
M. Stéphane Bergeron (Verchères--Les-Patriotes, BQ): Monsieur le président, j'invoque le Règlement.
Par courtoisie à l'égard des témoins, je n'ai pas voulu soulever ce rappel au Règlement pendant qu'ils étaient en train de faire leur exposé, mais je dois dire que je me serais attendu à cette même courtoisie, à ces mêmes égards pour les députés de l'opposition, dans la mesure où il appert, monsieur le président, que vous ayez choisi, en contravention d'une motion de routine adoptée par le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international, de débuter l'audition des témoins alors même qu'il n'y avait pas de députés de l'opposition présents.
Je pense que c'est un manquement au Règlement, alors que vous êtes normalement le gardien du Règlement de cette Chambre et le gardien des règlements pratiques en comité également. Donc, il y a eu là un manquement. Mais il y a eu également, comme je le signalais tout à l'heure, monsieur le président, un manque de courtoisie à notre égard. J'aurais apprécié grandement que vous attendiez que nous soyons arrivés avant d'entreprendre l'audition des témoins.
Je précise tout de suite, à l'intention des témoins, que si nous n'étions pas ici au moment même où devait débuter cette séance du comité, c'est tout simplement que la Chambre des communes rendait un hommage bien mérité à un homme qui a consacré de longues années de sa vie au service public. Il s'agit de Preston Manning, qui annonçait son départ. Je pense que nous nous devions, par courtoisie à l'égard de M. Manning, d'être présents à la Chambre des communes. Nous sommes restés pendant cet hommage qui était rendu à M. Manning, et j'estime que nous n'avions pas à être pénalisés dans notre participation aux travaux de ce sous-comité parce que nous avions eu la délicatesse de demeurer à la Chambre des communes pour prendre part et assister aux hommages adressés à Preston Manning.
Conséquemment, monsieur le président, je réitère ce que j'ai indiqué dès le départ. Je suis déçu. Je suis jusqu'à un certain point outré que vous n'ayez pas respecté la motion de routine adoptée par le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international et que vous ayez manqué d'égard aux députés de l'opposition en n'attendant pas que nous soyons présents pour entreprendre l'audition des témoins, à telle enseigne que je n'ai pas eu le plaisir et l'honneur d'entendre les présentations de MM. Campbell et Dymond. Par contre, j'ai eu la chance d'arriver suffisamment tôt pour entendre les présentations des deux derniers témoins, MM. Miner et Clark. Mais je ne me sens pas tout à fait en mesure d'entreprendre une interaction avec les témoins, comme vous l'appeliez de tous vos voeux il y a quelques instants, n'ayant pas eu l'occasion d'entendre ce qu'ils avaient d'intéressant à nous dire.
Je ne crois pas que nous soyons dans des conditions tout à fait correctes pour entreprendre avec nos témoins un débat qui soit constructif et positif.
[Traduction]
Le président: Merci. Je vous sais gré de votre commentaire. Dans la même veine, nous avons également des volontaires. Aucun d'entre eux ne facture de l'argent aux contribuables. Nous avons une forte tempête à l'extérieur. Nos témoins sont arrivés ici à 15 h 15, certains un peu plus tôt, et ils ont attendu jusqu'aux alentours de 15 h 43. Je comprends qu'il se passait quelque chose à la Chambre des communes, peut-être, mais nous avions trois membres du côté ministériel qui savaient également que les affaires de la Chambre des communes ne peuvent être interrompues seulement parce qu'il se passe quelque chose à la Chambre. En notre qualité de serviteurs de l'État, nous avons également la responsabilité de faire preuve de respect et de courtoisie envers nos témoins. C'est dans cet esprit que j'ai décidé d'ouvrir la séance, sachant très bien que le procès-verbal serait disponible pour ceux qui arriveraient en retard. Je ne cherchais certainement pas à empêcher le député du Bloc ou n'importe quel autre député d'entendre nos témoins.
Je pense qu'il est impératif que les membres du comité réalisent que nous entamons des travaux importants. Il avait été décidé que le comité débuterait sa séance à 15 h 30. En toute franchise, j'ai couru le risque d'ouvrir la séance. Cela signifie peut-être que nous devrons demander au comité principal de changer les règles pour que les délibérations aient lieu quand trois membres du comité, qu'ils soient seuls ou qu'ils incluent la présidence, sont présents.
Cela dit, monsieur Bergeron, vous avez une occasion de poser des questions à n'importe lequel de nos témoins qui sont des nôtres ici, étant entendu que vous étiez à la Chambre des communes, mais j'ai également la responsabilité de faire preuve de respect envers les témoins qui sont arrivés à l'avance et qui ont volontairement donné de leur temps pour nous faire part de leurs vues et opinions.
Sur ce, je proposerais que nous passions à M. Casson pour les questions. Je ne veux plus perdre de temps, monsieur Bergeron, s'il vous plaît. Tout d'abord vous n'êtes pas membre du comité, vous êtes un membre substitut, je comprends cela. Je ne veux plus perdre de temps.
º (1630)
[Français]
M. Stéphane Bergeron: Monsieur le président, cela n'a aucune pertinence. Le fait que je sois simplement un remplaçant n'a absolument aucune importance ou aucune incidence.
[Traduction]
Le président: Monsieur Bergeron, je ne veux plus perdre de temps. Si vous avez un problème, vous pouvez en saisir le comité principal quand il se réunira. Nous avons des choses très importantes à faire.
Monsieur Casson.
M. Rick Casson (Lethbridge, Alliance canadienne): Monsieur le président, j'aimerais moi aussi m'élever contre le fait que vous ayez commencé sans nous. Je sais qu'il est arrivé autrefois que nous attendions de disposer du quorum avant de commencer. J'aurais aimé qu'on procède ainsi aujourd'hui. Mais j'accepte votre explication. Si M. Bergeron veut porter l'affaire plus loin, libre à lui.
J'ai manqué l'exposé de M. Campbell, mais j'ai pu entendre ceux de M. Miner et de M. Dymond, ainsi que celui de M. Clark. Monsieur Dymond, j'aimerais que vous me disiez quelle a été la différence entre Seattle et Doha. Nous croyons comprendre que les pays en développement se sont sentis un peu mis de côté, qu'il y a eu certains problèmes. La société civile a eu l'impression qu'elle devait participer davantage. Mais y a-t-il eu une différence d'attitude de la part des pays industrialisés envers les pays en développement? Comment se fait-il que les choses aient mieux fonctionné à Doha qu'à Seattle?
M. Bill Dymond: C'est une excellente question.
Je crois que le facteur le plus important, c'est qu'il y a eu une entente entre les États-Unis et la Communauté européenne sur deux ou trois questions importantes. Une telle entente n'existait pas à Seattle. Les ministres se sont rendus à Seattle avec une foule de propositions auxquelles ils n'avaient pas bien réfléchi, sans que ce que nous appelons les pays de la Quadrilatérale (Canada, Japon, Communauté européenne et États-Unis) se soient entendus sur l'objet de ces négociations. Les pays en développement —et je m'en remets au jugement de Peter qui était sur place tandis que je n'y étais pas—se sont trouvés dans la position peu enviable où les grands pontes essayaient d'élaborer avec difficulté une entente sur certaines questions essentielles, entente qu'on risquait de leur présenter comme étant à prendre ou à laisser.
Le sommet de Doha a été beaucoup mieux préparé par le secrétariat et par les délégations à Genève. La position américaine était beaucoup plus nuancée et ils étaient davantage disposés à examiner les besoins des autres pays, y compris le Canada, ce qui n'était pas le cas à Seattle. On a également reconnu que certains petits ajustements devaient être apportés au processus de prise de décision. On a beaucoup entendu parler à Seattle de l'infâme «salon vert», où une vingtaine de délégations, choisies d'une façon tout à fait arbitraire, se sont réunies continuellement pendant plusieurs jours, sans que personne ne sache ce qui se passait. Cette fois-ci, il y avait un comité plénier qui siégeait en permanence. Il y avait des présidents pour les six grands sujets, des modérateurs, des amis de la présidence, dont l'un était M. Pettigrew, dont le mandat était de faire rapport continuellement au comité plénier. Dans la pratique, le système était beaucoup plus transparent, de sorte qu'on n'a pas eu de surprise au sujet de ce qui se passait. M. Clark et moi-même étions, bien entendu, conseillers auprès de la délégation. Nous n'avions pas à assister aux réunions, nous devions juste être là. Je n'ai certainement pas eu l'impression de manquer d'information sur les grandes questions évoquées, et je crois que cette impression était partagée par tout le monde.
Troisième élément, personne ne voulait d'un autre échec. Comme Peter l'a dit, nous faisions face à une situation difficile. Ne pas réussir à démarrer, c'est parfaitement ridicule. Ne pas réussir à conclure en raison de divergences fondamentales entre de grands pays, tout le monde comprend cela. À Seattle, on n'a pas réussi à accepter de parler. C'est comme si le Parlement refusait de parler. Nous ne pouvions plus nous permettre cela une fois de plus, il nous fallait aller de l'avant. Et je pense que cette crainte de l'échec était ressentie de façon générale par tous les membres de l'organisation.
On pourrait également dire que la Chine se préparait à faire son entrée après d'énormes efforts, cinq ans de négociations très ardues, à l'Organisation mondiale du commerce. Il était impensable d'accueillir nos amis chinois si on ne réussissait pas à lancer une nouvelle ronde de négociations.
Il n'y avait donc pas un seul facteur, mais une combinaison de choses et une volonté, de tous dans cette salle, d'en arriver à une entente.
º (1635)
M. Bruce Campbell: Pourrais-je ajouter un bref commentaire?
Le président: Bien sûr.
M. Bruce Campbell: Je pense qu'il y a eu une véritable négociation, quoique limitée, entre le Nord et le Sud. J'en veux pour exemple la déclaration sur l'accord sur les ADPIC. Je crois qu'il a eu un effet positif. Il y a eu également beaucoup d'acrobatie politique et de tordage de bras, mais je crois que ce mouvement a joué un rôle dans la décision d'un certain nombre de pays du Sud d'entrer dans le jeu.
Je crois que les manifestations de masse ont été marginalisées en raison de l'endroit où se tenait le sommet et des événements du 11 septembre. Je crois qu'il n'y avait qu'une poignée de représentants des ONG du monde entier à Doha. Le sommet a relativement peu retenu l'attention des médias également. Je crois que cela également a joué.
Le président: Monsieur Casson.
M. Rick Casson: Je vais passer à autre chose, à savoir le soutien interne accordé par les États-Unis et l'Union européenne à leurs agriculteurs. Ils semblent ne pas manquer d'imagination sur la façon d'en accorder. Que ce soit par le biais de l'aspect de la multifonctionnalité ou de l'environnement, ils mettent de l'argent dans les poches de leurs producteurs. Monsieur Clark, vous avez dit que si nous ne faisons rien, il ne nous restera plus d'exploitations familiales. Je suis tout à fait d'accord avec vous qu'il faut faire quelque chose.
Parlant du Sud, de nos amis américains, nous avons dispute après dispute, le bois d'oeuvre en étant un exemple. Ils ne cessent de perturber nos industries, et ils le font aussi en agriculture.
Ceux qui participent aux négociations, que ce soit pour la ZLEA ou à l'OMC, ont-ils l'impression que d'une façon ou d'une autre notre mécanisme de règlement des différends sera conçu de façon à contourner cette situation et à imposer un quelconque obstacle pour qu'ils ne puissent pas agir de façon frivole, à loisir—car c'est ainsi que je vois les choses—? Prépare-t-on quelque chose à cet égard?
º (1640)
M. Peter Clark: J'ai tendance à être d'accord avec Bill; ça ne prendra pas quatre ou cinq ans; ça prendra probablement huit ans, puis encore sept ou huit ans pour la mise en oeuvre. La seule façon de s'en sortir, c'est de passer par le mécanisme de règlement des différends et d'essayer de contester les mesures qui sont prises.
Les Américains essaient de structurer leur soutien financier comme il s'agissait d'un soutien d'urgence, d'un soutien au revenu, d'un filet de sécurité. La réalité, c'est que cela fausse tout, et nous disposons de beaucoup d'information publiée par les Américains. Prenez par exemple leurs soutiens en ce qui concerne les céréales. On aura tendance à planter du soja, parce que la subvention vous donnera, disons, trois fois et demie votre coût marginal ou votre coût variable de production. Le maïs vous donnera environ une fois et demie vos coûts variables. On aura donc tendance à planter davantage de soja que de maïs, et on a encore tendance à planter beaucoup trop de maïs. L'an dernier, la seule culture commerciale qui a diminué a été le maïs, et cela parce qu'on n'a pas voulu intenter dans l'ouest du Canada une action en compensation en raison du manque d'appui du Canada central.
La seule façon de faire est de contester. Certains des groupes qui ont constitué une bonne base d'information sur des programmes américains qui pourraient faire l'objet de contestations sont trop occupés à se défendre contre des plaintes au sujet des subventions aux produits laitiers. Ils ne peuvent s'occuper que de tant de choses à la fois. Il semble qu'on ne gagne jamais. Même quand nous gagnons, nous ne gagnons pas, parce que nous devons revenir à la charge. Mais tant que ces négociations ne sont pas terminées—et il faudra compter encore un certain temps—la seule façon d'essayer d'en arriver à une entente est de contester.
Notre principal problème, c'est que nos fonds ne sont pas illimités. L'an dernier, nous avons fait des recherches pour les producteurs laitiers, dont nous avons communiqué les résultats au cours de quelques conférences sur les céréales dans l'ouest du Canada. Nous avons constaté que les subventions accordées, l'aide financière de la part l'USDA, en l'an 2000, avaient été considérablement plus élevées qu'en 1986, une des années de référence où on avait enregistré un record de l'ordre de 6 milliards de dollars. Il semble qu'ils vont en donner encore davantage cette année et l'année prochaine. Ce qu'ils font, c'est qu'ils déclarent qu'il y a des urgences à gauche, à droite, au centre. Je dirais que 50 à 60 p. 100 des régions agricoles des États-Unis au cours des dernières années ont été déclarées zones d'urgence, où ils n'ont fait qu'injecter de l'argent.
M. Rick Casson: Monsieur le président, avant que vous poursuiviez, j'aurais un commentaire au sujet de l'histoire du maïs l'an dernier. Cette année, dans l'Ouest canadien, il y a de nombreux exploitants de parcs d'engraissement qui en ont beaucoup et cela cause une certaine inquiétude. Je ne sais pas de quelle quantité il s'agit, mais la contestation n'a pas fonctionné l'année dernière car nous n'étions pas prêts de notre côté.
M. Peter Clark: Il se trouve que je suis bien au courant de l'affaire car je représentais les agriculteurs du Manitoba. C'était une combinaison de facteurs; d'une part des agriculteurs qui cultivaient également du maïs qui ont dit qu'ils n'avaient pas subi de préjudice, et d'autre part nous qui ne pouvions obtenir aucun appui du Canada central. Les prix ne sont pas plus élevés cette année. Évidemment, lorsque vous produisez du maïs bon marché, il s'ensuit inévitablement une baisse des prix du blé fourrager et de l'orge fourragère. C'est donc général. Lorsque les droits étaient en place, nous faisions face à des augmentations de 50 cents ou plus le boisseau, ce qui est très important, et à des augmentations quelque peu moindres mais tout de même importantes des prix du blé fourrager et de l'orge fourragère.
Il y a donc eu de très bons avantages, mais notre problème remonte à 1968, au moment où nous avons élaboré le premier accord antidumping. Nous craignions que les États-Unis fassent intervenir des affaires régionales, car ils l'avaient fait contre nous pour le sucre, et c'était inventé de toutes pièces. Donc, le Canada a mené la charge pour des règles très strictes sur les affaires liées aux marchés régionaux, et c'est ce qui nous a nui. Nous n'avions pas l'appui nécessaire.
[Français]
Le président: Monsieur Bergeron.
M. Stéphane Bergeron: Dans un premier temps, j'aimerais présenter aux témoins mes excuses pour la légère digression que nous avons eue il y a quelques instants. J'aurais souhaité ne pas avoir à faire cette intervention, mais nous discutons ici de libéralisation des échanges, d'établissement d'un système qui soit réglementé et de l'imposition de règles qui soient contraignantes pour l'ensemble des participants afin de pouvoir protéger les petits et les plus grands. Tout comme ça existe au niveau international, il importe qu'il y ait des règles dans un parlement. Il y a une personne qui est chargée de les faire respecter, et c'est le Président de la Chambre, qui délègue cette autorité aux présidents de comités et de sous-comités. Quelles qu'aient pu être les justifications légitimes et valables qu'ait choisi de prendre le président pour adopter la position qu'il a prise tout à l'heure, il n'en demeure pas moins qu'il est contraint par des règles auxquelles il doit s'astreindre parce qu'il en est le gardien et qu'il doit les faire respecter. Comme il nous l'a suggéré, nous allons effectivement soulever ultérieurement cette question au Comité des affaires étrangères et du commerce international, de telle sorte que nous n'ayons pas à poursuivre plus longuement ici cette discussion et que nous puissions enfin entreprendre le débat sur le thème qui nous intéresse aujourd'hui.
Cela étant dit, il y a deux questions que j'aimerais aborder. Dans un premier temps, M. Clark a évoqué dans sa présentation l'importance du rôle des provinces, importance qui semble être sous-estimée ici même, à Ottawa, dans la mesure où il serait pertinent, sinon même fondamental, que le point de vue des provinces soit entendu par le gouvernement fédéral dans le cadre de ce qui est en train de se jouer à l'échelle internationale, d'autant que dans une période de libéralisation des échanges, les États fédéraux ont l'obligation de faire en sorte que les États fédérés mettent en oeuvre les décisions qui ont été adoptées aux tables de négociation. Cela peut placer les États fédéraux dans une position un peu délicate par rapport aux États unitaires, aux États centralisés, et peut amener comme conséquence qu'ou bien les États fédéraux vont se diriger vers une centralisation accrue, ou bien on va aller vers une consultation accrue des États fédérés, procédant peut-être de ce fait à une décentralisation.
Je pense que par la mondialisation, la nature même de l'État fédéral canadien est interpellée. Il est donc important de prendre en considération le caractère fédéral du Canada dans le cadre des négociations internationales qui sont conduites actuellement à l'échelle mondiale afin de procéder à une plus grande libéralisation des échanges.
C'était un commentaire. Je ne sais pas si vous voulez ajouter quoi que ce soit là-dessus.
º (1645)
[Traduction]
M. Peter Clark: Merci. Je pense que vous avez soulevé une question très importante, la façon dont le monde évolue.
Une des raisons pour lesquelles j'ai fait mon observation au sujet des provinces, c'est que je crois très fermement que le Parlement devrait jouer un rôle beaucoup plus important dans la création de vos comités. Nous progressons dans cette voie. Vos comités devraient jouer un rôle beaucoup plus important en ce qui concerne la politique de développement. Il y a un excellent processus de consultation au niveau des hauts fonctionnaires et à celui des ministres, mais vous ne semblez pas avoir quelque chose de parallèle à votre niveau, et je pense qu'il est important que vous participiez à ce processus décisionnel.
Une autre des raisons justifiant l'intervention des provinces, c'est quelque chose qui n'a pas évolué autant qu'il aurait dû au fil des ans. J'ai fait un commentaire une fois. Vous discutiez hier de l'Union européenne : 40 ans et ils ne sont toujours pas parfaits. J'ai fait cette remarque à quelqu'un à Bruxelles un jour, et il a dit, oui, mais vous êtes une union douanière depuis 1867, et vous n'êtes toujours pas parfaits non plus. Il n'y a rien de plus vrai en ce qui concerne les différences au niveau de la réglementation entre les provinces. Pour être une unité internationale solide, nous devons avoir une unité nationale solide, unifiée. Par des discussions et des débats supplémentaires à tous les niveaux possibles—et le vôtre est celui où je pense que vous avez le plus à faire et le plus à gagner—je crois que nous allons aboutir à ces visions communes. Vous avez tout à fait raison, le Canada est tenu aux termes du paragraphe 12 de l'article 24 de l'accord de base du GATT de s'assurer que toutes ses administrations sous-nationales respectent les règles. Elles peuvent conclure des ententes qui touchent les provinces. Elles les consultent, mais il y a consultation à divers niveaux, en particulier dans le domaine de l'agriculture, qui est une préoccupation. Je pense que nous devons aller encore plus loin et sortir du comité de l'agriculture pour ces discussions au sujet de l'étiquetage et d'autres enjeux, qui sont très importants pour nos entreprises agroalimentaires et autres. Ne vous en tenez pas seulement au comité de l'environnement ou au comité de la santé, faites également intervenir les gens qui vous parlent ici, de sorte que vous aurez un apport aussi vaste que possible dans vos débats au Parlement et dans vos caucus.
Je suis tout à fait d'accord avec vous que nous devons nous occuper de toutes les parties du pays. La meilleure façon de procéder est d'étendre votre champ d'application et d'inviter les gens à venir ici et à vous parler. Cet aspect est ressorti très clairement hier soir, et je ne peux pas être en désaccord. Je pense que c'est très important, car au moment où nous nous intéressons aux services, où nous nous intéressons aux investissements, où nous nous intéressons à toutes ces autres choses, ce sont les administrations sous-nationales dans de nombreux cas qui ont la responsabilité constitutionnelle à cet égard, de sorte que vous ne pouvez pas agir sans elles.
º (1650)
[Français]
M. Stéphane Bergeron: Parlant justement de l'agroalimentaire, il est assez ironique de voir les États-Unis subventionner indirectement, de façon détournée, l'industrie agroalimentaire. Vous avez évoqué quelques façons dont se servent les États-Unis pour financer le secteur agroalimentaire américain, mais il y en a d'autres.
Par exemple, on sait que les États-Unis utilisent carrément les Forces armées dans certains contextes pour soutenir l'industrie agroalimentaire américaine, sous prétexte de maintenir une capacité alimentaire pour la population américaine advenant une crise internationale majeure. D'un côté, on voit les États-Unis soutenir massivement l'industrie agroalimentaire en évoquant toutes sortes de raisons et toutes sortes de prétextes pour le faire et, d'un autre côté, on voit les États-Unis chercher à détruire le système de gestion de l'offre qui existe au Canada, à le contester dans toutes les tribunes, à utiliser tous les recours possibles pour essayer de le mettre en pièces.
Ma question est la suivante. On a vu la Nouvelle-Zélande et les États-Unis contester récemment devant l'OMC le système de gestion de l'offre en invoquant le fait qu'il s'agirait d'une subvention détournée à l'exportation. Les États-Unis ont, bien sûr, été déboutés, mais ils ont annoncé d'emblée qu'ils allaient porter la cause en appel. Selon vous, dans la perspective des nouvelles négociations qui ont cours actuellement, quelle est la perspective de pouvoir maintenir l'esprit, sinon même la lettre du système de gestion de l'offre qui existe au Canada? D'une part, est-ce qu'il est souhaitable, pour le bien de notre industrie agroalimentaire, que nous maintenions le système de gestion de l'offre dans un contexte de mondialisation et d'échanges internationaux accrus? D'autre part, si cela est souhaitable, comment peut-on le protéger dans le contexte des négociations?
[Traduction]
M. William Miner: Je peux répondre, mais auparavant, je me demande si je pourrais faire une petite observation sur la question des subventions américaines en général, ce qui fait évidemment partie de votre préoccupation.
Il est tout à fait vrai que les Américains ont augmenté de façon appréciable leur soutien au cours des trois ou quatre dernières années, et ils sont revenus approximativement, selon ce que vous incluez, au niveau de la période de référence, au milieu des années 80. Une des difficultés pour contester tout cela, c'est que les types de programmes de soutien qu'ils ont mis en place sont considérés comme non reliés, non directement reliés aux produits. Il ne fait aucun doute qu'il s'agit d'une zone grise. Cependant, compte tenu des notifications qu'ils ont faites en vertu des règles, ils sont encore sous le niveau d'engagement qu'ils ont pris dans l'Uruguay Round. Par contre, si vous tenez compte de toutes les dépenses incluses au budget de l'agriculture, vous constaterez que le budget a en fait atteint le niveau auquel il se trouvait au milieu des années 80, et à certains égards, bien davantage.
Ce sur quoi j'aimerais insister, c'est d'abord la nécessité pour le comité, s'il veut examiner cette question très attentivement, de tenir compte de la nature des programmes et de la nature des engagements. La façon dont l'accord est structuré fait que certains programmes sont considérés comme créant une distorsion commerciale, et un engagement est pris à leur encontre au sens global, tous les programmes mis ensemble pour toutes les récoltes ou toute la production. C'est un engagement que vous n'êtes pas autorisés à dépasser, et il a diminué au cours de la période de transition.
En outre, il y a un important secteur des programmes dits écologiques, qui sont considérés comme ne créant pas une distorsion commerciale ou comme créant une distorsion commerciale minimale. Certains pourraient soutenir que si vous subventionnez fortement un secteur, même d'une façon qui ne crée pas une distorsion commerciale, cela va probablement avoir une incidence sur la production, et peut-être sur le commerce. C'est ce que je pense. Cependant, si vous le prenez sous l'autre angle et demandez si vous pouvez alors obtenir un engagement dans un accord commercial que les gouvernements ne dépasseront pas un certain niveau de soutien de leur agriculture, je pense qu'il est clair qu'il s'agirait là d'une question politique des plus sensibles à examiner, et en conséquence, l'accent est mis sur le soutien créant une distorsion commerciale.
Le soutien d'urgence, en autant que vous ne le conjuguiez pas à un produit et ne le reliez pas à la structure actuelle des prix et à la superficie en acres, par exemple, en autant qu'il soit général, en ce sens qu'il ne devrait pas influer directement sur la production et le commerce, il n'est pas considéré assujetti à l'engagement.
Monsieur le président, j'aimerais faire une autre observation à cet égard. Cela m'a toujours inquiété que lorsque des gens examinent des subventions, ils ne les considèrent que comme un avantage. Cependant, nous savons tous que lorsque vous donnez des subventions comme l'ont fait les Européens au cours des dernières décennies en Europe de l'Ouest, et les Américains le font maintenant pour ce qui est du secteur des céréales, l'avantage de ces subventions finit par être capitalisé dans la structure de l'industrie et, en conséquence, dans le cas des cultures, vous constatez habituellement que la valeur des terres augmente. Si cette façon de faire se poursuit pendant des années, la capacité concurrentielle de ce pays en souffre évidemment car votre structure de coûts augmente.
Je ne suis donc pas tout à fait du même avis que mon collègue, M. Clark, quant à l'incidence du soutien aux États-Unis. Si vous prenez l'Europe, c'est en place depuis des décennies, et le fait est que les coûts de production pour la plupart sinon la totalité des produits sont relativement élevés. Ils doivent, s'ils veulent faire concurrence aux prix mondiaux, rajuster leur système à la baisse. Les Américains devront faire la même chose pour éliminer l'avantage de la subvention lorsqu'ils passeront aux niveaux des prix mondiaux. Je n'écarte pas les problèmes que les agriculteurs rencontrent dans la concurrence à court terme avec ces sortes de transferts de subventions, mais à long terme, je suis moins préoccupé et je ne vois pas les graves répercussions que certains pourraient laisser entendre.
º (1655)
En ce qui concerne la gestion de l'offre, la même observation s'applique. Je ne vais certainement pas dire s'il est bien ou non de maintenir la gestion de l'offre. Il faudrait que je travaille dans le secteur laitier ou dans celui de la volaille pour cela. Mais essentiellement, comme vous le savez, la valeur des quotas dans le secteur laitier et la valeur des quotas dans le secteur de la volaille ont augmenté de façon importante et sont actuellement à des niveaux assez élevées. Cela reflète l'avantage du système, évidemment. Tôt ou tard, on se rend compte qu'on ne peut plus faire concurrence, en particulier avec, disons, le fromage ou d'autres sortes de produits laitiers, avec les importations que nous devons laisser entrer. Si l'on est pour avoir une ouverture du commerce par l'entremise de l'OMC, en particulier, ou un accord de libre-échange dans les Amériques, il faut prévoir que ces tarifs diminueront quelque peu, s'ils ne sont pas à un moment ou un autre complètement éliminés, du moins, à l'égard du produit, et il faudra faire concurrence pour le produit. Lorsque nous serons face à ce défi, nous devrons déterminer la façon de réduire nos coûts afin que nous puissions faire concurrence aux niveaux mondiaux. Je pense que c'est en train de se produire graduellement. À l'heure actuelle, je crois, le lait de transformation se vend au prix des exportations si le produit doit être exporté. C'est ce que je voulais dire lorsque j'ai dit que nous commencions à voir les répercussions d'un marché continental dans le secteur à offre réglementée.
» (1700)
Le président: Monsieur Dymond.
M. Bill Dymond: Merci, monsieur le président.
J'ajouterais un ou deux commentaires, sans pour autant être le moindrement en désaccord avec mes collègues.
Je dois avouer que chaque fois que j'entends une discussion sur le soutien à l'agriculture, sur ce qui peut être fait dans un cadre de négociations, ce qui est d'urgence secours et non, et au sujet de la gestion de l'offre, je me crois à une réunion de la société d'une Terre plate. Dès que vous acceptez la proposition fondamentale que la Terre est plate, vous pouvez avoir une discussion rationnelle. Si vous acceptez la proposition fondamentale qu'il devrait y avoir, sur une base continuelle, d'importants transferts de revenus des consommateurs aux producteurs, d'importants transferts de revenus des contribuables aux producteurs, alors vous pouvez avoir une discussion. Nous avons des tarifs dans le secteur laitier et dans le secteur de la volaille qui sont de l'ordre de 200 à 300 p. 100. Cela s'applique à un pays qui vit des exportations. Qui paie ces tarifs? Ce sont les consommateurs.
La première question que je poserais au comité, ce n'est pas de savoir si nous pouvons maintenir la gestion de l'offre dans un cadre de négociations, mais si nous voulons le faire. Il y a quelques années, nous avions une situation, et nous sommes maintenant peut-être dans le secteur laitier, où la valeur du droit de produire dépassait la valeur des autres immobilisations nécessaires pour produire. Quelle sorte de système fou est-ce, si vous produisez du lait et votre quota vaut plus que les vaches et l'étable et le matériel pour le produire? Donc, la première question à poser, c'est de savoir si nous voulons continuer avec ces transferts de revenus. Sommes-nous disposés à en payer les conséquences? Les conséquences, comme l'a dit Bill, pourraient être passablement lourdes. Je vais vous donner un exemple.
Nous avions une représentante du Nouveau-Brunswick dans une classe que nous avons donnée cette semaine au Centre, et lorsque nous avons eu cette discussion, elle a signalé que le Nouveau-Brunswick venait tout juste de perdre un important investissement par McCain's, une entreprise canadienne, dans une installation de fabrication de pizza—agroalimentaire. C'est le Maine qui l'a emporté. Pourquoi? Parce qu'ils ne pouvaient pas obtenir la quantité de fromage nécessaire aux prix inférieurs pour soutenir leur production. Nous ne pouvons pas l'obtenir, de sorte que nous ne passons pas à l'étape suivante de la transformation, à l'étape de la chaîne de production à plus grande valeur ajoutée. C'est le Maine qui l'a emporté parce qu'au Maine Mc Cain's peut obtenir tout le fromage de qualité pizza dont il a besoin à ce prix.
Nous ne devons donc nous faire aucune illusion. Il y a des coûts très lourds sur le plan économique à payer, il y a des distorsions très lourdes qui sont mises en place dans l'économie agricole, et il y aura probablement plus tard dans les négociations, des limites à ce que nous pouvons faire pour une agriculture canadienne concurrentielle au prix du maintien de la gestion de l'offre.
Merci.
Le président: Monsieur Clark.
M. Peter Clark: Mes propos seront probablement un peu différents. Si le soutien financier aux États-Unis était axé sur l'économie, ce que nous avons entendu serait très logique, mais il est axé sur la politique. Les agriculteurs votent, et dans la mesure où ils appuient le parti pour lequel ils ont voté à la dernière élection, ils vont continuer d'obtenir un soutien très important. Même s'ils changent de parti, ils vont continuer d'obtenir un important appui. Le fait est que l'aide financière aux agriculteurs est un mode de vie aux États-Unis. Nous avons examiné les données relatives à un État aux États-Unis, le Minnesota, je pense, ou peut-être le Dakota du Nord—un des deux. Le revenu agricole moyen était de 37 000 $, le soutien gouvernemental moyen était de 40 000 $. Inutile d'en dire plus.
Le président: Monsieur O'Brien.
M. Pat O'Brien (London--Fanshawe, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je suis tout à fait d'accord avec cette dernière observation. Ils sont en train de pomper le quota. Pourquoi un agriculteur ne le ferait-il pas si le gouvernement est pour donner des subventions comme celles-là? Je suis tout à fait d'accord. Je ne pense pas que vous blâmiez les agriculteurs, mais je pense qu'il y a quelque chose de fondamentalement mauvais dans le système. Je pense qu'on a soulevé ici des questions intéressantes, qui ont des ramifications politiques intéressantes, mais nous allons voir dans quel sens tout cela évolue.
Monsieur le président, je pense que nous devrions signaler que le seul parti qui, sauf erreur, s'est dit contre la mondialisation à la Chambre des communes, ce parti n'est pas présent aujourd'hui, et c'est malheureux. J'espère que nous pourrons obtenir que tous les partis soient présents à nos réunions; après tout, le jeudi à 15 h 30, ce n'est quand même pas trop loin dans la semaine de travail. Donc j'espère que tous les partis seront représentés à l'avenir.
J'aimerais revenir au point qu'à soulevé M. Clark au sujet de l'UE, car c'est moi qui avais soulevé ce point, et il était suffisamment important pour moi pour que je le répète, au cas où il aurait été mal interprété. Pas de la part de M. Bergeron aujourd'hui, mais à plusieurs reprises, dans divers comités et à la Chambre des communes, j'ai entendu des collègues du Bloc et j'ai engagé la discussion avec ces collègues qui semblent avoir cette grande affinité pour l'UE et qui veulent que l'ALEA s'applique aussi d'une quelconque façon à l'UE, et ils veulent que cela se fasse très rapidement. Ce que j'ai fait valoir hier, c'était que je ne pense pas que c'est ce dont il s'agit avec l'ALEA. Même si nous décidons que c'est ce que nous voulons en faire en bout de ligne, l'UE a évolué sur 40 ans. Elle n'est pas parfaite, et personne ne laisse entendre qu'elle le sera un jour. Mais ce que j'ai soulevé hier, et que je veux répéter aujourd'hui, c'est que je ne pense pas que c'est ce que nous voulons faire de l'ALEA, et même là, il en est encore à l'état naissant, et il n'a pas 40 années d'évolution à son actif. Je tenais tout simplement à le répéter, car c'est un thème constant que j'entends dans toute cette discussion.
Pour ce qui est des consultations avec les provinces, l'idée est intéressante, et je serais ouvert, en tant que député fédéral, et j'aimerais savoir ce qu'elles en pensent. Mais, chose curieuse, elles ne nous invitent pas beaucoup à des consultations sur des questions de compétence provinciale qui sont d'une importance nationale, comme l'éducation. Ayant été un éducateur pendant de nombreuses années, je pense que c'est quelque chose d'important. Si nous cherchons une consultation, je serais d'accord, mais je n'ai pas besoin de dire à notre groupe qu'il faudrait que ce soit une voie à deux sens. J'espère qu'un jour peut-être nous aurons un plan d'éducation nationale pour le pays, mais je ne suis pas convaincu de l'ouverture des provinces d'un bout à l'autre du pays. En ma qualité d'ancien commissaire scolaire, je dirais qu'elles ne sont probablement pas très ouvertes à cela.
Cependant, monsieur le président, pour ce qui est d'avoir des représentants des provinces à notre table aux fins de nos discussions, cela ne me pose aucun problème, dans la mesure qu'elles n'interprètent pas cela comme ayant un droit de veto dans le domaine de compétence du fédéral, qui ne fait que s'amenuiser de plus en plus au Canada. Nous sommes probablement la fédération la plus décentralisée du monde, ou une des plus décentralisées, à mon avis. Mais c'est une notion intéressante. J'aimerais entendre le point de vue des provinces, mais je ne serais pas tenté de leur donner quelque pouvoir additionnel que ce soit au sujet des traités internationaux, c'est certain.
Monsieur le président, j'ai deux questions pour qui voudrait bien y répondre, car j'ai beaucoup apprécié le témoignage de tous nos témoins.
Je me demande quel est leur point de vue sur le fonds social pour les Amériques que l'on considère comme une nouvelle idée du président Fox, mais qui n'est pas en réalité du tout nouvelle. Dans quelle mesure est-ce que cela devrait faire partie d'une négociation commerciale, ou est-ce que cela devrait être un ajout? Comment voyez-vous ce scénario se dérouler?
Ensuite, on revient à mon ami M. Casson. En toute logique, en tant que Canadiens, n'allons-nous pas devoir toujours accepter le fait que peu importe que nous soyons ou non dans un système commercial fondé sur des règles—nous le sommes, et nous en avons besoin—les États-Unis ont 10 fois notre population, 15 fois la taille de notre économie et ils tireront toujours, malheureusement à mon avis, parti de cette situation pour faire appliquer les règles à leur guise? L'exemple du bois d'oeuvre est parfait. J'espère que mes propos ne sont pas trop pessimistes, mais j'aimerais connaître la réaction de nos témoins.
Merci, monsieur le président.
» (1705)
Le président: Qui veut y aller en premier?
M. Dymond, et ensuite M. Campbell et M. Clark.
M. Bill Dymond: D'abord, les règles commerciales internationales, de part leur structure, qu'elles tombent sous le coup de l'OMC ou de l'ALENA, n'empiètent pas tellement sur la compétence des provinces. Nous avons eu des problèmes dans le passé quand les provinces elles-mêmes ont essayé d'empiéter sur la compétence du fédéral. Par exemple, l'Ontario avait décidé, dans les années 70, de réduire la taxe de vente provinciale sur les voitures fabriquées au Canada. Or, cette décision, en plus d'être ultra vires, allait à l'encontre du principe du traitement national. La même chose s'est produite dans le cas des pièces d'or, et aussi des régies des alcools et de la bière, où il y a eu transfert de responsabilité entre le gouvernement fédéral et les provinces.
Cela dit, nous avons été près dans le passé, et nous étions tout à fait disposés à le faire, d'entreprendre, avec le consentement des provinces, des négociations sur des questions relevant de la compétence des provinces. Prenons, par exemple, la politique d'achat du gouvernement. Ce ne sont pas les restrictions que le gouvernement fédéral impose à l'égard de cette politique qui intéressent les autres pays. Le gouvernement fédéral, mis à part le matériel militaire, qui en général n'est pas visé par cette politique, n'achète pas beaucoup de produits qui intéressent les fournisseurs étrangers. Les services d'utilité publique des provinces, eux, en achètent beaucoup. Il y a énormément de gens qui aimeraient faire affaire avec Hydro-Ontario, Hydro-Québec, le Manitoba, l'Alberta, ainsi de suite. Les provinces ont toujours réagi en disant, et le gouvernement fédéral était d'accord: quel est votre prix? Or, le gouvernement fédéral n'a jamais été en mesure d'obtenir un prix qu'il jugeait satisfaisant et qu'il pouvait recommander aux provinces d'accepter. Je ne suis pas un avocat de droit constitutionnel, mais il m'est impossible d'imaginer une situation où le gouvernement fédéral conclurait, sans le consentement du gouvernement du Québec, une entente qui dicterait à Hydro-Québec les politiques d'achat qu'elle doit appliquer.
Le gouvernement du Québec, le gouvernement de l'Ontario et les autres gouvernements provinciaux ont toujours adopté la même ligne de conduite à cet égard. Si l'entente procure des avantages, nous allons la considérer. Il y a, dans les règlements sur les services des fédérations, des domaines qui, dans bien des cas, relèvent des provinces. Il est clair, si l'on se fie à notre régime constitutionnel et au régime en vigueur dans d'autres pays, que les provinces doivent être convaincues que les changements acceptés par le Canada serviraient leurs intérêts et cadreraient avec leur politique générale.
Le dossier du bois d'oeuvre place le gouvernement fédéral dans une situation difficile, puisque c'est lui qui doit le piloter. Or, les mesures contestées relèvent exclusivement, à mon avis, de la compétence des provinces. Il faut donc convaincre celles-ci d'apporter les changements indiqués, à défaut de quoi elles devront en assumer les conséquences.
Je crois comprendre que le Québec, après avoir passé de nombreuses années à remanier le système, est prêt à proposer un régime que les États-Unis jugeraient satisfaisant. La Colombie-Britannique a encore beaucoup de chemin à faire. Le gouvernement fédéral ne peut, de lui-même, exiger ces changements, les mettre en oeuvre. D'ailleurs, il n'accepterait jamais, à mon avis, de prendre des engagements en ce sens.
Pour ce qui est du fonds social, il serait bon de l'examiner dans un contexte plus large. Même si le libre-échange dans les Amériques ne se concrétise pas, même si on ne sait pas si le projet sera un succès ou un échec, on ne peut nier le fait qu'il y a de graves problèmes sociaux en Amérique latine, problèmes qu'un tel fonds pourrait contribuer à régler. Toutefois, une mise en garde s'impose. D'après notre expérience, et d'après l'expérience des États-Unis, entre autres, si vous essayez de créer un fonds pour régler les problèmes qu'entraîne tout changement apporté au système commercial, vous allez sans doute échouer. D'abord, cette démarche est injuste. Quelle est la différence entre une personne qui perd son emploi à cause de la concurrence accrue sur le marché, et celle qui perd tout bonnement son emploi? Les administrateurs des programmes d'adaptation ont constaté, de manière générale, qu'on ne peut dissocier les problèmes d'ordre commercial et d'ordre général, et que les programmes de recyclage au niveau régional ont pour but de promouvoir le développement économique ou la justice sociale. Il est injuste de faire une distinction entre ceux qui subissent des préjudices et qui ont besoin d'aide en raison des changements apportés aux règles commerciales, et ceux qui ont besoin d'aide pour d'autres raisons.
Merci.
» (1710)
M. Pat O'Brien: Merci de cette explication. Je ne sais pas si M. Dymond était ici, hier, mais j'ai essayé de faire valoir certains de ces mêmes points. L'ACDI consacre beaucoup d'argent, dans le contexte canadien, aux Amériques, et ce, depuis des années. Il le faisait déjà avant même qu'on ne commence à parler de l'ALEA. Je voulais surtout savoir ce que vous pensiez de la structure des règles, mais je pense que vous avez répondu à la question. Merci.
Merci, monsieur le président.
Le président: Monsieur Eyking.
M. Mark Eyking (Sydney--Victoria, Lib.): Je suis agriculteur, et la moitié des produits de mon exploitation sont soumis à la gestion de l'offre, et l'autre moitié, non. J'ai visité de nombreuses exploitations agricoles aux États-Unis. Les fermes laitières là-bas sont en très mauvaise posture. Elles ne sont pas aussi prospères que les nôtres, elles ne sont pas structurées de la même façon, et leur budget alimentaire est aussi élevé que le nôtre. Je ne sais pas comment fonctionne le système là-bas. Si nous ouvrons le nôtre, si nous acceptons de discuter de nos offices de commercialisation, de faire des compromis, nous n'en tirerons aucun avantage. Nous ne pouvons pas garder nos animaux à l'extérieur, les mettre dehors. Il y a toute une série de facteurs à considérer. J'espère que nous ne serons jamais obligés de faire des compromis là-dessus, parce que nous avons un des meilleurs systèmes au monde. Il y a beaucoup de pays qui s'en inspirent, et cela ne semble pas avoir d'impact sur les échanges. Ce n'est-là qu'un commentaire.
Pour ce qui est des négociations, quand vous négociez, vous faites des compromis. Avons-nous les outils nécessaires pour le faire? J'essaie de comprendre. Est-ce que nous nous débrouillons mieux que d'autres pays? Est-ce que nous avons une bonne équipe de négociation? Pouvez-vous m'éclairer là-dessus? Y a-t-il un rapport qu'on peut consulter? Nous envoyons des gens, par exemple, à Doha. Je sais que l'économie américaine est puissante et qu'il est parfois difficile de transiger avec les États-Unis, mais quand nous regardons ce que fait l'Australie, les ententes qu'elle conclut, les échanges qu'elle réalise, est-ce que devons comprendre que c'est parce que le Canada n'est pas une très grande puissance commerciale que nous semblons souvent être les éternels parents pauvres?
» (1715)
M. Peter Clark: Le Canada a la réputation, à l'échelle internationale, de très bien défendre sa position. Nous n'avons pas souffert lors des deux dernières conférences. Le ministre Pettigrew a joué un rôle clé à Seattle. Or, si les négociations de Seattle n'ont rien donné, ce n'est pas à cause des amis de la présidence, mais parce que celle-ci, en plus des autres problèmes qu'elle devait régler, était dépassée par les événements. Nous avons été très actifs à Doha. Nous avons fait du bon travail, nous avons atteint nos objectifs. La réunion de Genève, qui a eu lieu la semaine dernière, a été coprésidée par le Canada et le Brésil. Nous sommes représentés par des gens efficaces et compétents. Un des gros problèmes du ministère des Affaires étrangères, c'est qu'il n'a pas de système permettant aux agents du commerce, aux négociateurs commerciaux, de poursuivre leur carrière dans ce domaine.
Mon collègue, M. Dymond, est un ancien agent du service extérieur, un ancien ambassadeur au Brésil et un ami de longue date. Toutefois, une fois qu'ils arrivent au ministère des Affaires étrangères, ils n'ont qu'une idée en tête, et c'est d'occuper le poste d'ambassadeur. Les relations commerciales ne sont qu'une étape parmi d'autres.
M. Bill Dymond: Qu'y a-t-il de mal à cela?
M. Peter Clark: C'est justement la question qu'il faut se poser. Nous avions, dans le passé, un ministère du commerce qui était distinct. Pourquoi les agents diplomatiques devraient-ils s'occuper des questions économiques? Il n'y a pas suffisamment de personnel. Ils trouvent quelqu'un de compétent qu'ils gardent pendant deux ou trois ans avant de l'envoyer ailleurs. Il n'y a pas de continuité, pas de profondeur, de mémoire. C'est un point important sur lequel il faut se pencher.
Je n'ai rien à redire au sujet de la façon dont le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international s'occupe du dossier. Toutefois, il y a un problème au chapitre de la continuité de la profondeur puisqu'il y a beaucoup de gens qui vont passer à autre chose. On constate la même chose ailleurs au gouvernement. Beaucoup de gens ont commencé leur carrière très tôt, ont effectué leurs années de service et vont partir à la retraite. Nous devons trouver un moyen de développer nos capacités, et pas seulement dans les autres pays.
En ce qui a trait à l'agriculture, c'est un dossier qui m'intéresse. J'ai travaillé pour les Producteurs laitiers du Canada et aussi pour le Conseil national de l'industrie laitière du Canada. Ils cherchent à protéger le système de gestion de l'offre et se débrouillent fort bien. Et vous avez tout à fait raison. En Floride, le lait coûte plus cher qu'au Canada. Le beurre, lui, coûte à peu près la même chose.
M. Bill Dymond: Comme le sait sans doute le comité, je me suis occupé de politique commerciale internationale pour le compte du gouvernement. J'ai pris ma retraite il y a environ un an. Dans le passé, c'est-à-dire à la belle époque, il y avait trois ministères qui s'occupaient de politique commerciale. Il y avait le ministère des Affaires étrangères; le ministère des Finances, qui était responsable des tarifs; et le ministère de l'Industrie et du commerce, qui était responsable des exportations. Il y en avait un quatrième, le ministère de l'Agriculture, qui s'occupait, en partie, du volet agricole. Aujourd'hui, il y a 24 ministères et organismes fédéraux qui s'occupent du dossier. Pourquoi? Parce qu'ils ont des intérêts à défendre. On retrouve la même situation dans les provinces plus grandes. Les choses se font à plus petite échelle dans les provinces plus petites.
Or, les négociations commerciales, parce qu'elles empiètent sur les questions de régie interne, et nous en sommes fort heureux, sont devenues fort complexes. Le ministre du Commerce doit maintenant transiger avec un plus grand nombre de ses collègues au sein du Cabinet, non pas parce qu'ils essaient d'empiéter sur son territoire, mais parce que vous ne pouvez discuter de transport sans parler au ministre des Transports et que vous ne pouvez discuter de santé, question qui intéresse Bruce Campbell, entre autres, sans parler au ministre de la Santé. Nous n'avons pas consulté le ministre de la Santé lors des négociations de Tokyo. Pourquoi l'aurions-nous fait? Nous n'avons pas consulté le ministre des Transports non plus. Pourquoi l'aurions-nous fait, si ce n'est pour discuter de questions politiques? Nous n'avons certainement pas consulté le ministère, parce que la discussion n'avait rien à voir avec son mandat, son portefeuille. En fait, il est plus difficile, aujourd'hui, de gérer des négociations sur le plan bureaucratique.
Cela demande un plus gros effort de gestion sur le plan politique, et ça, c'est votre affaire. Imaginez la réaction des provinces quand nous avons commencé à leur parler de commerce il y a environ 20 ans de cela. Les représentants provinciaux ne savaient pratiquement rien de la question. Il n'y en avait qu'un ou deux qui étaient en mesure de participer aux débats. Aujourd'hui, les responsables des questions commerciales dans les provinces doivent transiger avec le ministère de la Santé, le ministère des Transports, le ministère de l'Éducation. Donc, le dossier est beaucoup plus complexe et beaucoup plus difficile à gérer que dans le passé.
» (1720)
Le président: Monsieur Eyking.
M. Mark Eyking: Cela nous amène à la question suivante. Je connais beaucoup mieux le monde des affaires que le milieu politique, et nous avons discuté du sujet. Si nous faisons tout notre possible quand nous transigeons ou négocions, devrions-nous—et je ne sais pas si d'autres pays le font—nous tourner davantage vers le secteur privé pour trouver des négociateurs? Je ne dis pas que les gens que nous avons ne sont pas compétents, mais quand vous négociez une entente...Prenons l'industrie du bois. À combien s'élève son chiffre d'affaires? Certaines des grosses compagnies forestières, à Washington, étaient accompagnées d'experts. On se demande parfois s'il ne serait pas préférable d'avoir une meilleure équipe, ou une équipe différente. Ce n'est qu'une idée. Serait-il possible de constituer une équipe différente? Je fais allusion à tout l'aspect bureaucratique de la question. Parfois, le processus se complique et il y a un grand roulement du personnel. Le négociateur qui est sur place va peut-être toucher le même salaire au bout du compte, qu'il soit présent ou non. Je me demande tout simplement si on ne devrait pas parfois constituer une équipe différente.
M. Bill Dymond: On peut certainement le faire, sauf qu'aucun négociateur n'agit de sa propre initiative. Les négociateurs canadiens ont tous reçu un mandat explicite ou implicite du Cabinet. Nous n'avons, en vertu de notre régime politique, qu'un seul patron. Vous n'agissez pas de votre propre chef. Donc, vous pouvez nommer quelqu'un qui vient du secteur privé, de la fonction publique, du Parlement, mais c'est le mandat qui vous est conféré qui compte. En quoi consiste le pouvoir de négociation qui est conféré par le Cabinet? Quelles sont les forces politiques en jeu?
Habituellement, ces talents, peut-être parce qu'ils sont statiques, se retrouvent au sein de la fonction publique. Ils ne sont pas obligés de venir de ce milieu, mais si vous amenez quelqu'un de l'extérieur, il va falloir que cette personne apprenne à bien connaître le système politique canadien, parce qu'elle n'est pas là pour défendre ses intérêts, mais pour servir les intérêts du ministre et du cabinet, qui assument la responsabilité politique de ce que vous faites. Donc, oui, il est possible d'amener des gens de l'extérieur, mais le fait est que nous avons au Canada un processus de négociation qui repose sur le principe hiérarchique où l'autorisation est conférée par le cabinet, et exercée par le ministre par l'entremise des fonctionnaires.
Permettez-moi de vous donner un exemple. Le dernier poste que j'ai occupé au sein du gouvernement m'a permis d'établir de nombreux contacts avec la société civile. Il peut y avoir des organisations de la société civile, comme celle de M. Campbell, même si je ne l'ai jamais rencontré dans ce contexte, qui souhaitent discuter de questions très importantes. Par exemple, le Canada devrait-il souscrire au principe du traitement national, qui est l'application non discriminatoire des règles de commerce d'ordre interne? Je répondrais toujours: je ne discuterai pas de cela avec vous, puisqu'il s'agit là d'un des piliers de la politique commerciale canadienne. Je ne discuterai pas de la question de savoir si le capitalisme est un bon outil de gestion économique. Je ne discuterai pas de la question du déficit démocratique. Adressez-vous à ce comité, à votre député. Mon pouvoir à l'époque, pouvoir qui m'avait été conféré par M. Marchi, qui était ministre du Commerce, était limité à ce mandat particulier. Je n'avais pas le droit de discuter de questions d'intérêt public qui étaient tout à fait légitimes, questions que de toute façon je ne pouvais aborder en tant que fonctionnaire. Pourquoi? En raison de la nature du pouvoir politique qui existe au Canada.
» (1725)
M. Mark Eyking: Pour ce qui est du rôle plus actif que pourraient jouer les provinces dans ces négociations commerciales, nous sommes allés à Bruxelles, l'an dernier, et j'ai eu l'occasion de lire beaucoup d'articles sur la façon dont les choses se déroulent là-bas. C'est un véritable cauchemar politique. Ils doivent remplir toutes sortes de démarches pour produire quelque chose, imprimer quelque chose, conclure des ententes commerciales. Le pauvre type qui représente l'UE doit être entouré de nombreux conseillers. Je pense parfois qu'il est préférable d'avoir seulement un représentant canadien, un groupe de délégués. Sinon, on risquerait de se retrouver dans la même situation, n'est-ce pas? Si, tout à coup, on devait négocier une entente sur le bois et consulter 10 premiers ministres, ne risquerait-on pas de se retrouver dans la même...? Qu'en est-il des Américains? Ce serait cauchemardesque s'ils étaient obligés de négocier avec 50 États.
M. Peter Clark: Revenons à votre première question, puis nous passerons à l'autre. J'aimerais l'aborder sous un angle différent.
En réalité, vous contribuez beaucoup aux questions particulières. Il importe peu en réalité de savoir qui est le négociateur en chef, si c'est le ministre, l'ambassadeur Marchi ou la personne responsable du dossier. Le processus de consultation est devenu beaucoup plus ouvert et beaucoup plus transparent.
Comme vous vous intéressez aux produits laitiers, je vais m'en servir comme exemple. Un autre litige dans le domaine des produits laitiers se dessine à l'horizon. Cinq comités ont été mis sur pied. Chaque province est représentée. Il existe toutes sortes d'offices régionaux de commercialisation. Les groupes laitiers y participent. Il y a des représentants des producteurs, des représentants de l'association, des conseillers professionnels spécialistes du domaine. Tout cela forme un tout.
C'est aussi ce qui se produit dans le conflit du bois d'oeuvre. Les provinces participent à des réunions, leurs industries y participent également, de sorte que le processus est beaucoup plus ouvert. Je ne crois pas que le fait d'avoir un négociateur professionnel du secteur privé pour les diriger aura une influence déterminante. En fait, quand j'ai travaillé avec des dirigeants d'entreprise et que je les ai exposés au processus, ils m'ont supplié de les éloigner de tout cela. N'oubliez pas que les pourparlers engagent 130 pays.
M. Mark Eyking: Est-ce un adjoint ou un messager? Vous lui fournissez tous ces renseignements et il va là où vous l'envoyez.
M. Peter Clark: Le ministre et le Cabinet vous donnent vos instructions. À vous d'utiliser tous vos talents pour essayer de bien faire valoir le point de vue canadien. Vous traitez avec beaucoup de pays.
Je ne voudrais pas que l'on se méprenne au sujet de ce que j'ai dit à propos des provinces. Je crois qu'il vous serait utile, en tant que comité, d'avoir un dialogue avec elles. Je ne parle pas de partager le pouvoir. Je ne parle pas de conférer un droit de veto à qui que ce soit. Elles disposent de beaucoup d'informations, et les avantages que je prévois à l'issue de ces négociations seront des micro-avantages—les macro-avantages pour les pays en développement, les micro-avantages pour le Canada. Il va falloir faire des choix.
Il ne faut pas oublier que nous avons déjà une économie entièrement ouverte à notre principal partenaire commercial—il ne reste que 14 p. 100 environ des produits qui sont frappés de droits. Par ailleurs, nous souhaitons libéraliser notre économie encore plus. En raison de cette relation que nous entretenons avec les États-Unis, si nous contestons leur position devant les tribunaux et que nous gagnons, ils sont beaucoup plus enclins qu'auparavant à mettre en oeuvre la décision . Bill a parlé des régies d'alcool provinciales. Aux États-Unis, les codes antidumping des États et leurs règlements ne sont pas mieux. Quand ils ont contesté les nôtres, nous avons contesté les leurs. Nous avons eu gain de cause contre 41 États et Puerto Rico. Ils n'ont pas mis en oeuvre leur code parce qu'il s'agissait d'un problème particulier à l'État et qu'il relevait du GATT. Par contre, si c'était l'OMC qui nous avait donné raison, il faudrait qu'ils essaient de faire quelque chose. Ils essaient même de faire modifier le CSIF—j'ignore s'ils le feront un jour. Donc, les règles nous aident.
J'ai toujours chaudement défendu l'idée que vos comités devraient être beaucoup plus engagés qu'ils ne l'ont été par le passé et qu'ils devraient avoir plus de voix au chapitre. Des comités, dont le vôtre, produisent d'excellents rapports, donnent d'excellents conseils. Les comités permettent d'entendre des points de vue différents, de sorte que l'on peut voir ce qui se passe. Tout n'est pas manifeste. Qui lit le hansard, à part certains d'entre nous—nous sommes obligés de le faire? Par contre, si vous produisez un rapport, il y a une page couverture, il est affiché sur votre site Web, les gens peuvent le lire et s'informer. À mon avis, plus votre contribution sera grande, mieux les gens seront informés.
» (1730)
Le président: Monsieur Clark, je vous remercie.
[Français]
Monsieur Bergeron.
M. Stéphane Bergeron: Je vais commencer par un commentaire parce que j'ai été, d'une certaine façon, amusé par les commentaires formulés par M. O'Brien et M. Eyking concernant les relations fédérales-provinciales. Cependant, comme le disait la publicité d'une revue humoristique qui n'existe plus au Québec, « ce n'est pas parce qu'on rit que c'est drôle ».
En fait, monsieur le président, je dois vous dire que je suis plutôt inquiet des commentaires que j'ai pu entendre tout à l'heure, notamment ceux de M. Eyking. Je disais que la mondialisation aura pour effet, sur les États fédéraux, de les conduire vers une plus grande centralisation ou vers une plus grande coopération avec les États fédérés. Or, j'ai le sentiment, en me fondant sur les commentaires des gens assis de l'autre côté, qu'on aimerait voir le Canada se diriger, non pas vers une plus grande coopération avec les États fédérés, mais vers une plus grande centralisation.
J'entendais M. O'Brien dire qu'il n'avait pas de problème à discuter avec les provinces de négociations commerciales internationales, mais que les provinces devaient accepter de s'asseoir avec les représentants du fédéral pour discuter d'éducation.
Je pense qu'il y a une chose que M. O'Brien ne saisit pas très bien dans la problématique actuelle; c'est que le Canada, en vertu de ses pouvoirs constitutionnels, est effectivement l'autorité constituée pour négocier avec les autres partenaires commerciaux des accords internationaux. Mais, une fois assis à la table de négociation, le gouvernement fédéral négocie aussi une foule d'autres questions, dont certaines sont de juridiction provinciale. Le gouvernement fédéral n'a alors aucun pouvoir constitutionnel pour imposer aux provinces, dans leur juridiction, les accords qu'il négocie avec les autres partenaires commerciaux.
Après qu'un accord commercial a été négocié, les provinces, comme le gouvernement fédéral, doivent adopter ce qu'on appelle une loi de mise en oeuvre des accords commerciaux. Si une province, d'aventure, décidait de ne pas adopter une telle loi de mise en oeuvre, le gouvernement fédéral serait coincé, parce qu'il a l'obligation, en vertu des accords commerciaux, de procéder à la mise en oeuvre des résultats de l'accord, y compris au palier des États fédérés.
Le gouvernement fédéral, qui a invité les provinces à la table de négociation dans ce qui semblait être une manifestation de mansuétude et de générosité à leur égard, devrait comprendre qu'il ne s'agit pas de générosité et de mansuétude, mais bien de pragmatisme et de recherche de l'efficacité. En effet, en associant les provinces aux négociations, on s'assure que celles-ci voudront effectivement mettre en oeuvre, par une loi appropriée, les résultats des négociations conclues par le gouvernement fédéral.
Ce n'est donc pas une question de générosité de la part du fédéral vis-à-vis des provinces; il s'agit bien plutôt, en bout de piste, d'une recherche de l'efficacité.
Cela étant dit, j'aimerais revenir à...
[Traduction]
M. Mark Eyking: Sommes-nous des témoins ici?
Le président: Poursuivons.
[Français]
M. Stéphane Bergeron: De la même façon que MM. O'Brien et Eyking y sont allés de leurs commentaires, j'en ferai un avant de poser mes questions.
Pour répondre au désir de M. O'Brien de me voir aborder la question de l'Union européenne, j'aimerais le faire sous l'angle qu'il a lui-même abordé, soit dans le sens de la proposition faite par M. Fox de créer éventuellement un fonds de développement. Je veux moi aussi, ne serait-ce que pour ne pas faire mentir M. O'Brien, donner l'exemple de l'Union européenne tout en étant bien conscient, pour ne pas que M. O'Brien m'en fasse la remarque tout à l'heure, que la réalité européenne convenait tout à fait à cette partie du monde, si on pense à sa composition socioéconomique et politique. La situation dans notre hémisphère est tout à fait différente, j'en conviens, et il faut voir les choses d'un tout autre point de vue, en fonction de notre réalité socioéconomique et politique.
Cela étant dit, je pense que l'Europe a eu ce génie, quand elle a fait entrer dans l'Union européenne des pays comme le Portugal, la Grèce et l'Espagne, où il se trouvait des marchés potentiels, de mettre sur pied un fonds de développement pour faire en sorte que le niveau de vie de ces éventuels clients s'élève et devienne comparable à celui des autres pays européens. Ainsi, il deviendrait possible que tous les partenaires de l'Union européenne commercent de façon profitable.
Voici la question qui se pose ici dans la perspective de la création d'une Zone de libre-échange des Amériques. On connaît les disparités très importantes qui existent entre le niveau de vie de pays comme le Canada et les États-Unis et celui, par ailleurs, du Belize ou du Guatemala. Dans la perspective où le Canada est une nation commerçante et ces autres pays, d'éventuels consommateurs de produits canadiens, est-ce qu'on verrait d'un oeil favorable la suggestion du président Fox, soit la création d'un fonds de développement pour les économies moins avancées du continent de notre hémisphère, si on veut éventuellement conclure un accord de libre-échange avec ces pays?
Est-ce qu'en tant que spécialistes de la question, connaissant l'exemple européen, qui n'est qu'un exemple, et voyant la situation qui est la nôtre, vous considérez, de votre côté, qu'il pourrait être profitable de constituer ce fonds de développement dans la perspective de l'établissement d'une Zone de libre-échange des Amériques?
» (1735)
[Traduction]
Le président: Qui va se porter volontaire pour répondre?
M. Campbell, suivi de M. Dymond.
M. Bruce Campbell: L'idée de créer un fonds de développement a également été soulevée durant les négociations de l'ALENA. J'ignore si le gouvernement l'a vraiment proposé, mais l'opposition faisait certes des pressions en ce sens. Un pareil fonds, s'inspirant du modèle européen, n'a jamais vu le jour. Comme vous l'avez avec raison fait remarquer, le modèle européen, le concept du fonds de développement, a beaucoup aidé les petits pays aux économies plus faibles. L'Irlande, qu'on qualifie de miracle économique, a énormément profité de ces fonds de développement. Par contre, j'ignore si la question sera vraiment négociée dans le cadre des négociations de l'ALEA. Pour l'instant, la question ne me semble pas être au programme.
Bien entendu, l'Union européenne était au départ un concept politique. L'ALENA et l'ALEA, eux, relèvent beaucoup plus du domaine commercial. L'ALENA ne prévoit pas beaucoup d'institutions, et une structure institutionnelle n'est pas envisagée dans l'ALEA. Nous constatons de très réelles conséquences de cette lacune de l'ALENA. Nous sommes devenus beaucoup plus vulnérables à cause de notre dépendance à l'égard des États-Unis, dépendance qui a augmenté au cours des 10 à 12 dernières années. Pourtant, il n'existe pas d'institution où seraient prises en commun les décisions. La situation est donc demeurée la même: les États-Unis contre le Canada, les États-Unis contre le Mexique. Ce sont les États-Unis qui contrôlent le programme. Le fait d'être à l'intérieur du périmètre, plutôt qu'à l'extérieur, non seulement sur le plan de la sécurité, mais aussi sur le plan du commerce nous préoccupe beaucoup.
Donc, pour répondre à votre question, j'appuie la notion des fonds de développement. Je crois qu'ils sont essentiels dans un accord d'intégration quand il y a autant d'asymétrie.
J'aimerais simplement faire un commentaire. Vous n'étiez pas là quand j'ai fait mon exposé. J'ai insisté surtout sur le dossier des services publics et de l'AGCS. Cet accord sur le commerce des services est en réalité crucial pour expliquer ce qui se passe à l'OMC actuellement. C'est là que se déroule l'action. Les importants services publics comme l'éducation et la santé sont de compétence provinciale, comme ils devraient l'être. Les provinces devraient être présentes à la table. Elles devraient être consultées. Elles devraient connaître les répercussions de ce qui est envisagé.
Il existe une présumée exclusion des services publics. Demandez-vous si elle est efficace. Le ministre du Commerce l'affirme. Beaucoup d'autres disent qu'elle n'est pas efficace, qu'elle est très limitée. Je crois qu'il sera utile que le comité examine cette exclusion des services publics. Peter Clark a dit qu'il s'agissait simplement d'un accord à démarche ascendante. Je ne suis pas l'expert. L'expert qui aurait dû être ici aujourd'hui ne pouvait pas l'être. Je ne vais donc pas me lancer dans un débat, mais je sais ce qu'il vous dirait. Il vous dirait que c'est un accord hybride, une combinaison de démarches ascendante et descendante. Donc, les services publics sont déjà visés de plusieurs manières importantes.
Quant aux aspects plus dérangeants, lorsque nous prenons des engagements, le gouvernement du Canada a déjà mis l'assurance-santé sur la table en vue de négociations visant à libéraliser l'accès au marché et le traitement national.
Je crois donc, en tant que personne sensible aux considérations provinciales, que le comité devrait examiner de très près la manière dont la négociation de l'accord des services traite les services publics, parce qu'il risque vraiment de rompre l'équilibre entre le secteur privé et le secteur public. En ce qui concerne la prestation de soins de santé, le système est mixte. L'éducation, dans une moindre mesure, demeure un système mixte. Des pressions sont constamment exercées dans le cadre de l'AGCS en vue de privatiser, parce qu'après tout, il s'agit de libéraliser et de commercialiser les services. Si l'on veut créer un marché, il faut privatiser, parce que les services publics ne constituent pas un marché. Je vous exhorte donc à examiner de très près cette question.
» (1740)
Le président: Avez-vous quelque chose à ajouter?
M. Bill Dymond: Moi aussi, je vous exhorte à examiner cette question. Vous constaterez qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter.
Puis-je répondre à la question posée par M. Bergeron? J'y répondrai de deux façons.
Tout d'abord, la création d'un fonds est-elle justifiée? Oui. De plus, elle ne devrait pas dépendre de l'existence d'un accord de libre-échange. Il faudrait isoler les deux questions. Nous avons des responsabilités là-bas. Si un fonds de développement est justifié, il ne devrait pas être fonction de la signature d'un accord de libre-échange dans quatre ou dix ans. Après tout, pour ce qui est des avantages commerciaux pour le Canada, si nous pouvions convaincre tous ces pays de respecter toutes leurs obligations existantes en vertu de l'OMC, ce serait avantageux et la création d'un fonds de développement s'imposerait.
D'autre part, je crois que mes amis de l'ACDI diraient que le fonds existe déjà. Il s'agit de la Banque interaméricaine de développement. Des pays comme le Canada et les États-Unis ont déjà en place là-bas des programmes d'aide au développement. Il faut peut-être soit les intensifier, soit les recentrer. Les fonds de développement européens que je connais servent à financer l'infrastructure. Peu importe où vous vous déplacez, il y a d'immenses autoroutes, d'immenses réseaux ferroviaires, et les ponts sont en reconstruction. Il s'agit essentiellement de refaire l'infrastructure de manière à pouvoir participer à l'économie intégrée. C'est peut-être là qu'il faut investir.
On fait déjà beaucoup, mais il faut faire encore plus. Toutefois, cela ne devrait pas être lié à l'issue des négociations. L'existence des fonds se justifie d'elle-même.
[Français]
Le président: Avez-vous une dernière petite question, monsieur Bergeron?
M. Stéphane Bergeron: Très rapidement, monsieur le président, j'aimerais poser une question sur le chapitre 11 de l'ALENA.
Il a été question que le traité de la Zone de libre-échange des Amériques inclue une reproduction du chapitre 11 de l'ALENA permettant à des entreprises privées de poursuivre les gouvernements lorsqu'elles se sentent lésées par des décisions prises dans l'intérêt public des pays concernés et qui font en sorte que les gouvernements peuvent voir des politiques adoptées démocratiquement par les assemblées législatives, dans le cas qui nous intéresse, le Parlement canadien.
Le Parlement canadien peut prendre une décision qu'il juge appropriée pour le bien-être de la population et voir par la suite, en vertu du chapitre 11, une entreprise privée le poursuivre parce qu'elle se sent lésée.
N'y a-t-il pas là un déficit démocratique dont il faudrait tenter d'éviter la reproduction dans un éventuel accord de libre-échange des Amériques?
» (1745)
[Traduction]
M. Bill Dymond: Le comité s'estimerait-il plus heureux si la plainte venait d'un autre gouvernement? N'oubliez pas ce qui est au coeur du problème, la raison pour laquelle le chapitre 11 peut être invoqué. Il l'est quand on prétend qu'il y a eu violation d'une obligation solennellement acceptée par le gouvernement du Canada. Si le Parlement adopte une loi contraire à pareille obligation, il y a un conflit, et il faut le régler.
À mon avis, la plus importante question, qu'il s'agisse d'un investissement ou d'autre chose, concerne la nature des obligations qu'a contractées le gouvernement du Canada. Est-ce une politique gouvernementale convenable? On peut ensuite se demander qui est susceptible de nous poursuivre? La question n'en est pas moindre grave parce que vous êtes poursuivi par une entreprise plutôt que par le gouvernement du Brésil ou le gouvernement des États-Unis. C'est la politique gouvernementale qui est contestée, la loi adoptée par le Parlement , qu'elle soit récente ou pas. L'important, ce n'est donc pas la nature de la partie au litige, parce que chaque accord commercial prévoit un mécanisme de règlement des litiges. L'important, c'est la nature de l'obligation.
Ensuite, j'avoue manquer de patience quand j'entends certains prétendre qu'un mécanisme de règlement des litiges est faussé à la base s'il peut modifier la politique du gouvernement. Je conçois les choses autrement. Pour moi, en disant cela, on cherche à obtenir quelque chose sans rien donner en échange. On veut influer sur le commerce d'un autre, nuire à son investissement étranger, ne pas respecter ses obligations internationales—oh! et soit dit en passant, on ne versera rien en échange, on n'en assumera pas les conséquences, on n'acceptera pas un jugement défavorable, on refusera de s'engager à apporter des modifications. Je soutiens que c'est là la recette du chaos. Cela va complètement à l'encontre des efforts diplomatiques canadiens des 50 dernières années.
Rien ne nous dit que le chapitre 11 sera inclus dans l'ALEA, encore moins qu'il comportera une série d'obligations relatives à l'investissement étranger. Toutefois, la politique gouvernementale au coeur du débat est de savoir s'il convient pour le Canada d'accepter de traiter l'investissement du Brésil, du Chili, du Surinam, de Sainte-Lucie sans discrimination. Convient-il que le Canada accepte que l'investissement venu d'Argentine ne soit pas assujetti à des exigences de rendement, ce qui serait contraire à ses obligations?
Il y aura divergence de vues. Je sais que mon ami, M. Campbell, ne sera pas de la même opinion. Son point de vue est légitime, et il mérite qu'on l'entende. Toutefois, vous passerez à côté de la question, selon moi, si vous vous dites que tout ce qui compte en réalité, c'est si vous êtes poursuivi par une entreprise. Les promesses, obligations, accords auxquels souscrit le gouvernement du Canada sont des engagements très solennels. Il ne faudrait pas les prendre à la légère. Si le gouvernement et le Parlement sont disposés à les accepter, voilà ce qui compte, plutôt de savoir qui vous poursuit.
Quant à l'Accord de libre-échange des Amériques, il est beaucoup trop tôt selon moi pour savoir de quoi il aura l'air, comment seront structurées les obligations, si la démarche sera ascendante ou descendante, s'il y aura des droits et obligations des investisseurs exigeant la présence d'un chapitre 11. Il faut d'abord régler tout cela, et il est temps d'en discuter.
Le président: Monsieur Clark.
M. Peter Clark: Examinez la question sous un autre angle. On retrouve ces droits des États et des investisseurs dans plusieurs traités bilatéraux d'investissement signés par les États-Unis avec bon nombre de ces pays. Pourquoi les investisseurs canadiens ne pourraient-ils pas avoir les mêmes droits?
Le chapitre 11 a donné naissance à de nombreuses méprises dues à l'insertion dans le texte des mots «équivalant... à l'expropriation», sans qu'on sache quel sens y accorder. On a dit de laissez les tribunaux interpréter l'expression, et je crois avoir vu qu'un tribunal qui s'est penché sur la question a simplement dit qu'il ne s'agit pas d'une définition expansive, qu'elle ne crée pas de grand trou noir dans lequel peuvent se cacher les entreprises. Si vous examinez les décisions rendues jusqu'ici, elles ne sont pas très nombreuses. Il y a eu un litige concernant le caractère arbitraire d'une décision relative à un permis de construire. Un des tribunaux a qualifié le demandeur de quelqu'un qui dirait n'importe quoi pour obtenir gain de cause.
Ces tribunaux sont composés d'arbitres internationaux éminents. On ne les choisit pas au hasard. Le processus est très complexe. Le Canada a dédommagé Ethyl Corporation dans l'affaire des MMT, en partie probablement parce que leur réglementation a été contestée par le gouvernement de l'Alberta en vertu de l'accord sur le commerce intérieur et qu'il a perdu. Il fallait que cela change de toute façon, de sorte qu'ils ont accepté un règlement hors cour. Bien des gens disent que le gouvernement n'aurait pas dû plier, qu'il aurait dû aller jusqu'au bout. Il existe des groupes réunissant des personnes du calibre de Warren Christopher et de John Veeder, un des arbitres d'Europe les plus respectés. La tâche n'est pas confiée à n'importe qui. Ce sont des gens qui ont participé au règlement de litiges comme celui de l'Iran et des Contras. Ce sont d'importants litiges. Ce genre de chose se produit partout dans le monde.
J'ai assisté à des conférences d'arbitrage à Genève et à Toronto où il est question du modèle du chapitre 11 de l'ALENA. Les gens s'y intéressent vivement et, une fois que nous aurons acquis une certaine expérience à cet égard, nous constaterons peut-être qu'il n'est pas si mauvais. En fait, quand j'étais à Québec, j'ai entendu le premier ministre dire très nettement: «Cela me plaît, parce que les investisseurs canadiens comme SCN ont besoin de protection partout dans le monde».
Il faut aller au-delà des mythes et voir le côté pratique, parce que les Américains jouissent de toutes ces protections, que les traités bilatéraux d'investissement qu'ils signent confèrent les mêmes droits aux États et aux investisseurs. Nous n'avons pas le poids qu'il faut pour imposer ce genre d'exigence. Par conséquent, il faut prévoir dans l'Accord de libre-échange des Amériques ou ailleurs une protection suffisante pour que nous puissions adopter les politiques légitimes dont vous parliez ou dont parlait M. Pettigrew.
» (1750)
Le président: Monsieur Campbell, souhaitez-vous répondre?
M. Bruce Campbell: En bref, cela se trouve dans l'ébauche de libellé de l'Accord de libre-échange des Amériques. La disposition ne figurera peut-être pas dans l'accord final, mais elle existe pour l'instant et elle est pas mal identique. Il n'y a pas eu de changement de fond...vous vous rappellerez peut-être qu'à Québec, le ministre du Commerce souhaitait obtenir une interprétation qui en limiterait l'application. Je crois qu'il a été contredit et quelque peu embarrassé par le premier ministre qui, lui, a déclaré que la disposition était parfaite telle quelle.
Il y a beaucoup d'experts qui critiquent les droits des investisseurs et des États. Je crois que votre comité devrait les entendre de manière à pouvoir se faire une opinion éclairée. C'est là un des véritables points chauds, parce que l'invalidation, par un groupe d'experts de l'ALENA, de la décision d'une municipalité d'interdire l'utilisation d'un dépotoir est très concrète et très visible, tout comme la volte-face du gouvernement dans le dossier des MMT. Une entreprise vient tout juste de poursuivre le gouvernement canadien pour 100 millions de dollars au sujet du lindane—certains de vos autres invités d'aujourd'hui sont peut-être au courant de l'affaire, mais, pour ma part, j'en ignore à peu près tout. Si j'ai bien compris, l'interdiction de cette substance a été prise dans le cadre de la négociation de l'ALENA. Elle a été bannie aux États-Unis et au Canada. L'entreprise poursuit donc le Canada pour avoir interdit la substance dans le cadre d'un accord du genre de l'ALENA. On compte quelque 20 à 25 affaires du genre. UPS poursuit le gouvernement du Canada pour—corrigez-moi si je me trompe—un milliard de dollars parce que Postes Canada détient un monopole, ce qui lui confère donc un avantage indu dans le secteur des messageries.
Par conséquent, je vous conseille d'examiner la question. Il y a des affaires de tous genres, et je crois que le comité aurait intérêt à vraiment examiner de plus près les droits conférés aux investisseurs et aux États.
» (1755)
Le président: Vous avez une dernière question, monsieur O'Brien.
M. Pat O'Brien: J'aimerais remercier les témoins. Vous nous avez donné beaucoup à réfléchir.
J'ai besoin de deux ou trois précisions en ce qui a trait aux poursuites en vertu du Chapitre 11. Comme notre gouvernement s'investit dans cinq au total, j'ai l'impression que nous avons besoin de parler des vrais chiffres.
M. Bruce Campbell: Certaines de ces poursuites peuvent impliquer le Mexique ou les États-Unis.
M. Pat O'Brien: Oui, je comprends cela. Je signale simplement que nous sommes à l'heure actuelle partie prenante à cinq. Je peux vous dire exactement ce que le premier ministre a dit. D'après lui les choses vont «plutôt bien». Il n'a pas dit qu'elles allaient bien. Je suppose que c'est une question d'interprétation s'il y a cinq poursuites. Compte tenu de tous les échanges que nous avons, peut-être que les choses sont plutôt bien.
Mais je conviens que nous devons nous pencher là-dessus. Je crois que les observations sur les consultations provinciales sont très bonnes. Je souscris à cela. Je n'ai certainement pas utilisé le mot générosité. Ce ne serait pas généreux de tenir ces consultations, ce serait une bonne politique gouvernementale. Ce serait aussi une bonne politique gouvernementale pour des questions comme l'éducation. C'est le point que j'ai fait valoir plus tôt.
J'ai été conseiller municipal pendant 11 ans. Je dois vous dire que nous devrions entendre également les administrations municipales également, peut-être par l'intermédiaire de leur organisme national, la FCM. Je crois que nous avons eu récemment des exemples à Québec et dans d'autres provinces, où les conseils municipaux n'étaient pas nécessairement d'accord avec les ordres reçus de leurs province. Je crois donc que nous devrions faire participer le plus bas niveau de gouvernement du pays et peut-être à bien des égards, le plus important.
La dernière chose que je voudrais dire, monsieur le président, c'est que je suis d'accord avec M. Dymond relativement à l'AGCS. C'est frustrant de toujours le répéter, mais je vais le faire. Il s'agit d'une nuance très importante. D'après ce que je comprends de l'AGCS, ce n'est pas tant une question d'exclure la santé et l'éducation, mais le fait que ces deux domaines ne sont pas inclus. Nous ne les inscrivons pas dans le cahier des négociations. Ce n'est pas une question d'interprétation, c'est une question de déclaration par notre gouvernement et une question de compréhension du fonctionnement de l'AGCS et la lecture qu'on en fait.Si vous n'inscrivez pas ces deux questions dans le cahier des négociations, il n'en sera pas question à la table. Ce n'est pas une question de les en exclure.
Le président: Je prends cela comme une observation.
M. Pat O'Brien: Je vous remercie, monsieur le président.
Le président: Je voulais profiter de l'occasion pour remercier les participants à notre table ronde. Je pense que vous avez été excellents. Vous nous avez donné, comme l'ont dit mes collègues, beaucoup d'idées et matière à réflexion. Vous avez fait preuve de franchise et de pragmatisme, mais vous avez été surtout sincères.
En parlant de sincérité, je veux m'excuser sincèrement auprès de mon collègue M. Bergeron pour avoir tenu la réunion. Il a tout à fait raison, nous n'aurions pas dû tenir la réunion sans membres de l'opposition, mais comme je l'ai dit plus tôt, il s'agit d'un cas isolé. Le témoin était ici et malheureusement, la Chambre siégeait encore. J'espère donc que vous allez l'accepter dans cet esprit.
En outre, je crois que j'ai peut-être donné une impression concernant le fait que vous êtes un substitut. Vous avez tous les droits, à l'instar de tous les autres membres, et je suis bien conscient du fait que vous avez pris le temps de venir et de vous joindre aux membres du comité dans le cade de ces audiences.
À tous les témoins, sachez que si vous avez des documents, un mémoire écrit, quelques réflexions passées, présentes ou futures, je vous invite à les faire parvenir au greffier parce qu'elles nous seraient fort utiles. Nous avons dûment noté l'observation de M. Clark concernant une invitation aux provinces. Si vous êtes tous d'accord, nous leur ferons parvenir une invitation. S'Ils ne peuvent comparaître, nous leur demanderons de nous faire parvenir un mémoire au plus tard le 25 mars étant donné que nous devons mettre la dernière main à notre rapport peu de temps après cela. Vous avez compris? Nous allons également envoyer un avis à la FCM.
[Français]
M. Stéphane Bergeron: Il y a une suggestion de la part de M. Campbell d'organiser une table ronde spécifique sur l'article 11 avec des gens qui sont en faveur, mais également des gens qui sont contre, pour que nous puissions avoir une bonne appréciation des impacts éventuels de l'intégration de l'article 11 dans un accord de libre-échange des Amériques.
[Traduction]
Le président: D'accord, nous le ferons si le temps le permet. Vous voulez la soulever toutes les fois que nous avons une table ronde. Je crois fermement que nous devrions élargir la discussion plutôt que de la limiter à une question. Donc, si le temps le permet, nous allons examiner toutes les options.
Le greffier me dit que nous aurons une table ronde sur les investissements. C'est probablement le moment idéal pour soulever ce point.
La séance est levée. Encore une fois, merci.