SINT Réunion de comité
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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Sous-comité du commerce international, des différends commerciaux et des investissements internationaux du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international
Témoignages du comité
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 21 février 2002
¹ | 1535 |
Le président suppléant (M. Bob Speller (Haldimand--Norfolk--Brant, Lib.) |
M. Robert Keyes (président-directeur général, Conseil canadien pour le commerce international) |
M. Clifford Sosnow (président, Comité de la politique commerciale, Conseil canadien du commerce international) |
¹ | 1540 |
Le président suppléant (M. Bob Speller) |
Mme Kathleen Macmillan (présidente, International Trade Policy Consultants Inc.) |
¹ | 1545 |
Le président suppléant (M. Bob Speller) |
M. Elliot Lifson (président, Fédération canadienne du vêtement) |
¹ | 1550 |
¹ | 1555 |
Le président suppléant (M. Bob Speller) |
M. Gerry Barr (président-directeur général, Conseil canadien pour la coopération internationale) |
º | 1600 |
Le président suppléant (M. Bob Speller) |
Mme Ann Weston (vice-présidente, Institut Nord-Sud) |
Le président suppléant (M. Bob Speller) |
º | 1605 |
Mme Ann Weston |
º | 1610 |
Le président suppléant (M. Bob Speller) |
M. Yves Leduc (directeur adjoint, Département du commerce international, Les Producteurs laitiers du Canada) |
º | 1615 |
º | 1620 |
º | 1625 |
Le président suppléant (M. Bob Speller) |
M. Pierre Paquette (Joliette, BQ) |
º | 1630 |
Le président suppléant (M. Bob Speller) |
M. Robert Keyes |
º | 1635 |
M. Pierre Paquette |
Le président suppléant (M. Bob Speller) |
Mme Ann Weston |
Mr. Speller |
Mme Gauri Sreenivasan (coordonnatrice des politiques, Conseil canadien pour la coopération internationale) |
º | 1640 |
Le président suppléant (M. Bob Speller) |
M. Clifford Sosnow |
M. Yves Leduc |
º | 1645 |
Le président suppléant (M. Bob Speller) |
M. Pat O'Brien (London--Fanshawe, Lib.) |
º | 1650 |
Mme Ann Weston |
M. Pat O'Brien |
Le président suppléant (M. Bob Speller) |
Mme Lill |
º | 1655 |
M. Gerry Barr |
Le président suppléant (M. Bob Speller) |
Mme Kathleen Macmillan |
» | 1700 |
Le président suppléant (M. Bob Speller) |
M. Robert Keyes |
Le président suppléant (M. Bob Speller) |
M. Jack Kivenko (membre, Fédération canadienne du vêtement) |
» | 1705 |
» | 1710 |
Le président suppléant (M. Bob Speller) |
M. Gerry Barr |
Le président suppléant (M. Bob Speller) |
Mme Ann Weston |
» | 1715 |
Le président suppléant (M. Bob Speller) |
M. Jack Kivenko |
Ms. Lill |
» | 1720 |
Le président suppléant (M. Bob Speller) |
M. Jack Kivenko |
Le président suppléant (M. Bob Speller ) |
Mme Kathleen Macmillan |
M. Yves Leduc |
» | 1725 |
Le président suppléant (M. Bob Speller) |
M. Elliot Lifson |
» | 1730 |
Le président suppléant (M. Bob Speller) |
M. Mark Eyking (Sydney--Victoria, Lib.) |
M. Yves Leduc |
M. Mark Eyking |
M. Yves Leduc |
M. Mark Eyking |
Le président suppléant (M. Bob Speller) |
Mr. Clifford Sosnow |
» | 1735 |
Le président suppléant (M. Bob Speller) |
M. Yves Leduc |
M. Mark Eyking |
M. Yves Leduc |
» | 1740 |
Le président suppléant (M. Bob Speller) |
CANADA
Sous-comité du commerce international, des différends commerciaux et des investissements internationaux du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international |
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l |
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Témoignages du comité
Le jeudi 21 février 2002
[Enregistrement électronique]
¹ (1535)
[Traduction]
Le président suppléant (M. Bob Speller (Haldimand--Norfolk--Brant, Lib.): Chers collègues, nous pouvons commencer.
Mesdames et messieurs, je vous souhaite la bienvenue parmi nous aujourd'hui, alors que nous poursuivons notre étude des négociations de l'OMC du point de vue canadien. Dans le cas de plusieurs d'entre vous, nous vous avons déjà accueillis dans le cadre d'autres études, et c'est un plaisir de vous revoir.
Il y a plusieurs exposés à entendre aujourd'hui. D'habitude, nous faisons un tour de table pour recueillir les points de vue des gens sur ces questions. Dans le cadre de notre étude, nous avons essayé d'inviter autant de témoins que possible pour recueillir les différents points de vue des Canadiens sur ces questions.
Nous avons le plaisir de recevoir aujourd'hui plusieurs groupes: le Conseil canadien pour le commerce international; les Consultants en politique de commerce international Inc.; la Fédération canadienne du vêtement; le Conseil canadien pour la coopération internationale; l'Institut Nord-Sud et les Producteurs laitiers du Canada. C'est donc une représentation variée.
Vous vous doutez bien que beaucoup de groupes de partout au pays ont demandé à venir témoigner. Nous avons fait un choix qui se veut représentatif des différentes régions du pays et des différents points de vue. Nous vous sommes reconnaissants d'être venus aujourd'hui vous entretenir avec nous.
Il y a une liste d'intervenants à l'ordre du jour. Nous allons d'abord suivre cette liste. Si possible, étant donné que vous êtes nombreux et que M. Keyes nous a demandé de finir tôt pour pouvoir regarder la retransmission d'un événement d'importance nationale, je vous demanderai de vous en tenir à cinq minutes. Disons cinq minutes environ, et le président fera preuve d'une certaine indulgence pour ceux qui ont préparé des exposés plus longs. Cela nous donnera l'occasion de dialoguer, de répondre à des questions et de partager nos points de vue et nos idées.
Nous commençons aujourd'hui avec le Conseil canadien pour le commerce international, représenté par M. Clifford Sosnow de Lang Michener et M. Robert Keyes.
M. Robert Keyes (président-directeur général, Conseil canadien pour le commerce international): Merci, monsieur le président. Je suis heureux d'être ici aujourd'hui pour parler de l'OMC et du développement qui sont, je crois, le sujet précis sur lequel vous vouliez faire porter cette discussion. J'invite le président de notre comité sur la politique commerciale, M. Clifford Sosnow de Lang Michener, à livrer une introduction. Puis, nous serons tous deux heureux de discuter avec vous.
En guise d'introduction, je vous souligne que le CCI est l'affilié canadien de la Chambre de commerce internationale et du Comité consultatif économique et industriel auprès de l'OCDE. À titre d'affilié de la Chambre de commerce internationale, notre organisation est présente dans les pays développés et les pays en développement, au sein de la communauté des affaires de ces pays. Aussi, nous réfléchissons considérablement aux questions qui font l'objet de la présente discussion.
Sur ce, je cède la parole à mon collègue Cliff Sosnow.
M. Clifford Sosnow (président, Comité de la politique commerciale, Conseil canadien du commerce international): Merci, monsieur le président, et mesdames et messieurs les membres du comité. C'est vraiment un honneur et un privilège d'être ici. Je vais faire un bref exposé portant généralement sur le partage de la richesse et donnant notre point de vue sur le programme des pays en développement, le renforcement de la capacité, la bonne gouvernance et la mise en place d'un environnement favorable aux affaires.
Je sais que j'ai seulement cinq minutes et je vais donc me contenter de donner les grandes lignes de notre réflexion là-dessus, après quoi je donnerai de plus amples détails durant la période des questions.
Notre premier point est que nous sommes d'avis qu'il est essentiel que les pays en développement partagent les avantages de l'environnement commercial multilatéral, et que la communauté des affaires ait le sentiment que les pays en développement deviennent des partenaires pleinement intégrés au processus multilatéral et qu'il s'agit là d'une évolution importante et intéressante, parce que la communauté des affaires est convaincue qu'à long terme, il est dans l'intérêt de la communauté internationale toute entière de veiller à ce que les pays en développement obtiennent leur juste part des richesses.
À cet égard, nous accueillons très favorablement les activités du Canada dans le domaine du renforcement de la capacité en matière de politique commerciale, par exemple la contribution de un million de dollars au Fonds d'affectation spéciale des Nations Unies sur le cadre intégré pour l'assistance technique liée au commerce. Nous accueillons aussi favorablement d'autres mesures de renforcement de la capacité à l'OMC. Nous reviendrons là-dessus tout à l'heure.
Je crois que, d'abord et avant tout, nous devons reconnaître que les affaires sont le moteur de toute économie florissante, qu'il n'y a pas une seule économie saine dans le monde qui ne soit pas fondée sur un secteur privé florissant ancré dans le respect des lois. Je pense que ce sont là deux préceptes importants que nous ne pouvons pas perdre de vue quand nous discutons de l'aide aux pays en développement.
Du point de vue canadien, je pense que nous devons reconnaître que le Canada doit trouver le juste équilibre entre protéger ses propres intérêts et promouvoir la santé globale du système multilatéral mondial. Mais du point de vue de la communauté des affaires, un système qui bloque et exclut le monde en développement n'aide personne, en tout cas sûrement pas à long terme. Il faut reconnaître que les pays en développement représentent maintenant environ les trois quarts des membres de l'OMC et qu'ils ont un poids considérable au sein de l'organisation. Et pour que la nouvelle série de négociations soit couronnée de succès, il faut que les pays en développement aient confiance de pouvoir réaliser des gains intéressants au chapitre de l'accès aux marchés des pays industrialisés.
Voilà donc nos observations générales sur le partage de la richesse avec les pays en développement.
Pour ce qui est de la question du renforcement de la capacité et de ce que l'on appelle «un agenda de cohérence», notre avis et ce que nous préconisons depuis longtemps, c'est que l'OMC, la Banque mondiale, le FMI et les autres institutions doivent travailler en étroite collaboration pour aider le monde en développement à renforcer sa capacité de négocier et de mettre en oeuvre des accords commerciaux.
Le Canada a fait la preuve qu'il peut fournir une assistance technique pour appuyer les efforts visant à renforcer la capacité. La communauté des affaires se félicite sincèrement de ces efforts parce qu'ils sont cohérents avec la notion voulant que les pays en développement s'efforcent de participer à part entière au processus multilatéral.
Mais je trouve important d'éviter le dédoublement des efforts visant au développement. Je pense que les observations formulées à ce sujet par le directeur général de l'OMC, M. Michael Moore, étaient à propos, quand il a dit la semaine dernière que nous avons besoin d'un maximum de coopération et d'un minimum de dédoublement. Nous estimons que c'est dans ce sens-là qu'il faut aller.
Nous reconnaissons que l'OMC a un rôle à jouer dans la politique du développement, mais ce n'est pas la Banque mondiale, ce n'est pas le FMI et ce n'est pas la CNUCED, et elle ne doit pas l'être. L'OMC est un secrétariat qui a été établi pour administrer une série d'accords commerciaux. Sa contribution au programme de développement doit s'arrêter là.
Je trouve que nous devons être prudents quant aux attentes que nous soulevons dans le monde en développement à propos de ce que les pays en développement peuvent attendre de l'OMC et de ce sur quoi ils ne peuvent pas compter.
¹ (1540)
Enfin, sur la question de la gouvernance et de la mise en place d'un environnement favorable aux affaires, je pense que nous reconnaissons tous que la suppression des barrières commerciales ne va pas, en soi, créer la croissance économique et le développement social. Il faut qu'il y ait une sérieuse réforme réglementaire et institutionnelle, des gouvernements transparents, une infrastructure physique et des services satisfaisants, une réforme fiscale pour appuyer la politique sociale, une politique macro-économique solide et, surtout, la protection des investisseurs.
Nous soulevons ce dernier point au sujet de la protection des investisseurs parce que, à notre avis, l'investissement dans les pays en développement est une proposition qui ne fait que des gagnants et pas de perdants. Cela permet un afflux de capitaux, de technologies et d'expertises, dont les pays en développement ont le plus grand besoin. Cela permet aussi de faire étalage du savoir-faire canadien dans le reste du monde. La communauté des affaires doit avoir confiance pour investir. Cela veut dire que les gens d'affaires doivent avoir l'assurance que leurs investissements pourront être protégés, qu'ils seront traités avec justice et que le capital pourra se déplacer librement outre-frontières.
À notre avis, les transferts d'investissements et de technologies doivent être appuyés par des politiques garantissant une solide protection des investissements et de la propriété intellectuelle. C'est pourquoi la communauté internationale des affaires place les questions relatives à l'investissement au premier plan des discussions internationales.
Je vais m'arrêter là. Je pense que j'ai utilisé tout mon temps. Si les membres du comité ont des questions à nous poser, nous nous ferons un plaisir d'y répondre.
Le président suppléant (M. Bob Speller): Merci beaucoup. Nous vous sommes reconnaissants du travail que vous avez fait dans ce dossier.
Nous entendrons maintenant les représentants de Consultants en politique de commerce international inc. Kathleen Macmillan, nous vous souhaitons de nouveau la bienvenue au comité.
Mme Kathleen Macmillan (présidente, International Trade Policy Consultants Inc.): Merci, monsieur le président, et mesdames et messieurs les membres du comité.
J'ai pensé que je commencerais par vous donner un aperçu de mes antécédents, afin que vous connaissiez un peu mon expérience, et j'espère que nous pourrons ensuite approfondir le dialogue au cours de la période des questions.
Je suis économiste de formation. Je me suis spécialisée dans le commerce international et j'ai écrit des textes pour des groupes comme la Canada West Foundation et l'Institut C.D. Howe. J'ai écrit récemment un livre sur l'OMC. En fait, j'en ai ici un exemplaire. C'était censé me rendre riche, de même que l'autre auteur qui l'a écrit avec moi, parce que c'était destiné à informer le public en prévision des négociations multilatérales du millénaire, qui n'ont jamais eu lieu. J'ai donc dans mon sous-sol des caisses pleines d'exemplaires de mon livre, si jamais les membres du comité sont intéressés.
Le président suppléant (M. Bob Speller): Malheureusement, nous ne sommes pas à la télé.
Mme Kathleen Macmillan: C'est vrai, nous ne sommes pas à la télé, et je vais donc m'abstenir d'essayer de vendre mon livre.
Enfin, j'ai passé cinq ans à titre de vice-présidente du Tribunal canadien du commerce extérieur, et je m'y connais donc un peu en matière de dumping et je me ferai un plaisir de répondre aux questions que les membres du comité pourraient avoir à ce sujet.
Je vous décris mon expérience pour que vous sachiez dès le départ que mes partis pris sont évidents. En tant qu'économiste, je crois en la libéralisation du commerce. Les économistes sont généralement favorables au libre-échange parce que l'expérience démontre de façon assez catégorique que l'élimination des barrières commerciales augmente le revenu d'un pays et lui permet de se doter de choses comme un régime public de soins de santé et autres éléments qui vous tiennent à coeur.
Ce dont je voudrais vous parler aujourd'hui, c'est de l'OMC et de mes préoccupations quant à l'avenir du système commercial multilatéral. Le système a beaucoup changé depuis une dizaine d'années, en grande partie dans la foulée des négociations du cycle d'Uruguay. Par ailleurs, le nombre de pays participants a augmenté pour atteindre 142 pays, sauf erreur, aux dernières nouvelles. L'accession de la Chine va encore provoquer des changements institutionnels que nous pouvons à peine imaginer.
Des préoccupations se font jour au sujet du système commercial mondial qui a tellement contribué à la paix et à la prospérité depuis la période d'après guerre, car on craint qu'il soit quelque peu menacé. La principale raison en est le fossé grandissant entre les pays industrialisés et les pays en développement. Et voici ce qui m'inquiète. À moins que les pays riches comme le Canada s'efforcent de réaliser un meilleur équilibre entre les nations du monde, nous pourrions bien être témoins de l'effondrement de l'OMC à titre d'institution efficace. Cela revêt une importance qui ne s'arrête pas aux raisons purement économiques, qui sont par ailleurs très importantes pour des pays comme le nôtre, mais qui va au-delà des impératifs économiques.
Je pense que les événements du 11 septembre ont fait ressortir l'importance d'avoir des institutions mondiales qui travaillent dans un esprit d'inclusion, de coopération et de compromis. Nous devons faire la preuve que l'OMC, qui est vraiment la pierre angulaire de notre système économique, peut bien fonctionner sur le plan international.
À cause du fossé nord-sud, je dirais que l'un des grands facteurs est que les pays du Sud perdent rapidement patience face à ce qu'ils perçoivent comme de l'hypocrisie de la part des pays industrialisés dans le domaine de la politique commerciale. Ils constatent la persistance des barrières élevées érigées par les pays industrialisés pour enrayer l'afflux des textiles, des vêtements, des chaussures et des denrées agricoles. Ils constatent aussi l'état de notre législation pour ce qui est du commerce équitable. Ils prennent conscience que nous les obligeons à respecter des engagements dans le domaine de la propriété intellectuelle, de l'investissement commercial et de l'évaluation en douane. Ils estiment que nous préconisons l'ouverture des marchés dont nous vantons les avantages, tout en conservant nous-mêmes des barrières élevées pour les biens qu'ils peuvent exporter avec compétence. Et même quand nous offrons des programmes pour alléger les droits sur les importations en provenance des pays du tiers monde, nous sommes sélectifs. Nous limitons ces programmes aux plus pauvres d'entre les pauvres et nous excluons de l'élimination des droits les secteurs les plus vulnérables.
Comme M. Sosnow vient de le dire, nous devons donner aux pays en développement davantage de ressources pour les aider à faire les rajustements commerciaux voulus, avec une assistance technique. Nous devons aussi leur donner plus de temps pour réaliser certains de leurs engagements dans le cadre de l'OMC. C'est ce qu'il faut faire, c'est ce qui est juste.
D'après la Banque mondiale, si l'on ouvrait toute grande la porte donnant accès à nos marchés et si on éliminait les subventions, on pourrait ajouter quelque 1,5 billion de dollars au revenu du monde en développement. Si l'on compare ce chiffre aux quelque 50 milliards de dollars par année que les pays riches dépensent en aide publique au développement, il est tout à fait clair que si nous voulons vraiment aider le monde en développement, nous devons nous tourner vers la politique commerciale. C'est là qu'on peut en obtenir le plus pour notre argent.
¹ (1545)
Dans ces conditions, que peut faire le Canada, outre user de son influence considérable à l'OMC, pour aider à réaliser un meilleur équilibre entre riches et pauvres? Nous pourrions commencer par reconnaître l'interface qui existe entre la politique commerciale et la politique du développement international et peut-être envisager de réduire de façon appréciable nos droits de douane sur les biens qui sont produits dans le monde en développement.
J'exhorte donc le comité à réaffirmer l'engagement du Canada envers l'OMC. Cette institution a tellement fait pour notre propre prospérité économique. Et je vous exhorte à ne pas tenir cela pour acquis, mais à veiller à ce que nous fassions notre part en tant que Canadiens pour en assurer le succès continu.
Le président suppléant (M. Bob Speller): Merci, madame Macmillan. Je vous remercie pour votre exposé.
Nous entendrons maintenant de la Fédération canadienne du vêtement. Je vous souhaite la bienvenue au comité. Nous vous remercions d'être venus.
Peut-être pourriez-vous commencer par vous présenter.
M. Elliot Lifson (président, Fédération canadienne du vêtement): Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, nous vous remercions beaucoup de nous donner l'occasion de comparaître devant vous cet après-midi pour vous aider dans vos délibérations. Je sais que c'est difficile d'être troisième, mais je me sens quelque peu gêné d'être assis devant vous après avoir entendu ce que je viens d'entendre. Je voudrais m'assurer que tout cela soit bien compris en tenant compte du contexte, que l'on sache clairement que ce n'est pas tout l'un ou tout l'autre.
Premièrement, je vais me présenter. Je m'appelle Elliot Lifson et je suis président de la Fédération canadienne du vêtement et vice-président de Peerless Clothing Inc. Je suis accompagné par M. Jack Kivenko, qui est vice-président de Jack Spratt Manufacturing Inc. et ancien président de la Fédération canadienne du vêtement. Ensemble, nous avons 70 ans d'expérience dans l'industrie canadienne du vêtement. En fait, nous sommes encore jeunes. C'est que nous avons commencé très jeunes.
Nos compagnies emploient plus de 3 500 Canadiens.
Je vous présente aussi Bob Kirke, qui est directeur général de la Fédération canadienne du vêtement.
Nous savons que votre comité examine quelle devrait être la position du Canada dans les prochaines négociations de l'OMC, et surtout comment notre pays peut trouver le bon équilibre entre nos intérêts commerciaux et nos objectifs de développement pour ce qui est d'aider les pays en développement à obtenir un meilleur accès à nos marchés. La réponse que l'on donnera à cette question durant les négociations que l'on appelle le Cycle de Doha revêt une importance capitale pour l'industrie canadienne du vêtement.
Il y a quelques années, au début du libre-échange avec les États-Unis, cette industrie était étiquetée industrie vieillissante. La plupart des gens pensaient que l'ALE et ensuite l'ALENA sonneraient purement et simplement le glas du secteur de la confection de vêtement au Canada. Le moins que l'on puisse dire, c'est que les rumeurs de notre décès ont été grandement exagérées. Beaucoup de compagnies expédient maintenant plus de la moitié de leur production aux États-Unis et beaucoup sont des chefs de file dans leur secteur de spécialité.
Quelque 95 p. 100 de notre production est écoulée sur le marché des États-Unis. Le nombre d'emplois directs dans notre secteur est d'environ 100 000 dans plus de 2 000 compagnies. Nous exportons 40 p. 100 de notre production totale, plus de 3 milliards de dollars par année, essentiellement aux États-Unis.
Notre industrie fournit un éventail complet de vêtements et nous rivalisons avec les entreprises et les produits du monde entier sur les marchés national et étrangers. Néanmoins, la concurrence internationale s'est intensifiée considérablement ces dernières années avec la compétitivité accrue des fabricants des pays en développement et la libéralisation commerciale sous l'égide de l'OMC.
Aux termes de l'accord sur les textiles et les vêtements conclu sous l'égide de l'OMC, tous les quotas d'importation de vêtements disparaîtront en 2005 et les droits de douane sur les vêtements importés seront réduits. Cela aura une incidence sur nos ventes au Canada et sur nos exportations. De plus, on envisage sérieusement que le Canada aille au-delà des modalités de cette entente et fasse des concessions additionnelles aux pays les moins développés, dans un avenir rapproché.
Nous sommes contre toute concession unilatérale immédiate de la part du Canada. L'élimination soudaine des droits de douane et des quotas applicables aux importations des pays les moins développés serait un dur coup pour certains secteurs de l'industrie et saperait les efforts de l'industrie pour s'adapter à la nouvelle donne de l'ouverture des marchés qui résulte déjà de l'actuel accord passé dans le cadre de l'OMC.
Nous craignons en particulier qu'une telle initiative de notre part ouvre la porte au transbordement de biens d'autres pays qui continuent d'être visés par des quotas, et toute concession accordée aux PMD serait ensuite réclamée par tous les autres pays en développement. En outre, ces mesures n'offriraient que des avantages temporaires à ces pays-là—cet argument est fondamental—et ne répondraient pas aux besoins à long terme des PMD.
¹ (1550)
Leurs industries du vêtement doivent surtout leur existence aux quotas qui ont détourné la production des principaux pays producteurs comme la Chine vers des pays moins productifs comme le Bangladesh ou Madagascar. N'oubliez pas ce qui va se passer en 2005. Tous les quotas vont être éliminés. Cette production va retourner aux pays les plus producteurs, décimant ainsi les industries du vêtement au Bangladesh et dans les autres pays en développement. Cela se produira avec ou sans une série de concessions de la part du Canada—il ne s'agira que d'une mesure d'aide temporaire.
Que les mesures dont on discute en ce qui concerne les pays en développement soient adoptées ou non, la présente industrie devra faire face à des pressions de plus en plus grandes en matière d'importations de la part de nombreux fournisseurs à faible coût. Il faut vraiment que l'industrie procède à sa réorganisation, et pour nous aider dans cette entreprise nous avons besoin d'un cadre stratégique raisonné de la part du gouvernement.
Notre industrie est préoccupée par l'absence de cohérence de la démarche adoptée par le gouvernement fédéral envers notre industrie. Nous devons nous attaquer à un certain nombre de problèmes qui ont des répercussions sur notre industrie, surtout les tarifs sur les matières premières importées. Pourquoi imposer des tarifs sur des textiles qui ne sont pas produits dans notre pays et dont nous nous servons dans le cadre de la production? Nous devons nous occuper de ces questions avant d'ouvrir nos marchés encore davantage.
J'aimerais conclure par les principaux messages suivants. Tout d'abord, il ne faut pas compromettre les emplois canadiens pour atteindre des objectifs en matière d'aide au développement, surtout des objectifs temporaires; deuxièmement, toute mesure prise par le Canada devrait mettre l'accent sur les avantages à long terme pour les pays en développement; et troisièmement, notre industrie peut être concurrentielle, si elle dispose d'un cadre stratégique qui appuie la production canadienne, ce que nous avons d'ailleurs démontré.
Monsieur le président, ainsi se terminent mes remarques préliminaires. M. Kivenko et moi-même nous ferons un plaisir de discuter avec vous et de répondre à vos questions et de vous fournir plus de renseignements à propos des points de vue que nous avons présentés.
Je vous remercie.
¹ (1555)
Le président suppléant (M. Bob Speller): Merci beaucoup. Vous avez certainement fait ressortir l'importance que cette question revêt pour votre industrie et nous vous en sommes reconnaissants.
Nous allons maintenant entendre M. Gerry Barr du Conseil canadien pour la coopération internationale. Nous sommes heureux de vous accueillir à nouveau parmi nous.
M. Gerry Barr (président-directeur général, Conseil canadien pour la coopération internationale): Merci, monsieur le président.
Le conseil et ses membres travaillent depuis plus de 30 ans pour assurer une contribution canadienne efficace au développement international. Cela signifie améliorer la vie des gens qui vivent dans la pauvreté partout dans le monde. Notre principal objectif est de nous assurer que nos démarches en matière de commerce appuient les initiatives prises par les pays et les populations pour gérer leur développement et ne les contrarient pas.
Il ne faut pas oublier que le développement n'est pas une question d'intérêt secondaire en matière de commerce international. Ce n'est pas un aspect accessoire dont le Canada doit penser à s'occuper un peu. Il s'agit d'un principe central de l'objectif du commerce international, tel que l'énonce le mandat du GATT et de l'OMC.
Le fait est que les pays ne partent pas tous du même point de départ. Leurs populations ont des besoins et des problèmes différents. S'assurer que le système commercial fonctionne pour la majorité des pays et la majorité des citoyens du monde, ainsi que pour le reste d'entre nous, représente un dilemme politique et éthique fondamental pour la communauté internationale.
C'est la raison du fiasco de Seattle: les pays du Sud qui ont décidé de boycotter l'événement parce qu'ils considèrent que le système ne leur est d'aucun avantage. La dynamique créée à Doha a été nettement influencée par le besoin de donner suite aux préoccupations des pays en développement.
J'aimerais proposer trois principes dont nous pourrions nous inspirer pour inscrire le mérite du développement à l'ordre du jour de Doha.
Le premier principe, c'est qu'il faut corriger le déséquilibre grotesque du pouvoir et du développement entre le Nord et le Sud. Pour ce faire, nous devons développer un parti pris systématique en faveur de l'amélioration des gains que les pays en développement peuvent retirer du commerce.
Si nous tenons sérieusement à atteindre les objectifs visés par le sommet du millénaire pour la proportion des personnes qui vivent dans la pauvreté d'ici 2015—ce qui est d'ailleurs un grave sujet de préoccupation pour le premier ministre—, il faut éviter d'aborder ces négociations en tenant compte uniquement de ce que nous pouvons en retirer au maximum pour le Canada.
Je ne veux pas dire que nous ne devrions pas favoriser les intérêts canadiens en matière d'exportation. Bien entendu, nous devons déterminer quels en sont les avantages pour le Canada. Ce que je dis, c'est que si nous abordons ces négociations en ne voyant que ce que chacun peut en retirer de mieux pour soi-même plutôt qu'en déterminant ce qui est nécessaire pour réduire les disparités de richesses et de revenus, il n'y aura pas de programme de développement.
Concrètement, cela signifie que des pays de la Commission quadrilatérale comme le Canada doivent faire preuve d'un leadership moral et créatif pour appuyer les concessions non réciproques. Cela peut même signifier que des concessions unilatérales créatives et éclairées sont nécessaires, pas uniquement parce que le Burkina Faso ou la Jamaïque ont réussi à nous obliger à le faire, ou parce que nous avons reçu quelque chose en échange, mais simplement parce que c'est la chose honorable à faire. Un très bon exemple à cet égard est la nécessité de donner suite aux exigences des pays moins développés en matière d'accès aux marchés.
[Français]
Le second principe réside dans la nécessité de déterminer par des moyens véritables et significatifs l'éventail des niveaux de développement des membres de l'OMC. Or, cette grande diversité se reflète dans les besoins économiques et les objectifs prioritaires des pays en développement entre eux, mais aussi face aux économies développées. Les règles du commerce doivent en tenir compte.
Il nous faut donc reconnaître les caractéristiques propres aux économies en développement et clarifier les différents degrés d'ouverture correspondant aux divers pays et secteurs en fonction de leur capacité. En d'autres termes, un programme de développement ne signifie pas simplement un accès aux marchés et un commerce accru pour les pays en développement. Dans certains cas, cela signifie une plus grande facilité d'ouverture.
º (1600)
[Traduction]
Je vais vous donner un exemple des raisons pour lesquelles il faut permettre aux pays en développement d'avoir accès à des instruments commerciaux et des mécanismes de protection différents de ceux dont bénéficient les pays riches, en fonction de leurs besoins en matière de développement.
La plupart des pauvres du monde sont des ruraux. Pour les pays à faible revenu, qui représentent la majorité des membres de l'OMC, l'agriculture représente 70 à 90 p. 100 de la main-d'oeuvre, comparativement à 4 p. 100 dans les pays à revenu élevé. La majorité de cette agriculture n'est même pas liée aux marchés internationaux ni ne tâche de faire concurrence avec d'autres. Mais elle est sérieusement minée—tout comme le gagne-pain de millions de personnes—par l'arrivée d'importations à bon marché, souvent en provenance de pays où l'agriculture est extrêmement subventionnée et ce de façon injuste, comme les pays de l'Union européenne.
Un certain nombre de pays en développement ont présenté une proposition, en train d'être examinée dans le cadre des séances de la Commission du commerce agricole à Genève, proposition destinée à créer une boîte développement dans le cadre de l'Accord sur l'agriculture. On y propose que les pays en développement soient autorisés à consacrer plus d'argent au soutien de leurs agriculteurs. On y propose que les principales cultures qui assurent la sécurité alimentaire dans les pays en développement soient exemptées des engagements prévus en matière d'accès aux marchés. On y propose que les pays en développement aient recours à des mesures abordables à la frontière pour protéger leur agriculture intérieure de hausses subites des importations. Ce type de souplesse est raisonnable et juste; il s'agit d'une bonne politique publique à l'échelle internationale; elle est axée sur des considérations en matière de développement. Le Canada devrait intensifier son appui envers cette politique.
Un troisième principe qui doit sous-tendre la démarche canadienne en matière de développement consiste à reconnaître que les inégalités qui existent parmi les membres de l'OMC signifient qu'il faut tenir compte des capacités qui diffèrent grandement d'un pays à l'autre en ce qui concerne leur participation réelle.
Permettez-moi de mettre l'accent sur une question fondamentale—comment donner suite aux quatre nouveaux enjeux de Singapour: la politique de la concurrence, l'investissement, les marchés de l'État et la facilitation du commerce. Il ne fait aucun doute que la majorité des pays en développement étaient et sont toujours clairement opposés à ce que l'on poursuive les négociations sur ces questions. Ce n'est qu'à la suite d'un processus au cours duquel des changements de dernière minute ont été apportés suite à des discussions qui se sont prolongées tard dans la nuit entre des délégations épuisées que ces aspects ont été inscrits dans la déclaration. À l'insistance de l'Inde, le président a garanti au Sud qu'avant de poursuivre les négociations il faudrait d'abord obtenir un consensus en bonne et due forme des membres de l'OMC à propos des modalités. Nous devons donc tenir parole à cet égard.
Voici donc les trois grands principes: réduire les disparités mondiales à l'aide de concessions non réciproques; privilégier des stratégies spéciales et différentes axées sur le développement; et tenir notre promesse de modérer le rythme pour ce qui est des négociations sur les questions de Singapour.
Je vous remercie.
Le président suppléant (M. Bob Speller): Merci beaucoup, monsieur Barr.
Nous accueillons maintenant Mme Ann Weston de l'Institut Nord-Sud. Je vous souhaite la bienvenue.
Mme Ann Weston (vice-présidente, Institut Nord-Sud): Je vous remercie. C'est avec grand plaisir que je comparais devant vous.
Avant de présenter mes commentaires au comité, j'espère que le comité sera en mesure de tenir compte de certains témoignages entendus par le Comité plénier du commerce international après les réunions de Doha. Un certain nombre d'entre nous ont comparu devant ce comité. À l'époque, nous avons fait un certain nombre de commentaires à propos de l'issue des négociations, et particulièrement de leurs incidences sur les pays en développement. Par souci de concision, je m'abstiendrai de répéter mes propos, mais j'espère que vous tiendrez compte d'un certain nombre de ces commentaires lorsque vous préparerez votre rapport car j'estime que beaucoup de renseignements utiles avaient été présentés—non seulement en ce qui me concerne, bien entendu, mais en ce qui concerne un certain nombre d'autres représentants du gouvernement et de personnes de l'extérieur du gouvernement .
Le président suppléant (M. Bob Speller): Nous en avons la transcription ici et nous allons la suivre, donc nous ne manquerons pas de le faire.
º (1605)
Mme Ann Weston: Je vais répéter un certain nombre d'arguments déjà présentés par les personnes qui m'ont précédée et peut-être en contester d'autres. Mais essentiellement, je tiens à faire valoir qu'il est vraiment important de travailler au Canada et avec d'autres pays pour favoriser une approche beaucoup plus nuancée en matière de développement au sein de l'Organisation mondiale du commerce.
Ce qui me préoccupe à l'heure actuelle, c'est que le Canada et peut-être un certain nombre d'autres pays semblent avoir adopté une démarche très étroite selon laquelle le développement n'est qu'une question de temps et d'argent, et que si nous donnions simplement aux pays un peu plus de temps et un peu plus d'argent sous forme d'aide technique liée au commerce, alors tout irait bien et nous pourrions progresser. Il ne fait aucun doute que ce point de vue s'est trouvé renforcé—je dirais de façon peu judicieuse—par un article récent de Mike Moore dans le Financial Times, que l'on a déjà mentionné, dans lequel il soutient que les pays en développement ont besoin d'aide technique pour renforcer leurs capacités de manière à être prêts à passer à la prochaine étape—autrement dit, à accepter les nouveaux enjeux des négociations, les enjeux de Singapour—et pour permettre aux négociations de se poursuivre afin que le programme de Doha soit mené à bien d'ici l'an 2005.
Je considère que ce n'est pas la bonne façon de procéder. Ce que nous devons reconnaître, c'est que le développement est une question qui porte sur des besoins spéciaux et différents, tant pour ce qui est de traiter de ces questions comme l'accès à nos marchés, et les différences en matière de réglementation et de libéralisation des marchés des pays en développement, et tant au niveau des mesures complémentaires qui sont nécessaires.
J'aimerais signaler aux membres du comité que même au sein de ces organisations qui ont traditionnellement fait la promotion de la libéralisation du commerce d'une façon plutôt générale—entre autres la Banque mondiale, l'Organisation mondiale du commerce et certains organismes de développement comme le Département britannique pour le développement international—, des documents ont été récemment publiés où ils reconnaissent qu'une démarche un peu plus nuancée et même différente en matière de commerce s'impose pour tenir compte de certaines caractéristiques du développement dans les pays en développement.
Par exemple, en ce qui concerne la politique de la concurrence, l'ouvrage publié par le Département britannique pour le développement international est beaucoup plus ambigu que l'article de Mike Moore. Cet ouvrage soutient qu'il est tout à fait possible après un examen des faits—c'est-à-dire les circonstances particulières d'un pays—qu'un gouvernement national arrive à la conclusion qu'il n'est pas dans son intérêt d'investir davantage de temps ou des ressources dans l'élaboration d'une politique nationale de concurrence ou même de travailler au sein de l'OMC pour établir des règles à l'OMC en matière de politique de la concurrence. Donc, nous devons être beaucoup plus prudents dans la façon dont nous parlons du commerce et du développement.
En ce qui concerne l'aide technique, il est clair que l'aide technique peut être utile, tant pour désengorger les structures que pour débloquer les questions de politique commerciale. De façon plus générale, comme un témoin précédent l'a mentionné, il pourrait être nécessaire de prévoir une aide d'une portée beaucoup plus grande pour traiter des questions de rajustement.
Mais il faut que le cadre réglementaire soit adéquat. L'OMC devrait contribuer à créer un environnement qui permet le développement d'entreprises nationales dans les pays en développement. Il ne devrait pas mettre l'accent sur l'imposition de ce que je qualifierais d'une approche unique. Et le Canada doit certainement reconnaître la valeur d'approches différentes en matière de commerce, même lorsque les pays en sont au même stade de développement.
Nous sommes aux prises à l'heure actuelle avec un différend commercial avec les États-Unis où on est en train de nous dire que la façon dont nous avons décidé de gérer le bois d'oeuvre, par exemple, ou la façon dont nous décidons de gérer notre commercialisation du blé, n'est pas appropriée, en ajoutant: «auriez-vous l'obligeance de la modifier?» De toute évidence, nous nous rendons compte que ce genre de comportement n'est pas toujours correct et qu'il ne devrait pas exister entre les États-Unis et le Canada ni dans le contexte de l'OMC. Imaginez à quel point il doit être beaucoup plus exaspérant pour des pays en développement de se faire dire qu'ils doivent adopter une approche considérée appropriée par des pays dont les niveaux de développement sont très différents, pour ne pas dire plus élevés.
Donc, j'estime que notre aide technique devrait soutenir la capacité des pays à définir leurs propres intérêts stratégiques en matière de politique commerciale et non simplement chercher à les inciter à accepter les règles de l'OMC ou à les interpréter de la même façon que le Canada. Cela signifie appuyer la création de départements de droit commercial au sein des universités; appuyer des réseaux de recherche en politique commerciale, comme l'a fait le CRDI, par exemple; favoriser la discussion éclairée par les membres de la société civile grâce à l'établissement d'une capacité régionale de négociations, comme l'ACDI est en train de le faire dans les Antilles. Cela diffère nettement d'une bonne partie de l'aide technique que nous offrons parfois où nous envoyons nos propres spécialistes—des agents de commerce canadiens à la retraite—expliquer la façon de faire canadienne.
º (1610)
Peut-être nous faut-il commencer à examiner de nouveaux modes d'aide technique liée au commerce, où nous ferons appel à des personnes en mesure d'élaborer des solutions de rechange et d'aider les pays en développement à trouver eux-mêmes des solutions de rechange aux règles de l'OMC. Nous devons aider les pays à protéger leurs droits, à protéger leurs économies du dumping auquel se livrent d'autres pays. Et il existe déjà un exemple de l'appui offert par le Canada pour le développement, comme les mécanismes régionaux destinés à s'attaquer au dumping aux Antilles.
Je dirais même que le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international a peut-être besoin d'une aide technique liée au commerce. En d'autres mots, nous devons donner au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, et à certains des comités qui conseillent le ministre du Commerce, la possibilité de se familiariser avec les problèmes des pays en développement, les besoins des pays en développement et les raisons pour lesquelles dans certains cas ils peuvent avoir besoin de types particuliers d'accès aux marchés, ou pour lesquelles dans d'autres cas, le type de règles sur lesquelles nous allons insister à l'OMC ne favorisera pas forcément leurs intérêts en matière de développement.
À un certain nombre d'occasions, j'ai proposé que ce que j'appelle les instances principales des organismes canadiens de négociation commerciale, par exemple les groupes de consultations sectorielles sur le commerce extérieur ou le Conseil consultatif d'Équipe Canada, fassent appel à des spécialistes en développement. Et déjà, dans le cadre du processus interministériel, c'est ce que l'ACDI a commencé à faire afin d'inscrire une certaine notion de développement dans le processus de discussions ou de négociations interministérielles. Cependant, les ressources de l'ACDI dans ce domaine sont très limitées. C'est pourquoi je considère qu'il est très important d'inclure dans le processus des personnes de l'extérieur. Et je considère que le moyen le plus approprié de le faire serait dans le contexte des groupes de consultations sectorielles sur le commerce extérieur.
Il serait peut-être aussi possible pour le comité d'organiser des tables rondes où cette capacité proviendrait directement des pays en développement.
Au déjeuner, aujourd'hui, j'ai eu l'occasion de m'entretenir avec les hauts commissaires du Commonwealth à propos de l'OMC et de ce qui s'est passé à Doha et, dans le cadre de ces discussions à propos de l'aide technique liée au commerce et de ce que nous pourrions faire pour aider le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international à comprendre le développement, il a été proposé que certains membres de l'appareil de négociations régionales des Antilles qui possèdent cette capacité pourraient être invités à Ottawa pour un échange d'idées sur la façon d'élaborer des règles commerciales favorables au développement et sur la teneur de ce genre de règles.
Enfin, sur la question de l'accès aux marchés, dont un certain nombre de personnes ont déjà parlé ici aujourd'hui, je pense qu'il serait très important pour nous d'avoir une autre séance au cours de laquelle nous pourrions vraiment examiner les faits et les chiffres concernant l'accès aux marchés. Nous pourrions discuter des coûts que cela représenterait pour l'économie canadienne et certains secteurs; avons-nous la capacité au Canada d'offrir une aide en matière d'ajustement; quels ont été les résultats de l'ouverture de nos marchés au Mexique, au Chili, à Israël; quelles seraient les répercussions de l'ouverture de notre marché par le biais de l'élimination des tarifs pour les pays les moins développés, les moins en mesure, si vous préférez, de menacer nos industries; et quelles seraient les conséquences réelles de l'élimination des tarifs sur les importations provenant de ces pays?
Je conviens que la question des quotas est une question différente. Mais pour l'instant, d'après ce que je crois comprendre, le Canada a proposé que nous devrions emboîter le pas aux États-Unis et à l'Union européenne en éliminant tous les tarifs et toutes les importations en provenance des pays les moins développés. Cette proposition sera soumise au Cabinet. Un avis sera publié dans laGazette du Canadaet nous aurons sans aucun doute l'occasion de tenir d'autres discussions de ce genre.
C'est le genre de dialogue dont nous avons vraiment besoin. Et j'estime que la formule de la réunion d'aujourd'hui ne se prêtera sans doute pas à un réel échange de faits et de renseignements concrets dont on a besoin pour tirer des conclusions raisonnables quant à ceux qui sortiront gagnants et ceux qui sortiront perdants de cet exercice.
Je vous remercie.
Le président suppléant (M. Bob Speller): Merci beaucoup.
Comme je l'ai dit, vous pouvez être assurée que nous allons remonter en arrière et regarder toutes ces présentations faites par le passé.
Enfin, nous accueillons Les Producteurs laitiers du Canada et M. Yves Leduc.
Je vous souhaite la bienvenue encore une fois à notre comité.
J'ai d'abord une question, avant que vous ne fassiez votre exposé. J'aimerais savoir si les Jeux olympiques plaisent au vaches?
C'est une excellente publicité.
M. Yves Leduc (directeur adjoint, Département du commerce international, Les Producteurs laitiers du Canada): Je pense qu'elles s'amusent énormément.
Je pense que nous aurions tous été heureux de gagner quelques médailles de plus. Toutefois, je pense que les vaches se plaisent bien à Salt Lake City.
M. Robert Keyes: Et comme juges, comment sont-elles?
M. Yves Leduc: Elles sont excellentes. Les Canadiens ont gagné une médaille d'or en patinage artistique. L'avez-vous remarqué?
Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs du comité. Je vais faire une partie de mon exposé en français et une partie en anglais.
[Français]
Premièrement, j'aimerais m'excuser au nom de M. Jean Grégoire, premier vice-président des Producteurs laitiers du Canada et président de la Fédération des producteurs de lait du Québec, qui devait être ici aujourd'hui et qui n'a pas pu se joindre à vous.
Je voudrais aussi m'excuser au nom de mon collègue Rick Phillips, qui a dû s'absenter à la toute dernière minute afin de participer à une importante réunion préparatoire à la défense du Canada dans le contexte du différend commercial qui oppose présentement le Canada aux États-Unis et à la Nouvelle-Zélande dans la question des mécanismes d'exportation du lait.
Mes propos d'aujourd'hui vont porter principalement sur la négociation en agriculture à l'OMC, mais je ferai aussi quelques remarques sur le commerce et les pays en développement ainsi que sur le mémorandum d'accord sur le règlement des différends.
Tout d'abord, je pense qu'il est approprié de dire qu'au sortir de la réunion ministérielle de Doha, les Producteurs laitiers du Canada étaient satisfaits qu'une nouvelle ronde de négociations soit enfin lancée. De fait, nous avons répété à plusieurs reprises que nous étions en faveur d'une nouvelle ronde de négociations à l'OMC, car cette ronde-ci a le potentiel de réduire, voire d'éliminer certaines des disparités qui ont résulté du Cycle Uruguay. Je pense entre autres à la question de l'accès aux marchés.
Comme vous le savez, cette question de l'accès aux marchés représente un des points cruciaux de la négociation, mais également un des éléments essentiels au maintien de la gestion de l'offre au Canada, un système de commercialisation dont les producteurs de lait au Canada ne sont pas les seuls à bénéficier, car les transformateurs et les consommateurs canadiens en bénéficient aussi.
Nous croyons donc que l'approche mise de l'avant par le Canada à l'OMC en matière d'accès aux marchés est une approche crédible. L'approche canadienne vise en outre le développement de règles selon lesquelles les niveaux d'accès minimum seraient portés au même niveau pour tous les pays. Nous insistons cependant sur le fait que ce niveau ne doit pas être supérieur à 5 p. 100 de la consommation intérieure. La raison pour laquelle nous disons 5 p. 100, c'est que c'est le niveau sur lequel les négociateurs s'étaient entendus lors du Cycle Uruguay, et il y a encore beaucoup de pays qui n'offrent même pas ce niveau d'accès minimum, cela pour bon nombre de raisons.
Qu'attendent les producteurs de lait du Canada de ces négociations? Premièrement, qu'elles nous permettent de poursuivre la croissance de nos marchés domestiques dans un contexte de mise en marché ordonnée, à savoir la gestion de l'offre et, deuxièmement, qu'elles permettent aux producteurs de gagner leur vie décemment. Pour ce faire, nous avons besoin de mesures frontalières efficaces, qui constituent un des trois piliers de la gestion de l'offre, les deux autres étant la discipline de production et des prix adéquats pour les producteurs de lait. Les trois piliers sont, entre autres, bien présentés dans le petit dépliant que j'ai fait circuler.
Selon des données préliminaires, l'analyse sur l'accès aux marchés effectuée par Producteurs laitiers du Canada démontre qu'il est tout à fait plausible et crédible de poursuivre une politique visant à établir un niveau d'accès minimum égal à 5 p. 100 de la consommation intérieure. Non seulement cette politique nous permettrait de maintenir en place les contingents tarifaires nécessaires à la gestion de l'offre, mais elle serait aussi cohérente avec l'objectif des négociations visant une amélioration substantielle de l'accès. En fait, selon ces données préliminaires, on voit que l'accès pour le fromage augmenterait d'environ 80 p. 100, soit 239 000 tonnes. On parle ici de l'accès sous contingent tarifaire, ce qui est équivalent environ au quart des importations mondiales totales. Notez qu'il y a quelque 16 ou 20 pays qui maintiennent des contingents tarifaires sur les fromages.
Je vous donne aussi l'exemple du porc. Si tous les pays qui maintiennent des contingents tarifaires offraient un accès minimum égal à 5 p. 100 de leur consommation intérieure, l'accès augmenterait de 204 p. 100, soit 1,3 million de tonnes, ce qui est supérieur à la taille de l'industrie porcine au Canada ou davantage que les exportations du Canada en termes de viande porcine.
º (1615)
Comme je le disais plus tôt, la gestion de l'offre, bien qu'elle soit souvent montrée du doigt, demeure un outil de commercialisation qui bénéficie non seulement aux producteurs, mais aussi aux transformateurs. Il y a des transformateurs canadiens qui opèrent des deux côtés de la frontière et, selon les données sur leurs profits, on se rend compte qu'ils ont des profits plus importants du côté canadien que du côté américain, un marché prétendument libre.
De plus, c'est un système qui profite aux consommateurs. D'après des enquêtes sur les prix que Producteurs laitiers du Canada a effectuées au cours des six dernières années, les résultats ont démontré à chaque fois que les consommateurs canadiens payent environ 30 p. 100 de moins que les consommateurs américains pour se procurer des produits laitiers. Qui plus est, c'est un système de mise en marché ou un programme qui ne coûte pas un sou au gouvernement.
º (1620)
[Traduction]
Dans les négociations dans le domaine de l'agriculture, nous en sommes à l'étape des modalités. On tente d'élaborer des directives ou des règles et il est à espérer que cette fois-ci, ces directives deviendront des règlements qui seront inclus dans le texte final. On tente d'élaborer des directives ou des règlements que suivraient les membres de l'OMC dans la préparation de leurs offres, non seulement d'accès aux marchéx, mais également de programmes de soutien et de subventions à l'exportation. Comme vous le savez, le Programme de développement de Doha va beaucoup plus loin que l'agriculture.
Comme je n'ai que quelques minutes, je vais m'arrêter sur deux points, monsieur le président.
Tout d'abord, en ce qui concerne le commerce et le développement ou le commerce dans les pays en voie de développement, j'aimerais souligner que le Canada, comme membre du Groupe de Cairns, a récemment déposé une déclaration sur le traitement spécial et différent à accorder aux pays en voie de développement en matière de négociation agricole. Dans sa déclaration, le Groupe de Cairns reconnaît la nécessité d'accorder un traitement spécial et différent aux pays en voie de développement.
Bien que Les Producteurs laitiers du Canada accepte ce concept, nous rejetons la déclaration d'ouverture où il est dit qu'un environnement commercial international ouvert, libre de distorsion, est essentiel pour répondre aux préoccupations des pays en voie de développement dans les domaines de la sécurité élémentaire, de la pauvreté et du développement rural. Nous sommes loin d'être convaincus qu'un régime de libre-échange non réglementé dans les domaines de l'alimentation et de l'agriculture constitue la solution qui permettra de régler les questions de commerce international, encore moins les questions d'agriculture.
Le secteur agroalimentaire, comme vous le savez pour la plupart, est extrêmement concentré et au niveau de la transformation et au niveau du détail. Si les agriculteurs ne reçoivent pas les outils nécessaires pour contrecarrer le pouvoir exercé par un petit nombre d'intervenants aux niveaux de la transformation et du détail, qu'il s'agisse d'un pays industrialisé ou en voie de développement, ils seront toujours à la merci des plus importants intervenants.
Les pays en voie de développement qui tentent de mettre sur pied leur industrie laitière ou tout autre secteur agricole ont besoin d'un marché stable plutôt que de l'instabilité que l'on observe dans les marchés mondiaux.
Je vais m'arrêter là en ce qui concerne le commerce et les pays en voie de développement, monsieur le président.
Mon dernier commentaire portera sur le mémorandum de règlement des différends.
Comme vous le savez, Les Producteurs laitiers du Canada et l'industrie laitière sont parties à un litige commercial qui dure depuis au moins quatre ans maintenant. Le litige n'est toujours pas réglé. Une fois encore, nous faisons face à un groupe spécial de l'Organisation mondiale du commerce. Toutefois, à la lumière de notre expérience tirée de cette procédure, nous croyons que le Canada devrait tenter d'améliorer la transparence de l'Organisation mondiale du commerce et plus particulièrement des mémorandums sur le règlement des différends.
Par exemple, nous avons plusieurs propositions qui pourraient aider à améliorer la transparence de ce système afin de permettre aux associations de producteurs ou aux associations commerciales qui sont parties à un litige d'au moins suivre les travaux des groupes spéciaux à Genève. Évidemment, une telle suggestion pourrait créer certaines inquiétudes, car certaines organisations ont des ressources financières plus importantes que d'autres. Si on permettait à ces gens de faire des représentations, cela pourrait créer de graves problèmes car ces organisations pourraient bloquer le travail d'un groupe spécial, par exemple.
º (1625)
Nous ne disons pas nécessairement de permettre à ces gens de faire eux-mêmes les représentations, mais au moins d'avoir accès aux délibérations des groupes spéciaux, surtout lorsque cela se passe devant une cour. Nous n'avons jamais eu accès à ces travaux. Ce serait au moins une façon de rendre transparents ces groupes spéciaux.
Je vais m'arrêter là. Merci, monsieur le président.
Le président suppléant (M. Bob Speller): Merci beaucoup, monsieur Leduc.
Mesdames et messieurs, je vous remercie. Nous passons maintenant aux questions. Nous sommes aux prises avec cette question, comment équilibrer nos intérêts commerciaux et nos objectifs en matière de développement. Nous serions certainement heureux de savoir ce que vous en pensez. Vous avez des points de vue différents autour de cette table, je pense.
Nous allons donc commencer par M. Paquette. J'inviterais tous les participants à répondre, mais libre à vous de le faire.
M. Paquette.
[Français]
M. Pierre Paquette (Joliette, BQ): Merci, monsieur le président.
Je veux aussi vous remercier parce que vous avez fait des présentations extrêmement riches. Mme Weston a raison de dire qu'on a déjà amorcé ce débat au grand comité après Doha. Je voulais aussi donner aux gens de la Fédération canadienne du vêtement comme à ceux du lait l'assurance qu'on est extrêmement sensibles à l'ensemble de leur réalité et qu'on suit cela avec beaucoup d'intérêt.
Comme le sujet était le commerce et le développement, je vais m'en tenir à ces grands thèmes. Je sais que ce sont des thèmes extrêmement larges et qu'on pourrait sûrement passer plusieurs semaines à en débattre, mais quand on parle de développement, on ne parle pas seulement de croissance économique. Je pense qu'on s'entend tous là-dessus. Nécessairement, pour parler développement--et cela a été amené par un certain nombre de participants--il faut qu'il y ait des valeurs qui entourent ce développement, et ces valeurs tournent autour de la qualité de vie. Je vois des éléments comme la démocratie, la protection sociale, la protection de la diversité culturelle et les droits environnementaux comme étant fondamentaux.
Je pense que Mme Macmillan, dans son livre, que j'ai pu feuilleter, manifeste une réalité. C'est que beaucoup de pays du Sud voient dans la promotion de ces valeurs, qui ne sont pas des valeurs occidentales, mais des valeurs universelles que l'on retrouve d'ailleurs dans les conventions internationales et qui, en ce sens-là, sont aussi portées par ces sociétés, des façons pour les pays du Nord de faire preuve d'un certain néo-protectionnisme. Effectivement, on peut parfois se questionner sur la sincérité de certains dirigeants occidentaux à cet égard, mais il n'en demeure pas moins que si on parle de développement, il faut que la croissance économique qui va résulter du commerce international amène des gains sur le plan social, sur le plan démocratique, sur le plan environnemental et sur le plan culturel.
J'aurais peut-être aimé que certains d'entre vous puissent élaborer sur le genre de mécanismes qu'on pourrait mettre en place. Je suis d'accord avec ceux qui disent que ça doit être des mécanismes qui ne visent pas d'abord la sanction, mais plutôt la coopération, que cela amène des responsabilités pour les pays du Nord en termes de ressources et d'expertise. Si vous avez une réflexion plus avancée là-dessus ou si vous êtes carrément contre cette idée, j'aimerais que vous me le disiez.
Cela m'amène à un deuxième point que M. Sosnow a soulevé, soit la question de la protection des investissements. Dans l'ALENA, par exemple, on a inscrit, au chapitre 11, une façon de protéger les investissements, ce qui n'existait pas dans l'ALE et qui venait du fait qu'il y avait un certain doute quant à la capacité des Mexicains de protéger les investissements canadiens et américains. Étant donné la façon dont le chapitre a été rédigé, cela s'est retourné contre le gouvernement canadien et contre le gouvernement américain, ce qui n'était pas du tout l'objectif des négociateurs, de l'aveu même de ces derniers.
Je me demande quels mécanismes on peut véritablement mettre en place pour ce qui est de la protection des investissements si on n'a pas un État de droit dans les pays qui reçoivent ces investissements. Je me demande si, du côté des milieux d'affaires, on n'aurait pas intérêt à faire davantage la promotion de l'État de droit pour protéger les investissements plutôt que de faire la promotion de clauses qui ressemblent à celles qu'on a retrouvées dans l'ALENA, avec toutes sortes d'effets pervers qui sont dénoncés à droite et à gauche. J'aurais peut-être aussi voulu avoir votre point de vue sur le type de protection qu'on peut mettre de l'avant pour ce qui est des investissements, sans affecter la capacité des États de gérer selon les besoins de leur population.
Ce sont deux mes grandes questions. Que ceux qui veulent y répondre le fassent librement.
º (1630)
[Traduction]
Le président suppléant (M. Bob Speller): Est-ce que quelqu'un veut tenter de répondre?
M. Robert Keyes: Merci, monsieur le président.
Vous soulevez beaucoup de questions, monsieur Paquette.
Permettez-moi de commencer par généraliser pour ensuite entrer dans les détails. Nous faisons face à un dilemme sur la façon d'obtenir des résultats pour tous d'une croissance dans le commerce et l'investissement, et il n'y a pas de formule magique pour y arriver.
Permettez-moi cependant de commencer par dire que l'on s'attend à ce que l'on puisse tout faire par l'entremise de l'Organisation mondiale du commerce. Or ce n'est pas le cas. L'OMC, comme l'a dit M. Marchi, n'est pas un arbre de Noël où peut pendre tout ce que l'on veut. Voilà donc un facteur très important. Les questions commerciales et les règles et leur administration sont manifestement essentielles dans cette équation, mais elles ne constituent pas la seule façon de procéder. J'ai assisté à une session de l'OMC, il y a quelques années, lorsque cette discussion battait son plein, et j'ai dit, je crains que nous ne transformions l'OMC en l'Organisation mondiale de la négociation, car on présente l'organisation comme la seule façon d'aborder divers problèmes. Je pense que divers organismes et accords internationaux ont un rôle à jouer. Parce que l'OMC fonctionne et a des règles et une discipline, on donne l'organisation comme la seule solution.
Le milieu des affaires considère les questions d'investissement comme très importantes, tout comme une gamme d'autres questions qui commencent à se retrouver tranquillement dans les accords commerciaux. La question des barrières frontalières que représentent les tarifs figure dans des accords subséquents et les tarifs, partout au monde, disparaissent. Le mouvement des biens est plus grand et plus libre. Il y a donc d'autres questions sur la table, les investissements en étant une. La propriété intellectuelle, la concurrence, les marchés publics, toutes ces questions sont sur la table.
De notre point de vue toutefois, la question des investissements est essentielle pour plusieurs raisons. Les investissements précèdent souvent le commerce. Les investissements représentent un moyen de transfert de technologie et une façon d'acquérir des compétences.
Le principe directeur, c'est que si j'investis dans un pays, je veux être traité équitablement. C'est le premier principe. Je veux que mes investissements soient protégés jusqu'à un certain point par les lois de ces pays et je veux avoir un recours, que ce soit par le truchement d'un accord international, de l'arbitrage international ou des lois de ces pays particuliers. On peut diverger sur les mécanismes, sur la façon de le faire, mais je crois que c'est là le premier principe dont on parle tous.
Mes collègues du milieu des affaires dans les pays en voie de développement acceptent ce genre de principe. Certains éprouvent des difficultés à accepter ce qui se passe dans leurs propres pays. Voilà pourquoi ils considèrent qu'il faut des accords de protection des investissements étrangers ou des règles en quelque part. Voilà donc ce que pensent les gens, et voilà pourquoi.
Le chapitre 11 est une toute autre question. Je ne pense pas qu'il y a des problèmes avec tous les investissements faits dans le cadre de l'ALÉNA, et pour les quelques rares cas qui ont été contestés, certains le sont pour des motifs extrêmement limités et techniques. Le monde ne prendra pas fin à cause de ce chapitre 11. Évidemment sa réputation n'est pas bonne. Est-ce que c'est parfait? Non. Est-ce qu'il y a moyen d'améliorer le mécanisme? Oui. Mais ce n'est pas aussi grave, à mon avis, que nombre de personnes le prétendent.
Cliff, voulez-vous ajouter quelque chose?
º (1635)
[Français]
M. Pierre Paquette: J'ai juste une petite remarque à faire au sujet de votre principe de l'équité dans l'investissement. Le problème, c'est que ça donne plus de droits aux investisseurs étrangers qu'aux investisseurs nationaux.
[Traduction]
Le président suppléant (M. Bob Speller): Monsieur Paquette, j'aimerais d'abord donner la parole à Mme Weston.
Madame Weston, c'est à vous.
[Français]
Mme Ann Weston: J'allais faire des commentaires sur l'autre partie de la question de M. Paquette. Je ne sais pas si eux vont continuer à discuter des règles qui portent sur les investissements.
J'allais dire qu'il est très difficile d'introduire dans l'OMC une discussion sur les clauses sociales, sur les normes de travail, etc. Je pense qu'il est beaucoup plus efficace de donner plus de fonds au Bureau international du travail et d'essayer d'encourager les pays à respecter les droits de leurs travailleurs de plusieurs autres manières. Je pense qu'il ne serait pas très efficace de commencer à discuter de ces problèmes à l'OMC, où il n'y a pas de gens qui les ont vraiment bien étudiés. On obtiendrait peut-être des résultats contradictoires. Au lieu d'aider les travailleurs des pays en voie de développement, cela aurait peut-être des effets plus négatifs que si on procédait d'une autre façon pour les aider.
[Traduction]
Le président suppléant (Mr. Bob Speller): Oui, allez-y. Je ne vous voyais pas.
Mme Gauri Sreenivasan (coordonnatrice des politiques, Conseil canadien pour la coopération internationale): Pas de problème.
Je m'appelle Gauri Sreenivasan et je travaille moi aussi au Conseil canadien pour la coopération internationale.
[Français]
Je voudrais aussi élaborer sur les points très bien expliqués par Ann Weston, parce que la question était très intéressante. Il s'agit de s'assurer d'obtenir des résultats bénéfiques sur le plan social de la politique du commerce. Quelle stratégie nous permettrait de nous assurer de cela?
Je pense que ça revient un peu à répondre à la question de ce qu'on entend par développement. Ici, on entend, comme nous l'entendons dans notre communauté, que le développement est un processus politique. C'est vraiment quelque chose qui appartient aux sociétés dans leurs propres pays. Il est difficile d'inscrire dans les règles directes du commerce qu'on doit garantir des effets positifs du développement. Pour nous, le principe de développement, c'est de faire en sorte qu'il y ait de l'espace dans les règles du commerce pour que les pays eux-mêmes puissent poursuivre les stratégies de développement.
Voici ce que je veux dire par là. Par exemple, si, dans les règles d'agriculture ou de propriété intellectuelle, on a un modèle qui force vraiment un type d'agriculture, qui demande à tous les pays d'assurer de plus en plus d'échanges commerciaux dans le domaine des produits agricoles ou, dans le cas des normes de propriété intellectuelle, d'assurer qu'on va tous assurer le même niveau de protection pour les brevets, il n'y a d'espace pour que les pays puissent eux-mêmes développer des stratégies adaptées à leur contexte.
Donc, pour nous, la façon de mettre le développement dans les règles est de s'assurer que les règles ne demandent pas à tous les pays, qui sont différents les uns des autres, d'arriver au même but rapidement.
Donc, pour nous, c'est une question de créer plus d'espace dans les règles pour différents types de stratégies de développement, plutôt que de s'assurer que les règles propres de l'OMC prévoient un développement précis. Je ne sais pas si je vous donné des explications claires ou non.
[Traduction]
Sur la question de l'investissement, j'aimerais ajouter qu'à mon avis, la question que vous soulevez est primordiale. Comment parvenir à un certain équilibre de façon à disposer de règles sur l'investissement qui assurent une bonne protection aux investisseurs commerciaux tout en ne limitant pas à l'excès l'autorité de réglementation des États? À notre avis, il faut absolument tirer les leçons de l'Accord de libre-échange des Amériques, de l'ALENA et du chapitre 11.
Mon collègue d'en face estime que le ciel ne nous est pas encore tombé sur la tête et qu'il n'y a pas encore eu suffisamment de décisions rendues pour qu'on puisse s'en inquiéter. Pourtant, ce que l'on constate, c'est que les décisions ne font que commencer. Il a fallu un certain temps avant que les compagnies découvrent la façon de contester les législations nationales en invoquant le chapitre 11.
Les indications de la jurisprudence très limitées dont on dispose sont très inquiétantes. L'essentiel, c'est l'équilibre. On constate avec l'ALENA qu'il est allé trop loin. Ce qu'il faut en conclure, c'est que nous devons veiller à ce que dans l'éventualité où l'OMC déboucherait sur un accord sur l'investissement, on n'y retrouve pas les mêmes droits, qui confèrent des pouvoirs excessifs sur l'aptitude des gouvernements à réglementer.
On peut évoquer, par exemple, les mesures incitatives accordées à des sociétés locales et qui les avantagent par rapport aux sociétés étrangères; c'est là un outil de développement essentiel qu'emploient tous les pays industrialisés, et qui nous inquiète considérablement.
º (1640)
Le président suppléant (M. Bob Speller): Écoutons maintenant M. Sosnow, puis M. Leduc.
M. Clifford Sosnow: Il n'y a pas lieu de se préoccuper à l'excès de certaines affaires célèbres lorsqu'on parle des règles sur l'investissement, car comme l'a dit le premier ministre et comme l'a confirmé le ministre Pettigrew, tout accord sur l'investissement doit être une entente de gouvernement à gouvernement, ce qui règle la question de l'aptitude à réglementer.
Mais je pense qu'en réponse à la question de M. Paquet, il est important de rappeler que les protections accordées à l'investissement ne constituent qu'une partie du casse-tête. Il y a aussi les questions de la réforme sociale, de la politique fiscale et de la lutte contre la corruption. Le problème a bien d'autres dimensions, et en réalité, les règles sur l'investissement ne le résoudront jamais entièrement. Mais si nous acceptons que la politique commerciale est une manifestation de la politique étrangère, qui doit elle-même être conforme aux valeurs canadiennes, on peut distinguer les valeurs canadiennes de la politique de l'investissement et se demander ce qui est le plus souhaitable dans le contexte canadien, ce qui est le plus conforme au développement du Canada.
L'hypothèse de départ, c'est que la non-discrimination est un objectif et une valeur de base auxquels souscrivent tous les Canadiens, tout en reconnaissant la nécessité de protéger certains secteurs sensibles. Que les mesures de protection qui figurent dans les accords actuels fonctionnent ou non comme on l'avait prévu, il reste qu'on doit protéger ces secteurs sensibles et que c'est là un modèle général qu'il faut préserver à l'avenir.
Il n'y a pas de solution magique, mais nous reconnaissons également que le cycle de Doha nous accorde deux ans pour étudier la question en analysant les politiques et les perspectives des pays en développement, ou en aidant ces pays à les analyser.
Par conséquent, nous n'attendons pas de formule magique du comité, car nous ne pensons pas qu'il en existe, mais nous demandons instamment au comité... Et ceci nous ramène à notre argument précédent concernant la mise en valeur du potentiel et l'aide technique aux pays en développement en matière d'analyse des politiques et de décision de développement.
Je vais m'arrêter là.
Le président suppléant (M. Bob Speller) : Merci beaucoup.
Monsieur Leduc, c'est à vous.
[Français]
M. Yves Leduc: Je ne sais pas si je vais répondre directement à votre question, mais j'aimerais ajouter que depuis un peu plus de deux ans, les Producteurs laitiers du Canada essaient de mettre sur pied un forum où les producteurs laitiers de partout dans le monde pourraient prendre place autour d'une table pour discuter de leurs préoccupations, de leurs problèmes et de ce dont ils ont besoin pour régler ces problèmes à l'intérieur de leurs propres pays ou sur le marché mondial.
º (1645)
Une des raisons pour lesquelles on a créé ce forum, c'est que les représentants des Producteurs laitiers du Canada participent à différents forums, que ce soit la Fédération internationale des producteurs agricoles ou la Fédération internationale de laiterie, et se sont rendu compte qu'il y avait une très faible représentation des pays en développement. On pensait qu'en mettant sur pied ce genre de forum, on arriverait à aller chercher une plus grande participation de l'ensemble des pays du monde.
La dernière table ronde a eu lieu à Bruxelles, où plus de 40 pays étaient représentés, dont une vingtaine de pays en développement. Ces gens-là ont été en mesure de participer à cette table ronde parce qu'on a mis sur pied un fonds spécial qui leur a permis d'y participer.
Quand on parle de libéralisation du commerce, on voit souvent la question du point de vue d'exportateurs. Ces gens-là la voient du point de vue d'importateurs. Ils essaient de développer une industrie à l'intérieur de leur pays et nous disent qu'ils ne sont pas en mesure de le faire parce qu'ils font face à des importations à très faible prix, qui sont subventionnées par le biais de subventions à l'exportation ou de l'aide alimentaire, ou tout simplement parce que des entreprises comme le New Zealand Dairy Board sont en mesure de concurrencer n'importe qui ou presque parce qu'elles coupent le prix pour pouvoir intégrer les marchés, peu importe où elles sont présentes.
Vous parliez d'État de droit plus tôt. Nous parlons de cadre réglementaire. Si l'industrie laitière, au Canada, a été en mesure de se développer comme elle l'a fait, c'est parce que le gouvernement canadien a réussi à implanter un cadre réglementaire qui a permis aux différentes parties de l'industrie de se développer.
Les pays en développement au niveau de l'OMC, dans le cadre de l'agriculture, ont proposé une boîte de développement qui leur permettrait de mettre en place les outils nécessaires pour développer leur industrie. Cependant, dans le contexte de leur proposition, ils vont beaucoup plus loin que les seules subventions à l'exportation, l'accès aux marchés des autres ou le soutien interne. Lorsqu'on parle de soutien interne, la plupart de ces pays n'ont pas d'argent à investir dans leur industrie.
Voici comment ils entrevoient cette boîte de développement. Je trouve qu'on devrait porter attention à cela parce qu'il y a là quelque chose de concret. Quand il s'agit des outils qui vont leur permettre de se développer, ils parlent d'ériger des barrières tarifaires, mais l'OMC ne permet pas d'ériger des barrières tarifaires. L'OMC parle de diminuer les tarifs.
Donc, on semble faire face à une situation qui est un peu contradictoire, selon que l'on se situe au niveau de l'exportateur ou à celui de l'importateur. Je pense qu'on doit se pencher sur cette question. Les règles devraient être les mêmes pour tous et s'appliquer à l'ensemble de tous les pays.
[Traduction]
Le président suppléant (M. Bob Speller): Merci beaucoup, monsieur Leduc.
Monsieur O'Brien, nous vous écoutons.
M. Pat O'Brien (London--Fanshawe, Lib.): J'aimerais avoir une réponse à la question que vous avez posée au départ, monsieur le président: comment concilier les deux... comment protéger nos industries? Nous ne voulons pas que des entreprises canadiennes se retrouvent en faillite ni que des travailleurs canadiens perdent leur emploi. En revanche, nous voulons aussi aider les autres pays.
En vérité, l'Europe fait preuve d'une certaine hypocrisie lorsqu'elle tient de tels propos...tout en maintenant ce qu'on appelle la politique agricole commune, qui est de loin le plus gros obstacle au libre-échange et qui pénalise non seulement les agriculteurs canadiens mais aussi ceux des autres pays. Jusqu'à maintenant, je n'ai jamais éprouvé le besoin de me repentir ou de laisser les Européens nous faire la leçon, mais je considère que nous devons tous collaborer sur ces questions. Du reste, je l'ai déjà dit.
Monsieur le président, je voudrais poser une question à Mme Weston.
Comme mon ami M. Paquette et d'autres collègues députés m'ont mis sur la sellette récemment à la Chambre sur la question du bois d'oeuvre, je voudrais vous demander une précision.
Vous faites un parallèle entre le conflit canado-américain sur le bois d'oeuvre et le fait qu'on demande aux pays en développement d'accepter les règles. Sauf votre respect, je ne vois pas le rapport. Si des pays parviennent à un consensus sur un accord commercial multilatéral à l'OMC, c'est leur affaire, ils peuvent décider de signer. Le problème avec les Américains dans le conflit du bois d'oeuvre, c'est qu'ils ne veulent pas respecter cet accord.
Pourriez-vous me préciser votre déclaration?
º (1650)
Mme Ann Weston: Oui. J'ai simplement voulu dire que dans le cas du bois d'oeuvre, il est évident que les Canadiens ont une conception différente de la gestion de leurs ressources, que les règles sont différentes aux États-Unis, et c'est très bien ainsi; cela ne veut pas dire que les pratiques commerciales sont déloyales. Or, dans le contexte de l'OMC, on a adopté des règles qui semblent obliger certains pays à signer des accords, en dépit des circonstances particulières de chacun d'entre eux et des différentes méthodes qu'ils choisissent pour gérer leurs économies.
C'est ce qu'a dit ma collègue Gauri à propos des différentes conceptions du développement. Je veux simplement dire que si le Canada comprend ce principe dans le contexte bilatéral, il peut sans doute aussi comprendre que certains pays en développement acceptent difficilement la tendance à la formule unique qui se manifeste au sein de l'OMC. C'est en tout cas ce qu'on a vu jusqu'à maintenant. Nous nous attendons à des résultats concrets pour la définition du traitement spécial et différencié issue de la déclaration de Doha. On semble reconnaître désormais que chaque pays a des besoins différents.
Évidemment, nous ne voulons pas d'un ensemble de règles qui seraient différentes pour chacun, car cela irait à l'encontre de l'objet même d'une structure multilatérale. En revanche, il faut au moins accepter une certaine différenciation et ne pas exiger systématiquement que tout le monde se comporte de la même façon. Il y a à l'OMC certains secteurs, comme l'accord sur les services, où on s'est efforcé de construire à partir de la base un système totalement uniforme pour tous les pays, au lieu de vouloir l'imposer d'en haut.
M. Pat O'Brien: Parfait. Merci, monsieur le président. J'y vois plus clair sur cette question qui m'inspirait quelques craintes.
Je suis d'accord avec vous, il faut essayer de reconnaître les différentes... Je crois que le programme africain annoncé par le premier ministre est précisément conforme aux soucis dont vous parlez, mais il reste qu'en définitif, certains pays ont engagé cette démarche—je n'aime pas entendre dire qu'on les a «forcés à signer»— et s'ils estiment qu'il est dans leur intérêt national de signer, ils signent.
Cela étant dit, je reconnais avec vous qu'il faut tenir compte des grandes différences entre les pays, et y prêter attention.
Votre comparaison ne m'a guère plus parce que le problème, à mon avis, c'est que les Américains ne respectent pas les règles auxquelles ils se sont engagés.
Excusez-moi, monsieur le président.
Le président suppléant (M. Bob Speller): C'est très bien. Je vous remercie beaucoup de nous faire part de cela, monsieur O'Brien.
Mme Lill.
Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD): Je vous remercie, monsieur le président.
Je suis très heureuse d'être ici aujourd'hui. Je remplace Svend Robinson qui est notre porte-parole en matière d'affaires étrangères. Je ne prétends pas être une spécialiste de l'OMC.
J'aimerais dire à Kathleen Macmillan que je vais peut-être citer son livre, si c'est celui qui s'intitule Doing the Right Thing: The WTO and the Developing World. Je me suis efforcée de décortiquer ces dossiers au cours des deux ou trois dernières heures et j'aimerais maintenant aborder la question des ADPIC, c'est-à-dire les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce. J'aimerais maintenant citer Jagdish Bhagwati:
Les ADPIC ne présentent pas d'avantages mutuels; ils visent plutôt à faire en sorte que l'OMC perçoive des droits de propriété intellectuelle pour le compte des sociétés multinationales. Cela ternit l'image de l'OMC. |
Ce qui me préoccupe, c'est que de nombreux pays ont dû accepter de souscrire aux ADPIC, qu'ils ont dû souscrire aux ADPIC sans se rendre compte à l'époque à quel point il leur serait difficile de mettre en oeuvre les mesures relatives à la propriété intellectuelle. Prenons le cas de l'Afrique où sévit une crise du sida. Comment les pays africains sont-ils censés pouvoir acheter les médicaments dont ils ont besoin?
J'aimerais savoir quel rôle, à votre avis, le Canada peut jouer à cet égard. Un problème très grave se pose au sujet des produits pharmaceutiques. Quel rôle d'intermédiaire le Canada peut-il jouer? Comment pouvons-nous aider les pays qui sont aux prises avec l'obligation de recueillir des droits de propriété intellectuelle pour le compte des sociétés pharmaceutiques multinationales?
J'adresse ma question à quiconque voudra bien y répondre.
º (1655)
M. Gerry Barr: Vous soulevez une question intéressante. Plus d'une personne a fait valoir que dans un certain sens les ADPIC sont contraires au principe même de la libéralisation du commerce et de libre marché. Comme vous le faites remarquer, ils permettent l'application de monopoles dont la durée est cependant limitée, avec les énormes conséquences qui en découlent pour les prix et l'accès aux médicaments.
L'une des questions qui a le plus retenu l'attention à Doha est celle de la suppression des droits de propriété intellectuelle dans le cas des médicaments susceptibles de sauver la vie et des médicaments essentiels. C'est une question qui a beaucoup retenu l'attention au début de la conférence. Tout le monde est au courant de la situation en Afrique du Sud et au Brésil. Bien qu'il était prévu dans les accords du Cycle d'Uruguay que les gouvernements nationaux pouvaient acheter des médicaments génériques pour protéger la santé publique, dès les accords signés, cette concession a été contestée. Lorsque le Brésil a voulu acheter des médicaments génériques pour faire face à l'épidémie de sida/VIH, les États-Unis sont intervenus de façon assez efficace au nom des grandes sociétés pharmaceutiques. Cette assurance qui de toute façon n'était qu'une assurance politique dans l'accord original ne tenait plus au moment de la conférence de Doha.
Il était donc nécessaire de réaffirmer cet engagement et c'est ce qui a été fait. Bien que l'engagement ait été pris à l'égard des pays, il importe de noter—je pense que les membres du comité voudront connaître ce qu'il en est à cet égard puisque la question pourrait être soulevée lors des prochaines négociations— que bien qu'on ait assuré les pays qu'ils pourraient acheter des médicaments génériques pour protéger la santé publique, les pays qui ne fabriquent pas eux-mêmes des médicaments génériques—et on doit songer ici aux 48 pays les moins développés—n'ont pas obtenu l'assurance des pays qui les fabriquent que ceux-ci leur fourniraient ces médicaments.
Si la situation de certains pays s'est améliorée, celle d'autres pays—malheureusement les pays les moins développés de la planète—s'est détériorée. Il est prévu qu'on discute de cette question au cours de l'année. Le Canada pourrait donc réclamer au nom des pays les moins développés qu'ils aient droit d'importer des médicaments génériques.
Le président suppléant (M. Bob Speller): Je vous remercie.
Mme Macmillan.
Mme Kathleen Macmillan: C'est une question intéressante. La propriété intellectuelle est une question extrêmement complexe. Je travaille auprès de pays en développement qui souhaitent devenir membres le plus tôt possible de l'OMC ou qui en sont déjà membres. Pour ces pays, la question est étroitement liée à celle des investissements. S'ils souhaitent attirer des investissements, ce qui est le cas de la plupart d'entre eux, ils considèrent les droits de propriété intellectuelle comme étant le prix à payer pour attirer les investisseurs.
Il est fort possible, cependant, que l'OMC ne soit pas l'organisme indiqué pour appliquer les droits de propriété intellectuelle. En effet, l'OMC est le seul organisme international dont le mécanisme de règlement des différends comporte des sanctions. L'OMC est donc devenu l'arbre de Noël qu'il ne devait jamais devenir selon M. Marchi.
Bon nombre de nouvelles questions commerciales n'ont que peu à voir avec le commerce et davantage à voir avec la souveraineté nationale, la souveraineté des politiques et la réglementation, soit avec les valeurs mêmes du pays. Voilà la situation à laquelle nous faisons face et il est nécessaire d'en tenir compte puisqu'on ne peut pas la changer.
Il faut aussi s'assurer qu'il y a une certaine cohérence dans les politiques. Nous devons nous demander comment les organismes internationaux—qui sont comme de petits royaumes jaloux les uns des autres—peuvent aider les pays en développement. Si ces pays veulent se doter d'un système de droits de propriété intellectuelle, il faudrait les aider à le faire de façon adéquate puisque ce genre de système peut, dans certains cas, présenter de très grands avantages.
» (1700)
Le président suppléant (M. Bob Speller): Je vous remercie beaucoup, Kathleen.
M. Keyes.
M. Robert Keyes: J'aimerais faire une observation et une correction. L'un de mes collègues vient de me corriger. J'ai entendu M. Marchi parler d'un arbre de Noël, mais c'est plutôt Renato Ruggiero, l'ancien directeur général de l'OMC, qui a utilisé cette analogie pour la première fois.
Au sujet des ADPIC et de la protection de la propriété intellectuelle, l'admission de la Chine dans l'OMC crée de graves préoccupations au sujet de la protection des brevets. Comment ces dispositions seront-elles mises en oeuvre dans ce pays? Des difficultés à cet égard se sont déjà posées par le passé. Ce ne sont pas seulement les médicaments qui sont visés, mais tout un ensemble de produits. La question est très vaste et complexe.
Le président suppléant (M. Bob Speller): Je vous remercie beaucoup. J'aimerais maintenant faire participer les représentants de la Fédération canadienne du vêtement à la discussion. J'aimerais citer certains extraits de votre mémoire, madame Macmillan. Voici ce que vous dites au sujet du textile et de l'habillement.
Dans leur comptabilité des barrières commerciales américaines, Hufbauer et Elliott ont baptisé les restrictions aux importations de textiles et d'habillement «le Mont Everest de la protection commerciale américaine». On pourrait dire autant des barrières imposées par d'autres pays à l'égard du textile et de l'habillement dans le monde développé. La combinaison de contingentements à l'importation de nature restrictive découlant de l'arrangement multifibres et d'importants droits à l'importation qu'imposent les nations industrialisées mécontentent depuis des décennies les exportateurs des pays en développement. |
On lit ensuite ceci dans une autre partie de votre mémoire:
Même si un certain nombre de barrières non tarifaires, comme les restrictions canadiennes aux importations de produits laitiers, de volailles et d'autres biens dont l'offre est réglementée, ont été converties en tarifs, le résultat de cette transformation a été, selon un observateur, scandaleux. |
Et vous ajoutez ensuite:
Pires encore, selon Hertel et Martin, sont les contingents tarifaires, moins transparents que les anciens régimes de contingentement, qui génèrent des rentes significatives. |
Je voudrais revenir à la question que je posais quant à savoir comment concilier ces intérêts commerciaux légitimes et nos objectifs en matière de développement. Si nous souscrivons à ces accords, j'aimerais demander aux représentants de la Fédération canadienne du vêtement quelles sont les mesures qui sont en place pour contrer les pertes d'emploi potentielles que vous décrivez? Que devrait faire le gouvernement à cet égard?
J'accorderai d'abord la parole à M. Kivenko.
M. Jack Kivenko (membre, Fédération canadienne du vêtement): Quelqu'un qui travaille dans le secteur depuis 30 et même presque 40 ans a nécessairement une mémoire institutionnelle. Je me souviens de l'époque où il n'existait pas de contingent. Je me souviens de l'époque où il n'y avait pas de droit et de celle où les droits ne pouvaient pas être changés une fois qu'ils avaient été arrêtés. Je me souviens de ces époques et du fait que je venais ici à Ottawa presque tous les mois et sans doute même presque toutes les semaines pour dénoncer les problèmes auxquels nous faisions face et pour demander l'aide du gouvernement, faute de quoi le secteur disparaîtrait. Nous étions sûrs que le secteur disparaîtrait.
Les autres pays développés faisaient face à la même situation et chaque pays trouvait un nouveau moyen de protéger l'industrie du vêtement, qu'il s'agisse de la Caroline du Nord, de la Géorgie, du Nord de la France, du Nord de l'Italie ou du Sud de l'Italie. Chaque pays craignait que son secteur du vêtement disparaisse et que tous les vêtements soient confectionnés dans des pays où la main-d'oeuvre était peu coûteuse comme le Japon à l'époque.
C'était une situation impossible. Le gouvernement ne voulait pas nous entendre nous plaindre continuellement. Un jour c'était les chemises, le lendemain c'était les ceintures et le surlendemain les pantalons, les t-shirts et ainsi de suite. C'était vraiment une situation impossible parce qu'il n'existait pas de façon uniforme dans le monde entier d'assurer une certaine stabilité aux producteurs comme nous-mêmes et un certain accès à nos marchés aux fournisseurs étrangers.
Après de longues négociations, on s'est entendu sur un système de contingent qui nous a assuré une certaine stabilité. Nous savions maintenant que nous n'aurions plus une certaine part du marché. Le reste du marché serait réservé aux fournisseurs canadiens.
Les fournisseurs étrangers savaient que je ne pouvais pas dire au ministère des Finances: «Attendez un instant, mes commandes de pantalons ne sont pas suffisantes. Il faut ralentir l'entrée des importations.» Je savais que x million de pantalons seraient importés et la situation semblait assez juste. Il existait une certaine stabilité. La production suffisait et je pouvais augmenter la production si la demande augmentait, et la répartition des parts de marché semblait juste. Chaque pays a obtenu sa part du contingent.
Cette situation qu'un certain nombre d'économistes trouvaient scandaleuse a prévalu pendant un certain temps. Je les cite: ils dénonçaient comme étant scandaleux des systèmes qui semblaient assez justes parce que tous les pays du monde y avaient souscrit.
Nous avons convenu en vertu de l'OMC que ces contingents seraient éliminés. Dans deux ans, les importations de vêtements ne seront plus contingentées au Canada. Qui plus est, les droits sur les importations seront de 30 p. 100 inférieurs à ce qu'ils étaient il y a environ huit ans. Nous ne cessons depuis d'augmenter également les contingents attribués aux pays qui étaient assujettis à des contingents et nous avons éliminé les contingents s'appliquant à un certain nombre de vêtements qui en faisaient l'objet.
Permettez-moi de vous donner un seul exemple, celui des chemises à collet pour hommes comme celles que portent tous les hommes ici. Nous avons supprimé les contingents s'appliquant à la plupart des chemises il y a plusieurs années dans le cadre du processus menant progressivement à l'élimination des contingents. Nous l'avons fait en raison des grandes pressions qu'exerçaient les pays exportateurs. Savez-vous combien de pays exportent des chemises au Canada? En 1996, il y en avait 59. Nous avons éliminé les contingents en 1997 et la situation avait complètement changé en l'an 2000. Les chemises ne viennent plus du même endroit. Tous les pays qui ont réclamé l'accès à notre marché ont fait un grand cadeau à la Chine.
» (1705)
Permettez-moi de vous donner quelques chiffres. La Chine exporte maintenant pour 125 millions de dollars de chemises au Canada. La Chine exportait environ pour 34 millions de dollars en 1997 et 25 millions de dollars en 1996.
Pour ce qui est des pays en développement, la part du marché de l'Indonésie a chuté de 1 million de dollars et la part du marché de la Thaïlande est demeurée la même. Qu'en est-il de la part de marché d'autres pays comme le Pakistan? Je ne me rappelle pas à brûle-pourpoint de sa part de marché, mais je vous la donnerai dans une minute. Nous avons constaté que bien que le Pakistan soit complètement libre d'exporter ses chemises au Canada, il n'en exporte maintenant que pour 2 millions de dollars, soit pas davantage que lorsque les importations de chemises étaient contingentées. Qu'en est-il de la part de marché. Qu'en est-il de la part de marché du Portugal? Le Portugal n'a jamais été assujetti à des contingents. Les exportations de ce pays vers le Canada sont passées de 3 millions de dollars à 1 million de dollars. Celles de Taiwan sont passées de 5 millions de dollars à moins de 1 million de dollars, celles du Salvador de 600 000 $ à 250 000 $ et celles du Népal de 1 million à 91 000 $.
Ce qu'on constate, c'est que lorsque les contingents disparaissent et qu'on n'est plus tenu d'acheter les produits des pays les moins développés, on ne les achète plus, mais on s'approvisionne auprès de la Chine. Il vaudrait mieux que vous appreniez à parler le chinois parce que dans deux ans, tous les vêtements viendront de Chine. Quoi que vous fassiez, ils ne proviendront pas des pays les moins développés. Quels que soient les avantages que nous leur consentons, nos importations de vêtements proviendront de la Chine.
Qu'est-ce que cela signifie pour la Chine? C'est un énorme cadeau pour la Chine. Environ 16 millions de personnes ou peut-être même davantage travaillent dans l'industrie du textile et du vêtement en Chine. Combien d'emplois ce pays pourra-t-il créer du fait qu'il peut exporter tous les vêtements qu'il souhaite vers le Canada? Si tous les emplois qui existent actuellement dans ce secteur au Canada disparaissaient au profit de la Chine, 100 000 nouveaux emplois seraient créés dans ce pays. Pensez-vous que ça se remarquera? Pas du tout.
En fait, si notre industrie disparaît, cela ne profitera à aucun des pays où il faudrait créer des emplois. C'est le pays pour lequel cela ne fait pas de différence qui sera le gagnant.
» (1710)
Le président suppléant (M. Bob Speller): Quelqu'un veut-il ajouter quelque chose? Dans ce cas, quelqu'un d'autre veut poser une question sur ce sujet.
M. Barr.
M. Gerry Barr: Pour poursuivre dans la même veine, nous faisons face à un dilemme assez difficile: nous nous faisons les champions du libre-échange en paroles, nous gardons en réserve des stratégies protectionnistes, nous exprimons nos préoccupations pour les travailleurs les plus vulnérables de l'Amérique du Nord et nous dénonçons les stratégies qui pourraient avoir un impact négatif non seulement sur le Canada mais sur les pays en développement. Ceux qui négocient les accords commerciaux font face à un défi de taille. Nous devons reconnaître que nous sommes responsables du genre de cadre économique que nous créons.
Certains pays parmi les plus vulnérables ne peuvent plus exporter leurs produits vers les pays développés. Ces pays réclament d'avoir accès aux marchés des pays développés. Je crois que nous devons tenir compte de leur point de vue.
Les flux commerciaux que nous créons auront un impact négatif sur les travailleurs dans le Nord. Nous devons à ces travailleurs de tenir compte de leur vulnérabilité et de leur offrir les mesures de soutien voulues.
Ces flux commerciaux vont aussi avoir une incidence sur la situation des habitants des pays en développement. Nous devons aux pays en développement de les aider à mettre sur pied les mesures qui permettront d'aider leurs citoyens les plus vulnérables à faire face à ces conséquences économiques négatives.
Nous bâtissons actuellement la nouvelle économie mondiale, ce qui aura des conséquences pour tous les pays. Nous devons assumer nos responsabilités à cet égard. Les parlementaires, en particulier, doivent le faire.
Le président suppléant (M. Bob Speller): Ce sera d'abord au tour de Mme Weston et ensuite de Mme Lill.
Mme Ann Weston: Merci.
Je conviens qu'il s'agit d'une question très épineuse et nous ne voulons pas sembler parler cavalièrement en disant que le secteur du vêtement au Canada doit s'ouvrir davantage. Ce n'est pas faute de reconnaître les problèmes d'ajustement au Canada; nous les voyons, bien entendu. Le problème, c'est qu'on demande aux pays en développement d'ouvrir leurs marchés alors qu'ils ont besoin d'emplois, eux aussi. Il faudra un jour que les volumes de production mondiaux se déplacent et ce qui nous inquiète, c'est la façon dont on gérera la chose, à savoir si cette restructuration se produira dans l'ordre ou non.
Je dirais que l'une des raisons de la violence du choc qu'on subira en 2005, à la fin de tous les contingents, c'est que bon nombre de contingents butoirs seront supprimés en janvier 2005. Depuis le cycle d'Uruguay, nous avons eu l'occasion d'abaisser ces protections d'une manière ordonnée, mais nous avons gardé pour la fin les contingents butoirs les plus importants. Les statistiques sont là pour le montrer.
La question de l'analyse économique et de ce qu'il faut conclure à partir des chiffres est très controversée. Les commissions parlementaires traduisent inévitablement les pressions politiques. Il y a le Tribunal canadien du commerce international, et il me revenait à l'esprit que le ministre des Finances, en vertu de nos lois sur le commerce, peut s'il le veut demander au Tribunal canadien du commerce international d'étudier à froid certaines questions et de cerner les coûts et les avantages de la libéralisation pour l'économie canadienne, afin que l'on sache exactement quels sont les faits et les chiffres. Dans certaines de ces tribunes, il est difficile d'obtenir un portrait complet, et c'est là peut-être une solution.
» (1715)
Le président suppléant (M. Bob Speller): Merci, madame Weston. C'est en fait en partie ce que nous faisons.
Wendy, écoutons d'abord la réponse de M. Kivenko, puis je vous donnerai la parole.
M. Jack Kivenko: Les contingents ne vont pas disparaître subitement en 2005. Pendant une période 10 ans, certains contingents ont été éliminés, mais par ailleurs, le nombre de contingents a augmenté, et à un rythme accéléré. D'après les calculs que j'ai faits il y a quelques années, cette année ou l'an prochain, la taille des contigents dépassera notre marché apparent.
Par conséquent, avant la disparition des contingents, nous pourrons faire venir au Canada plus de vêtements que nous ne pouvons en porter. Les contingents ne serviront en fait, d'une façon ou d'une autre, qu'à décider des pays d'où ils viendront, et en 2005, nous aurons perdu ce contrôle sur les pays de provenance.
Lorsque nous avons négocié ce genre d'accord, je participais aux pourparlers. J'étais membre du GCSCE, j'étais aux négociations et je conseillais les pays moins avancés en leur disant que ce n'était pas dans leur intérêt. C'est contraire à leur intérêt. Il ne faut pas lever les contingents. Les contingents leur garantissent des marchés. À l'époque, personne n'était sûr de l'issue des négociations de toute façon et l'an 2005 semblait encore très loin, dans 10 ans. La carrière de la plupart des fonctionnaires qui négociaient cet accord serait terminée depuis longtemps, comme le sera probablement la mienne, en 2005.
Ils ne réfléchissaient pas suffisamment à l'intérêt de leurs pays. Leur but, c'était d'obtenir le libre-échange. Ils ont pu vendre à leur gouvernement l'idée qu'ils n'auraient plus à être sous contrôle, sans jamais penser à tout ce qu'il leur faudrait faire pour être concurrentiel. Et il leur faudra être concurrentiel.
Franchement, je n'ai pas de solution pour eux. Que faudra-t-il faire? Faudra-t-il les subventionner pour qu'ils puissent se mesurer à la Chine afin de pouvoir exporter au Canada? Ce serait le comble du ridicule.
Mais ils auront été prévenus, par des gens comme moi, qui ont parlé pour le secteur du vêtement, qui leur ont dit que l'élimination des contingents ne réglerait pas les problèmes, mais en créerait de nouveaux.
Mme Wendy Lill: Voilà qui est fascinant et j'aimerais vous poser quelques questions à ce sujet.
Pour commencer, j'aimerais savoir si les autres pensent aussi que le scénario que vous avez décrit est possible, soit que toutes les chemises du monde soient confectionnées en Chine. C'est un scénario intéressant. On pourrait alors dire qu'un autre pays produira les téléphones cellulaires, un autre, les frites, ou que sais-je encore.
Est-ce qu'on s'oriente vers ce genre de situation? Est-ce possible, que les pays devront devenir incroyablement spécialisés, ou que leur destin sera de se spécialiser? On entend déjà dire que certains pays ne produisent plus ce qui les distinguaient, par tradition. Ils sont forcés de faire pousser du riz, alors qu'ils cultivaient autrefois des bananiers. Il y a concrètement toutes sortes de distorsions qui se produisent dont nous savons qu'au point de vue écologique, elles sont insensées.
Vous soulevez une autre question, qui est connexe, toutefois: la troublante question de tous les pays qui risquent de perdre au profit de ceux qui ont le plus grand nombre d'employeurs. Le scénario que vous évoquez me fascine. Il n'a rien de réjouissant. Je voudrais savoir ce qu'en pensent les autres, si ce scénario est possible et ce qu'on peut faire pour l'éviter.
» (1720)
Le président suppléant (M. Bob Speller): Qui veut répondre?
M. Jack Kivenko: J'ai dit que c'est possible. Je ne veux toutefois pas m'écarter de...
Je dois vous dire que ce n'est pas seulement la Chine qui exportera vers le Canada. Il faut comprendre que l'Inde a contracté les mêmes obligations que nous. Éventuellement, l'Inde devra permettre à la Chine d'y exporter ses chemises et ses vêtements. Si les Indiens ne sont pas concurrentiels avec la Chine sur notre marché, à des milliers de kilomètres, comment pourront-ils l'être chez eux? Comment les Sri Lankais pourront-ils être concurrentiels, et les Thaïlandais, et les Vietnamiens, etc? Ils ne seront même pas concurrentiels sur leurs propres marchés.
Pensons à l'immensité de la capacité chinoise, et à l'infrastructure dont dispose ce pays, dont historiquement la production a répondu aux besoins d'un milliard et demi de personnes. Ce pays n'importait jamais ce genre de choses. Il a déjà l'infrastructure pour produire les textiles, pour le filage des fibres, pour le tricot, la coupe, la couture et la teinture. Ce n'est rien pour la Chine de s'emparer du marché d'un autre pays, puis d'un autre encore.
Bien franchement, je crois qu'aucun d'entre nous n'a trouvé de solution, ni même de piste de solution. Je crois que nous allons entendre des demandes de contingents de nombreux petits pays, pour leurs marchés, et pour notre marché.
Le président suppléant (M. Bob Speller ): Je vais maintenant donner la parole à M. Eyking, à moins que nous nous lancions dans le débat sur la gestion de l'offre.
Ou à moins que vous vouliez répondre, madame Macmillan, puisque je me suis servi de quelques-unes de vos citations.
Mme Kathleen Macmillan: Je respecte les fabricants de vêtements, qui connaissent bien leur secteur, évidemment, mais au risque d'avoir l'air d'une économiste, je vais parler comme une économiste.
À l'échelle mondiale, nous avons tous un problème d'ajustement commercial. L'arrivée de la Chine sur le marché mondial, pour la première fois depuis des décennies, déchaînera les forces de la concurrence. On pourrait dire que l'élimination des contingents nous permettra, au bout du compte, d'avoir un régime où l'accès est fondé dans une plus large mesure sur les avantages comparatifs naturels, et dans une moindre mesure sur des programmes de contingents artificiels fixés il y a des décennies et qui à l'époque, tenaient davantage compte des fournisseurs naturels, dans le monde.
Il y a maintenant toute une gamme d'autres fournisseurs, la Chine étant le plus important, et nous en verrons les effets sur notre marché. Il n'y a aucun doute à ce sujet. Il faudra certainement s'adapter à cet aspect du rajustement.
M. Yves Leduc: Il y a une chose dont je veux parler, et j'y ai fait allusion dans mon exposé: l'emprise sur le marché. Considérons le marché mondial du lait. On constate qu'une poignée d'entreprises contrôlent ce marché. Ces entreprises qui agissent sur le marché mondial sont également présentes sur la scène canadienne.
Il y a actuellement cinq grandes entreprises de transformation des produits laitiers au Canada: Unilever, Nestlé et Parmalat, trois multinationales, ainsi que Saputo, dont la croissance est très rapide, et la coopérative Agropur, qui s'interroge actuellement sur l'opportunité de son statut coopératif, étant donné la compétitivité du secteur.
Au sujet du commerce mondial des produits laitiers, par exemple, la quantité de production de lait vendue sur le marché mondial est équivalente à 5 p. 100 de la production totale. C'est très faible. Pourtant, c'est ce 5 p. 100 qui influe sur le prix du lait versé aux agriculteurs de tous les pays où il n'y a pas d'outils pour contrer l'influence des autres intervenants dans la chaîne de commercialisation.
Notre système a permis la stabilité. Nous offrons un certain accès, mais on fait pression pour élargir cet accès. Pourquoi? Parce que dans notre régime, les agriculteurs ont décidé de commercialiser leurs produits collectivement, améliorant ainsi leur emprise sur le marché canadien. Les Néo-Zélandais, par exemple, voudraient profiter du fait que les producteurs canadiens se sont disciplinés entre eux, de manière à obtenir aujourd'hui un meilleur prix.
Nous ne participons pas à la création d'excédents sur le marché mondial. C'est vrai, il y a les contingents tarifaires. Certains diront que les taux de droit hors contingent sont très élevés. Je crois que nous devons toutefois être prudents, certains pays imposant des tarifs de l'ordre de 25 p. 100, soit des tarifs suffisants pour bloquer toute importation. Dans le fond, tout est relatif.
Le Canada a ouvert son marché des produits laitiers. Cet accès est comblé à 98 ou 100 p. 100. Nous n'avons donc pas bloqué l'accès offert, contrairement à d'autres pays. On connaît bien l'exemple des contingents tarifaires pour la crème glacée aux États-Unis. Une partie du contingent a été accordée à la Jamaïque. Est-ce qu'on y produit de la crème glacée? Non.
Vous parlez de transparence. Je pense que le Canada a réussi à administrer ses contingents tarifaires avec beaucoup de transparence. Peut-être pas autant que d'autres pays, mais rappelons qu'au bout du compte, c'est l'emprise des agriculteurs sur le marché qui est en jeu.
» (1725)
Le président suppléant (M. Bob Speller): Merci beaucoup, monsieur Leduc.
Nous donnons la parole à M. Lifson.
M. Elliot Lifson: Je voulais simplement dire une chose. C'est une question épineuse. Je comprends ce que vient de dire Kathleen, mais je vais tirer de son livre une citation de M. Mike Moore, qui disait qu'il est dommage que les partenaires commerciaux riches maintiennent leurs tarifs et leurs contingents. N'oublions pas que la pénétration dans notre pays est supérieure à 60 p. 100, et qu'elle croît rapidement. Les importations au Canada se font déjà à ce rythme.
Que ferons-nous pour l'industrie canadienne? Nous avons déjà fait des choses pour être concurrentiels aujourd'hui. Comment faire pour que tous puissent combattre à armes égales? C'est simple. Nous sommes des gens d'affaires. Si nous n'avons pas nos employés ici, ceux qui produiront ces choses le feront dans les pays dont nous parlons. On parle d'approvisionnement et de commercialisation et c'est le genre de choses qu'on verra.
Rappelons que nos 3 100 travailleurs ont des postes au bas de l'échelle. Nous avons changé nos modes de production. Nous avons investi dans les techniques de confection des costumes. Cela nous a permis d'embaucher des immigrants, soit les personnes des autres pays dont nous parlons, pour des postes de premier échelon, dans notre entreprise. Ils ont quelques promotions, puis ils nous quittent.
Nous avons embauché 700 personnes cette année. Combien d'employeurs peuvent en dire autant? Qu'allons-nous faire? Nous avons ouvert notre marché à 60 p. 100 et il se rétrécit. Nous avons trouvé un créneau. Nous sommes concurrentiels. Nous exportons 95 p. 100 de la production. Qu'allons-nous faire de nos usines? N'oubliez pas que cette décision n'est pas difficile à prendre. Rien de plus simple que de dire qu'on ne produira plus ici. Nous serons toujours en affaires. Nous nous approvisionnerons simplement ailleurs.
» (1730)
Le président suppléant (M. Bob Speller): Merci beaucoup.
Je donne maintenant la parole à M. Eyking.
M. Mark Eyking (Sydney--Victoria, Lib.): Le scénario dont parle M. Kivenko, pour le secteur du vêtement, est très intéressant. Ma famille est aussi dans le secteur de l'agriculture, où nous avons la gestion de l'offre.
J'ai parlé à des agriculteurs Néo-Zélandais. Je crois qu'ils sont quatre membres de cette coopérative, en Nouvelle-Zélande, et chacun a environ 5 000 vaches. Ils n'ont pas besoin d'emmagasiner les aliments de leurs vaches et laissent celles-ci sortir. Le gros de leurs produits est destiné à Pizza Hut, ou quelque autre grande pizzeria mondiale, et ils se sont préparés en croyant pouvoir produire du fromage et le vendre moitié moins cher que le Canada.
J'espère que vous avez raison et que vous êtes très optimiste, mais j'ai tendance à croire, surtout lorsqu'il s'agit de grandes distributions, que notre secteur de l'agriculture, surtout un secteur de gestion de l'offre, pourrait subir le même sort que le secteur du vêtement. McDonald ou une autre compagnie quelconque a besoin de tant de millions de livres de fromage. Ces entreprises, où qu'elles soient, vont faire établir un contingent et dans 10 ans, quand les tarifs seront éliminés, nous serons des proies faciles.
Je ne veux pas me lancer dans un débat sur la question, mais ne croyez-vous pas que si le marché est complètement ouvert, on aurait des problèmes?
M. Yves Leduc: Oui, je crois que sans aucun doute, la Nouvelle-Zélande est probablement l'endroit dans le monde où la production est la moins coûteuse. Leur production est exportée à 95 p. 100. Cela représente environ 40 p. 100, peut-être 50 p. 100 de tous les produits laitiers sur le marché international, qui représente à son tour environ 5 ou 7 p. 100 de la production laitière totale, qu'on tienne compte ou pas de l'aide alimentaire.
Si on ouvrait les frontières demain matin, ce serait toute une tentation pour certaines grandes entreprises. Déjà, certaines d'entre elles essaient d'acheter leurs produits laitiers sur les marchés mondiaux, en essayant de contourner les mesures tarifaires. Cela a ensuite un effet sur les prix payés aux producteurs laitiers canadiens. Mais au bout du compte, je ne crois pas que la Nouvelle-Zélande puisse approvisionner exclusivement le marché mondial des produits laitiers.
Qui y perdrait? Ce serait les agriculteurs canadiens. Personnellement, je ne crois pas que vous ou moi verrions une grande différence dans le prix que nous payons pour le lait et les produits laitiers, au supermarché. Trois chaînes d'alimentation contrôlent 80 p. 100 du marché d'alimentation au détail dans l'est du Canada.
M. Mark Eyking: Je n'ai pas vu de changement dans le prix des chemises.
M. Yves Leduc: Il y aurait un changement dans les prix payés à la ferme, mais pour vous et moi, je doute qu'on en subisse des répercussions.
M. Mark Eyking: Peut-être que le libre-échange n'aura pas que d'heureux lendemains. À moins que nous soyons d'excellents producteurs dans certains domaines, à l'échelle mondiale... Cela m'amène à penser au bois d'oeuvre. Nous sommes si bons, nos scieries sont si bonnes, si efficaces, et pourtant tout ce matériel entre chez nous, et nous n'avons pas l'avantage d'exporter le nôtre.
Mais enfin, c'est une autre question. J'espère que notre secteur de l'agriculture est préparé et j'espère qu'il ne vivra pas les mêmes difficultés que le secteur de la confection.
Le président suppléant (M. Bob Speller): Merci beaucoup, monsieur Eyking.
Monsieur Sosnow, voulez-vous ajouter quelque chose?
Mr. Clifford Sosnow: J'aimerais changer un peu de direction car c'est vous, monsieur le président, qui aviez déclenché cette conversation sur la question générale de savoir comment équilibrer les divers intérêts. Il y a à la fois des intérêts offensifs et des intérêts défensifs et je crois qu'il y a plusieurs choses dans ce qu'on vous dit actuellement. Il n'y a pas de réponse parfaitement harmonieuse et il faut envisager beaucoup de choses de manière sectorielle.
Toutefois, cela ouvre d'autres possibilités. Par exemple, les intérêts des agriculteurs canadiens sont assez proches de ceux des agriculteurs des pays en développement. Les uns et les autres souhaitent mettre fin à la guerre de surenchère que se livrent les États-Unis et l'Union européenne et souhaiteraient qu'on égalise les règles du jeu et qu'il y ait des disciplines beaucoup plus fermes en matière de subventions. Ce sont des choses dont les agriculteurs canadiens comme ceux des pays en développement souffrent.
Donc, lorsqu'on essaie de voir comment on peut tenir compte des intérêts commerciaux canadiens et en même temps des besoins des pays en développement, la question est de savoir si l'on peut jumeler les intérêts canadiens avec des intérêts analogues dans des pays en développement pour aboutir à une situation où tout le monde est gagnant. Nous pensons que la position du Canada en matière d'agriculture, qui vise à établir des disciplines plus fermes en matière de subventions, à réduire progressivement les subventions intérieures et à ouvrir un plus grand accès aux marchéx des produits, aboutit à créer ce genre de situations gagnantes pour tout le monde.
L'autre aspect de la question concerne le transfert de technologies. J'y reviens car je crois là encore que c'est l'un des meilleurs exemples de stratégies où tout le monde est gagnant quand on marie des intérêts commerciaux, car en développant le transfert de technologies, on aide les économies les plus faibles, on contribue à diversifier ces économies et on améliore leur niveau de vie. La question est alors de savoir ce qu'il faut faire pour accélérer ce transfert de technologies.
Un comité a été créé à l'OMC précisément pour répondre à cette question. À partir de là, on peut se demander si la politique canadienne ne doit pas consister à élaborer des recommandations axées sur cet objectif. À cet égard, on envisage de réduire les barrières douanières et d'atténuer les obstacles aux transactions. Il y a aussi la question des disciplines concernant les investissements, toutes ces choses qui facilitent le transfert de technologies et qui aident les pays en développement à élever leur niveau de vie tout en aidant aussi les entreprises canadiennes.
Enfin, en ce qui concerne les textiles, s'il n'y a pas eu de réponse à la question de Mme Lill, c'est que M. Kivenko et M. Lifson connaissent leur secteur mieux que quiconque dans cette salle. Je vais donc renvoyer la question au président et aux membres du comité: faut-il effectivement rééquilibrer les intérêts commerciaux et les intérêts des pays en développement? L'OMC n'a-t-elle pas créé cet équilibre en supprimant les contingents en l'espace de deux ans?
Les ministres du Conseil du commerce des marchandises ont proposé d'examiner la méthode la plus favorable de calcul des niveaux de contingent. Là encore, c'est peut-être quelque chose dont le Canada pourrait se faire l'écho de façon positive ou qu'il pourrait suggérer d'approfondir. Et peut-être les représentants du secteur du textile auraient des commentaires à soumettre au comité à cet égard.
» (1735)
Le président suppléant (M. Bob Speller): Merci beaucoup de vos remarques.
Monsieur Leduc, vous voulez faire une dernière observation?
M. Yves Leduc: Je voulais ajouter une chose, monsieur le président, concernant la Nouvelle-Zélande. La Nouvelle-Zélande semble être le pays, du moins dans le secteur laitier, qui profite le plus des contingents tarifaires. Je crois que 35 p. 100 de tout le beurre qu'elle exporte est garanti conformément à l'accès garanti. Ainsi, la Nouvelle-Zélande est le seul exportateur de beurre vers l'Union européenne, et elle reçoit environ 800 $ de plus que le prix du marché mondial pour ce beurre.
M. Mark Eyking: C'est la Nouvelle-Zélande qui obtient cela. Le gouvernement le donne aux producteurs.
M. Yves Leduc: Oui, c'est la Nouvelle-Zélande qui obtient cela. Elle peut demander le prix intérieur de l'Union européenne qui est actuellement supérieur au prix mondial. Si vous éliminiez tous les tarifs qui existent non seulement au Canada, mais aussi au sein de l'Union européenne, je doute fort que la Nouvelle-Zélande puisse continuer à exporter à ce prix car je ne crois pas que le prix de l'Union européenne resterait supérieur au prix mondial.
Je voulais aussi ajouter que c'est le gouvernement canadien qui appuie la gestion de l'offre. Les ministres Vanclief et Pettigrew ont exprimé leur appui à maintes reprises et, comme je l'ai souligné, pour que notre système de gestion de l'offre soit efficient, il nous faut les trois piliers, soit la protection à la frontière—autrement dit, le maintien des contingents tarifaires—un prix acceptable pour les agriculteurs et une discipline de production, soit le système de contingents qui est en place.
» (1740)
Le président suppléant (M. Bob Speller): Merci beaucoup, monsieur Leduc.
Mesdames et messieurs, je crois que je mettrai fin à cette séance afin que M. Keyes puisse arriver à l'heure à son importante réunion de 18 heures.
J'aimerais profiter de l'occasion pour vous remercier tous d'être venus nous aider. Également, je vous encourage à nous écrire si vous avez d'autres suggestions ou d'autres réflexions dont vous voudriez nous faire part. Il n'est pas nécessaire de rédiger un livre comme Mme Macmillan; quelques notes sur un bout de papier feraient très bien l'affaire.
Merci beaucoup.
Chers collègues, la séance est levée.