SNUD Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité spécial sur la consommation non médicale de drogues ou médicaments
Témoignages du comité
TABLE DES MATIÈRES
Le mercredi 6 février 2002
¹ | 1535 |
La présidente (Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.)) |
M. Michael McLaughlin (sous-vérificateur général du Canada, Bureau du vérificateur général du Canada) |
¹ | 1540 |
La présidente |
M. Randy White (Langley--Abbotsford, Alliance canadienne) |
¹ | 1545 |
M. David Brittain (directeur principal, GRC et solliciteur général, Direction générale des opérations de vérification, Bureau du vérificateur général du Canada) |
M. Michael McLaughlin |
M. Randy White |
M. David Brittain |
M. Randy White |
M. David Brittain |
¹ | 1550 |
M. Randy White |
La présidente |
Mme Fry |
¹ | 1555 |
M. David Brittain |
Mme Fry |
M. David Brittain |
La présidente |
Mme Fry |
M. David Brittain |
Mme Fry |
M. David Brittain |
º | 1600 |
Mme Hedy Fry |
M. David Brittain |
Mme Hedy Fry |
La présidente |
Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD) |
M. David Brittain |
Mme Libby Davies |
º | 1605 |
M. David Brittain |
M. Michael McLaughlin |
La présidente |
Mme Allard |
M. Michael McLaughlin |
Mme Allard |
M. Michael McLaughlin |
º | 1610 |
Mme Carole-Marie Allard |
M. Michael McLaughlin |
Mme Allard |
M. Michael McLaughlin |
La présidente |
M. David Brittain |
La présidente |
M. Michael McLaughlin |
La présidente |
M. Kevin Sorenson (Crowfoot, Alliance canadienne) |
º | 1615 |
M. David Brittain |
º | 1620 |
M. Kevin Sorenson |
M. David Brittain |
La présidente |
M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.) |
M. David Brittain |
M. Derek Lee |
M. David Brittain |
º | 1625 |
M. Derek Lee |
M. Michael McLaughlin |
º | 1630 |
La présidente |
M. David Brittain |
M. Michael McLaughlin |
La présidente |
M. Michael McLaughlin |
º | 1635 |
La présidente |
M. Michael McLaughlin |
La présidente |
Mme Libby Davies |
M. Michael McLaughlin |
º | 1640 |
Mme Libby Davies |
M. David Brittain |
Mme Libby Davies |
M. David Brittain |
º | 1645 |
La présidente |
M. Dominic LeBlanc (Beauséjour--Petitcodiac, Lib.) |
M. David Brittain |
M. Dominic LeBlanc |
M. David Brittain |
La présidente |
M. Dominic LeBlanc |
º | 1650 |
M. Michael McLaughlin |
M. David Brittain |
M. Michael McLaughlin |
M. Dominic LeBlanc |
M. David Brittain |
M. LeBlanc |
M. David Brittain |
M. LeBlanc |
La présidente |
M. Randy White |
º | 1655 |
La présidente |
M. Randy White |
M. David Brittain |
La présidente |
» | 1700 |
M. Michael McLaughlin |
La présidente |
M. Michael McLaughlin |
M. David Brittain |
» | 1705 |
M. Michael McLaughlin |
La présidente |
M. Michael McLaughlin |
La présidente |
M. David Brittain |
» | 1710 |
La présidente |
M. David Brittain |
La présidente |
M. Michael McLaughlin |
M. Kevin Sorenson |
M. David Brittain |
La présidente |
M. David Brittain |
La présidente |
Mme Fry |
» | 1715 |
M. Michael McLaughlin |
» | 1720 |
M. David Brittain |
Mme Fry |
M. David Brittain |
La présidente |
M. Derek Lee |
» | 1725 |
M. Michael McLaughlin |
M. David Brittain |
La présidente |
Mme Allard |
M. Michael McLaughlin |
Mme Allard |
M. Michael McLaughlin |
La présidente |
Mme Libby Davies |
» | 1730 |
M. Michael McLaughlin |
La présidente |
M. Michael McLaughlin |
La présidente |
» | 1735 |
Mme Fry |
La présidente |
La greffière du comité |
La présidente |
Mme Allard |
La présidente |
Mme Libby Davies |
La présidente |
CANADA
Comité spécial sur la consommation non médicale de drogues ou médicaments |
|
l |
|
l |
|
Témoignages du comité
Le mercredi 6 février 2002
[Enregistrement électronique]
¹ (1535)
[Traduction]
La présidente (Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.)): La séance est ouverte.
Comme vous le savez, conformément à l'ordre de renvoi adopté par la Chambre des communes le jeudi 17 mai 2001, nous examinons les facteurs sous-jacents ou parallèles à la consommation non médicale de drogues ou de médicaments. Nous avons le grand plaisir de recevoir aujourd'hui les représentants du Bureau du vérificateur général du Canada, M. Michael McLaughlin, le sous-vérificateur général, et M. David Brittain, qui a été le principal responsable de la vérification qui nous intéresse particulièrement.
Messieurs, nous nous réjouissons que vous ayez pu venir avec un préavis aussi bref et que vous ayez choisi, l'année dernière, de centrer votre attention sur un domaine qui nous intéresse tous beaucoup. Merci.
Je crois que vous avez une déclaration liminaire à nous faire.
M. Michael McLaughlin (sous-vérificateur général du Canada, Bureau du vérificateur général du Canada): Merci, madame la présidente. J'aimerais remercier le comité de nous donner l'occasion de discuter du chapitre 11 du rapport de 2001 intitulé «Les drogues illicites: le rôle du gouvernement». Comme vous l'avez remarqué, j'ai à mes côtés aujourd'hui David Brittain, le directeur principal responsable de la vérification.
Les drogues illicites sont une question importante pour le Canada en raison de leur impact négatif important. Les coûts économiques, notamment ceux associés aux soins de santé, à la perte de productivité, aux crimes contre les biens et à l'application des lois, dépasseraient les cinq milliards de dollars par année. Chaque année, plus de 50 000 personnes sont mises en accusation pour des infractions liées aux drogues, qui donnent lieu à plus de 400 000 comparutions devant les tribunaux.
Enfin, la vente de drogues illicites constitue une importante source de financement pour le crime organisé et le terrorisme. C'est une question qui touche les trois ordres de gouvernement au Canada. La pièce 11.3 à la page 10 du chapitre montre la participation des différents ordres et leurs efforts pour réduire la demande et l'offre de drogues illicites et, par conséquent, ses effets néfastes.
Notre examen a surtout porté sur le rôle du gouvernement fédéral dans la lutte contre les drogues illicites. Notre vérification visait à répondre à trois questions: Possède-t-on de l'information adéquate sur l'étendue du problème, et pour que le gouvernement fédéral puisse gérer ses activités? Existe-t-il des rapports publics complets sur les objectifs et les résultats? Existe-t-il un leadership fort et une bonne coordination?
[Français]
L'information sur l'étendue du problème des drogues est restreinte, périmée ou non disponible. Cela s'applique également à l'information de base générale et à l'information de gestion.
Les statistiques sur l'application de la loi en sont un exemple. Le tableau 11.2, à la page 4, montre le nombre de personnes accusées d'infractions au Canada par type de drogues. Cependant, il n'existe pas de données nationales sur les condamnations car trois provinces, la Colombie-Britannique, le Manitoba et le Nouveau-Brunswick, ne sont pas incluses. Le deuxième problème, c'est que les charges sont ventilées selon la substance et l'activité, comme la possession, le trafic, l'importation et la culture, tandis que les données sur les condamnations ne sont ventilées que selon la possession et le trafic.
L'information générale est également restreinte. L'influence croissante du crime organisé, la propagation du VIH/sida et de l'hépatite C, la nouvelle popularité de drogues comme l'ecstasie et la production accrue de marijuana en Colombie-Britannique constituent des facteurs qui, récemment, ont tous aggravé le problème des drogues illicites. La dernière étude nationale sur les coûts économiques est une étude de 1996 qui évaluait les coûts à partir des données de 1992. L'étude n'incluait pas les coûts des crimes contre les biens qui se chiffrent, selon les estimations, à plusieurs milliards de dollars par année. De même, la dernière enquête nationale sur la consommation des drogues a été réalisée en 1994 et aucune n'est prévue dans un proche avenir.
¹ (1540)
[Traduction]
Il n'existe pas d'information complète et regroupée sur les dépenses des ministères fédéraux pour lutter contre les drogues illicites, soit afin d'en réduire la demande, soit afin d'en restreindre l'offre. Il s'agit pourtant d'une information de base essentielle à la gestion de tout programme. Selon nos propres calculs, nous estimons les dépenses dans le domaine à 450 millions de dollars, dont 95 p. 100 pour l'application de la loi. La pièce 11.6 aux pages 17 et 18 montre les chiffres que notre Bureau a réunis. Il n'existe pas de données sur l'évolution des dépenses. Par exemple, on ne détermine pas si les dépenses visant à réduire l'offre ou la demande de drogues varient au fil du temps. Cela est essentiel car l'approche équilibrée visant la réduction à la fois de la demande et de l'offre de drogues est au coeur de la Stratégie canadienne antidrogue. Il n'existe pas non plus de données sur les dépenses par province ou municipalité qui sont pourtant des intervenants essentiels.
[Français]
Dans quelle mesure le Canada rend-il compte publiquement de ses efforts pour combattre les drogues? La réponse est: pas très bien. Les rapports ministériels sur le rendement manquent d'information sur les résultats. Par exemple, le Rapport sur le rendement de la GRC ne fournit qu'une information minimale sur les activités fédérales de lutte contre les drogues illicites. De même, le Rapport sur le rendement du ministère de la Justice n'indique pas dans quelle mesure ce ministère exécute son rôle important, qui consiste à intenter des poursuites dans les affaires de drogues.
La véritable faiblesse, cependant, est l'absence d'un rapport public détaillé à l'échelle gouvernementale qui indiquerait aux parlementaires et aux Canadiens comment le Canada, soit au niveau fédéral, soit au niveau national, gère le problème. La Stratégie canadienne antidrogue devrait comporter des objectifs clairs et mesurables de sorte que le rendement global puisse être communiqué.
[Traduction]
La troisième et dernière question sur laquelle les vérificateurs se sont penchés est la suivante: existe-t-il un leadership et une coordination efficaces entre tous les intervenants?
Au cours des 15 dernières années, la Stratégie canadienne antidrogue a mis en relief la nécessité d'une approche équilibrée. Un tel équilibre exige de tous les intervenants le bon profil, un leadership fort et des efforts concertés. Il faut une structure pouvant diriger et coordonner, établir des objectif communs, rendre compte publiquement des résultats et réagir rapidement devant les nouveaux problèmes.
D'autres pays comme la Grande-Bretagne, l'Australie et les États-Unis ont accordé une importance accrue à la question. Ils ont nommé des parrains, établi des objectifs mesurables et rendu compte publiquement des progrès accomplis chaque année. Au Canada, le leadership et la coordination entre les ministères fédéraux et entre les deux ordres de gouvernement doivent être améliorés.
Si le Canada veut réduire l'impact des drogues illicites, il devra travailler à combler des lacunes au chapitre du leadership et de la coordination. Le Canada a besoin d'un leadership plus soutenu et d'une coordination plus uniforme pour établir une stratégie, les objectifs communs et des attentes sur le plan du rendement collectif. Il doit pouvoir réagir rapidement à de nouvelles préoccupations liées à la consommation et au trafic de drogues illicites. Il serait utile que le comité se penche sur la structure actuelle de leadership et de coordination des efforts du gouvernement fédéral et propose des recommandations afin de résoudre ces questions. Les mécanismes de coordination avec les provinces et les municipalités pourraient également être examinés puisque le problème touche les trois ordres de gouvernement.
Madame la présidente, voilà qui conclut ma déclaration d'ouverture. Nous serons heureux de répondre à vos questions.
La présidente: Merci, monsieur McLaughlin.
Il est toujours bon de flatter les membres d'un comité parlementaire en soulignant le rôle important qu'ils jouent avant qu'on ne passe aux questions. Je vous en remercie.
Monsieur White.
M. Randy White (Langley--Abbotsford, Alliance canadienne): Merci pour ces perspectives réjouissantes, monsieur McLaughlin. Je me demande si les choses peuvent encore empirer.
Votre rapport ne m'étonne aucunement, devrais-je dire. J'ai néanmoins deux ou trois questions à vous poser. D'un côté, nous apprenons que les choses vont mal, qu'on est mal renseigné, qu'il n'y a pas de coordination et que le leadership est pratiquement inexistant. De l'autre, nous avons affaire au crime organisé qui est bien coordonné et bien financé et c'est pourquoi on l'a qualifié d'organisé. Il brasse de l'argent plutôt que des impôts. Il a des chefs. Chaque bande a sa propre organisation. En fait, c'est une sorte d'organisation paramilitaire.
Je demanderai à M. Brittain, qui a réalisé cette étude, comment les deux se comparent: d'une part vous avez un manque de coordination et de leadership—et ce n'est pas seulement vrai pour le gouvernement fédéral—alors que d'autre part, les groupes du crime organisé disposent de beaucoup d'argent, de beaucoup de technologies, de beaucoup de temps et d'un bon leadership. Quelles sont les chances de succès sans légaliser toutes les drogues?
¹ (1545)
M. David Brittain (directeur principal, GRC et solliciteur général, Direction générale des opérations de vérification, Bureau du vérificateur général du Canada) : C'est une question à laquelle le Bureau du vérificateur général peut difficilement répondre.
Nous n'avons pas examiné quelle devrait être la politique étant donné que c'est au Parlement qu'il revient de soulever la question. Nous nous sommes plutôt demandé dans quelle mesure la politique était efficace, si elle était appliquée et quels étaient les renseignements que nous possédions. Nous avons constaté que ces renseignements étaient très limités.
J'hésite un peu, Mike. Nous sommes en train de nous regarder en nous demandant ce que nous pourrions répondre.
M. Michael McLaughlin : J'aurais peut-être une réponse à vous donner.
Quand nous faisons ce genre de vérification, nous n'avons évidemment pas les moyens d'aller voir ce que fait le crime organisé ou ce que faisait l'autre partie. Nous avons toutefois constaté qu'un certain nombre d'organismes du gouvernement fédéral n'ont pas clairement précisé ce qu'ils essayaient de faire dans le cadre de la stratégie antidrogue qui repose sur une approche équilibrée.
Pour que ces organismes jouent un rôle efficace ou sachent ce qui se passe... quand nous avons fait une comparaison avec les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Australie, nous avons vu que ces pays avaient clairement énoncé leurs objectifs afin que les ressources disponibles puissent être consacrées à l'obtention de certains résultats.
Au Canada, comme nous n'avons pas de données, d'objectifs bien clairs ou de rapports, il est très difficile de gérer la mise en oeuvre de la stratégie. Chaque organisme a ses propres objectifs, mais les rapports que les uns et les autres soumettent aux parlementaires sur leur part de responsabilité ne sont pas toujours clairs.
M. Randy White: Vous dites que nous dépensons environ 450 millions de dollars par an.
M. David Brittain: Nous avons dû compiler ces chiffres nous-mêmes; ils ne nous ont pas été fournis.
M. Randy White: Je vais accepter votre chiffre. Ces organismes ne vous l'ont pas donné parce qu'ils n'y sont pas forcés. Étant donné que nous consacrons à cette question 450 millions par an et Dieu sait combien au niveau des municipalités...
M. David Brittain: C'est probablement autant.
M. Randy White: Peut-être même plus. En fait, je crois qu'à elle seule Vancouver dépense davantage et il ne faut pas oublier les dépenses au niveau provincial.
Si nous disposions de 1 milliard de dollars, comment pourrions-nous obtenir le leadership nécessaire ainsi que des rapports satisfaisants—du point de vue d'un vérificateur—sans toutefois créer une grosse bureaucratie afin que cela n'ait pas de répercussions négatives sur le terrain.
M. David Brittain: Permettez-moi de souligner ce qui manque.
Le Canada a une stratégie antidrogue où il est question d'équilibre mais sans qu'on sache ce que cela signifie exactement. Cela veut-il dire qu'il faut dépenser le même montant sur les deux fronts? Permettez-moi de poursuivre cette hypothèse plus loin. Si cela veut dire qu'il faut dépenser le même montant sur les deux fronts, nous demanderons au gouvernement fédéral quels sont les efforts qu'il déploie pour réduire la demande. Mais le gouvernement n'a pas de réponse à nous donner. Nous avons donc trouvé nous-mêmes la réponse. Comme vous pouvez le voir, le gouvernement fédéral consacre 95 p. 100 de ses efforts à la répression. La situation est-elle la même qu'il y a cinq ans ou 10 ans? Y a-t-il un changement d'orientation? Personne ne le sait.
Pour poursuivre la même hypothèse, si l'on veut équilibrer les dépenses, le gouvernement fédéral ne devrait-il pas savoir ce que dépensent les provinces et les municipalités? Si on ne le sait pas, comment savoir si les choses se sont améliorées depuis 10 ans?
En ce qui concerne la recherche, la stratégie antidrogue se sert des données de l'Ontario parce qu'il n'y a pas de données fédérales. Il n'y a pas eu d'enquête nationale sur la drogue depuis 1994. L'estimation de l'impact de la drogue se base sur une étude de 1996 qui utilisait des données de 1992. Cela remonte à 10 ans. L'ecstasy n'existait pas. Il y a eu une progression rapide de l'hépatite C et du VIH qui sont des maladies très coûteuses. Il faut donc savoir où l'on dépense son argent. Est-il consacré à la répression ou au traitement ou aux soins de santé pour les personnes séropositives?
Pour ce qui est du VIH, je vais vous citer un autre petit exemple. En ce qui concerne les réserves et la population autochtone, le problème est qu'il n'y a pas d'études, pas de données et pas d'objectifs mesurables. Lorsque nous avons demandé aux membres du comité s'ils ne devraient pas faire un rapport, quelles étaient leurs responsabilités, ils n'étaient pas vraiment disposés à faire un rapport à ce sujet. Ils préfèrent laisser les choses telles qu'elles sont. Je crois que nous pouvons le dire ouvertement.
Il n'y a pas eu de rapport au Parlement sur ce que le gouvernement fédéral a dépensé ou sur ce que les autres instances ont dépensé. Comme Mike l'a dit tout à l'heure, si vous ne savez pas ce qu'on dépense, comment savoir où va l'argent? D'après tout ce que les témoins qui ont comparu devant vous ont déclaré, il n'y a pas de solution miracle. Cela va exiger un vaste éventail de programmes. Il faudra déployer des efforts du côté de la répression, de la sensibilisation et sur tous les autres plans. Si quelqu'un n'a pas tous les renseignements requis, comment gérer ces mesures?
¹ (1550)
M. Randy White: Merci, madame la présidente.
La présidente: Merci, monsieur White.
Avant de donner la parole à la docteure Fry, je rappelle à l'auditoire et à tous les membres du comité, sans viser personne en particulier, que tout le monde devrait fermer son téléphone cellulaire.
La parole est maintenant à la docteure Fry.
Mme Hedy Fry (Vancouver-Centre, Lib.): Je voudrais seulement poser une ou deux questions.
Nous convenons tous, je pense, qu'il y a peu de données, peu de renseignements, peu de rapports, etc., et c'est un problème que vous avez mis en lumière. Par la même occasion, avez-vous cherché à établir pourquoi? Est-ce simplement un manque de bonne volonté? Certains renseignements étaient-ils inaccessibles parce qu'ils n'étaient pas regroupés? Était-ce un problème d'accès ou simplement un manque de bonne volonté?
C'est là une question importante que je tenais à vous poser. Comme vous l'avez dit, nous nous sommes fiés aux données de l'Ontario. Était-ce parce que les autres provinces ne collectaient pas de données ou parce qu'elles étaient réunies à des endroits inaccessibles? Est-ce parce que les données ne peuvent pas être toutes regroupées au même endroit? J'aimerais que vous répondiez à cette question. Et si vous avez cherché les raisons, pourriez-vous nous suggérer une formule qui permettrait de recueillir des données et des renseignements et d'obtenir des rapports adéquats? Avez-vous une solution à suggérer étant donné que, comme vous l'avez dit, trois différents niveaux de gouvernement interviennent?
Vous avez souligné le fait le plus important: si vous n'avez pas de renseignements, de données et de rapports, vous ne pouvez évidemment pas mettre en place de bonnes stratégies pour remédier aux problèmes, car vous en ignorez l'ampleur véritable. Comme le disait Yogi Berra, si tu ne sais où tu vas, comment sauras-tu que tu es arrivé?
Les objectifs sont donc importants, mais il n'est pas possible de les fixer à moins d'avoir des données. Nous sommes pris dans un cercle vicieux. Comment proposez-vous de nous en sortir? Et qu'avez-vous à suggérer pour obtenir les renseignements voulus? Quels sont les obstacles?
¹ (1555)
M. David Brittain: Je dirais qu'il est possible d'obtenir ces données. Un des membres de mon équipe a dû travailler pendant quatre mois pour préparer cette estimation, mais ce n'était pas à plein temps.
C'est le professeur Eric Single, qui a comparu devant vous, je crois, qui a établi les données de 1996.
Les statistiques sur la répression sont relativement faciles à obtenir. Il y a des anomalies que j'attribuerais à une mauvaise gestion. Nous disons, je crois, qu'il est possible d'obtenir des données nationales sur le nombre d'accusations, mais pas sur le nombre de condamnations parce que les trois provinces ne contribuent pas au système d'information. Quant à savoir pourquoi, je n'en sais rien. J'ai entendu dire que les systèmes n'étaient pas compatibles, que ce n'était pas une question d'argent, etc. Ce serait une question à poser directement aux gens de la Colombie-Britannique. Vous pourriez leur demander, par exemple, pourquoi ils ne fournissent pas ces données au Centre canadien de la statistique juridique de Statistique Canada.
Personnellement, je crois possible d'obtenir ces données. Quant au montant qui a été dépensé, il est facile de le savoir. Combien coûtent les tribunaux provinciaux? Là encore, Eric Single a réuni des données raisonnablement satisfaisantes en 1996. Ces données n'incluaient pas les infractions contre les biens, mais c'est également facile à estimer de façon approximative.
Ces genres d'études sont faciles à réaliser. Les autres types d'études qui visent à déterminer si un programme fonctionne bien sont beaucoup plus complexes. Il faut beaucoup plus de temps pour réunir ces renseignements.
Nous avons cherché à voir: Combien avez-vous dépensé? À quoi a servi cet argent? Quelles sont les tendances? Il n'y a aucune raison pour lesquelles ces données ne pourraient pas être produites facilement avec un peu d'efforts et de bonne volonté.
Mme Hedy Fry: D'après les données statistiques de 1992, diriez-vous que 95 p. 100 de l'argent a été consacré à la répression?
M. David Brittain : Non. Ces deux chiffres ne correspondent pas du tout. Si vous examinez notre exemple à la page 18, je crois, nous nous sommes servis des données pour l'exercice 1999-2000. Nous sommes allés voir tous les ministères fédéraux pour leur demander: «Combien dépensez-vous pour la réduction de la demande et pour la réduction de l'offre?» C'est là que ce chiffre...
Désolé. Excusez-moi
La présidente: C'est dans le rapport du vérificateur général si vous cherchez ces chiffres.
Mme Hedy Fry: Je posais la question parce que j'ai là quelques données. J'ai des données de 1992 qui émanent de l'Association canadienne de santé publique et qui laissent entendre que l'on consacre 73 p. 100 du budget à l'application de la loi, 16 p. 100 pour la santé, 8 p. 100 pour la prévention et la recherche et environ 3 p. 100 pour d'autres coûts directs.
Par conséquent, vous avez raison de dire que cela représente une grosse somme, mais selon mes données, il ne s'agit pas de 95 p. 100, mais de 73 p. 100.
M. David Brittain: Les données que vous examinez pour 1992 comprennent à la fois la drogue et l'alcool. Ce n'est pas subdivisé.
Mme Hedy Fry: Oui, c'est pour la drogue, l'alcool et le tabac.
M. David Brittain: Ce n'est pas réparti.
Les données qui figurent dans notre rapport représentent uniquement les dépenses du gouvernement fédéral...
º (1600)
Mme Hedy Fry: Très bien.
M. David Brittain: ... et sont pour 1999. Et l'on peut voir que la majorité des dépenses sont consacrées à la répression.
Je dois préciser qu'étant donné que le Code criminel dit que si vous possédez de la drogue, si vous en faites le trafic, vous serez arrêté, vous irez devant un tribunal et vous serez emprisonné, tout cela fait partie des dépenses. Ce qu'il y a d'intéressant ici c'est que, comme on a décidé d'aller dans cette voie, il est logique d'inclure ce genre de coûts.
Mme Hedy Fry: Merci.
La présidente: Merci.
Madame Davies.
Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD): Merci beaucoup.
Tout d'abord, je m'excuse de n'avoir pas été là pour entendre votre déclaration d'ouverture, mais j'ai dû aller à un autre comité. Néanmoins, après avoir entendu vos réponses et lu votre mémoire ainsi que le rapport de la vérificatrice, je tenais à vous dire qu'en lisant le chapitre 11, nous avons eu l'impression de voir un peu de lumière au bout du tunnel. Certaines questions cruciales ont au moins été posées. Je tenais donc à vous dire combien j'apprécie le travail que vous avez réalisé de même que votre présence ici aujourd'hui devant le comité.
Vous faites notamment valoir qu'il n'y a pas suffisamment de données permettant de voir si la réduction de la demande par opposition à la réduction de l'offre est une stratégie efficace ou non et quel est l'équilibre entre les deux. C'est une question très importante. J'ai constaté dans les rues de ma circonscription de Vancouver-Est que cela se passe non seulement au niveau fédéral, mais aussi au niveau local. La police met des milliers d'heures à pourchasser des trafiquants de bas étage et à les poursuivre devant les tribunaux peu importe qu'il soit possible ou non d'obtenir leur condamnation. Nous n'avons certainement pas réglé le problème. C'est un véritable gaspillage de ressources.
J'ai donc constaté que la répression ne s'est vraiment pas révélée efficace pour faire face à ce qui constitue avant tout un problème de santé. À Vancouver, nous considérons maintenant que le principal fléau c'est le caractère illégal de la drogue qui fait des gens des criminels et les enferme dans le cercle vicieux du système judiciaire.
Ma question porte sur votre allusion à d'autres pays qui ont attaché plus d'importance à ce problème et où l'on a pris des mesures différentes. Vous avez mentionné la Grande-Bretagne, l'Australie et les États-Unis. Je me demande si, dans le cadre de votre travail, vous avez pu examiner ce que certains de ces pays ont fait. Par exemple, nous avons appris que les mesures prises en Europe ont été beaucoup plus efficaces pour réduire la criminalité et pour amener les gens à se faire désintoxiquer. Les statistiques sont très positives. Je me demande si vous avez pu envisager ce genre de solution pour répondre à certaines des questions que vous soulevez dans votre rapport.
M. David Brittain: Encore une fois, je dois vous répondre la même chose qu'à M. White en ce sens que nous ne nous sommes pas penchés sur ce que la politique devrait être. J'aurais peut-être dû le dire tout à l'heure à M. White, mais la stratégie antidrogue du gouvernement fédéral parle d'équilibre alors que le gouvernement dépense très peu pour réduire la demande. A-t-il des responsabilités à cet égard? Quelles sont-elles? Que fait-il sur ce plan-là?
Pour répondre à votre question quant aux mesures que ces autres pays ont prises, ils ont nommé un champion de la lutte antidrogue afin d'accorder la priorité à ce problème. C'est ce qu'ont fait les Américains et M. Blair, le premier ministre de Grande-Bretagne. Les Australiens ont une commission composée de ministres de la Santé et de ministres de la Justice et agissent donc au niveau ministériel avec la participation de chacun des États, du territoire et du gouvernement du Commonwealth. Cette commission se réunit, établit des objectifs mesurables et présente des rapports sur ses activités. Voilà pourquoi nous avons dit que même si nous nous dissocions de la politique australienne concernant la criminalisation, la légalisation et le reste, au moins les Australiens savent où ils veulent aller, ils savent combien ils vont dépenser et quels sont les résultats obtenus. Ici, nous ne savons rien de tout cela.
Mme Libby Davies: J'ai l'impression que nous avons également un sérieux problème du fait que les ministères suivent souvent des directions opposées. Le ministère de la Justice dit une chose pendant que Santé Canada dit autre chose et le solliciteur général, encore quelque chose de différent... Cela pose également un énorme problème. Chacun se renvoie la balle et les règles du jeu changent en cours de route.
º (1605)
M. David Brittain: Certainement et pour ce qui est de la coordination, j'ai eu affaire au Service correctionnel et à la GRC si bien que, lorsque vous traitez avec des forces policières différentes au cours des années, vous constatez que leurs idéologies ne sont pas les mêmes. Je suis certain que ce que quelqu'un fera dans le centre-ville...
Mme Libby Davies: Dans le quartier east side.
M. David Brittain: ... de votre circonscription ne sera peut-être pas traité de la même façon que dans le centre-ville de St. John's. Nous n'avons donc pas de données quant à l'équilibre qui devrait être assuré d'un bout à l'autre du pays.
M. Michael McLaughlin : J'ajouterais qu'en ce qui concerne les rôles et responsabilités des différents ministères, cela fait partie des freins et contrepoids qui existent au sein du gouvernement fédéral. Tout le monde ne poursuit pas nécessairement le même sous-objectif. Il y a donc un certain nombre de sous-objectifs.
Le problème est que nous ne voyons pas où se fait la coordination pour la réalisation de l'objectif global. Le mécanisme qui devrait assurer une coordination entre le gouvernement fédéral, les provinces et les municipalités pour combattre ce problème en utilisant de la façon la plus efficace l'argent des contribuables n'est pas clair.
Nous avons vu d'autres exemples de ce genre. Rien que pour réunir des statistiques sur la santé, il a fallu que les ministres de la Santé des provinces et du gouvernement fédéral s'entendent. Ce genre de mécanisme n'a pas été mis en place entre les provinces, le Canada et les municipalités en ce qui concerne la consommation de drogues. Il est essentiel de vraiment comprendre la situation, car des responsabilités doivent être assumées à divers niveaux.
[Français]
La présidente: Madame Allard.
Mme Carole-Marie Allard (Laval-Est, Lib.): Merci, madame la présidente.
Je voudrais vous remercier d'être ici aujourd'hui et vous féliciter également pour le travail que vous avez fait.
Je voudrais vous poser une question. On a vu, en septembre, les événements qui se sont produits, les attaques terroristes. Peut-on, selon vous, présumer que ces événements, par l'adoption de nouvelles lois et de mesures de contrôle à l'entrée au pays qu'ils ont suscitées, vont avoir un impact sur l'offre de drogue?
Est-ce que vous pensez que ça pourrait nous aider ou si, d'après ce que vous voyez, le mal est trop endémique pour que ça ait un effet?
M. Michael McLaughlin : C'est une bonne question parce qu'on n'a pas su exactement quelle action le ministère compte entreprendre pour interdire les drogues à la frontière. C'est toujours relié aux frontières, je pense.
Il y a aussi des questions qui se posent: quelles drogues sont fabriquées au Canada? Lesquelles sont utilisées au Canada? Et lesquelles sont importées? Quel est l'impact de l'exportation des drogues? On n'a pas de données qui répondent à ce genre de questions, mais ce sont des questions importantes. Et, à notre point de vue, il est important que le gouvernement ait une idée assez juste de ces problèmes. Encore une fois, cela a trait à l'existence de données. Il est donc difficile de savoir si l'application de nouvelles mesures aura un effet.
Mme Carole-Marie Allard: Était-ce la première fois que vous examiniez la question de la gestion des drogues illicites au Canada?
M. Michael McLaughlin : Oui, c'est bien ça.
º (1610)
Mme Carole-Marie Allard: Je me demande pourquoi on a choisi de le faire à ce moment-ci? On a, en effet, une stratégie nationale des drogues depuis 1992. Pourquoi produire à ce moment-ci ce rapport dont le contenu est assez éloquent?
M. Michael McLaughlin: Je peux expliquer comment cette vérification nous y a conduits. Cela a commencé par une vérification du rôle de la Gendarmerie royale du Canada, la GRC, dans l'interdiction des drogues. Après quelques heures de travail, on a trouvé qu'il était difficile de dire si elle était en mesure de faire son travail, si l'étendue du problème et les objectifs du gouvernement fédéral étaient mal compris. Les consultations auprès des experts ont indiqué qu'il fallait examiner tout le contexte: les lois passées par le gouvernement concernant l'interdiction des drogues, les stratégies et toutes sortes d'autres choses de ce genre. On a donc pensé qu'il était mieux de faire une étude plus approfondie et on l'a entreprise.
On a pu déduire qu'il existait un problème fondamental concernant les renseignements et qu'il est très difficile pour les agences d'appliquer la stratégie nationale si elles n'ont pas les données nécessaires.
Mme Carole-Marie Allard: C'est peut-être la chose la plus importante que vous nous dites aujourd'hui, c'est-à-dire qu'il y a un manque d'information.
Il y a aussi l'aspect de réduire la demande. Vous avez constaté qu'il y avait une demande pour la drogue au Canada. Est-ce que vous classeriez le besoin de restreindre l'offre sur le même pied que le besoin de réduire la demande, ou trouvez-vous qu'il est plus important de réduire la demande que de restreindre l'offre?
M. Michael McLaughlin : Madame la présidente, c'est difficile pour nous de dire ce qui est plus important. C'est au gouvernement de décider de ça. Quant à nous, la décision qui a été prise n'est pas claire. Ils ont parlé d'un équilibre entre les deux, mais on ne sait pas quel est cet équilibre. Personne ne peut nous expliquer leur interprétation d'équilibre et nous dire quels efforts sont nécessaires pour y arriver.
La présidente: Merci beaucoup.
Monsieur Brittain.
[Traduction]
M. David Brittain: Je voudrais ajouter une ou deux choses à ce qu'a dit M. McLaughlin. La GRC joue deux rôles: celui de service de police provinciale et municipale, mais également celui de police fédérale. Nous avons commencé une série de vérifications portant sur la police fédérale. Il y a deux ans, nous nous sommes penchés sur les laboratoires judiciaires, le service d'empreintes digitales et autres services du même genre. Il s'agissait de l'étape suivante. Lorsque nous avons commencé notre examen, nous devions nous intéresser uniquement à l'application de la loi. C'est ce qui nous a menés à cela.
Vous avez également demandé quelle était, selon nous, la partie la plus importante de cette vérification. Je crois qu'il y a trois choses à retenir. La première est qu'il y a un manque d'information alors que nous croyons que ces données pourraient être produites assez facilement. Deuxièmement, cela ne fait pas l'objet d'un rapport au Parlement si bien que personne ne vérifie. Mais surtout, nous disons qu'il y a un manque de leadership. La question n'a peut-être pas pris suffisamment d'importance au niveau du Parlement. Mais au niveau fédéral, le leadership n'est pas suffisant au sein des ministères fédéraux. C'est inefficace. Il n'y a pas de mécanisme pour assurer une coordination entre les ministères fédéraux, les provinces et les municipalités sur le plan de l'information, de l'orientation, des politiques et tout ce qui s'ensuit.
Je crois que c'est le message le plus important que nous avons à transmettre au comité. Nous espérons—et j'ai peut-être enlevé à Mike le dernier mot—que cette vérification va soulever des questions auxquelles votre comité trouvera la réponse, car notre Bureau n'est pas en mesure de le faire.
La présidente: Vous avez un dernier mot à ajouter?
M. Michael McLaughlin : Oui, j'aimerais simplement ajouter une précision.
Lorsque nous soulignons le manque de coordination et de leadership, nous ne visons aucun ministère en particulier. Chacun d'eux s'efforce, compte tenu des ressources dont il dispose, d'atteindre son propre objectif, que ce soit la répression, la thérapie ou la réinsertion sociale. Lorsqu'on tente de voir quel est le résultat global de cette action, ce n'est pas possible étant donné qu'il n'y a personne pour dire: prenez cet argent et utilisez-le ici ou là. Il n'y a personne pour diriger les diverses initiatives et c'est ce qui nous inquiète.
La présidente: Merci.
Monsieur Sorenson.
M. Kevin Sorenson (Crowfoot, Alliance canadienne): Merci.
Je tiens à vous remercier tous les deux d'être venus aujourd'hui. Je m'excuse d'avoir manqué la majeure partie de votre témoignage. Comme c'est l'anniversaire de notre reine, je devais faire un discours. Cela m'a pris un peu plus longtemps que je ne le pensais.
Bien entendu, je me préoccupe du problème de la drogue. Notre comité s'intéresse à la question depuis le début de ses travaux l'automne dernier.
Je voudrais parler du Service correctionnel du Canada. Quelles sont les enquêtes faites sur l'ampleur du trafic de drogue dans les prisons? Le rapport indique que certaines mesures sont prises pour empêcher l'entrée de la drogue dans les prisons. Nous savons qu'il y a des programmes mis à la disposition des détenus pour les aider à se désintoxiquer ou à réduire leur consommation de drogue.
Dans votre rapport, on peut lire que selon le Service correctionnel du Canada, environ 7 p. 100 des détenus sont associés au crime organisé. D'après cette phrase, 7 p. 100 des personnes incarcérées ou des contrevenants ont des liens avec le crime organisé. Mais cela ne veut pas dire que 7 p. 100 de la drogue provient du crime organisé. Je crois que toutes les statistiques confirmeront que le problème est énorme. De toute évidence, si nous avons un problème de drogue, c'est à cause du crime organisé.
Tout cela m'amène à ma question suivante: sur les 66 p. 100 de contrevenants qui entrent dans le système correctionnel fédéral...
Notre comité a visité la prison Matsqui où il y avait un grave problème de drogue. Dans la prison de ma propre circonscription, Drumheller, c'est un véritable désastre. Si nous n'arrivons pas à empêcher la drogue d'entrer dans nos prisons, nous n'arriverons jamais à en débarrasser l'ensemble de la société. Il devient donc primordial d'agir au niveau de l'offre. Nous devons pouvoir empêcher l'offre de drogue dans nos prisons avant même de vouloir agir au niveau de la société.
Dirige-t-on suffisamment d'argent et de ressources vers les services compétents de nos établissements correctionnels ou comptons-nous seulement sur les programmes de réduction de la consommation de drogue pour résoudre le problème de la drogue dans les prisons?
º (1615)
M. David Brittain: La réponse que je pourrais vous donner à ce sujet ne découle pas de cette vérification-ci, mais d'autres vérifications que j'ai effectuées au Service correctionnel du Canada. C'est en fonction de ces vérifications que je peux vous répondre.
La proportion de 7 p. 100 dont vous parlez est celle de la population carcérale qui purge une peine liée directement à une infraction de criminalité organisée. En ce qui a trait à la consommation de drogues dans les pénitenciers, comme vous, j'ai passé beaucoup de temps dans les prisons canadiennes et américaines.
º (1620)
M. Kevin Sorenson: Heureux de ne plus y être? Vous avez réussi à vous en sortir.
M. David Brittain: Votre seule et unique visite à Drumheller.
Oui, en effet, c'est triste, car je crois qu'on s'entend généralement pour dire que 70 p. 100 des détenus dans cet établissement carcéral abusent de substances toxiques, que ce soit l'alcool ou le tabac. C'est dans les prisons qu'on fume le plus au pays.
Le problème des pénitenciers canadiens, on le constate à Drumheller, c'est que tous les détenus, toxicomanes ou non, travaillent aux mêmes endroits, mangent aux mêmes endroits et utilisent les mêmes installations récréatives. Les seuls établissements qui m'ont impressionné sont ceux que j'ai vus au Pays-Bas.
Dans le système carcéral néerlandais, il existe des ailes distinctes pour les détenus toxicomanes et les autres, et il n'y a pas de cuisines communes. On fait venir des repas comme ceux servis dans les avions qui coûtent environ trois fois plus que les repas servis habituellement en prison. Ces repas sont chauffés dans des chariots spéciaux afin que les détenus de cette aile n'aient pas à interagir avec ceux des autres parties du pénitencier. Ils ne travaillent pas non plus ensemble. Les gardiens ne se croisent même pas. Pour pouvoir rester dans la section sans drogue, vous devez vous soumettre à un test quotidien de dépistage.
Compte tenu de la situation dans les prisons, certains exercent des pressions et je dirais à la blague qu'on devrait peut-être approvisionner les détenus en marijuana. Ainsi, on éliminerait les émeutes dans les pénitenciers. Sérieusement, je ne crois pas que bien des émeutes aient été provoquées par une surconsommation de marijuana. Quoi qu'il en soit, la drogue est présente dans le sang et est facile à dépister. Par conséquent, les détenus préfèrent consommer d'autres drogues qui persistent moins longtemps dans le corps humain, mais qui sont des drogues plus dures.
Des drogues entrent dans les établissements carcéraux lors des visites familiales. Vous pourriez régler ce problème en mettant fin aux visites familiales, mais vous seriez alors dans une impasse.
Je ne suis pas expert, mais la seule solution qui m'a personnellement impressionnée, c'est celle des Pays-Bas. Ce n'est qu'en ne consommant aucune drogue qu'on pouvait être détenu dans l'aile où les conditions étaient bien meilleures.
Il arrive, si vous êtes incarcéré, qu'un autre détenu, sachant que votre femme viendra vous rendre visite la semaine suivante, vous dise de lui demander de lui apporter de la drogue. Si vous refusez, il vous montre des photos de vos enfants et profère des menaces à leur endroit. En prison, on a beaucoup de temps pour planifier ce genre de choses.
Cela nous ramène à l'éternelle question de savoir si l'emprisonnement relève de la justice vengeresse, s'il vise le châtiment ou la réinsertion sociale? Votre réponse dépendra de votre philosophie.
J'espère que ma réponse vous a été utile.
La présidente: Merci, messieurs Sorenson et Brittain.
Je cède la parole à M. Lee.
M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.): Merci.
Aux pages 17 et 18 de votre précieux rapport, vous avez tenté d'estimer les dépenses fédérales au titre de la réduction de l'offre et de la réduction de la demande. Curieusement, près de la moitié des dépenses gouvernementales en matière de réduction de l'offre sont, d'après votre tableau, faites au Service correctionnel du Canada. Est-ce parce qu'un grand nombre de fournisseurs de drogues sont en prison?
Appelons cela simplement la «réduction de l'offre».
M. David Brittain: Ce que j'ai tenté de dire plus tôt, c'est que mettre l'accent sur l'application stricte de la loi entraîne des coûts en aval.
M. Derek Lee: Il s'agit là des activités terminales d'application de la loi; je comprends.
Pour revenir à la préoccupation que suscite chez M. Sorenson la consommation ostentatoire de drogues illicites dans nos prisons... Au même tableau, il semble que ce soit aussi dans les pénitenciers que le gouvernement engage le plus de dépenses au titre de la réduction de la demande. Ces données sont peut-être trompeuses. Nul doute que ce n'est pas parce que c'est dans les pénitenciers que la demande est la plus importante au pays, mais il est curieux que ce soit là que le gouvernement fédéral engage le plus de dépenses.
Voici ce que je voulais vous demander: si nous devons améliorer la collecte de données au sein du gouvernement fédéral, certains domaines devraient-ils être prioritaires ou est-ce que cette amélioration devrait être générale, à l'échelle gouvernementale?
M. David Brittain: Dans le domaine de l'application de la loi, les statistiques sont meilleures. Dans l'immédiat, il y a deux ou trois choses qui devraient être modifiées rapidement. Je n'en suis pas certain, mais je crois que c'est en vertu d'un accord de coopération avec la Colombie-Britannique, le Manitoba et le Nouveau-Brunswick qu'on peut dorénavant obtenir des données sur le taux de condamnations dans ces provinces.
Ces chiffres-ci vous donnent une assez bonne idée de la situation dans le domaine de l'application de la loi. Pour ce qui est des sommes que le gouvernement fédéral consacre à l'autre secteur, le seul programme qui a des données est celui de Patrimoine canadien sur les sans-abri. Toutes les dépenses n'ont toutefois pas été engagées à ce chapitre et si nous les avions incluses ici... [Note de la rédaction: Inaudible]... ces chiffres auraient été plus élevés.
En ce qui concerne les provinces, selon que vous vous intéressez à des informations comptables ou à des informations de gestion, vous pourriez avoir une bonne idée de ce que consacrent les provinces de l'Ontario, du Québec et de la Colombie-Britannique à la réduction de la demande. Ce qui est le plus difficile, c'est d'obtenir des informations sur l'efficacité de cette approche par rapport à d'autres. Bien sûr, je veux dire à long terme.
Ce que je veux dire, essentiellement, c'est que la situation n'est pas désespérée. Il est tout à fait possible d'y remédier. Cela aurait pu être fait. En fait, dans notre rapport, nous nous demandons pourquoi cela ne l'a pas été.
º (1625)
M. Derek Lee: En raison de l'absence de jalons et d'objectifs clairs en matière de politique et d'exécution, j'ai rapidement perdu le fil lorsque j'ai commencé mon examen de la stratégie nationale antidrogue. Peut-être que certains de mes collègues ont vécu la même chose.
Mon premier réflexe a été d'envisager la possibilité que tout ce que nous faisons, c'est dépenser de l'argent parce que nous devons le dépenser. Nous mettons cet argent dans les différentes enveloppes budgétaires pour ensuite le dépenser car, ainsi, il est manifeste que nous le dépensons. C'est un peu comme quand on demandait aux soldats de sortir des tranchées pendant la Première Guerre mondiale. Il fallait le faire de temps à autre pour rester actifs. En l'occurrence, on dépense, on consacre des ressources à la lutte antidrogue et... De toute façon, nous n'avons même pas de statistiques là-dessus. Cela a été ma première réaction.
Puis, j'ai tenté d'être un petit peu plus positif; je me suis dit qu'en examinant votre rapport en détail, je trouverais quelque chose, des objectifs, quelque chose qui pourrait être utile au comité ou au Parlement. Cette enveloppe est très complexe, mais y a-t-il un domaine où notre comité devrait concentrer ses efforts, compte tenu du fait qu'il n'y a pas de solution miracle et que nos travaux prendront fin dans neuf ou dix mois?
Dans l'exercice de vos fonctions de vérificateurs, avez-vous constaté que, à d'autres paliers de gouvernement, à d'autres endroits ou même au sein du gouvernement fédéral, on faisait des dépenses efficaces et dont nous pourrions tirer des enseignements avant de formuler nos recommandations?
M. Michael McLaughlin : Madame la présidente, dans la première partie de la question, vous voulez trouver la meilleure façon de cerner la situation afin de déterminer avec précision ce que vous voulez réaliser car, si vous ne savez pas quel objectif vous voulez atteindre, des sommes considérables serviront à l'élimination des symptômes, ce qui ne donnera pas nécessairement les résultats escomptés.
Pendant notre vérification, lorsque nous avons étudié ce qui se faisait ailleurs, nous avons constaté qu'on tentait d'atteindre des objectifs généraux en précisant quels étaient les résultats souhaités. On s'est penché sur les avantages que pouvait présenter la criminalisation de certaines drogues par opposition à d'autres mesures préventives et on a élaboré des politiques en conséquence. On a ensuite évalué les résultats: ces mesures étaient-elles bénéfiques? Avaient-elles eu d'autres effets?
Nous, nous avons souligné qu'il n'y a pas suffisamment de recherche et de clarté sur la situation qui prévaut en réalité. Lorsqu'il faut utiliser des données provenant d'études menées en 1992 ou 1996 pour régler des problèmes en l'an 2002, surtout dans un domaine qui évolue si rapidement, c'est que quelque chose ne va pas. Quelqu'un devrait examiner la situation actuelle.
Ainsi, le Canada a signé certaines conventions, telle que la Convention sur la production des précurseurs, mais il n'a pas adopté de mesures particulières à ce sujet; or, nous savons que des précurseurs sont produits au Canada, mais nous ne faisons rien. Voilà ce qui mène à la création de nouvelles drogues plus puissantes dont il sera encore plus difficile de se débarrasser. Il faut trouver les causes profondes de ces problèmes pour les faire disparaître.
Il nous faut donc davantage d'information, mais des mesures cruciales peuvent être prises. Les renseignements sur les activités sont relativement faciles à saisir. Les données d'évaluation, au niveau suivant, nécessitent une analyse par des experts. Mais en nous entretenant avec les différents intervenants au palier fédéral, nous avons constaté que ce travail n'est pas fait. Or, il faut qu'il soit fait; il faut donner ce mandat et ce pouvoir à quelqu'un.
º (1630)
La présidente: Merci, monsieur Lee.
J'aimerais faire une observation avant de céder la parole à M. LeBlanc.
Si j'ai bien compris, le Bureau du vérificateur général serait quelque peu satisfait si, au moins, nous disposions d'informations de base. Vous seriez heureux qu'on consacre davantage de ressources à la prévention de la consommation de drogue ou à la réduction de la demande, ou s'il y avait une façon de calculer ce que les provinces et les municipalités consacrent à la restriction de l'offre et à la réduction de la demande. Mais puisque nous nous étions engagés à nous conformer à l'approche équilibrée et que les statistiques confirment que c'est ce que nous avons fait, que vous faut-il de plus pour être heureux? Seriez-vous alors en mesure d'évaluer si les dépenses que nous engageons nous permettent d'atteindre nos objectifs?
M. David Brittain: Votre premier énoncé est juste.
Quant à votre deuxième énoncé, je crois bon de le nuancer quelque peu. J'ignore si nous serions plus heureux si vous consacriez davantage de ressources à la réduction de la demande, mais je crois que nous serions plus heureux de savoir que vous tentez de le faire.
Autrement dit, ce qui nous préoccupe, c'est l'absence de plan. Si vous allez dans les divers ministères, si vous vous adressez au comité de direction, au comité directeur du sous-ministre sur la toxicomanie, et que vous lui demandez de vous décrire son plan, il ne sera pas en mesure de le faire parce qu'il n'en a pas. Allez-vous affecter davantage d'argent à l'application de la loi? Allez-vous consacrer davantage de ressources à la prévention? Quel montant avez-vous consacré à quoi? Cela relève-t-il de vous ou des provinces? J'aimerais connaître les réponses à ces questions. À l'issue de cette vérification, nous ne connaissions toujours pas précisément les orientations des ministères.
M. Michael McLaughlin : Si je peux me permettre d'ajouter une chose, madame la présidente, je ne crois pas que la question soit de savoir ce qui préoccupe notre Bureau. Le Parlement nous a demandé de lui donner des informations lui indiquant si les ministères gèrent leurs programmes avec économie et efficience et s'ils se sont dotés de procédures d'évaluation de l'efficacité.
En l'occurrence, nous ne pouvons pas dire au Parlement que les ministères agissent avec économie et efficience et qu'ils savent qu'ils sont efficaces. En fait, nous savons qu'ils ne savent pas s'ils sont efficaces ou non. Il est difficile de trancher avec si peu d'information.
Quelle que soit la façon dont on nous décrit «le juste équilibre», pour que nous puissions vous garantir que les rapports ministériels sont crédibles et traduisent bien la réalité, il nous faut des renseignements qui n'existent pas à l'heure actuelle.
La présidente: Supposons que le comité de direction décide de consacrer 90 p. 100 de ses ressources à la réduction de l'offre et 10 p. 100 de ses ressources à la réduction de la demande, se disant que les provinces feront le reste à ces deux chapitres. Cela vous suffirait-il pour affirmer que les ministères savent ce qu'ils font, le fait qu'on ait des objectifs de dépense bien précis de 90 p. 100 d'une part et de 10 p. 100 de l'autre, qu'on attendra des provinces qu'elles s'occupent du reste, et que, dans l'ensemble, la moitié des ressources servira à la réduction de l'offre et l'autre moitié, à la réduction de la demande?
M. Michael McLaughlin : Je n'en suis pas certain, madame la présidente. Il est difficile de dire que notre Bureau serait satisfait.
Nous voudrions savoir quels sont les mécanismes qui prouvent l'efficacité de ces dépenses, qui prouvent que les provinces et les municipalités travaillent de concert et avec le gouvernement fédéral, et qui garantissent cette répartition.
Pour notre part, nous pouvons faire appel à nos collègues, les vérificateurs provinciaux, pour trouver réponse à ce genre de questions. Ils peuvent tenter de déterminer ce que font les provinces pendant que nous examinons la situation au niveau fédéral; nous présentons ensuite nos rapports—non pas conjointement, mais parallèlement—aux assemblées dont nous relevons. Les parlementaires ont alors une meilleure compréhension de la situation. Pour l'instant, toutefois, le gouvernement ne semble pas vouloir dire ce qu'il veut faire, et cela nous préoccupe.
º (1635)
La présidente: Les vérificateurs généraux des provinces contribuent-ils à ce genre d'étude? Peuvent-ils vous décrire la situation dans leurs propres provinces?
M. Michael McLaughlin : Nous n'avons pas eu d'information provenant des vérificateurs des provinces. La semaine prochaine, je les rencontrerai et nous soulèverons les diverses questions d'intérêt commun. Récemment, nous avons commencé à collaborer à la collecte de statistiques sur la santé et à la définition des exigences concernant l'attestation de ces statistiques.
La présidente: Je suis certaine que vous n'avez besoin d'aucun encouragement pour cela.
Lorsque nous étions à Vancouver, nous avons visité un établissement de traitement qui obtient 1 075 $ ou 1 056 $ par patient pour une thérapie de 28 jours. Je me souviens que cela représentait 4,53 $ par jour pour la nourriture. C'était très inquiétant, car nous nous disions que si le traitement de 28 jours, à 1 000 $, qui est fourni par le gouvernement provincial est un échec, les gens se retrouvent dans le système correctionnel fédéral. Je ne sais même pas quel est le chiffre à l'heure actuelle pour un détenu adulte incarcéré dans un établissement à sécurité minimum ou moyenne.
Une voix: Environ 80 000 $ par an.
La présidente: Oui, 80 000 $ par an. Cela donne presque 10 000 $ par mois. Pourtant, on ne semble pas capable de trouver 1 000 $ pour une place dans ce centre de traitement afin d'éviter de dépenser 9 000 $ dans un autre établissement. Comme vous l'avez dit, les renseignements qui favoriseraient un débat ou une discussion sur le sujet sont inexistants.
Les vérificateurs généraux de tout le pays pourraient peut-être chercher à améliorer la coopération au niveau national. C'est une chose qui a frappé tous les membres du comité qui sont allés là-bas, il faudrait donc faire quelque chose.
Libby Davies.
Mme Libby Davies: J'étais en train de jeter un coup d'oeil sur le chapitre 11. Je ne sais si vous êtes satisfaits de la réponse du gouvernement, mais je viens de la lire. La «Réponse du gouvernement» qui figure à la page 28 est la suivante:
«La Stratégie canadienne antidrogue reflète un équilibre entre les objectifs de restriction de l'offre de drogues et de réduction de la demande à ce chapitre. Il s'agit d'une stratégie qui se fonde sur quatre piliers importants: prévention, application des lois et contrôle, traitement et réadaptation, et réduction des méfaits.»
Un peu plus loin on peut lire: «Étant donné que la préoccupation principale touche la santé, la Stratégie canadienne antidrogue est dirigée par Santé Canada.» Voilà donc la réponse du gouvernement.
Quand vous parlez d'une absence de clarté, je suis certainement d'accord. Mais vous pourriez suivre l'argent. C'est une bonne façon de voir où en est le gouvernement. Où va l'argent?
Comme vous l'indiquez, 95 p. 100 des dépenses gouvernementales visent à réduire l'offre. Comme on peut le voir à la pièce 11.6, cela représente environ 426 millions de dollars alors qu'on ne dépense presque rien pour réduire la demande. Si je me trompe, dites-le-moi, mais j'ai l'impression que le déséquilibre apparaît très clairement dans l'estimation des dépenses. On s'occupe seulement de la restriction de l'offre. Il y a lieu de se demander si c'est efficace, mais c'est là où va l'argent.
M. Michael McLaughlin : Madame la présidente, c'est ce que nous avons constaté. C'est là où l'argent est allé.
Aux paragraphes 11.91 et suivants, page 26, nous indiquons ce qu'il nous semble nécessaire de faire pour assurer un bon leadership et une bonne coordination. Nous disons que cette responsabilité incombe à Santé Canada, mais à la fin du paragraphe 11.94, on peut lire: «Le rôle de coordination de Santé Canada se limite plutôt à fournir les services de secrétariat à divers comités de coordination et à coordonner des activités comme les présentations au Conseil du Trésor et les mémoires au Cabinet.» Santé Canada n'a pas vraiment les pouvoirs qui lui permettraient de jouer le genre de rôle normalement associé au leadership.
En dernier lieu, à la fin de sa réponse, le gouvernement dit qu'il compte sur les recommandations de ce comité et du Comité sur les drogues illicites pour guider ses efforts. C'est donc quelque chose de positif. Mais il est important que des recommandations lui soient adressées.
º (1640)
Mme Libby Davies: J'ai l'impression que certains documents de Santé Canada où il est question des quatre piliers de la stratégie et de l'importance de la réduction des méfaits paraissent très positifs, mais qu'on insiste surtout sur la répression et qu'il y a même une influence qui s'exerce de l'extérieur. Par exemple, la DEA des États-Unis a reproché au Canada d'être trop laxiste à l'égard de la drogue, etc. Pensez-vous que même si nous avons cette stratégie et que Santé Canada est censé diriger notre action, on a surtout insisté sur l'application de la loi, tant au niveau de la GRC que des procureurs de la Couronne et que personne ne semble capable de contrer cette tendance?
Nous l'avons constaté au comité. En fait, l'analogie de M. Lee est assez juste. Cela se répercute sur tout le système, car nous avons toujours considéré que c'était une question de répression si bien que personne ne cherche sérieusement à voir si cela règle vraiment le problème.
M. David Brittain: En décidant d'inscrire certaines choses dans le Code criminel, on met en branle tout un processus. Le système peut apporter quelques changements ici et là. Mais s'il est illégal de faire pousser la marijuana, cela veut dire que ceux qui en font pousser se retrouvent en prison avec tous les coûts que cela représente. Je veux dire simplement que si l'accent a été mis sur la répression, c'est parce qu'on a décidé d'inscrire ces interdictions dans le Code criminel.
En ce qui concerne la politique, l'idée d'une stratégie reposant sur quatre piliers n'est pas venue du gouvernement fédéral, mais de la ville de Vancouver. J'ai l'impression que les meilleures idées sont venues de ceux qui se sont trouvés confrontés au problème et qui ont été forcés de trouver une solution. Si vous lisez ce chapitre, en ce qui concerne le leadership et la coordination à l'égard de la réduction de la demande, il s'interroge sur le rôle du gouvernement fédéral. Son rôle consiste-t-il à fournir de l'argent, des idées, de la recherche, des évaluations ou des encouragements?
Mme Libby Davies: Ou de l'argent pour des centres de traitement?
M. David Brittain: Ou de l'argent pour le traitement? Quel est le rôle du gouvernement fédéral? À la fin de cette vérification, je ne sais toujours pas quel est le but, l'objectif, le plan ou l'idéologie du gouvernement fédéral. Notre équipe vous dira que la stratégie antidrogue du Canada n'est pas une stratégie au sens véritable du terme. Il s'agit plutôt d'une intention idéologique. Il n'y a pas de plan de mise en oeuvre. Il n'y a pas de données. Il n'y a pas d'objectifs. Cette stratégie a été rapidement préparée, juste avant la conférence des chefs de police à Edmonton.
Par conséquent, pour répondre à votre question concernant la réduction de la demande, je crois que le gouvernement fédéral va devoir décider s'il a un rôle à jouer et quel est ce rôle. Si vous examinez la Constitution, il est très facile d'affirmer que cette responsabilité incombe aux provinces, mais la loi qui interdit la drogue est une loi fédérale et la stratégie est une stratégie fédérale.
º (1645)
La présidente: Merci, madame Davies et monsieur Brittain.
Monsieur LeBlanc.
M. Dominic LeBlanc (Beauséjour--Petitcodiac, Lib.): Merci, madame la présidente et merci, messieurs, pour votre exposé, pour vos réponses aux questions de mes collègues et, comme d'autres l'ont déjà dit, pour votre rapport.
Certains d'entre nous étaient à Vancouver le jour de la publication de votre rapport. Notre présidente s'est arrangée pour que votre bureau de Vancouver nous en donne un exemplaire le jour de sa publication. Nous l'avons évidemment lu avec intérêt et il nous a été très utile.
J'ai deux questions assez précises à vous poser. J'ai été frappé par votre insistance sur le manque de données. L'information disponible est insuffisante tant pour les statistiques sur la santé que pour les statistiques sur l'application de la loi et la répression. Il semble y avoir une confusion générale et un manque de renseignements fiables à tous les niveaux. Cela m'a frappé depuis que j'ai lu votre rapport et que j'ai entendu vos observations aujourd'hui.
Je me demande pourquoi les trois provinces, dont la mienne, le Nouveau-Brunswick, n'ont aucune donnée à fournir sur les condamnations. Comment peuvent-elles l'expliquer? J'aurais cru que le Québec n'était pas prêt à fournir des données pour des raisons théologiques, mais je trouve scandaleux que le Nouveau-Brunswick ne fasse pas mieux.
M. David Brittain: Madame la présidente, je ne sais pas pourquoi ces trois provinces n'ont pas fourni leurs données. Statistique Canada tient des statistiques très précises sur la justice. Elle travaille très fort pour que ces données correspondent à une virgule près. Je ne sais pas si c'est un problème de compatibilité. Les renseignements sont approchants, mais peu précis. Nous n'avons pas poussé notre examen plus loin.
Nous avons donné un bon exemple. Il y a lieu de se demander où le leadership est exercé, qui doit régler ce genre de problème, qui doit s'en occuper.
M. Dominic LeBlanc: Je crois que c'est un bon exemple, mais si les données sur les condamnations ne sont pas compatibles... Le Code criminel est le même en Colombie-Britannique, au Manitoba et au Nouveau-Brunswick ainsi que dans les sept autres provinces. Je m'interroge au sujet de ces données. Ou bien les provinces n'en ont pas ou... Elles sont certainement compatibles. Ou bien vous êtes reconnu coupable en vertu de tel ou tel article du Code criminel ou bien vous ne l'êtes pas. Ce n'est pas une question de compatibilité. N'est-ce pas simplement qu'on ne tient pas ces données?
M. David Brittain: Ce n'est qu'une simple hypothèse de ma part. Les données qu'ont les provinces ne sont pas... Si une personne a été reconnue coupable d'un certain nombre de délits, les données de Statistique Canada portent sur l'accusation la plus grave. Le Nouveau-Brunswick présentait ces données différemment. Mais ce n'est qu'une simple hypothèse de ma part, ce n'est pas moi qui peux répondre à cela.
La présidente: Peut-être pourrions-nous envoyer une lettre.
M. Dominic LeBlanc: Merci. J'ai surtout été étonné, car étant donné qu'il s'agit d'une loi nationale, les données ne devraient pas poser de problème.
J'ai également été frappé de voir le gouvernement s'engager à établir un juste équilibre entre la restriction de l'offre et la réduction de la demande. Votre rapport et un bon nombre des témoignages que nous avons entendus lors de diverses réunions m'ont convaincu que malgré cet engagement, la majorité des ressources, 95 p. 100, semblent consacrées à la restriction de l'offre.
Si nous recherchons un certain équilibre, quelles politiques ou quels changements législatifs devrions-nous recommander dans le rapport que nous remettrons au Parlement pour réduire la demande, de façon à mieux équilibrer les choses?
º (1650)
M. Michael McLaughlin : Il faudrait me laisser y réfléchir.
M. David Brittain: Si nous le faisons, pouvons-nous obtenir un contrat du comité?
M. Michael McLaughlin : Nous devons être prudents, car ce n'est pas à nous qu'il revient de dire au gouvernement quelle politique il doit suivre ou ce que nous recommanderions. Si vous ne savez pas de quelles données vous disposez, ce que font les provinces et quelle est l'efficacité des mesures prises, tant que vous n'aurez pas effectué ce genre d'analyse, vous pourrez très difficilement recommander de suivre ou ne pas suivre tel ou tel programme. Pour établir une politique, il va falloir faire des analyses plus poussées et obtenir des données longitudinales sur lesquelles nous n'avons pas pu mettre la main et que nous ne pouvions certainement pas produire. Il y a donc un besoin de ce côté-là.
Comme je l'ai dit, j'hésite beaucoup à recommander une politique...
M. Dominic LeBlanc: Très bien, sous toute réserve compte tenu du manque d'information, mais je suis avocat et vous vous êtes donné toutes sortes de bonnes excuses, mais dites-nous... Sans parler au nom du Bureau du vérificateur général, vous avez passé beaucoup de temps à examiner ces questions. Votre Bureau arrive très bien à mettre le doigt sur les lacunes de la politique, le manque de coordination et d'autres problèmes. Vous avez certainement une opinion personnelle quant aux mesures à prendre pour améliorer la situation.
M. David Brittain: Je vais essayer...
M. Dominic LeBlanc: Je parle sérieusement. En fait, je suis surtout curieux, car vous avez réfléchi longtemps à cette question.
M. David Brittain: Je reviendrai à ce qui se dégage de ce rapport.
Étant donné la façon dont le système est conçu, il est tout à fait logique que la majeure partie des fonds fédéraux, 85 p. 100 ou 95 p. 100, soient dépensés du côté de la répression. Le gouvernement fédéral gère le système carcéral de même que la GRC—pour ce qui est de la police fédérale et non pas provinciale ou municipale. C'est le gouvernement fédéral qui intente la plupart des poursuites pour les délits graves reliés à la drogue. Tous ces coûts se trouvent donc regroupés.
Santé Canada dépense à peu près 33 millions de dollars. C'est ce ministère qui gère le laboratoire qui dira s'il s'agit effectivement de cocaïne ou de marijuana et c'est de là que viennent les coûts.
Étant donné que la stratégie antidrogue a été élaborée par le gouvernement fédéral et que ce dernier dit qu'il faut équilibrer les choses et que la prévention est la solution la plus rentable, il devrait au moins savoir exactement ce que dépensent les provinces et les municipalités, quelles sont les tendances, quels sont les nouveaux besoins, où va l'argent, où il faudrait débloquer des fonds supplémentaires, ce qui nous ramène à la question du leadership et de la coordination.
Comme je l'ai dit, j'ignore si le gouvernement fédéral a dépensé l'argent, mais il faudrait au moins qu'il sache ce qui se passe étant donné que la stratégie antidrogue du Canada est une stratégie fédérale.
M. Dominic LeBlanc: Merci.
La présidente: Merci.
Monsieur White.
M. Randy White: La lumière commence à se faire. Je vois les choses un peu différemment aujourd'hui. Je me suis demandé—comme vous aussi, Derek—quelle était la véritable dimension du problème.
J'ai commencé à me dire que nous avions peut-être besoin d'une agence centrale pour s'occuper du problème de la drogue au Canada et tout coordonner. Peut-être faudrait-il préciser quels sont les établissements de traitement, les interventions, les thérapies et les mesures de répression dont nous avons besoin et comment la coordination doit se faire avec les provinces. Mais ce n'est pas possible à moins de savoir quel est le rôle du gouvernement fédéral, quels sont ses objectifs, où l'argent est dépensé, comment il est comptabilisé et si les objectifs sont atteints. Je suis d'accord avec ce que vous dites. Ne seriez-vous pas comptables, par hasard?
Je suis un CMA et je suis en train de changer d'avis à propos de cette question. Si les gens s'attendent à ce que nous recommandions de dépenser 300 millions de dollars pour des établissements de traitement un peu partout au Canada, je ne suis pas certain d'être prêt à donner un cent de plus à moins de savoir où l'argent a été dépensé, pourquoi et quels ont été les résultats.
Des représentants des ministères fédéraux sont venus nous voir pour nous dire qu'ils faisaient effectivement un bon travail, mais qu'ils avaient besoin de plus d'argent. Tel a été le leitmotiv de pratiquement tous les groupes qui sont venus nous voir. Nous pourrions dire que si nous consacrons davantage d'argent à ce problème, nous pourrions le résoudre. Mais ce que vous nous dites—et j'ai tendance à être d'accord avec vous—c'est qu'à moins de savoir ce que l'on fait, il est difficile de remédier à la situation. Il n'y a pas eu d'évaluation et les mesures antidrogue n'ont pas été examinées du point de vue statistique depuis 1994.
Cela dit, nous avons de nombreux toxicomanes dans nos rues et nous devons résoudre ce problème.
Je ne sais pas encore si je vais vous poser une question, mais vous m'avez convaincu que nous n'avons pas encore évalué l'ampleur de la tâche. Je veux toutefois vous remercier pour m'avoir au moins mis sur la voie. Rien que pour cette raison, je ne vous poserai pas de questions, mais je voudrais plutôt vous remercier de m'avoir permis d'y voir plus clair.
º (1655)
La présidente: On peut dire la même chose pour nous.
Monsieur Brittain, vous brûliez de dire quelque chose pendant qu'il parlait, donc même s'il n'a pas posé de questions, si vous voulez intervenir, je vous en prie.
M. Randy White: Considérez que la question a été posée.
M. David Brittain: Je crois que M. White a raison. En termes simples, on ne voit pas très bien l'orientation que prennent toutes ces entités fédérales. On ne sait pas très bien ce que fera le gouvernement fédéral et ce que feront les gouvernements provinciaux et municipaux. On manque de données sur ce que l'on dépense. On manque d'argent pour la recherche. Et on se retrouve dans une situation ironique où c'est le gouvernement américain qui dépense plus d'argent que le nôtre pour commander à des Canadiens des recherches sur les Canadiens. Je dirai enfin qu'à mon avis, la solution ne réside pas en ce moment dans l'accroissement global des crédits.
Lorsque nous parlions d'argent ici, c'était de l'argent pour les données, peut-être certaines recherches.
La présidente: Monsieur Brittain, l'un des problèmes tient au fait que nous n'avons pas d'information. La Dre Fry vous a demandé—et je ne suis pas bien sûre d'avoir compris la réponse, et je vous prie de m'en excuser—si nous pouvons avoir accès à cette information, si le problème tient au fait qu'on ne dispose pas des informations voulues en ce moment pour établir un cadre à l'intérieur du gouvernement fédéral? Est-ce qu'il faut des informations, ou dites-vous également qu'il faut en outre faire faire des recherches? Je n'ai peut-être pas vu cela dans les recommandations.
» (1700)
M. Michael McLaughlin : Si l'on me permet de répondre, nous avons dit dans nos recommandations que les données sont peu nombreuses, que les données publiques dont on dispose sont désuètes, qu'il faut donc mettre à jour cette information et qu'elle doit être plus complète en ce qui concerne les problèmes relatifs aux drogues. On a donc besoin de leadership pour savoir de quelles données on aura besoin, de quelle façon elles seront communiquées, où on pourra y avoir accès et comment elles seront réunies.
Le gouvernement fédéral pourrait décider lui-même de quelle information il a besoin pour ces activités. Il aura peut-être plus de difficulté à obtenir des renseignements des provinces et des municipalités, mais je crois que si on ne demande pas, on ne saura jamais. Un effort de coordination est donc vraiment nécessaire.
La présidente: Vous n'avez dit nulle part combien il en coûterait pour réunir ce genre d'information au niveau du gouvernement fédéral.
M. Michael McLaughlin : Non.
M. David Brittain: Je répète qu'il y a deux genres d'information, ou trois. Je ne sais pas si je peux bien les définir.
Combien dépense-t-on? Les données que nous avons citées ici représentent assez bien ce que dépense le gouvernement fédéral pour les drogues. Vous avez ce chiffre.
Le seul autre chiffre qui nous manque, c'est le montant d'argent que dépensent les municipalités et les provinces. J'ignore combien de temps il faudra pour établir ce chiffre et avec quel degré d'exactitude, mais chose certaine, on peut faire une estimation. Je ne sais pas combien de temps il faudrait à une personne comme le professeur Single pour le faire. L'Ontario a d'assez bonnes données. Nous ne nous sommes pas penchés sur le cas du Québec.
Donc pour ce qui est de savoir combien on dépense, je pense, étant donné qu'on est le 6 février, qu'il serait étonnant si l'on pouvait produire une telle estimation pour votre comité dans les trois, quatre ou cinq prochains mois.
L'autre ensemble de données est... J'ignore de quoi votre comité a besoin. Votre comité doit-il savoir combien d'ecstasy on consomme aujourd'hui à Terre-Neuve par rapport à il y a cinq ans? Je ne sais pas si votre comité a besoin de ce genre d'information, mais nous avons lieu de croire que vous ne pourrez pas réunir rapidement l'information de base nécessaire à la recherche--par exemple, quelle est l'ampleur du problème des drogues sur les réserves, quelle est l'ampleur du problème ailleurs.
Le troisième type d'information, c'est l'information nécessaire à l'évaluation. Ce programme-ci donne-t-il des résultats? Et celui-là? Encore là, il faut attendre longtemps, et je ne sais pas, je me demande d'ailleurs, si votre comité travaille à ce niveau.
Pour en revenir à la question essentielle, si je devais résumer ce que nous disons, le problème se situe au niveau du profil de la consommation de drogues au Canada. Il n'est pas assez étoffé. Il y a un problème au niveau du leadership, du leadership fédéral. Il y a un problème au niveau de la gestion de l'information, combien on a dépensé, quels sont les objectifs et quels sont les buts. Et le quatrième niveau est à plus long terme, à savoir qu'il faut à mon avis des études nationales sur les drogues, et il faut que le rapport du professeur Single soit mis à jour pour que nous puissions continuer.
Il y a lieu de se demander enfin s'il existe des modèles pour cela. Oui, je crois qu'il y en a trois; ce n'est pas pour rien que nous les avons indiqués ici. À mon avis, votre comité devrait peut-être se pencher sur certaines solutions que proposent les modèles australien, britannique et américain.
» (1705)
M. Michael McLaughlin : Si l'on me permet d'ajouter deux choses ici, je dirais qu'on a besoin d'information pour fournir un état de la situation au Parlement. Pour le moment, les ministères fédéraux eux-mêmes ne font même pas rapport de leurs propres activités dans ce domaine. Donc une entité quelconque--et j'imagine que ce pourrait être Santé Canada--pourrait être chargée de coordonner les informations émanant des divers ministères et de soumettre régulièrement au Parlement un rapport complet sur la question.
Je mentionnerai également, rien que pour vous donner une petite idée de ce qu'il en coûte, les statistiques relatives à la justice criminelle qui sont produites par Statistique Canada et qui, d'après le travail que nous faisons en ce moment, nécessite un programme qui coûte environ 5 millions de dollars par année rien que pour réunir les statistiques criminelles. Il en coûterait un peu plus d'isoler de ces statistiques criminelles l'incidence qu'ont les drogues, et ensuite de définir cela plus clairement et de s'assurer que toutes les provinces participent. Quoi qu'il en soit, cela vous donne une idée de l'ampleur de la tâche. Mais il ne serait pas nécessaire de doubler le budget ou de faire quelque chose de ce genre.
La présidente: Le gouvernement fédéral donne de l'argent aux provinces au titre de la prestation des services de santé. Ceux-ci incluent également les problèmes de santé des toxicomanes, les besoins de ceux qui veulent se désintoxiquer, de ceux qui blessent leurs enfants lorsqu'ils ont pris des drogues, qui prennent le volant ou des choses de ce genre. En fait, le gouvernement fédéral dépense de l'argent dans ce secteur, mais les provinces ne collectent pas les données pertinentes, n'est-ce pas?
M. Michael McLaughlin : Non.
La présidente: Vous aurez beaucoup de pain sur la planche lorsque vous rencontrerez les vérificateurs provinciaux, parce qu'il serait certainement très utile de pouvoir déterminer combien la toxicomanie nous coûte et si c'est une question qui nous tient à coeur.
Cela dit—et je vous céderai la parole, madame Fry—vous dites au paragraphe 11.93:
«Pour Santé Canada, le problème des drogues illicites occupe une place secondaire par rapport à plusieurs autres questions de santé comme l'accès aux soins de santé, les effets du tabagisme et de l'alcoolisme, et le cancer. Toutefois, ce problème représente beaucoup plus qu'une simple question de santé. Comme nous l'avons signalé, la plupart des activités connexes du gouvernement fédéral sont liées à l'application de la loi.»
Vous avez identifié certaines des questions, les cinq grands points que vous avez mentionnés, et je suppose que si par exemple vous étudiez l'usage de l'héroïne, comme pourcentage de la consommation de drogues illicites au Canada, des gens diront: Eh bien, ce n'est pas un très gros problème dans ma collectivité, pourquoi devriez-vous affecter plus de ressources financières à ce problème? Beaucoup de ces choses, même ce que vous dites au paragraphe 11.93, la comparaison entre les drogues et d'autres questions de santé, sont de nature qualitative. Il s'agit en fait des choses dont les gens parlent, dans les journaux et dans nos collectivités tous les jours.
À Vancouver, la toxicomanie est un très grave problème, mais ce n'est peut-être pas le plus grave cependant à Pangnirtung.
C'est tout un défi. Le gouvernement doit réagir, mais, d'un autre côté, il doit anticiper les problèmes dont les gens parleront dans cinq ou dix ans et répondre à cette demande; il doit également régler les problèmes parce qu'ils doivent l'être. Je sais que ces choses sont très difficiles pour vous, et ce n'est pas très facile pour nous. Il est difficile pour le gouvernement de choisir les bonnes priorités.
M. David Brittain: Madame la présidente, un de nos vérificateurs dit que la façon de faire les choses au Canada c'est d'aller de la panique à l'indifférence puis de revenir à la panique. Il s'agit ici d'un dossier qu'on ne saurait abandonner pour y revenir plus tard. Il faut faire preuve de constance.
J'aimerais également ajouter que si l'on étudie la situation en Australie, en Grande-Bretagne et aux États-Unis, ces pays ont toujours reconnu qu'il s'agit d'un problème important auquel il faut accorder une attention particulière. Pour répéter ce qu'a dit M. McLaughlin un peu plus tôt, nous ne voulions pas critiquer indûment Santé Canada qui a jugé que cette vérification, tout compte fait, les ciblait parce que le ministère a la responsabilité d'assurer le leadership. Nous disons simplement qu'avant de juger les efforts déployés par le ministère dans ce domaine, il faut tenir compte des autres responsabilités de ce dernier.
Nous signalons également dans notre rapport que même si la question n'est pas une priorité dans le domaine de la santé, même si ce n'est pas un gros problème à Pangnirtung, ou même pour les tribunaux à Kingston, si vous additionnez tous les éléments, cela devient un gros problème. Comme vous le diront les résidents de Vancouver, les profits tirés de la culture de la marijuana vont quelque part. Si ces produits de la criminalité sont blanchis par le restaurant ou le service de buanderie situé à deux pas de chez vous, c'est difficile pour vous de faire des affaires. Ce problème touche tous les Canadiens. Parlez des motards avec quelqu'un du Québec, parlez à quelqu'un du lower mainland... J'ai un fils de 13 ans, et j'espère que personne dans sa classe de huitième année n'apporte de drogues pour l'encourager à les essayer.
» (1710)
La présidente: Vous devrez en parler avec M. Sorenson.
Vous dites que les États-Unis exercent un très fort leadership à cet égard, et c'est très bien. Je reconnais qu'ils ont une structure, qu'ils en parlent beaucoup, qu'ils ont un système, des ressources et ce genre de choses, mais vous ne diriez tout de même pas que leur campagne est une réussite.
M. David Brittain: C'est vrai.
La présidente: Ils ont peut-être le leadership, et cet élément est peut-être une très bonne chose, mais pour ce qui est des résultats, à savoir si les drogues ont un impact sur leurs collectivités, s'ils ont su freiner la demande, s'ils contrôlent l'offre, bonté divine, je dirais que la situation aux États-Unis est bien pire que celle qui prévaut au Canada.
M. Michael McLaughlin : Nous n'avons pas procédé au Canada à une vérification du système américain, évidemment, mais si l'on étudie ce système, tout semble indiquer que les Américains savent quel objectif ils voudraient atteindre. Le fait qu'ils n'y arrivent pas tient peut-être simplement à l'ampleur du problème et aux autres facteurs qui sont en jeu et qui visent à assurer la survie du commerce des drogues illicites. C'est une chose qui m'a toujours fasciné quand on parle du crime organisé: ses membres trouvent toujours une façon de dénicher quelque chose qui leur permettra de faire plus d'argent qu'ils ne pourraient le faire en respectant la loi. C'est très intéressant.
Il faut au moins reconnaître que le système américain se demande ce qu'il peut faire. Essayons diverses choses de façon ordonnée. Il est impossible de conclure qu'ils ont réglé le problème, ou qu'ils se tirent mieux d'affaire que nous, mais au moins cela donne aux intervenants l'occasion de regarder la situation et de se demander quoi faire. Ce n'est pas le cas au Canada.
M. Kevin Sorenson: Mais ils ont une longueur d'avance sur nous parce qu'ils ont déjà un système.
M. David Brittain: C'est exact, la structure existe aux États-Unis.
La présidente: Cela vous plaît parce que cela représente une bonne gestion organisationnelle.
M. David Brittain: C'est exact. Faire la mauvaise chose comme il faut.
La présidente: C'est cela.
Madame Fry.
Mme Hedy Fry: J'aimerais revenir aux trois grands éléments que vous avez mentionnés: l'information, la collecte de données et la présentation de rapports. Pour présenter des rapports, vous devez étudier les objectifs et les résultats, puis le leadership. Je crois que la question que la présidente vous a posée sur les États-Unis démontre parfaitement que si vous n'avez qu'un de ces éléments, cela ne suffit pas. Les États-Unis savent parfaitement ce qu'ils veulent faire. Ils ont fait ce que Yogi Berra a proposé. Ils ont établi des paramètres bien clairs—des objectifs mesurables qu'ils veulent atteindre. Vous dites que nous n'avons pas d'objectifs de ce genre.
C'est important. Si vous voulez procéder à une vérification, vous devez savoir si vous atteignez les objectifs et respectez les paramètres. Pour ce faire, vous dites que vous avez également besoin de données et d'information qui pourront vous indiquer les niveaux d'abus d'intoxicants, d'incarcération et j'en passe, pour pouvoir suivre l'évolution de la situation. Je suis parfaitement d'accord avec vous à cet égard, parce que ce que vous avez suggéré est très clair.
J'aimerais cependant revenir à la question du leadership. Vous dites qu'il doit y avoir un leadership clair, et je suis d'accord avec vous, mais une fois que sont fixés les objectifs à atteindre, à l'égard d'une stratégie contre la toxicomanie, je ne crois pas qu'un palier de gouvernement en particulier en ait la responsabilité exclusive. Il doit y avoir collaboration et coordination entre les trois paliers de gouvernement, chacun s'acquittant de ses responsabilités et respectant sa compétence.
Le leadership se manifeste déjà au Canada, et ce en Colombie-Britannique. Vous avez signalé que le maire était celui qui avait parti le bal. Cependant, les gouvernements provincial et fédéral sont signataires de ce qu'on appelle l'accord de Vancouver, dans le cadre duquel les trois paliers d'administration ont élaboré, pour la province et la ville de Vancouver, une série d'objectifs assortis de stratégies pour atteindre ces derniers. Ils respectent tous leurs propres mandats sans empiéter sur celui des autres.
Essayer de lancer ce programme à l'échelle nationale serait un processus très lourd. Il est déjà difficile de faire les choses à Vancouver parce qu'il y a 13 ministères fédéraux, 11 ministères provinciaux et six services municipaux qui ont un rôle à jouer. Ce processus est très lourd parce qu'il faut que chaque intervenant puisse travailler de façon horizontale au sein de son palier respectif et de façon verticale à travers les trois paliers.
Il faudrait énoncer des objectifs et des résultats clairs et une stratégie qui permettrait de les atteindre; il faudrait par la suite décider si le problème général a besoin de solutions locales, comme on le fait à Vancouver. C'est justement ce que nous devrons peut-être faire. Je voulais simplement vous dire que le leadership existe.
Enfin, vous avez dit qu'il existe certaines données. J'aimerais que vous m'en parliez. Nombre d'intervenants nous ont dit qu'il existait des solutions idéologiques au problème—investir un peu plus dans ceci, un peu plus dans cela—mais on ne peut déterminer s'il s'agit d'un investissement judicieux à moins d'en évaluer les effets à long terme. Je crois donc que l'évaluation est importante.
Comme vous l'avez signalé, les données dont nous disposons maintenant indiquent qu'un montant important est consacré à l'incarcération. Nous savons qu'en 1996, 70 p. 100 des personnes incarcérées l'avaient été simplement pour possession de cannabis. Il s'agit là quand même d'un chiffre très élevé. Puis on a dit 17 p. 100 pour la cocaïne, 8 p. 100 pour l'héroïne et un petit pourcentage pour d'autres drogues telles que l'ecstasy et la PCP.
Le fait est que nous savons que ce montant très élevé est dépensé pour de simples utilisateurs—les deux tiers des personnes incarcérées l'ont été pour avoir consommé du cannabis. Vous avez dit que seules 7 p. 100 en faisaient le trafic. Nous avons donc traité les utilisateurs de ces substances dans le milieu carcéral. La prison n'est pas un endroit où l'on fait l'apprentissage des drogues, mais plutôt un endroit où sont envoyés ceux qui en abusent. Il faut alors se demander si on traite les gens de la bonne façon en les envoyant derrière les barreaux.
» (1715)
C'est possible d'évaluer cela. Nous savons, par exemple, que 70 p. 100 de ces personnes sont des utilisateurs de cannabis, et que même si elles ont été incarcérées en grand nombre, nous avons tout de même enregistré une augmentation de 34 p. 100 de la consommation de cannabis entre 1991 et 1997. Nous pouvons donc dire que cette façon de procéder ne fonctionne pas.
Pouvez-vous proposer, en fonction de ces facteurs, une solution plus générale--non pas idéologique--qui reconnaîtrait que trop de temps et d'argent sont consacrés à l'incarcération; solution qui tiendrait compte, comme vous l'avez proposé, d'autres facteurs, comme la demande, la prévention, le traitement et la réinsertion, et ce ailleurs qu'en prison? J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
M. Michael McLaughlin : En réponse à votre question, je dois dire, et encore une fois je ne veux pas dire au gouvernement quelle politique il devrait adopter, que l'analyse est assez claire. Compte tenu des renseignements que nous avons obtenus, tout semble indiquer qu'il faudrait répartir les statistiques selon les secteurs puis essayer de régler le problème.
Dans le cas du cannabis, d'autres options s'offrent à nous. D'autres gouvernements adoptent ces options. Souvent il ne s'agit pas d'une solution facile parce qu'à l'occasion les options que nous retenons pour régler certains problèmes sont liés à d'autres facteurs, comme celui des partenaires commerciaux.
Si nous devions décider de décriminaliser le cannabis, est-ce que cela aurait une influence sur ce que nos voisins du Sud pensent de notre mode de vie? Ce genre de questions se posent. Ces décisions s'accompagnent donc d'incidences en aval; cependant il existe des options.
Il faut se demander pourquoi nous retenons une option qui ne semble pas fonctionner. Des études ont été effectuées sur cette question en particulier--et en fait nombre de revues et magazines procèdent souvent à des sondages pour déterminer quelles sont les préférences de la population canadienne envers une question ou une autre. Si les solutions que vous essayez de mettre de l'avant ne méritent pas l'appui du public, que faire pour amener ce dernier à changer d'idée? Comment convaincre les Canadiens de la priorité de la question pour qu'ils appuient vos propositions?
Les attentats du 11 septembre nous ont forcés à reconnaître qu'en situation de crise, la population, dans son ensemble, peut changer sa façon de penser et appuyer une autre solution. Nous disons donc en partie que la population, et peut-être le Parlement dans son ensemble, ne sont pas conscients de la gravité de la situation. S'ils l'étaient, d'autres solutions pourraient devenir viables. Le désir de trouver ces autres solutions n'existe pas actuellement--ou il n'existe pas depuis déjà quelques années.
» (1720)
M. David Brittain: J'aimerais ajouter quelques mots à ce que vient de dire M. McLaughlin.
Nos commentaires sur le leadership visent tout particulièrement le gouvernement fédéral. Nous parlons ici de leadership au sein du gouvernement fédéral, pour qu'il définisse les objectifs qu'il veut atteindre, ce qu'il veut accomplir et la façon dont il organisera les choses. Nous disons simplement qu'il est difficile de démontrer que le leadership ne fonctionne pas. Vous ne pouvez pas sortir une règle. Vous ne pouvez pas employer des principes comptables. Nous avons donc pris beaucoup de temps. Nous avons discuté de la question avec divers intervenants des ministères, avec des membre de l'ACCP pour leur demander leur avis. Nous avons parlé aux vendeurs de drogues. L'impression générale est que la campagne n'est pas vraiment bien menée.
Les ministères fédéraux devront mettre de l'ordre dans leurs propres affaires avant d'essayer de déterminer quels seront leurs rapports avec les provinces et les municipalités.
Mme Hedy Fry: Il serait intéressant d'évaluer l'accord quinquennal de Vancouver, parce qu'il s'agit d'un projet pilote auquel participent les trois paliers de gouvernement, pas seulement horizontalement mais verticalement.
M. David Brittain: Je suis d'accord. Nous sommes fort impressionnés par ce qui a été fait à Vancouver.
La présidente: Monsieur Lee.
M. Derek Lee: Merci. Certains d'entre nous, des deux côtés de la Chambre, devront être prudents ces jours-ci en parlant de leadership
Nous avons ici un véhicule dépourvu d'indicateur de vitesse ou de compteur, pour nous indiquer combien de chemin nous avons parcouru et à quelle vitesse, ou de compas pour nous permettre de savoir où nous allons. Eh bien, ce n'est peut-être pas aussi grave que ça.
Vous avez parlé d'objectifs mesurables. Dans votre domaine, bien sûr, vous êtes vérificateurs, vous êtes des comptables, vous mesurez les dollars et l'efficacité, et tout cela est fort bien. Dans le dossier qui nous intéresse, qui est très complexe, êtes-vous disposés à reconnaître que nous sommes aux prises avec des objectifs qui ne sont pas mesurables? Il est évident que nous ne pourrons pas mesurer un tas de choses ces jours-ci de toute façon parce que nous n'avons pas les données qu'il nous faut pour le faire, mais cela dit, dans la Stratégie canadienne antidrogue, y a-t-il des éléments qui ne sont pas mesurables et que nous devons cerner sur le plan politique ou philosophique ou à un autre niveau? Vous êtes-vous posés cette question dans votre analyse du dossier?
» (1725)
M. Michael McLaughlin : Sans donner d'exemple précis—je laisserai cela à M. Brittain—dans notre travail, quand on essaie de mesurer les résultats, ceux-ci ne sont pas toujours quantifiables. On ne peut pas toujours quantifier les réalisations et ce qui reste à faire. On devrait les quantifier quand c'est possible, mais parfois nous sommes obligés de composer avec un autre genre de renseignements, plus anecdotiques, parfois des vignettes d'événements et de résultats. Les choses semblent aller mieux, mais comment mesurer en réalité la guérison de quelqu'un? Est-elle remise à 100 p. 100 ou à 50 p. 100 et en voie de l'être complètement? Quel a été le vrai impact du programme du gouvernement fédéral vis-à-vis du programme municipal, vis-à-vis de la volonté de la personne de changer?
Ce sont ces éléments qui seront difficiles à évaluer. Il sera difficile pour certains résultats de dire voici les causes et les effets. Donc ce n'est pas toujours clair et limpide, etc., et il existe certainement des domaines où cela peut et devrait être mesuré.
Je ne sais pas si vous avez un exemple précis, David.
M. David Brittain: Oui. On devrait mesurer les montants dépensés. On peut bien savoir si cela est plus élevé aujourd'hui qu'il y a cinq ans. Le revers de la médaille serait de savoir ce que seraient les résultats de la décriminalisation de la marijuana. Ayant ouvert ce panier de crabes, quel serait l'impact? Je ne crois pas que personne puisse le prédire. Je suis certain que le sénateur Nolin a dû dire quelque chose de semblable. Donc oui, à ce sujet, il y aura beaucoup de choses qui ne seront pas quantifiées.
La présidente: Merci.
J'ai Mme Allard et Mme Davies sur la liste, et ensuite je vous laisserai terminer.
Madame Allard.
[Français]
Mme Carole-Marie Allard: Je me vois un peu forcée de conclure, au sujet de la stratégie de enforcement supply reduction, que si vos chiffres sont exacts--et je pense qu'ils le sont--, on arrive forcément à la conclusion que ça ne fonctionne pas. La situation étant celle qu'on connaît actuellement au Canada, les 404 millions de dollars qu'on lui consacre a pour résultat le problème que nous avons. Comme un plus un égalent deux, il est évident qu'il faut trouver une autre solution que le renforcement de supply reduction.
Ça tend à accréditer la thèse qu'il faut considérer la drogue comme un problème de santé publique.
M. Michael McLaughlin : Je suis d'accord sur ce point de vue. Si on n'a pas une réduction de l'offre, on aura plus de problèmes relativement à l'interdiction des drogues tels que des problèmes de coûts de services de police et des emprisonnements, par exemple, parce que ce sont les conséquences de la consommation de drogues. Alors, on met l'accent sur l'offre.
Mme Carole-Marie Allard: Est-ce qu'on peut attendre un an avant de bouger dans ce dossier, ou si on risque ainsi d'aggraver la situation de façon dramatique? On a l'impression que ça va vite dans le monde de la drogue.
M. Michael McLaughlin : Cela ne faisait pas partie de notre étude, mais cela a un impact sur l'individu dans la société et sur la société tout entière. Dans le cas d'un individu qui a un problème de drogue, il ne faut pas attendre un an. Il faut réagir ou bouger immédiatement. Tel est mon point de vue.
[Traduction]
La présidente: Madame Davies.
Mme Libby Davies: Premièrement, je voulais vous remercier d'être ici parmi nous. Je crois que la discussion a été très utile.
En tant que comité, nous serons aux prises avec des questions assez importantes, concernant les façons de... Je crois que c'est une chose de déterminer ce qui ne va pas, mais c'est autre chose que de trouver le raisonnement et d'essayer de déterminer ce qui vient en premier, en second ou en troisième lieu, si on veut présenter un ensemble cohérent de recommandations au gouvernement. Il ne faudrait pas se leurrer en se disant que ce sera facile à faire.
En supposant qu'à un moment donné nous soyons tous d'accord sur l'approche fondée sur les quatre piliers, l'idée qu'il existe un équilibre entre ces aspects, et la stratégie à emprunter, ma question est la suivante: Faut-il évaluer le poids donné à chaque partie de cette stratégie? Pour le moment c'est très facile de voir où l'accent est mis. Si on prend l'argent, c'est facile de voir où les ressources du gouvernement ont été allouées.
Je me demande si nous ne sommes pas non seulement en position de conflit, mais inefficaces? On a l'accent sur l'exécution ou la réduction de l'offre—et c'est ce que Mme Fry disait—ce qui aggrave le problème en fait sur un autre front. Je ne sais pas si vous avez rencontré qui que ce soit pendant votre vérification qui est en train d'évaluer ou d'analyser l'équilibre entre ces piliers, et qui s'assure qu'on ne va pas à l'encontre du but recherché dans notre façon de procéder.
C'est cela, la vraie question, à mon avis. Nous serons peut-être d'accord sur les quatre piliers, mais la question sera l'accent qu'on mettra sur chacun. Est-ce qu'en fait ils s'annulent? C'est mon impression pour le moment, et je me demande si vous avez quelques conseils, ou si vous avez rencontré un organisme qui se penche sur cette question et qui pourrait nous aider.
» (1730)
M. Michael McLaughlin : Pour tenter de répondre à votre question, je ne pense pas que nous ayons vu d'analyses des implications du financement des différents objectifs. Dans nos études plus larges, on a tendance à constater que lorsque quelqu'un mesure quelque chose et que quelqu'un d'autre pose des questions à ce sujet, en général le projet est géré de façon plus serrée.
Dans ce cas précis, nous ne constatons pas d'évaluateurs qui font rapport de sorte que si les responsables de la répression faisaient rapport de ce qu'ils font, les responsables de la prévention pourraient contester ce qu'ils disent. Comme nous n'avons pas ces renseignements à l'heure actuelle, on n'est même pas encouragé à regarder cet aspect de la question.
Si ensuite le Parlement exigeait des comptes de la part des responsables de la prévention, parce que les activités de répression augmentent et ce n'est pas ce qu'on souhaite, car il est évident que les efforts de prévention ne sont pas efficaces... Selon nous, il faut que les objectifs soient liés. Mais il faut que quelqu'un pose les questions et, en ce moment, les ministères ne posent pas ce genre de questions, donc on n'obtient pas de réponses de ce genre.
La présidente: Je vous demande de confirmer quelque chose. Si les niveaux de dépenses étaient semblables, il y aurait moins de problèmes, mais ce n'est pas le cas. Si on ne tient compte que des dollars dépensés, certaines interventions ne vont pas sembler raisonnables. De toute évidence, si un programme qui vise à empêcher quelqu'un de consommer des drogues coûte 100 $, le coût de l'incarcération de cette personne serait beaucoup plus élevé. Il n'y a pas de comparaison. Si on ne compare que le financement accordé, on ne mesure pas du tout le succès des initiatives.
Je vous remercie beaucoup tous les deux d'avoir comparu devant nous aujourd'hui. Merci d'avoir fait ce travail au départ, merci de nous avoir aidés en nous fournissant des renseignements très utiles et merci de vos encouragements.
Je vous demande, monsieur McLaughlin, de bien vouloir nous dire par la suite si certains des vérificateurs provinciaux veulent incorporer ce texte à leurs études. Cela nous serait utile. Si certains de ces vérificateurs ont déjà fait des évaluations dans ce domaine, celles-ci nous intéresseraient beaucoup. J'espère que ce n'est pas inconvenant de ma part de vous demander de nous transmettre ces renseignements.
M. Michael McLaughlin : Cela fait partie de mes fonctions, madame la présidente.
La présidente: D'accord, et si vous ou quelqu'un d'autre avez déjà évalué nos initiatives contre le tabagisme, ou si les provinces ont un programme de ce genre avec une évaluation de son efficacité ou même de la façon dont il est organisé, cela nous serait utile.
Si pendant que nous poursuivons notre étude, vous trouvez des choses qui risquent de nous être utiles, ce serait très aimable de votre part de nous le faire savoir. Après tout, le problème nous touche tous. Je tiens à dire que même si les médias donnent parfois l'impression que le gouvernement n'aime pas le Bureau du vérificateur général parce qu'il raconte toujours des mauvaises nouvelles, j'ai toujours été d'avis que votre tâche est très importante. Il ne s'agit pas d'être des adversaires; pour le gouvernement, il s'agit de mieux faire son travail. En tant que représentante du parti ministériel, je vous remercie de votre travail. Dans ce domaine, je trouve que votre rapport fait preuve de beaucoup de responsabilités et représente une contribution importante au dialogue. Je vous en remercie.
Chers collègues, nous nous réunissons encore une fois demain de 15 h 30 à 17 heures pour permettre à nos collègues de l'Ouest de prendre l'avion à 18 h 30.
» (1735)
Mme Hedy Fry: À vrai dire, j'ai réussi à avoir un vol à 19 heures. Je tenais tout simplement à faciliter...
La présidente: Quoi qu'il en soit, nous allons quand même nous arrêter à 17 heures.
Pour ce qui est de votre planification... est-ce qu'on a déjà reçu un avis officiel?
La greffière du comité: Je pense que, de façon officieuse, vous pouvez...
La présidente: On sait de façon officieuse que notre budget a été approuvé. Nous vous en remercions beaucoup, monsieur White. Il faut applaudir M. White et la personne qui l'a choisi comme leader à la Chambre et pour être membre de la Régie interne. Nous les remercions aussi.
Donc nous serons à Toronto le lundi après la semaine de relâche. Si vous pouvez organiser vos propres billets d'avion ce serait très bien. Nous allons régler tout cela. Mais pour ce qui est de ma planification personnelle, je sais qu'il est toujours utile d'avoir autant de préavis que possible. Donc nous serons dans la région de Toronto du lundi au jeudi.
Mme Carole-Marie Allard: Est-ce qu'on a l'autorisation de la Chambre pour...
La présidente: Nous allons régler tout cela également. Mais si vous voulez prévoir ce voyage et commencer à parler à votre personnel au sujet des billets d'avion ou de train, au moins vous savez que...
Mme Libby Davies: Nous allons nous réunir quelque part?
La présidente: Oui. Nous allons vous donner tous ces renseignements, mais je voulais vous donner autant de préavis que possible. Nous aurons davantage de détails lors de notre réunion demain à 15 h 30, dans la salle 269 de l'édifice de l'Ouest, c'est-à-dire la même salle où nous sommes aujourd'hui.
Encore une fois, je tiens à remercier nos témoins. Nous vous souhaitons beaucoup de chance et nous avons hâte de vous parler de nouveau.
Merci. La séance est levée.