SRID Réunion de comité
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SUB-COMMITTEE ON HUMAN RIGHTS AND INTERNATIONAL DEVELOPMENT OF THE STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE
SOUS-COMITÉ DES DROITS DE LA PERSONNE ET DU DÉVELOPPEMENT INTERNATIONAL DU COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mercredi 17 octobre 2001
La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier (Brampton-Ouest—Mississauga, Lib.)): La séance du Sous-comité des droits de la personne et du développement international du Comité permanent des affaires étrangères et du Commerce international est ouverte.
Cet après-midi, nous avons le grand privilège d'avoir parmi nous Son Excellence l'Archevêque Joseph B. Marona, du Soudan. Il est l'archevêque de l'Église épiscopale du Soudan et l'évêque de Juba. Il est accompagné du très révérend Peter Coffin, l'évêque d'Ottawa pour l'Église anglicane du Canada.
Nous sommes très heureux de vous avoir parmi nous et je pense que nous devrions...
Nous avons ici quelques documents que Son Excellence l'Archevêque a apportés, mais ils sont en anglais uniquement. Avons-nous la permission de les distribuer?
[Français]
Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): C'est une exception, madame la présidente.
[Traduction]
La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Vous êtes privilégiés. Le Bloc a fait une exception pour vous.
Votre Excellence, êtes-vous prêt à nous présenter votre exposé?
Son excellence l'archevêque Joseph B. Marona (Église épiscopale du Soudan; évêque de Juba): J'aimerais vous remercier tous d'être ici cet après-midi et je tiens également à remercier mon frère, l'évêque d'Ottawa, le très révérend Peter Coffin. C'est grâce à sa bonté et à son obligeance que je peux assister cette année au Synode d'Ottawa. Mon épouse m'accompagne bien qu'elle ne soit pas ici aujourd'hui. Tout d'abord, permettez-moi de vous remercier encore une fois de m'avoir invité à vous adresser la parole.
Je sais que la plupart des gens sont au fait des problèmes du Soudan, des conflits qui déchirent le pays depuis longtemps. Les combats se poursuivent depuis 45 ans. La guerre a fait de nombreuses victimes et entraîné entre autres la souffrance et la faim.
Je suis ici pour vous exposer les préoccupations des évêques anglicans et catholiques qui sont convaincus que nous ne pouvons pas continuer à souffrir ainsi, qu'il vaut mieux nous ouvrir à nos frères et soeurs qui peuvent nous venir en aide.
Le 17 août 2001, nous, les évêques des Églises catholique et épiscopale du Soudan, nous sommes réunis à Nairobi pour un séminaire qui avait pour titre «Pastoral Leadership and United Action in a Crisis Situation». Nous avons été ensemble du 12 au 17 août 2001. Nous étions animés par notre foi chrétienne et préoccupés par l'immense souffrance de tous les peuples du Soudan causée par la guerre civile qui fait rage. Nous avons lancé un appel pour que les hostilités prennent fin immédiatement et que soit établie une paix juste et durable au Soudan.
Nous en avons appelé au gouvernement du Soudan, au Mouvement et à l'Armée populaire de libération du Soudan, SPLM/APLS, à l'Alliance démocratique nationale, l'ADN, à d'autres parties au conflit, à tous les peuples du Soudan, quelles que soient leur tribu et leur religion, à l'Autorité intergouvernementale pour le développement, l'IGAD, et à d'autres artisans de la paix, y compris le Forum des partenaires de l'IGAD, les Nations Unies, l'Union africaine et des partenaires internationaux.
• 1540
Nous en avons aussi appelé à Sa Sainteté le Pape Jean-Paul II
et au révérendissime et très honorable George Carey, archevêque de
Canterbury, de même qu'aux dirigeants religieux du monde entier.
Nous avons commencé par la souffrance.
Nous, les évêques catholiques et anglicans, sommes très préoccupés par l'effroyable souffrance humaine dans le nord et le sud de notre pays. Près de trois millions de personnes ont perdu la vie en raison de la guerre qui sévit au Soudan. Plus de six millions de personnes ont été déplacées à l'intérieur des frontières nationales et des millions d'autres ont fui le pays. La situation économique s'est détériorée au point où plus de 95 p. 100 de la population vit maintenant au-dessous du seuil de la pauvreté. Dans certaines régions, la population se voit refuser volontairement l'aide humanitaire dont elle a besoin pour sa survie.
La guerre a frappé encore plus durement les plus vulnérables: les femmes, les enfants et les personnes âgées. Pour soutenir les efforts de guerre, les parties belligérantes enrôlent de force dans l'armée des enfants d'âge scolaire, les exposant ainsi à de graves dangers, les privant de toute chance d'éducation et mettant leur avenir en péril. Les femmes et les enfants sont harcelés et maltraités et les personnes âgées dépouillées des soins auxquels elles auraient normalement droit. La vie ordinaire et familiale traditionnelle est chose du passé et les traditions culturelles se sont effondrées.
Un pourcentage important de la population a besoin de l'aide humanitaire pour sa survie. Cependant, même si elle en a désespérément besoin, ce n'est pas une solution efficace à la crise à long terme.
Mes frères et soeurs, ces atroces souffrances humaines nous obligent à lancer un appel à la cessation immédiate de la guerre. Un règlement négocié plutôt qu'une intervention militaire est le seul moyen que nous les dirigeants des Églises voyons pour en arriver à une paix juste et durable.
Nous avons discuté de la paix fondée sur la justice. Il est essentiel de mettre un terme à la guerre, mais ce ne sera pas suffisant pour que soit établie une paix juste et durable. Il faut aussi s'attaquer aux causes profondes du conflit pour que tous les Soudanais puissent exercer leurs droits dans la dignité. On pourrait y arriver de la manière suivante. Premièrement, par l'affirmation de la diversité à l'intérieur d'une identité nationale qui assure un traitement égal à tous les groupes culturels, raciaux et religieux dans les médias publics et les systèmes éducatif et judiciaire de manière à promouvoir une coexistence pacifique; deuxièmement, par le partage des pouvoirs au sein d'un système de gouvernement participatif qui assure la pleine capacité et la participation de tous, protège les droits exclusifs des États sur leurs territoires et prévoie le partage de pouvoirs convenus à l'échelle nationale—système au sein duquel il y aurait équilibre des forces afin d'éviter la domination par tout groupe d'un autre tout en assurant pleine capacité à tous; troisièmement, par le partage des richesses selon une formule dont auront convenu les États et le gouvernement national pour assurer un développement équilibré et équitable.
• 1545
Nous avons également discuté d'un programme pour la paix. Pour
atteindre les trois grands objectifs décrits ci-dessus, il faudra
un programme d'action concret qui renferme un certain nombre de
concepts.
Le premier concept est une déclaration de principes. Nous soutenons la déclaration de principes du processus de paix de l'IGAD, surtout en ce qui concerne les rapports entre l'État et la religion, le principe de l'autodétermination et un cessez-le-feu complet.
Pour ce qui est du lien entre l'État et la religion, l'unité du pays et la paix avec justice ne peuvent se faire conformément à la charia dans un pays caractérisé par la diversité de ses cultures et de ses religions. Nous réclamons plutôt la liberté religieuse pour tous les groupes religieux et la séparation de la religion et de l'État. En cas de désaccord avec ce qui précède, nous réclamons l'autodétermination pour toutes les personnes marginalisées. Dès l'obtention d'un règlement négocié, il faudrait qu'il y ait déclaration d'un cessez-le-feu complet qui ferait l'objet d'une surveillance internationale.
Nous avons également parlé de la défense de la justice et de la paix. Nous réclamons le respect des droits de la personne pour tous les citoyens. Nous réclamons la réconciliation et le pardon parmi les divers groupes culturels de la nation, y compris des initiatives Nord-Sud, Sud-Sud et Nord-Nord. Nous réclamons la coopération des pays limitrophes, des organisations internationales, des pays du Forum des partenaires de l'IGAD et de tous les gens de bonne volonté de même que l'engagement constructif de tous les intervenants nationaux, y compris notamment les groupes de la société civile et les collectivités religieuses.
Nous avons demandé la confirmation du processus populaire de réconciliation et de paix en cours dans le Sud et exhorté toutes les parties au conflit à appuyer ce processus et tout processus semblable dans le Nord. Ces initiatives locales devraient être reliées au palier politique national le plus élevé.
Nous voudrions que l'on s'engage à entamer un véritable dialogue chrétien-musulman, surtout au niveau de la collectivité locale.
Nous avons demandé que l'on appuie le Forum oecuménique du Soudan et ses initiatives de paix.
Enfin, nous demandons la suspension de l'exploitation pétrolière jusqu'à ce que la paix soit revenue. Sa continuation alimente la guerre, déracine les populations civiles et renforce le déséquilibre existant dans le partage des richesses.
En conclusion, en tant que croyants en un Créateur unique et membres d'une seule et même famille, l'humanité, nous avons foi et espérons que Dieu accordera la paix aux Soudanais si nous sommes prêts à prier sincèrement, à nous réconcilier et à porter nos fardeaux respectifs.
• 1550
Mes frères et soeurs, j'arrive à la fin de mon exposé. Je suis
heureux d'avoir eu l'occasion de vous le présenter. Merci.
La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Merci. Révérend Coffin, avez-vous quelque chose à ajouter?
Son excellence monseigneur Peter R. Coffin (évêque, Diocèse anglican d'Ottawa, Église anglicane du Canada): Non, je suis ici par solidarité avec mon frère.
La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): D'accord, nous allons donc passer aux questions en commençant par M. Martin.
M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Alliance canadienne): Merci beaucoup, madame la présidente.
Monseigneur Marona, monseigneur Coffin, je vous remercie beaucoup d'être venus témoigner aujourd'hui à propos de ce sujet extrêmement important auquel la communauté internationale n'a malheureusement prêté presque aucune attention pendant beaucoup trop longtemps, à un coût humanitaire qui dépasse notre entendement ici à cette table.
En fait, nous nous sommes rendus au Soudan plus tôt cette année avec le président. En ce qui concerne le pétrole, parce que c'est une question tellement importante, nous avons demandé comment vous vous y prendriez pour essayer d'interrompre les exportations de pétrole. La pétrolière canadienne Talisman Energy...
Il y a tout un débat qui entoure Talisman. Si elle était éliminée de la scène, nous nous sommes laissé dire là-bas qu'un autre groupe, probablement les Chinois, achèterait sa part. Il n'y aurait aucun changement en termes d'exportations pétrolières, mais il y aurait un changement minime quoique profond pour ce qui est des modestes investissements de Talisman au chapitre des soins de santé et de l'éducation dans le Sud.
J'aimerais que vous me disiez—et je vais vous énumérer mes questions—si oui ou non Talisman devrait partir. Si cette société quittait la scène, qu'arriverait-il, pensez-vous? Comment interrompre l'approvisionnement en pétrole, comme vous le proposez, étant donné que la Malaisie, la Chine et le Soudan sont les autres partenaires de ce consortium et étant donné aussi que les Suédois, les Français et d'autres pays cherchent activement un moyen d'explorer d'autres régions?
Ma deuxième question est la suivante. Nous avons demandé un cessez-le-feu immédiat, l'arrêt des bombardements et un dialogue inter-tribal. Comment amener les deux parties à la table pour en discuter de bonne foi? Monseigneur Marona, nous déplorons ici le fait que les deux parties, et plus particulièrement le gouvernement de Khartoum, se soient montrées intransigeantes et aient tout simplement refusé d'agir de bonne foi, au grand désarroi de nombreux membres du comité qui ont vraiment essayé de faire avancer les objectifs que nous avez si éloquemment décrits dans votre exposé.
Ma dernière question est la suivante. Pensez-vous que le processus de l'IGAD est voué à l'échec à cause de la possibilité d'indépendance pour le Sud. Si la possibilité d'indépendance pour le Sud faisait place à l'autonomie dans le contexte du Soudan actuel, le processus de l'IGAD pourrait-il aller de l'avant étant donné que les Égyptiens n'appuieraient jamais un Sud autonome qui pourrait prendre le contrôle du Nil Blanc?
Merci.
Archevêque Joseph Marona: Je sais que le processus de l'IGAD est le seul auquel croient les gens du Sud et les Soudanais. Cela veut dire que c'est le seul processus qui peut se poursuivre. S'il est renforcé, ce sera du côté de l'IGAD.
La seule chose, c'est que les dirigeants religieux n'ont pas été inclus par l'IGAD. C'est une des choses pour lesquelles nous nous battons, parce que nous voulons pouvoir participer aux discussions de l'IGAD afin de lui faire connaître nos vues comme dirigeants chrétiens. C'est ce qui manque.
Mrg Peter Coffin: Nous arrivons parfois mal à vous entendre.
M. Keith Martin: Aimeriez-vous que je répète les questions? Est-ce que ça vous aiderait?
Mrg Peter Coffin: Pourriez-vous les reprendre une à la fois?
M. Keith Martin: Je vais vous les répéter.
• 1555
Brièvement, ma première question portait sur Talisman. Si la
société Talisman était éliminée de la scène, comment cela
aiderait-il à diminuer les avantages économiques que Khartoum tire
de l'exploitation du pétrole et qui l'aident à faire tourner la
machine de guerre? Un autre pays, comme la Chine, rachèterait ses
concessions.
Archevêque Joseph Marona: Je sais que cela pose un problème, et le tollé général contre l'interruption de l'extraction du pétrole s'explique par le fait que l'entreprise canadienne est mêlée à tout cela.
Le Canada est bien connu pour la défense des droits de la personne. Il nous a appuyés dans le processus de paix. Lorsque les Soudanais, surtout ceux de l'autre camp, voient que le Canada est mêlé à l'exploitation du pétrole, cela veut dire qu'il tue aussi les gens du Sud. C'est pourquoi le pétrole est une question qui nous préoccupe.
M. Keith Martin: Le problème, ce que nous trouvons difficile à accepter, c'est que si Talisman part, il en sera de même de ses modestes investissements dans les soins de santé et d'éducation de sorte que les gens du Sud seront complètement démunis. Qu'arriverait-il si la Chine rachetait ses concessions, sans que les recettes du gouvernement de Khartoum diminuent alors que les gens du Sud qui n'ont absolument rien seraient privés de soins de santé et d'éducation. C'est ce que les ONG nous ont dit quand nous sommes allés là-bas.
M. Svend Robinson (Burnaby—Douglas, NPD): Je suis désolé d'interrompre le député, mais lorsqu'il utilise des termes comme «nous avons constaté ceci», je pense qu'il devrait préciser qu'il ne parle pas au nom du sous-comité.
La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Je pense qu'il l'a précisé au tout début.
M. Svend Robinson: Qui parle au nom de qui?
La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): C'est lui qui a la parole pour le moment. Il a dit qu'il est allé au Soudan et que j'y suis allée aussi.
M. Svend Robinson: Donc, il parle en votre nom à vous deux?
La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Je suppose que oui.
Mgr Peter Coffin: Qui représentiez-vous là-bas? Je suis désolé, mais ce n'est pas clair pour moi.
M. Keith Martin: Nous sommes allés au Soudan pour examiner la situation de plus près. Nous ne représentions personne.
Mrg Peter Coffin: Parfait, je n'avais pas compris.
M. Keith Martin: Et quand je dis «nous», je veux parler du groupe qui y est allé.
Mrg Peter Coffin: Maintenant c'est clair, parce que je sais par qui John Harker et les autres y ont été envoyés. Quand quelqu'un d'ici y va, c'est bien de savoir avec quoi.
M. Svend Robinson: Et qui paye aussi.
Mrg Peter Coffin: Et qui paye aussi, oui.
La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): La Fédération canado-arabe.
Mrg Peter Coffin: La Fédération canado-arabe? C'est bon à savoir.
La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Je pense que cela a été dit au tout début, lorsque nous sommes revenus.
Mrg Peter Coffin: C'est bien.
Archevèque Joseph Marona: Lorsque les gens vont et viennent, Dieu sait comment intervenir. Les appels à l'aide sont pénibles aux oreilles de Dieu. Je le sens, spirituellement.
M. Keith Martin: C'est juste que le départ de Talisman entraînerait la disparition des soins de santé et de l'éducation...
Archevêque Joseph Marona: C'est la société la plus influente et il y en a d'autres qui s'en trouveront affaiblies si Talisman part.
Mrg Peter Coffin: Mais ce n'est pas la seule ONG qui s'occupe de santé et d'éducation dans le sud du Soudan. Les Églises, y compris l'Église anglicane, s'en occupaient déjà bien avant l'arrivée de Talisman. L'Église anglicane travaille à l'édification d'une infrastructure sociale au Soudan depuis une centaine d'années. Cela a fait 100 ans en 1999. Une compagnie peut proclamer qu'elle a construit une école, une clinique ou peu importe, mais ce n'est pas comme si c'était la première fois que quelqu'un jouait un rôle quelconque dans la région.
L'autre question est de savoir si oui ou non la Chine ou PETRONAS, la société malaise, prendra la place de Talisman si elle part. C'est une possibilité très réelle. La réalité, c'est que si une société canadienne est impliquée, alors, comme canadiens, nous avons de plus grandes responsabilités quant à la façon dont nous nous comportons outre-mer. Si nous pouvons exercer des pressions diplomatiques ou une influence sur d'autres pays, c'est bien. Nous y sommes parfois arrivés comme moyenne puissance. Mais le fait que quelqu'un d'autre puisse prendre la relève et continuer à pomper du pétrole n'enlève rien à la responsabilité que nous avons d'agir moralement dans nos rapports outre-mer.
• 1600
Donc, si nous nous retirions, est-ce que quelqu'un d'autre
prendrait notre place? Probablement. Les infrastructures sociales
de Talisman sont-elles suffisamment importantes pour justifier son
existence? Je ne les ai pas toutes vues. Tout ce que je peux vous
dire, c'est qu'un certain nombre d'autres ONG y sont depuis
beaucoup plus longtemps et ont mis en place une infrastructure
sociale assortie, j'imagine, de moins nombreuses conditions.
M. Keith Martin: Est-ce qu'il me reste du temps?
La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Non, je suis désolée.
Madame Lalonde.
[Français]
Mme Francine Lalonde: Merci beaucoup, monseigneur.
Je vous oblige à écouter ma voix par le biais de l'interprétation. Je vais parler lentement parce que je veux que vous me compreniez bien.
Je peux vous dire qu'il y a beaucoup de Québécois, de Canadiens, de Québécoises et de Canadiennes qui sont heureux que vous soyez ici aujourd'hui.
Il y a eu plusieurs interventions à la Chambre des communes. J'ai posé plusieurs questions à ce sujet, d'abord au ministre du temps, M. Axworthy, et ensuite au ministre actuel des Affaires étrangères, M. Manley. Je lui ai même demandé, lorsque nous siégions au Comité des affaires étrangères, s'il accepterait de modifier une loi qui existe au Canada pour permettre d'empêcher la compagnie Talisman de continuer à produire tout en étant une compagnie canadienne. Il m'a répondu en me demandant si je voulais que cette compagnie quitte le Canada. Vous pouvez lire ça dans les bleus. Je lui ai répondu que s'il n'était pas prêt à faire cela, cela voulait dire qu'on était impuissants.
Si je suis heureuse que vous soyez ici aujourd'hui, c'est que je crois que votre témoignage peut avoir une influence sur le ministre des Affaires étrangères. Je suis une députée de l'opposition. Je fais ce que je peux, mais le gouvernement peut faire quelque chose. Merci d'être ici.
Ma question est la suivante. Qu'est-ce que nous pouvons faire en plus de continuer à exercer des pressions pour que la compagnie Talisman cesse de stimuler la guerre? Du moins, c'est ce que je comprends. Qu'est-ce que nous pouvons faire de plus? Qu'attendez-vous de nous?
[Traduction]
Des voix: Bravo.
La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Voulez-vous répondre à cette question au nom de Monseigneur?
Mrg Peter Coffin: Oui, si vous voulez.
Ce qu'il veut dire en fait, c'est qu'il faudrait que la population d'un pays d'où vient une compagnie qui exerce son activité dans un endroit comme le Soudan sache quelles sont les répercussions de ses investissements. Notre présence au Soudan entraîne certains coûts et il se pourrait que les coûts excèdent les avantages.
• 1605
Tout ce qu'il a dit, c'est qu'il est ici au Canada et qu'il
s'agit d'une compagnie canadienne qui est là-bas. Il ne parle pour
le moment de la compagnie de personne d'autre. C'est une compagnie
canadienne et il estime qu'elle ajoute aux coûts. Il faut que nous
sachions que c'est le cas. Y aurait-il moyen que nous, les
Canadiens, définissions ou que le gouvernement du Canada définisse
les attentes quant à la façon de faire des affaires outre-mer dans
la mesure où nous en retirons certains avantages?
La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Je me demande si Son Excellence l'Archevêque a déjà posé les mêmes questions à la compagnie Talisman.
M. Svend Robinson: Qui pose des questions?
Mrg Peter Coffin: Il a essayé à Calgary, mais l'homme à qui il voulait parler n'était pas là. Il n'a pas réussi à aller plus loin, mais je crois savoir que des dirigeants religieux ont essayé d'aller voir des sociétés pétrolières.
Archevêque Joseph Marona: Oui, quand j'étais ici au Canada, des dirigeants religieux ont rencontré un des membres de la compagnie Talisman à Nairobi. Je ne sais pas encore ce que cela a donné. Je ne sais pas de quoi ils ont parlé, ni ce qui est ressorti de tout cela. À ce moment-là, j'étais déjà au Canada.
Mrg Peter Coffin: Les Églises canadiennes sont intervenues à quelques reprises par l'entremise de nos coalitions oecuméniques. Vous avez un rapport—que je viens tout juste de voir—de la Coalition inter-églises sur l'Afrique. Cela n'a rien de nouveau pour nous.
Vous vous demandez peut-être pourquoi les Églises s'en mêlent. Eh bien, entre autres, parce qu'il y a deux fois plus d'Anglicans au Soudan qu'ici de sorte que nous avons de nombreuses sources de renseignements. Vous pourriez débattre leur utilité.
Les Églises sont parties en guerre contre l'apartheid il y a longtemps et nous avons en quelque sorte été diffamés lorsque nous avons dit qu'il fallait vraiment qu'il y ait un boycottage—et ce sont les Églises d'Afrique du Sud qui ont donné le signal. Mais plus tard, après qu'on nous eut diffamés et accusés de naïveté, le gouvernement a fait sienne cette politique. Cela a mis fin à l'apartheid.
Nous essayons simplement de faire part aux Canadiens d'une préoccupation qui nous a été exposée par nos partenaires. Même si le Canada n'était en rien impliqué, nous ne pourrions tout simplement pas ignorer ce genre de souffrance. Mais il est impliqué.
Nous avons déjà parcouru ce genre de chemin et je voulais juste...
Je n'irai pas plus loin. Je vois qu'on me fait signe que oui de la tête.
La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Continuez, madame Lalonde. Je pense que nous avons le temps.
[Français]
Mme Francine Lalonde: Le Congrès américain a menacé d'interdire à la compagnie Talisman d'émettre des actions dans les diverses bourses américaines. Ça, c'était avant les événements du 11 septembre. Après le 11 septembre, si j'ai bien compris, le gouvernement américain a voulu rétablir les ponts avec le Soudan. Est-ce que nous ne nous trouvons pas maintenant devant une situation encore plus compliquée que celle qui existait avant le 11 septembre?
Mrg Peter Coffin: Nous nous sommes penchés sur la question et certaines Églises ici au Canada ont certes l'impression que la Chambre américaine des représentants menace de faire ce qu'il faut pour que certaines actions soient radiées de la Bourse de New York. Elle aurait une influence encore plus grande que notre gouvernement si elle pouvait—mais elle ne le peut probablement pas—menacer de radier ses actions de la Bourse de Toronto. C'est bien une des premières fois que je suis d'accord avec la Chambre des représentants des États-Unis.
Je n'en ai pas discuté avec mes collègues, mais j'ai bien peur qu'en essayant de former des alliances dans la présente guerre au terrorisme, on conclue des alliances et fasse des compromis avec le gouvernement soudanais. Certaines choses seront laissées de côté tant que cette guerre-ci n'aura pas pris fin et d'autres considérations devront attendre pour le moment, aux dépens de ce qui se passe dans le sud du Soudan. Nous n'avons pas encore vraiment réfléchi à la question, mais tout cela pourrait avoir de très sérieuses répercussions dans la mesure où les Américains auraient probablement obtenu de Talisman le genre de résultats que nous avons cherché à obtenir sans succès.
Le président-directeur général de Talisman nous a indiqué qu'il pensait, du moins en juillet et août, que cette radiation était suffisamment grave pour que la compagnie songe à se retirer. Nous ne savons pas jusqu'où on est allé, mais cela a de toute évidence eu une plus grande influence que nos interventions au Canada.
La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Svend Robinson.
M. Svend Robinson: Merci beaucoup. Je tiens moi aussi à vous souhaiter la bienvenue monseigneur l'archevêque Marona et monseigneur l'évêque Coffin. Je vous remercie au nom de mes collègues du Nouveau Parti Démocratique d'avoir eu le courage de dire franchement ce que vous pensez en cette période très tragique.
Ma collègue Francine Lalonde a signalé qu'un certain nombre de choses avaient changé depuis le 11 septembre. Le Congrès américain a adopté la Loi sur la paix au Soudan à 422 voix contre deux, mais le président Bush vient de dire que les États-Unis n'y donneront pas suite. De plus, le Conseil de sécurité des Nations Unies a levé les sanctions minimales qui étaient en place, comme vous le savez sans doute. J'ai bien peur qu'au lendemain du 11 septembre, la communauté internationale ferme les yeux sur ce qui se passe.
J'aurais un ou deux brefs commentaires à faire, après quoi j'aurai une ou deux questions à vous poser.
Nous venons tout juste de recevoir le rapport d'enquête sur l'exploitation pétrolière du conseil inter-églises. Il met sérieusement en cause le rôle de Talisman et d'autres sociétés pétrolières. Le conseil y dit entre autres:
-
L'enquête a fait ressortir que l'exploitation pétrolière dans le
Haut-Nil a aggravé le conflit civil et contribué à la réalisation
des buts guerriers du gouvernement du Soudan, facilitant les
violations des droits de la personne par les forces du gouvernement
et les forces appuyées par le gouvernement.
L'ancien ministre canadien des Affaires étrangères a indiqué que si cela pouvait être prouvé, il croyait que Talisman ne devrait avoir aucun rôle à jouer dans ce conflit sanglant. Nous avons maintenant plus de preuves que c'est peut-être en fait le cas en ce sens l'armée soudanaise utilise de plus en plus souvent les terrains d'aviation de Talisman, d'où la mort ou le meurtre d'innocentes victimes.
Vous avez entendu mon collègue Keith Martin parler, au nom de la présidence également, de leur visite. Ils ont donné à entendre que Talisman joue un rôle social quelconque de sorte qu'elle devrait être autorisée à continuer d'exercer son activité au Soudan.
Je crois que la présidence a aussi indiqué que le voyage avait été financé par la Fédération canado-arabe. Ce n'est pas exact. La Fédération canado-arabe n'a joué aucun rôle dans ce voyage. Je pense qu'il s'agissait plutôt du National Council on Canada-Arab Relations dont les activités, soit dit en passant, sont en partie financées par Talisman Energy. Je crois que le transport de cette délégation au Soudan...
M. Keith Martin: J'invoque le Règlement, madame la présidente...
M. Svend Robinson: Si vous me permettez de terminer...
La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Non, vous ne le pouvez pas. M. Martin a invoqué le Règlement.
M. Keith Martin: Monsieur Robinson—par votre entremise, madame la présidente—vous laissez entendre que ce voyage a été payé par Talisman. Il a été prouvé—et vous le savez fort bien puisque la question a été soulevée à la Chambre—que ce n'est pas le cas. Vous avez été châtié à la Chambre pour avoir soulevé la question et je suggère que vous retiriez vos remarques immédiatement.
M. Svend Robinson: Madame la présidente, le député peut invoquer le Règlement tant qu'il voudra, mais il reste que l'organisme parrain reçoit des fonds de Talisman et je crois que le transport au Soudan a en fait été assuré par Talisman Energy. Je pense que c'est un fait—et que cela n'avait rien à voir avec la Fédération canado-arabe.
• 1615
Monseigneur l'archevêque Marona, je me demandais si vous
pouviez donner au comité une idée du rôle que vous voudriez que le
gouvernement du Canada joue—parce que nous pouvons faire des
recommandations à notre gouvernement—en cette période très
critique pour essayer d'en arriver à la solution pacifique dont
vous parlez et exhorter Talisman à mettre un terme à ses opérations
et à cesser d'être complice au Soudan.
Archevêque Joseph Marona: Oui, notre but principal est que le Canada soit solidaire, entende notre appel et vienne à notre secours. Nous crions à l'aide, mais personne ne vient à notre secours. C'est la raison pour laquelle je suis ici, pour que le gouvernement canadien et vous, les Canadiens, veniez à notre aide.
M. Svend Robinson: J'imagine que vous seriez d'accord également pour dire que vous espérez que le gouvernement canadien fera preuve de leadership pour ce qui est du rôle de Talisman.
Archevêque Joseph Marona: Si les Chrétiens connaissent les dangers de ce pétrole qui fait couler le sang et en parlent à leur gouvernement, pourquoi leur gouvernement ne peut-il pas les écouter?
M. Svend Robinson: Vous avez tout à fait raison.
Je me demandais si vous aviez d'autres commentaires à nous faire sur la situation depuis le 11 septembre et sur l'incidence que les événements du 11 septembre ont pu avoir par rapport à la réaction de la communauté mondiale à votre très éloquent appel à la justice et à la paix pour la population du Soudan.
Archevêque Joseph Marona: Ce qui s'est passé en Amérique le 11 septembre a grandement attristé les Soudanais. Nous avons été peinés, bien sûr, bien que cela ait changé le cours des choses pour les Américains et les Canadiens. Mais nous ne pouvons pas garder le silence. Si nous gardons le silence, ce sera la fin de notre peuple. Nous voulons que les Américains et les Canadiens sachent que la situation est encore plus attristante quand on ajoute à tout cela ce qui s'est passé en Amérique le 11 septembre.
M. Svend Robinson: Ma dernière question a trait à la persécution et à l'oppression des disciples de votre religion. Je me demandais si vous pouviez indiquer au comité quelles ont été quelques-unes des répercussions de la répression et de la violence du gouvernement du Soudan sur les adeptes, sur les fidèles et sur d'autres chrétiens au Soudan.
Archevêque Joseph Marona: C'est une excellente question.
L'événement le plus récent remonte au 11 avril 2001. Je pense que le monde entier sait ce qui s'est passé et nous avons diffusé la nouvelle pour que nos frères et nos soeurs soient au courant et puissent prier. La police a fait irruption dans la cathédrale. De nombreuses personnes ont été blessées et il y a eu 105 arrestations. La foule a été dispersée. Un de nos courageux garçons a attrapé une grenade qu'il a relancée, mais elle a explosé et lui a arraché le bras droit. Si le Soudan jouissait d'un pouvoir de sanctification, nous ferions de ce garçon un saint, parce qu'il est mort en voulant défendre sa foi.
M. Svend Robinson: Il s'agissait des forces du gouvernement du Soudan?
Archevêque Joseph Marona: Des forces de police. Je suis désolé, mais j'étais en Ouganda à ce moment-là, parce que j'ai trois bureaux, à Khartoum, Juba et Kampala, en Ouganda. J'y suis allé pour consacrer l'évêque qui va me remplacer et cela s'est passé pendant mon absence. Mais j'ai pu en faire part au monde entier au sein de la communauté anglicane. Nous envoyons des lettres partout pour que les gens sachent quel est le sort réservé aux Chrétiens au Soudan.
M. Svend Robinson: Serait-il utile que le sous-comité se rende au Soudan pour constater par lui-même l'impact de la présente situation?
Archevêque Joseph Marona: Si c'est possible, s'il vous plaît, allez-y pour voir si vous pouvez croire ce que je dis.
M. Svend Robinson: Merci.
Mrg Peter Coffin: Nous hésitions vraiment à parler de religion, parce que c'est une question très délicate ces jours-ci. Je dois dire que certains ressortissants du Soudan sont venus me rendre visite à mon bureau. J'ai rencontré des Chrétiens et des Musulmans—surtout des Chrétiens, étant donné les liens que j'ai avec eux, mais il y a aussi des Musulmans qui sont venus m'exprimer leurs préoccupations. Ce n'est donc pas...
Archevêque Joseph Marona: Ce que dit l'évêque est vrai, parce que j'ai rendu visite au gouverneur de Khartoum. Il était très attristé par ce qui s'était passé le 11 avril. Il m'a dit: «Monseigneur l'archevêque, jamais je n'aurais cru qu'une chose comme celle qui est arrivée le 11 avril puisse se passer pendant mon règne comme gouverneur de Khartoum.» C'était quelqu'un du gouvernement.
M. Svend Robinson: Merci.
La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Madame Augustine.
Mme Jean Augustine (Etobicoke—Lakeshore, Lib.): Merci, madame la présidente.
Je me joins à mes collègues, monseigneur l'archevêque, pour vous souhaiter la bienvenue ici et je tiens à vous dire non seulement que cette question nous a préoccupés, mais aussi qu'elle a occupé une grande place dans nos activités et nos conversations. Elle a également fait l'objet des prières auxquelles nous avons tous eu recours au moment où nous étions en quête d'une solution.
Nous avons abordé cette question de nombreux points de vue différents. Les questions que j'ai à vous poser aujourd'hui, comme toutes les autres qui ont été posées, visent davantage à obtenir des précisions quant à savoir quelle voie adopter. Depuis la publication de la déclaration que vous nous avez présentée aujourd'hui, qui est très claire et très lucide et définit étape par étape ce qui pourrait être fait, avec l'aide de tous les acteurs et intervenants, qu'est-ce qui s'est passé? Où en sommes-nous? Quelles réponses avez-vous eues depuis août 2001?
Archevêque Joseph Marona: Nous venons tout juste de publier ce rapport, en août, et l'idée se répand. Le résultat n'est pas encore clair. Je suis désolé si je n'ai pas très bien compris votre question, mais mon frère peut me venir en aide.
Mrg Peter Coffin: À qui s'adressait le rapport?
Archevêque Joseph Marona: J'ai déjà dit clairement aujourd'hui qu'il s'adressait...
Mme Jean Augustine: Oui, au gouvernement du Soudan.
Archevêque Joseph Marona: Oui.
Mme Jean Augustine: Donc, il lui a été envoyé en août?
Archevêque Joseph Marona: Oui, il l'a déjà.
Mme Jean Augustine: Et le Mouvement populaire de libération du Soudan?
Archevêque Joseph Marona: Il a aussi été envoyé à ce mouvement.
Mme Jean Augustine: De même qu'au Forum des partenaires de l'IGAD?
Archevêque Joseph Marona: Oui, nous avons formé des comités et nous leur avons demandé d'en faire rapport à l'IGAD, au président du Soudan...
Mme Jean Augustine: Et il n'y a eu aucune réponse au cours des derniers mois?
Archevêque Joseph Marona: Non, pas encore, mais parce que je suis ici au Canada, je ne sais pas ce qui se passe là-bas.
Mme Jean Augustine: D'accord.
Vous dirigiez la coalition des évêques catholiques et autres de sorte que la réponse vous sera envoyée directement.
Archevêque Joseph Marona: À nous, oui. Vous vous souviendrez que l'archevêque catholique et l'archevêque anglican ont signé la lettre au nom des évêques.
Mme Jean Augustine: À la lumière des déplacements forcés, des violations des droits de la personne et de toutes les choses qui créent de l'insécurité et, par voie de conséquence, entraînent l'insécurité sur le plan alimentaire et la dévastation—les gens sont très vulnérables, comme vous l'avez dit tout à l'heure—Talisman refuse d'accepter toute responsabilité dans cette affaire. Je pense que le gouvernement canadien essaie de trouver des moyens, des preuves, enfin tout ce qu'il peut, pour s'assurer que Talisman prendra pleinement ses responsabilités.
Nous nous débattons tous actuellement avec la question de la compagnie Talisman, mais j'aurais aussi à vous poser des questions à propos du rôle de la religion dans ce conflit. Je sais que le moment est mal choisi pour parler de religion, mais je sais aussi que différents groupes catholiques et autres sont à l'oeuvre et je veux savoir quelle influence cela a sur le conflit.
Archevêque Joseph Marona: Laissez-moi dire une chose au sujet de l'initiative de paix. L'initiative de paix populaire a été lancée par les Églises lorsque j'étais président du Nouveau Conseil des Églises du Soudan. Les Églises jouent un rôle important dans la réconciliation lorsqu'il y a mésentente. Elles plaident au nom de la population en faveur de la paix et elles plaident auprès du gouvernement. Je pense que les Églises—non seulement anglicane et catholique, mais aussi de toutes les autres confessions au Soudan—ont maintenant décidé officiellement de travailler ensemble à l'avènement de la paix.
Nous jouons aussi un grand rôle dans les pourparlers avec les mouvements afin de les rapprocher pour qu'ils arrivent à mieux se comprendre. Nous intervenons également auprès du gouvernement de Khartoum pour lui dire qu'il est préférable de respecter les droits de la personne. Nous ne gardons pas le silence au Soudan au sujet de toutes ces questions.
Mme Jean Augustine: J'ai peut-être posé la question, madame la présidente, mais j'essaie de savoir si nous pouvons avoir un groupe d'experts impartial indépendant de surveillance dans tout ce conflit. L'Église est-elle indépendante et impartiale, ou les Églises ont-elles...
Archevêque Joseph Marona: L'Église n'appuie aucun groupe.
Mme Jean Augustine: L'Église n'appuie aucun groupe?
Archevêque Joseph Marona: Non, l'Église n'appuie aucun groupe. Elle est toujours au milieu...
Mme Jean Augustine: Avec les gens.
Archevêque Joseph Marona: ...pour protéger les gens et aussi pour reprocher ses actes au gouvernement.
Une fois qu'on s'est rangé dans un camp, on ne peut pas dénoncer ses mauvais côtés. C'est ce que l'Église a constaté. Si on n'appuie aucune partie, on peut dire «non, mon frère, c'est mal» ou «c'est bien» et ainsi de suite. Je dirais que c'est une des choses que l'Église fait de sorte que nous n'appuyons personne. Nous nous contentons du milieu.
Mme Jean Augustine: Comment votre groupe envisage-t-il le rôle du gouvernement canadien dans le processus de l'IGAD, alors? Le Canada essaie de faire progresser les choses. C'est un des partenaires ou des acteurs dans ce processus. Comment est-il considéré? Je pense que l'occasion s'offre à nous de réexaminer la question pour voir quel est notre rôle dans ce processus s'il ne progresse pas comme nous l'aurions souhaité.
Archevêque Joseph Marona: Nous nous intéressons tous de près à ce qui se dit à l'IGAD. Pour le moment, rien de bon ne semble sortir de cette initiative, mais nous continuons à l'appuyer en raison d'une déclaration de principes. C'est le point de mire de la discussion. C'est la raison pour laquelle toutes les Églises se rallient derrière le processus de l'IGAD.
Mme Jean Augustine: Donc, vous appuyez le processus de l'IGAD.
Archevêque Joseph Marona: Oui.
Mme Jean Augustine: Trouvez-vous que le processus est trop lent? Pouvez-vous l'évaluer pour nous?
Archevêque Joseph Marona: Oui, c'est une bonne idée.
Le processus est trop lent et la discussion n'a donné aucun résultat concret. Chaque fois qu'on se réunit pour discuter, la réunion prend fin sans qu'on soit arrivé à une conclusion. Nous voulons encourager le processus pour qu'une décision concrète soit prise et que la paix devienne réalité. C'est là notre souhait.
La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Monsieur Vellacott.
M. Maurice Vellacott (Saskatoon—Wanuskewin, Alliance canadienne): Encore une fois, merci à vous deux d'être ici aujourd'hui.
• 1630
Je me rappelle notre conversation de Saskatoon, monseigneur
Marona. Si j'ai bien compris ce que vous avez dit à ce moment-là
aussi, et ce que d'autres ont dit, le plus troublant au sujet de
Talisman, c'est que c'est une entreprise canadienne et que le
gouvernement de Khartoum s'est déjà servi de la bonne réputation du
Canada comme caution morale, si on veut.
Nous avons une bonne réputation dans le monde entier. Donc, en disant que Talisman—une entreprise canadienne—est établie dans le pays, le gouvernement de Khartoum veut faire croire que la situation est tout à fait normale, que les entreprises peuvent investir là-bas, et ainsi de suite. Je pense qu'il a été question de «caution morale» ou de «garantie morale» pour les opérations de production pétrolière et les activités des autres entreprises installées là-bas, parce qu'il y avait déjà une bonne entreprise canadienne en place. Cela me blesse, en tant que Canadien, parce que notre réputation est entachée, que notre nom est traîné dans la boue à cause de cette complicité indirecte à un génocide, comme on l'a dit dans différents rapports.
Permettez-moi de vous dire ce que j'en pense. Dans la préface du rapport de l'Église épiscopale du Soudan, vous faites des affirmations très directes au sujet du rôle du pétrole. Vous dites très clairement—et je pense que mon collègue M. Robinson a lu le passage en question—que l'exploitation pétrolière par toutes les entreprises établies là-bas doit cesser, point final.
Revenons au lien avec le Canada et à la situation de Talisman là-bas. Vous avez dit: «Le partenaire d'affaires légal de Talisman, le régime du FIN—le Front islamique national—est un des pires régimes au monde au chapitre du respect des droits de la personne.» Et vous parlez ensuite clairement d'actes de génocide, de nettoyage ethnique et d'autres crimes contre l'humanité. S'il y avait une entreprise, ici, qui participait à des activités aussi condamnables ou qui y était associée, nous ne le tolérerions pas. Mais, pour une raison ou pour une autre, quand ça se passe à l'étranger, loin des projecteurs des médias, ça devient tolérable. C'est déplorable.
Vous affirmez aussi dans votre rapport que Talisman exploite des réserves pétrolières dont la propriété est contestée. Il n'est même pas certain qu'elle ait le droit de le faire. C'est ce que vous avez dit.
L'autre élément que j'ai trouvé intéressant, et sur lequel j'aimerais entendre vos commentaires, ce sont les rapports selon lesquels le régime soudanais aurait déplacé de force des populations pour permettre la production pétrolière. Vous avez parlé de la politique de la terre brûlée, par exemple, pour que les entreprises étrangères aient accès aux champs pétrolifères. Vous avez dit:
-
Ces mesures constituent une violation des dispositions du Protocole
de Genève et sont considérées comme un crime de guerre en droit
international. Nous ne saurions trop insister sur l'importance de
cette violation.
C'est une allégation très sérieuse. Ce que vous dites, en fait, c'est que la participation de Talisman pourrait lui valoir une comparution devant un tribunal des crimes de guerre parce qu'il y a eu violation du droit international. Êtes-vous prêt à le répéter? Pensez-vous vraiment que Talisman a joué un tel rôle, qui est contraire aux intérêts actuels du peuple soudanais?
Archevêque Joseph Marona: C'est ce que dit l'opinion publique. Ce n'est pas nécessairement mon opinion en tant que chef religieux. Ce que les gens racontent doit être connu. C'est pourquoi nous le rapportons.
M. Maurice Vellacott: D'accord.
Vous dites également ici:
-
Il y a sept mois, Hassan al-Turabi, le membre le plus influent du
gouvernement du FIN, a déclaré publiquement que les recettes
pétrolières rendues possibles par la présence de Talisman et
d'autres entreprises étrangères serviraient à construire des usines
de missiles et de chars.
Encore là, ce sont les mots de Hassan al-Turabi, un membre influent du gouvernement du Front islamique national. C'est à la page 11 de votre rapport.
On sait, d'après les prises de position officielles et les déclarations du gouvernement, que les revenus provenant de la production pétrolière servent à faire la guerre, à décimer les populations du Sud et à gagner la bataille dans cette région. Est-ce qu'il y a seulement quelques personnes qui le disent, ou si c'est de notoriété publique?
Archevêque Joseph Marona: Comme je l'ai déjà dit, c'est ce que pense l'opinion publique. Nous avons affirmé bien des choses de notre côté, mais ce n'est pas le moment d'en parler ici. Autrement, nous pourrions en dire plus, et les gens comprendraient que ce que nous avons dit est vrai. En Afrique, cependant, nous disons qu'il n'y a pas de fumée sans feu.
M. Maurice Vellacott: Alors, pourquoi est-il si important que la production pétrolière cesse? Vous insistez beaucoup là-dessus dans votre rapport, et vous l'avez fait aussi dans certaines conversations privées. La production pétrolière prolonge la guerre, elle sert à acheter des armes et du matériel, elle permet au gouvernement de continuer. Mais, comme l'a dit mon collègue, si Talisman n'était plus là, les autres pays continueraient à exploiter le pétrole. Il faudrait les faire cesser aussi; autrement, la guerre se poursuivra indéfiniment, c'est inévitable. Et le gouvernement sera plus confiant, plus optimiste, et pourra mener la bataille jusqu'à la toute fin, jusqu'à l'extermination des populations du sud du Soudan.
Mrg Peter Coffin: Le message qui se dégage du rapport de l'Église épiscopale du Soudan, du rapport Harker et de ce que nous ont appris nos propres visites là-bas—il y a eu une tournée interconfessionnelle cet été—c'est... Il faut se demander s'il y a lieu d'envoyer un groupe impartial au Soudan pour essayer de déterminer si Talisman fait des choses répréhensibles ou non. J'ai l'impression que c'est ce qu'a fait la commission Harker et qu'il y a eu beaucoup de renseignements recueillis à ce sujet-là.
Talisman a peut-être effectivement mis sur pied une école ou un hôpital. Je suis certain que c'est vrai. En fait, je n'en doute absolument pas. Mais ce que les gens pensent, c'est que sa présence prolonge la guerre, en ce sens qu'elle fournit... On ne peut pas faire la guerre si on n'est pas capable d'acheter des armes et de faire ce genre de choses. Le pétrole fournit les revenus nécessaires.
Si Talisman quittait le pays, est-ce qu'il n'y aurait pas quelqu'un d'autre pour la remplacer? Je pense que c'est une très nette possibilité. Je suis certain que quelqu'un achèterait la part de Talisman. Alors, est-ce que le départ de Talisman ferait une différence? Peut-être pas, dans la mesure où quelqu'un d'autre exploiterait ce pétrole, mais je pense que cela ferait une différence pour la crédibilité de notre pays. Je l'ai déjà dit, et je sais que je me répète, mais ce n'est pas parce que quelqu'un d'autre fait quelque chose que nous devons le faire aussi. Cela mine vraiment notre crédibilité dans les tribunes où nous pouvons montrer une certaine fierté parce que nous jugeons que nous faisons du bon travail.
M. Maurice Vellacott: J'ai une dernière question à vous poser à tous les deux, dans ce cas.
Pour en revenir à ce que Jean a dit tout à l'heure, je sais que le gouvernement canadien semble fonder certains espoirs sur le processus de paix de l'IGAD. Mais nous avons tous entendu dire—et vous l'avez dit vous-mêmes aujourd'hui—qu'il ne semble pas se passer grand-chose de ce côté-là. Il n'y a pas de résolution, pas de progrès; il ne se passe tout simplement rien.
À la page 17, vous dites que, tant que les revenus du pétrole vont continuer d'arriver, la paix va être retardée, et le processus de l'IGAD aussi. Est-ce que c'est le principal obstacle à l'avancement de ce processus? Est-ce qu'il y en a d'autres? Compte tenu de vos affirmations, quelle serait votre réponse à cette question? Y a-t-il autre chose de plus grave, ou si le pétrole est la principale raison pour laquelle le processus de paix de l'IGAD n'avance pas?
Archevêque Joseph Marona: Probablement, ou probablement pas. Le problème, c'est que la présidence de l'IGAD est à Nairobi. J'ai entendu dire récemment que le gouvernement du Kenya voulait recevoir des parts de Khartoum. Il est possible qu'il y ait un débat sur cette question à l'IGAD, parce qu'on y prend la chose au sérieux. Nous savons que le pétrole alimente la guerre dans de nombreux ports. C'est bien connu. Si les dépenses consacrées à la guerre s'élèvent à un million de dollars par jour, d'où vient tout cet argent? Je pense que c'est le genre de choses auxquelles les gens pensent.
• 1640
Les gens disent que, si la paix se réalise, il n'est pas
impossible qu'ils se regroupent à nouveau pour exploiter le
pétrole. Ils sont capables de travailler ensemble. Quand il y a un
partage égal, la paix règne, les gens vivent dans l'harmonie et il
n'y a pas d'effusions de sang. Je pense que personne ne dira le
contraire.
Mrg Peter Coffin: Un des problèmes, avec l'IGAD, a été d'amener les parties à négocier. Il y en a qui ne veulent tout simplement pas y aller. Un des rôles de l'Église, comme l'a dit l'archevêque—et c'est pour cela que la déclaration des évêques anglicans et catholiques est tellement importante—c'est de réunir un grand nombre de gens qui ne se sont pas toujours particulièrement bien entendus, pas seulement à cause de la religion, mais pour d'autres raisons. C'est une initiative majeure que d'amener les parties autour d'une même table. Même dans le cadre de l'IGAD, cela a été difficile.
Si j'ai bien compris, monseigneur, une des choses les plus difficiles au Soudan a été d'amener les parties à négocier. Il y a donc des gens qui espèrent qu'un pays comme le nôtre—comme le Canada, qui a déjà servi d'intermédiaire—peut aider d'une manière ou d'une autre à réunir tout le monde autour d'une même table. Cela paraît merveilleux et idéaliste, mais je ne suis pas prêt à abandonner mes idéaux facilement.
La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Eh bien, il y a des gens qui se sont réunis le 17 août. Je sais que les représentants de Talisman étaient là. Et ceux du gouvernement aussi.
Il me semble qu'il y a eu un appel au cessez-le-feu avant ces rencontres. Je n'en suis pas sûre—il ne faut pas nécessairement croire ce qu'on lit dans les rapports ou ce qu'on voit à CNN—mais j'ai entendu dire que, pendant ces audiences, quand le gouvernement a décrété un cessez-le-feu complet, les rebelles n'ont pas arrêté de se battre. En fait, j'ai lu que le colonel Garang avait prétendu avoir conquis trois autres villages pendant le cessez-le-feu.
Archevêque Joseph Marona: J'étais à la rencontre du 17 août. C'est moi qui présidais la séance. Nous avons simplement demandé qu'il y ait un cessez-le-feu, après quoi nous avons répandu la nouvelle. Il s'est peut-être passé quelque chose pendant mon absence.
La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Nous avons reçu—n'est-ce pas, monsieur Martin?—des documents indiquant que le gouvernement soudanais avait demandé un cessez-le-feu complet. Mais, comme je l'ai dit, c'est très difficile à savoir.
Ce qui est vrai, c'est qu'il y a deux camps opposés et que la vérité se situe quelque part entre les deux. Cela a soulevé un débat plutôt émotif ici même, au Parlement; il y a eu des discussions très vives, des insultes de part et d'autre, et tout le monde prétend avoir le monopole du bien, de la bonté et de la compassion, ce qui n'est pas vrai. Nous nous préoccupons tous de ce qui se passe. Autrement, nous ne serions pas ici.
Donc, je ne pense pas que nous puissions déterminer quels sont les véritables enjeux et où se situe vraiment la vérité.
Quelles étaient les parties absentes à cette conférence en Afrique?
[Français]
Mme Francine Lalonde: Est-ce que vous continuez le tour, madame la présidente?
[Traduction]
La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Oui.
[Français]
Mme Francine Lalonde: Merci.
[Traduction]
La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Il y a tellement de choses qui ne sont pas claires, à mon avis, que nous devons essayer d'y mettre de l'ordre.
Mrg Peter Coffin: Pouvons-nous...
[Note de la rédaction: Inaudible]
...je ne sais pas. À la dernière réunion de l'IGAD, c'est le gouvernement qui ne s'est pas présenté, apparemment, pas le SPLM/A.
La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Non, je ne parlais pas de la réunion de l'IGAD. Je parlais de la rencontre du 17 août.
Archevêque Joseph Marona: C'est le 17 août que nous avons lancé notre appel. Comme je l'ai dit, je ne sais pas s'il y a quelque chose qui s'est matérialisé pendant mon absence.
Mrg Peter Coffin: C'est ce jour-là que les églises ont lancé leur appel. Vous voulez probablement parler d'une réunion dont il n'a pas entendu parler. Qu'est-ce que c'était que cette importante réunion du 17 août?
La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): C'était la réunion du conseil des évêques catholiques à Nairobi.
Archevêque Joseph Marona: Oui, c'est de celle-là que je parle. C'est la réunion où nous étions. C'est là que nous avons lancé...
La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Les gens de Talisman étaient là.
Archevêque Joseph Marona: Oui, mais le résultat de la rencontre n'est pas encore clair. Aucune décision n'a été prise. Nous distribuons cela, et nous le partageons avec vous également.
Mrg Peter Coffin: C'était une rencontre des évêques anglicans et catholiques.
La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Oui, je comprends, mais d'autres parties étaient invitées également.
Mrg Peter Coffin: Et les gens de Talisman y étaient?
La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Oui.
Archevêque Joseph Marona: Non; cela s'est passé après, quand j'étais en Afrique du Sud.
Mrg Peter Coffin: D'accord, excusez-moi, madame la présidente.
Archevêque Joseph Marona: J'ai entendu parler de cette réunion. Elle réunissait seulement les évêques catholiques, pas les anglicans.
La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): D'accord.
Madame Lalonde.
[Français]
Mme Francine Lalonde: Merci, madame la présidente.
[Traduction]
Monseigneur, je vais essayer de vous parler en anglais pour que vous me compreniez sans intermédiaire. C'est contraire à mes principes à la Chambre parce que je suis francophone, mais il est plus important que vous me compreniez bien.
Il est clair qu'il y a beaucoup de tension. Comme l'a dit Mme Beaumier, il y en a même ici.
Évidemment, il y a deux camps. Je vous félicite pour votre rapport parce que vous essayez de faire appel à ces deux camps pour l'instauration d'une paix qui respecte et sépare à la fois la religion et la foi. Bien sûr, ce sont des principes et des idéaux difficiles à atteindre dans la situation actuelle.
Ma question porte sur ce que nous pouvons faire, à part faire pression pour que Talisman se retire du Soudan. Vous dites au sixième point de votre présentation qu'il faut suspendre l'extraction du pétrole jusqu'à ce que la paix soit rétablie. Je n'ai pas suivi tout ce que vous avez fait. Il est clair que vous, les Soudanais, avez besoin d'une tierce partie. Peut-être l'IGAD, ou peut-être quelqu'un d'autre à qui vous devriez demander de l'aide—j'ai pensé à Mandela, mais je ne sais pas qui il pourrait y avoir à part lui—quelqu'un qui pourrait aller rencontrer les deux parties pour essayer de mettre tout le monde d'accord. Si je comprends bien, les deux parties sont très loin l'une de l'autre.
Est-il possible que, à cause de la présence d'une entreprise canadienne là-bas, le Canada ait contribué à créer cette dissension? Je vois ici quelqu'un du ministère, alors je suppose que nos fonctionnaires ont étudié la question. Est-ce que c'est possible? Qui peut aider? Que pouvons-nous demander aux gens du ministère?
Archevêque Joseph Marona: J'aimerais qu'un des membres de notre délégation vous réponde. Il est Soudanais et il est en mesure de répondre, et l'évêque pourra aider lui aussi.
La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Je suis désolée, mais nous avons trop...
Mrg Peter Coffin: Oh, il ne peut pas? Excusez-moi, madame la présidente.
Ce qu'il y a de vrai... Une des choses que je trouve frustrantes, en tant que Canadien qui s'intéresse à la situation au Soudan, ce sont les graves dissensions. Il y a des dissensions dans le Sud, par exemple. C'est très clair. Personne ne le contestera.
• 1650
Une des choses que le Nouveau Conseil des Églises du Soudan a
essayé de faire—sous la présidence de monseigneur l'archevêque—c'est
de mettre un peu de raison dans tout cela. C'est une des
choses que monseigneur Marona fait aussi au Canada auprès de la
communauté soudanaise. Il y a beaucoup de dissensions, et c'est
très difficile et très frustrant pour toutes sortes de gens, en
particulier ceux qui se préoccupent de la situation, comme nous.
Comment pouvons-nous aider, concrètement? C'est une question que
bien des gens se posent.
Une des choses que j'apprécie, dans le travail des Églises, c'est qu'elles se rendent compte que le problème vient en grande partie des dissensions à l'intérieur du pays, à tous les niveaux. Le Nouveau Conseil des Églises du Soudan essaie de rassembler tout le monde, et c'est notamment ce qui donne toute son importance à cette déclaration.
Il y a évidemment aussi la question du pétrole. Tout ce que j'en pense, c'est que, encore une fois, il s'agit d'une entreprise canadienne; nous devons nous demander si les entreprises canadiennes agissent de façon morale. Cette entreprise est aussi une de nos vitrines à l'étranger, et certaines de nos valeurs s'expriment à l'étranger par nos façons de faire—par les comportements de nos diplomates, de nos militaires, de nos entreprises. Est-ce que c'est conforme à nos valeurs? Si nous pensons que oui, est-ce que c'est une sorte d'approbation tacite de la façon dont ce gouvernement fonctionne?
La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Merci.
Avez-vous terminé?
Mme Francine Lalonde: Je voudrais seulement ajouter qu'à mon avis, ce que Talisman a fait—ou du moins, ce que nous en savons—est inacceptable pour n'importe quelle entreprise, et pas seulement pour une entreprise canadienne ou québécoise. Il faut le dire, et essayer de faire en sorte que les entreprises appliquent une certaine éthique. C'est très important.
Mrg Peter Coffin: Si c'est tellement important, c'est à cause de l'effet d'entraînement. Il n'y a pas beaucoup d'incitation à faire quelque chose tant que ce problème ne sera pas réglé. Il y a toutes sortes de problèmes, mais celui du pétrole a un effet d'entraînement. Le problème, c'est que nous le ressentons, cet effet.
Mme Francine Lalonde: Je peux poser une dernière question?
M. Harker, l'enquêteur envoyé par M. Axworthy, a recommandé que les recettes pétrolières soient versées dans un fonds de développement qui ne serait pas administré par l'État et qui serait consacré uniquement au développement jusqu'à ce que le pays soit en paix. Est-ce que c'est une solution qui pourrait...
Mrg Peter Coffin: Ce serait une excellente idée, mais je ne crois pas qu'il y ait grand-chose pour inciter le gouvernement du Soudan à appliquer cette recommandation.
[Français]
C'est vraiment un rêve.
[Traduction]
Mme Francine Lalonde: Cela ferait partie d'une proposition de ce genre. Plutôt que de suspendre les activités d'extraction, il serait possible d'en verser les profits dans un fonds distinct. Ce pourrait être une solution intéressante, qui n'empêcherait pas le pays de profiter de cet argent.
Je ne sais pas si l'archevêque...
La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Merci.
C'est intéressant, mais je pense que ce serait jusqu'à un certain point une violation de la souveraineté nationale.
Madame Marlene Jennings.
[Français]
Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Merci, madame la présidente.
[Traduction]
Premièrement, je tiens à vous présenter mes excuses à tous les deux pour avoir dû m'absenter pendant une partie de la séance. J'ai manqué une partie de votre présentation et certaines de vos réponses aux questions qui vous ont été posées.
Je suis heureuse que vous soyez ici, monseigneur l'archevêque, et vous aussi, monseigneur l'évêque. Comme vous pouvez le voir d'après les questions posées par les députés qui sont ici, la question est en fait très complexe. Elle suscite beaucoup d'inquiétude et de désarroi parmi les parlementaires, quel que soit le parti auquel ils appartiennent.
• 1655
J'aimerais que vous nous parliez d'une question à laquelle les
chefs de nos Églises et de certaines autres confessions religieuses
s'intéressent depuis quelques années, et au sujet de laquelle ils
ont fait des pressions. Je me demande si ce ne serait pas une
possibilité pour le Soudan. Je veux parler d'un embargo commercial,
comme quand nous avons boycotté l'Afrique du Sud.
Je me souviens de la première manifestation à laquelle j'ai participé, en 1969. J'étais étudiante au cégep—ce qui vous donne une idée de mon âge; je vais célébrer mon demi-siècle le mois prochain—et nous manifestions contre le régime d'apartheid en Afrique du Sud. Je me souviens d'avoir aidé à organiser des séances d'information sur les campus des cégeps et des universités à la fin des années 60 et au début des années 70, avant que la question de l'apartheid en Afrique du Sud apparaisse sur les écrans radars de la grande majorité de la population canadienne.
Grâce au travail de nos institutions religieuses de toutes confessions, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'Afrique du Sud, il s'est fait tout un effort de sensibilisation auprès des fidèles des différentes communautés. Je pense que nos institutions religieuses ont eu un grand rôle à jouer en sensibilisant les citoyens moyens du Canada et des autres pays aux horreurs de l'apartheid, et en donnant aux élus le courage et la volonté politiques nécessaires pour décréter, par voie législative, un boycottage et un embargo commercial contre l'Afrique du Sud.
Je me demande si nous ne pourrions pas envisager quelque chose du même genre. Je ne dis pas que c'est la solution, mais c'est une mesure que nous devrons peut-être envisager dans le cas du Soudan. Si je vous pose cette question-là, c'est parce que j'ai entendu la suggestion que vient de faire ma collègue de l'autre côté, Mme Lalonde, au sujet de la confiscation des recettes pétrolières, par exemple, et de leur versement dans un fonds de développement. Eh bien, comme l'a mentionné la vice-présidente, c'est une violation de la souveraineté nationale.
[Français]
Mme Francine Lalonde: Je veux faire appel au Règlement, madame la présidente.
[Traduction]
Marlene, nous essayons de trouver une solution ensemble. Il ne s'agit pas de confiscation. Il s'agit de demander à la compagnie...
Mme Marlene Jennings: Le gouvernement devrait accepter de renoncer à ses revenus pour qu'ils soient placés dans un fonds de développement. À moins que le gouvernement soit d'accord, il faudrait confisquer ces revenus pour que cela fonctionne. Ce serait donc une violation de la souveraineté nationale, mais c'est une tout autre histoire.
C'est évidemment une des solutions, un des outils qui seraient possibles pour amener les différentes factions adverses à se réunir pour discuter sérieusement d'une paix durable, et ensuite de la reconstruction du pays. Pensez-vous qu'il pourrait être utile d'en discuter, ou si c'est une possibilité qui a déjà été envisagée et rejetée?
Mrg Peter Coffin: Il n'a pas été question d'embargo commercial, mais vous avez tout à fait raison de dire que les premiers embargos commerciaux ont été adoptés quand les conseils des Églises et les fidèles d'Afrique du Sud ont envoyé ce signal. Les fidèles d'ici se sont fait accuser de naïveté. On a dit que nous étions tous des membres du Congrès national africain, des communistes, et ainsi de suite. Mais nous avons ouvert la voie et, comme vous dites, vous avez participé à ce mouvement.
Il a fallu des années avant que le gouvernement canadien se joigne vraiment au mouvement et qu'il adopte la politique nécessaire pour que ce soit un succès, mais c'est un mouvement qui est venu de la base, et des fidèles eux-mêmes. Après coup, cela ne paraissait plus aussi naïf qu'on avait pu le croire au départ.
Mme Marlene Jennings: Évidemment, cela a pris des années. Des décennies, en fait. Mais à la lumière de cette expérience, et compte tenu du fait qu'elle a permis de sensibiliser les populations à l'extérieur du Soudan, une fois qu'on a appris comment faire, c'est beaucoup plus facile la deuxième fois. Je me demande donc si ce ne serait pas une possibilité pour les institutions religieuses du Soudan. Et je ne parle pas seulement des chrétiens, mais aussi de toutes les autres confessions qui existent au Soudan, que ce soit à l'intérieur de l'Islam ou dans les religions plus traditionnelles des populations du Soudan.
S'il y a un dialogue en cours, est-ce que c'est une possibilité qui est envisagée? Si oui—et comme je suis une éternelle optimiste au sujet du genre humain—je suis convaincue que s'il y a une entente, un consensus général selon lequel ce pourrait être un outil efficace pour permettre la mise en place d'un processus de paix dans le pays, entre les différentes factions en guerre et les intérêts divergents, il ne faudrait pas beaucoup de temps avant que le gouvernement se joigne au mouvement.
Archevêque Joseph Marona: Je pense qu'il est très important d'écouter ce que vous avez à dire à ce sujet-là. Vous dites constamment que vous voulez aider et vous nous posez des questions sur ce que vous pouvez faire.
Ce que nous vous demandons de faire, premièrement, c'est d'intervenir comme tierce partie et de demander à Talisman de partir. C'est la première chose. Deuxièmement, il faut un cessez-le-feu complet. Et troisièmement, il faut que les gens se réunissent pour négocier. Mais on ne peut pas négocier quand on entend tonner l'artillerie pas très loin. Ce n'est pas très agréable à entendre.
Quand ces choses-là auront pris forme, les gens pourront venir dialoguer, comme vous l'avez dit. Quand je veux dialoguer avec quelqu'un, je dois être certain que les gens que j'ai laissés derrière moi ne vivent pas dans la peur et qu'ils n'ont pas dû s'enfuir, ou que je ne constaterai pas à mon retour que mes enfants ont été assassinés et que les choses ont mal tourné. C'est pourquoi nous affirmons que nous avons besoin d'une tierce partie, qui viendrait dire: «Ça suffit! Vous prenez ceci, vous prenez cela, et ainsi de suite.» Je pense que les gens respecteront ce genre d'intervention. C'est ce que nous vous demandons.
Mme Marlene Jennings: Une dernière question, madame la présidente.
La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Rapidement.
Mme Marlene Jennings: Elle sera très brève, et les témoins pourront répondre par oui ou par non.
La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Ils n'auront peut-être pas le temps de répondre.
Mme Marlene Jennings: Pensez-vous qu'il serait utile que notre comité, par exemple, se rende au Soudan afin de rencontrer des représentants de toutes les parties intéressées—du moins celles qui le voudront—pour obtenir leur point de vue de première main?
Archevêque Joseph Marona: Votre comité est très important à mes yeux, parce qu'il s'occupe des droits de la personne. Venez voir ce qui se passe, parce que vous travaillez pour les droits de la personne. Il faut protéger les droits de la personne. Il faut en faire la promotion. Nous souffrons de cette situation. Mais si votre comité y va, il ne faut pas dire que c'est l'archevêque Marona qui vous a envoyé examiner la situation, parce que c'est dangereux aussi de mon côté.
Mme Marlene Jennings: Merci.
La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Nous avons un petit problème. Monsieur Martin, seriez-vous prêt à vous contenter de cinq minutes et d'en laisser cinq à M. Fontana?
M. Keith Martin: Certainement.
La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Ou voulez-vous avoir le dernier mot? Vous pouvez le laisser passer en premier.
M. Keith Martin: Non, je vais partager mon temps avec M. Fontana. Comme il est allé au Soudan, je pense que son opinion est très importante pour le comité.
Le pétrole alimente la guerre, monseigneur Coffin. C'est absolument évident.
Mrg Peter Coffin: C'est exact.
M. Keith Martin: Si Talisman se retire du pays, il n'y aura probablement pas de changement au chapitre des recettes pétrolières, mais ce sera une victoire morale pour nous. Cependant, nous vivrons toujours dans nos maisons bien chauffées, avec amplement à boire et à manger, et cela ne sauvera la vie à personne. Et nous sommes d'accord pour dire que ce n'est pas nécessairement non plus un objectif que nous devons viser.
Le processus de l'IGAD avance à pas de tortue. Ce n'est pas une fin en soi.
Je pense que nous avons tous entendu ce que vous aviez à nous dire et que nous avons tous le même objectif. Comment pouvons-nous en arriver à un cessez-le-feu et à l'inclusion de tous les autres éléments nécessaires à la paix dans le dialogue intertribal: le partage des recettes, l'arrêt des bombardements, et ainsi de suite?
• 1705
À votre connaissance à tous les deux, comment pouvons-nous
amener le SPLM/A et le gouvernement du Soudan à négocier un cessez-le-feu?
Personnellement, monseigneur Marona, je suis d'accord. Je
pense que la communauté internationale et les partenaires de l'IGAD
doivent se mettre à travailler sérieusement. Ils doivent commencer
à dire au gouvernement de Khartoum qu'il doit faire certaines
choses, sans quoi des mesures punitives seront prises contre lui.
J'espère aussi que les partisans du SPLM/A lui diront de participer
aux négociations.
Le deuxième et dernier point—compte tenu tout particulièrement de ce que vous avez fait au sujet de l'Ouganda, monseigneur Marona—c'est de savoir ce qu'il faut faire pour convaincre le général Museveni, en Ouganda, de cesser d'appuyer l'APLS, l'Armée populaire de libération du Soudan. Et que pouvons-nous dire au gouvernement de Khartoum pour qu'il cesse d'appuyer l'Armée de résistance du Seigneur et d'encourager le conflit haineux et sanguinaire qui se déroule dans le nord de l'Ouganda, loin des yeux du reste du monde, et qui impose des souffrances inimaginables aux habitants de cette région? Comment serait-il possible d'inciter ces deux groupes à retirer leur appui à l'ARS et à l'APLS, et de les amener à négocier?
Ma question s'adresse aux deux témoins. Merci.
Archevêque Joseph Marona: Merci beaucoup.
Vous avez mis le doigt sur une blessure particulièrement douloureuse, parce que les deux pays envoient des hommes. Le gouvernement soudanais dit au groupe de Kony d'aller faire de l'agitation en Ouganda. Et le président Museveni dit ensuite que, puisque ces gens-là sont envoyés par le gouvernement soudanais pour susciter des troubles en Ouganda, il va fournir des armes à des groupes qui iront déstabiliser le gouvernement soudanais. C'est aux problèmes comme celui-là que nous devons véritablement nous attaquer. Si nous nous y attaquons... Comme le disent les dirigeants religieux, il y a peut-être des gens qui nous écouteront, mais ils n'obéiront pas. Nous voulons qu'un organisme international aille dire à ces gens-là d'arrêter ce genre de choses. C'est ce que...
M. Keith Martin: Pensez-vous que les partenaires de l'IGAD soient les mieux placés pour le faire, monseigneur Marona? Est-ce que c'est à eux de dire à ces gens-là ce qu'ils doivent faire?
Archevêque Joseph Marona: Je pense que le Forum des partenaires de l'IGAD, c'est-à-dire les pays qui appuient l'IGAD, peuvent le faire. Pourquoi est-ce qu'ils ne le font pas? Il s'agit seulement de discuter de paix. Mais comment la paix pourra-t-elle être rétablie s'ils ne prennent pas de mesures draconiennes?
M. Keith Martin: Exactement. Il me semble que le processus actuel de l'IGAD ne donne rien; c'est pourquoi il faut adopter une position plus dure. Êtes-vous d'accord?
Archevêque Joseph Marona: Oui.
Mrg Peter Coffin: Oui.
M. Keith Martin: Merci beaucoup. Je vais laisser mon temps à...
La présidente suppléante (Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.)): Monsieur Fontana.
M. Joe Fontana (London-Centre-Nord, Lib.): Merci de m'avoir laissé une partie de votre temps, Keith.
Monseigneur Marona, monseigneur Coffin, merci beaucoup d'être venus nous informer de la situation actuelle au Soudan.
Je tiens à dire à mes collègues que le comité avait déjà décidé de se rendre au Soudan; cette décision a été prise en juin, avant nos vacances d'été. J'espère bien que le comité y donnera suite.
Je suis allé moi-même là-bas et j'y ai vu des atrocités; les humains peuvent être incroyablement inhumains. La dimension humaine de ce qui se passe au Soudan est la chose la plus incroyable que j'aie jamais vue, et ma vie ne sera plus jamais la même après mon séjour là-bas, depuis que j'ai pu observer ce qui s'y passe et discuter avec les dirigeants de la société civile, les travailleurs des ONG, les chefs religieux et tous les gens bien intentionnés qui veulent réunir toutes les parties. Je vous remercie de l'excellent travail que vous accomplissez chaque jour pour sauver des vies.
Je pense que notre comité devrait se rendre là-bas parce que, quand nos membres seront sur place et qu'ils pourront parler aux gens, ces gens pourront leur expliquer les véritables problèmes. Le problème, c'est que les politiciens essaient de résoudre des problèmes très complexes. Je comprends ça, monseigneur. Mais savez-vous quel est le véritable problème? Bien sûr, il y a le pétrole, mais peu importe qui sera là, le pétrole servira toujours à alimenter la guerre parce qu'il se trouvera des gens pour croire que, s'ils ont assez d'argent grâce au pétrole, ils pourront battre leur adversaire sur le plan militaire. C'est ça, le problème.
Des voix: Bravo!
M. Joe Fontana: Je dirais qu'il y a déjà un consensus autour de la table, à savoir que la communauté internationale pourrait imposer un certain nombre de conditions aux partenaires de l'IGAD et au gouvernement du Soudan pour aller au-delà des principes—qui sont admirables, au demeurant—et pour passer à la mise en oeuvre du processus de l'IGAD.
• 1710
Vous avez raison, monseigneur: il va falloir une tierce
partie. J'ai toujours dit que ce devrait être le Canada, parce que
nous faisons partie de ce forum. Les États-Unis également. Et
l'Égypte et la Lybie, qui ont énormément d'influence, doivent aussi
participer aux négociations. Mais vous savez quel est le véritable
problème, à mon avis, monseigneur? Le silence du monde est
assourdissant. Tout le monde s'en fiche, je regrette de le dire.
À mon avis, la solution qui permettrait d'adopter un cessez-le-feu, et d'amener tout le monde à négocier, existe déjà. Les Nations Unies ou la communauté internationale, si possible sous la gouverne du Canada, pourraient rétablir la paix ou en arriver à un cessez-le-feu, et amener tout le monde à négocier. Mais il faut pour cela que les Nations Unies et la communauté internationale s'intéressent à la situation au Soudan.
Je me trompe peut-être, mais depuis le 11 septembre, il me semble que le monde a changé. Curieusement, il s'est ouvert de nouvelles possibilités maintenant que le monde comprend à quel point nous pouvons être vulnérables à cause de tout ce qui s'est passé. Quand on pense à la grande coalition qui s'est formée à la suite du 11 septembre, j'ai l'impression que le Soudan, comme le Moyen-Orient, a soudain pris de l'importance aux yeux du monde. Nous pouvons maintenant dire aux États-Unis, qui doivent s'engager, ou au Canada et aux Nations Unies que le temps est venu pour que le monde prenne conscience de ce qui se passe au Soudan. Combien faudra-t-il encore de millions de personnes qui meurent ou qui souffrent de la faim avant que quelqu'un se réveille et dise que c'est important?
J'appuie sans réserve ce que vous faites, et je suis d'accord pour dire que la tierce partie doit être la communauté internationale. Je me demande seulement si... Je dirais, monseigneur, que votre voix est extrêmement importante. J'ai remporté monseigneur Gassis quand j'étais là-bas et je connais votre bon travail. Vous devez porter votre message aux États-Unis ou devant les Nations Unies, tout comme nous, parce que si la communauté mondiale ne s'engage pas, le Soudan sera toujours loin de nous et de nos préoccupations. Il y aura toujours quelque chose de plus important.
Madame la présidente, chers collègues, vous avez déjà décidé d'aller au Soudan. À mon humble avis, la Colombie n'est pas une priorité. Les drogues et la situation en Colombie posent un problème, mais le problème du Soudan est bien plus grave. Si vous y allez, je pense que le monde écoutera. S'il y a des parlementaires canadiens qui se rendent dans le sud du Soudan et qui parlent aux gens... Ne vous occupez pas de ce que le gouvernement pourrait faire dans le Nord. Il ne nous laissera peut-être même pas y aller, mais s'il essaie de nous empêcher d'aller parler aux gens, il va envoyer dans le monde entier un message qui va faire du bruit, et je pense que c'est un début.
Des voix: Bravo!
Mrg Peter Coffin: Cela ne ferait probablement pas de tort si vous alliez aussi dans le Nord.
M. Joe Fontana: Oh, non, nous voulons aussi aller dans le Nord, mais nous devons d'abord nous rendre dans le Sud.
Mrg Peter Coffin: Les Canadiens veulent toujours que les choses soient équilibrées.
M. Joe Fontana: Oui.
La présidente suppléante (Mme Marlene Jennings): Monsieur Fontana, votre temps est écoulé.
Monseigneur, si vous voulez faire d'autres commentaires, la séance est presque terminée. C'était la dernière ronde de questions. Je vais donc vous laisser à chacun quelques instants pour nous présenter votre conclusion, si vous le voulez bien, avant de lever la séance.
Archevêque Joseph Marona: Merci beaucoup. Je voudrais conclure en remerciant le dernier intervenant pour la vérité qu'il nous a fait connaître à tous. Ses propos m'ont—et nous ont—vraiment touchés.
Je dirais qu'un vrai frère est celui qui aide les gens dans le besoin. Je pense que c'est exactement l'image que nous voulons créer dans l'esprit des belligérants. Chacun veut gagner la guerre, et c'est pourquoi elle dure depuis des années. Mais il n'y a pas de victoire.
• 1715
C'est exactement cela, le problème. Nous parlons du pétrole
parce que c'est la question du jour. «Si nous avons assez d'argent,
nous voulons que le pétrole nous aide et nous allons faire beaucoup
d'argent. Nous sommes menacés aux yeux du monde, alors finissons-en
avec ces gens et profitons du résultat.»
Ce sont quelques-unes des choses que nous devons vraiment... Si nous terminons sur ce que le député a dit, notre rencontre aura été un franc succès. Je voudrais remercier tous ceux qui nous ont écoutés et tous ceux qui ont participé à la présentation.
Nous allons continuer. Je vous demande à tous de continuer à prier. Si vous ne souffrez pas, vous ne pouvez pas crier pour que les autres vous écoutent. La Bible dit de pleurer avec ceux qui pleurent. C'est pourquoi nous sommes venus.
C'est la raison pour laquelle je suis au Canada. C'est tellement loin que je n'aurais pas pu venir sans mon frère qui est ici; je veux donc le remercier de m'avoir invité à assister à la séance d'aujourd'hui. C'est la première fois que j'assistais à une séance d'un sous-comité des droits de la personne. Votre comité est bien placé pour voir la souffrance des habitants du Soudan. Alors, merci beaucoup.
Je ne sais pas si mon frère veut ajouter un commentaire.
La présidente suppléante (Mme Marlene Jennings): Monseigneur Coffin.
Mrg Peter Coffin: Je veux seulement ajouter que je vous suis très reconnaissant d'avoir invité l'archevêque à venir vous conter son histoire.
Les Églises du Canada font une bonne partie de leur travail par coalition dans le domaine des droits de la personne. Je suis certain que vous avez déjà vu ce que produisent nos coalitions. Il y a parfois des solutions, et parfois non, mais il est important de dire ce qui se passe. C'est une des choses que nous faisons en tant qu'organisation internationale. Nous sommes là depuis longtemps. Vous pouvez bien mettre en doute notre intelligence, mais nous y travaillons, et nous avons le coeur à la bonne place.
Il y a bien des gens comme vous. Vous pouvez avoir des divergences d'opinions, mais vous êtes quand même tous ici pour essayer de régler le problème. Nous, dans les Églises, nous discutons aussi à n'en plus finir. Mais le fait est que vous faites quelque chose. Vous n'êtes pas toujours d'accord, mais il est très encourageant pour certains d'entre nous de savoir que, même si vous ne vous entendez pas toujours, vous vous inquiétez suffisamment de ce qui se passe pour vouloir mener le combat. C'est important.
La présidente suppléante (Mme Marlene Jennings): Au nom de tous les membres du comité, je vous remercie, monseigneur Marona et monseigneur Coffin, d'avoir comparu devant nous et de nous avoir fait connaître vos vues, ainsi que celles que vous exprimez au nom de tous ceux qui, au Soudan, cherchent à instaurer la paix.
Comme vous pouvez le voir, la question du Soudan et de ce qui se passe là-bas a de l'importance pour tous les membres du comité. Comme vous l'avez dit avec beaucoup de sagesse, il y a parfois des mésententes, mais je pense que tous ceux qui sont assis autour de la table sont de bonne foi, qu'ils s'intéressent à la question et qu'ils se préoccupent de la situation. C'est quand il y a un dialogue ouvert et que chacun présume de la bonne foi de l'autre que nous finissons par trouver des solutions.
Je suis très heureuse que vous appuyiez notre décision de nous rendre au Soudan. Évidemment, le comité vous demandera probablement votre aide pour faire en sorte que les membres de notre délégation aient une bonne idée des gens, des organisations ou des porte- parole qu'il serait intéressant et important de rencontrer.
Au nom de tous ceux qui sont ici, je vous remercie. La paix soit avec vous.
La séance est levée.