SRID Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
SUB-COMMITTEE ON HUMAN RIGHTS AND INTERNATIONAL DEVELOPMENT OF THE STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE
SOUS-COMITÉ DES DROITS DE LA PERSONNE ET DU DÉVELOPPEMENT INTERNATIONAL DU COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mercredi 21 novembre 2001
La présidente (Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.)): Je déclare la séance ouverte. Il s'agit de la 16e séance du Sous-comité des droits de la personne et du développement international du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international.
• 1535
Au cours de la première heure de notre séance, nous
accueillons deux témoins, soit Randy Gossen de Nexen Incorporated
et Kai Alderson, de Real Assets Investment Management.
Randy, nous vous invitons à prendre la parole en premier. Nous avons ici des documents de Nexen, mais ils ne sont qu'en anglais.
M. Randy Gossen (vice-président, Sécurité, environnement et responsabilité sociale, Nexen Inc.): Certaines parties sont en français, mais la majorité des documents sont en anglais.
La présidente: Il y en a une bonne partie en français, c'est bien. Très bien. De toute façon, personne ici n'a besoin du français.
Il y a le rapport annuel, et un autre document qui contient des observations. La biographie de M. Alderson a été distribuée à tous.
Randy, voulez-vous commencer?
M. Randy Gossen: Merci beaucoup de nous avoir invités à participer à cette séance.
J'ai apporté une trousse de documents que j'aimerais vous présenter rapidement. J'ai préparé deux ou trois pages de notes d'allocution qui se trouvent dans le document et que je vais lire.
J'ai pensé tout d'abord vous présenter Nexen. Nous faisons de l'exploration et de la production pétrolière et gazière, de sorte que nous sommes une société en amont, par opposition à une société en aval qui fait de la commercialisation et de la vente au détail—nous produisons du pétrole et du gaz. Par ailleurs, nous avons une usine de produits chimiques industriels. Notre siège social se trouve à Calgary, nous sommes une société canadienne, nous produisons environ 270 000 barils de pétrole brut par jour et nous sommes la cinquième société indépendante de pétrole et de gaz au Canada en importance. Parmi les autres entreprises semblables à la nôtre dans ce secteur, mentionnons AEC, Talisman, PanCanadien et Canadian National Resources Limited. Voilà donc essentiellement qui nous sommes.
Nous sommes une société canadienne, de sorte que nous produisons au Canada. Nous produisons aussi dans le golfe du Mexique aux États-Unis. Notre usine vedette se trouve au Yemen, et il s'agit d'une usine qui produit environ 230 000 barils de pétrole par jour, dont 52 p. 100 pour le compte de Nexen. Par ailleurs, nous avons une toute petite production au Nigéria, nous faisons de l'exploration en Indonésie et nous faisons de l'exploration et nous avons une petite usine de production en Australie, et nous faisons de l'exploration en Colombie.
Nous sommes présents en Colombie depuis environ 1994. Comme je l'ai dit, nous faisons strictement de l'exploration à ce moment-ci. Dans notre trousse de documentation, nous avons plusieurs tableaux qui vous donneront une idée de nos types d'activités en Colombie. Nous y avons ouvert un bureau en 1995 et nous avons établi un partenariat avec Ecopetrol, la société pétrolière nationale colombienne, ainsi qu'avec Petrobras, la société pétrolière nationale brésilienne. Nous avons également notre propre exploitation en Colombie. Nous avons un certain nombre des blocs, de blocs d'exploration à ce moment-ci, où nous sommes l'exploitant, c'est-à-dire que nous avons 100 p. 100 des intérêts dans un certain nombre de blocs. Donc, comme je l'ai dit, nos activités en Colombie sont des activités d'exploration, mais nous espérons un jour y avoir une certaine production.
Dans le cadre du mandat de votre comité, je vais tenter de vous donner une petite idée de notre approche en matière de responsabilité sociale. Notre approche s'appuie sur un document qui se trouve dans votre trousse d'information et qui s'intitule Code de déontologie international des entreprises canadiennes, et il s'agit du document qui est en anglais et en français.
• 1540
En 1996, le ministre des Affaires étrangères et du Commerce
international de l'époque, l'honorable Lloyd Axworthy, a mis le
secteur des affaires au défi—et il s'adressait particulièrement
aux sociétés présentes au Nigéria—d'élaborer une sorte de
document, une sorte de déclaration des valeurs ou un code qui
définit ce que nous représentons. Nous avons relevé le défi, et
Nexen, en collaboration avec 12 autres sociétés, avec la
participation du ministère des Affaires étrangères et du Commerce
international et d'une OGN nigérienne, a pris l'initiative de
l'élaboration d'un tel document. Nous avons donc élaboré ce Code de
déontologie international des entreprises canadiennes qui porte non
seulement sur la déontologie des entreprises mais aussi sur les
droits de la personne, la protection environnementale et la
sécurité et la participation communautaire.
Il s'agit essentiellement du document de politique globale qui guide nos activités là où nous sommes présents. Mais ce ne sont que des mots. Je pense que ce qui est tout à fait essentiel ici, c'est que l'on joigne l'acte à la parole, que l'on présente des rapports régulièrement et que l'on assure une surveillance et que l'on fasse l'objet d'une forme de vérification externe. Ce ne sont donc pas là juste de belles paroles. Il faut être prêt à joindre l'acte à la parole. Il faut être prêt à se soumettre à un examen public.
Nous avons mis le code en oeuvre dès le début de nos activités en Colombie. En fait, je me suis rendu là-bas et j'ai travaillé avec nos employés dont la majorité sont Colombiens. Nous avons traduit ce document dans un certain nombre de documents de travail pour guider nos activités en Colombie qui portaient surtout, comme je l'ai dit, sur la responsabilité sociale des entreprises.
Par exemple, lorsque nous sommes arrivés en Colombie, nous sommes d'abord allés dans le sud, dans le Putumayo. C'est une région où il y a vraiment beaucoup de problèmes et le risque va bien au-delà du risque que posent les conditions géologiques. Pour une société de production et d'exploration pétrolière et gazière, habituellement lorsqu'on parle du risque, on parle du risque souterrain, du risque pour trouver du pétrole, du risque pour produire du pétrole. Cette expérience nous a certainement ouvert les yeux, nous a montré qu'il y avait beaucoup de risques également au-dessus du sol.
Il était donc particulièrement important d'appliquer le code. L'une des premières choses que nous avons faites a été de conclure un accord de partenariat avec la Croix-Rouge colombienne qui était présente et qui avait de la crédibilité dans la région, et de créer un partenariat avec une organisation qui s'appelle REDEPAZ, soit une ONG colombienne qui se préoccupe du processus de paix. Nous avons donc créé des partenariats avec ces groupes pour nous aider à élaborer un programme d'affaires communautaires.
Le premier principe clé sous-jacent à ce programme est essentiellement de reconnaître que les collectivités ont légitimement le droit de participer au processus décisionnel pour les questions qui les touchent. C'est un principe fondamental. Si vous n'êtes pas prêts à vous engager à respecter un tel principe, je vous conseille de vous abstenir.
Deuxièmement, nous sommes d'accord pour dire que nous devons nous efforcer, dans les limites de notre sphère d'influence, puisque nous ne sommes pas un autre palier de gouvernement mais bien une entreprise, de garantir que les intéressés touchés par nos activités reçoivent une part équitable des bénéfices.
Donc, toutes nos activités, pas seulement en Colombie, mais partout où nous sommes présents, reposent sur ces principes. Si nous ne pouvons mettre en oeuvre ces principes, nous n'allons pas dans le pays en question.
Voici comment nous nous y prenons lorsque nous allons dans un pays comme la Colombie: nous élaborons ce que nous appelons une stratégie d'exploitation en surface. Nous envoyons donc une équipe en Colombie, c'est-à-dire des gens qui s'y connaissent en matière de questions politiques, de questions environnementales et communautaires, de questions de sécurité. Nous envoyons ces gens dans le pays, et ils rencontrent les intéressés, des représentants du gouvernement, des collectivités, des ONG et d'autres entreprises, des entrepreneurs, enfin toute une gamme d'intervenants. Cela leur permet d'avoir une idée de ce que sont les problèmes, et ensuite d'évaluer si nous pouvons ou non fonctionner dans un tel environnement. Si nous le pouvons, quelle forme de gestion du risque devons-nous employer dans telle situation? Nous prenons cette information et nous l'intégrons à l'information technique relative à la géologie, la stratégie souterraine et la stratégie de surface, et nous suivons un processus de caractérisation. Nous sommes ensuite en mesure de déterminer si nous devrions ou non investir dans ce projet en particulier.
J'ai ici un exemplaire de cette stratégie d'exploitation en surface. Je ne l'ai pas inclus dans la trousse d'information, mais si cela vous intéresse, vous pouvez certainement avoir ce document.
La présidente: Je vais le remettre à la greffière. Si quelqu'un en veut un exemplaire, elle pourra le photocopier.
M. Randy Gossen: Certainement.
L'autre chose que je voulais dire, c'est que dans la même veine, nous nous sommes engagés à respecter la Convention mondiale des Nations Unies—je crois que vous connaissez sans doute cette initiative de Kofi Annan. Les neuf principes que l'on retrouve dans cette convention mondiale sont très semblables aux principes contenus dans le Code de déontologie international des entreprises canadiennes, de sorte que cela n'a certainement pas été difficile pour nous de nous engager à respecter la Convention mondiale des Nations Unies.
Ce qui est intéressant, c'est que l'un des projets auxquels nous participons dans le cadre de la convention internationale, qui inclut des représentants non seulement des organismes des Nations Unies, mais aussi d'Amnistie Internationale, de International Alert et d'autres ONG internationales, ainsi que d'autres entreprises à part la nôtre, vise à mettre au point une boîte d'outils pour évaluer et gérer le risque dans des zones de conflit. Cela cadre donc très bien dans nos activités. Nous sommes présents dans un certain nombre de pays qui sont considérés comme des zones de conflit.
Je suis désolé, je parle un peu de façon décousue. Avec notre vision globale pour la Colombie, ce que nous voulons comme avenir en Colombie, je pense que l'on peut dire que nous voulons avoir une présence là-bas qui est reconnue, non pas seulement par nous, mais par les intéressés en général, de sorte que cela procure des avantages économiques à toutes les parties, non seulement à notre entreprise, mais aux collectivités, aux gouvernements. Nous voulons que notre présence soit reconnue comme étant responsable sur le plan de l'environnement et sur le plan social, que notre exploitation soit sans danger et sécuritaire et, ce qui est encore plus important que tout le reste, que nous soyons les bienvenus dans la collectivité. Nous croyons que si nous pouvons atteindre cet objectif, cela facilitera les possibilités de croissance à long terme, non seulement pour nous, mais pour les principaux intéressés avec qui nous travaillons.
Voilà donc essentiellement mon message. J'ai d'autres documents dans cette trousse d'information. Nous avons une politique sur les droits de la personne, et je l'ai incluse dans la trousse d'information. Nous avons été acceptés récemment dans le Dow Jones Sustainability World Index, et j'ai de l'information à ce sujet également.
Je serai très heureux de répondre à vos questions ou de tenter d'apporter d'autres éclaircissements.
Merci beaucoup.
La présidente: Merci beaucoup.
L'ambassadeur du Canada en Colombie a comparu devant notre sous-comité récemment. Il nous a dit que rien ne semble indiquer que les industries canadiennes n'agissent pas de façon responsable là-bas et que celles qu'il a vues avaient un comportement tout à fait responsable. Cela correspond donc tout à fait à ce que vous avez dit.
Je pense que je vais donner la parole à M. Alderson, puis nous passerons aux questions.
M. Kai Alderson (vice-président, Recherche et engagement corporatif, Real Assets Investment Management): Merci.
Je m'appelle Kai Alderson. Je suis vice-président à la recherche et à l'engagement corporatif chez Real Assets Investment Management, la première maison canadienne de gestion de placements à se spécialiser exclusivement dans l'investissement éthique. Avant d'occuper mon poste actuel, j'ai fait des recherches sur les droits de la personne dans le contexte international, particulièrement sur le rôle des multinationales présentes dans des zones de conflit. J'ai obtenu mon doctorat en relations internationales à l'université Oxford et j'ai eu une bourse de recherche postdoctorale à l'Université de la Colombie-Britannique. Lorsque j'étais à la UBC, j'ai préparé un rapport qui s'intitule Canadian Firms/Canadian Values: The Roles and Responsibilities of Canadian Multinationals Operating in Risky States (Entreprises canadiennes/valeurs canadiennes: les rôles et responsabilités des multinationales canadiennes présentes dans des États à risque) dont le résumé politique a été, je crois, distribué. Ce rapport a été rédigé au milieu de la fureur entourant la présence de Talisman Energy au Soudan.
Je n'ai cependant pas l'intention de parler pour le moment d'une entreprise en particulier. Je voudrais plutôt prendre un peu de recul et expliquer au sous-comité comment les entreprises canadiennes peuvent être présentes dans des zones de conflit tout en promouvant la sécurité humaine, et voir comment cela peut s'appliquer dans le contexte colombien.
En tant que professionnel de l'investissement, mon premier point de référence est qu'au-delà des responsabilités morales, la haute direction de toute entreprise canadienne a le devoir envers ses actionnaires de réduire au minimum les risques liés aux droits de la personne lorsqu'elle est présente à l'étranger. Les actionnaires souffrent effectivement lorsqu'une entreprise est associée dans l'esprit public à la collusion et au non-respect des droits de la personne, que cette réputation soit ou non justifiée. L'exemple le plus évident qui vient à l'esprit est ce qu'on appelle l'escompte du Soudan sur la valeur des actions de Talisman Energy qui, selon le National Post, se situe entre 9 et 35 p. 100.
• 1550
Il y a également les risques juridiques. Un risque qui est
loin d'avoir reçu suffisamment d'attention, tant de la part des
entreprises que du gouvernement, est celui de la responsabilité
civile des entreprises canadiennes en vertu de la Alien Tort Claims
Act américaine. Talisman Energy fait actuellement l'objet d'une
poursuite judiciaire devant un tribunal américain en vertu de cette
loi. Il me fera plaisir de répondre à vos questions au sujet de
cette loi, mais je ne veux pas vous en parler trop longuement
maintenant.
En général, les investisseurs éthiques recommanderaient à la haute direction de poser trois questions avant d'aller s'installer dans une zone de conflit. Premièrement, est-ce un pays où l'on peut légitimement faire des affaires? Deuxièmement, l'exploitation en question risque-t-elle d'exacerber les causes de conflit intérieur, et le cas échéant, l'entreprise a-t-elle pris des mesures afin de compenser cette influence négative? Troisièmement, y a-t-il des systèmes de gestion en place afin de s'assurer que l'entreprise n'est pas partie à des violations des droits de la personne? Je veux vous parler plus longuement de ces systèmes de gestion, car je pense qu'il est nécessaire d'être très précis à ce niveau.
Les entreprises devraient s'engager explicitement à observer et à respecter les droits de la personne reconnus à l'échelle internationale et à prendre des mesures afin de s'assurer qu'ils sont respectés. Les entreprises devraient par ailleurs démontrer aux gouvernements hôtes que leur engagement à cet égard est sérieux. Les entreprises doivent s'assurer que les services de sécurité avec lesquels elles ont un lien contractuel ne violent pas sur les droits de la personne, qu'ils n'aident ni encouragent une atteinte aux droits de la personne. Je pourrai vous en parler plus longuement en réponse à vos questions.
Les entreprises devraient mener des consultations sérieuses sur l'impact de leur présence sur les droits de la personne auprès des populations locales, des groupes de défense des droits de la personne, des syndicalistes, des fournisseurs de services de sécurité et des représentants des gouvernements hôtes.
Enfin, les entreprises doivent être en mesure de promettre aux investisseurs et aux autres intéressés qu'elles prennent ces engagements au sérieux. À cette fin, elles assureront une surveillance permanente, assujettie à une vérification externe périodique, et publieront des rapports régulièrement. Si les investisseurs veulent être protégés contre des risques indus, les entreprises doivent divulguer tous les renseignements pertinents liés aux droits de la personne concernant toutes leurs opérations, particulièrement dans les zones de conflit.
Real Assets est d'avis que la Colombie répond au premier critère. C'est un endroit tout à fait légitime où les entreprises canadiennes peuvent investir. Donc la première question qu'il faut se poser est propre au projet: ce projet en particulier risque-t-il de renforcer ou d'affaiblir la sécurité humaine en Colombie? Les entreprises canadiennes doivent prendre cette question très au sérieux, puisque l'on estime que la moitié des réserves pétrolières potentielles de la Colombie se trouvent en territoire contrôlé par la guérilla.
Je suis heureuse de vous dire que je ne connais aucune entreprise canadienne qui soit visée à l'heure actuelle par de graves allégations de complicité pour violation des droits de la personne en Colombie. Malheureusement, je ne connais également aucune entreprise canadienne présente en Colombie qui fasse tout ce qu'elle pourrait faire à l'heure actuelle pour éviter de faire l'objet de telles allégations à l'avenir. Nexen est certainement l'exemple d'une société qui a d'excellentes pratiques en Colombie.
J'ai une liste de suggestions concrètes que je voudrais faire au comité, mais je le ferai peut-être au cours de la période de questions, car il y en a six, et je ne sais pas s'il est préférable de vous les présenter maintenant.
La présidente: Faites-le maintenant, oui.
M. Kai Alderson: Je recommande que lorsqu'il rédigera son rapport ou sa résolution à la fin de son examen, le comité affirme qu'à son avis les entreprises canadiennes ont le devoir de ne causer aucun préjudice lorsqu'elles sont présentes dans des zones de conflit, et qu'il demande aux entreprises canadiennes présentes en Colombie de faire preuve de créativité et de détermination pour s'acquitter de cette responsabilité.
Je pense que votre comité devrait faire ressortir comme question urgente la sécurité physique des syndicalistes qui sont directement ou indirectement à l'emploi des entreprises canadiennes en Colombie. Plus particulièrement, les entreprises canadiennes doivent s'assurer que leurs partenaires dans leur entreprise commune, particulièrement Ecopetrol, ne sont d'aucune façon complices d'activités antisyndicales. Dans le climat extrêmement chargé de la Colombie, une activité antisyndicale peut équivaloir à une peine de mort pour des organisateurs syndicaux.
• 1555
Votre comité devrait demander aux entreprises canadiennes
présentes en Colombie de travailler avec des organisations
crédibles de défense des droits de la personne, tant en Colombie
qu'au Canada, afin d'élaborer des politiques et des procédures pour
éviter des problèmes éventuels liés aux droits de la personne.
J'ajouterai une autre suggestion, et elle concerne directement la question de la transparence pour les investisseurs. À mon avis, votre comité devrait demander aux autorités canadiennes en valeurs mobilières, soit l'ensemble des autorités de réglementation des valeurs mobilières des provinces, d'élaborer des règles plus strictes concernant la divulgation des risques matériels découlant des questions sociales, environnementales et éthiques. Les marchés financiers se développent grâce à l'information, et les risques sociaux, environnementaux et éthiques sont de plus en plus préoccupants pour les principaux investisseurs.
À cet égard—je ne sais pas si cela pourrait être inclus dans le rapport du comité—je voudrais mentionner le projet de loi C-394, qui est un projet de loi d'initiative parlementaire sur la divulgation des prestations de pension afin que la loi canadienne contienne des dispositions à cet égard semblables à celles des lois de la Grande-Bretagne, de l'Allemagne et de l'Australie. Cette mesure législative obligerait les administrateurs des régimes de pension à divulguer dans quelle mesure ils ont tenu compte des considérations d'ordre social, éthique et environnemental avant de prendre des décisions. En Europe, c'est une mesure qui a eu un impact considérable pour ce qui est de générer un investissement éthique comme principal moteur de l'industrie de l'investissement, et tout ce qui encourage l'investissement éthique créera une force positive pour favoriser un dialogue avec les entreprises, créer des groupes qui encourageront les entreprises à réagir progressivement à l'étranger, sans qu'il soit nécessaire d'avoir des lois.
Merci.
La présidente: Merci beaucoup.
Monsieur Obhrai, avez-vous des questions?
M. Deepak Obhrai (Calgary-Est, Alliance canadienne): Oui.
Je vais poser une toute petite question et demander une réponse rapide, ensuite j'aimerais passer à Randy.
Votre entreprise d'investissement est-elle inscrite en bourse ou êtes-vous une ONG?
M. Kai Alderson: Nous ne sommes pas une ONG. Nous sommes conseillers en placement.
M. Deepak Obhrai: Êtes-vous une entreprise d'experts-conseils qui donnent des conseils aux entreprises qui investissent dans ce genre de chose? J'essaie de comprendre quel est le mandat de votre société.
La présidente: Laissez-le répondre à la question. Que fait votre entreprise? C'est ce qu'il veut savoir, je crois.
M. Kai Alderson: Nous sommes une entreprise d'investissement éthique.
La présidente: Si je vous confie mon argent, vous l'investissez?
M. Kai Alderson: Selon des principes d'investissement éthique, oui.
La présidente: Très bien.
M. Deepak Obhrai: Si vous avez un dépliant, je serais très intéressé à savoir exactement d'où viennent vos recommandations à ce sujet. Je veux tout simplement comprendre exactement votre rôle dans tout cela.
Je m'adresse maintenant à Randy. Je suis heureux que vous soyez de Calgary. Je suis moi aussi de Calgary, alors bienvenue à Ottawa. Je suis très heureux de savoir que cette société pétrolière réussit très bien.
Randy, comme vous le savez, notre comité étudie les droits de la personne en Colombie et les investissements. Vous êtes un partenaire actif en Colombie, et vous êtes présent là-bas depuis quelque temps. Vous êtes une entité d'affaires, vous investissez là-bas et vous travaillez selon des principes d'affaires, vous avez adopté le code de déontologie des Nations Unies, et nous vous en félicitons. Ce que nous aimerions savoir, c'est, d'après vous, puisque vous êtes présent dans cette région du pays, à quoi on peut s'attendre à cet égard. Nous sommes aux prises avec ce problème, nous obtenons toute cette information et nous aimerions que le milieu des affaires nous brosse un tableau de la situation. À votre avis, où s'en va la Colombie à long terme, étant donné le conflit qui sévit à l'heure actuelle? À votre avis, quel rôle le gouvernement a-t-il joué pour tenter de tirer cette affaire au clair? J'aimerais que vous me brossiez un tableau général—je sais que ce n'est pas une question d'affaires.
M. Randy Gossen: Ce n'est pas une question d'affaires, mais nous avons des intérêts en Colombie qui vont au-delà des intérêts d'affaires. En fait, j'ai commencé ma carrière en travaillant pour le gouvernement de la Colombie. J'ai épousé une Colombienne et j'ai adopté une petite fille colombienne. J'ai donc des liens très forts avec la Colombie. C'est une question tout à fait appropriée, car mon point de vue s'appuie sur mon expérience personnelle, non pas seulement sur mon expérience du milieu des affaires.
À mon avis, le problème fondamental en Colombie c'est que 90 p. 100 de la richesse est contrôlée par 10 p. 100 des gens. Ces pourcentages ne sont sans doute pas précis, mais ils donnent une bonne idée de la situation. Je pense que c'est le problème fondamental. Si on veut régler ce genre de problème, il faut adopter une approche partagée à l'égard de la durabilité, et au bout du compte, ce que l'on doit vraiment faire, c'est régler l'un des problèmes fondamentaux, c'est-à-dire atténuer la pauvreté.
Les entreprises ont un rôle à jouer. Si vous aviez posé la question à un représentant de l'industrie pétrolière il y a 10 ou 15 ans, il vous aurait répondu qu'il n'était pas en affaires pour s'occuper des problèmes sociaux, mais pour créer de l'emploi, générer de la richesse, et que c'est au gouvernement de régler les problèmes sociaux. Ce que nous avons constaté, c'est que dans les limites de notre sphère d'influence, nous avons un rôle à jouer et nous avons une contribution à faire au développement social. En Colombie et dans d'autres régions du monde où la réduction de la pauvreté est l'un des premiers objectifs, la seule façon de s'y prendre... La convention mondiale est un exemple classique de la façon dont on peut s'y prendre, je crois, c'est-à-dire que les organismes des Nations Unies, le secteur privé, les ONG, les gouvernements et les entreprises en général travaillent ensemble afin de résoudre ces problèmes.
M. Deepak Obhrai: Je vous pose surtout la question au sujet de la Colombie, sans vouloir dire cependant qu'on peut appliquer toutes ces choses ensemble. Je veux votre évaluation de la Colombie. Où s'en va la Colombie, qu'est-ce qui se passe là-bas? Quel est votre avis?
M. Randy Gossen: À l'heure actuelle, il y a un taux d'inflation de 9 à 10 p. 100 en Colombie, et un taux de chômage de 20 p. 100. Le renouvellement économique est, je crois, crucial, et c'est sans mentionner les problèmes de drogues et de criminalité. Il faut régler tous ces problèmes, car ils sont tous liés entre eux. Le FARC reçoit une bonne partie de son financement des produits des drogues illicites; il faut de toute évidence régler ce problème. C'est un problème qui est difficile à régler car il est alimenté par la demande, non pas par l'offre, mais tout cela fait partie d'un ensemble.
Le plan Colombie du président Pastrana aborde la question, et comme je l'ai dit, je pense que nous avons un rôle à jouer pour aider, encore une fois dans les limites de notre sphère d'influence, à améliorer le développement socio-économique en Colombie. Je pense que c'est dans ce sens que les choses évoluent. Je parle avec des membres de ma famille qui vivent en Colombie et je vois mes nièces et mes neveux qui sont des gens éduqués. Ils sont tous en train de quitter le pays. C'est un problème qu'il faut régler, car ces jeunes sont l'avenir du pays.
C'est donc un problème très complexe, et il n'y a pas de réponse facile, mais comme je l'ai dit, je pense que les entreprises ont un rôle à jouer. En ce qui concerne les droits de la personne, c'est assez fondamental. Les gens ont le droit d'avoir de l'eau propre, ils ont le droit d'avoir un environnement qui est productif, qui n'est pas pollué ni contaminé. Je pense que c'est la façon dont nous devons fonctionner, et c'est l'environnement dans lequel nous devons fonctionner.
Je suis désolé, je ne sais pas si j'ai répondu à votre question directement.
M. Deepak Obhrai: J'y reviendrai.
La présidente: Monsieur Dubé.
[Français]
Monsieur Dubé.
M. Antoine Dubé (Lévis-et-Chutes-de-la-Chaudière, BQ): Tout le monde se dit en faveur du respect. En fait, tous et toutes, qu'on soit dans les entreprises ou ailleurs, souhaitent le respect des droits de la personne, des droits humains. Tout le monde dit ça. Monsieur Gossen, j'ai bien aimé votre témoignage personnel en ce sens que vous avez raison de dire qu'au-delà des intérêts économiques, vous vous souciez personnellement de ce qui peut arriver en Colombie. Ça me rassure.
• 1605
Ici, on parle d'un code
d'éthique volontaire des entreprises. Ça peut être
écrit sur le plus beau papier, en couleur ou autrement,
mais ça ne représente pas nécessairement une
garantie que c'est appliqué.
On est en politique. Parfois on entend de belles paroles en politique aussi, mais parfois, dans le faits, ça peut être le contraire qui se produit.
J'aimerais poser deux ou trois questions. Premièrement, vous êtes présent en Colombie. Est-ce que vous êtes satisfait? Comment voyez-vous vos relations avec l'ambassade du Canada en Colombie? Est-ce que vous avez des relations avec ces gens-là? Est-ce que vous pensez que les gens de l'ambassade, les employés peuvent, sans nécessairement parler de contrôle, être des interlocuteurs valables pour voir, dans le quotidien, si les entreprises respectent les droits de la personne? En fait, dans un pays qui est en conflit et dont, comme vous le dites, la moitié du territoire est contrôlée par des rebelles... Je ne dis pas que je mets votre parole en doute, mais lorsqu'on constate que le gouvernement colombien n'est pas en mesure de contrôler et d'observer lui-même le respect des droits de la personne, comment peut-on croire qu'une compagnie comme la vôtre peut respecter les droits de la personne?
[Traduction]
M. Randy Gossen: C'est une très bonne question. Comme vous le dites, ce sont des paroles, mais c'est tout ce que c'est. Je pense qu'il est extrêmement important que les gens du secteur privé disent exactement ce qu'ils représentent, et c'est exactement ce dont il s'agit ici. Nous disons ce que nous représentons, mais cela, en soi, n'est pas la réponse. Manifestement, il est absolument nécessaire de joindre l'acte à la parole et non seulement cela, mais d'être perçu comme joignant l'acte à la parole. Cela est absolument essentiel. Nos actes doivent donc correspondre à ces paroles. Les gens doivent percevoir nos actes comme correspondant à ces paroles.
Pour aider à faciliter ce processus, nous devons être prêts à faire rapport sur ces activités et à les surveiller. La transparence est extrêmement importante. Et l'un des mécanismes que nous utilisons pour y arriver est un document que vous avez devant vous, notre rapport annuel qui fait état de nos activités, mais encore une fois, c'est nous qui le disons. Je pense qu'il est extrêmement important que nos activités soient également assujetties à une sorte de vérification externe et nous y travaillons. Nous n'en sommes pas encore tout à fait là, mais il y a par exemple PricewaterhouseCoopers qui surveille notre responsabilité sociale d'entreprise au moyen du Dow Jones Sustainability World Index. Ce que nous faisons est donc soumis à leur examen minutieux.
• 1610
En bout de ligne, nous aimerions qu'il y ait une forme de
vérification externe faite en partie par des ONG, même des
représentants du gouvernement, une vérification faite par une
tierce partie afin de s'assurer que nous mettons vraiment en oeuvre
ce code. Comme je l'ai dit, nous ne sommes pas encore là à
100 p. 100, c'est quelque chose qui est encore en grande partie
nouveau pour nous, mais nous y travaillons, et notre objectif est
d'arriver à mettre en place une véritable vérification externe, non
pas une opinion d'un analyste financier de ce que nous faisons,
mais que des représentants de la collectivité, des ONG, participent
à cet examen.
En ce qui concerne l'aspect chimique de notre entreprise, nous participons à ce que l'on appelle la Gestion responsable. Je ne sais pas si vous connaissez ce programme, mais c'est un programme de gestion globale qui inclut les questions environnementales, les questions de sécurité, la responsabilité sociale des entreprises. Gestion responsable prévoit une vérification par une tierce partie. Nous avons donc cet élément dans la partie chimique de notre entreprise, et nous sommes en train de l'incorporer à la partie pétrole et gaz de notre entreprise.
L'autre question portait sur nos relations avec l'ambassade en Colombie. De fait, nous avons développé d'excellents liens de travail avec l'ambassade depuis que nous sommes établis en Colombie. L'ambassadeur de même que son personnel nous ont grandement appuyés depuis nos tout débuts. Non seulement notre ambassade communique avec nous, mais aussi le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international; soit dit en passant, M. Axworthy était l'un de nos plus fervents appuis. Ce document a été envoyé à toutes les ambassades du Canada dans le monde, de sorte que dès que nous nous présentons dans un pays, ce document annonce la politique obligatoire de notre compagnie en matière de responsabilité sociale. Nous annonçons d'avance nos couleurs, pour pouvoir ensuite prouver que nous tenons nos promesses.
La présidente: Je ne voudrais pas vous interrompre, mais je me demande si M. Alderson veut intervenir.
M. Kai Alderson: En effet, je voulais répondre moi aussi à la question.
Je voudrais répéter l'importance que nous accordons à la vérification indépendante, qui est au coeur même d'une plus grande transparence.
La grande question à laquelle il faut s'attarder en Colombie, et que j'ai déjà abordée, c'est celle de la sécurité et des relations avec les services de sécurité. C'est sans doute le dossier le plus important pour les entreprises canadiennes qui oeuvrent en Colombie, puisqu'elles doivent prêcher par l'exemple, comme vous l'avez dit. En effet, certaines entreprises canadiennes sont installées dans certaines zones de la Colombie où les unités militaires chargées de leur protection ont été impliquées de façon crédible à des cas de violation des droits de la personne. Que je sache, aucune entreprise canadienne n'a été complice dans des crimes contre les droits de la personne, mais le risque existe toujours, et particulièrement à Putumayo, comme on l'a mentionné.
M. Randy Gossen: Nous sommes conscients de ce risque, et c'est pourquoi avant même de conclure une entente avec les forces militaires pour qu'elles assurent la sécurité de nos opérations ou avant même que nous concluions un partenariat avec une autre compagnie pétrolière ou un autre entrepreneur, nous montrons aux intéressés notre politique sur les droits de la personne et exigeons d'eux qu'ils s'y conforment, à défaut de quoi nous ne ferons pas affaire avec eux. Nous leur expliquons que puisque nous sommes sur place, nous savons ce qui se passe. Autrement dit, s'ils prétendent s'y conformer et qu'en réalité ils ne le font pas, le simple fait que nous soyons sur place nous permet de suivre la situation et de connaître la vérité. Autrement dit, si les entrepreneurs ou nos associés ne se conforment pas à notre politique sur les droits de la personne, nous coupons les ponts. Nous l'avons déjà fait.
La présidente: Madame Beaumier.
Mme Colleen Beaumier (Brampton-Ouest—Mississauga, Lib.): Merci.
Monsieur Alderson, combien d'entreprises inscrites dans votre portefeuille ont des opérations en Colombie? Et combien d'entreprises déjà installées en Colombie refuseriez-vous de représenter ou d'en vendre les actions?
M. Kai Alderson: Nous n'excluons aucune entreprise canadienne ayant des opérations en Colombie. Nous détenons d'ailleurs des actions de Enbridge Incorporated, mais nous n'excluons aucune compagnie canadienne déjà installée en Colombie du simple fait qu'elle y a des opérations.
Mme Colleen Beaumier: Vous n'avez donc pas reçu de plaintes sérieuses à l'égard d'entreprises canadiennes installées en Colombie?
M. Kai Alderson: Je répète qu'il s'agit moins de se demander si nous avons reçu des preuves qu'il existe bel et bien un problème qui nous forcerait à exclure telle ou telle entreprise; il s'agit plutôt de reconnaître qu'il existe des risques et de dialoguer avec les entreprises pour établir si elles ont ou non les systèmes de gestion voulus pour faire face à ces risques.
Mme Colleen Beaumier: Monsieur Gossen, plusieurs groupes de témoins ont déjà comparu. On s'est beaucoup plaint de l'industrie minière en Colombie, mais à ce que je me rappelle, je n'ai rien entendu au sujet de l'industrie pétrolière, et je ne puis que vous faire part des problèmes potentiels qui pourraient surgir comme ils ont surgi au Soudan. Je sais que la situation en Colombie est tout autre, mais lorsque vous engagez des agents de sécurité, embauchez-vous des soldats du gouvernement, des soldats de la force paramilitaire ou des soldats privés?
M. Randy Gossen: Nous n'avons pas encore embauché de soldats des forces armées, car nous avons nos propres agents de sécurité. C'est d'ailleurs un ancien agent de la GRC qui dirige le groupe d'agents de sécurité dans notre bureau de Bogota. Comme nous n'avons pas encore d'opérations à nous en Colombie, les agents de sécurité ont été fournis par les exploitants des projets auxquels nous prenons part et qui incluent Petrobras du Brésil et Ecopetrol de la Colombie.
Nous allons creuser un puits plus tard cette année, et nous espérons en creuser d'autres encore dont nous serons les exploitants. Pour forer un puits de prospection, il faut conclure un contrat à court terme, et nous le ferons avec les forces militaires de Colombie, c'est-à-dire la police nationale—là-bas, ce n'est pas comme au Canada. Mais chaque fois que nous concluons des contrats de ce genre, comme partout ailleurs et comme nous l'avons fait dans nos contrats avec les forces militaires au Yémen, nous fournissons à nos vis-à-vis notre politique sur les droits de la personne. Nous leur expliquons que nous nous attendons à ce qu'ils se conforment à cette politique et à ce que les individus dont la tâche est d'assurer la sécurité de notre infrastructure ne font que cela et qu'ils ne travaillent pas ailleurs; autrement dit, ils travaillent à assurer notre sécurité jour et nuit. Nous ne voudrions surtout pas que les forces militaires gardent notre infrastructure tout en s'adonnant à d'autres activités. Nos contrats conclus avec les forces militaires sont très explicites là-dessus.
Mme Colleen Beaumier: Vous venez de dire que vous alliez forer votre propre puits bientôt.
M. Randy Gossen: En effet.
Mme Colleen Beaumier: Allez-vous le creuser dans une zone peuplée? Qu'allez-vous faire au sujet du déplacement de la population?
M. Randy Gossen: La région dans laquelle nous sommes actuellement est très proche de Bogota et l'infrastructure y est donc bien développée. Il ne s'agit pas d'une des zones chaudes du pays et occupée par la guérilla; elle est donc relativement sûre. Comme l'infrastructure y est bien développée, nous ne nous attendons pas à ce qu'il y ait beaucoup de problèmes.
Mais dans cette région, notre assurance risque c'est en réalité notre programme d'affaires communautaires. En effet, nous avons mis sur pied des programmes dans les localités qui seront touchées par nos activités, programmes que nous allons maintenir dans le cas de nos principaux projets. Les localités intéressées ont en effet légitimement le droit de prendre part aux décisions, comme elles l'ont fait dans le choix de l'endroit où nous allons creuser le puits, notamment.
Comme il s'agit d'un seul puits, nous n'offrirons pas beaucoup d'emplois aux habitants, mais vous verrez dans la trousse que nous vous avons fournie que dans le cas d'un de nos projets, le bloc Fusa, nous employons quelque 450 habitants de la localité dans un programme sismique.
Mme Colleen Beaumier: Et vous formez les gens pour qu'ils puissent occuper un emploi spécialisé?
M. Randy Gossen: Tout à fait. Notre credo, c'est de laisser quelque chose en héritage partout où nous avons une exploitation. J'ai parlé de notre programme des affaires communautaires, mais sachez qu'aucun de nos programmes ne vise à nous montrer uniquement généreux. Nous lançons des initiatives d'entraide, en aidant par exemple une localité à mettre sur pied son infrastructure en santé, éducation ou environnement. La localité en question doit faire sa part, sans nécessairement fournir de l'argent: elle peut s'engager à s'occuper du renforcement des capacités ou de la formation appropriée. Nous ne voudrions surtout pas mettre sur pied un programme qui dépende totalement de l'entreprise et qui disparaîtrait le jour où l'entreprise partirait.
Mme Colleen Beaumier: Vous avez parlé de la Croix-Rouge et d'autres organisations semblables. Sont-ce vos propres gens, ceux de votre entreprise, qui s'occupent du développement?
M. Randy Gossen: Oui, et en dernière analyse, cela fait partie de mes responsabilités au sein de Nexen. En Colombie, notre personnel colombien s'en occupe, de concert avec des entrepreneurs locaux qui habitent dans les localités où nous avons des opérations. Mais nos normes sont fixées de façon générale, et nous devons les respecter peu importe le pays où nous oeuvrons.
Mme Colleen Beaumier: Merci.
La présidente: Madame Jennings.
Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Merci, madame la présidente.
Merci beaucoup de vos exposés.
Monsieur Gossen...
M. Randy Gossen: C'est Randy.
Mme Marlene Jennings: Bien, Randy. Et moi, je suis Marlene.
Je crois savoir que Nexen a reçu en l'an 2000 une récompense de coopération internationale pour sa responsabilité sociale et son code de déontologie. Pourriez-vous expliquer aux membres du comité et à ceux qui nous écoutent ce dont il s'agit?
M. Randy Gossen: Cette récompense a servi essentiellement à reconnaître que nous prêchons par l'exemple, et nous en sommes très fiers. D'ailleurs, si je dois vous quitter à 16 h 30, c'est que nous avons été retenus en sélection finale en vue d'une récompense décernée par l'Institut du pétrole du Royaume-Uni à une société qui s'est reconnue par sa responsabilité sociale. Comme on ne vous dit pas à l'avance si vous avez gagné ou pas, les candidats retenus doivent se rendre à Londres. C'est ce que je ferai demain.
Si je suis un peu mal à l'aise pour vous en parler, c'est que je ne vous parle pas en mon nom personnel mais au nom de mon entreprise. L'important, ici, c'est que notre rôle a été reconnu par d'autres, et particulièrement par des gens qui n'ont pas d'intérêt en jeu dans notre entreprise. Cela nous a fait comprendre que nous étions peut-être sur la bonne voie. Nous ne sommes pas parfaits, il reste encore beaucoup de chemin à faire, mais nous faisons de notre mieux; nous sommes sensibles au fait que si nous n'assumons pas nos responsabilités sociales, notre entreprise ne pourra pas non plus connaître la réussite économique.
Mme Marlene Jennings: J'ai un message à transmettre à votre entreprise et aux autres compagnies canadiennes qui oeuvrent en Colombie ou dans les autres pays, aux entreprises comme la vôtre qui assument leur responsabilité sociale et qui adhèrent à des principes définis ainsi qu'à des valeurs et qui se sont donné une mission: c'est à chacun d'entre vous de claironner sa gloire ici même au Canada. Après tout, beaucoup de gens critiquent l'ACDI parce que, dans le cadre de ses programmes, elle investit souvent dans des partenariats avec le secteur privé dans des pays en voie de développement. Certains Canadiens demandent au gouvernement pourquoi l'argent du contribuable devrait être investi dans des projets du secteur privé. Voilà pourquoi il faut que vous fassiez connaître vos propres réussites.
M. Randy Gossen: Puisque vous mentionnez l'ACDI, sachez que j'ai rencontré ce matin des gens du programme de coopération industrielle de l'Agence, car nous voulons entreprendre un projet d'aqueduc au Yémen pour mieux approvisionner en eau les régions rurales. Il est surprenant de constater que seulement 17 p. 100 de la population yéménite rurale a accès à de l'eau potable. Nous en avons pour longtemps au Yémen! Nous voulons y laisser un héritage, et nous pouvons le faire non seulement dans le domaine du pétrole et du gaz, mais aussi dans quelque chose de beaucoup plus fondamental, comme dans ce projet d'aqueduc. Nous avons donc rencontré aujourd'hui les gens de l'Agence pour essayer d'établir si ce projet les intéresse. Cela les intéresse en effet, particulièrement en ce qui concerne les aspects de renforcement des capacités du projet. Vous avez raison de dire que c'est un important message à transmettre.
Mme Marlene Jennings: Oui, et transmettez-le aussi aux fabricants et exportateurs canadiens.
M. Randy Gossen: Oui, nous avons aussi des contacts avec ces gens.
Mme Marlene Jennings: Monsieur Alderson, je vous dis la même chose. Vous êtes du secteur privé, vous investissez au nom des investisseurs canadiens dans des compagnies canadiennes qui ont des exploitations à l'étranger, et particulièrement dans les pays en voie de développement: votre message à vous est aussi important. Il doit être transmis, pour le bénéfice de cette partie de la population canadienne qui croit que les fonds de coopération et de développement international du Canada ne devraient jamais être investis dans le secteur privé. Il me semble que le secteur privé canadien doit aussi claironner son succès à la population, faire connaître ses réussites et son sens des responsabilités sociales.
• 1625
J'ai une question à l'intention de monsieur Gossen. Vous
disiez que vous prêchez par l'exemple et que vous vous assuriez que
le personnel de sécurité des projets dont Nexen est chargé ne soit
pas impliqué dans des cas de violation des droits de la personne ou
n'en soit pas soupçonné et que cette politique est inscrite au
contrat. Vous dites que vous montrez votre code à vos associés et
qu'ils doivent y souscrire dans le contrat. J'aimerais savoir quel
type de surveillance vous exercez pour vous assurer que c'est bel
et bien ce qui se passe.
M. Randy Gossen: Comme je l'ai expliqué, nous sommes sur place. Ce n'est pas comme si nous avions confié la tâche à quelqu'un d'autre. Nous sommes sur place et il nous suffit d'observer. Mais la collectivité nous informe également. Comme nous sommes directement branchés sur les habitants, ceux-ci réagissent dès qu'il y a quelque irrégularité. De plus, je vous ai expliqué que nous avions des spécialistes en matière de sécurité qui font partie de notre personnel. Dans le cadre de leurs responsabilités, ils doivent assurer ce suivi.
Mme Marlene Jennings: C'est justement là-dessus que je voudrais avoir plus d'information. Supposons qu'un de vos employés locaux ne sache pas quelle filière suivre pour transmettre l'information à la compagnie; supposons aussi qu'il ne sache pas comment la compagnie fera enquête à la suite de la plainte et quelles mesures de sécurité seront suivies pour le protéger, lui qui se dit victime d'une violation de ses droits par le personnel de sécurité. Il y a alors fort à parier que la compagnie ne reçoive jamais de plaintes officielles et qu'elle n'entende que des rumeurs en ce sens.
Si je vous pose cette question, c'est que je sors du milieu de l'application de la loi. J'étais en effet commissaire adjoint chargée de la déontologie des corps policiers dans la province de Québec. Or, nos études nous ont démontré que si les citoyens ne savaient pas comment déposer leurs plaintes et ce qu'il adviendrait de leurs plaintes et quelles protections leur seraient offertes, ils ne déposaient pas de plaintes. Je vous demande donc comment vous traitez les plaintes et ce que vous faites pour assurer protection et confidentialité à la victime présumée?
M. Randy Gossen: Un élément clé de notre programme de développement communautaire, c'est justement la consultation avec la collectivité, en vertu de laquelle nous discutons avec les habitants pour comprendre leurs préoccupations, leurs points de vue, les enjeux qui les concernent, et pour qu'ils comprennent les nôtres. À mon avis, c'est la meilleure façon de faire en sorte que les habitants comprennent ce que nous entendons par sécurité et les démarches qu'ils peuvent entreprendre, advenant qu'ils aient quelque chose à divulguer. Je dirais que la solution, c'est de développer ces liens avec les collectivités à la base.
Avez-vous d'autres suggestions à faire?
Mme Marlene Jennings: Oui: lors de vos consultations avec la collectivité, je vous encouragerais à leur expliquer comment ils peuvent déposer une plainte lorsqu'il y a prétendument abus de la part d'un des employés contractuels, qu'il s'agisse d'un représentant des forces militaires ou de quelqu'un d'autre; je vous encourage à leur demander quelle démarche devrait être inscrite en vue de faire enquête et de demander comment vous pouvez protéger le plaignant et assurer la confidentialité du cas.
Au Québec, nous nous étions assurés du concours des organismes communautaires et, dans certains cas, nous leur avions même permis—en les y encourageant—de déposer les plaintes au nom des prétendues victimes. Cette façon de faire offrait à la prétendue victime un degré d'aisance et de sécurité face au prétendu contrevenant, étant donné que certaines plaintes ne sont pas fondées... Voilà pourquoi je dis toujours...
M. Randy Gossen: Si je vous comprends bien, vous voudriez savoir comment on peut créer un refuge sûr?
Mme Marlene Jennings: C'est cela. Nous y étions parvenus, pour notre part, en ayant des discussions continues avec les groupes communautaires, mais aussi avec les chefs de police et les syndicats des policiers. Je peux comprendre que cela puisse être assez difficile dans les pays où le gouvernement canadien sait qu'il y a des violations des droits de la personne de la part d'agents du gouvernement, mais je vous exhorte néanmoins à suivre cette façon de faire.
M. Randy Gossen: Merci de ce bon conseil: je parlerai à nos agents de sécurité.
Mme Marlene Jennings: Bien. Merci.
La présidente: Vous voudrez peut-être échanger vos coordonnées et vous en parler à la fin du comité.
Monsieur Alderson.
M. Kai Alderson: Je voulais signaler que les questions de sécurité et les relations en matière de sécurité sont un des enjeux dont tiennent compte les investisseurs qui ont à coeur leur responsabilité sociale. J'ai ici une liste, et je serai heureux de vous parler des mécanismes concrets auxquels ont recours nos entreprises à la fin du comité.
Mme Marlene Jennings: Merci.
La présidente: Je m'adresse à nos deux témoins.
Nous avons entendu parler du code de déontologie du Canada et du pacte mondial des Nations Unies, de même que des codes de bonne conduite volontaires des États-Unis et du Royaume-Uni. Monsieur Alderson, avez-vous l'impression que ces codes suffisent ou qu'ils doivent être renforcés? Vous pouvez me répondre brièvement.
M. Kai Alderson: Les codes de conduite volontaire devraient être quelque peu renforcés pour être vraiment efficaces. Pour avoir de la poigne, ils doivent se rabattre sur des mesures législatives quelconques, même si les amendes imposées dans ces mesures sont peu ou jamais imposées. Le fait qu'il soit impossible d'invoquer la Loi sur les mesures économiques spéciales contre une compagnie installée au Soudan illustre bien qu'il faut renforcer ces mesures. Le code international de déontologie a du bon, de même que le pacte mondial; tous ces instruments ont du bon. J'attirerais également l'attention du comité sur l'ébauche de code onusien s'appliquant aux activités des entreprises transnationales; il s'agit d'un code très musclé dont je pourrai faire parvenir le nom exact à votre attaché de recherche. Je ne saurais dire où il en est dans le processus d'approbation des Nations Unies, mais je vous recommanderais de l'étudier avec soin, puisqu'il prévoit que les activités de vérification doivent être prises au sérieux de même que les relations avec les services de sécurité.
La présidente: Merci beaucoup.
J'aimerais remercier et M. Gossen et M. Alderson d'être venus nous voir aujourd'hui. Cela nous a permis d'apporter la touche finale à certains points déjà évoqués par d'autres témoins et nous vous en sommes très reconnaissants.
M. Randy Gossen: Merci. Ce fut un plaisir et si vous avez des questions complémentaires ou d'autres interrogations n'hésitez pas à m'appeler.
La présidente: C'est possible. Merci.
Vous voudrez probablement avoir un mot avec Mme Jennings dans le couloir.
Nous suspendons la séance pendant trois minutes, le temps que le groupe de témoins suivant s'installe.
La présidente: Nous ne sommes pas très nombreux mais nous sommes d'excellents auditeurs, vous serez donc très bien écoutée.
Nous recevons maintenant Stéphanie Allard, la première secrétaire (affaires commerciales de l'ambassade du Canada en Colombie). Est-ce que je vous ai rencontrée lorsque j'étais là-bas en juin?
Mme Stéphanie Allard (première secrétaire, Affaires commerciales, Ambassade du Canada en Colombie): Brièvement.
La présidente: Oui, j'ai eu l'impression de vous avoir déjà vue quelque part.
Merci beaucoup d'être venue. Êtes-vous ici seulement pour une journée?
Mme Stéphanie Allard: Je suis ici jusqu'à demain.
La présidente: Deux jours?
Mme Stéphanie Allard: Oui.
La présidente: Oh! Nous en toucherons deux mots à l'ambassadeur.
Mme Stéphanie Allard: J'avais d'autres choses à faire au ministère.
La présidente: Ça fait loin pour seulement deux jours. Merci beaucoup.
Mme Stéphanie Allard: Merci, madame la présidente.
Je ne sais si cela vous conviendra, mais je vous ai envoyé un document. Je crois que vous l'avez reçu hier, en anglais et en français. Je l'ai lu à haute voix ce matin et j'ai trouvé qu'il était très long et afin de laisser plus de temps pour les questions, j'en ai fait une version plus courte. Vous convient-il que je ne lise que la version courte?
La présidente: Oui.
Mme Stéphanie Allard: D'accord. Je vais la lire et ensuite vous pourrez me poser des questions si vous voulez.
• 1640
Je veux d'abord remercier les membres du sous-comité des
droits de la personne et du développement international de m'avoir
donné la possibilité de témoigner aujourd'hui devant vous. J'ai
préparé un bref exposé d'environ 15 minutes sur le contexte
commercial de la Colombie et les relations d'affaires qui existent
aujourd'hui entre le Canada et ce pays.
Je commencerai par des données sur la démographie et l'importance de ce marché. La Colombie est un pays de 42 millions d'habitants. C'est le troisième marché en importance pour nous en Amérique du Sud. Ce pays occupe une position stratégique sur le continent sud-américain. Il donne sur deux océans. Il jouit d'un accès préférentiel aux pays voisins grâce à un certain nombre d'accords comme le pacte andain. Il a aussi conclu des accords bilatéraux avec le Chili et le Mexique.
[Français]
En termes d'exportations, la Colombie est notre quatrième marché en Amérique du Sud après le Brésil, le Venezuela et le Chili. Les exportations canadiennes en Colombie ont atteint 304 millions de dollars canadiens en l'an 2000.
Nos principaux produits d'exportation en Colombie sont présentement les légumineuses, le blé, le papier journal et les produits de papeterie, le cuivre, le matériel de télécommunications, les véhicules automobiles et les pièces détachées, le matériel électronique, les produits chimiques, les aliments transformés et les boissons. Nos principales importations de la Colombie sont le café, les fleurs coupées et les produits agroalimentaires, surtout les fruits exotiques.
Le Canada est aussi devenu, au cours des dernières années, un des principaux investisseurs étrangers en Colombie, surtout dans les secteurs du pétrole et des télécommunications, avec des investissements directs qui s'élèvent aujourd'hui à plus de 5 milliards de dollars canadiens.
[Traduction]
Sur le plan économique, la Colombie a lancé en 1992 sa politique d'«apertura» («ouverture») et depuis son économie est devenue moins restrictive. Les droits de douanes ont diminué considérablement pour la majorité des biens importés, si bien que les importations des biens de consommation et d'équipement servant à moderniser l'industrie ont augmenté.
[Français]
La Colombie est un pays très riche en ressources humaines et naturelles. Le niveau d'éducation y est un des plus élevés dans la région. La main-d'oeuvre est très qualifiée, surtout au niveau de l'ingénierie et des industries manufacturières. La Colombie regorge aussi de ressources naturelles de toutes sortes dont, entre autres, le pétrole, le charbon, les métaux, les pierres précieuses et le bois.
[Traduction]
La Colombie comme le Canada, peut être décrite comme une économie régionale dans la mesure où ses centres industriels et économiques sont répartis dans tout le pays. Bogota avec une population de huit millions d'habitants est la capitale et le coeur financier de la Colombie. Medellin avec une population de deux millions et demi d'habitants est la deuxième ville et le siège de certaines des compagnies les mieux gérées et les plus efficaces de Colombie, surtout dans les secteurs des télécommunications et de la transformation. Cali est la troisième ville, avec une population d'environ deux millions d'habitants, et située dans une région surtout connue pour son industrie agricole. Enfin, Barranquilla est la quatrième ville avec un million et demi d'habitants. Elle possède le plus important port commercial de la Colombie et est un centre commercial de premier plan.
Pour ce qui est de la performance économique de la Colombie, de 1975 à 1995
[Français]
le taux de croissance en Colombie a constamment été très élevé. Il s'est situé entre 4 et 5 p. 100 par an. En termes de croissance économique, c'est une des plus remarquables performances en Amérique du Sud.
Par contre, en 1998 et 1999, il y a eu des baisses substantielles de la croissance économique de 3 p. 100 et de 4,5 p. 100 respectivement, en raison notamment de la crise du réal brésilien qui a affecté tout le continent, de la baisse continue des cours mondiaux du pétrole et du café, qui sont les principaux produits d'exportation de la Colombie, et, évidemment, en raison des graves problèmes de sécurité causés par le conflit interne avec la guérilla et les paramilitaires.
Le taux de croissance s'est élevé à environ 2,5 p. 100 en l'an 2000, ce qui est quand même une augmentation notable, et le gouvernement colombien prévoit un taux de croissance similaire en 2001.
Toutefois, la Colombie demeure l'une des économies les plus dynamiques en Amérique latine et elle a conservé une solide cote de crédit international au cours des 10 dernières années.
Depuis 1999, la Colombie, le Chili, l'Uruguay et le Costa Rica sont les seuls pays d'Amérique latine à avoir reçu des agences internationales d'évaluation de crédit, comme Moody's et Standard & Poors, une cote d'évaluation d'investissement.
On sait également que la Société pour l'expansion des exportations, la SEE, perçoit la Colombie d'un bon oeil et a consenti, au cours des dernières années, un certain nombre de marges de crédit dans ce pays-là.
• 1645
Au niveau du climat d'investissement, la loi
colombienne en matière d'investissement est conçue à la
base pour encourager les investissements étrangers.
Les différents programmes de privatisation qui ont été
mis en place dans le but d'améliorer l'efficacité et la
productivité offrent des possibilités intéressantes à
long terme aux investisseurs, surtout au niveau des
télécommunications, des services publics et de
l'infrastructure. Aussi, l'existence d'un système
d'approbation gouvernemental transparent a
créé un climat très favorable aux investissements.
Cela a attiré beaucoup d'investissements étrangers, dont
plusieurs canadiens, au cours des dernières années.
Quant à la situation politique, le gouvernement du président Pastrana a consacré, depuis son arrivée au pouvoir en 1998, beaucoup d'énergie et d'efforts à la mise en place d'un processus de paix en Colombie. Je pense que l'ambassadeur Rishchynski vous en a déjà fait part lors de son témoignage au mois de septembre. Le président Pastrana a amorcé, au cours de son mandat, des discussions avec les deux plus importants groupes de guérilla en Colombie, soit les FARC, les Forces armées révolutionnaires de Colombie, et le ELN, l'Armée de libération nationale.
Le Canada est impliqué de façon active dans le processus de paix en cours avec les FARC et en tant que membre d'une commission de facilitation internationale composée de dix pays. Le Canada a aussi été invité à faire éventuellement partie d'un comité international de vérification qui sera impliqué dans le processus de paix avec l'ELN.
Au niveau des pratiques d'affaires éthiques, il est important de dire qu'une partie importante du travail est réalisée dans la section commerciale à l'ambassade par tous mes collègues et moi-même, de façon égale. Cela consiste à maintenir un dialogue ouvert et soutenu sur les thèmes de l'investissement éthique et de la responsabilité sociale corporative avec la communauté d'affaires canadienne en Colombie et avec ses représentants locaux. C'est un dialogue qui vise, d'une part, à rester informé de leurs activités et à intervenir en cas de conduite inappropriée, si des cas sont portés à notre attention et, d'autre part, à les encourager à contribuer de façon non pas seulement active ou réactive mais aussi proactive au développement économique, social et humain des colombiens, tant par des actions individuelles au niveau de chaque compagnie que par l'élaboration et la mise en oeuvre d'initiatives conjointes avec l'ambassade ou encore avec la Chambre de commerce colombo-canadienne.
Il y a deux objectifs à cette approche. D'une part, il s'agit de sensibiliser les entreprises canadiennes et leurs représentants locaux à l'importance de leur contribution au développement social et économique de la Colombie et à la résolution éventuelle du conflit armé en tant que groupe clé de cette société. Autrement dit, il est essentiel que le secteur privé, autant étranger que colombien, réalise qu'il est un acteur et non pas un spectateur de la situation de violence et de pauvreté que vit la Colombie depuis maintenant plus de 50 ans.
Le deuxième objectif de notre approche, c'est d'encourager les entreprises colombiennes et étrangères en général—pas seulement les entreprises canadiennes, mais toutes les entreprises étrangères—, à adopter une attitude et des mesures qui sont similaires à l'égard de la responsabilité corporative et de l'investissement éthique. Je pense, à cet effet, que la communauté d'affaires canadienne a été un chef de file en matière de contribution au processus de paix en Colombie. Les entreprises canadiennes ont réalisé, au cours des dernières années, plusieurs événements traitant directement des questions reliées au respect des droits humains, à l'investissement éthique et au besoin d'impliquer tous les groupes d'intérêt des communautés locales dans les processus décisionnels du secteur privé qui vont affecter les autres groupes de la société. Je vais vous en donner quelques exemples.
On a réalisé conjointement, la Chambre de commerce colombo-canadienne et l'ambassade à Bogotá, le Forum sur l'investissement éthique et les droits humains en 1999. À ma connaissance, cela a été la première initiative visant à regrouper le secteur privé, le gouvernement et la société civile dans un échange ouvert, dans un dialogue transparent sur des questions reliées à la responsabilité corporative en Colombie. C'est un événement qui aura servi aussi à mettre en valeur le rôle de meneur de la communauté canadienne en Colombie face à ces questions. La Chambre de commerce colombo-canadienne prévoit d'ailleurs organiser un deuxième Forum sur l'investissement éthique en février 2002.
Dans le même ordre d'idée, la Chambre de commerce colombo-canadienne a intégré des présentations et un groupe de travail portant sur l'investissement éthique et la responsabilité sociale corporative dans le premier Forum d'affaires colombo-canadien qui a été réalisé à Bogotá en mai 2000, et un deuxième Forum d'affaires colombo-canadien, avec une deuxième réunion de ce groupe de travail, sera organisé en l'an 2002 au Canada ou en Colombie; ça reste encore à être confirmé.
La sécurité, je crois, est une question très importante en Colombie pour les compagnies canadiennes, et les Canadiens en général. La sécurité est la première chose que les Canadiens et les autres entrepreneurs étrangers prennent en considération lorsqu'ils visitent la Colombie ou encore plus, lorsqu'ils décident d'y établir une présence permanente. La Colombie est un pays très dangereux et il faut en permanence prendre très au sérieux et de manière très rigoureuse des mesures de sécurité et de précaution indispensables. Les vols et les crimes violents sont monnaie courante dans tous les centres urbains de la Colombie, y compris Bogota, Medellin, Cali, Bucaramanga, et dans d'autres villes. C'est le genre de risque, disons, ou de problème de sécurité qu'on retrouve dans la majorité des grandes villes d'Amérique du Sud ou d'Amérique latine.
Par contre, il y a un autre risque de sécurité qui est beaucoup plus spécifique à la Colombie, à savoir le risque posé par les groupes subversifs qui financent partiellement leurs activités par les extorsions, les kidnappings et d'autres crimes qui peuvent affecter le monde des affaires.
En conséquence, la sécurité représente un coût, un coût important qui doit être pris en compte quand on décide d'avoir des échanges avec la Colombie. Les compagnies étrangères en relation avec ce pays recherchent généralement des conseils professionnels sur les questions de sécurité—et d'ailleurs nous les y encourageons. Pour les compagnies installées dans les régions rurales, des mesures de sécurité supplémentaires sont souvent nécessaires pour protéger les installations et les employés.
De nombreuses compagnies de sécurité estiment que le coût de la sécurité en Colombie se monte approximativement à 10 p. 100, parfois davantage, plus en tous cas que dans les autres pays de la région. L'ambassade recommande aux Canadiens qui s'établissent pour résider ou travailler en Colombie de prendre des mesures de sécurité très rigoureuses et recommande aux patrons d'entreprises connues de ne se déplacer qu'accompagnés de bons chauffeurs armés et de gardes du corps, d'avoir en permanence un téléphone cellulaire et d'adopter toutes sortes d'autres mesures de sécurité personnelle pendant leur séjour en Colombie.
L'ambassade recommande également aux compagnies canadiennes d'être actives, comme je l'ai dit tout à l'heure, au niveau de leur contribution au développement social et économique du pays et de participer aux initiatives qui mettent l'accent sur la responsabilité sociale, les investissements éthiques et les droits de la personne. D'une manière générale, cela permet de garantir aux Canadiens et aux compagnies canadiennes en particulier d'être perçus comme des contributeurs à la solution et non pas aux problèmes de conflit interne, de violence et de violation des droits de la personne en Colombie. Je crois qu'une bonne image minimise le risque pour les Canadiens de devenir la cible des groupes subversifs.
J'aimerais terminer mon exposé par quelques petits messages clés.
Premièrement, le gouvernement colombien est tout à fait favorable à une croissance des relations commerciales avec le Canada et a démontré son intention de développer des relations spéciales avec le Canada. Nous sommes importants pour la Colombie. Ils nous ont laissé savoir de diverses manières et à de nombreuses reprises au cours des dernières années que nous représentions un excellent marché de rechange pour leur principal marché d'exportation, à savoir les États-Unis. Nous avons donc une importance pour la Colombie, tant comme marché d'exportation que comme pays potentiel d'investissement en Colombie.
Deuxièmement, alors que la base industrielle de la Colombie croît de manière importante, elle continue à requérir des importations substantielles de matériel et de services pour développer et moderniser son économie, et le Canada est le fournisseur d'une partie de ce matériel et de ces produits de technologie avancée.
Troisièmement, les compagnies canadiennes sont attirées par les possibilités en croissance constante en Colombie qui correspondent très étroitement à certains de nos secteurs de pointe de capacité, tout particulièrement dans les domaines des télécommunications, du gaz et du pétrole, des mines, de l'environnement et de l'agriculture mais il y en a encore d'autres.
Quatrièmement, le niveau du commerce et des investissements canadiens en Colombie est important pour l'économie canadienne. La Colombie est le quatrième marché d'exportation du Canada en Amérique latine. La Colombie offre également un climat d'affaires très favorable et très ouvert, tant sur le plan de l'environnement juridique que sur le plan de la culture des affaires. Je pourrais vous donner quelques détails supplémentaires sur cette question tout à l'heure, si vous le désirez.
Cinquièmement, la sécurité, de toute évidence, est un problème pour les compagnies canadiennes en Colombie, mais je crois qu'une gestion alerte et prudente a permis d'exercer un contrôle raisonnable sur ce problème. Nous ne pouvons éliminer totalement le risque, mais nous pouvons, je crois, le gérer et le minimiser. Ce risque reste élevé, et l'ambassade encourage les compagnies canadiennes à rester très vigilantes, tant pour la sécurité de leur personnel que pour la sécurité de leurs activités.
Sixièmement, de gros efforts ont été faits pour garantir la responsabilité sociale et morale des entreprises canadiennes installées en Colombie. L'ambassade fait tout ce qu'elle peut pour que cela continue ainsi. Une étroite coopération entre l'ambassade et le gouvernement colombien et des efforts spéciaux entrepris par la Chambre de commerce canado-colombienne assurent, je crois, une position très positive pour le Canada en Colombie. Je crois que le Canada a actuellement une très bonne réputation en Colombie, le Canada en général, mais aussi les compagnies canadiennes et leur éthique d'entreprise.
• 1655
Enfin, je crois, qu'en participant activement avec le
gouvernement canadien au processus de recherche de la paix, au
niveau de ce que nous faisons de la commission de facilitation avec
le FARC et dans le contexte d'autres initiatives, le Canada s'est
assuré une réputation de responsabilité en tant que partenaire
actif en Colombie, partenaire dont tous les efforts tendent à être
un élément de la solution.
[Français]
Donc, en résumé, je pense que la Colombie est un pays qui offre à la fois d'excellentes occasions d'affaires mais qui présente aussi des défis importants et sérieux. C'est un pays qui est situé stratégiquement. C'est un pays qui possède des grandes ressources naturelles, une main-d'oeuvre qui est très qualifiée, qui est motivée, qui travaille fort. Ce sont des gens qui ont une excellente éthique des affaires et du travail et un système juridique propice aux affaires. Par contre, il faut prendre en considération très sérieusement le conflit interne et les risques encourus pour sa propre sécurité.
[Traduction]
Je crois qu'il est possible d'avoir une présence commerciale en Colombie, par les exportations et les investissements locaux, tant que ces défis seront pris en compte avec le sérieux qu'ils méritent.
J'espère que cet exposé vous a quelque peu éclairé sur l'environnement commercial en Colombie. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions et à vos commentaires.
[Français]
Merci.
[Traduction]
La présidente: Merci beaucoup.
[Français]
Monsieur Dubé.
M. Antoine Dubé: Je dois vous féliciter du rapport que vous avez soumis. Je n'ai pas eu la chance de le lire avant la réunion, mais j'aurais peut-être des questions. Vous êtes là depuis longtemps?
Mme Stéphanie Allard: Je suis là depuis deux ans et demi. J'y suis arrivée au mois de juillet 1999 et je vais y demeurer jusqu'à l'année prochaine, peut-être plus.
M. Antoine Dubé: Bon. Quand on écrit quelque chose qui doit paraître dans un rapport, on sait que ça va rester; on prend donc soin de peser chacun de ses mots. Mais dans le contexte moins formel des questions orales, il est parfois possible d'ajouter des éléments complémentaires.
Je vois que des efforts sont faits. Vous dites aussi que les compagnies canadiennes sont un peu des chefs de file par rapport à d'autres entreprises étrangères sur le sol de la Colombie. Pourriez-vous nous parler en particulier de certaines compagnies auxquelles vous pourriez penser ou de celles qu'on a entendues tout à l'heure alors que vous étiez là, j'imagine? La compagnie Nexen, par exemple. Pouvez-vous nous parler un peu de ce que vous avez pu observer concrètement? Est-ce qu'elles agissent bien comme elles le disent en ce qui a trait au respect des droits de la personne?
Mme Stéphanie Allard: Oui. Je peux nommer plusieurs compagnies avec qui je suis en contact régulièrement et même quotidiennement en Colombie. Nexen est évidemment connue de la plupart des gens parce que c'est une grosse compagnie qui a des intérêts un peu partout dans le monde. Dans ce cas particulier, je dirais que c'est un des chefs de file de nos chefs de file. La compagnie a vraiment mis au point, par écrit, une stratégie dans laquelle elle dit qu'elle considère de sa responsabilité sociale et économique de consulter les populations et de ne pas endommager l'environnement.
Ils ont tout mis cela par écrit il y a quelques années. Et, dans le cas particulier de la Colombie, je dis que la compagnie est un chef de file. Pourquoi? Parce que, par exemple, elle a spontanément, de son plein gré, décidé de participer aux activités que j'ai indiquées un peu plus tôt, comme le Forum d'affaires colombo-canadien, le Forum sur l'investissement éthique et les droits humains.
Elle est aussi allée faire valoir, dans des exposés faits à d'autres compagnies, à des ONG, à des représentants du gouvernement colombien ce qu'elle avait fait et les bons résultats qu'elle avait obtenus sur le plan corporatif, pour son image. Elle a aussi fait valoir ce que cela avait rapporté à la collectivité. Puis, elle a invité toutes les entreprises à faire de même. Évidemment, elle ne peut rien imposer mais elle suggère de faire des choses similaires ou dans le même ordre d'idée. C'est vraiment s'exposer que de dire voici ce nous avons fait et qui pourrait servir d'exemple aux autres compagnies, du Canada ou d'ailleurs.
C'est dans ce sens que je dis qu'elle est un bon exemple et qu'elle est un chef de file parce qu'elle partage son expérience avec les autres, la fait connaître. Je trouve cela bien.
M. Antoine Dubé: Voilà un bon joueur. Je suis persuadé que vous avez d'ailleurs... Les témoins s'étaient expliqués tout à l'heure.
Mais il y a peut-être des joueurs dont la réputation a été faussement critiquée. Je vais vous donner l'exemple d'une compagnie installée au Soudan, la Talisman Energy. On a entendu de nombreuses critiques à son sujet. Pouvez-vous nous en parler?
Mme Stéphanie Allard: À propos des opérations de Talisman, en général, je pense avoir lu ou entendu les mêmes choses que vous probablement.
• 1700
En ce qui concerne sa présence en Colombie, je crois
qu'elle a contacté l'ambassade—enfin, moi—pour la
première fois l'an dernier, pour demander ce que nous
pensions d'un de ses projets. Elle considérait faire
l'acquisition de certains blocs d'exploration dans
certaines régions de la Colombie.
Évidemment, mon rôle est de les avertir que nous considérons que la sécurité, dans cette région, est plus ou moins bonne, de leur communiquer ce que nous savons de la présence de mouvements subversifs à cet endroit en nous fondant sur les rapports de diverses sources colombiennes. Nous suggérons alors de faire appel aux services d'une entreprise de sécurité spécialisée qui serait mieux en mesure de brosser un tableau beaucoup plus précis de ce qui s'y passe.
Tout cela, c'est avant de commencer quelque exploration ou quelque travail que ce soit sur place. Quand la compagnie m'a approchée la première fois, c'était avant de faire l'acquisition des blocs, ce qu'elle a fait par la suite et dont elle nous a informés. Dans le moment, elle en est encore à l'étape des études. Elle n'est donc pas encore très active sur les lieux.
Évidemment, oui, nous sommes au courant que Talisman est établie dans notre région et nous allons nous assurer qu'elle demeure en contact, de façon soutenue, avec l'ambassade et avec la Chambre de commerce, évidemment.
De mon côté, lorsque je rencontre des compagnies qui sont actives en Colombie, il est certain que je les encourage toujours à prendre une part active aux activités qui se rattachent à la responsabilité sociale corporative.
M. Antoine Dubé: Une troisième question: le député Svend Robinson, tout particulièrement, et moi aussi avons posé quelques questions concernant la Société pour l'expansion des exportations, la SEE, et les critiques qu'on entendait au sujet de certains de ses projets. Cette société nous a fait un rapport et selon ce que j'en comprends après une première lecture, les doutes portaient sur la façon dont elle s'assurait que les compagnies à qui elle prête de l'argent respectaient bien les droits de la personne. Dans le cas particulier de la construction d'un barrage, cela ne semblait pas certain. Des témoins étaient venus nous dire qu'ils avaient des doutes à ce sujet et même des critiques à formuler.
Je constate que pour se défendre devant ces critiques, elle vous met un peu cela sur le dos à vous, gens des Affaires étrangères du Canada. Elle dit être bien prête à faire respecter ces droits, mais qu'il vous revient aussi un de surveiller les compagnies bénéficiaires de prêts. Avez-vous les ressources disponibles pour remplir un tel rôle?
Mme Stéphanie Allard: Pour surveiller les compagnies canadiennes en général ou celles qui bénéficient de prêts de la SEE?
M. Antoine Dubé: Les compagnies qui bénéficient des prêts de la SEE.
Mme Stéphanie Allard: Est-ce que nous avons les ressources pour le faire dans tous les cas? Mon opinion est qu'on ne peut assumer un rôle de, comme on dit en anglais, monitoring pour chaque cas et de façon constante. Non.
Je pense, par contre, que lorsque des cas sont portés à notre attention, on peut les examiner. Je pense qu'on doit le faire s'il y a des doutes ou des problèmes qui se posent quant à la nature des activités ou des conséquences pouvant découler du projet réalisé à l'aide de ce prêt-là.
Le cas que vous avez soulevé, c'est le cas du barrage construit par la compagnie Urra. Je pense qu'une compagnie canadienne avait bénéficié d'un prêt de la SEE de 18 millions de dollars pour un projet qui valait 700 millions de dollars à l'époque. Ma compréhension de ce qui s'est passé, c'est qu'à ce moment-là, des études d'impact sur l'environnement et les collectivités ont été réalisées par la SEE et d'autres organismes de financement de ce projet.
Le résultat de ces études, à ce moment-là, selon la législation en application à ce moment-là en Colombie... Il faut dire que c'est la Colombie, en fait, qui bénéficiait du prêt de la SEE, parce que le gouvernement est... Enfin, bon. Les résultats ont démontré que le projet satisfaisait aux normes définies dans la législation valide à l'époque en Colombie et les organismes impliqués dans le financement ont été satisfaits de ces résultats par rapport aux aspects touchant à l'environnement et aux collectivités.
M. Antoine Dubé: Ce qui nous intéresse davantage, ce sont les droits de la personne. C'est surtout cet aspect-là.
Mme Stéphanie Allard: En fait, c'est que, dans ce projet en particulier, les droits de la personne étaient étroitement liés aux aspects environnementaux. Le fait est que, dans cette région, c'étaient des communautés indigènes qui y vivaient.
M. Antoine Dubé: Et qui ont été déplacées.
Mme Stéphanie Allard: À la suite de la construction du barrage, une partie du territoire s'est trouvé inondé et des gens ont été déplacés.
Donc, c'est le problème qui s'est posé. Donc, on parle d'un problème de droits humains qui découlait d'une action touchant à l'environnement. Les études qui ont été faites à ce moment-là, à ma connaissance, avaient démontré quels seraient les résultats de la réalisation du projet...
M. Antoine Dubé: Quand vous parlez de ce moment-là...
Mme Stéphanie Allard: C'est en 1992, si je ne me trompe pas.
M. Antoine Dubé: Cela me paraît assez éloigné.
Mme Stéphanie Allard: C'est assez éloigné, mais...
M. Antoine Dubé: Depuis ce temps-là, quelles mesures ont été prises?
Mme Stéphanie Allard: Depuis ce temps-là, il y a eu des discussions soutenues entre les représentants du gouvernement colombien et les communautés qui ont été déplacées à cause de ce projet. À ma connaissance, un grand nombre de gens, mais pas tous, une très grande partie des gens faisant partie de ces communautés, que la réalisation du barrage avait affectés, ont été dédommagés à leur satisfaction. Il y a encore des discussions en cours pour ceux que la solution apportée au problème ne satisfait pas.
[Traduction]
La présidente: Merci beaucoup—vous avez largement dépassé votre temps de parole.
J'aimerais simplement vous rappeler une chose. Avez-vous vu les documents que nous a envoyés la Société pour l'expansion des exportations?
[Français]
M. Antoine Dubé: Oui.
La présidente: Très bien.
Madame Jennings.
Mme Marlene Jennings: Merci, madame la présidente.
[Traduction]
La présidente: Vous pouvez avoir 10 minutes.
[Français]
Mme Marlene Jennings: Merci beaucoup de votre présentation qui a été très intéressante et révélatrice. Vous étiez dans la salle quand M. Randy Gossen, de chez Nexen, et M. Kai Alderson, de chez Real Assets Investment ont témoigné. Vous aurez entendu M. Alderson dire que, selon leur charte et leur définition de ce qu'est une compagnie qui prend ses responsabilités corporatives et sociales à coeur, il n'y a pas une seule compagnie installée en Colombie avec laquelle ils ne seraient pas prêts à transiger, à qui ils ne seraient pas prêts à consentir des investissements.
Mme Stéphanie Allard: Pour cette raison-là en particulier.
Mme Marlene Jennings: Oui. Dans votre longue présentation, vous avez nommé plusieurs compagnies que j'aimerais énumérer à nouveau: Enbridge, Nexen, Alberta Energy, Talisman, Bell Canada International, Nortel Networks, Quebecor, le Kruger Group et Bata, pour n'en nommer que quelques-unes.
Alors, dois-je présumer que vous êtes d'accord avec M. Alderson quand il déclare que ces compagnies, celles que vous venez de nommer et les autres compagnies canadiennes que vous n'avez pas nommées et qui font des investissements en Colombie ou y mènent des opérations, se comportent de façon responsable au niveau corporatif et social?
Mme Stéphanie Allard: D'accord. Je ne pense pas pouvoir vous garantir, raisonnablement et sincèrement, qu'il n'existe absolument aucun problème. Je ne pense pas que ce serait honnête.
À ma connaissance, dans le travail que je fais... Je dois vous dire que, selon les jours, entre 20 et 30 p. 100 de mon travail consiste, justement, à joindre la responsabilité sociale corporative au secteur privé et à être proactive de ce côté. Je pense que c'est très important et notre ambassadeur insiste beaucoup là-dessus.
Donc, dans mon travail, j'entretiens des contacts avec les compagnies, je tiens des conversations avec d'autres gens que les représentants des compagnies, comme des membres du gouvernement colombien ou des ONG, je vais très souvent en voyage à l'intérieur de la Colombie où je rencontre toute sorte de gens qui ne sont pas nécessairement des gens d'affaires. Selon l'information dont je dispose et l'expérience que j'ai, je suis d'accord avec ce que M. Alderson a dit, dans la mesure où je ne vois pas de compagnie canadienne en Colombie qui n'agisse pas selon l'éthique.
Si un doute raisonnable, ou une plainte, était formulé officiellement, vous pouvez être certain que je l'examinerais très sérieusement. J'en parlerais à l'ambassadeur et je consulterais mes collègues d'Ottawa et nous prendrions des mesures, nous ferions tout en notre pouvoir pour vérifier. Je pense que nous l'avons fait dans le passé et nous le ferons encore. On ne peut se permettre cela, et on ne doit pas le faire, pour des raisons morales, humaines et professionnelles, parce que ethical business is good business.
Mme Marlene Jennings: Merci beaucoup. Voici une deuxième et dernière question.
Êtes-vous d'accord sur les conseils que j'ai donnés à M. Gossen, de la compagnie Nexen? Êtes-vous d'accord que les entreprises du secteur privé qui font des investissements et des opérations à l'étranger, surtout dans les pays en voie de développement, qui prennent leurs responsabilités corporatives et sociales au sérieux et qui tentent, dans la mesure du possible, de mettre en place des mécanismes pour agir de façon éthique, devraient se vanter ici, au Canada, et tenter de contrer la propagande? Aujourd'hui, c'est plus ou moins de la propagande que font certains éléments antimondialisation, qui prétendent que tout investissement du secteur privé dans les pays en développement est non éthique et contre les droits de la personne dans ces pays, est fait pour avoir des profits à tout prix et constitue de l'exploitation des gens.
Mme Stéphanie Allard: C'est une longue question, mais je pense que la réponse peut être assez courte.
Oui, je suis d'accord avec vous, mais je vais quand même élaborer un peu. Je pense que c'est une excellente recommandation. Je crois que parfois, certaines compagnies qui sont dans des zones de conflit, dans des pays où c'est dangereux, où il y a des problèmes de sécurité, préfèrent garder un profil très bas et ne pas faire de publicité sur le fait qu'elles sont présentes à tel endroit.
Mme Marlene Jennings: Et ici, au Canada?
Mme Stéphanie Allard: Oui, voilà la comparaison que je veux faire.
À l'étranger, je peux comprendre que les compagnies veuillent parfois garder leur profil bas et ne pas trop se faire voir. Par contre, je pense qu'au Canada, c'est non seulement bon, mais essentiel de faire la promotion de ce genre de choses-là. Pourquoi? Parce qu'il y a des gens qui ont des plaintes par rapport à ce que les compagnies font. Parfois c'est fondé, parfois ça l'est un peu moins. Tout dépend des cas. Je pense qu'il est valable de regarder chaque cas. Dans cette mesure, si les gens pensent qu'il y a des aspects négatifs à faire affaire à l'étranger, il est important que les compagnies parlent de l'investissement qu'elles font dans tel pays, de ce qu'elles font pour la communauté, des consultations qu'elles tiennent, de l'impact positif qu'elles ont du côté social et économique et sur les droits humains de tel pays. Il est important qu'elles disent qu'elles font quelque chose de bon dans ce pays en tant que Canadiens et en tant que compagnies.
Je pense que c'est excellent de le promouvoir. Ça donne le bon exemple, ça fait en sorte qu'il y a un dialogue qui se poursuit entre les compagnies et les autres membres de la société civile au Canada et ça fait en sorte qu'il va y avoir une meilleure entente à la fin. Peut-être que la mondialisation et les accords multilatéraux et régionaux reliés aux commerce ne sont pas complètement mauvais. Il y a peut-être quelque chose de bon là-dedans. Je pense que c'est important, ne serait-ce que pour avoir un dialogue ouvert et raisonnable au Canada sur ces questions-là et tenir compte des opinions de tout le monde.
Mme Marlene Jennings: Merci beaucoup.
[Traduction]
La présidente: Allez-y, monsieur Dubé, et ensuite j'aurai une petite question à poser.
[Français]
M. Antoine Dubé: Je vous souligne que vous avez répondu à Mme Jennings en diplomate.
Finalement, elle reliait les groupes antimondialisation à... J'ai entendu une chose de témoins qu'on a fait venir ici et je vais vous répéter cela autrement. Doit-on toujours croire ce que les ONG nous disent ou s'il y a des ONG qui font de la propagande?
Mme Stéphanie Allard: Puis-je vous répondre par une question?
[Traduction]
La présidente: Une question subtile—pouvons-nous les croire?
Mme Stéphanie Allard: Oui, je suis d'accord.
[Français]
Est-ce qu'on doit toujours croire ce que les compagnies nous disent? Je pense que c'est important de...
M. Antoine Dubé: D'après ce que vous nous avez dit, j'ai cru comprendre que nos compagnies canadiennes étaient correctes.
Mme Stéphanie Allard: Oui, mais on les croit parce qu'on discute avec elles, mais aussi avec d'autres personnes. Je ne crois pas qu'il soit plus valable de tenir pour acquis tout ce qu'une ONG nous dit que de croire ou de tenir pour acquis tout ce qu'une compagnie nous dit. Je pense qu'on doit écouter ce que les gens nous disent et corroborer cette information avec différents groupes d'intérêts. Il faut regarder les différents côtés d'une même histoire de façon à avoir le point de vue qui soit le plus valable ou le plus général possible.
M. Antoine Dubé: C'est ce qu'on essaie de faire au comité. On a entendu des ONG, des Églises, des communautés religieuses, qu'on doit normalement croire. On a entendu beaucoup de gens, mais il y a deux discours. Il y a des gens qui ont critiqué très sévèrement certaines entreprises. On leur demandait de nous en faire la démonstration, mais je dirais qu'à part parler à des gens comme vous, qui sont sur place, il n'y a pas beaucoup de moyens de vérifier. Vous êtes nos yeux et nos oreilles là-bas.
Mme Stéphanie Allard: Et on prend ce travail au sérieux. Je ne parle pas juste de l'ambassadeur ou de la section politique. Dans la section commerciale, c'est ma priorité, et je pense que c'est très important pour tout le monde.
Je pense qu'il faut tenir compte de tous les points de vue. Je pense que toute personne ou toute organisation canadienne sur place a le droit de dire qu'elle pense que telle compagnie fait ça ou que tel groupe fait ça, et que ce n'est pas correct pour telle raison. N'importe qui a le droit de le faire, sauf qu'il faut arriver avec de la substance. Il faut quand même arriver avec quelque chose. Comme je l'ai dit tout à l'heure, et je le répète parce qu'il est très important que ce message soit clair, si on me fait part, à moi ou à mes collègues, d'allégations sérieuses contre une entreprise canadienne ou un groupe canadien, vous pouvez être sûr qu'on va y porter une très, très grande attention. Ça, c'est clair.
M. Antoine Dubé: Merci.
[Traduction]
La présidente: Merci beaucoup.
[Français]
M. Antoine Dubé: [Note de la rédaction: inaudible].
[Traduction]
La présidente: Monsieur Dubé, je vais simplement vous donner un exemple de la nécessité de tenir compte de tous les points de vue. Lorsque j'étais en Colombie, en mai, une des ONG nous a abordés avec une longue liste de compagnies pétrolières canadiennes installées en Colombie—je crois que vous étiez là lorsque nous avons eu cette réunion avec les gens d'affaires. Je crois me souvenir qu'il y avait 20 ou 25 noms sur la liste—ce sont les compagnies pétrolières canadiennes qui font d'horribles choses à notre pays. Ils ne pouvaient pas nommer une seule de ces choses qu'ils faisaient à leur pays, mais ils nous ont donné cette liste. Je suis allée de cette réunion à une réunion avec les compagnies pétrolières, la chambre de commerce et d'autres personnes, et je leur ai dit, pourriez-vous jeter un coup d'oeil à cette liste et me dire ce que vous en pensez? Et ils m'ont dit, qu'est-ce que c'est? Et je leur ai dit, en haut de la liste on dit: compagnies pétrolières canadiennes. Ils l'ont parcourue et ils m'ont répondu, américaine, américaine, américaine, colombienne, américaine, américaine... Il n'y en avait que quatre ou cinq sur toute cette liste qui étaient vraiment des compagnies canadiennes.
C'est un exemple du genre de vérification qu'il faut absolument faire avant de dire quoi que ce soit. Nous avons vérifié auprès d'autres personnes pour bien déterminer quelles étaient les compagnies vraiment canadiennes. Je crois qu'il faut en toutes circonstances entendre tous les points de vue, faire soi-même les vérifications nécessaires avant de se prononcer. C'est un exemple d'ONG qui a essayé de nous mener en bateau.
[Français]
M. Antoine Dubé: Mais en même temps, je suis persuadé que si on était des Américains et qu'on faisait le même exercice, les compagnies américaines diraient qu'elles font bien ça. Ce n'est pas facile de prendre de la distance. On voit qu'un gouvernement n'est pas en parfait contrôle de la situation. Il y a des lois, mais si une loi n'est pas appliquée et qu'il n'y a personne pour vérifier...
Je vais poser une dernière question, parce que le temps file.
Le Canada est là, mais des personnes qui font le même genre de travail que vous sont aussi présentes en Colombie; elles travaillent pour d'autres gouvernements. Avez-vous des contacts avec des collègues du gouvernement américain qui font le même type de travail que vous? Examinez-vous entre vous des plaintes qui sont formulées par des gens, des ONG ou d'autres groupes?
Mme Stéphanie Allard: Est-ce qu'on a des contacts avec des représentants d'autres ambassades? Oui, et je pense qu'il est important d'en avoir. Est-ce qu'on discute de cas reliés au comportement éthique ou non éthique de certaines compagnies...
M. Antoine Dubé: Qui sont parfois multinationales.
Mme Stéphanie Allard: ...qui sont parfois multinationales? Non, cela ne m'est pas arrivé jusqu'à maintenant. Cela ne veut pas dire que ça ne pourrait pas arriver. Si le cas se présentait, je le ferais avec grand plaisir. Je pense que ce serait mon devoir de le faire. Ce n'est pas arrivé dans ces cas-là. On a déjà discuté de cas de multinationales canado-américaines pour d'autres aspects des affaires, notamment au point de vue légal, de projets particuliers de ces compagnies en Colombie au niveau des télécommunications. Mais il ne m'est jamais arrivé de discuter de compagnies multinationales sur lesquelles il y aurait eu des allégations ou qui auraient eu un problème au niveau du comportement éthique. Ça ne veut pas dire que ça n'arrivera pas dans le futur, mais ça ne m'est pas encore arrivé.
• 1720
Par contre, il y a un point que j'aimerais soulever. J'ai
parlé tout à l'heure du premier Forum
sur l'investissement éthique et les droits humains qui
s'est tenu en 1999 à Bogotá. La Chambre de commerce
et l'ambassade sont en train d'en préparer un deuxième,
qui se tiendra le 19 février à Bogotá, en coopération
avec la Universidad Javeriana.
Cette année, on voudrait inviter des gens des autres communautés d'affaires étrangères, donc les autres chambres de commerce, le AMCHAM, par exemple, la Chambre de commerce colombo-américaine, la Chambre de commerce franco-colombienne. On voudrait que des représentants de compagnies et même des intervenants d'ambassades d'autres pays se joignent à nous pour continuer le travail de chef de file qu'on fait dans ce sens-là. On va mettre beaucoup l'accent là-dessus. On a fait un premier test en 1999 et ça s'est bien passé. On va essayer de faire ça plus gros l'année prochaine.
M. Antoine Dubé: Pour ma part, je n'ai pas un gros portefeuille d'actions, mais il y a bien des Canadiens et des Québécois qui investissent dans des compagnies et dont les portefeuilles sont gérés par des consultants ou des firmes. Je vais donner l'exemple du café équitable. Ces gens, qu'il faut aussi croire sur parole, nous assurent que les produits issus de ces compagnies sont corrects sur le plan social et environnemental. Que pensez-vous de ce mouvement, qui est présent notamment en Colombie?
Mme Stéphanie Allard: Vous me parlez plutôt des exportations colombiennes vers le Canada, n'est-ce pas?
M. Antoine Dubé: Oui.
Mme Stéphanie Allard: Il y a plusieurs initiatives comme celle-là. Vous avez parlé du café. C'est la plus connue. Mais il y en a une autre dont vous n'êtes peut-être pas au courant. C'est un accord, en Colombie, qui a été fait entre les Colombiens et les Américains et qui s'appelle le Business Anti-Smuggling Coalition. Cet accord fait en sorte qu'un certain nombre de compagnies colombiennes ont un seal of approval, un sceau d'approbation des autorités américaines qui indique que c'est une compagnie qui agit bien, qui ne fait pas de contrebande, et que ses produits sont bons. La Colombie essaie de développer des initiatives comme celle-là avec d'autres pays ou avec d'autres régions. Je pense que c'est une bonne initiative.
Un autre endroit où on voit beaucoup ça, et je pense qu'il est très important de le mentionner, c'est au niveau de l'industrie des fleurs. Je pense que la Colombie est le deuxième exportateur de fleurs coupées au monde. Ça crée énormément d'emplois, mais pas juste des emplois. Ça crée beaucoup d'emplois surtout chez les femmes. On a vu, par exemple, qu'une grande partie des gens qui travaillaient avec les fleurs étaient des mères de famille seules qui devaient élever leurs enfants seules. C'est très difficile.
Donc, il y a plusieurs entreprises d'exportation de fleurs en Colombie qui ont décidé d'établir certains programmes. Elles ont dit quel était leur plan au niveau du syndicat, au niveau des programmes qu'elles font pour les mères de famille seules, des programmes d'éducation pour les enfants, des programmes de santé, etc. Certains de ces programmes sont très, très beaux. J'en ai visité un, à côté de Bogotá, qui est fantastique. La compagnie prend vraiment soin de ses employés, qui ont vraiment des normes de travail, et elle consulte très bien ses employés. Il est important d'encourager des initiatives comme celle-là. Cela fait partie de la solution.
M. Antoine Dubé: Madame la présidente, je voudrais souligner l'enthousiasme de Mme Allard, qui est absolument convaincante.
[Traduction]
La présidente: Maintenant ma petite question.
Dans votre exposé, sauf erreur, vous n'avez rien dit sur la drogue, et vous n'avez pas dit grand-chose à propos de la sécurité personnelle en conséquence de la situation politique dans ce pays qui est elle-même la conséquence de la drogue. Est-ce que cela a beaucoup d'effet sur quelqu'un qui hésite à investir son argent dans ce pays? Doivent-ils verser des primes de danger aux Canadiens qui acceptent d'aller placer leur argent dans ce pays?
Mme Stéphanie Allard: Une petite réponse?
La présidente: Oui.
Mme Stéphanie Allard: Oui.
La présidente: Est-ce que cela a une incidence sur le montant d'argent que les Canadiens sont prêts à investir là-bas? S'ils veulent créer une compagnie, ils se rendent sur place, il faut qu'ils y envoient des employés.
Mme Stéphanie Allard: C'est une question complexe.
La présidente: Non, non, vous n'avez que quatre minutes.
Mme Stéphanie Allard: Très bien.
La présidente: Faites-en une petite question. C'est une grande question mais parlez vite.
Mme Stéphanie Allard: J'y vois en fait deux questions. La première est de savoir si la drogue et la sécurité influent sur la décision d'être présent ou d'investir en Colombie. La deuxième est une sous-question: faut-il payer des étrangers plus ou prendre des mesures spéciales pour les faire aller là-bas? Je commencerai par la deuxième.
Les compagnies doivent envoyer un représentant canadien en Colombie. Il faut convaincre cette personne d'aller en Colombie. Cette personne préférerait probablement rester au Canada ou être envoyée dans un pays où la réputation est différente. Soyons honnêtes, ce que nous entendons sur la Colombie n'est pas très bon, ce sont plutôt de mauvaises nouvelles. Il est rare qu'aux nouvelles on parle en bien de la Colombie. Les gens ont donc peur d'y aller parce qu'ils ont une certaine image de la Colombie à l'esprit qui parfois est liée à la vérité, de toute évidence, mais ils n'y pensent pas en termes pratiques. À cause des problèmes de sécurité, à cause de la nécessité de modifier le style de vie, à cause de la nécessité de vivre dans un environnement où chaque jour, chaque minute que vous vivez il vous faut avoir un sixième sens, avoir ce réflexe, rester en permanence alerte, les compagnies, lorsqu'elles envoient un membre de leur équipe là-bas, lui versent une prime. Non seulement elles lui versent une prime, elles prennent aussi en compte le coût supplémentaire lié à la personne de cette présence dans ce pays—la sécurité personnelle, l'appartement qui doit être protégé, le bureau qui doit être protégé, la voiture. Il y a toutes sortes d'éléments auxquels il faut penser pour rendre cette sécurité gérable. Il est impossible d'éliminer le problème de sécurité mais on peut le minimiser. C'est un facteur très important. C'est ma première réponse.
Pour ce qui est de l'opportunité d'établir une présence ou d'investir en Colombie, je crois que pour l'essentiel c'est le même raisonnement mais à une plus grande échelle. C'est encore une question de sécurité. Il y a aussi un aspect irrationnel, il y a l'irrationalité de la situation en Colombie. Elle me touche autant que tous les Colombiens. Mais si vous prenez la sécurité et que vous l'intégrez dans l'équation de la décision—j'y vais, j'y vais pas? Vous ajoutez 10 p. 100, 15 p. 100 de plus ou le montant que la compagnie de sécurité ayant fait pour vous la consultation indique dans son rapport. Vous l'intégrez à l'équation, et si en fin de compte le rapport coûts-avantages est positif, votre présence là- bas est positive, votre impact là-bas est positif et l'opportunité d'apporter quelque chose de bon à la collectivité, et que vous avez pris en compte les dépenses supplémentaires relatives à la sécurité, c'est une décision qui peut finir par paraître raisonnable.
Oui, le conflit interne, largement dû au problème de la drogue, et la situation de sécurité en résultant sont des aspects qui influent sur les décisions de s'installer ou d'investir en Colombie.
La présidente: Merci beaucoup d'être venue, Stéphanie.
Mme Stéphanie Allard: Je vous remercie infiniment de m'avoir invitée.
La présidente: Merci. Il faudra que je parle à l'ambassadeur. Je suis désolée que vous ne puissiez pas rester plus longtemps.
Mme Stéphanie Allard: Moi aussi. Merci.
La présidente: Merci encore une fois d'être venue.
[Français]
Mme Stéphanie Allard: Merci.
[Traduction]
La présidente: La séance est levée.