SRID Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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SUB-COMMITTEE ON HUMAN RIGHTS AND INTERNATIONAL DEVELOPMENT OF THE STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE
SOUS-COMITÉ DES DROITS DE LA PERSONNE ET DU DÉVELOPPEMENT INTERNATIONAL DU COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 20 septembre 2001
La présidente (Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.)): Mesdames et messieurs, j'ouvre maintenant la huitième séance du Sous-comité des droits de la personne et du développement international du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international.
Premièrement, j'aimerais vous présenter quelques personnes. Nous avons une nouvelle greffière, Elizabeth Kingston. Jim Lee est notre recherchiste. Vous vous souviendrez qu'il était là en juin. Stephen Knowles est le greffier du Comité des affaires étrangères.
Nous sommes un petit groupe. Au cours de la dernière session, nous avons été plutôt souples quant à la répartition du temps de parole. Comme tout le monde est presque du même côté aujourd'hui, ce n'est pas le problème que j'avais anticipé. Je vous suggère donc de donner la parole à deux personnes ici et ensuite, là. Normalement, nous aurions des interventions de 10 minutes, mais je me demande si nous ne pourrions pas nous en tenir entre 5 et 10 minutes et voir...
Voulez-vous cinq minutes?
M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Alliance canadienne): Cinq. C'est ce que nous faisions l'an dernier.
La présidente: Si la conversation va bon train et que nous souhaitons tous en entendre davantage, nous allons simplement laisser l'intervenant continuer. C'est d'accord?
M. Deepak Obhrai (Calgary-Est, Alliance canadienne): Cela me paraît une bonne idée.
La présidente: Nous allons procéder de façon informelle aujourd'hui.
Cela vous va, Svend?
M. Svend Robinson (Burnaby—Douglas, NPD): Pourvu qu'on n'exagère pas.
La présidente: Bien sûr.
Je vous présente notre ambassadeur en Colombie, Guillermo Rishchynski, à qui je souhaite la bienvenue. Il est au Canada pour quelques jours et nous avons saisi l'occasion de le rencontrer. Je ne pense pas qu'il y ait de meilleur témoin. Certains d'entre nous avons eu l'occasion de le rencontrer en Colombie et nous savons quel excellent travail il fait là-bas. Il ne se borne pas à participer à la vie diplomatique; il s'intéresse à l'actualité politique et à tout ce qui se passe dans le pays. Je pense qu'il sera un très bon témoin.
• 1540
Je vous demanderais de présenter les personnes qui vous
accompagnent. Ensuite, vous pourrez commencer. Nous ne limiterons
pas votre temps parole sauf que si vous êtes trop long, il ne
restera plus de temps pour les questions. C'est donc à vous de
juger. Si cela ne vous dérange pas, veuillez nous présenter vos
collaborateurs.
[Français]
M. Guillermo E. Rishchynski (ambassadeur du Canada en Colombie): Merci beaucoup, madame la présidente.
J'aimerais vous présenter notre directeur de l'Amérique du Sud au ministère des Affaires extérieures et du Commerce international, M. Ron Davidson. Je vous présente aussi Mme Louise Crosby, qui est l'agente responsable de la Colombie au ministère.
[Traduction]
C'est un plaisir et un privilège pour moi de comparaître aujourd'hui comme témoin devant le Sous-comité des droits de la personne et du développement international et de me retrouver ainsi entre amis. J'ai eu le plaisir d'apprendre à connaître certains d'entre vous à l'occasion d'un voyage en Colombie, dont M. Bellemare, qui est mon député, dans ma circonscription d'Orléans. Je suis heureux de vous revoir.
Avec votre permission, je voudrais aujourd'hui faire le point sur la situation actuelle en Colombie et ensuite répondre aux questions sur les sujets qui vous intéressent, particulièrement en ce qui a trait au dossier des droits de la personne dans le pays.
[Français]
J'ai apporté de Bogotá une copie du rapport sur les droits de la personne en Colombie qui a été fait par le bureau du Haut-Commissariat aux droits de l'homme des Nations Unies.
[Traduction]
J'ignore si le comité a lu ce rapport, mais c'est sans doute l'analyse la plus exhaustive de la situation des droits de l'homme dans le pays. On y présente un portrait très réaliste de la situation qui règne à l'heure actuelle en Colombie en ce qui a trait au respect des droits de l'homme.
[Français]
La Colombie, comme d'habitude, est un pays assez compliqué. Il y a là un conflit qui dure depuis déjà plus de 50 ans et affecte la vie quotidienne du peuple colombien.
[Traduction]
Cinquante ans de conflit interne ont créé une situation très difficile pour la population civile en Colombie. Ce que je me propose de faire aujourd'hui, c'est simplement vous situer, vous expliquer où en sont les trois principaux protagonistes en Colombie, soit les deux principaux groupes de guérilla de gauche, le FARC, les Forces armées révolutionnaires de Colombie et l'ELN, l'Armée de libération nationale, ainsi que les Forces d'autodéfense de droite, comme elles se nomment elles-mêmes. J'estime qu'il est important et opportun de parler de ces trois groupes à la lumière des événements que nous avons vécus la semaine dernière. En effet, tous les trois figurent actuellement sur la liste des organisations terroristes du gouvernement des États-Unis. Nous devons tous être conscients de l'incidence de la politique américaine compte tenu du tour qu'elle prendra dans le contexte colombien.
Juste avant mon départ de la Colombie,
[Français]
on a eu la visite de M. Marc Grossman, le sous-secrétaire d'État du gouvernement des États-Unis. M. Grossman a fait sa première visite en Colombie et il a dit aux Colombiens et à la communauté internationale que les États-Unis étaient totalement d'accord pour participer à la recherche d'une solution politique au conflit colombien.
[Traduction]
C'était là une affirmation extrêmement importante de la part du gouvernement américain. En fait, le secrétaire d'État Powell devait se rendre à Bogota le 11 septembre lorsque le cours des événements a forcé l'annulation de cette visite et son retour à Washington.
Je pense que nous pouvons qualifier de complexe la situation actuelle en ce qui a trait aux forces armées dans le conflit. La situation est difficile de façon générale, mais selon le groupe, certaines nuances s'imposent. Dans le cas du FARC, le gouvernement continue de mener des négociations directes avec ses représentants et depuis mars de cette année, il est aidé dans sa tâche par une commission de facilitation de dix pays dont le Canada fait partie, de concert avec le Mexique, le Venezuela, Cuba et des pays d'Europe comme la Suède, la Norvège, la France, l'Italie, la Suisse, l'Espagne et... J'essaie de me rappeler le dernier, mais cela m'échappe toujours. Je pense que c'est la totalité.
• 1545
Le G-10—c'est le nom que nous nous sommes donné—joue un rôle
de facilitation. Nous ne sommes pas des médiateurs participant aux
négociations. Nous sommes là à la demande des deux parties, le
gouvernement et le FARC. Nous faisons oeuvre de facilitateur en ce
sens que nous essayons de promouvoir une entente entre les parties
sur certaines questions à l'étude.
Je peux vous dire aujourd'hui que la principale réalisation de la commission de facilitation du G-10 a été la libération en juin dernier d'un groupe de guérilleros, de policiers et de soldats gardés prisonniers et incarcérés. Trois cent vingt personnes ont recouvré la liberté. Certaines d'entre elles avaient vécu en captivité pendant aussi longtemps que trois ans et demi. J'estime que la participation de la communauté internationale à ces efforts a été décisive.
Depuis juin, nous avons constaté moins d'avancées positives dans le processus avec le FARC, en raison surtout de quelques incidents qui ont eu lieu, soit le kidnapping de trois travailleurs humanitaires allemands dans la campagne australe de Colombie et l'enlèvement d'un ancien gouverneur de la Colombie par les guérilleros des FARC alors qu'il circulait dans un véhicule des Nations Unies.
Ces événements, qui remettent en question l'intégrité du statut diplomatique et de la capacité de travailler en Colombie ont compromis les négociations. Le G-10 a dit aux FARC et au gouvernement que sa participation en tant que facilitateur exigeait que ces questions—la libération des Allemands et la sécurité de l'ancien gouverneur de la province de Meta—soient réglées prioritairement dans le cadre de négociations entre ces deux parties. Ces négociations sont maintenant en cours. Nous espérons qu'une solution positive surviendra afin de pouvoir poursuivre l'examen des questions dont la liste a été établie avec les deux parties pour le plus grand succès du processus à l'avenir.
Voici maintenant la situation de l'ELN.
[Français]
est toujours complexe aussi.
Au mois d'avril, une équipe technique était en Colombie pour essayer de faire un plan d'une vérification internationale sur une zone de dissension dans le nord du pays, dans la région de Magdalena Medio. Malheureusement, le gouvernement et l'ELN n'ont pas été capables d'obtenir l'accord nécessaire pour implanter les zones de dissension, et la vérification internationale, à laquelle on a demandé au Canada de considérer la possibilité de participer, est toujours en attente, jusqu'à ce que les deux parties soient prêtes à avoir des négociations sur cette zone.
[Traduction]
L'ELN a rompu les pourparlers avec le gouvernement au début du mois d'août. Nous espérons que les deux parties retourneront à la table de négociation, que ce soit à l'extérieur ou à l'intérieur de la Colombie, et tenteront de raviver leurs discussions afin qu'il soit possible de déployer dans la région une équipe de vérification internationale, ce qui permettrait aux négociations de progresser davantage. C'est ce que nous espérons, mais pour le moment, il y a encore loin de la coupe aux lèvres compte tenu de la position respective des deux parties.
[Français]
Dans le cas des paramilitaires,
[Traduction]
En ce qui a trait à l'AUC, sigle espagnol de Autodefensas Unidas de Colombia, c'est avec joie que je peux vous dire que depuis les quelques derniers mois, certainement depuis juin, nous avons constaté une diminution de la violence exercée par les forces paramilitaires dans le pays. Cependant, ces dernières semblent maintenant vouloir s'engager dans le processus politique du pays. À mon avis, cela pose un défi de taille à la viabilité des institutions colombiennes compte tenu du programme déclaré des paramilitaires et de ce qu'ils représentent dans cette société. Les paramilitaires ne font pas partie de la dynamique de paix actuelle et je doute que cela change dans un avenir prévisible. En effet, il s'agit d'une organisation strictement militaire dont l'ultime objectif est de terroriser les populations civiles en réaction à leur collaboration manifeste avec d'autres groupes de guérilla. Et cela continue de se compliquer.
Les trois groupes qui sont les principaux protagonistes du conflit essaient tous en un sens de se positionner car nous avons amorcé la dernière année du gouvernement de son Excellence le président Andres Pastrana. La Colombie s'engage donc dans un processus électoral.
[Français]
Nous sommes en pleine campagne électorale. On a quatre candidats sérieux, peut-on dire, à la présidence l'année prochaine. Il s'agit principalement de M. Horacio Serpa, qui était le candidat du Parti libéral lors des dernières élections, quand M. Pastrana a été élu. On peut dire que M. Serpa est le front-runner aujourd'hui avec à peu près 30 à 35 p. 100 de la faveur populaire dans les sondages.
• 1550
Deuxièmement, il y a l'ex-gouverneur de la province
d'Antioquia, M. Alvaro Uribe Velez.
[Traduction]
M. Velez est considéré comme un partisan de la ligne dure comme en font foi ses déclarations concernant ses rapports et ses discussions avec les groupes de guérilla. C'est assurément le candidat qui exerce le plus grand ascendant sur l'opinion publique, comme le montre la plupart des sondages, ce qui s'explique, à mon avis, par la détérioration du conflit. Son soutien, qui était assez épars au début de la présente année civile, a tellement pris d'ampleur qu'aux yeux de bien des observateurs, il vient au second rang des candidats et serait susceptible de faire la lutte à M. Serpa à mesure que la campagne électorale s'accélérera l'an prochain.
[Français]
La Colombie, comme la France, a deux tours pour l'élection du président. Le premier vote sera tenu le 29 mai et le deuxième, le 16 juin. Le nouveau président assumera la présidence de la république le 7 août, comme c'est la tradition dans le contexte colombien.
[Traduction]
Passons maintenant aux deux autres candidats. Mme Nohemi Sanin, ancienne ministre des Affaires étrangères sous le régime du président Cesa Gaviria, a fait très belle figure et terminé au troisième rang aux élections de 1998. À l'origine, elle était considérée comme favorite, mais ses appuis ont décliné depuis un mois et on se demande si sa candidature pourra bénéficier d'un second souffle. M. Serpa et elle ont tous deux exprimé leur désir de poursuivre la dynamique de paix et de négocier directement avec les groupes d'insurgés. Et en ce sens, ils offrent au peuple colombien une solution de rechange qui se démarque clairement de la position énoncée jusqu'à maintenant par M. Uribe Velez, ce dernier se proposant de modifier radicalement le processus de négociation.
Le quatrième candidat, que certains d'entre vous ont eu le privilège de rencontrer puisqu'il a comparu devant le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international, est M. Luis Eduardo Garzon.
[Français]
Il est le chef du plus grand syndicat en Colombie, la CUT, la Central Unitaria de Trabajadores.
[Traduction]
C'est le candidat de la social-démocratie de gauche en Colombie et il mène une campagne très vigoureuse axée principalement sur le respect des droits de la personne et la protection de la population civile dans le contexte du conflit.
La réalité de l'échéance électorale signifie que les divers protagonistes du conflit continuent de batailler pour se positionner. En Colombie, cela peut signifier commettre des actes de terrorisme dans le cas de nombreux groupes insurgés ou encore tenter d'influencer les résultats des élections. Nous entendons surveiller de très près la situation.
En fait, les ennemis de la paix sont nombreux en Colombie, mais le processus, malgré toutes ses failles, demeure vivant. Selon la perspective de l'ambassade, c'est un exercice que nous devons continuer d'encourager et de privilégier. En effet, en tant que représentants du gouvernement du Canada en Colombie, nous jugeons qu'une solution politique au conflit colombien est la seule solution acceptable pour le pays. Les solutions militaires ne sont tout simplement pas viables compte tenu de la géographie du territoire et du fait que ce conflit perdure depuis cinquante ans.
[Français]
Il y a beaucoup de frustration et de pessimisme au niveau public parce que le processus de paix que M. le président Pastrana a essayé n'a pas donné de résultats jusqu'à maintenant. Je pense que la Colombie trouvera éventuellement la paix, mais c'est un processus qui nécessitera probablement plusieurs années. M. Pastrana a été le premier président à avoir une stratégie complète au niveau d'un processus de négociation avec les insurgés, et je pense que ces efforts auront un jour un résultat positif pour le pays.
[Traduction]
L'impunité demeure le principal obstacle au processus de paix et au retour à la vie normale en Colombie. L'application de la règle de droit, particulièrement dans le cas des violations des droits de l'homme, indépendamment de leurs auteurs, demeure problématique, mais nous constatons de la part du gouvernement, des forces armées et d'autres éléments de la société des efforts qui nous portent à croire qu'on accorde maintenant une plus grande priorité à ces questions. On reconnaît désormais que la culture de l'impunité qui a été partie prenante de la réalité colombienne pendant plus de cinquante ans doit changer radicalement pour que la quête de la paix soit un succès.
[Français]
La question clé en Colombie est celle-ci: est-ce que le processus de la paix peut être une politique de l'État ou si c'est simplement une politique du gouvernement?
[Traduction]
Nous croyons que la paix en tant que politique de l'État peut et doit être appuyée à la fois par le peuple colombien et par la communauté internationale. Cela sera difficile, mais il n'y a pas d'autres choix que de rechercher des solutions politiques à ces problèmes et de s'assurer que le développement socio-économique et les autres éléments de la politique nationale s'alignent sur la quête de la paix. En effet, c'est uniquement de cette façon que la transformation nécessaire de la société colombienne débouchera sur la paix à long terme et pourra, en fait, s'enraciner dans le pays.
Cette année, on a eu quelques événements qui, peut-on dire, sont très, très positifs. L'engagement de la communauté internationale dans les deux processus avec les FARC et l'ELN est très positif. C'est la première fois que la communauté internationale et les Nations Unies, en particulier le représentant spécial du secrétaire général, M. Jan Egeland, qui est très respecté par tous les partis, le font. Je pense que c'est là une question assez importante pour l'avenir. Jusqu'ici, nous ne sommes pas le médiateur; nous sommes seulement les facilitateurs. J'ai bon espoir qu'à moyen terme, la communauté internationale aura la possibilité d'être un vrai médiateur, parce qu'il est très difficile pour le gouvernement d'être protagoniste et médiateur en même temps dans un conflit qui est assez compliqué.
[Traduction]
On discerne des signes d'espoir dans la société colombienne elle-même, par exemple la création de ce que l'on pourrait appeler des groupes d'organisation non gouvernementale, notamment Paz Columbia et d'autres, qui appuient les efforts visant à renforcer la protection des droits de l'homme, la culture des droits de l'homme, en Colombie. Ces groupes jouent un rôle positif dans le débat national.
Si l'on fait un survol des deux dernières années, je pense que la prise de conscience la plus importante qui a eu lieu en Colombie, c'est que la menace du paramilitarisme est perçue comme réelle, et est considérée comme un danger pour la viabilité des institutions mêmes de l'État colombien. Cela ne veut pas dire que l'on fait tout ce qui pourrait être fait pour confronter le paramilitarisme, mais je crois que l'engagement du président, des principaux ministres, des dirigeants des forces armées et de certains leaders d'opinion a orienté la Colombie dans la bonne direction. Il reste beaucoup de travail à faire.
Comme beaucoup d'entre vous le savent pour l'avoir appris de la bouche d'amis du Canada comme Kimy Pernia et d'autres qui ont disparu, et ceux qui continuent d'être victimes de ce conflit, le défi des droits de l'homme se pose de façon quotidienne en Colombie. J'aimerais pouvoir vous signaler des progrès plus importants. Il y a eu certains progrès, mais évidemment pas assez. Nous, en tant que Canadiens, continuons de faire tout notre possible pour promouvoir et protéger les droits fondamentaux de tous les Colombiens, mais aussi pour inculquer une culture de résolution pacifique des conflits comme seule et unique solution dans ce pays extraordinairement tourmenté depuis un demi-siècle.
Il reste beaucoup de chemin à parcourir, mais je pense que l'on a fait les premiers pas dans la bonne direction. J'ai bon espoir que l'on continuera d'assister à des progrès au cours du reste de mon mandat en Colombie et sous mes successeurs. Chose certaine, nous avons vu depuis deux ans le processus de paix connaître des hauts et des bas, des avancés et des reculs. Je préfère toutefois un processus de paix qui fonctionne, ne serait-ce que cahin-caha, plutôt que l'absence totale de processus de paix et le conflit armé, parce qu'en ce sens,
[Français]
les victimes seront principalement parmi la population civile colombienne. Avec déjà 2 millions de personnes déplacées dans le pays, je pense qu'on a la responsabilité, comme la communauté internationale, d'aider les Colombiens de toutes les façons possibles à trouver une solution pacifique à un conflit qui dure depuis plus de 50 ans déjà.
Merci beaucoup.
[Traduction]
La présidente: Merci, monsieur l'ambassadeur. Vous avez beaucoup dit en peu de temps.
Monsieur Obhrai, vous avez cinq minutes.
M. Deepak Obhrai: Je vous remercie beaucoup de votre exposé. Pour être bien franc, je dois partir pour aller prononcer un discours.
Voulez-vous reprendre, Keith?
La présidente: Nous espérons que vous reviendrez.
M. Keith Martin: N'est-ce pas merveilleux? Nous sommes interchangeables. Je dois m'acquitter de la tâche difficile de remplir les souliers de M. Obhrai.
Monsieur l'ambassadeur Rishchynski, je vous remercie d'être venu nous rencontrer. Je voudrais souscrire aux propos de la présidente et ajouter que vous faites un travail extraordinaire là-bas, dans des circonstances très difficiles et dangereuses. À titre de Canadien, je vous en remercie.
Le président Pastrana a dit au début du mois que la guerre contre la drogue ne fonctionne pas. Beaucoup d'observateurs estiment que le Plan colombien n'est pas la solution. Le président Pastrana a laissé entendre que l'Occident ne fait vraiment pas sa part en ne réduisant pas la consommation.
Je voudrais vous poser trois questions très simples. Premièrement, à votre avis, qu'avons-nous fait en Occident, au Canada, pour réduire la consommation? Personnellement, je crois que c'est un élément absolument fondamental de l'équation pour trouver une solution à ce conflit. On a envisagé à titre de solution, des permis d'import/export des produits chimiques précurseurs des drogues, de mesures du type RICO qui nous permettront de suivre l'argent à la trace et de savoir où il va, et de nouvelles méthodes pour le traitement des toxicomanes.
Deuxièmement, que fait le gouvernement pour neutraliser les paramilitaires?
Enfin, M. Serpa a adopté une attitude plus guerrière que M. Pastrana au sujet des FARC, ce qui me préoccupe beaucoup en tant qu'observateur. Vous avez dit que les solutions militaires ne permettront pas de résoudre ce conflit et je suis d'accord avec vous là-dessus.
• 1600
D'après ce que vous avez observé, y a-t-il des points sur
lesquels pourraient s'entendre le FARC et le gouvernement, qu'il
s'agisse de réformes agraires ou de tout autre domaine, auxquels le
Canada ou le G-10 pourrait peut-être participer? Sur quels points
pourrions-nous encourager le gouvernement et le FARC à se
concentrer vraiment?
Je vous remercie.
M. Guillermo Rishchynski: Monsieur Martin, je vous remercie beaucoup.
Pour ce qui est de la première question, soit de la politique du Canada relative à la consommation de drogues, nous, de l'ambassade, avons suivi avec beaucoup d'intérêt l'évolution des initiatives prises tant au Parlement qu'au sein des ministères du gouvernement pour régler cette question. Manifestement, il faut faire beaucoup plus du côté de la demande. Ce n'est pas le problème de la Colombie. C'est un problème international.
Nous avons déployé certains efforts, je crois, par exemple en informant les jeunes en particulier du danger que représentent les drogues, mais à mon humble avis, la consommation devra être la pièce centrale d'une stratégie internationale qui engage la participation non seulement de l'Amérique du Nord, mais aussi de l'Europe. La croissance de la demande de drogues actuellement vient surtout de l'Europe. La demande nord-américaine stagne plus ou moins en termes de croissance annuelle, mais en Europe, de nouveaux marchés ont vu le jour. Si l'on peut faire une généralisation aussi grossière, sur le plan de la consommation, l'Europe était un continent dominé en grande partie par l'héroïne jusqu'à tout récemment. La cocaïne fait désormais partie des principales sources nouvelles de gratification, si je puis l'exprimer ainsi, pour les utilisateurs de pareilles drogues.
À mon avis, il faut que cette question soit le point central d'une initiative mondiale. Les mesures prises à l'égard des précurseurs chimiques dans un régime de contrôle des exportations et des importations contribueraient certes énormément à enlever aux transformateurs de coca brute les intrants nécessaires pour raffiner le produit en Colombie et le livrer aux marchés de consommation. Nous n'en avons pas assez fait, de toute évidence, car ces produits chimiques entrent au pays en nombre record. La détérioration de l'environnement causée par ces produits chimiques est un problème auquel très peu d'entre nous se sont attardés. Il faut en effet se demander quel sera leur effet à long terme sur le bassin de l'Amazonie, poumon de la planète. Quand on connaît les produits chimiques comme l'acétone qui sont rejetés dans les cours d'eau de la Colombie, Dieu nous préserve de l'impact ultime qu'ils auront sur l'intégrité des bassins de l'Amazonie et de l'Orinoco, la source de tant d'oxygène sur la planète.
Les efforts déployés relativement à la demande, au contrôle et à la réduction en sont à leurs balbutiements. Il faut faire beaucoup plus. Une mesure très positive que nous avons prise en Colombie a été d'importer là-bas nos propres experts de réduction de la demande et de mettre sur pied des programmes de lutte contre la toxicomanie en vue de collaborer avec RUMBOS, c'est-à-dire le programme de lutte antidrogue du président. Pour la première fois, la consommation de drogues est en train de devenir un problème au sein même de la société colombienne. Il y a dix ans, il était très rare de trouver quelqu'un qui consommait des drogues en Colombie. Le problème prend maintenant de l'ampleur parce que, souvent, ceux qui font pousser de la coca et de l'héroïne sont maintenant payés avec des drogues plutôt qu'avec de l'argent. Cela est certes de très mauvais augure.
J'espère que ce que je viens de dire répond à votre question au sujet de la demande. J'estime qu'il faut faire bien plus en termes de stratégie globale. J'espère qu'à l'avenir, notre gouvernement examinera la question d'un peu plus près.
Pour ce qui est de neutraliser les paramilitaires, je peux vous dire que, d'après notre expérience, on constate un effort—de la part du gouvernement ainsi qu'un effort manifeste de la part du vice-président de la République, M. Bell Gustavo Lemus, qui cumule également maintenant la charge de Haut commissaire aux droits de la personne et de ministre de la Défense, en vue de bien faire comprendre aux militaires colombiens que la connivence et le commerce avec les paramilitaires est un comportement inacceptable de la part de personnes ou de groupes manifestement chargés d'assurer la protection constitutionnelle de la République.
Il faut faire bien plus. À vrai dire, nous partons de très loin, et je crois qu'il faut applaudir les efforts qu'ils déploient aujourd'hui et les exhorter à faire beaucoup plus. Le Canada a pu les y aider en prodiguant aux forces armées de la formation en matière de respect des droits de la personne. Nous avons réussi à donner un cours à plus de 1 000 officiers et sous-officiers, cours qui a été conçu par le Canada à partir de documents utilisés dans nos propres programmes de sécurité humaine qui font ressortir le besoin pour les militaires de protéger les droits de la personne et d'en promouvoir le respect.
Je crois qu'on s'oriente dans la bonne voie, mais il faut manifestement faire beaucoup plus. C'est particulièrement le cas, si l'on revient à ce que j'ai dit tout à l'heure, sur le plan de la culture de l'impunité. Le problème en Colombie, en ce qui concerne les violations des droits de la personne, plus particulièrement celles qui sont commises par les paramilitaires, c'est que les témoins de ces actes hésitent beaucoup à en témoigner devant les tribunaux, pour des raisons évidentes. Il existe donc un cercle vicieux, en ce sens qu'on est incapable de faire la preuve des violations et donc incapable de punir ceux qui les commettent.
• 1605
On reconnaît maintenant—et je l'ai certes constaté durant mes
deux années là-bas—que les paramilitaires, qui n'étaient pas vus
comme un danger pour l'intégrité et la viabilité des institutions
colombiennes au début du régime Pastrana sont maintenant perçus
comme la très grande menace qu'ils représentent. Assurément, si
l'on voyage dans les régions du pays qui sont dominées par les
paramilitaires, on est frappé par la peur qui habite la population
civile. Toute dissidence, sous quelque forme que ce soit, est
manifestement très dangereuse. Le gouvernement commence selon moi
à s'attaquer aux causes structurelles de ces maux, mais il faudra
qu'il en fasse beaucoup plus. À vrai dire, il faudra qu'il
s'attaque aux paramilitaires dans un sens militaire au besoin, ce
qui ne se produit pas très souvent.
Les cas de collusion entre ce que je qualifierais de soldats et d'officiers de niveau moyen de l'armée colombienne et les forces paramilitaires demeurent un problème et un défi. Les militaires l'acceptent et reconnaissent qu'ils doivent faire plus. Un des domaines où nous espérons avoir un effet à cet égard est le fait que nous avons maintenant en poste, pour la première fois, un attaché des Forces canadiennes à Bogota qui travaillera tous les jours auprès des militaires et qui insistera pour dire que, dans l'optique du gouvernement du Canada, tout lien entre les militaires et les paramilitaires est inacceptable, quelles que soient les circonstances, et qu'il faut que le gouvernement fasse beaucoup plus. Pour la première fois, on a pu voir au cours des deux dernières années des généraux et des commandants traduits devant les tribunaux et emprisonnés pour violation des droits de la personne. Il s'agit surtout de cas exemplaires, cependant. Il faut punir tous ceux qui commettent ces violations et le faire avec constance, ce qui est difficile dans une culture où l'impunité a été la règle plutôt que l'exception.
Il faudrait reconnaître l'effort fait par le gouvernement, et je crois qu'on est en train de le faire, mais il reste encore beaucoup à faire. L'acceptabilité de rapports avec les paramilitaires est, aux yeux de la communauté internationale, intolérable. C'est un message que transmet le Canada, que transmettent les États-Unis et que transmettent tous les pays européens lorsqu'ils ont des contacts avec le gouvernement de la Colombie et avec ses forces armées.
La présidente: Monsieur l'ambassadeur, puis-je vous interrompre?
M. Guillermo Rishchynski: Oui.
La présidente: Ils vont vous poser d'autres questions. Vous pourrez en y répondant ajouter les choses que vous tenez à nous dire.
Monsieur Dubé.
[Français]
M. Antoine Dubé (Lévis-et-Chutes-de-la-Chaudière, BQ): Merci, madame la présidente, et merci aussi à M. l'ambassadeur pour son exposé.
Lors de la dernière rencontre du comité à laquelle j'ai participé—et je ne pense pas dévoiler un secret—on avait invoqué la possibilité que le sous-comité se déplace pour aller en Colombie. J'aimerais avoir votre avis là-dessus. Peut-être l'avez-vous déjà donné, mais au début, j'avais perdu l'interprétation. Pensez-vous qu'il serait utile, à ce moment-ci, qu'un sous-comité comme le nôtre se rende en Colombie?
Deuxièmement, est-ce que ce serait sécuritaire de le faire et quelle serait votre recommandation?
M. Guillermo Rishchynski: Nous, comme ambassade, sommes totalement d'accord sur la possibilité d'une visite, parce que l'impact des visites des représentants de la communauté internationale en Colombie pour appuyer les efforts locaux est très important pour donner un certain espoir aux organisations dans le pays qui travaillent quotidiennement à promouvoir les droits de la personne. Il est important d'avoir cet appui public de la communauté internationale en Colombie.
Quant à l'aspect sécuritaire, notre sécurité est votre sécurité. Moi, je suis en Colombie depuis déjà deux ans. La sécurité est un défi. Mais on peut opérer, on peut aller dans le pays. Plusieurs députés, dont M. Robinson et M. Martin, qui étaient là avec nous, ont été, je l'espère, très bien protégés. On a eu la possibilité d'aller aux endroits où il y avait des conflits et d'avoir des discussions directes avec les autres militaires et avec les organisations locales qui travaillent à promouvoir les droits de la personne.
On a l'idée de suggérer un programme avec trois villes comme focus, si on peut utiliser ce mot. Il y aurait quelques journées à Bogotá pour avoir des contacts officiels avec le gouvernement—évidemment, c'est très important—ainsi qu'avec les ONG et les autres organisations telles que les organisations multilatérales comme, par exemple, les Nations Unies, les organisations internationales de migration, pour toucher au niveau «macro» toute la question des droits de la personne.
• 1610
Mais en même temps, nous pensons
qu'il est indispensable de visiter les autre endroits en
Colombie, parce qu'il ne suffit pas de connaître
Bogotá pour avoir une connaissance de la Colombie. Il
faut aller aux endroits comme Barrancabermeja,
où la situation est très conflictuelle, et donner un appui
visible aux interlocuteurs qui travaillent là aux
questions des droits de la personne. On a peut-être
eu l'idée d'aller à Tierralta, dans l'État de
Córdoba,
à l'endroit où M. Kimy Pernia,
le chef autochtone,
a été enlevé au mois de juin. Nous pensons qu'on peut faire un
programme de ce type en quatre ou cinq journées de
travail.
Au niveau de la sécurité, bien sûr, on va avoir la coopération totale du gouvernement colombien et aussi la sécurité assurée par l'ambassade. Je suis absolument sûr que le sous-comité peut y aller sans aucune considération négative au niveau de la sécurité, mais si la situation change, l'ambassade vous recommandera d'annuler la visite. Je pense que c'est très possible. Je pense aussi qu'au niveau colombien, par exemple au niveau des parlementaires colombiens qui travaillent aux questions des droits de la personne, votre visite serait très appréciée. Il pourrait y avoir, entre les députés des deux pays, des échanges concernant les questions de droits de la personne, qui touchent presque tous les aspects du conflit colombien.
Je vous recommande très fortement cette visite. À mon avis, ce serait très important et ce serait un complément très efficace à tous les autres travaux que le Canada fait aujourd'hui dans le contexte colombien. Au niveau de la sécurité, on va faire une analyse 24 heures avant le départ du Canada, et si la situation est bonne, je pense qu'on pourra faire ce voyage. Si les circonstances ne sont pas positives, on va dire la vérité et annuler la visite.
M. Antoine Dubé: Vous pourriez peut-être indiquer une période possible. Vous dites qu'il y aura des élections présidentielles. Faut-il tenir compte de cela aussi?
J'ai une autre question. Elle sera courte, mais la réponse sera peut-être longue. Il n'y a pas seulement le Canada qui se préoccupe de la Colombie, bien sûr. Il y a les États-Unis, qui sont un peu occupés ailleurs ces temps-ci, mais il y a aussi d'autres pays. Est-ce que vous êtes en relations constantes avec d'autres ambassadeurs qui peuvent intervenir en Colombie au plan diplomatique?
M. Guillermo Rishchynski: À votre dernière question, je répondrai que cela se fait quotidiennement. On a des réunions du G-10 et des autres groupes. On a un groupe de 26 pays, en plus du Vatican et des Nations Unies, qui sont mêlés à toutes les questions politiques de Colombie. On a peut-être trop de réunions entre nous et on aimerait peut-être, de temps en temps, en faire plus avec les acteurs du conflit, mais je peux vous assurer que c'est la responsabilité principale de notre ambassade, après la sécurité des Canadiens qui demeurent en Colombie.
En ce qui concerne une période pour faire une visite, à l'ambassade, nous avons un peu parlé de la semaine du 15 octobre, si c'était possible pour le comité. Sinon, nous sommes à votre disposition. Je pense que la visite sera bien appréciée. Le calendrier électoral est là, et j'espère que vous aurez la possibilité de dialoguer avec les candidats. Cela n'est pas sûr, parce qu'ils sont très occupés. Ils voyagent dans tous le pays. On a de très bons contacts avec eux, et j'espère qu'au moins un ou deux des candidats seront disponibles pour vous voir à Bogotá.
Vous pourrez aussi rencontrer le président, le vice-président et le défenseur du peuple, c'est-à-dire la personne au gouvernement qui s'occupe des droits de la personne au plan quotidien. Ce dernier est aussi très important. Vous pourrez voir le vice-président, dans ce contexte du haut-commissariat des droits de la personne pour le gouvernement, ainsi que les ONG. Vous aurez ainsi un panorama de tous les acteurs et de l'opinion qui existe en Colombie. Vous reviendrez ici avec un panorama plus clair de la situation, ainsi que des défis, des contributions que le Canada a faites jusqu'à maintenant et des autres contributions qui seraient possibles à l'avenir.
[Traduction]
La présidente: Je vous remercie beaucoup.
Monsieur Bellemare.
[Français]
M. Eugène Bellemare (Ottawa—Orléans, Lib.): Monsieur l'ambassadeur et résidant d'Orléans, on parlait de la sécurité au cours d'une éventuelle visite. Étant donné qu'il y a tellement d'enlèvements—vous avez même mentionné qu'un ex-gouverneur avait été enlevé—nous sommes toujours nerveux puisqu'il n'y a rien de garanti au point de vue de la sécurité.
M. Guillermo Rishchynski: Il n'y a pas de garantie absolue. La Colombie est un pays où on rapporte 3 500 enlèvements chaque année. La possibilité existe, mais je pense que pour la visite d'une délégation parlementaire canadienne, la sécurité offerte par le gouvernement et par l'ambassade sera suffisante pour faire les travaux qu'on voudra faire sur place.
Il est très possible qu'un voyage prévu à un endroit soit annulé au dernier moment, parce que notre connaissance des défis sécuritaires peut changer d'une journée à l'autre, mais je peux vous assurer que notre sécurité, comme ambassade, est votre sécurité comme comité, et nous, nous sommes capables de voyager à plusieurs endroits sans aucune difficulté. La réception, dans presque tous les cas, est très positive, parce que les gens qui travaillent dans le domaine des droits de la personne, les autorités responsables des droits de la personne veulent avoir ce contact avec la communauté internationale pour donner un appui visible à leurs efforts.
La possibilité d'aller à Barrancabermeja, comme M. Robinson l'a fait, et de passer une heure ou deux avec les personnes qui travaillent dans les ONG, dans les organisations populaires qui s'occupent des problèmes relatifs aux droits de la personne, c'est assez important pour eux en termes d'appui moral. C'est un appui efficace et véritable qui peut avoir une influence positive. Le fait que la communauté internationale soit là avec eux leur donne un certain sentiment de protection après notre départ. À ce jour, on a trouvé, dans presque tous les cas, que la présence internationale pouvait contribuer à améliorer les situations à court terme, bien sûr, et ça, c'est indispensable pour les personnes qui sont touchées quotidiennement par les menaces. C'est une réalité. Ce pays est violent, mais en même temps, on peut opérer là. L'ambassade est capable de le faire et je pense que le comité en est capable, lui aussi.
M. Eugène Bellemare: Est-ce que c'est non sécuritaire pour un enseignant d'aller enseigner à un endroit comme Cali, par exemple?
M. Guillermo Rishchynski: Dans la ville même, non. Jusqu'ici, la situation dans les six ou sept grandes villes du pays est totalement acceptable.
M. Eugène Bellemare: Est-ce qu'il y a des Canadiens qui contribuent aux problèmes et aux différents conflits, d'après vous?
M. Guillermo Rishchynski: Voulez-vous dire une contribution négative à un conflit?
M. Eugène Bellemare: Oui.
M. Guillermo Rishchynski: Jusqu'ici, non. Il y a eu des Canadiens qui ont visité la Colombie pour appuyer les efforts des organisations locales. Jusqu'à maintenant, ces visites ont été les bienvenues. Ils ont eu la possibilité de voir la réalité colombienne sur place. C'est une réalité difficile. Un ajustement intellectuel est nécessaire pour bien comprendre cette situation, mais jusqu'à maintenant, à aucun moment une contribution canadienne n'a été perçue comme négative pour la situation locale.
M. Eugène Bellemare: Comment le gouvernement peut-il se protéger contre la vente d'armements, d'avions ou même d'hélicoptères à une tierce partie? Comme on le sait, aux États-Unis, plusieurs entreprises achètent des armements usagés, tels que des hélicoptères, les recyclent et les vendent à des endroits comme au Soudan et, on l'a entendu dire, même en Colombie. Comment le gouvernement peut-il se protéger afin d'empêcher une telle situation?
M. Guillermo Rishchynski: Je pense que notre régime de contrôle des exportations des équipements offensifs en Colombie est très clair. Nous ne sommes pas mêlés à la vente directe d'équipements qui pourraient être utilisés d'une façon offensive dans le pays. Il y a eu des cas où ils ont décidé de faire un certain recyclage d'équipements canadiens vendus à un autre pays. Je ne sais pas comment on peut contrôler cela. Je pense qu'au niveau bilatéral, il faut peut-être être plus clair avec ses interlocuteurs concernant cette réalité. Mais à ce jour, je pense que la participation canadienne en matière d'aide à l'État colombien est justifiable, en ce sens que les choses qu'on a faites directement dans nos échanges bilatéraux sont justifiables en vertu de la loi canadienne et de notre régime de contrôle des exportations.
M. Eugène Bellemare: Ma dernière question...
[Traduction]
La présidente: Monsieur Bellemare, nous reviendrons à vous un peu plus tard.
Monsieur Robinson.
M. Svend Robinson: Merci beaucoup, madame la présidente.
J'aimerais me joindre aux autres pour remercier l'ambassadeur Rishchynski de l'excellent travail qu'il accomplit. En tant que Canadien, je suis certes très fier d'être si bien représenté, de savoir que notre pays est vu favorablement non seulement par les travailleurs des droits de la personne, mais aussi par de nombreux autres en Colombie.
Je tiens aussi, par l'intermédiaire de l'ambassadeur, à remercier le personnel de l'ambassade. Il n'est pas facile de travailler dans ce pays, et la vie n'est pas toujours rose à l'ambassade, mais ces personnes d'un grand dévouement rendent de grands services au Canada.
Comme l'a mentionné l'ambassadeur, j'ai eu le privilège de les accompagner à Barrancabermeja alors que les tensions étaient très vives. Neuf personnes venaient d'être tuées dans les 24 heures qui ont précédé notre arrivée. C'était dévastateur. Nous sommes donc bien représentés là-bas.
Je vais poser quatre questions, puis demander à l'ambassadeur d'y répondre. Une de ces questions découle en fait d'une autre question posée par M. Bellemare, en ce qui concerne les hélicoptères canadiens qui sont utilisés par la composante militaire du Plan Colombie. Comme le sait l'ambassadeur, de vives préoccupations ont été exprimées à la Chambre par moi et par d'autres au sujet du fait que des hélicoptères dirigés vers les États-Unis se retrouvaient en Colombie, dans le cadre de la composante militaire du plan.
L'ambassadeur est-il préoccupé par cette question et, dans l'affirmative, que devrions-nous faire selon lui pour dissiper ces inquiétudes, probablement dans le cadre, en grande partie, de nos relations bilatérales avec les États-Unis?
Ensuite, l'ambassadeur a parlé de la disparition de Kimy Peria Domico, que beaucoup d'entre nous avons rencontré et que nous respectons. Je sais que l'ambassade a beaucoup aidé à transmettre nos préoccupations aux hauts fonctionnaires entre autres du gouvernement de Colombie. Des groupes comme le Comité inter-églises des droits humains en Amérique latine nous en ont parlé.
J'aimerais demander à l'ambassadeur quelle a été la réaction de ces hauts fonctionnaires—en termes concrets, non seulement sur le plan des relations publiques, mais en termes concrets. En effet, j'ai également entendu parler de beaucoup de critiques, entre autres de la Commission colombienne de juristes, selon lesquelles les véritables mesures prises sur le terrain en réaction à cet enlèvement étaient loin d'être à la hauteur des attentes du Canada.
Ma troisième question concerne les réfugiés. Quel est le niveau actuel des contingents? Nous savons qu'étant donné le contexte—l'assassinat de syndicalistes, par exemple, dont plus d'une centaine sont morts cette année et la dévastation—des pressions s'exerceront sur le Canada pour qu'il accepte plus de réfugiés. Comment l'ambassade réagit-elle à cela? Avons-nous besoin de plus de ressources?
La présidente: Monsieur Robinson, l'ambassadeur peut-il répondre à ces questions? Vous avez presque épuisé tout le temps qui vous était alloué.
M. Svend Robinson: Bien sûr. Je reviendrai à la charge.
La présidente: Monsieur l'ambassadeur.
M. Guillermo Rishchynski: Monsieur Robinson, pour ce qui est des hélicoptères canadiens, je crois que l'expression est mal choisie. Ce sont des hélicoptères que le Canada a acheté des États-Unis, qui leur ont ensuite été revendus, puis après quelques années quand le titre de propriété a été rendu au gouvernement des États-Unis, ont été fournis au gouvernement de la Colombie. Je ne crois pas que l'on puisse raisonnablement les qualifier d'hélicoptères canadiens.
Il faut effectivement régler cette question, dans le cadre de négociations bilatérales avec les Américains au sujet du régime de contrôle des exportations, mais en tant qu'ambassadeur du Canada, j'ai la conviction que nous ne sommes pas impliqués dans la vente d'équipement offensif à la Colombie. Cette politique, qui est la nôtre depuis très longtemps, continue de bien nous servir et devrait continuer d'être l'assise de notre façon d'agir dans un environnement aussi complexe que le contexte actuel.
Parallèlement, il est dans notre intérêt, je crois, en tant que Canadiens d'aider les forces armées colombiennes à accroître leur professionnalisme. La formation en respect des droits de la personne que nous prodiguons—1 000 officiers et sous-officiers au moins l'ont suivie—nous rend aussi beaucoup service, en ce sens que le Canada est perçu comme un collaborateur sérieux dans un dossier que bon nombre de militaires prennent maintenant beaucoup plus au sérieux.
Au début du mois d'août, j'ai eu le plaisir d'accompagner l'inspecteur général de l'armée à une cérémonie de remise de diplômes à quelque 300 sous-officiers. Ce sont des chefs de peloton. C'est à ce niveau que la situation concernant les droits de la personne est la plus palpable, si je peux le dire ainsi, et c'est à ce niveau qu'il faut le plus agir avec professionnalisme. Les commentaires du général Sanchez et l'engagement pris par les commandants supérieurs et, en fait, par ceux qui avaient suivi le cours m'ont fait chaud au coeur.
On peut voir les débuts d'un changement, d'un changement qu'il faut soutenir. Ce que nous faisons là-bas va rapporter un dividende, en ce sens que les forces armées de Colombie vont se comporter de manière plus professionnelle. La Colombie a besoin d'une armée qui peut se défendre, cela ne fait aucun doute. On fait de grands pas là-bas et maintenant que le vice-président est ministre de la Défense, j'espère qu'on continuera d'accélérer le pas dans le règlement de ces questions.
• 1625
Pour ce qui est de la disparition de Kimy Pernia à Tierralta
et de la réaction des hauts fonctionnaires, l'ambassade a effectué
je crois cinq visites à Tierralta depuis l'enlèvement. Je suis
convaincu que l'enquête locale qui a été lancée en vue de retrouver
M. Pernia après son enlèvement a été un bon effort et un effort
délibéré de la part des autorités. Certains groupes estimaient
qu'il aurait fallu faire davantage. Certes, quand les collectivités
autochtones ont entamé leurs propres recherches, elles avaient
espéré obtenir une meilleure coopération du gouvernement et des
autorités locales. Il y avait un conflit avec le gouverneur quand
les Autochtones sont venus à Tierralta pour entamer leurs
recherches. Ils estimaient que la coopération avait été moins... La
situation était compliquée parce que d'autres événements se
déroulaient dans la province et que le gouverneur était préoccupé
par la sécurité. Certes, il y a eu manque de compréhension entre
les parties.
Toutefois, j'estime que la meilleure chose que nous puissions faire en tant que Canadiens est de continuer à exercer des pressions—en allant à Tierralta, en talonnant les autorités locales et en disant que le problème ne s'en ira pas de lui-même; le Canada souhaite que Kimy Pernia soit rendu à sa collectivité. Nous continuerons de le faire. Je prierais instamment le comité d'envisager, durant sa visite en Colombie, la possibilité de se rendre à Tierralta et de livrer le même message, parce que c'est ainsi—en maintenant le dossier actif—qu'on obtient de l'action des autorités locales. Rien ne me réjouirait plus que de voir Kimy retourner chez lui demain, mais il n'est pas, en réalité, le seul dirigeant autochtone qui a disparu. D'autres ont disparu avant lui et, malheureusement, d'autres ont été assassinés publiquement dans la même région, après l'enlèvement de Kimy.
J'espère que nous pouvons continuer d'exercer des pressions sur les autorités locales, qu'il s'agisse du commandant militaire, du chef de police, du maire, du gouverneur, de toutes les autorités de cette province. Il faut leur répéter sans cesse que le Canada accorde de l'importance à cette vie humaine, à la vie de Kimy Pernia. En agissant ainsi, nous pouvons aider à faire en sorte qu'il continue d'être une priorité auprès des autorités locales.
La présidente: Avons-nous appris quoi que ce soit qui permet de croire qu'il est toujours vivant?
M. Guillermo Rishchynski: Nous l'ignorons. Nous n'avons entendu parler de personne qui ait vu M. Pernia depuis peu après son enlèvement. Nous espérons certainement qu'il est toujours prisonnier et qu'il sera rendu à sa collectivité. Nous continuerons à faire en sorte que les autorités locales ne peuvent pas oublier la question. En tant que Canadiens, ceux d'entre nous qui connaissent cet homme, qui savent à quel point il a contribué à la vie de son peuple et l'importance qu'il revêt pour lui, sont convaincus qu'il faut déployer tous les efforts possibles en vue de le faire libérer et de le faire libérer au plus tôt.
Pour ce qui est de la question des réfugiés, je n'ai pas eu l'occasion de faire le point avec le personnel de l'ambassade depuis la visite de Mme Caplan en Colombie, la semaine dernière. Elle a pu, de même que les hauts fonctionnaires du ministère de l'Immigration qui l'accompagnaient, se rendre compte de la situation locale elle-même. Déjà, en tant que représentants du Canada, nous offrons le plus important programme de réfugiés. Le programme est à vrai dire encombré, mais je crois que nous répondons de manière adéquate aux besoins les plus pressants. Ce que j'espère, c'est qu'à la suite de cette visite, Mme Caplan et ses fonctionnaires referont l'examen de la situation en Colombie. La question n'est pas tant la capacité de répondre que les ressources humaines requises, et nous allons de toute évidence avoir besoin d'aide en tant qu'ambassade si, en réalité, le programme prend de l'expansion.
Avec les visas de visiteur, les visas d'étudiants, les demandes d'asile et les demandes courantes d'immigration, notre personnel est mis à très rude épreuve. Par contre, il est composé de personnes extraordinaires qui travaillent extrêmement fort à satisfaire non seulement aux exigences du droit canadien, mais aussi aux demandes de ceux qui les pressentent pour un de ces programmes. Maintenant qu'elle a pu constater par elle-même comment cela fonctionne, Mme Caplan de même que ses hauts fonctionnaires auront une bien meilleure idée de la situation, et nous attendrons les décisions qui découleront de cette visite.
Il est très important, de mon point de vue en tant qu'ambassadeur, que la ministre canadienne de l'Immigration se soit rendue en Colombie. Nous l'applaudissons pour l'avoir fait. J'étais censé prendre l'avion le 11 pour l'accueillir à son arrivée. Vous comprendrez que je n'ai pu être là-bas à temps, mais je crois savoir que la visite s'est très bien déroulée, que Mme Caplan comprend maintenant beaucoup mieux le problème et rencontrera ses hauts fonctionnaires pour élaborer des stratégies en conséquence.
La présidente: Monsieur l'ambassadeur, je vous remercie beaucoup.
Monsieur Cotler.
M. Irwin Cotler (Mont-Royal, Lib.): Monsieur l'ambassadeur, je tiens moi aussi à vous dire à quel point votre travail est apprécié. En fait, les témoignages entendus par notre sous-comité d'avril à juin ont été unanimes à louanger le travail fait par notre ambassade, sous votre direction. Je tenais simplement à le dire.
• 1630
J'ai trois brèves questions, bien que les réponses ne soient
peut-être pas aussi courtes. J'aimerais tout d'abord savoir si l'on
a observé un changement dans la politique du gouvernement des
États-Unis à l'égard de la Colombie depuis l'élection du président
Bush. Je sais que vous avez fait allusion à ce qu'a déclaré
M. Grossman. Nous avons entendu dire que la nouvelle administration
se dit confrontée à «des choix déchirants». Nous savons que le
secrétaire d'État Colin Powell, comme vous l'avez dit vous-même,
devait être là le 11 septembre, mais qu'il en a été empêché. Y
a-t-il quoi que ce soit qui vous laisse croire que l'administration
Bush fera peut-être les choses différemment de l'administration
Clinton? Les attaques de New York et la guerre au terrorisme de
même que la formation d'une coalition antiterroriste
changeront-elles leur politique?
Je crois que je vais peut-être me contenter de ces questions.
M. Guillermo Rishchynski: Monsieur Cotler, en tant que diplômé de McGill, je vais prendre plaisir à répondre à votre question.
Pour ce qui est de changements survenus dans la politique américaine depuis l'accession du président Bush au pouvoir, je crois que le résultat le plus tangible que nous avons constaté en si peu de temps a été la reconnaissance par l'administration qu'il lui faut, en un certain sens, examiner le contexte de la Colombie en termes beaucoup plus régionaux que ne le faisait l'administration Clinton. À cet égard, l'initiative régionale andine préconisée par l'administration Bush et qu'on a commencé à mettre en oeuvre a reconnu qu'il fallait s'occuper de l'impact régional qu'avait le conflit colombien sur des pays comme l'Équateur, le nord du Pérou et, particulièrement, le Brésil. Il faut que la politique des États-Unis dans la région inclue ces pays dans une approche beaucoup plus holistique, si l'on peut l'appeler ainsi.
On en est aux tous premiers débuts et je crois que l'on ne sait pas encore quels seront les résultats pratiques du changement que nous avons pu observer depuis que l'équipe Bush a commencé à se pencher sur la question.
La visite de M. Grossman était censée être une sorte de pré-visite pour le secrétaire Powell. M. Powell venait essentiellement afin d'évaluer la politique américaine et son orientation pour l'avenir.
Certains aspects de ce qu'ont dit les Américains à propos, par exemple, des efforts faits pour examiner l'impact environnemental et humain des programmes d'épandage aérien, m'encouragent. Maintenant que cette politique est en vigueur en Colombie depuis neuf ans, c'est quelque chose qu'il faut probablement faire pour comprendre l'impact sur le sol, l'eau et les gens. C'est à mon avis un point positif.
Après les événements du 11 septembre, il est extrêmement difficile aujourd'hui de faire des spéculations. Il est clair que les trois grands acteurs armés du conflit se retrouvent tous sur la liste américaine des organisations terroristes. Les Américains devront expliquer au Canada ainsi qu'à la collectivité internationale les approches qu'ils se proposent de privilégier. J'hésite à faire des spéculations pour l'instant, tant que nous ne serons pas plus éclairés sur l'orientation générale des États-Unis à cet égard.
La Colombie est évidemment un pays dont la situation est complexe et où les États-Unis ont considérablement investi en termes de ressources pour essayer d'être utiles, de leur point de vue, et pour appuyer le gouvernement Pastrana. Le Canada et d'autres pays dans la région ainsi que la collectivité internationale font de même. Il est toutefois très difficile en ce moment précis de prévoir les éventuels impacts immédiats ou même à moyen terme de l'attitude américaine après le 11 septembre. Je crois que c'est un point sur lequel notre ambassade va bien sûr s'attarder et qu'elle va considérer comme une priorité absolue.
M. Irwin Cotler: J'ai une deuxième question à poser.
Nous entendons beaucoup parler de complicité d'entreprises dans différents conflits à l'échelle de la planète; ainsi, l'exemple au Soudan qui a fait grand bruit. Certains témoins que nous avons reçus ont insinué qu'il y avait une complicité d'entreprises—et en fait d'entreprises canadiennes—dans l'industrie minière, susceptible d'exacerber le conflit et peut-être de porter atteinte à la sécurité des civils. Il a même d'ailleurs été fait mention de Talisman, dont on a beaucoup parlé au Soudan, mais peut-être moins en ce qui concerne la Colombie.
Avez-vous des preuves d'une complicité d'entreprises canadiennes qui pourrait exacerber le conflit?
M. Guillermo Rishchynski: Nous n'en avons aucune preuve, monsieur Cotler; au contraire, et je suis heureux de le dire—c'est quelque chose dont je tire beaucoup de fierté en tant que Canadien et ambassadeur en Colombie—les entreprises canadiennes en Colombie affichent une attitude de responsabilité et se soucient de la façon dont elles sont perçues en ce qui a trait au travail qu'elles effectuent ainsi que dans les mesures pratiques qu'elles prennent sur le terrain.
La Chambre de commerce Canada-Colombie a été le premier groupe d'affaires bilatéral à parrainer en Colombie, à l'intention d'investisseurs internationaux, un débat public sur des questions d'investissement éthique dans les droits de la personne. C'était un effort pubescent, si l'on peut dire, puisque cinq cents personnes avaient été invitées alors que 55 seulement sont venues; toutefois, la Chambre de commerce prévoit maintenant un deuxième forum sur ces questions et coopère actuellement avec d'autres organisations d'affaires bilatérales qui pensent que, effectivement, les entreprises doivent débattre de ces questions en public et que nous devons y participer. Cette attitude me plaît, car elle témoigne d'un leadership de la part des entreprises canadiennes.
Dans le cas particulier de l'industrie minière, il a été fait mention sur certains sites Internet et ailleurs d'une entreprise canadienne, filiale d'une grande société américaine, qui travaillait dans des domaines relevant des forces paramilitaires. Nous avons examiné la question en détail en tant qu'ambassade et avons convoqué les représentants locaux de ces entreprises; nous sommes arrivés à la conclusion que ces entreprises ne faisaient rien ou n'entreprenaient rien qui puisse paraître contraire à l'éthique.
Dans le cas de l'industrie pétrolière où plusieurs entreprises canadiennes de diverses importances sont présentes, je crois que nous pouvons voir qu'elles s'engagent à agir de manière responsable, à consulter la population locale et à essayer de jouer un rôle positif dans le domaine du développement économique. Il est intéressant de voir que ceux qui s'opposent au gouvernement colombien, y compris les guérilleros, ne se déclarent pas opposés au développement économique. Ils veulent toutefois un développement économique qui prenne en compte les exigences et les aspirations de la population locale. Je crois que beaucoup de nos entreprises, bien avant de faire quoi que ce soit sur le terrain, font certainement le genre de travail voulu pour s'assurer qu'elles consultent non seulement au sujet de l'impact de l'activité économique, mais aussi au sujet du résultat et de la participation des collectivités locales. En tant qu'ambassadeur, je suis convaincu que les Canadiens agissent de façon responsable. S'ils ne le faisaient pas, croyez-moi, je serais le premier à leur poser des questions.
La présidente: Merci, monsieur l'ambassadeur.
Svend, voulez-vous maintenant poser juste une question?
M. Svend Robinson: Certainement.
J'ai deux questions, mais je voudrais simplement faire une observation avant de poser une question relative au problème soulevé par M. Cotler au sujet de la complicité des entreprises canadiennes. Je pense que l'une des grandes préoccupations qui a été soulevée, c'est le lien qui existe entre l'investissement étranger, notamment dans les secteurs d'extraction de ressources, et l'activité paramilitaire qui semble, dans certains cas, servir à semer la terreur pour déplacer des gens qui se trouvent dans des endroits revêtant un intérêt stratégique ou économique pour les entreprises étrangères. Il est possible qu'il n'y ait pas de complicité directe, mais je veux simplement souligner que c'est une préoccupation qui a été soulevée. Je crois que l'ambassadeur reconnaît que tel a été le cas et que nous en avons eu quelques exemples troublants—ainsi, le cas du barrage Urra.
Ma question porte sur la sécurité de nombreux Canadiens dévoués qui travaillent en Colombie, au sein d'ONG et à titre de particuliers. L'ambassadeur sait qu'ils sont nombreux. Les représentants des Peace Brigades, par exemple, mettent leurs vies en jeu pour protéger des Colombiens en danger, comme cela a été le cas de M. Bill Fairbairn qui s'est trouvé en première ligne. Beaucoup d'entre nous, à titre de particuliers et en groupes, sommes profondément préoccupés par l'attaque dont a fait l'objet M. Fairbairn, représentant du Comité inter-églises des droits humains en Amérique latine, de la part de l'ambassadrice de Colombie au Canada, Mme Fanny Kertzman, laquelle a insinué qu'il était resté silencieux au sujet de la violation des droits de la personne par les guérilleros. L'ambassadrice sait bien qu'il s'agit non seulement d'une violation explicite du décret présidentiel à cet égard, mais aussi que cela met la vie de personnes comme Bill Fairbairn en danger.
J'aimerais demander si, en tant qu'ambassadeur—ou peut-être puis-je poser la question à M. Davidson, directeur de la direction générale de l'Amérique du Sud—vous avez exprimé votre préoccupation, soit à l'ambassadrice directement ou, de façon plus pertinente, au ministère colombien des Affaires étrangères à propos de la conduite de l'ambassadrice Kertzman à cet égard.
La présidente: C'est une question délicate.
M. Guillermo Rishchynski: Je vais commencer par votre première observation, si vous permettez, au sujet de l'investissement direct étranger dans les activités paramilitaires, car je crois que l'on a toujours pensé que la promotion de certains intérêts d'affaires est au coeur des activités paramilitaires et en est la raison d'être. À mon avis, au bout de deux années passées en Colombie, la lutte territoriale entre les acteurs armés vise de moins en moins le développement économique qui met en jeu des investissements étrangers et de plus en plus l'expansion de la culture de stupéfiants, ce qui est déconcertant. Cela signifie qu'une superficie plus vaste du pays est cultivée, mais en raison de la situation conflictuelle sur ces terres, il n'y a pratiquement pas d'activité économique de quelque sorte que ce soit, mis à part la culture des stupéfiants. Je pense donc que le lien avec les intérêts étrangers, que l'on essaie souvent de faire, n'est pas nécessairement réel.
• 1640
Il y a donc eu des cas, cela ne fait aucun doute, mais je
crois que la question territoriale—le contrôle territorial—est de
plus en plus liée à ces activités illégales.
La présidente: En ce qui concerne l'autre question, vous êtes libre de répondre ou non.
M. Guillermo Rishchynski: Eh bien, je sais que Mme Kertzman va sous peu comparaître devant le comité et il me semble que c'est une bonne question à lui poser.
M. Svend Robinson: Si vous permettez, la question n'appelle pas de réponse de sa part; il s'agit plutôt de savoir si le gouvernement du Canada a réagi. Nous parlons ici d'un citoyen canadien dont la vie aurait pu être mise en danger à cause de sa conduite. Que fait le Canada à ce sujet?
M. Guillermo Rishchynski: Je ne peux pas faire d'observation crédible sur ce qui a transpiré de ces échanges au Canada. Je n'étais pas là et j'en ai entendu parler indirectement. Je sais que l'échange entre l'ambassadrice et M. Fairbairn n'a pas fait la une en Colombie et n'est pas devenu une cause célèbre susceptible d'empêcher la présence et le travail de ce dernier dans le pays. De ce point de vue, si M. Fairbairn vient en Colombie, nous serons heureux de l'accueillir afin qu'il puisse poursuivre l'excellent travail qu'il a entamé.
Franchement, je ne pense pas qu'il soit opportun que, en ma qualité d'ambassadeur en Colombie, je donne un point de vue sur quelque chose dont je ne connais pas suffisamment les détails. Je n'étais pas au Canada pour être en mesure d'observer les nuances de ce genre d'échange. Le Canada est une démocratie. Nous avons des opinions divergentes et les gens sont libres d'exprimer ces opinions. Je crois qu'il s'agit d'un bon exemple de divergence d'opinions. Par contre, je ne pense pas que cela ait eu un effet sur la capacité de M. Fairbairn de travailler de façon efficace en Colombie. Toutefois, en ce qui concerne les motivations ou la raison pour laquelle certaines observations ont été faites ou non, je crois que vous devriez poser la question directement à qui de droit.
La présidente: Merci beaucoup.
M. Svend Robinson: Je reviendrai là dessus.
La présidente: Monsieur Martin, vous avez en quelque sorte manqué votre tour. Allez-y, une question.
M. Keith Martin: Merci beaucoup, madame la présidente.
Juste une question rapide; j'aimerais revenir à celle que j'ai posée plus tôt, monsieur l'ambassadeur, au sujet de l'attitude plus guerrière de M. Serpa. Dans quels domaines pensez-vous que de solides négociations puissent avoir lieu entre les FARC et le gouvernement, permettant ainsi de peut-être combler des fossés?
Ma dernière question porte sur les relations du Venezuela non seulement avec les paramilitaires, mais aussi avec les narcotrafiquants. C'est un élément déstabilisant et je me demande ce que les dirigeants du Venezuela font à propos de la situation.
M. Guillermo Rishchynski: Au sujet de votre observation sur M. Serpa et sur le fait que son attitude paraisse peut-être plus guerrière que dans le passé, je crois vraiment que les politiciens de Colombie ont réagi à la dégradation du conflit par un durcissement. Toutefois, même si ce durcissement est apparu dans les déclarations publiques, je peux vous dire que, en me fondant sur des discussions privées que j'ai eues avec tous les candidats jusqu'à présent, tous continuent de croire, avec certaines nuances et certaines différences, que la discussion et la négociation politiques sont la façon de progresser à moyen et à long termes.
Quels sont les domaines de convergence? Comme je l'ai dit au début, je crois que pour toute nouvelle approche relative aux négociations, l'une des clés du problème serait la médiation par une tierce partie. Un gouvernement qui tente d'être à la fois protagoniste et médiateur dans des négociations de paix se trouve à l'étroit et, à mon avis, la population colombienne ainsi que les dirigeants politiques recherchent de plus en plus ce genre de chose. C'est certainement ce qui ressort de nos discussions avec les candidats. Nous verrons bien ce que nous réserve l'avenir, lorsqu'un nouveau président prendra le pouvoir.
M. Keith Martin: Est-ce un rôle pour le G-10 ou le Canada?
M. Guillermo Rishchynski: C'est un rôle pour la collectivité internationale qui, je crois, devrait faire intervenir les institutions, comme peut-être les Nations Unies ou l'OEA, sans compter bien sûr la participation bilatérale d'autres pays sous forme de représentation diplomatique accréditée.
• 1645
Il est clair que la collectivité internationale doit
participer si l'on veut que ce processus réussisse, premièrement et
avant tout parce que la méfiance entre les acteurs est telle qu'en
l'absence d'une tierce partie, il est extrêmement difficile de
lancer une discussion—si vous voulez—susceptible de finir par
porter fruit.
Tactiquement, on peut examiner le processus de paix jusqu'à présent et dire que le président Pastrana a pris un risque pour la paix et a instauré un processus, mais peut-être que la vision stratégique de ce qui devait être la substance du processus devait être mise au point de façon plus détaillée. C'est le défi qu'un nouveau gouvernement peut relever, à mon avis. Je crois qu'il est concevable que des accords partiels puissent être conclus dans certains domaines avec l'un des groupes de guérilleros ou les deux. À mon avis, la collectivité internationale pourrait favoriser la convergence de ces points à l'ordre du jour. Lorsque l'année a débuté, que la question des échanges humanitaires entre les FARC et le gouvernement ne faisait que commencer et que les gens pensaient que cela n'était pas possible, c'est le travail silencieux de la collectivité internationale qui a permis l'instauration de la confiance entre les parties, ce qui a donné lieu à la mise en application de l'accord. À mon avis, c'est un exemple du genre de travail constructif que nous pouvons faire à l'avenir.
La présidente: Monsieur Robinson.
M. Svend Robinson: Étant donné qu'il se trouvait au Canada au moment de l'attaque portée par l'ambassadrice Kertzman contre M. Fairbairn, je veux demander à M. Davidson s'il s'agit d'une conduite acceptable de la part d'un ambassadeur de la Colombie au Canada.
M. Ron Davidson (directeur, Direction de l'Amérique du Sud, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Vous présumez dans la question que vous posez que l'échange de lettres met la vie de M. Fairbairn en danger lorsqu'il ira en Colombie. Je ne le savais pas. L'ambassadeur vient d'indiquer qu'à son avis, cela ne lui ferait pas courir de danger particulier. J'ai rencontré M. Fairbairn à plusieurs reprises—il est même venu dans mon bureau—et il n'a jamais tenu pareil propos.
M. Svend Robinson: J'en suis surpris, étant donné que le président Pastrana lui-même, dans son décret 07, a explicitement ordonné aux représentants officiels de la Colombie de s'abstenir de porter ces genres d'accusations non fondées contre des organisations des droits de la personne et contre leurs membres, justement à cause du problème que pose leur sécurité. Le président Pastrana était certainement de cet avis.
Je voulais poser à l'ambassadeur une question au sujet du plan Colombie. Il a exprimé son inquiétude à propos de la composante militaire du plan Colombie et de son impact sur l'environnement, notamment sur les fleuves Amazone et Orinoco. Le Canada continue-t-il d'affirmer sa neutralité face à la composante militaire du plan Colombie à d'autres égards ou l'ambassadeur peut-il nous donner une évaluation de son impact actuel?
M. Guillermo Rishchynski: Monsieur Robinson, je crois que je parlais de la dégradation environnementale et de la pollution des fleuves causées par les produits chimiques précurseurs qui sont importés en Colombie. De toute évidence, il serait sage que la collectivité internationale dans son ensemble, avec le gouvernement colombien, examine la stratégie d'épandage aérien. Cette politique est en vigueur depuis de nombreuses années. Aucune analyse scientifique rigoureuse de la situation réelle dans le pays n'a été faite, alors qu'elle permettrait d'expliquer l'impact ou l'absence d'impact. C'est quelque chose que j'espère pour l'avenir.
Le PNUCID, le Programme des Nations Unies pour le contrôle international des drogues, s'est montré intéressé à diriger cette démarche et a pressenti des membres de la communauté internationale, dont le Canada. C'est une question que nous examinons activement, d'après une demande qu'ils ont présentée. Ce que j'espère, c'est qu'il y ait plus de clarté en ce qui concerne l'analyse indépendante de la situation à l'échelle locale, et ce sera quelque chose de positif pour le débat sur la question.
M. Svend Robinson: Je vous remercie.
La présidente: Monsieur Martin, une autre question.
M. Keith Martin: Monsieur l'ambassadeur, au sujet de l'épandage aérien, dont vous avez glissé un mot, le dépérissement économique qui a lieu est assez important. D'ailleurs, d'après ce que je comprends, un grand nombre de producteurs de drogues élargissent en fait la superficie de culture. Tandis que vous éliminez une certaine surface, ils agrandissent la superficie de culture. Un point de vue assez répandu est que ça ne fonctionne tout simplement pas. Il y a pas mal de plaintes. Je crois que ce sont six gouverneurs de la Colombie qui ont dit que cela a des effets dévastateurs et ne fera rien pour réduire la production de cocaïne.
• 1650
De plus, au sujet du plan Colombie, il y a beaucoup
d'observateurs qui disent que cette mesure ne réduira pas la
production de cocaïne ni n'empêchera l'entrée de la cocaïne en
Amérique du Nord.
Je me demande si vous pouvez nous dire si on a fait en quelque sorte marche arrière, avec le plan Colombie. Si son objectif était de réduire les quantités de cocaïne qui entrent en Amérique du Nord, il y a beaucoup de gens pour dire que cela n'arrivera pas. Y a-t-il eu le moindre changement dans la formulation du plan Colombie? Aussi, y a-t-il eu des mesures formelles dont vous ou M. Davidson êtes au courant, pour collaborer avec les États-Unis à la réduction de la consommation? Lorsque nous étions là-bas, le sénateur McCain a fait certaines observations très intéressantes, notamment que la lutte ne serait pas gagnée tant qu'il n'y aurait pas de réduction de la consommation. Je me demande si notre gouvernement exprime formellement au Congrès ou à l'administration américaine qu'il faut tout simplement collaborer pour réduire la consommation.
M. Guillermo Rishchynski: Je dirais, pour répondre à votre première question, qu'il est de plus en plus reconnu, en Colombie, qu'il y a deux dimensions très distinctes au problème de production de drogue: il y a la dimension socioéconomique et la dimension criminelle. L'une des choses que j'ai pu constater, au sujet de l'évolution de la pensée et de l'information en Colombie depuis deux ans, c'est qu'il est beaucoup plus reconnu aujourd'hui qu'il faut travailler sur l'aspect socioéconomique du problème de façon beaucoup plus exhaustive et rigoureuse que par le passé.
La nature de la culture des feuilles de coca et du pavot est telle qu'il y a deux modèles de production. Il y a la production à grande échelle, sur de vastes superficies—nous parlons de culture de 10, 50 ou 100 hectares sous l'égide d'un baron de la drogue qui emploie de la main-d'oeuvre contractuelle amenée sur les lieux spécifiquement pour servir les intérêts de ce groupe criminel. De l'autre côté, il y a les cultures de plus petite échelle, généralement de l'ordre de deux ou trois hectares, par des paysans qui, en fait, intercalent le coca avec leurs cultures de plantain, de yucca et de coton-fibres. Ce sont deux modèles très différents. L'un pose un problème de criminalité qu'il faut régler, d'après moi, par une intervention policière vigoureuse en s'attaquant aux groupes criminels qui participent à l'importation de produits chimiques précurseurs parce que les gens qui ont de vastes cultures sont aussi munis de vastes installations de traitement. Cependant, il faut une stratégie différente pour affronter le défi socio-économique que présentent les cultures à plus petite échelle des paysans qui se trouvent contraints de cultiver du coca ou du pavot pour assurer leur survie économique.
Ce que nous avons constaté, depuis deux ans, c'est une plus grande reconnaissance du fait que la deuxième partie, l'élément socioéconomique et celui des cultures de plus petite envergure, prend de plus en plus d'ampleur. Selon certaines estimations, ces cultures représentent plus de 40 p. 100, peut-être même la moitié, de l'ensemble des cultures dans le pays. Le seul moyen de régler cet aspect du problème est de créer une infrastructure et des solutions viables pour les cultivateurs pour qu'ils ne se sentent pas obligés de cultiver des produits illicites comme seul moyen de survie. Il est certain qu'ils n'y font pas fortune. D'après les estimations, en Colombie, trois récoltes de feuilles de coca rapportent à un cultivateur, une fois tous les coûts payés, quelque chose comme 2 000 $ par année. Ce n'est pas une fortune, loin de là.
Cependant, ce sont les cultures à grande échelle, sous l'égide de groupes criminels, sur lesquels devraient de plus en plus se concentrer les mesures indispensables de lutte contre la criminalité. Je pense que nous commençons à voir émerger ce double modèle en matière stratégique, mais ce que nous en avons vu jusqu'ici, comme sa manifestation visible, surtout, est une tentative de tout simplement supprimer les surfaces, ce qui a pour effet, vous l'avez très bien dit, d'entraîner un déplacement des cultures, ce qu'on appelle en Colombie un effet de gonflement. Cela signifie que les cultures sont déplacées vers l'Équateur, le Brésil et le nord du Pérou et créent un problème qui s'étend sur toute une région.
Ce que j'espère, c'est que ces stratégies, dont l'application est encore relativement récente, évolueront avec le temps et permettront de régler le problème socioéconomique qui, je pense, est le premier facteur à auquel il faut s'intéresser pour formuler des solutions viables pour les participants au secteur de l'agriculture. En même temps, l'application des ressources nécessaires pour composer avec les problèmes de criminalité commencera à être manifeste dans le paysage, si on veut, de la Colombie.
Je pense que c'est encore tôt pour tout cela, mais certains signes nous donnent espoir.
Je vais revenir un peu sur la question que vous avez posée plus tôt au sujet du lien vénézuélien avec ce problème. Il est clair que le Venezuela, à l'instar des autres pays voisins, s'inquiète de voir les cultures traverser leurs frontières avec la Colombie. Les rapports entre le Venezuela et la Colombie, qui sont complexes même dans les meilleurs moments, sont exacerbés encore par le fait que le Venezuela devient un refuge sûr pour divers éléments armés participant au conflit.
• 1655
Je pense que les tensions, dans les rapports entre la Colombie
et le Venezuela, se sont grandement atténuées au cours de
l'année 2001. Les deux présidents ont certainement fait de leur
mieux pour cela. Le Mexique a tenu un rôle très utile par le biais
du G-3.
Il y a encore des problèmes, mais aucune relation n'est plus importante que celle qui lie le Venezuela et la Colombie. Ils sont l'un pour l'autre le plus important partenaire économique et la capacité de ces deux pays de collaborer efficacement pour régler les problèmes de criminalité transfrontière, de culture de drogues, est absolument essentielle pour que l'une ou l'autre de ces stratégies aie des chances de réussir à moyen terme.
La présidente: Je vous remercie.
Monsieur Bellemare, vous avez une question?
[Français]
M. Eugène Bellemare: Oui.
Monsieur l'ambassadeur, les ONG doivent-elles se présenter à vous lorsqu'elles arrivent au pays?
M. Guillermo Rishchynski: On a normalement un contact presque quotidien avec les ONG colombiennes. Jusqu'à maintenant, il n'y a pas d'ONG canadiennes qui sont présentes dans le pays. Il est très possible qu'au cours des prochains mois, des Canadiens soient présents pour la première fois depuis très longtemps. Il y a des bénévoles canadiens qui travaillent, par exemple, dans les Brigades de paix internationales, mais ils sont là à un niveau individuel, dans le cadre d'une organisation multilatérale.
La dernière fois que Mme Caplan s'est rendue là, elle a eu la possibilité d'avoir un lunch avec une vingtaine de représentants des ONG colombiennes. Si le sous-comité vient en Colombie, j'espère qu'il aura aussi cette possibilité d'avoir un échange d'expériences et d'idées avec eux concernant leur travail en Colombie. C'est un aspect assez important de notre travail.
Les ONG ont besoin d'aide, d'appui visible de la communauté internationale, et je pense que la perception des ONG colombiennes est que le Canada est un pays ami, un pays qui veut travailler avec elles pour faire avancer la cause des droits de la personne et les autres causes qui sont à leur agenda.
Je suis très fier de la coopération qu'on a établie avec eux jusqu'à maintenant.
[Traduction]
La présidente: Vous avez terminé?
M. Eugène Bellemare: Oui.
La présidente: Merci.
Monsieur Robinson.
M. Svend Robinson: J'ai une courte et dernière question, et elle concerne la vente des hélicoptères.
Vous avez parlé des lignes directrices relatives à la vente d'équipement offensif. Je me demande s'il est acceptable qu'une compagnie canadienne fasse l'entretien d'équipement militaire offensif utilisé dans le cadre de la composante militaire du Plan Colombie. Est-ce acceptable pour l'ambassadeur et pour le Canada?
M. Guillermo Rishchynski: Pour répondre à votre question, Monsieur Robinson, je peux vous dire que pour chaque dossier présenté relatif aux questions du contrôle des exportations, une analyse très rigoureuse est faite par notre ministère, qui demande l'avis d'une vaste gamme d'interlocuteurs, ici à Ottawa et, bien entendu, l'avis de l'ambassade.
J'ai pu constater que dans les cas où nous avons approuvé des demandes de permis d'exportation, nous pouvons dire que l'esprit et la lettre de notre régime de contrôle des exportations ont été respectés.
Il y a un C-130 qui transporte des aliments dans les régions de la Colombie qui peuvent être frappées par un tremblement de terre, mais en fait, c'est son rôle principal en termes de soutien logistique aux régions isolées du pays.
Il est évident que nous examinons très attentivement les demandes, si vous voulez, d'activités qui ont trait à l'une ou l'autre des questions dont nous devrons faire un suivi pour le contrôle des exportations, et je peux dire ce que nous avons fait jusqu'ici, et certainement pendant la période que j'ai passée en Colombie, a respecté tant la lettre que l'esprit de la loi canadienne.
M. Svend Robinson: Vous avez donné une réponse générale, mais précisément, est-il acceptable qu'une compagnie canadienne assure l'entretien d'hélicoptères qui seront utilisés dans le cadre de la composante militaire du Plan Colombie?
M. Guillermo Rishchynski: Je ne suis pas au courant du fait que des compagnies canadiennes assurent l'entretien d'hélicoptères militaires.
M. Svend Robinson: Serait-ce acceptable si c'était le cas, en vertu des lignes directrices?
M. Guillermo Rishchynski: Au Canada ou en Colombie?
M. Svend Robinson: L'un ou l'autre.
M. Guillermo Rishchynski: Là encore, j'hésiterais à formuler un avis généralisé au sujet d'une question du genre de celles que, comme pour tout ce qui touche le contrôle des exportations, nous analysons avec beaucoup de minutie et pour lesquelles nous exigeons une grande participation et beaucoup d'information des compagnies qui font des demandes, pour qu'elles nous fournissent beaucoup de détails.
• 1700
Je ne pourrais pas, en toute conscience, vous donner une
réponse catégorique, parce que sans avoir vu les détails de ce qui
est suggéré, je me réserve le droit, en tant qu'ambassadeur, de
formuler une opinion le moment venu.
M. Svend Robinson: Je ne manquerai pas de vous fournir l'information, monsieur l'ambassadeur, et je présume que...
M. Guillermo Rishchynski: Je vous en prie, je ne suis pas au courant d'une situation de ce genre. Nous avons eu des cas de remise à neuf de moteurs de véhicules de transport, et c'est quelque chose que je peux appuyer, à la lumière de l'utilité de ces véhicules. Je peux l'appuyer en toute quiétude, mais je n'ai rien entendu au sujet d'hélicoptères.
M. Svend Robinson: J'en ferai un suivi et j'en ferai rapport au comité aussi.
M. Guillermo Rishchynski: Je vous en prie.
M. Svend Robinson: Merci.
La présidente: Je vous remercie.
Monsieur l'ambassadeur, j'ai aussi des questions. Lorsque j'étais là-bas, en juin, j'ai soulevé la question de la durée du mandat du président, qui ne peut être renouvelé. C'est pour tout le gouvernement, n'est-ce pas? Ils remplacent leur gouvernement, tous les représentants élus?
M. Guillermo Rishchynski: Oui. Les maires ont un mandat de trois ans, et les gouverneurs, les sénateurs, les représentants et députés et les présidents ont tous un mandat de quatre ans.
La présidente: C'est un seul mandat.
M. Guillermo Rishchynski: Un mandat.
La présidente: Ils ne peuvent pas se représenter.
M. Guillermo Rishchynski: Dans le cas des membres du congrès, oui, ils peuvent se présenter à nouveau. Le président, par contre, non.
La présidente: Les gens à qui nous avons parlé ont dit qu'il était question de permettre au président de faire deux mandats. Est-ce que la Chambre en a encore parlé?
M. Guillermo Rishchynski: Pas vraiment. Si nous analysons la situation, la Colombie a radicalement changé sa constitution en 1991. Il s'agit d'un changement que nous, en tant que Canadiens, trouverions incompréhensible puisqu'il s'agit de changer une constitution du XIXe siècle pour essayer de la moderniser. En essayant de la moderniser avec plus de 340 articles, je pense que la tâche s'est encore beaucoup plus compliquée. Il y a le genre de questions qui, on peut le voir dans la société colombienne, incitent beaucoup de gens à se demander s'il ne faudrait pas une assemblée constituante, à un moment donné, pour réévaluer la constitution de 1991. Cela pourrait être, à un moment donné, une possibilité politique très tangible pour un gouvernement qui aurait, par exemple, conclu une entente avec les groupes rebelles. En réalité, la constitution de 1991 était une réaction au fait que le gouvernement avait conclu une entente avec le groupe rebelle M-19, qui était actif pendant les années 1980.
Donc je ne crois pas que nous puissions écarter cela. Parmi les éléments qu'ils devront évaluer, il y aurait le mandat, parce que bien qu'il soit frustrant pour un président de n'être au pouvoir que quatre ans, il est tout simplement impossible pour un maire de réaliser quoi que ce soit avec seulement un mandat de trois ans. Les gens commencent à comprendre que c'est un peu un boulet, sur le plan administratif, pour la continuité dans le pays.
La présidente: Je vous remercie.
Une autre question. L'ACDI a entrepris de modifier ses politiques. Avez-vous participé le moindrement à cette démarche? Vous ont-ils consulté? Avez-vous quelque chose à dire, que nous pourrions transmettre?
M. Guillermo Rishchynski: Je pense que c'était un excellent exercice de coopération entre ambassades, parce qu'à quantité d'égards, un bon nombre des recommandations que nous avons faites en tant qu'ambassade sur la nécessité, motivée par le contexte de la Colombie, de réorienter la nature de l'aide au développement qu'offre le Canada, ont été entendues de l'autre côté de la rivière. Ils ont reconnu que, oui, le contexte exigeait que l'accent soit mis sur le genre de programmation axée sur les gens au lieu d'une programmation plus institutionnelle comme celle qui était en vigueur depuis les années 80 et au début des années 1990.
Ils sont en train de mettre la dernière main à plusieurs nouvelles initiatives. Je dois rencontrer Mme Minna demain, justement, pour discuter d'où en sont les choses.
Les priorités qu'ils ont déterminées, soit le déplacement à l'intérieur du pays, les droits de la personne et le renforcement institutionnel, je pense, tombent pile sur nos priorités et c'est là que nos modestes moyens d'aide au développement peuvent avoir un effet positif dans le pays. Citons l'exemple de leur travail avec le vérificateur général et la façon dont ils ont stimulé la capacité du vérificateur général de la Colombie de s'acquitter, en quelque sorte, de ses fonctions. Le Bureau du vérificateur général a été créé en 1991. Le titulaire du poste n'est que le deuxième à occuper ces fonctions, parce que le poste a été vacant pendant les cinq premières années de la nouvelle constitution. Je pense que la contribution des Canadiens peut être très positive s'ils aident à créer la capacité de composer avec les questions de probité et de dépenses des fonds publics.
Le point de mire est très nettement sur le déplacement au sein du pays. L'une des raisons pour lesquelles je recommanderais au comité d'aller dans la ville de Monteria, dans l'état de Cordoba, lorsque vous viendrez en Colombie, c'est que la Croix-Rouge canadienne y dirige l'un des plus vastes programmes de santé et de nutrition des enfants, dans une région où il y a beaucoup de gens déplacés. Je pense que ce genre de contribution du Canada est absolument indispensable.
• 1705
Le gouvernement et la Croix-Rouge de la Colombie peuvent, avec
le CICR, fournir des secours d'urgence pendant une période de trois
à quatre mois lorsque des collectivités sont contraintes de se
déplacer. Mais qu'arrive-t-il à ces gens le cinquième et le sixième
mois, et le douzième et le dix-huitième mois, lorsqu'ils sont
encore déplacés et incapables de revenir dans leurs communautés?
C'est là que nous, les Canadiens, pouvons faire quelque chose, là
où nous ajoutons de la valeur. Nous travaillons directement avec la
Croix-Rouge de la Colombie, avec Vision mondiale Canada et d'autres
organismes. Nous faisons une différence en améliorant le quotidien
des gens. C'est de plus en plus l'élément central de la démarche de
l'ACDI en Colombie et, à mon avis, c'est ce qu'il faut.
La présidente: Je vous remercie.
Monsieur Dubé.
[Français]
M. Antoine Dubé: C'est peut-être une question délicate. Quelle est la qualité de votre relation avec l'ambassadrice de Colombie ici, au Canada?
M. Guillermo Rishchynski: Je connais Mme Kertzman parce qu'avant d'être ambassadrice ici, au Canada, elle était le chef du revenu national et de la douane en Colombie. Je peux vous dire qu'elle est une fonctionnaire publique assez respectée dans le contexte colombien. Elle a la réputation d'être efficiente et de combattre la corruption et les autres activités criminelles dans le pays. C'est une personne qui, je pense, a de l'avenir dans le contexte colombien et qui est respectée par tous ceux avec qui j'ai eu des contacts au cours des deux dernières années. C'est une personne qui représente ici, au Canada, le point de vue du gouvernement colombien, et je pense qu'elle est en train de se retrouver dans le contexte canadien. Le Canada, ce n'est pas la Colombie. C'est sa première affectation en tant qu'ambassadrice. Je pense qu'elle a fait une contribution positive à la vie colombienne. On pourra juger son travail d'ambassadrice ici, au Canada, quand son mandat sera fini.
[Traduction]
La présidente: En tant que présidente, je vais m'accorder la dernière question.
Lorsque j'étais en Colombie, j'étais avec Droits et Démocratie et nous avons examiné la situation du peuple indigène. C'est très important pour les Canadiens. Pourriez-vous faire un commentaire à ce sujet?
M. Guillermo Rishchynski: Oui, madame la présidente.
À mon avis, le sort des indigènes de la Colombie est l'une des plus grandes tragédies de ce conflit. Ces collectivités, qui ont passé la plus grande partie des années 1980 et la transition à la nouvelle constitution des années 90 à se battre pour la reconnaissance de leurs droits inhérents, en tant que communauté, sur les terres et territoires, se retrouvent maintenant, si on peut utiliser une expression commune, comme le saucisson du sandwich dans le conflit colombien.
La position déclarée des communautés indigènes de la Colombie en est une de neutralité dans le conflit. Elles ne veulent rien avoir à faire avec les forces paramilitaires de la droite ni avec les rebelles de la gauche. Elles veulent tout simplement être laissées en paix et vivre leurs valeurs et leur mode de vie traditionnels. Le problème est qu'elles ont des droits sur 28 p. 100 du territoire de la Colombie, et ce territoire est inévitablement, de temps à autre, à la source de conflit entre les éléments armés qui participent au conflit.
Depuis trois ou cinq ans, nous avons assisté à des attaques systématiques de leur leadership, venant de tous les groupes. Il y a des groupes tribaux de la Colombie qui se font attaquer par les rebelles pour une raison ou pour une autre. Il y a d'autres groupes tribaux qui sont dans le viseur de groupes paramilitaires de droite rien qu'à cause de l'emplacement de leur communauté.
C'est tragique, parce que ce que nous voyons, c'est une génération de leaders indigènes, dont beaucoup ont été les bénéficiaires de programmes de formation que le Canada et l'ACDI avaient mis en place en Colombie pendant les années 1980. L'organisme CRIC, dans la province de Calca qui a la plus vaste population indigène, a été bénéficiaire d'un projet à long terme financé par l'ACDI avec Développement et paix de Montréal, qui travaillait à accroître les capacités de leadership des populations indigènes et a eu un effet énorme sur leur aptitude à faire avancer leur cause dans le système juridique colombien ainsi que leurs droits sur les territoires et d'autres questions relatives à leurs valeurs traditionnelles.
Les populations indigènes ont besoin de protection. Il leur faut être protégées contre les autorités colombiennes et contre la communauté internationale. Elles ont aussi besoin que les groupes armés reconnaissent que pour nous, elles sont une priorité.
• 1710
Je peux vous dire qu'il n'y a pas une seule réunion du G-10
avec le FARC où les sujets des communautés indigènes et du respect
de ces communautés n'est pas soulevé avec les rebelles comme
quelque chose qu'ils doivent absolument commencer à considérer
comme une priorité. Est-ce qu'ils le font? Dans certaines régions
du pays, peut-être. Dans d'autres régions, non. C'est une des
choses dont nous traitons avec le ministre de l'intérieur et
d'autres, que vous avez rencontrés lors de votre visite, en plus de
soutenir les parlementaires indigènes, qui sont vraiment le peuple
cible. Vous avez rencontré le sénateur Pinacue et d'autres, qui
sont des gens très courageux dont la vie est en péril. Ils vivent
sous la menace de divers groupes du pays.
Je pense que la visite de l'APN leur a été très importante. À la suite de cette visite, Rigoberta Menchu, du Guatemala, est venue en Colombie et elle a dit espérer que d'une façon ou d'une autre son organisation, Initiative autochtone pour la paix, pourrait, en collaboration avec l'AFN et d'autres groupes canadiens, jouer un rôle beaucoup plus important dans le soutien de leurs frères de la Colombie. Je pense que c'est le genre de mesures internationales nécessaires pour maintenir, aux yeux de la communauté internationale, la priorité absolue sur leur lutte. C'est quelque chose qu'ils apprécient et qui, nous l'espérons, aura une influence positive sur leur situation. Mais c'est tout de même regrettable que les leaders indigènes du pays soient régulièrement assassinés. C'est à mon avis l'une des plus odieuses tragédies humaines que connaît le pays de nos jours.
La présidente: Merci beaucoup.
Au nom de tout le monde ici, je vous remercie de votre venue. Nous espérons que la suite de votre mandat se déroulera très bien et, si c'est ce que vous souhaitez, qu'un autre mandat suivra.
J'aimerais seulement mentionner le fait que ce comité pourrait être modifié avant que nous nous décidions à propos de notre voyage. Nous ne savons pas encore si nous irons là-bas. Nous ne pouvons vous donner de réponse. Vous aviez suggéré vers le 15 octobre?
M. Guillermo Rishchynski: Le 15 octobre est un jour férié en Colombie, alors si vous arriviez ce jour-là, le lundi, nous pourrions peut-être dresser un programme d'une semaine, mais nous sommes flexibles. Le comité n'a qu'à nous dire quand il viendra. Nous nous arrangerons pour ce qui est des mécanismes sur place.
Permettez-moi de m'excuser si je suis peut-être un bavard impénitent dans les deux langues officielles du Canada. Je ne peux vous assurer que si vous m'entendiez en espagnol, ce serait encore pire.
La présidente: Je vous remercie.
Je déclare la séance levée.