AANR Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le lundi 27 janvier 2003
¹ | 1540 |
Le président (M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.)) |
¹ | 1545 |
Le président |
L'hon. Robert Nault (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien) |
¹ | 1550 |
¹ | 1555 |
º | 1600 |
º | 1605 |
º | 1610 |
º | 1615 |
Le président |
M. Brian Pallister (Portage—Lisgar, Alliance canadienne) |
M. Robert Nault |
º | 1620 |
M. Brian Pallister |
M. Robert Nault |
M. Brian Pallister |
Le président |
M. Brian Pallister |
Le président |
M. Brian Pallister |
Le président |
M. Brian Pallister |
Le président |
M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ) |
º | 1625 |
M. Robert Nault |
Le président |
M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD) |
º | 1630 |
M. Robert Nault |
Le président |
M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.) |
Le président |
M. John Godfrey |
Le président |
M. John Godfrey |
M. Robert Nault |
º | 1635 |
Le président |
M. Brian Pallister |
M. Robert Nault |
Le président |
º | 1640 |
M. Gérard Binet (Frontenac—Mégantic, Lib.) |
M. Robert Nault |
M. Gérard Binet |
M. Robert Nault |
Le président |
M. Yvan Loubier |
º | 1645 |
M. Robert Nault |
M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.) |
Le président |
M. Yvan Loubier |
Le président |
M. Brent St. Denis (Algoma—Manitoulin, Lib.) |
M. Robert Nault |
º | 1650 |
Le président |
M. Pat Martin |
º | 1655 |
M. Robert Nault |
Le président |
M. Benoît Serré (Timiskaming—Cochrane, Lib.) |
Le président |
M. Robert Nault |
Mme Brenda Kustra (conseillère exécutive, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien) |
Le président |
M. Brian Pallister |
» | 1700 |
Le président |
M. Robert Nault |
Le président |
M. Robert Nault |
Le président |
M. Pat Martin |
Le président |
Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.) |
Le président |
M. Charles Hubbard |
Le président |
M. John Godfrey |
Le président |
M. Robert Nault |
» | 1705 |
» | 1710 |
Le président |
CANADA
Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le lundi 27 janvier 2003
[Enregistrement électronique]
¹ (1540)
[Traduction]
Le président (M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.)): Je déclare la séance ouverte. Bonjour à tous.
Avant d'entrer dans le vif du sujet de notre séance, j'aimerais féliciter notre nouveau secrétaire parlementaire, Charles Hubbard, et lui souhaiter la bienvenue. J'aimerais également féliciter Nancy Karetak-Lindell, secrétaire parlementaire du ministre des Ressources naturelles. Bienvenue parmi nous.
Des voix: Bravo!
¹ (1545)
Le président: La greffière a eu la gentillesse d'envoyer une carte en votre nom, et je vous invite à en faire autant, à Inky Mark, qui a subi une opération. On m'a dit qu'il allait bien. Espérons qu'il sera de retour parmi nous très bientôt.
Y a-t-il d'autres annonces? Accueillons-nous de nouveaux grands-pères, pères ou quoi que ce soit d'autre...?
Monsieur le ministre, nous sommes ici aujourd'hui pour entreprendre l'examen du projet de loi C-7, Loi concernant le choix des dirigeants, le gouvernement et l'obligation de rendre compte des bandes indiennes et modifiant certaines lois. Nous sommes heureux de vous accueillir aujourd'hui. Vous être très coopératif. À chaque fois que nous vous invitons à comparaître devant nous, vous acceptez de vous présenter à la date proposée, sans discuter, et je tiens à vous exprimer notre gratitude pour cela.
Chers collègues, j'aurai beaucoup de choses à dire en cours de route. Notre calendrier est prêt. L'horaire de nos séances a été établi pour au moins quatre ou six semaines, vous saurez donc exactement à quoi vous en tenir plusieurs semaines à l'avance. Si tout va bien, nous devrions terminer l'étude de ce projet de loi avant Pâques. Ce n'est pas une échéance absolue, c'est vous qui déciderez.
Monsieur le ministre, nous vous invitons à faire votre déclaration et à prendre les 30 ou 35 minutes dont vous avez besoin.
L'hon. Robert Nault (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien): Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
J'aimerais moi aussi féliciter nos nouveaux secrétaires parlementaires pour les responsabilités accrues dont ils devront s'acquitter et le nouveau rôle qu'ils auront à jouer au Parlement.
Je suis accompagné aujourd'hui de Brenda Kustra, de Warren Johnson et de Andrew Beynon. Tous trois travaillent dans notre ministère et ont des responsabilités spéciales dans des domaines liés à la gouvernance des Premières nations.
Comme vous l'avez indiqué, monsieur le président, je vais prendre environ 30 minutes pour exposer le mieux possible la vision et l'orientation de ce gouvernement pour améliorer la vie des citoyens des Premières nations. Je vais commencer par une déclaration liminaire, après quoi je serai heureux à répondre aux questions des membres du comité.
Monsieur le président, imaginez ce que serait le Canada si le Parlement décidait, pour des raisons que nous serions seuls à connaître, de restructurer le gouvernement en entier. Imaginez ce que diraient les Canadiens si nous éliminions le poste du vérificateur général? Que diraient-ils si le gouvernement décidait de cesser de publier des états financiers réguliers ou encore de garder son budget secret? Tout ceci réduirait sans doute beaucoup les commentaires des députés de l'opposition. Cependant, une telle démarche éliminerait aussi une bonne partie de tout ce que nous avons accompli à titre de gouvernement responsable depuis près de deux siècles.
Comme vous le savez, monsieur le président, les Canadiens n'accepteraient jamais cela, jamais. En tant que citoyens, ils affirmeraient avec raison que le gouvernement retranche certains des aspects les plus fondamentaux de notre société, de notre identité et de notre façon de nous gouverner. Pourtant, la situation que je viens d'évoquer est la situation que vivent actuellement bon nombre de Premières nations. Des lois et des règlements archaïques les empêchent de se gouverner de façon efficace.
Je crois qu'un gouvernement moderne devrait placer les pouvoirs entre les mains de ses citoyens s'il veut les aider à grandir, à s'épanouir et à réaliser leurs rêves. Je crois que tous les élus doivent servir et représenter tous leurs concitoyens avec l'intégrité qu'ils méritent. Je crois aussi qu'il est possible, pour des gens raisonnables, de débattre de questions délicates tant et aussi longtemps qu'ils sont disposés à s'écouter et à apprendre les uns des autres, à découvrir tout ce qu'ils peuvent faire et à prendre les décisions qui s'imposent.
Monsieur le président, ma circonscription est d'une plus grande superficie que la France et on y compte 51 Premières nations, soit plus que dans toute autre circonscription au Canada. Alors, lorsque les sages des Premières nations parlent, je les écoute attentivement et j'apprends.
Les sages dans ma circonscription me disent que la qualité de vie est liée à la qualité de gouvernement. Les dirigeants doivent prendre des décisions qui sont avantageuses pour leurs collectivités afin que les gens puissent subvenir à leurs besoins, avoir accès à de plus grandes possibilités et travailler ensemble à renforcer leur collectivité pour l'avenir. Les sages voient clairement un lien entre la bonne gouvernance et l'amélioration des conditions sociales. Ils me disent que les gouvernements devraient se concentrer sur les questions d'éducation, de soins de santé et de soins des enfants.
Depuis que j'occupe le poste de ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, j'ai rencontré des sages de partout au Canada. Ces sages me disent sensiblement la même chose que ceux de ma circonscription.
Monsieur le président, il est grand temps que les Premières nations aient les moyens de développer leur économie, de choisir les politiques qui améliorent la vie de leurs membres et de décider de leur avenir. Notre gouvernement a reconnu les besoins des Premières nations et nous travaillons avec elles pour promouvoir leur développement économique. Nous agissons maintenant. Nous abordons l'urgente question de l'accès aux ressources naturelles au moyen du projet de loi C-19 sur la gestion financière et statistique des Premières nations. Ce projet de loi conférera au chef et aux conseillers le pouvoir de décider eux-mêmes de financer leurs projets d'infrastructure sans avoir à en demander l'autorisation à Ottawa.
Nous avons aussi accru considérablement le pouvoir des Premières nations en matière de gestion et de contrôle de leurs propres terres en élargissant la portée de la Loi sur la gestion des terres des Premières nations. Pour votre information, près de 100 Premières nations ont demandé à se prévaloir de cette loi depuis son adoption en 1999. De plus, nous sommes en train de modifier le processus des revendications particulières. Le projet de loi C-6 vise à accélérer le règlement des revendications particulières et des revendications issues de traités. Il propose également un nouveau processus indépendant pour valider les revendications et déterminer les indemnités à verser.
Ces mesures sont essentielles, mais elles ne suffisent pas. Nous devons aller au coeur même du problème. Nous devons nous concentrer sur la façon dont les Premières nations choisissent leurs dirigeants et sur leur obligation de rendre des comptes. Nous devons faire en sorte que les administrations des bandes aient les outils essentiels à tout gouvernement qui se respecte. Nous devons aussi voir à ce que ces outils de gouvernance soient adoptés, qu'il s'agisse des outils proposés dans ce projet de loi ou du régime de gouvernance qu'une Première nation aura adapté aux besoins de ses membres.
Permettez-moi, monsieur le président, de faire un survol du projet de loi à l'étude. Ce projet de loi permettra d'établir les bases de l'économie des Premières nations et d'une saine relation entre les membres des Premières nations et le reste des Canadiens. La Loi sur la gouvernance des Premières nations qui est proposée donnera aux Premières nations des outils de gouvernance efficaces. Le projet de loi établit le cadre législatif qui permettra aux Premières nations de réformer leurs structures gouvernementales selon leurs besoins. De plus, il nous permet, à moi et au ministère, de nous retirer de la vie quotidienne des membres des Premières nations et de leurs activités de gouvernance.
Le projet de loi fera tout ceci en permettant aux Premières nations d'adopter leurs lois en matière d'élection, d'administration, de gestion financière et de reddition de comptes. Il vise à ce que celles-ci respectent des normes suivies par tous les gouvernements au Canada, tout en laissant aux Premières nations suffisamment de souplesse pour qu'elles puissent y intégrer leurs traditions et leurs cultures uniques.
Monsieur le président, le gouvernement ne propose pas une démarche à tout faire comme dans le cas de la Loi sur les Indiens. Une Première nation doit être en mesure d'adapter les activités de son gouvernement et ses politiques publiques à ses besoins, à ses traditions et à ses aspirations.
¹ (1550)
Lorsque je parle de «Première nation», je veux dire l'ensemble de ses collectivités, c'est-à-dire tous ses membres. Comme je l'ai dit précédemment, notre objectif est de donner aux citoyens des Premières nations le pouvoir de structurer leur gouvernement à leur guise et d'exiger une reddition de comptes de sa part. C'est exactement ce que vise la première partie du projet de loi.
La deuxième partie du projet de loi porte sur les pouvoirs et les autorisations dont les administrations des Premières nations auront besoin pour assurer un bel avenir à leurs collectivités. Le projet de loi précise la capacité juridique des Premières nations afin que celles-ci puissent conclure des ententes et des contrats. Il modernise le processus d'établissement de lois et leur application dans les réserves. Ces outils sont essentiels à tout gouvernement et, pourtant, ils font défaut à la Loi sur les Indiens alors que les Premières nations en ont besoin dès maintenant. En d'autres mots, cette partie du projet de loi donnera aux Premières nations l'assise législative nécessaire pour traiter avec tous leurs membres, tant dans les réserves qu'à l'extérieur de celles-ci, ainsi qu'avec les organismes des secteurs privé et public.
Monsieur le président, les troisième et quatrième parties du projet de loi portent principalement sur les autorités réglementaires et les modifications d'ordre technique—citons, à titre d'exemple, l'autorité du gouverneur en conseil de mettre en place des dispositions de rechange dont la collectivité pourra se prévaloir si elle le désire. Elles établissent également la période de transition de deux ans pour les collectivités qui choisissent d'élaborer leurs propres codes et procédures dès le départ. Enfin, c'est cette partie qui harmonise la Loi sur les Indiens à la Loi canadienne sur les droits de la personne.
Ce projet de loi s'intègre à notre démarche politique globale, qui vise deux objectifs fondamentaux. D'abord, nous voulons améliorer la vie quotidienne des membres des Premières nations par des projets pratiques. Comme vous pouvez le concevoir, les meilleures structures gouvernementales et les outils fiscaux les plus perfectionnés ne sont que de peu de secours à des gens qui vivent sans eau potable, sans logement adéquat ou qui ne sont pas suffisamment instruits. Pourtant, c'est là la triste réalité de bon nombre des membres des Premières nations. Voilà leurs défis quotidiens, leurs luttes perpétuelles. À moins d'aborder franchement ces problèmes, nous ne ferons que susciter de faux espoirs. Voilà pourquoi nous avons entamé une vaste réforme des conditions sociales et économiques. Comme nous l'avons dit dans le discours du Trône, nous voulons faire du Canada une terre aux horizons toujours plus larges pour tous ceux qui y vivent.
Notre deuxième objectif est l'autonomie gouvernementale des Premières nations, que nous ainsi que notre gouvernement leur reconnaissons comme un droit inhérent. Je tiens à préciser que nous sommes toujours engagés à négocier l'autonomie gouvernementale. Cet engagement est inaltérable. Toutefois, quels que soient l'ampleur de notre engagement ou le nombre de négociations en cours, nous devons reconnaître que des années s'écouleront peut-être avant que certaines Premières nations obtiennent l'autonomie gouvernementale. En réalité, l'édification de nation exige du temps, des ressources et un engagement politique. Comme l'a souligné la Commission royale sur les peuples autochtones dans son rapport, les Premières nations sont souvent formées de plusieurs collectivités. Certains membres habitent une réserve, d'autres non. Ces divisions au sein des collectivités des Premières nations doivent être abolies pour que les négociations d'autonomie gouvernementale puissent avancer. Le projet de loi C-7 jouera un rôle de premier plan dans ces efforts.
Monsieur le président, je tiens aussi à souligner que certains membres des Premières nations craignent que l'autonomie gouvernementale ne leur soit pas bénéfique. Le comité souhaitera peut-être étudier attentivement ce dilemme. Par exemple, certaines femmes autochtones hésitent à donner plus de pouvoirs à leurs dirigeants et à leurs représentants. Il est intéressant de noter que lors des consultations ce groupe a proclamé avec la plus grande conviction que les membres des Premières nations avaient besoin de véritables mesures leur permettant de demander réparation et d'obliger leur administration à rendre des comptes. À mon avis, ce projet de loi va aider à régler ce problème. Il s'agit d'une transition pratique vers l'autonomie gouvernementale.
¹ (1555)
Comme l'a affirmé publiquement Joe Gosnell, chef des Nisga'as, ce projet de loi aurait pu abréger de plusieurs années le processus de négociation de l'entente d'autonomie gouvernementale des Nisga'as. Il permettrait également d'établir des structures de gouvernance solides et de procurer aux membres des Premières nations une véritable expérience de la gouvernance afin que leurs collectivités et tous ceux qui en font partie puissent en bénéficier.
Jetons un coup d'oeil aux raisons qui justifient le dépôt du projet de loi C-7. La première raison, et la plus importante, est le manque d'adaptation de la Loi sur les Indiens. Cette loi a été adoptée en 1876, et sa dernière modification ayant trait à la gouvernance remonte à plus de 50 ans. La Cour suprême du Canada a statué, dans le cadre du jugement Corbiere, que des parties de la Loi sur les Indiens étaient inconstitutionnelles. Les membres des Premières nations nous ont déclaré qu'elle était incompatible avec leurs droits et leurs aspirations.
Monsieur le président, notre objectif est de jeter les bases de l'autonomie gouvernementale. Le projet de loi C-7 est un pas dans cette direction. Nous voulons permettre aux administrations des Premières nations et aux membres qu'elles représentent de déterminer la teneur des ententes d'autonomie gouvernementale. Une autre génération de jeunes des Premières nations ne peut plus attendre. Il est temps de donner aux membres des Premières nations les moyens de décider de leur avenir.
Nous avons une autre bonne raison d'aller de l'avant maintenant. Dans l'arrêt Corbiere, la Cour suprême du Canada a enjoint au gouvernement d'agir. À l'heure actuelle, des dizaines d'autres causes sont devant les tribunaux. Tôt ou tard, les tribunaux nous demanderont à nouveau d'agir.
Regardons les choses d'une autre façon. En agissant maintenant, les chefs et les conseillers auront des pouvoirs décisionnels. Ainsi, pour la plupart des décisions législatives ou administratives, ils n'auront plus besoin de mon approbation. Les membres des Premières nations détermineront l'admissibilité des candidats, le processus électoral et la durée des mandats. Les budgets des Premières nations seront approuvés en public. Les membres des Premières nations sauront si leur gouvernement crée des déficits ou des surplus. Ils auront leur mot à dire sur la façon dont les fonds publics sont dépensés.
Le projet de loi C-7 permettra aux bandes de faire appliquer leurs lois, qu'elles portent sur l'environnement, l'utilisation des terres et même les limites de vitesse. Les conseils de bande auront la capacité et l'assise législatives pour établir une fonction publique professionnelle et se partager la responsabilité de l'administration des affaires quotidiennes. Les entrepreneurs, qui préfèrent toujours un environnement stable et qui veulent connaître les règles du jeu et les autres joueurs, pourront dorénavant investir avec confiance.
La Loi sur la gouvernance des Premières nations offre tous ces avantages. Cette loi enlèvera tout pouvoir ministériel, notamment le pouvoir de révocation. Le ministre ne devrait pas être en mesure de révoquer une loi adoptée par l'administration d'une Première nation dûment élue qui rend des comptes. À ma grande satisfaction, par ailleurs, le projet de suivra garantira l'application de la Loi canadienne sur les droits de la personne aux Premières nations et à leurs membres.
Je tiens à souligner que cette idée bénéficie du soutien général des Premières nations, y compris de celui du chef national Coon Come. Le projet de loi donnera de nouveaux pouvoirs exhaustifs aux membres des bandes pour qu'ils élaborent leurs propres constitutions et leurs propres codes électoraux qui préciseront le nombre d'élus, les critères de leur admissibilité et la fréquence des élections. Le projet de loi établira clairement les pouvoirs d'application des lois des Premières nations. Les bandes auront le pouvoir d'élaborer des procédures de recours pour leurs membres. Le projet de loi établira des normes communes dans des domaines comme ceux des conflits d'intérêt, de l'approbation et de la publication des budgets et des comptes des bandes.
Bref, monsieur le président, le projet de loi redonne les pouvoirs à ceux à qui ils reviennent de droit, c'est-à-dire aux membres des Premières nations. J'estime qu'il est important que nous agissions de la sorte. Les justifications en faveur de cette démarche sont nombreuses. La capacité d'entreprendre le développement économique, d'établir des collectivités saines dotées d'une infrastructure adéquate et d'aider les gens à développer leurs habilités pour qu'ils réalisent leur potentiel dépend d'une bonne gouvernance. Les membres des Premières nations reconnaissent le lien entre une gouvernance efficace et le progrès économique.
Monsieur le président, je crois vous avoir dit, la dernière fois que j'étais ici, que j'avais été très étonné d'apprendre que les gouvernements, tant le mien que ceux qui l'ont précédé, n'ont jamais effectué de sondage auprès de la population des réserves seulement. En fait, ce sont des membres de la population générale qui ont été interrogés sur ce que devrait être la politique à l'égard des citoyens des Premières nations.
º (1600)
Dans le dernier sondage que nous avons mené auprès de membres des Premières nations habitant dans les réserves, en mai dernier, nous avons appris que 86 p. 100 des gens estiment que la présence de bonnes administrations dans les collectivités des Premières nations est la meilleure façon d'attirer des investisseurs et des emplois.
Monsieur le président, nous avons effectué un autre sondage pour nous permettre de mieux comprendre comment les membres des Premières nations conçoivent leurs buts et leurs aspirations. J'aimerais certes partager les résultats de ces sondages avec vous puisqu'ils sont du domaine public. Vous constaterez comme moi qu'ils ressemblent beaucoup à ce que nous avons entendu durant les consultations, soit que les membres des Premières nations eux-mêmes conviennent que la gouvernance est importante, qu'il faut régler cette question et qu'il faut s'éloigner du processus archaïque qui a régi leur vie: je parle de la Loi sur les Indiens.
Monsieur le président, le projet de loi gagnera à être examiner par votre comité, et je sais que de nombreux témoins se présenteront devant vous. Comme vous, il me tarde de savoir ce qu'ils ont à dire.
Par contre, vous devez savoir que le gouvernement n'a pas élaboré ce projet de loi en vase clos. Le ministère a consulté une foule de personnes les plus touchées par la Loi sur les Indiens. Nous avons dialogué avec de nombreux dirigeants—des chefs et des conseillers, des dirigeants politiques de niveau tribal, régional et national. Nous avons consulté les membres des Premières nations—c'est-à-dire les sages, les jeunes, les hommes et les femmes, qu'ils habitent ou non une réserve. Nous avons engagé un véritable dialogue avec les membres des Premières nations.
Comme bon nombre d'entre vous le savent, après que nous avons entrepris ce projet, l'Assemblée des Premières nations nous a demandé de tout arrêter afin que nous puissions répondre à quelques-unes de ses préoccupations. Comme vous le savez également, nous avions déjà offert à l'Assemblée des Premières nations un rôle important dans l'élaboration du projet, de même que dans le processus de consultation. Notre offre a été refusée. Malgré tout, j'ai accepté de saisir cette deuxième occasion d'ouvrir le dialogue et d'améliorer la situation. Dès novembre 2001, après trois mois de négociations et de dialogues particuliers, l'exécutif national de l'Assemblée des Premières nations et moi-même avons conclu un accord. Il n'y a pas eu d'abstention ou d'objection. Par la suite, quelques semaines plus tard pour être plus précis, comme vous le savez tous, l'entente est tombée à l'eau. Une minorité de chefs de Premières nations ont voté contre le plan de travail de l'exécutif national.
Monsieur le président, en termes pratiques, je n'ai pas interrompu le processus l'an dernier. Je n'aurais pas pu le faire. Le gouvernement a l'obligation, et même le devoir, de travailler de concert avec les dirigeants et les membres des Premières nations en vue d'apporter les changements proposés. C'est ce que nous avons fait. Avec l'aide des membres et de nombreux dirigeants des Premières nations, tant à l'échelle nationale que régionale, nous avons mené cet effort à bonne fin. Dix mille personnes ont pris part aux consultations les plus importantes qu'ait jamais tenues le gouvernement du Canada auprès des membres des Premières nations. Il aurait été irresponsable de ne pas tenir compte de leurs points de vue. Nous avons écouté et nous avons appris.
Le projet de loi a été rédigé avec l'aide particulière du Comité consultatif ministériel conjoint sur la gouvernance. Le comité est constitué de dix représentants dotés d'une vaste expérience relative aux Premières nations et au gouvernement. Je tiens à profiter de l'occasion pour féliciter les membres du comité et pour les remercier de leur dévouement. Je crois savoir que vous entendrez le témoignage de plusieurs membres du comité. Sachez qu'en est membre aussi Andrew Beynon, celui qui a représenté le ministère de la Justice. Il aimerait vivement pouvoir vous faire part de ses commentaires, j'en suis convaincu.
Bien que de nombreuses dispositions reprennent pratiquement mot pour mot les recommandations du comité, certaines modifications ont été apportées à la suite d'autres discussions. Je tiens à ce que vous sachiez, monsieur le président, que je me porte garant du résultat.
º (1605)
Comme je l'ai souvent dit, et je tiens à le répéter devant vous aujourd'hui, le projet de loi sur la gouvernance des Premières nations n'est pas coulé dans le béton. Je suis ouvert à toutes les suggestions visant à l'améliorer. En tant que parlementaires, vous savez qu'il vous a été soumis dès la première lecture, plutôt qu'après la seconde, pour que vous puissiez, vous et les témoins que vous entendez, en discuter librement.
Monsieur le président, j'espère que vous et les membres du comité qui prônent parfois une plus grande participation des députés à la rédaction des lois profiterez du fait qu'un ministre vous envoie un projet de loi avant la deuxième lecture pour le conseiller si vous estimez, après avoir en avoir débattu avec les témoins, qu'il pourrait être amélioré.
Comme vous le savez sûrement, certains dirigeants autochtones sont en désaccord avec notre démarche. Ils accusent le gouvernement d'être colonialiste. Ils préféreraient travailler immédiatement à la mise en oeuvre du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Ils réclament souvent le droit d'entamer de nouvelles négociations constitutionnelles, insistent pour que les bandes régies par la Loi sur les Indiens aient tous les pouvoirs et le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale ou encore pour que nous allions de l'avant en fonction de l'article 35 de la Constitution de 1982 plutôt que du paragraphe 91(24) de la Constitution de 1867.
Monsieur le président, la question a son importance, car certains de ces dirigeants prendront la parole devant le comité avec l'idée que le projet de loi cherche à nous détourner de l'autonomie gouvernementale. Je m'attends qu'on vous demande de ne pas tenir compte du cadre constitutionnel des droits autochtones lorsque vous étudierez le projet de loi C-7.
Souvent, les critiques interprètent les dispositions constitutionnelles comme si elles étaient à prendre ou à laisser, c'est-à-dire comme si nous avions le choix de nous conformer au paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867 ou à l'article 35 de la Charte canadienne des droits et libertés. Ils qualifient souvent notre démarche de colonialiste car nous fondons notre projet de loi sur le paragraphe 91(24) plutôt que de simplement reconnaître et mettre en oeuvre les droits évoqués à l'article 35.
Comme vous le savez, le paragraphe 91(24) donne au Parlement le pouvoir d'adopter des lois sur les Indiens ou les terres qui leur sont réservées. De son côté, l'article 35 confirme que les droits ancestraux et issus des traités existent. Comme vous le savez, ces dispositions font partie de la même constitution. On m'a expliqué que l'une ne va pas sans l'autre et qu'elles doivent être prises en tandem. Il ne s'agit aucunement de choisir entre l'une ou l'autre. Lorsque le Parlement songe à adopter une loi pour donner effet au projet de loi C-7 et aux mesures sur la gouvernance ou qu'il adopte la loi sur l'Accord définitif nisga'a, ses pouvoirs législatifs en la matière découlent du paragraphe 91(24).
Fait plus important, il n'existe aucun conflit entre les pouvoirs législatifs du gouvernement fédéral précisés au paragraphe 91(24) et la reconnaissance des droits ancestraux et des droits issus de traité de l'article 35. Ces deux dispositions doivent être vues comme un tout et accordées. Nos lois, dont la Loi sur la gouvernance des Premières nations, doivent respecter l'article 35. J'insiste là-dessus.
Cependant, le Parlement peut encore adopter des lois. Prétendre le contraire reviendrait à nier au Parlement sa capacité à jouer le rôle que la Constitution lui confie. Il s'agit de notre point de vue, monsieur le président. Je suis sûr qu'on vous fera part d'autres interprétations. Je suivrai vos travaux avec beaucoup d'intérêt. Je ne demande qu'une chose: des critiques et des conseils constructifs en vue d'un changement. Selon moi, les Premières nations méritent ce qu'il y a de mieux en termes de travail et de débats.
Monsieur le président, nous avons abordé plusieurs sujets, et je vous invite à réfléchir à mes propos. Le projet de loi C-7 porte sur l'édification de gouvernements efficaces et responsables qui représenteront leurs commettants et travailleront dans leur intérêt. Le projet de loi à l'étude est une étape essentielle vers l'amélioration de la qualité de vie quotidienne des Autochtones et la mise en oeuvre de l'autonomie gouvernementale.
º (1610)
Les avantages de cette mesure sont évidents. Les Premières nations obtiendront des codes de gouvernance conformes aux normes formulées dans le projet de loi et, plus important encore, approuvés par la collectivité. Ces codes porteront sur la sélection des dirigeants, l'administration du gouvernement des Premières nations ainsi que sur la structure de la gestion financière et de l'obligation de rendre des comptes. En somme, la nouvelle loi donnera aux Premières nations le pouvoir de se gouverner elles-mêmes selon des modalités qui marquent un progrès par rapport aux dispositions désuètes de la Loi sur les Indiens et qui les font avancer vers notre objectif commun d'autonomie gouvernementale.
Mais surtout, monsieur le président, grâce ce projet de loi, le gouvernement remplit une des promesses qu'il a faites aux membres des Premières nations. Une gouvernance améliorée créera de meilleures conditions de développement économique. Les Premières nations seront plus en mesure d'attirer les investisseurs, et ceux-ci comprendront davantage la situation et la capacité juridiques des Premières nations.
Permettez-moi, monsieur le président, d'aller un peu plus loin. Je pense que vous devriez demander aux personnes qui témoignent devant vous comment cette mesure pourrait placer n'importe quel membre d'une Première nation dans une situation pire que celle qu'il connaît actuellement en vertu de la Loi sur les Indiens. Selon moi, chaque élément du projet de loi constitue une amélioration par rapport à la situation actuelle, et cette raison seule suffit à justifier l'adoption du projet de loi.
Monsieur le président, nous avons là une occasion unique. Les membres des Premières nations participent au débat et travaillent avec le gouvernement du Canada. Sur le plan politique, l'environnement est prêt pour un vrai changement.
Monsieur le président, nous avons aussi un défi à relever. Chacun de nous autour de cette table, et chacun des témoins qui se présente devant vous, a une responsabilité à l'égard des membres des Premières nations. Ensemble, nous devons faire ce qui est juste, et nous devons le faire maintenant. Quiconque a visité des réserves dans les différentes régions du Canada n'ignore pas qu'il existe toujours des inégalités fondamentales. Permettre à cette situation de perdurer, c'est permettre à l'injustice de triompher. Qu'ils vivent dans des villes ou dans des régions éloignées, les citoyens de ce pays doivent savoir que leurs gouvernements travaillent dans leur intérêt en vue d'améliorer leur qualité de vie et d'édifier un avenir meilleur. Nous pouvons faire mieux et nous le devons, monsieur le président, car nous n'avons que trop tardé à relever le défi qui consiste à améliorer la gouvernance des Premières nations.
Le projet de loi dont vous êtes saisi redonnera aux membres des Premières nations le pouvoir de prendre des décisions pour façonner leur avenir et enrichir leur collectivité. Monsieur le président, nous leur devons d'adopter ce projet de loi.
Là-dessus je veux vous remercier. Je vais suivre avec grand intérêt vos délibérations. Moi et mes fonctionnaires seront prêts à venir discuter n'importe quand de toute question ayant trait au projet de loi parce que je crois, fondamentalement, que c'est probablement le dossier le plus important de votre comité pour les années à venir.
Merci beaucoup.
º (1615)
Le président: Merci beaucoup, monsieur le ministre.
Je peux vous dire, à vous et aux autres participants, que notre comité est prêt à réaliser le travail que le président de la Chambre lui a confié. Pendant trois mois au printemps de 2002, nous avons recueilli des informations et consulter les chefs des Premières nations et des experts sur la Loi sur les Indiens. Le comité a beaucoup travaillé et je le félicite de ce qu'il a fait.
Vous avez parlé du comité consultatif ministériel conjoint. Ses membres vont comparaître jeudi de cette semaine.
Chers collègues, j'ai besoin de dix interventions pour deux tours de table. En nous en tenant au temps alloué, il pourra y avoir trois tours, en autant que je peux commencer par un tour de cinq minutes, ce qui laisserait sept minutes à l'opposition officielle. Êtes-vous d'accord?
Des voix: Oui.
Le président: Donc, l'opposition officielle a droit à sept minutes. Qui va commencer?
Monsieur Pallister.
M. Brian Pallister (Portage—Lisgar, Alliance canadienne): Monsieur le ministre, merci d'être venu nous rencontrer, et bonne année à vous.
Vous avez demandé des conseils constructifs et, par le truchement de questions et de commentaires, je vais commencer à donner des conseils qui, je l'espère, vous seront très utiles.
De toute évidence, le projet de loi traite de la bonne gouvernance. Pourtant, nous savons que la bonne gouvernance est très difficile à réaliser quand un pouvoir considérable est détenu par un petit groupe de personnes. Nous le constatons tout le temps. C'est un problème pour nous, mais c'en est un encore plus important pour beaucoup de collectivités autochtones du Canada. Je pense que la meilleure façon de contrebalancer la concentration du pouvoir est la présence de fournisseurs de services qui peuvent dissiper, ou du moins atténuer, l'impact de l'influence politique sur les prises de décision. Ce n'est pas le cas dans toutes les réserves du pays, et les bandes ne bénéficient pas toutes d'une saine gestion.
J'aimerais signaler un aspect qui nous inquiète, moi et l'Alliance. Compte tenu de la petite taille des collectivités autochtones—puisque je pense que 80 p. 100 de nos bandes comptent moins de 2 000 personnes et le tiers moins de 100—et que leur administration a déjà tendance à être lourde—puisqu'on y trouve beaucoup d'emplois de nature administrative et de prestation de service, par exemple—quand vous proposez un modèle qui accorde des pouvoirs à un groupe déjà influent, c'est-à-dire les dirigeants de la collectivité, ne craignez-vous pas d'amplifier le déséquilibre qui existe déjà entre ceux qui sont dirigés et ceux qui dirigent?
Je vais vous donner l'exemple des nouveaux pouvoirs qui sont conférés pour désigner des agents chargés de faire exécuter la loi, établir des codes et d'autres mesures. Nous avons signalé à notre bureau, et sans doute au vôtre, les préoccupations des Autochtones du pays concernant des accusations—souvent fausses et peut-être non fondées—d'abus de pouvoir de la part de représentants du gouvernement ici ou dans les régions ou de la part de dirigeants autochtones, de chefs et de conseils de réserve.
Ne craignez-vous pas, en accordant plus de pouvoir aux chefs autochtones sans autre protection, de marginaliser encore davantage des Canadiens qui le sont déjà?
M. Robert Nault: Monsieur le président, je pense que c'est une question très importante.
Je dirais à mon collègue que le gouvernement est en fait d'avis qu'il fait justement le contraire. Nous voulons rééquilibrer les pouvoirs pour le remettre à la population. La structure actuelle ne prévoit pas de faire participer les citoyens de la collectivité à des questions qui pour nous, parlementaires et députés, semblent acquises. Un service public professionnel doté d'un code administratif et de mécanismes régulateurs n'est pas tenu d'assurer l'impartialité des décisions prises par les dirigeants au sein d'une collectivité autochtone. Il n'existe pas de lignes directrices sur les conflits d'intérêts dans les administrations autochtones. Et la liste continue.
Les Autochtones ont déjà des codes qui ne sont pas reconnus par la loi, et nous allons avoir l'occasion de disposer des bons outils pour corriger les déséquilibres. Je suis sûr que les Autochtones, en ayant la possibilité de jouer un rôle au sein de la collectivité, vont pouvoir tenir leurs gouvernements responsables.
Le député, qui me l'a déjà dit deux ou trois fois en privé, a répété aujourd'hui qu'il y a beaucoup de petites collectivités autochtones. Je connais justement bien la situation, puisque dans ma circonscription de Kenora—Rainy River il y a 51 collectivités autochtones dont la majorité d'entre elles comptent moins de 1 000 membres.
L'alinéa 18(1)b) du projet de loi prévoit «la délégation à une personne ou à un organisme des pouvoirs conférés au conseil par la présente loi, à l'exception de ceux prévus au présent article, ou par la Loi sur les Indiens». Cette disposition permet pour la première fois aux collectivités de se regrouper en nations sans avoir à engager de négociations sur l'autonomie gouvernementale.
Si nous voulons permettre aux collectivités autochtones de se regrouper pour, comme l'a proposé la commission royale, former des nations, nous devrions alors leur faciliter les choses. Le projet de loi a été conçu pour leur permettre de le faire à leur rythme. Ainsi, quatre, cinq ou vingt-cinq collectivités vont maintenant pouvoir, par exemple, prendre des initiatives en matière d'éducation ou dans d'autres domaines en se regroupant sans avoir à engager de négociations.
º (1620)
M. Brian Pallister: D'accord, je comprends. Je ne veux pas vous interrompre, mais vous connaissez les contraintes de temps.
M. Robert Nault: Bien, j'ai été beaucoup moins bavard que vous.
M. Brian Pallister: Oui, je sais.
Je pense qu'on peut s'entendre sur l'objectif recherché. Beaucoup d'Autochtones à qui j'ai parlé savent très bien quel est l'objectif visé, comme vous l'avez énoncé, mais il faut se demander si on peut vraiment l'atteindre. D'après mon expérience, les administrations existantes ont tendance à tout faire pour ne pas être dissoutes, pour ne pas collaborer avec d'autres. Encore une fois, ce n'est pas minime. Il va être difficile de réussir à améliorer la collaboration si les administrations de chaque bande sont déjà créées, d'après mon expérience dans le domaine.
Le président: Vous avez 30 secondes pour répondre.
M. Brian Pallister: Je n'ai même pas posé de question. Je m'apprête à le faire maintenant.
Le président: Vous devez prévoir un peu de temps pour la réponse.
M. Brian Pallister: Monsieur le ministre, vous venez à peine de recourir à vos pouvoirs, et je suis préoccupé par le fait que vous les réduisiez, croyez-le ou non—je vous apprécie quand même. Vous renoncez à votre pouvoir d'intervention à bien des égards, sauf en cas de mauvaise gestion financière. Vous venez d'intervenir, par exemple—et j'approuve tout à fait ce que vous avez fait—dans une bande de ma circonscription en raison de la violence qui y sévissait.
J'aimerais vous demander...
Le président: Merci beaucoup, monsieur Pallister.
M. Brian Pallister: Serez-vous en mesure de protéger les gens à l'avenir?
[Français]
Le président: Monsieur Loubier, vous avez cinq minutes.
M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Merci, monsieur le président. J'ai l'impression que le ministre aura l'occasion de répondre à M. Pallister par le biais de la réponse qu'il va me donner puisque j'ai, moi aussi, une question bien simple à lui poser.
Monsieur le ministre, nous ferons une tournée de plus d'un mois pour rencontrer les personnes intéressées par le projet de loi sur la gouvernance. Jusqu'à présent, les propos que j'ai entendus de la part des premiers concernés par ce projet de loi, c'est-à-dire les représentants autochtones, ne sont pas des éloges. Au contraire, ce sont des oppositions assez virulentes et assez généralisées. Je ne veux pas qu'on puisse dire au préalable que l'on est en faveur ou que l'on est contre. Moi-même, à l'heure actuelle, je ne suis pas convaincu. Je ne suis ni en faveur ni contre; j'attends d'être convaincu, soit par vous, soit par des représentants qui s'opposent à votre projet.
Je n'ai qu'une question à vous poser. S'il advenait, après notre tournée d'un mois, lors de laquelle nous aurons un horaire très chargé qui nous permettra de rencontrer des dizaines et des dizaines de personnes, qu'on s'aperçoive que votre projet de loi fait fausse route et que ce n'est pas la bonne voie pour atteindre l'autonomie gouvernementale des nations autochtones au Canada, est-ce que, malgré vos propres éloges à l'endroit de ce projet de loi, vous seriez assez humble pour reconnaître qu'il faut changer les choses, qu'il faut peut-être adopter un autre processus et, avant d'adopter ce processus, associer plus étroitement les nations autochtones à l'élaboration de ce processus?
Depuis que vous avez présenté le projet de loi sur le règlement au niveau des compensations et des règlements territoriaux, on s'aperçoit qu'on vous reproche essentiellement deux choses. Premièrement, on vous reproche votre abus de pouvoir puisque vous avez beaucoup de pouvoir, dans les deux projets de loi, pour trancher les causes. Deuxièmement, on a en quelque sorte l'impression qu'on infantilise les nations autochtones, alors qu'on devait les considérer comme de vrais partenaires.
Ici même, la majorité libérale a refusé qu'on adopte une procédure de fonctionnement qui aurait permis au comité de s'associer beaucoup plus de représentants autochtones afin d'avoir la meilleure compréhension possible de leurs besoins.
º (1625)
[Traduction]
M. Robert Nault: Monsieur le président, j'ai dit dans ma déclaration, et je vais le répéter, que moi et le gouvernement voulons que votre comité examine en profondeur le projet de loi présenté et, si vous jugez qu'il comporte des lacunes, vous pouvez y proposer des amendements importants. C'est la raison pour laquelle vous en avez été saisi avant la deuxième lecture.
Votre tournée des régions et les commentaires des dirigeants m'intéressent beaucoup. Je suis bien curieux de savoir quel aspect du projet de loi les chefs trouvent offensant. Je dois admettre que, jusqu'ici, je trouve qu'il est surtout question du processus. Comme vous le savez, on nous reproche toujours, au sein du gouvernement, de ne pas assez consulter le grand public. Il y a toujours des gens qui contestent les mesures législatives qui sont présentées au Parlement, dans les assemblées législatives et les administrations autochtones, si je puis dire. Je suis prêt à examiner des amendements constructifs qui, d'après moi et le gouvernement, vont améliorer le projet de loi. Monsieur le président, je veux vraiment savoir quelles dispositions particulières des codes que nous voulons permettre aux Premières nations d'élaborer sont contestées.
C'est la question que je vous pose, à vous en tant que président du comité et à vos membres. Le projet de loi a été rédigé à partir des conseils exprimés par 10 000 personnes, y compris le CCMC, qui nous a recommandé qu'il devrait permettre aux Premières nations de prendre leurs propres décisions. Si ce n'est pas ce que le projet de loi prévoit, nous avons un problème, parce que je crois fermement qu'il permet aux Premières nations de se gouverner elles-mêmes sans ingérence. Si j'accepte votre argument que nous croyons en un partenariat, je pense que le projet de loi en tient compte, parce que nous permettons aux Premières nations, pour la première fois par voie législative, d'établir leurs propres codes, qui auront force de loi. Je trouve que c'est déjà exceptionnel. C'est la première fois que nous faisons cela.
Le président: Merci, monsieur le ministre.
Monsieur Martin, vous disposez de cinq minutes.
M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Moi aussi je vous remercie d'être ici, monsieur le ministre.
Je reconnais que le gouvernement fait preuve d'authenticité dans son désir d'apporter des modifications significatives à la Loi sur les Indiens et, à vrai dire, rien ne me ferait plus plaisir, pendant le court laps de temps qu'il me sera donné d'être député, quelle que soit la durée de cette période, que de pouvoir donner mon appui à des modifications significatives de la Loi sur les Indiens. Vous avez noté dans votre présentation d'aujourd'hui que cela fait 50 ans que nous avons entrepris d'ouvrir la Loi sur les Indiens pour y apporter des modifications significatives; alors, il s'agit d'un événement très rare lorsqu'on parvient à intéresser le Cabinet et le Parlement à cette question.
C'est pourquoi beaucoup d'entre nous ne sont pas satisfaits. Si c'est là la seule occasion qui nous sera donnée au cours de la présente décennie et, peut-être même, au cours de la présente génération, de nous exprimer sur des modifications proposées au projet de loi C-7—et peut-être pouvez-vous nous éclairer là-dessus—, à un moment où il se pose de nombreuses questions urgentes entourant la véritable tragédie sociale que vivent les collectivités des Premières nations, comment se fait-il que nous nous retrouvions en train de parler de détails administratifs, d'autant plus que même les données empiriques n'appuient pas cette démarche? Pendant 18 mois, nous avons regardé l'Alliance canadienne tenter de démontrer que chacune des collectivités des Premières nations est ou bien corrompue ou bien incompétente. Il y a eu des cas isolés de mauvaise gestion financière dans l'ensemble du pays et ces gens ont tenté de les relier ensemble pour accréditer la thèse que les Premières nations ne devraient pas avoir l'autonomie gouvernementale—parce qu'ils s'opposent à l'autonomie gouvernementale—parce que les Premières nations sont toutes corrompues ou parce qu'elles sont incapables de compter de l'argent. Les faits démontrent que sur 633 Premières nations, 96 p. 100 ont présenté leurs états financiers vérifiés à temps et que très peu d'entre elles ont effectivement besoin de l'intervention d'un tiers. En fait, la vérificatrice générale elle-même dit que les collectivités des Premières nations font l'objet d'une vérification excessive. Le problème, c'est que personne ne fait rien avec la masse d'information que génère cette multitude de vérifications.
Nous sommes confus et je partage la frustration des dirigeants des Premières nations du pays. Comment en sommes-nous arrivés à cet ensemble de mesures particulières si c'est là la seule occasion qu'aura cette génération d'éradiquer le mal qui se cache dans la Loi sur les Indiens?
º (1630)
M. Robert Nault: Premièrement, monsieur le président, je pense qu'il est extrêmement important de reconnaître que si j'ai une différence d'opinion avec le député, c'est que les éléments fondamentaux et les outils de bonne gouvernance qui sont nécessaires au développement d'une économie... et que les citoyens des Premières nations sont sur un pied d'égalité avec les autres Canadiens. S'il croit que cela existe déjà, je serais curieux de le voir mettre cela sur papier, parce que je ne crois pas un seul instant que les outils de gouvernance modernes nécessaires pour diriger une collectivité soient en place à l'heure actuelle.
Maintenant, si le député affirme que tout va bien aujourd'hui dans les réserves, alors, il est évident que lui et moi ne venons pas de la même région du pays. Les collectivités des Premières nations perdent de plus en plus de terrain.
Si le député dit qu'il connaît un autre moyen qui nous permettrait d'atteindre le même résultat, c'est-à-dire d'améliorer la qualité de vie des citoyens aujourd'hui, alors, je ne demande pas mieux que de l'écouter pour voir de quoi il s'agit.
Dernière observation. Pendant que nous faisons ce travail pour les Premières nations qui sont assujetties à la Loi sur les Indiens, travail qui pourrait prendre encore de nombreuses années, nous participons en même temps à quelque 80 séances de négociation distinctes sur l'autonomie gouvernementale. Je veux qu'il soit très clair dans mes observations que nous n'avons pas renoncé à notre engagement face à l'autonomie gouvernementale. Ce que nous faisons, c'est reconnaître la réalité. Si des gens ne veulent pas reconnaître la réalité, c'est leur choix, mais je crois fermement...et de nombreux citoyens des Premières nations m'en ont fait la remarque à maintes reprises, qu'il ne faut pas s'attendre à les voir accéder à l'autonomie gouvernementale dans un avenir rapproché, parce qu'il y a beaucoup de travail à faire avant d'y arriver. En attendant, que faisons-nous pour offrir aux citoyens des Premières nations l'égalité des chances que nous, Canadiens, tenons pour acquis dans le cas de nos propres enfants?
Je pense que c'est la question à laquelle votre comité sera directement confronté. Si vous décidez, pour une raison quelconque, parce qu'il y a de l'opposition, peu importe ce qui se passe au Parlement, que nous allons continuer avec le statu quo...
Le statu quo, monsieur le président, c'est que nous allons continuer de négocier l'autonomie gouvernementale. Il s'agit d'un engagement du présent gouvernement et, je présume, un engagement des gouvernements qui suivront. Mais comme vous pouvez le constater, nous n'avançons pas très rapidement dans ces négociations.
Le président: Monsieur Godfrey, vous avez cinq minutes.
M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.): Merci, monsieur le ministre, et soyez de nouveau le bienvenu parmi nous.
Je pense que, comme vous, le comité veut réussir dans ce dossier, surtout si nous allons y consacrer de notre temps, aussi bien sur la route que dans la présente salle. Par conséquent, je partage certaines des préoccupations de M. Loubier au sujet du processus. Je sais que vous avez entendu beaucoup de choses au sujet du processus.
Mais quelque chose m'intrigue. Sur la page couverture de votre discours, comme dans tout discours, on trouve la mention «La version prononcée fait foi». J'ai comparé, et j'ai vu qu'à la page 17, la seule phrase que je trouvait encourageante a été omise. Vous avez dit: «Sur le plan politique, l'environnement est prêt pour un vrai changement.» Mais ce que vous n'avez pas dit, mais qui figure dans le texte écrit, c'est: «Pour la première fois, les dirigeants des Premières nations sont à nos côtés pour rédiger des lois.» Si vous n'aviez pas omis cette phrase, j'aurais regardé autour de la table, ne voyant pas de...
Je me demandais, premièrement, si la phrase tient toujours et, deuxièmement, si sa signification est toujours valable. Troisièmement, je pense que je ferais l'observation, ou demanderais, comme je l'ai fait ici auparavant, si vous, en qualité de ministre, aviez des objections à ce que nous retournions, non pas pour la première fois, mais pour une seconde fois, à un processus qui fait intervenir les dirigeants, sans droit de vote...
Le président: Nous avons déjà traité de cette question.
M. John Godfrey: Mais j'ai sûrement le droit de poser une question au ministre.
Le président: Vous pouvez la poser et le ministre peut y répondre s'il le désire.
M. John Godfrey: Je pense que mes questions sont les suivantes: premièrement, pourquoi avez-vous laissé tomber la phrase, et deuxièmement, quel aurait été votre avis si nous avions été autorisés à en discuter publiquement?
M. Robert Nault: J'ai laissé tomber cette phrase parce que je ne voulais pas donner aux gens l'impression qu'ils étaient en train de rédiger des lois, parce que c'est illégal. Le député sait que dans un régime parlementaire, personne à l'extérieur du Parlement n'a le droit de rédiger des lois au nom des gouvernements. La phrase était incorrecte, alors je l'ai retirée.
Cependant, nous sommes en train de négocier avec les citoyens des Premières nations, comme vous le dira le CCMC, qui peut vous donnera toutes sortes de précisions sur les représentants des Premières nations présents à la table de négociation. Alors, à mon avis, nous les écoutons et les consultons plus que n'importe quel autre groupe, et avec raison d'ailleurs, parce que nous avons une responsabilité unique envers les Premières nations, celle de les faire participer au processus.
Pour ce qui est de la question de M. Godfrey, s'il est prêt à laisser les dirigeants autochtones qui ne sont pas élus par le peuple s'asseoir à cette table et créer un précédent... Il est dans l'erreur, parce que cela ne s'est jamais produit auparavant dans le cas d'un texte de loi. La dernière fois que les citoyens des Premières nations ont été présents à cette table, si je ne m'abuse, c'était dans le cas du rapport Penner, qui était un rapport du comité et non pas un texte de loi présenté par le gouvernement du Canada.
Pour répondre à sa question, je vais poser la question suivante. Êtes-vous prêt à laisser les citoyens des Premières nations siéger comme membres réguliers de tous les comités de la Chambre? Tous les textes de loi qui passent devant la Chambre touchent les Premières nations. À mon avis, il serait préférable de vous adresser à la direction de la Chambre pour obtenir satisfaction, parce qu'évidemment, ce n'est pas le ministre qui est devant vous qui a le pouvoir de changer les règles de la Chambre.
º (1635)
[Français]
Le président: Monsieur Loubier, c'est à M. Godfrey.
Monsieur Godfrey, vous avez une minute.
[Traduction]
M. Pallister est le suivant, pour un tour de trois minutes.
M. Brian Pallister: [Note de la rédaction: difficultés techniques]... les choses dérapent en termes de gouvernance locale, et malheureusement, cela pourrait également se produire dans l'avenir, malgré les bonnes intentions que l'on retrouve dans cette loi. Ainsi, lorsque vous déléguez votre capacité d'intervention, sauf dans le domaine très étroit des critères strictement financiers, je m'inquiète de savoir si vous serez capable de protéger les intérêts des personnes vulnérables dans les petites réserves comme celles-là.
Comme je l'ai dit plus tôt, dans une telle situation, je ne vois pas comment la gouvernance s'en trouverait améliorée par le fait que le chef d'une réserve qui compte 85 adultes soit en mesure de nommer une personne pour accueillir les recours. Je ne comprends pas comment ce modèle fonctionnerait. Vous dites qu'il pourrait y avoir de la collaboration, mais dans ce cas particulier, il n'y a pas eu beaucoup de collaborations dans le passé.
Si vous déléguez la responsabilité de protéger les intérêts des personnes vulnérables dans les réserves—les femmes, les membres des clans minoritaires, etc.—alors qu'il y a seulement neuf mois, vous avez dû intervenir pour protéger ces mêmes personnes contre la discrimination et les sortir d'une situation fâcheuse, ce que vous ne pourrez plus faire en vertu de cette loi, comment pensez-vous que ces gens seront protégés dans l'avenir? Et ne me dites pas qu'elles seront protégées par la Loi canadienne sur les droits de la personne. Vous et moi savons très bien que ça ne marcherait pas, qu'il ne s'agirait que d'un faux-fuyant. La Loi canadienne sur les droits de la personne ne peut être invoquée que pour des questions précises ayant trait à l'égalité des sexes et ne permettrait pas de protéger ses gens. Alors, qu'est-ce qui va protéger ces gens si vous ne le faites pas et si vous ne pouvez pas le faire?
M. Robert Nault: Je vais faire des observations pendant une minute et je donnerai ensuite la parole à mon fonctionnaire pour les 30 secondes qui restent.
Le but de cet exercice est de faire en sorte que les dirigeants des Premières nations soient légalement responsables de leur peuple et qu'ils soient tenus de lui rendre des comptes. Par conséquent, il y a aura dans cette loi des dispositions juridiques pour faire face à des questions comme celles qui se posent aujourd'hui dans la collectivité de Dakota Tipi et dans lesquelles nous ne pouvons intervenir. C'est l'objectif de l'exercice: doter les gouvernements des fondements légaux les rendant responsables de leurs actions.
Je ne suis pas d'accord avec vous pour dire que cette loi aura pour effet de laisser les gens sans protection, parce qu'en fait, c'est le contraire.
[Français]
Le président: Monsieur Binet.
º (1640)
M. Gérard Binet (Frontenac—Mégantic, Lib.): Merci, monsieur le président. Bonjour, monsieur le ministre.
Monsieur le ministre, vous avez dit que ce projet de loi était une étape intérimaire vers l'autonomie gouvernementale. Que voulez-vous dire exactement par ces propos?
[Traduction]
M. Robert Nault: J'ai toujours affirmé, au nom du gouvernement du Canada, la conviction solennelle, partagée par tous les membres du gouvernement dont je fais partie, que nous parviendrons à respecter le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Mais en attendant, à cause de l'existence de l'archaïque Loi sur les Indiens avec laquelle doivent composer les gens des Premières nations, il nous faut combler de nombreuses lacunes pour bâtir la capacité nécessaire pour faciliter le passage entre la situation actuelle et l'avènement de l'autonomie gouvernementale.
L'observation que j'ai faite au sujet de Joe Gosnell et des Nisga'a est très vraie. Si vous n'êtes pas responsable de votre système d'éducation, de vos services de santé ou des rouages quotidiens du gouvernement, y compris de la création d'une fonction publique professionnelle, c'est rêver que de croire que ces collectivités peuvent franchir le pas qui les sépare de l'autonomie gouvernementale.
L'objectif de ce projet de loi est de servir d'étape intermédiaire pour bâtir une capacité permettant le transfert des pouvoirs, de sorte que nous puissions avancer dans cette direction. Je pense que c'est de cette façon que nous parviendrons à accéder à l'autonomie gouvernementale, d'une manière beaucoup plus rapide qu'avant.
[Français]
M. Gérard Binet: Vous avez d'ailleurs mentionné l'importance de l'éducation. Êtes-vous en mesure de nous dire ce que votre ministère entreprend actuellement dans ce domaine?
[Traduction]
M. Robert Nault: Comme je l'ai fait remarquer dans mon allocution d'ouverture, on nous a dit, à maintes occasions, que le gouvernement ferait mieux de parer au plus pressé plutôt que de passer le plus clair de son temps à s'occuper de gouvernance.
J'ai reçu le rapport du comité spécial et du groupe d'experts sur l'éducation que nous avions annoncé en juin. Ce rapport et les recommandations qu'il contient seront rendus publics. Ce gouvernement estime qu'il faudra engager des consultations pour améliorer les résultats au chapitre de l'éducation. S'il y a un secteur du gouvernement qui a besoin de changement, c'est bien celui de l'enseignement; et s'il y a une chose que nous, parents, attendons des gouvernements, c'est bien qu'ils donnent à nos enfants une chance de réussir dans la vie.
Permettez-moi de faire une remarque à ce propos. Jusqu'à présent, les statistiques révèlent que 70 p. 100 des enfants autochtones ne terminent pas leurs études secondaires. Imaginez ce que cela signifie pour la prochaine génération. Nous savons bien que de nos jours il faut un niveau d'études minimal pour trouver une place dans la vie économique. C'est la raison pour laquelle nous nous sommes fixé comme objectif, pour les deux ou trois prochains mois, de nous occuper en priorité de l'éducation, dans le but de renforcer le système. Comme c'est un autre secteur dans lequel nous pensons perdre dangereusement du terrain, nous devons entreprendre certains changements.
[Français]
Le président: Monsieur Loubier, vous avez trois minutes.
M. Yvan Loubier: Monsieur le ministre, ne pensez-vous pas que, pour tous les projets de loi concernant les premières nations, ce serait plus facile s'il y avait une association continuelle entre les parlementaires et les représentants des premières nations? Je m'explique.
Par exemple, pour étudier la Loi sur les banques, il y a des comités formés de représentants élus du peuple, donc de députés de ce Parlement, et de sénateurs qui sont nommés par le premier ministre du Canada. Pourquoi ne serait-il pas possible qu'il y ait des comités mixtes de parlementaires et de représentants des autochtones qui seraient nommés par la Couronne? Il me semble que ça serait très facile de travailler ensemble. On arriverait peut-être plus rapidement à un résultat. Ce résultat ne ferait peut-être pas l'unanimité, mais il ferait l'objet d'un consensus.
Quelle différence y a-t-il entre un sénateur nommé et un membre des premières nations qui serait nommé pour siéger avec nous à un comité mixte afin d'analyser les projets de loi, de les améliorer tout de suite et de faire en sorte qu'on ne risque pas d'aboutir à un échec? Tout le monde s'attaquerait soit au processus, soit à certaines parties du projet de loi, tout dépendant des premières nations, dont les réalités sont différentes.
Pourquoi veut-on mettre totalement de côté une forme de représentation comme celle-là, qui pourrait faire avancer rapidement une cause commune? Vous semblez être aussi enthousiasmé que nous par cette cause. Pourquoi rejetez-vous cette formule qui a déjà été proposée? Je pense qu'il vaudrait la peine de l'utiliser. Pourquoi l'écartez-vous comme cela, alors qu'on sait qu'à la Chambre haute, il y a des gens qui ne sont pas élus, qui travaillent avec nous et qui ont leur mot à dire sur des projets de loi, ce qu'on trouve normal?
º (1645)
[Traduction]
M. Robert Nault: Permettez-moi de répéter ce que j'ai dit. Je n'ai rejeté aucun des commentaires du député; je lui ai tout simplement fait remarquer qu'il ne s'adressait pas au bon ministre. Si vous voulez parler de réforme parlementaire, sachez que cela dépasse le cadre de mes attributions en tant que ministre. En fait, ce député ferait mieux de s'entretenir de toutes les questions de réforme parlementaire avec le leader à la Chambre. Si l'idée c'est d'avoir des représentants non élus des Premières nations dans tous les comités de la Chambre, et si vous voulez créer un précédent avec ce comité, laissez-moi vous dire que l'un des problèmes auquel j'ai été confronté jour après jour est que les gens pensent que le seul ministère qui s'occupe des Autochtones est celui des Affaires indiennes.
M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.): Monsieur le président, j'invoque le Règlement. Ceci n'est pas la tribune adéquate pour débattre de cette question. Le ministre est ici pour présenter son point de vue. Ce comité est maître de ses choix; il pourrait éventuellement décider de s'adresser à la Chambre. Ce n'est pas au ministre de prendre cette décision, mais au comité.
Le président: Je comprends votre position, mais ce n'est pas un recours au Règlement. Il s'agit d'une consultation qui pourrait déboucher sur d'autres discussions.
Je vous accorderai 20 secondes supplémentaires pour conclure.
[Français]
M. Yvan Loubier: Merci, monsieur le président.
Il ne s'agit pas de faire siéger les représentants autochtones à tous les comités, mais aux comités qui ont une importance capitale. Vous parliez de l'autonomie gouvernementale. Si vous nous parlez de l'autonomie gouvernementale, c'est que vous considérez que les autochtones sont des adultes. On parle des représentants des nations qui aspirent à la souveraineté, à l'autonomie gouvernementale. Pourquoi ne pas les associer tout de suite aux comités qui étudient des projets de loi aussi importants que celui sur la gouvernance? C'est le tremplin pour accéder à l'autonomie gouvernementale.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur St. Denis.
[Traduction]
M. Brent St. Denis (Algoma—Manitoulin, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.
Merci aussi à vous, monsieur le ministre, d'être ici aujourd'hui. Tout comme vous, je suis député d'une circonscription en Ontario. Je crois que c'est dans votre circonscription que l'on retrouve le plus grand nombre de Premières nations—soit à peu près 50—, mais je pense que ma circonscription se place au deuxième rang, avec environ 25 peuples différents. J'apprécie toute l'importance de ce que fait le gouvernement du Canada pour nos Premières nations. Il faut tenir compte de l'accroissement démographique relatif observé dans nos collectivités autochtones et du fait que les budgets du gouvernement fédéral ont augmenté depuis 1993, au lieu de diminuer, car tout cela à avoir avec les questions que nous examinons actuellement.
Même si je considère que dans ma propre circonscription, les dirigeants autochtones ont fait du bon travail et ont géré les ressources très efficacement, je peux comprendre la nécessité d'aborder des questions aussi cruciales et de prendre des mesures provisoires afin de permettre aux dirigeants de ces collectivités de s'adapter aux dernières dispositions prises en matière de gouvernance pour corriger la situation. Je me demandais, monsieur le ministre, s'il vous était possible de placer ces mesures intérimaires dans un contexte plus vaste, peut-être même plus grand que celui que vous avez fourni. Pouvez-vous imaginer comment seront les relations dans cinq, dix ou même vingt-cinq ans? Je suis d'accord avec vous sur la nécessité de mettre l'accent sur l'amélioration de la qualité de vie au sein des collectivités des Premières nations. Il faut le faire. Mais pouvez-vous nous aider à concevoir l'avenir à moyen et long terme?
M. Robert Nault: Je peux vous l'expliquer de manière très succincte. Si nous admettons que les peuples des Premières nations sont ceux avec lesquels nous avons signé des traités et qui ont une relation particulière et unique avec notre gouvernement, et si nous négocions leur autonomie gouvernementale, nous devrons accepter, tous autant que nous sommes autour de cette table, de nous diriger, comme c'est légitime, vers la reconnaissance d'un troisième ordre de gouvernement. Qu'est-ce que cela signifie? Eh bien, cela voudrait dire que ce serait un gouvernement protégé par notre constitution et qui ferait partie de notre régime constitutionnel. Pour appartenir à ce régime, il faut un fondement constitutionnel, un fondement juridique. Par conséquent, si nous devons reconnaître un troisième ordre de gouvernement, ce que nous nous apprêtons à faire, de mon point de vue, nous devrons mettre en place les structures législatives applicables à ces collectivités, de façon à ce qu'elles s'intègrent à notre système constitutionnel, tout comme c'est le cas pour les autres ordres de gouvernement.
S'il y en a qui ont une opinion différente sur la façon dont cela fonctionne, je serais très heureux de l'entendre car, à mon avis, c'est la seule voie qui s'offre à nous et la seule position que des gouvernements respectueux de leur propre constitution accepteraient de tenir. C'est ma vision pour l'avenir. Il s'agit de la première étape vers la reconnaissance d'un troisième ordre de gouvernement.
º (1650)
Le président: Monsieur Martin.
M. Pat Martin: Merci, monsieur le président.
Monsieur le ministre, force est de reconnaître que la plupart des dirigeants des Premières nations ont boycotté le processus de consultation dans son ensemble. Je conteste tout à fait, et je continuerai de le faire ailleurs, le nombre de personnes consultées et la qualité des consultations. J'aimerais savoir ce que vous pensez des allégations de châtiment politique infligé à ceux qui n'ont pas collaboré et des affirmations selon lesquelles on aurait eu recours au chantage financier pour punir ceux qui refusaient de coopérer et pour récompenser ceux qui acceptaient de le faire.
Dans votre propre circonscription, le chef Stan Beardy et la Première nation Pikangikum, auxquels j'ai rendu visite récemment, se sont vu imposer la gestion par des tiers, alors que leur collectivité affichait une position excédentaire; les tribunaux vous ont d'ailleurs forcé à annuler cette décision. Ils ont perçu cette mesure comme une punition pour ne pas avoir pris part à l'initiative globale visant les Premières nations. Le chef Jourdain, de la communauté du Traité no 3, avance des allégations semblables. Votre propre mémoire au Cabinet indique que l'Association des femmes autochtones du Canada s'était opposée à cette initiative et que, par conséquent, on avait créé l'«Association nationale des femmes autochtones pour qu'elle participe aux travaux entourant la gouvernance des Premières nations.» Autrement dit, si un groupe de femmes refuse de coopérer, on l'écarte et on en crée un nouveau, à coup de millions de dollars, pour s'assurer la collaboration des femmes autochtones.
Je n'ai pas le temps de parler des nombreuses autre allégations selon lesquelles il y aurait un lien direct entre la garantie financière, le financement de base et la coopération dans le cadre d'une initiative à laquelle les gens sont opposés. Comment réagissez-vous à ces allégations?
º (1655)
M. Robert Nault: Très simplement, elles sont non fondées et n'ont aucune valeur. À quelques occasions, des députés et des journalistes m'ont interrogé au sujet d'allégations selon lesquelles des gens auraient été punis parce qu'ils n'appuyaient pas une loi fédérale ou quelqu'autre initiative du gouvernement du Canada.
Stan Beardy est grand chef de la nation Nishnawbe-Aski et pas de la nation Pikangikum. En fait, le budget de cette collectivité n'a jamais été réduit et n'a jamais été au coeur des discussions. L'histoire de Pikangikum est très triste et je suis un peu surpris que ce député la ramène sur le tapis. La collectivité de Pikangikum a le taux de suicide le plus élevé au Canada et connaît sûrement les problèmes sociaux les plus graves du pays. Je me demande comment ce député ose prétendre que cette communauté va très bien. Cela fait 15 ans que je suis leur député, et on ne voit pas du tout comment cette collectivité pourrait s'en sortir. En fait, l'un des amis du NPD de M. Martin a travaillé sur ce dossier, et il sait très bien comment tout cela fonctionne.
Toujours est-il que Pikangikum est en crise. Il y a environ deux ans, nous avons demandé à ce que Pikangikum travaille avec nous en cogestion—c'est très semblable à la question de M. Pallister. Si nous avons fait cela, c'est parce que nous voulions vraiment travailler avec cette collectivité, mais notre demande a été rejetée. Si vous le souhaitez, je peux vous fournir l'information qui contredira les arguments de M. Martin. Cette collectivité traverse de sérieux problèmes financiers.
Le président: Je dois vous interrompre, mais vous pourrez compléter votre intervention lors du mot de la fin.
[Français]
Monsieur Serré.
[Traduction]
M. Benoît Serré (Timiskaming—Cochrane, Lib.): Merci, monsieur le président.
Pour répondre aux commentaires formulés par mon collègue, John Godfrey, je dirai que j'ai eu la même impression en entrant dans cette pièce aujourd'hui. Nous sommes en train de parler des Premières nations et je ne vois personne qui les représente autour de cette table. Pourtant, si on regarde seulement la liste des témoins qui doivent comparaître à Ottawa, on peut voir qu'elle contient les noms de représentants de 17 ou 18 Premières nations différentes, sans compter tous les Autochtones que nous sommes censés rencontrer lors de notre tournée. J'estime donc que nous aurons amplement assez de temps pour discuter de ce projet de loi avec les dirigeants autochtones.
J'insiste sur le mot dirigeant car cela me permet d'en venir au point qui m'intéresse, c'est-à-dire aux problèmes soulevés par MM. Loubier, Pallister et Martin. Je me suis entretenu avec de nombreux dirigeants autochtones, partout au pays, et l'opposition semble être très forte. Mais lorsque vous vous adressez aux personnes directement visées, c'est-à-dire aux membres des collectivités des Premières nations, vous obtenez un autre son de cloche. Je crois que les Autochtones exprimeront massivement leur opposition à ce projet de loi. Voici donc ma première question au comité: existe-t-il un mécanisme permettant au comité d'entendre le point de vue des gens de la base?
Cette autre question s'adresse au ministre: comment avez-vous consulté les gens de la base et disposez-vous de données particulières sur le nombre de personnes interrogées et sur la façon dont les consultations ont été menées? Je crains vraiment que nous n'entendions que les dirigeants autochtones.
Je peux comprendre pourquoi les dirigeants de certaines collectivités autochtones—et je suis prudent, mais je pense qu'il faut le dire—sont opposés à une telle mesure législative car j'ai vu un peu partout au pays que certains de ces dirigeants ne rendaient pas des comptes à la collectivité et que des membres de la communauté et du conseil de bande ne savaient ce qui se passait ni où allait l'argent. Autrement dit, les gouvernements de ces collectivités ne rendent pas des comptes aux membres qu'ils représentent, contrairement à ce que l'on attend d'eux. Et je peux voir de la résistance parmi ces dirigeants étant donné que ces derniers savent que ce projet de loi les forcera à ouvrir les livres et à rendre des comptes.
Je ne sais pas jusqu'où vous êtes prêt à aller, monsieur le ministre, mais j'aimerais avoir votre opinion à ce sujet.
Le président: Vous n'irez pas bien loin, monsieur le ministre, car vous ne disposez que de 40 secondes.
M. Robert Nault: Je demanderai à Brenda Kustra de vous apporter les clarifications nécessaires au sujet des consultations. Un député a malheureusement laissé entendre qu'il n'y avait pas eu assez de consultations et de séances d'information, alors qu'il y en a eu beaucoup, au contraire. Je cède maintenant la parole à Brenda.
Mme Brenda Kustra (conseillère exécutive, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien): Oui, merci.
Tout au long de la première phase de consultation, nous avons organisé 135 séances d'information partout au pays. En outre, nous avons tenu 335 séances de consultation communautaires auxquelles ont participé 8 500 personnes pour nous exprimer leur opinion sur les questions entourant la gouvernance au sein de leur collectivité. Tous les rapports sommaires de toutes ces rencontres ont été versés sur notre site Web afin que tout le monde puisse prendre connaissance des détails de ces consultations.
Depuis le dépôt du projet de loi, nous avons proposé la tenue de 317 séances d'information dans des collectivités d'un bout à l'autre du pays pour être certains que ceux qui s'intéressent à la question recevront toute l'information nécessaire au sujet de cette mesure législative.
Durant les séances de consultation, les Premières nations ont exprimé clairement le désir que le chef et le conseil aient le pouvoir et l'autorité de répondre efficacement aux besoins de la collectivité. Ces personnes nous ont également dit qu'elles voulaient vraiment prendre part à la gouvernance de leur collectivité. Elles attachent également beaucoup d'importance à un processus décisionnel efficace au sein de la communauté et à l'obligation de rendre compte des dirigeants.
Toutes ces conclusions se trouvent dans le rapport de consultation versé sur notre site Web.
Le président: Merci.
Soit dit en passant, cette information se trouve dans nos classeurs bleus.
Nous allons procéder à une troisième ronde de questions. Vous disposez d'une minute pour poser votre question. Le ministre peut choisir de répondre aux questions lors de son mot de la fin, pour lequel il dispose d'environ 10 minutes.
Monsieur Pallister, vous avez une minute, et je serai très strict.
M. Brian Pallister: Merci.
Monsieur le ministre, j'ai déclaré plus tôt, et je le répète, que de nombreuses Premières nations nous ont avoué être très préoccupées par l'ajout de pouvoirs permettant aux conseils de nommer des agents chargés des mesures de redressement ainsi que des agents de la bande et par la possibilité que leurs droits soient menacés par la création de ces deux postes en l'absence d'autres protections. Vous vous êtes demandé si l'attribution de ces pouvoirs fera plus de mal que de bien. Je vous réponds que, oui, ce pourrait être le cas si aucun changement n'est apporté.
En plus du fait que la loi pourrait ne pas fonctionner, les coûts de sa mise en application pourraient être très élevés. Combien coûtera-t-elle? Quels seront les coûts annuels, et quelle proportion des coûts sera transférée aux bandes directement, par exemple, les coûts reliés à l'embauche des agents de la bande et des agents chargés des mesures de redressement dans chaque bande? Qu'en coûtera-t-il?
» (1700)
Le président: Nous aborderons...
M. Robert Nault: Monsieur le président, puis-je faire un commentaire...
Le président: Très brièvement. Pas plus de 15 secondes.
M. Robert Nault: ...si le comité me le permet?
Ces questions, je suppose... Allez-vous réinviter les représentants du ministère pour qu'ils vous donnent des détails sur les différents points? Je crois qu'il est extrêmement important que le comité comprenne comment exactement nous envisageons le fonctionnement de la structure de la gouvernance. Les questions sont importantes, je ne peux certes pas y répondre en une minute et demie. Je n'essaierai même pas. Mais je tiens à ce que les membres sachent que nous allons revenir pour y répondre en détail, car cela est important pour le débat.
Le président: Le comité peut aussi réinviter le ministre quand il le souhaite.
Monsieur Martin, vous avez la parole.
M. Pat Martin: Merci, monsieur le président. Ma question porte sur le financement de façon plus générale.
Le ministre a convaincu le Cabinet d'accepter le projet de loi C-7 en promettant que les fonds nécessaires pour payer les coûts de sa mise en application seraient obtenus grâce une réaffectation des fonds alloués aux services votés dans le budget du ministère, ce qui signifie qu'aucune nouvelle somme ne serait nécessaire. Est-ce vrai qu'il en coûtera 110 millions de dollars pour mettre la loi en application et que cette somme n'augmentera pas comme dans le cas du registre des armes à feu? De nombreuses personnes estiment qu'il en coûtera plutôt un milliard de dollars.
La véritable question est de savoir si vous envisagez de puiser à même les fonds alloués aux services votés dans le budget du ministère et s'il est vrai que de nouveaux fonds ne seront pas nécessaires.
Le président: Madame Karetak-Lindell, la parole est à vous.
Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.): Ma question est très brève. Je me souviens que, lors d'une des premières audiences, certaines femmes...[Note de la rédaction: Difficultés techniques]...davantage de contrôle accordé aux chefs des bandes. Comment, selon vous, cette mesure législative sera-t-elle bénéfique pour leur avenir?
Le président: Monsieur Hubbard, la parole est à vous.
M. Charles Hubbard: Merci, monsieur le président.
Dans votre exemple, vous parlez des administrations. En tant que gouvernement responsable, nous procédons à des votes de confiance à l'égard de notre chef. Que feraient les Premières nations au sujet d'une perte de confiance dans leur chef? À l'heure actuelle, elles s'adressent au ministère ou au ministre, mais, dans le cadre du présent projet de loi, que feraient-elles en cas de perte de confiance?
Le président: Une dernière question de la part de M. Godfrey.
M. John Godfrey: Je veux simplement un éclaircissement. Quand vous avez répondu à M. Loubier et à moi-même, vous avez parlé d'un représentant non élu. Il faut être prudent à ce sujet, mais considérez-vous un chef national d'une Première nation comme étant un représentant non élu? Dans quelle catégorie classeriez-vous les personnes portées au pouvoir par voie d'élection en vertu des règles actuelles?
Le président: Monsieur le ministre, vous disposez de 10 à 15 minutes pour...
M. Robert Nault: Merci, monsieur le président.
Je dirais rapidement à M. Godfrey que je considère un chef national de la même façon qu'un député provincial. Les deux sont élus dans leur propre territoire. Vous n'invitez certainement pas—et moi non plus—les députés provinciaux à participer de façon régulière à l'élaboration des lois fédérales.
Je le répète, cette question concerne un autre sujet. Je sais que M. Godfrey s'intéresse beaucoup à la réforme parlementaire. Il devrait aborder le sujet avec les personnes concernées.
Quant à la perte de confiance, monsieur le président, l'établissement d'un code électoral par les Premières nations vise à faire en sorte qu'elles possèdent un code qui reflète, pour la première fois, leurs traditions—dans un premier temps—ainsi que des principes de base comme ceux que détiennent des gouvernements démocratiques élus. Par exemple, il faudrait mettre en place un processus d'appels qui permettrait aux membres des Premières nations d'en appeler des décisions concernant les élections et qui serait distinct du processus d'appels adressés au ministre et au ministère des Affaires indiennes. Les codes devraient donc prévoir cela.
Lorsque les représentants du ministère reviendront témoigner devant le comité, monsieur le président, je suis convaincu qu'ils seront en mesure d'expliquer en détail et de façon plus substantielle la façon dont nous abordons cette question et ce qui se produit déjà au sein des Premières nations.
Un des membres du comité a posé une question au sujet des femmes. Monsieur le président, le projet de loi concerne deux grandes questions importantes. Premièrement, il reflète enfin la Charte des droits et libertés et la Loi sur les droits de la personne. Je crois que cela est fondamental. Je ne suis pas d'avis, contrairement à certains membres, que cela ne fera aucune différence pour les femmes autochtones. Parallèlement, on parle de mettre les femmes sur le même pied d'égalité que les hommes. Un de vos membres a laissé entendre que les femmes joueront un rôle actif au sein de leur gouvernement, qu'elles participeront au processus budgétaire, qu'elles prendront part à l'établissement des lois de la collectivité. Dans tous ces domaines, les femmes auront un rôle à jouer, et des systèmes de freins et de contrepoids existeront.
Monsieur le président, de toute évidence, les gouvernements prennent des décisions en matière de financement. Je peux affirmer très clairement à mon collègue que les fonds nécessaires ont été fixés aux alentours de 110 millions de dollars. Comme vous le savez, cette somme proviendra du budget et sera versée chaque année. Les fonds serviront à établir une bonne gouvernance et à développer une fonction publique professionnelle.
J'ai déclaré, à vous et à de nombreux membres, que, s'il est une lacune au sein des gouvernements des Premières nations, c'est l'absence d'une fonction publique professionnelle. La compétence des personnes qui nous entourent détermine la nôtre. L'objectif est de créer une capacité de gouvernance, notamment en veillant à ce que les Premières nations détiennent davantage de ressources financières pour effectuer leur travail.
Il est vrai qu'il faudra davantage d'argent. Selon nos estimations préliminaires, il faudra environ 110 millions de dollars par année. Nous nous efforçons de préciser ce chiffre, et je vais vous dire comment nous nous y prenons.
Contrairement à ce que certains membres vous ont dit aujourd'hui, je m'entretiens presque quotidiennement avec les chefs des Premières nations, qui sont tout à fait prêts à commencer à travailler sur la gouvernance. Ils veulent commencer maintenant à élaborer leurs codes et ils me demandent pourquoi ils doivent attendre l'adoption du projet de loi C-7. Ils veulent commencer maintenant et ils estiment que c'est important. Ils me demandent si je suis prêt à commencer les discussions.
J'ai demandé à mes collègues du ministère d'examiner un certain nombre de projets pilotes pouvant être mis en oeuvre partout au pays, afin que le travail commence maintenant, car je crois que chaque Première nation convient que la bonne gouvernance aura une incidence importante sur sa capacité de bâtir une économie.
Ainsi, pendant que nous tenons un débat politique, de nombreux chefs s'entretiennent avec le ministre de façon régulière et lui demandent les outils nécessaires pour commencer le travail. Selon moi, cela constitue une indication, comme l'a déclaré un membre, que les collectivités appuient largement le travail que nous devons faire.
Monsieur le président, pendant le peu de temps qu'il me reste, je veux formuler quelques commentaires. D'abord, j'ai renvoyé le projet de loi au comité, par l'entremise du Président, avec un seul objectif en tête, c'est-à-dire obtenir vos meilleurs conseils.
» (1705)
Si, en fait, lors des discussions, il est prouvé que nous n'avons pas fait de notre mieux pour améliorer la vie des membres des Premières nations, vous pourriez me donner des recommandations quant à la façon de modifier le projet de loi afin qu'il soit adopté par la Chambre et le Sénat.
Je crois qu'il s'agit d'une excellente occasion de prouver à ceux qui pensent le contraire que les députés peuvent être de bons législateurs en apportant des changements fondamentaux en comité à l'étape de la première lecture, plutôt qu'à l'étape de la deuxième lecture, alors que vous avez déjà accepté en principe le projet de loi et que vous pouvez y apporter très peu de changements, seulement le fignoler.
J'estime que vous avez la responsabilité unique, en tant que membres du comité, de voir à ce que nous fassions la bonne chose. Je vous assure que je vais examiner tous les amendements avec l'intention d'essayer d'apporter des améliorations.
Il s'agit là du début de ce que j'ai appelé «la deuxième étape de consultation». Certains affirment que nous n'avons pas fait un très bon travail de consultation lors de la première étape. Admettons que cela soit vrai. Dans ce cas, allez-y, faites un meilleur travail à la deuxième étape. Je vous le demande au nom des Premières nations. En outre, comme vous le savez, il y aura une troisième étape de consultation, qui portera sur le règlement, qui établit les structures dont nous avons besoin pour que la gouvernance soit efficace.
Nous en sommes au début de nos discussions avec les Premières nations; non pas à la fin. Je le répète, nous sommes au début des discussions. Nous devons considérer cette mesure comme faisant partie d'un processus d'évolution, car la gouvernance est l'évolution d'une relation entre un palier de gouvernement et un autre.
Enfin, monsieur le président, je vous ai dit à de nombreuses reprises que je représente 51 Premières nations. Si je ne croyais pas fermement que cette mesure législative contribuera à améliorer la vie des peuples que je représente, en tant que député du Parlement, je ne serais pas ici. Je dois admettre que j'ai tendance à être offusqué par ceux qui pensent que je n'ai pas à m'en faire.
Sur le plan politique, monsieur le président, je ne peux être réélu si je ne bénéficie pas du soutien des Premières nations. Je peux vous assurer, comme j'en assure mon collègue du NPD, que je vais être réélu. Selon les aînés et les membres de la collectivité, cette mesure constitue un pas nécessaire vers l'établissement d'un troisième ordre de gouvernement.
Je vous laisse avec un dernier message. Si moi-même ou mon ministère peut clarifier certaines questions précises, je vous assure que nous nous tiendrons disponibles pour vous donner les éclaircissements nécessaires. Je vous souhaite la meilleure des chances, car il s'agit d'un sujet extrêmement important pour le pays et pour les Premières nations.
Si nous acceptons le statu quo pour les 10, 15, 20 ou 30 prochaines années, je peux vous garantir que de nombreuses collectivités n'évolueront pas. Je m'interroge sur le rôle qu'un député jouerait dans un pays prospère comme le nôtre, mais où les Premières nations sont assujetties à une loi adoptée en 1876. Je ne peux concevoir que quelqu'un trouve cela acceptable.
La balle est dans votre camp. J'ose espérer que vous ferez la bonne chose. J'ai hâte de m'entretenir avec vous dans les prochaines semaines.
Bonne chance dans vos déplacements. Il fait froid dehors m'a-t-on dit. Portez vos chapeaux et vous serez bien.
Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
» (1710)
Le président: Merci beaucoup, monsieur le ministre.
Je peux vous avouer que le comité prévoit se pencher sur le projet de loi quatre à six jours par semaine au cours des neuf prochaines semaines. Nous comptons y accorder toute l'attention qu'il mérite—et il mérite ce genre d'attention.
Quand je dis neuf semaines, cela signifie que nous espérons avoir terminé avant Pâques. Si nous devons effectuer d'autres consultations et nous réunir davantage, nous le ferons après Pâques. Nous accorderons au projet de loi l'attention et le respect qu'il mérite. Je peux dire également que notre comité est un bon comité grâce à ses membres. Ils ont à coeur de faire la bonne chose.
Je vous demanderais de donner une directive à votre ministère—je crois que les ministres sont autorisés à donner des directives à leur ministère—car nous allons être en déplacement pendant quatre semaines. Des représentants du ministère nous accompagneront à bord des avions nolisés. C'est de cette façon que nous payons nos factures: nous vendons des sièges à d'autres représentants. Je peux affirmer à mes collègues que les quatre semaines de déplacement en avions nolisés engendreront des dépenses qui n'excéderont pas notre budget. Comme des représentants du ministère voyageront avec nous, nous bénéficierons d'une bonne communication et d'un accès à l'information.
J'aimerais que vous ordonniez aux représentants du ministère de ne pas se présenter dans les 15 dernières minutes de l'étude article par article avec une liste d'amendements. C'est ce que font un trop grand nombre de ministères. Je n'en nomme aucun, mais cette façon de faire est injuste envers le comité.
J'ose espérer que nous apporterons ensemble des améliorations au projet de loi, surtout que l'étape de la première lecture est passée. Il m'importe peu qu'un amendement provienne d'un libéral, d'un néo-démocrate, d'un allianciste, d'un bloquiste ou d'un conservateur. Ce qui m'importe, c'est que nous retournions au Président de la Chambre un meilleur projet de loi qui contribuera à améliorer la vie des personnes que nous servons.
Je vous demande donc cette petite faveur et, en retour, je m'engage à ce que le comité fasse la bonne chose pour vous.
Merci.
La séance est levée.