C-17 Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité législatif chargé du projet de loi C-17
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 28 janvier 2003
¹ | 1535 |
Le président (M. Bob Kilger (Stormont—Dundas—Charlottenburgh, Lib.)) |
M. John O'Reilly (Haliburton—Victoria—Brock, Lib.) |
Le président |
M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ) |
¹ | 1540 |
Le président |
M. Gary Lunn (Saanich—Gulf Islands, Alliance canadienne) |
Le président |
M. Gary Lunn |
Le président |
M. Gerry Barr (coprésident, Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles) |
Le président |
M. Gerry Barr |
¹ | 1545 |
¹ | 1550 |
Le président |
M. Jean-Louis Roy (président, Centre international des droits de la personne et du développement démocratique) |
¹ | 1555 |
º | 1600 |
º | 1605 |
Le président |
M. Gary Lunn |
Le président |
M. Gerry Barr |
º | 1610 |
M. Gary Lunn |
M. Jean-Louis Roy |
Le président |
M. John O'Reilly |
Le président |
M. Jean-Louis Roy |
º | 1615 |
M. Gerry Barr |
Le président |
M. Claude Bachand |
M. Jean-Louis Roy |
º | 1620 |
M. Claude Bachand |
Le président |
M. Jean-Louis Roy |
Le président |
M. Steve Mahoney (Mississauga-Ouest, Lib.) |
º | 1625 |
Le président |
M. Gary Lunn |
Le président |
M. Jean-Louis Roy |
Le président |
M. Gerry Barr |
º | 1630 |
M. Gerry Barr |
Le président |
M. Rex Barnes (Gander—Grand Falls, PC) |
M. Gerry Barr |
Le président |
M. Rex Barnes |
M. Jean-Louis Roy |
º | 1635 |
Le président |
Mme Bev Desjarlais (Churchill, NPD) |
M. Roch Tassé (coordonnateur, Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles) |
M. Jean-Louis Roy |
º | 1640 |
Mme Bev Desjarlais |
M. Gerry Barr |
Le président |
M. John O'Reilly |
M. Gerry Barr |
º | 1645 |
M. John O'Reilly |
M. Gerry Barr |
M. John O'Reilly |
M. Gerry Barr |
Le président |
M. Claude Bachand |
º | 1650 |
Le président |
M. Jean-Louis Roy |
M. Claude Bachand |
M. Jean-Louis Roy |
º | 1655 |
Le président |
M. Steve Mahoney |
M. Gerry Barr |
» | 1700 |
M. Jean-Louis Roy |
La présidente suppléante (Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.)) |
M. Steve Mahoney |
La présidente suppléante (Mme Marlene Jennings) |
Mme Bev Desjarlais |
» | 1705 |
M. John O'Reilly |
Mme Bev Desjarlais |
M. Gerry Barr |
Mme Bev Desjarlais |
M. Gerry Barr |
Mme Bev Desjarlais |
M. Gerry Barr |
Mme Bev Desjarlais |
M. Gerry Barr |
Mme Bev Desjarlais |
M. Gerry Barr |
Mme Bev Desjarlais |
Mme Marlene Jennings |
» | 1710 |
Le président |
Mme Bev Desjarlais |
Le président |
M. Gerry Barr |
Le président |
M. Jean-Louis Roy |
Le président |
M. John O'Reilly |
M. John O'Reilly |
M. Steve Mahoney |
Le président |
M. Steve Mahoney |
Le président |
M. Rex Barnes |
» | 1715 |
M. Jean-Louis Roy |
Le président |
M. Jean-Louis Roy |
M. Rex Barnes |
Le président |
M. Jean-Louis Roy |
Le président |
M. Gerry Barr |
» | 1720 |
Le président |
M. Roch Tassé |
Le président |
CANADA
Comité législatif chargé du projet de loi C-17 |
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 28 janvier 2003
[Enregistrement électronique]
¹ (1535)
[Traduction]
Le président (M. Bob Kilger (Stormont—Dundas—Charlottenburgh, Lib.)): Chers collègues, j'aimerais qu'on reprenne les travaux. Je suis heureux de vous retrouver après le congé de Noël. Nous allons reprendre notre étude du projet de loi C-17.
Tout d'abord, j'aimerais présenter les témoins et leur souhaiter la bienvenue.
[Français]
Il y a d'abord M. Gerry Barr, qui est co-président de la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles et président-directeur général du Conseil canadien pour la coopération internationale; il est accompagné, je crois, de M. Roch Tassé. Soyez les bienvenus, messieurs.
Il y a également M. Jean-Louis Roy, président de
[Traduction]
du Centre international des droits de la personne et du développement démocratique.
Avant de passer aux exposés, j'aimerais signaler aux collègues des deux côtés de la table que le mémoire que j'ai ici et qui n'a pas encore été distribué nous a été donné par le Centre international des droits de la personne et du développement démocratique. Je pense qu'il y a eu un malentendu, car nous demandons systématiquement qu'il y ait une version intégrale en français et une version intégrale en anglais des documents pour que nous puissions les distribuer. Dans le cas présent, le document est un document bilingue, et, plus précisément, il y a alternance d'un paragraphe à l'autre entre le français et l'anglais. Le greffier va s'assurer que, dans l'avenir, les témoins ne disposent pas de cette marge.
La décision vous appartient. Si vous êtes d'accord, j'aimerais que le greffier distribue le mémoire à tous les membres du comité.
[Français]
Est-ce que vous y voyez des objections étant donné les circonstances?
[Traduction]
Monsieur O'Reilly.
M. John O'Reilly (Haliburton—Victoria—Brock, Lib.): C'est pour moi un devoir de m'opposer à tout dépôt de document qui ne soit pas dans les deux langues officielles, et je me déclare donc en ce sens.
Le président: Y a-t-il d'autres objections?
[Français]
Monsieur Bachand.
M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Il arrive fréquemment que des groupes arrivent et que la traduction n'ait pas été faite. Maintenant, si je comprends bien la situation, les anglophones sont aussi pénalisés que les francophones, étant donné qu'il y a un paragraphe en français et un paragraphe en anglais. Je voudrais qu'il soit consigné au compte rendu que je trouve cette situation déplorable. J'aimerais également que le greffier s'assure dorénavant que tous ceux qui font des présentations les fassent dans les deux langues officielles.
Je vais pour ma part me contenter de cela. Donc, si vous voulez faire circuler le document, je vais m'en contenter pour aujourd'hui, mais j'apprécierais que le greffier, à l'avenir, mentionne aux groupes qu'ils doivent soumettre leurs présentations dans les deux langues officielles.
¹ (1540)
Le président: Je suis entièrement d'accord, et nous allons prendre les mesures nécessaires pour éviter que ces circonstances ne se répètent.
Je vais d'abord faire circuler la soumission que j'ai devant moi, dans sa forme «bilingue». Je vous assure qu'aussitôt les travaux du comité terminés, aujourd'hui, ces documents seront remis à la traduction.
[Traduction]
Puis tout le monde recevra la version intégrale du document en français et en anglais.
Monsieur Lunn.
M. Gary Lunn (Saanich—Gulf Islands, Alliance canadienne): Vous dites qu'il y a alternance de paragraphes. Ne s'agirait-il pas plutôt des mêmes paragraphes qui sont répétés?
Le président: Non, ce ne sont pas les mêmes paragraphes, et voilà pourquoi je pense qu'il y a eu un malentendu.
M. Gary Lunn: Par conséquent, chacun d'entre nous n'obtient qu'une moitié de document.
Le président: Tout à fait, et comme M. Bachand l'a déjà fait remarquer, les anglophones et les francophones sont traités de la même façon. Mettons ce cas de côté pour le moment. Comme nous l'a fait remarquer M. O'Reilly et comme nous l'indiquent nos propres motions relatives au travail que nous avons entrepris sur le projet de loi C-17, nous avons toujours exigé que les mémoires soient déposés dans les deux langues officielles, soit un document intégralement en français et un document intégralement en anglais. Laissons de côté le cas d'aujourd'hui, qui, je pense, découle probablement d'un petit malentendu. Par le biais de notre greffier, nous allons faire tout notre possible pour nous assurer que cette situation ne se répète pas dans l'avenir. Je vais distribuer le mémoire tel quel, ayant convenu que le document sera envoyé à la traduction immédiatement après la réunion d'aujourd'hui. Vous recevrez ensuite, dans les plus brefs délais, le document intégral en français et en anglais.
Je suis maintenant prêt à passer aux exposés des témoins.
[Français]
Monsieur Barr, s'il vous plaît.
[Traduction]
M. Gerry Barr (coprésident, Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles): Merci infiniment.
Je me permets de demander au président si le greffier a pu distribuer les exemplaires de notre mémoire?
Le président: Oui, les exemplaires ont été distribués.
M. Gerry Barr: C'est excellent. Merci infiniment.
Je voudrais vous remercier de nous avoir donné l'occasion de nous adresser aujourd'hui au Comité législatif de la Chambre des communes saisi du projet de loi C-17. La Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles regroupe de nombreux organismes de la société civile canadienne. Elle s'est formée au lendemain de l'adoption du projet de loi antiterroriste en 2001. Nous nous inquiétons tous des répercussions de cette loi sur les libertés civiques, les droits de la personne, la protection des réfugiés, l'opposition politique, la gouvernance des organismes de bienfaisance, la coopération internationale et l'aide humanitaire.
Cette loi, votée par le Parlement à la fin de 2001, conjuguée aux mesures qui sont à l'étude, notamment les dispositions du projet de loi C-17, donne aux services de police, de sécurité et du renseignement des pouvoirs d'enquête envahissants et des outils de répression jamais imaginés auparavant, exception faite de la Loi sur les mesures de guerre. À notre avis, nombre de ces mesures commencent mal, puisqu'elles ne sont ni appropriées, ni justifiées dans le contexte d'une menace réelle et reconnue à la démocratie et à l'ordre établi dans le monde d'aujourd'hui.
La législation en matière de sécurité votée à la suite des attentats du 11 septembre nous semble avoir été préparée à la hâte, sans beaucoup d'égard aux cadres régissant les droits humains fondamentaux et universels comme ceux prévus dans la Déclaration universelle des droits de l'homme et les pactes des Nations Unies auxquels le Canada est partie. Pis encore, certaines parties de ces lois semblent aller à l'encontre d'articles de la Charte canadienne des droits et libertés ainsi que de garanties précises des droits des Canadiens prévues notamment dans la Loi sur la protection des renseignements personnels.
Le commissaire à la protection de la vie privée du Canada nous a rendu service à nous tous, citoyens et législateurs, en attirant l'attention du public sur les répercussions du projet de loi C-17 et des initiatives connexes sur les protections des droits humains et civiques existantes. Ainsi, il a sollicité et fait circuler les commentaires--portant principalement sur les conséquences du projet de loi S-23 et du projet de création d'une base de données pour la collecte de renseignements sur les passagers--d'un ancien ministre de la Justice, d'un ancien sous-ministre de la Justice et d'un juge de la Cour suprême à la retraite.
Le juge de la Cour suprême à la retraite Gérard La Forest nous rappelle les garanties prévues à l'article 8 de la Charte qui protègent les Canadiens contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives, ainsi que d'un droit universel et général, le droit à la vie privée qu'on exerce en acceptant ou en refusant de divulguer des renseignements personnels. En bref, le projet de loi C-17 permet la saisie de renseignements personnels sans le consentement préalable de l'intéressé.
L'ancien sous-ministre de la Justice Roger Tassé cite, quant à lui, la doctrine juridique de la portée excessive, laquelle peut être résumée sous forme d'une question: le projet de loi C-17, dans toute sa portée, limite-t-il la liberté plus qu'il n'est nécessaire pour accomplir l'objectif visé?
Enfin, l'ancien ministre de la Justice Marc Lalonde affirme, pour sa part, que «les intérêts légitimes de l'État en ce qui concerne la collecte de renseignements personnels doivent être conciliés avec le droit fondamental à la vie privée dont jouissent tous les Canadiens».
La Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles a la conviction que tant le projet de création d'une base de données que les dispositions du projet de loi C-17 ont bel et bien une portée excessive. Si vous me le permettez, j'aimerais mettre nos préoccupations en contexte. Nous nous inquiétons des tendances fondamentales inscrites dans une initiative comme la U.S. Total Information Awareness. Ce projet consiste en une base de données qui combinera tous les renseignements personnels existants à partir de sources commerciales et publiques, et nous craignons que cela ne mène à de l'exploration de renseignements à l'aveuglette, à de la surveillance et à un schéma d'analyse équivalant aux pratiques les plus répréhensibles des forces de sécurité des dictatures, sinon pire, et que cela ne soit l'antithèse d'une société libre et démocratique. Nous nous inquiétons aussi de ce que des pressions diplomatiques directes en vue de l'harmonisation des frontières ainsi que des influences moins directes ne forcent le Canada à échanger des informations sur ses citoyens et ses résidents dans le cadre de ce projet américain envahissant.
¹ (1545)
Le Conseil canadien des chefs d'entreprise préconise l'adoption d'une série d'instruments réglementaires et administratifs communs, menant, en bout de ligne, vers une approche commune en matière de frontières, de commerce, d'immigration, de sécurité et de défense. Le président du CCCE, Tom d'Aquino, appelle cette approche la «réinvention des frontières», mais, pour notre part, cette proposition signifie essentiellement qu'il faille réinventer le Canada pour que celui-ci fasse partie des États-Unis, et nous nous opposons à des mesures qui auraient pour effet d'affaiblir considérablement et gravement la souveraineté canadienne et la capacité des institutions et du gouvernement canadiens à garantir la sécurité des citoyens canadiens et à protéger leurs libertés conformément à des valeurs et à des droits canadiens.
Devant ces pressions internes et externes, nous jugeons qu'il est prioritaire de maintenir sinon de renforcer l'autonomie canadienne et de défendre les protections et les droits constitutionnels des Canadiens, y compris les droits touchant la vie privée. La création d'une base de données Big Brother pour recueillir des informations sur les voyages des Canadiens à l'étranger par l'Agence des douanes et du revenu du Canada est un pas extrêmement inquiétant vers quelque chose qui est inéluctablement à l'image d'un régime semblable au régime de sécurité draconien des États-Unis. Nous partageons l'avis du commissaire à la protection de la vie privée qui estime que cette base de données enfreint non seulement la Loi sur la protection des renseignements personnels, mais aussi les articles 7 et 8 de la Charte des droits et libertés.
Étant donné le peu de temps dont nous disposons, nous ne saurions aborder tous les aspects du présent projet de loi, mais nous souhaitons néanmoins attirer l'attention du Comité sur des questions fondamentales se rapportant au droit à la vie privée et au contrôle des renseignements personnels. En prenant un peu de recul par rapport au droit à la vie privée tel que prévu dans la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, on apprend notamment dans le «Guide pour les Canadiens et les Canadiennes» que:
La Loi vous permet d'exercer ce contrôle en obligeant les organisations à obtenir votre consentement pour recueillir, utiliser ou divulguer de l'information à votre sujet. |
D'autre part, le projet de loi prévoit l'auto-identification obligatoire des Canadiens grâce à l'utilisation des renseignements sur les passagers des lignes aériennes et la fourniture de ces renseignements aux organismes d'application de la loi pour une longue période de temps. En effet, cela permettrait aux organismes publics de fouiller dans les renseignements personnels de Canadiens respectueux de la loi, de passer en revue des informations sur leurs habitudes de voyage à l'intérieur comme à l'étranger, et tout cela, sans le consentement des Canadiens, à des fins qui vont au-delà de l'impératif de la sécurité des voyageurs, c'est-à-dire la raison pour laquelle les informations sont fournies aux compagnies aériennes et aux voyagistes. On pourrait également lancer des mandats d'arrêt contre des personnes ayant enfreint le Code criminel sans pour autant que cela n'ait quoi que ce soit à voir avec le terrorisme, la sécurité des transports ou la sécurité nationale. De plus, tous les Canadiens, et particulièrement ceux dont les noms sont courants, pourraient être assujettis à des erreurs sur l'identité et à des arrestations ou des enquêtes par erreur. En bref, les nouveaux pouvoirs proposés feraient de tous les Canadiens des suspects en quelque sorte, en tout cas ceux qui voyagent par avion.
Par conséquent, nous recommandons que le projet de loi C-17 soit amendé et réorienté de manière radicale, notamment en révisant la disposition portant création d'une base de données Big Brother API/PNR. Nous partageons l'avis du commissaire à la protection de la vie privée qui estime que ce projet de loi ne fait pas la distinction entre les renseignements de sécurité et les renseignements personnels, qu'il viole la vie privée et la présomption d'innocence de bien des gens sans que cela ne rapporte suffisamment en matière de renseignements de sécurité pertinents pour la lutte contre le terrorisme.
Plusieurs autres aspects du projet de loi C-17 méritent d'être révisés également. Nous partageons les inquiétudes de l'Association du Barreau canadien, qui considère que les zones militaires à accès limité pourraient être utilisées pour intimider la dissidence légitime. Nous nous inquiétons aussi de ce que le pouvoir donné aux ministres d'émettre des ordonnances provisoires sans l'approbation du Cabinet ou du Parlement ne soit contradictoire avec le principe démocratique de la reddition de comptes. Nous pensons aussi que la question de l'accès de Canadiens à des renseignements dont disposerait l'État au moyen de mesures établies par ce projet de loi mérite d'être étudiée attentivement, tout comme le besoin de transparence, d'examen parlementaire régulier de la conduite des organismes et des fonctionnaires investis de nouveaux pouvoirs en vertu de ce projet de loi.
¹ (1550)
Nous pensons que votre comité législatif, le Parlement et le gouvernement doivent réaffirmer leur attachement aux protections et aux droits essentiels des Canadiens tels qu'ils sont inscrits dans la Constitution. Ils doivent évaluer le projet de loi, y compris les aspects touchant la sécurité et le terrorisme international, à la lumière de ses conséquences pour les droits et les protections.
Bien entendu, le projet de loi C-17 n'est pas la dernière mesure prise pour étendre davantage les incursions envahissantes et extraordinaires de l'État dans la vie des Canadiens. L'initiative d'accès légal proposée qui est à l'étude par Justice Canada assujettirait nos communications par Internet et par téléphone à un degré de surveillance inégalé.
Le Canada subit constamment des pressions directes et indirectes de la part des États-Unis pour rendre nos lois et nos pratiques conformes aux leurs. Les différents projets américains, y compris celui de la Sécurité intérieure, la Total Information Awareness, l'établissement de profils et l'inscription des résidents originaires de certaines parties du monde, sur la base de leurs croyances religieuses et de leur sexe, ainsi que bon nombre d'autres initiatives vont à l'encontre des normes et des traditions canadiennes ainsi qu'à l'encontre des droits universels. En guise de conclusion, j'aimerais vous lire les paroles de Sophia Macher, membre de la commission Vérité et Réconciliation du Pérou. En fait, je vais paraphraser une citation qu'elle avait attribuée au président de cette commission, lequel avait dit que nous pouvons défendre nos démocraties si nous abandonnons le cours normal de la loi et les droits fondamentaux. Quand l'ordre public prime sur les libertés civiques des citoyens, c'est que la démocratie a adopté les tactiques et les principes, ou plutôt le manque de principes, de ses ennemis et qu'elle a essuyé une défaite partielle.
Je vous remercie beaucoup du temps que vous m'avez accordé.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Barr.
[Français]
Je vais maintenant demander à M. Jean-Louis Roy de nous faire sa présentation, puis nous passerons aux questions.
Monsieur Roy, s'il vous plaît.
M. Jean-Louis Roy (président, Centre international des droits de la personne et du développement démocratique): Monsieur le président, je vous remercie. Je suis un peu surpris de me trouver devant vous. J'ai passé les 15 dernières années de ma vie en Afrique, en Asie, dans les Caraïbes, à me battre pour que les droits et libertés soient accrus dans toutes les sociétés, et je me trouve aujourd'hui devant un comité du Parlement canadien pour la première fois, pour commenter la diminution des droits et libertés dans notre pays.
[Traduction]
Dans quelques semaines, la Commission des droits de l'homme des Nations Unies tiendra sa 59e session à Genève. Notre coalition, connue également sous le nom de Droits et Démocratie, présentera neuf déclarations portant sur différents enjeux, mondiaux, régionaux ou nationaux. En passant en revue ces déclarations récemment, j'ai été profondément touché par la perspective commune se dégageant de notre analyse et de notre proposition. L'insécurité est un dénominateur commun dans bien des situations humaines à travers le monde: du droit à l'alimentation à la condition et au traitement des filles et des femmes en Afghanistan, de la violence dont sont victimes les Autochtones en Colombie aux effets des bouleversements que connaît la République démocratique du Congo et de la violation des libertés d'association et d'expression à la protection de la vie privée en Chine. En tant que Canadiens, nous préconisons un remède commun à toutes les situations: la pleine reconnaissance des droits de la personne et leur pleine mise en application.
Pour nous comme pour nos partenaires partout dans le monde, la sécurité fait partie intégrante des droits de la personne. Tout découle de la même conception générale de la dignité humaine. Les droits de la personne émanent de la même conception générale de la primauté du droit et de la quête pour des valeurs universelles et communes.
¹ (1555)
[Français]
La sécurité et les droits humains ne sont pas des entités opposées; au contraire, dans les 50 dernières années, nous avons lentement compris que la consolidation de la sécurité, partout dans le monde, pour les individus et pour les groupes était équivalente à la consolidation du respect des droits de la personne.
[Traduction]
S'agissant de sécurité humaine, le défi n'est pas de promouvoir la sécurité aux dépens des droits de la personne, mais plutôt de faire en sorte que les droits de la personne soient respectés même dans des situations où la sécurité nationale est compromise.
Permettez-moi de préciser mon propos: nous condamnons avec véhémence tous les actes de terrorisme, puisqu'ils sont une violation claire et une menace à notre système démocratique et aux valeurs des droits de la personne, mais nous ne sommes pas prêts à faire de compromis entre une action efficace de lutte contre le terrorisme et la protection de tout l'éventail de droits de la personne.
[Français]
Les choix fondamentaux de notre pays et de nos partenaires dans le monde de ces 50 dernières années, et notamment au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, ne doivent pas être perdus de vue.
Il s'agissait alors, à la fin des années 40 et au début des années 50, de combattre les actes de barbarie qui révoltaient la conscience humaine: 20 millions de morts. Il s'agissait de libérer l'humanité, et je cite la Déclaration universelle «de la terreur et de la misère». Nous avons trouvé une réponse commune: la Déclaration universelle des droits de l'homme. Nous devons réaffirmer, consolider et parfaire ce choix.
Comme je l'ai rappelé précédemment, le droit à la sécurité appartient aux droits humains. Il ne saurait être ramené à une simple pétition de principe, à une plaidoirie vertueuse et sans effet. Le droit à la sécurité, et c'est ce à quoi vous travaillez ici, appelle des actions décisives contre les actes de barbarie et la terreur qui en découle.
[Traduction]
Le droit humanitaire international, grâce à des mécanismes comme la dérogation, la restriction et les clauses restrictives, reconnaît ces besoins et prévoit que, dans des circonstances exceptionnelles, la restriction ou la suspension de certains droits peut être nécessaire et autorisée. Avant de prendre une action quelconque, ces dispositions doivent être utilisées, et il faut évaluer leur efficacité et leurs limites. Dans des cas extrêmes, toutes les dispositions peuvent être envisagées.
[Français]
Monsieur le président, je voudrais résumer en reprenant certains des propos de Gerry Barr. Nous sommes membres de cette coalition et nous partageons ses propres conclusions. Je voudrais en terminant, monsieur le président, évoquer un certain nombre de critères selon lesquels toute action de notre Parlement visant à contrer la violence ou le terrorisme devrait être entreprise. Toute intervention du Parlement dédiée à la sécurité devrait être précédée d'un préambule réaffirmant le caractère premier, inaliénable des droits et libertés. Nous sommes dans une société de droit. Nous sommes l'une des rares sociétés de droit dans le monde et nous devons le dire et le réaffirmer. Donc, toute dérogation au régime de droit doit être précédée par une affirmation solennelle: c'est une exception à laquelle nous consentons à la limite, mais notre régime est un régime de droit et nous y sommes attachés.
Deuxièmement, toute dérogation à notre régime de droit--c'est l'article 1 de la Charte canadienne des droits et libertés--doit être justifiée. Les Canadiens ont le droit de savoir quelle est la nature de la menace qui amène aujourd'hui notre Parlement à multiplier les interventions, au-delà du discours général du terrorisme et de la lutte contre le terrorisme dans le monde. Donc, toute dérogation à notre régime de droit doit être justifiée par des circonstances exceptionnelles faisant l'objet d'un vrai consensus au sein d'une majorité qualifiée des Chambres du Parlement et, pourquoi pas, d'un vote libre sur ces questions.
Troisièmement, tout pouvoir ministériel dit d'urgence doit être sévèrement limité dans ses objets et dans le temps, et toute mesure prise au titre des pouvoirs ministériels d'urgence doit être soumise au gouvernement en conseil et aux Chambres dans un délai de 72 heures. S'il y a crise dans ce pays, s'il y a attaque à l'ensemble des libertés de notre système, ça va se savoir, et on va attendre une réaction du ministre responsable. Ce ministre prend des mesures et les soumet au gouvernement; 72 heures, cela me semble suffisant. Ces décisions ou ces mesures prises par le ministre devraient être rendues publiques dans le même délai.
Enfin, si vous croyez que les circonstances sont si exceptionnelles qu'il est nécessaire de recueillir des renseignements personnels sur la vie des Canadiens--ce n'est pas une phrase légère, car recueillir des renseignements personnels sur la vie des Canadiens est contraire à toute la tradition de ce pays--, si vous jugez les circonstances suffisamment graves pour aller jusque-là, alors vous devez nous assurer les garanties suivantes: ces renseignements doivent servir exclusivement aux fins spécifiques et clairement identifiées permettant d'atteindre des objectifs de sécurité eux-mêmes spécifiques et clairement identifiés.
Deuxièmement, il faut respecter la pleine égalité des citoyens canadiens en conformité avec les dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés. Il est inacceptable que, indirectement ou directement, une loi du Parlement du Canada permette le profiling des catégories de citoyens dans ce pays.
Troisièmement, il n'est pas question, dans ce contexte, que les matériaux sur la vie privée des Canadiens servent de base à un fichier, d'où l'obligation de détruire les renseignements personnels rassemblés dès que les objectifs de sécurité sont atteints.
Monsieur le président, je termine en disant que peu importe l'angle sous lequel on examine cette question, il apparaît invraisemblable, incompréhensible et inacceptable que ce pays crée des fichiers de renseignements sur la vie privée des citoyens canadiens, crée des réseaux d'échanges de ces renseignements privés entre les diverses administrations, les forces de l'ordre et des puissances étrangères, comme il est invraisemblable, monsieur le président, que ces mesures exceptionnelles ne soient pas encadrées par des mécanismes exceptionnels. Voilà pourquoi, en terminant, nous proposons la création d'un conseil de surveillance des droits et libertés des Canadiens. Doté de pouvoirs étendus, ce conseil aurait pour mandat d'examiner la conformité des mesures d'application avec les dispositions arrêtées par le législateur.
º (1600)
Monsieur le président, ce que je viens de dire découle d'une conception que nous partageons. La tâche politique primordiale des États est d'assurer la liberté, les droits et libertés des citoyens de cet État. La tâche politique primordiale du Parlement du Canada est d'assurer la liberté et les droits des Canadiens. Nous devons tout mettre en oeuvre pour éviter que les tenants de l'incivilité finissent par atteindre leur objectif.
Quel est l'objectif de ces ennemis apparents que nous avons? C'est de contrôler les choix et les orientations des États de droit. S'ils réussissent à contrôler les choix et les orientations des États de droit, et notamment ceux de ce pays, eh bien, ils auront gagné. La terreur nous aura fait changer de système et nous aura rapprochés de ce que, par ailleurs, nous condamnons partout dans le monde.
Voilà, monsieur le président, pour l'essentiel, ce que je voulais vous dire.
En terminant, je voudrais dire aux députés que j'ai beaucoup de sympathie pour la responsabilité qui est la leur: la difficile responsabilité, dans un cas comme celui-ci, de retrancher des libertés aux citoyens canadiens. Je suis sûr qu'ils ne le feront que dans la mesure où ils seront convaincus que les motifs de leurs actions le justifient.
º (1605)
Le président: Merci beaucoup pour votre mémoire, messieurs Barr et Roy. Nous allons maintenant procéder à un tour de questions de cinq minutes.
[Traduction]
M. Lunn, de l'Alliance canadienne, sera le premier à intervenir.
M. Gary Lunn: Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vais demander l'indulgence des autres membres du comité, puisque c'est la première fois que je siège à ce comité. On m'a demandé aujourd'hui même de devenir membre permanent du comité. Aussi certaines de mes questions porteront peut-être sur des sujets dont vous avez déjà parlé.
La question qui me semble rattachée à la discussion d'aujourd'hui, surtout après avoir écouté les deux témoins nous parler des droits individuels des citoyens et de la protection de la vie privée, est de savoir quel est l'équilibre approprié. Où se situe l'équilibre pour ce qui est d'enfreindre ces droits afin que la perte de jouissance soit assez minime et que l'on puisse ainsi, dans le souci de l'intérêt public, assurer la protection de la société dans son ensemble? Je ne dis pas qu'il faut enfreindre ces droits, mais je me demande simplement jusqu'à quel point on peut les enfreindre.
Je suis du même avis que vous en ce qui concerne cette base de données à caractère dictatorial. Je crois que ce serait aller trop loin. Je reconnais toutefois que le Canada est vulnérable, tout comme certains de nos alliés, qu'il s'agisse des États-Unis, de la Grande-Bretagne, de la France ou de l'Allemagne. Tous ces pays sont vulnérables à des menaces contre lesquelles il serait très difficile de nous prémunir à moins d'avoir les renseignements de sécurité nécessaires pour faire échec à ces attentats terroristes avant qu'ils ne se produisent. Nous vivons effectivement dans un monde très différent.
Je récapitule donc ma question: jusqu'à quel point peut-on enfreindre ces droits, afin que le prix à payer soit assez minime pour que l'intérêt de la société dans son ensemble vaille la peine qu'on viole ainsi les droits individuels?
Le président: Monsieur Barr.
M. Gerry Barr: C'est justement l'équilibre auquel il faut arriver. Vous avez malheureusement à déterminer où il se situe. Personne ne nie qu'il est excessivement difficile de s'attaquer au problème de manière à en arriver à une solution acceptable. Si toutefois on s'applique vraiment par un examen approfondi à déterminer l'avantage à en retirer, on est bien obligé de conclure qu'il doit certainement y avoir une intervention policière pour lutter contre le terrorisme, mais on veut éviter que cette intervention policière ne puisse dégénérer et créer ainsi un État policier.
Je me souviens du commentaire de Donald Rumsfeld sur les contrôles imposés à la frontière qui faisaient que les Canadiens étaient photographiés et identifiés au moment où ils traversaient la frontière. C'est un commentaire assez récent. Je crois qu'il remonte au 7 novembre. Ce qu'il y a d'intéressant dans ce commentaire, c'est qu'il a cité le nombre de personnes dont on avait pris la photo et les empreintes digitales jusqu'à maintenant, le chiffre étant de 14 000. Parmi ces 14 000 personnes, il y avait environ 10 p. 100 de Canadiens. Le nombre des personnes détenues et arrêtées à la suite de l'application de ces contrôles était de 172, et toutes étaient visées par des mandats d'arrestation en provenance de divers pays et pour diverses activités criminelles. Une seule de ces 14 000 personnes avait été arrêtée à cause de l'intérêt qu'elle présentait pour les services du renseignement. Si donc on veut mettre un chiffre pour montrer l'ampleur du problème, ce chiffre c'est le secrétaire d'État lui-même qui nous l'a donné: il est de 1 sur 14 000.
Les défis sont énormes, mais ce qui nous inquiète, c'est la portée excessive des pouvoirs d'enquête qui seraient ainsi créés, soi-disant, à des fins de sécurité nationale. Les nouvelles mesures semblent, comme vous dites, prévoir des mécanismes d'enquête destinés à lutter contre le terrorisme et à assurer la sécurité du public. Cependant, elles prévoient aussi l'échange d'informations dans le cadre des activités policières ordinaires afin de retrouver les personnes visées par des mandats d'arrestation de même que l'échange d'informations avec des organismes étrangers. Cela pourrait se faire en vertu d'une entente—il n'est pas du tout question d'une loi—qui ne serait même pas soumise au droit de regard du Conseil des ministres. Les mesures permettraient également aux autorités canadiennes d'obtenir encore plus d'informations—du fait vraisemblablement des modalités de la base de données—de gouvernements étrangers. Tout cela se ferait encore là en vertu, non pas d'une loi, mais d'une entente, qui serait vraisemblablement de même nature.
Voilà ce qui nous inquiète, cette portée excessive et cette gestion qui fait en sorte que l'accès à l'information n'est aucunement circonscrit. Je crois que mon collègue a expliqué avec beaucoup d'éloquence pourquoi il faut une approche très circonscrite quand il s'agit de mesures comme celles-là dont on sait qu'elles conduisent manifestement à la violation des droits.
º (1610)
M. Gary Lunn: Merci beaucoup.
[Français]
M. Jean-Louis Roy: Monsieur le député, on a quelque chose en commun: on est tous les deux ici pour la première fois... Pardon.
Le président: La durée des questions et réponses ne devrait pas excéder cinq minutes. Je le regrette, mais j'ai tout de même été plutôt généreux. À mon avis, tout le monde va s'adapter au fur et à mesure.
Monsieur O'Reilly.
[Traduction]
M. John O'Reilly: Merci beaucoup, monsieur le président. Je tiens à remercier les témoins de leur présence ici aujourd'hui. Je vais essayer de prendre un peu moins de temps pour ma question afin que les deux témoins puissent y répondre.
Mes préoccupations sont d'ordre administratif. Parce que le projet de loi C-17 est un projet de loi omnibus, il touche à une multitude de domaines, et les droits et libertés sont une priorité.
Il y a un vieux dicton... je crois que le groupe U2 avait une chanson qui s'appelait With or Without You. Quand on pense à Internet, à tout ce qui est envoyé sous forme électronique, dossiers médicaux entre médecins et hôpitaux, radiographies, à tout ce qui comporte notre numéro d'identification personnel ou NIP, dès qu'elle se trouve sur Internet, toute cette information peut être envoyée à quiconque la demande, peu importe que la personne soit autorisée à la recevoir ou non. C'est sans doute là une de mes plus grandes...
J'ai regardé un pirate informatique me montrer comment il pouvait, à l'aide d'un simple ordinateur, aller chercher le NIP de quelqu'un dans l'ordinateur du guichet bancaire automatique. Le NIP est là et il est tout à fait accessible à quiconque sait comment aller le chercher, et il suffit pour cela de se servir du courrier électronique et d'un simple ordinateur. Comment pouvons-nous protéger notre infrastructure essentielle? Qui a l'autorité voulue, le MDN, par exemple, pour protéger notre infrastructure essentielle? Des pirates ont même réussi à s'infiltrer dans les communications électroniques au congrès du NPD et à retarder les choses pendant une heure. Ce n'est pas surprenant étant donné tout ce qu'ils ont à leur disposition. Cela étant, je ne suis pas sûr que tout ce dont vous parlez n'est pas déjà accessible à cause de l'informatisation de nos systèmes.
Je siégeais à un comité qui s'est penché sur le NAS, et nous avons constaté qu'un pirate pouvait, en ayant simplement les trois premiers chiffres et les trois derniers, trouver les chiffres du milieu et afficher la déclaration d'impôt d'un contribuable de l'année précédente et afficher ses dossiers dentaires et médicaux, etc. Je ne sais pas s'il y a moyen de se protéger contre ce genre de piraterie ou si vous avez tenu compte de ce qui existe déjà et de ce que nous pouvons faire pour protéger ce qu'il semble presque impossible de protéger.
[Français]
Le président: Monsieur Roy.
M. Jean-Louis Roy: Monsieur le député, vous posez une question très difficile.
[Traduction]
En nous opposant au projet de loi, nous avons à l'esprit des considérations très semblables aux vôtres, sauf que nous ne voulons pas que les deniers publics servent à étendre le système qui existe déjà, à en assurer l'extension dans de nouveaux domaines, à créer une nouvelle utilisation pour toute cette information que n'importe qui peut aller chercher comme il veut.
Nous sommes ici devant vous pour discuter d'un projet de loi qui prévoit dépenser des fonds publics pour élargir le système qui d'après ce que vous venez de dire est très problématique pour nous tous. À tout le moins, il ne faudrait pas se servir des fonds publics pour cela, et nous devrions essayer de répondre à votre question—peut-être à une autre séance du comité—sur la façon dont nous pourrions contrôler ce qui doit être contrôlé sur Internet et dans les systèmes informatisés tels qu'ils existent.
º (1615)
M. Gerry Barr: Je suis tout à fait de cet avis. Je ne demanderais pas mieux que de pouvoir témoigner devant un comité qui aurait pour principal objectif de renforcer les droits à la vie privée des Canadiens au moyen de règlements qui feraient en sorte de mieux protéger les informations de ce genre. Ce serait quelque chose d'extraordinaire qui me réjouirait au plus haut point. Mais vous avez raison, l'information est déjà très accessible. Ce serait tout un défi, c'est le moins qu'on puisse dire.
Je suis d'accord avec mon collègue. J'estime que nous ne devrions pas édicter des lois qui rendent encore plus difficile de protéger le caractère confidentiel des informations et le droit des citoyens à leur vie privée. Quand nous le faisons—pour revenir à la réponse que j'ai faite à l'autre député—, nous devrions être extrêmement prudents et circonspects et bien préciser la nature des interventions que nous voulons autoriser et soumettre ces interventions à une limite de temps.
[Français]
Le président: Monsieur Bachand.
M. Claude Bachand: Merci, monsieur le président. D'abord, je veux remercier les deux témoins pour leurs présentations, mais surtout les remercier de leur sympathie à notre égard. En effet, il est très rare de rencontrer des gens qui sont sympathiques aux politiciens. Je dois aussi dire que vous avez raison d'être sympathiques à notre égard, parce qu'on vient de différents milieux et que ce n'est pas facile de départager les besoins de la population en matière de sécurité et les limites à l'intrusion dans leur vie privée.
Depuis le début de l'étude de ce projet de loi, nous, du Bloc québécois, considérons qu'il y a beaucoup de situations décrites dans le projet de loi où l'on va très, très loin. Je trouve qu'on va beaucoup plus loin. Vous dites que tout ce qui porte atteinte à la vie privée des gens devrait être mieux contrôlé. Donc, si je vous comprends bien, vous considérez que le projet de loi qui est devant nous porte atteinte à la vie privée des gens.
Je commence à m'interroger beaucoup sur la constitutionnalité de cette loi. Dans la Constitution canadienne, même si le Québec ne l'a pas acceptée, comme vous le savez, il y a quand même une Charte des droits et libertés, laquelle comporte des dispositions stipulant qu'une société libre et démocratique peut poser des gestes. C'est en quelque sorte l'objet de ma première question. Considérant l'ensemble du projet de loi qui est devant nous, avec les différentes intrusions dans la vie privée des Canadiens et des Québécois, pensez-vous que cette loi pourrait être attaquable en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés et être déclarée inconstitutionnelle?
M. Jean-Louis Roy: Il arrive que le système judiciaire soit imprévisible, monsieur Bachand, et qu'on ne puisse pas savoir à l'avance. Il est sûr que les articles de la Charte canadienne des droits et libertés, d'abord l'article premier sur la garantie des droits et libertés, puis les articles qui prévoient les dérogations... Est-ce que le travail qui nous est proposé se fait dans les limites des règles du droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cas d'une société libre et démocratique? Vous imaginez bien que si ça va devant les cours, ça va donner lieu à de savants travaux de nos amis les juristes et des gens du barreau ici. Je ne suis pas juriste moi-même. J'ai cependant l'impression que toute création de système de contrôle de la vie privée des citoyens ne répond pas aux quelques éléments qui permettent de déroger à la Charte canadienne des droits et libertés.
L'élément qui nous manque pour vous répondre et que vous devez connaître mieux que nous, c'est celui de la nature de la menace qui plane sur la société canadienne. J'imagine que les députés du Parlement ont plus d'information que nous sur cette question. Selon la réponse qui est donnée à cette question, les tribunaux interpréteront cette choses d'une manière ou d'une autre. Toutefois, je serais étonné que les tribunaux acceptent d'inclure dans les limites qui sont celles prévues dans la Charte canadienne des droits et libertés la création d'un système à long terme de collecte, de circulation et d'utilisation de renseignements sur la vie privée des citoyens.
º (1620)
M. Claude Bachand: Par contre, dans la présentation qui nous a été faite avant les Fêtes par la GRC et le SCRS, on nous a vraiment affirmé qu'il n'y avait aucune atteinte aux droits et libertés de la personne. Est-ce qu'on doit faire totalement confiance à la GRC et au SCRS? Je suis de ceux qui en doutent un peu, avec tout le respect que j'ai pour le travail qu'ils font. Il y a un problème qui se pose: une fois que cette loi sera en vigueur, nous, les députés, qui sommes tellement occupés, n'aurons plus le temps de vérifier si tout se fait conformément à ce que prévoit la loi. Votre idée d'un conseil qui pourrait surveiller le tout est intéressante, mais je me demande si ce n'est pas un peu aussi le travail du commissaire à la vie privée.
J'aimerais que vous élaboriez sur cette question, tout de suite ou à l'autre tour. Combien de temps me reste-t-il? Est-ce qu'on va faire un deuxième tour tantôt? Eh bien, je vais en rester là pour l'instant. Pensez-vous que ce que je viens de vous mentionner est juste? En fait, je ne m'en souviens plus parce que j'ai trop parlé, mais j'espère que vous avez retenu ma question.
[Traduction]
Le président: En tout cas, n'allez pas lui demander l'heure.
[Français]
M. Jean-Louis Roy: Monsieur le président, il y a un point que je retiens et sur lequel je voudrais vous donner mon avis.
Je pense que le commissaire à la protection de la vie privée en a plein les bras. On ne peut pas penser, avec une loi d'une telle étendue, que dans le cadre de l'administration actuelle, le commissaire à la vie privée puisse être un contrepoids suffisant. C'est, en fin de compte, sa fonction, mais c'est pour l'heure totalement insuffisant. Il ne faut surtout pas lui confier cette responsabilité; il faut créer, pour la durée de cette loi, un groupe, dont j'aurais dû parler plus tôt; ce dernier surveillerait l'adéquation entre les applications et le texte de loi, et devrait faire rapport au Parlement deux fois par année. Le conseil de surveillance des droits devrait faire rapport au Parlement deux fois par année.
[Traduction]
Le président: Monsieur Mahoney.
M. Steve Mahoney (Mississauga-Ouest, Lib.): Si vous le permettez, monsieur le président, j'aimerais revenir sur deux points dont il est question dans les deux mémoires, et les témoins pourront répondre dans l'ordre qu'ils voudront.
Je suis tout d'abord préoccupé par les propos de Sophia Macher que cite la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles. Dans le mémoire, on peut lire ceci:
Lorsque l'ordre public a préséance sur les libertés civiles des citoyens, alors cette démocratie a adopté les tactiques et les principes (ou le manque de principe) de ses ennemis [...] |
La question qui me vient à la lecture de ces propos est de savoir si les droits individuels priment sur les droits collectifs quand il en va de la sûreté et de la sécurité publiques. Pensez-vous que, en notre qualité de parlementaires, nous avons l'obligation de veiller à ce que les droits collectifs, s'agissant de sûreté et de sécurité, soient primordiaux? Ou, à votre avis, les droits individuels doivent-ils primer?
Un peu plus loin, on cite également les propos de George Radwanski: «Le droit à la vie privée est fondamental», etc. et «la capacité de se déplacer librement, sans la supervision constante de l'État». J'ai du mal à comprendre en quoi ce qui est proposé équivaut à la «supervision constante» dont parle M. Radwanski. Car on précise combien de temps l'information peut être conservée et ce qu'on peut en faire.
Quant à l'autre document—je crois que je vais simplement présenter ces observations et laisser ensuite aux témoins le soin d'y répondre—, ce que j'ai à dire n'a peut-être rien à voir avec le sujet à l'étude, mais vous indiquez que la Commission des droits de l'homme des Nations Unies va tenir sa 59e session à Genève. Je crois que c'est cette même commission qui a récemment nommé comme président le représentant de la Libye. Je serais simplement curieux de vous entendre sur ces points-là.
Par ailleurs, dans l'autre document qu'on nous a remis, on nous dit qu'il faut «veiller à respecter pleinement les droits de la personne, même dans des situations où la sécurité nationale est en jeu». Je ne veux pas être alarmiste ni extrémiste à ce sujet, mais ce qui me vient à l'esprit, c'est le cas d'une personne dont on aurait de bonnes raisons de croire qu'elle est sur le point de compromettre la sécurité nationale. Elle pourrait peut-être se présenter ici même avec des bâtons de dynamite fixés à son corps, etc. Devons-nous dire qu'il ne faut pas intervenir, qu'il en va de son droit personnel et de sa vie privée, et que nous pourrons simplement lui parler plus tard? Ma réaction est peut-être excessive, mais c'est bien ce qu'on dit. Les mots «même dans des situations où la sécurité nationale est en jeu» me semblent préoccupants.
Enfin, il y a les propos de Kofi Annan: «les actes de terrorisme sont, de par leur nature même, de graves violations des droits de la personne. Aussi la recherche de la sécurité au détriment des droits de la personne tient d'une vision à court terme des choses». Pourtant, il précise dans cette même déclaration «que la lutte au terrorisme est d'abord et avant tout une lutte pour préserver les droits fondamentaux et maintenir la primauté du droit».
Comment alors pouvons-nous... Mettons que nous ayons un tableau où il y aurait les droits fondamentaux, la primauté du droit—qui comprend l'intérêt collectif sur le plan de la sûreté et de la sécurité—et puis la proposition qui est faite ici. Les propos de Kofi Annan me paraissent presque contradictoires, car il dit que nous devrions simplement placer les droits de la personne, les droits individuels, au haut de la pyramide, au-dessus des droits collectifs, de la primauté du droit et des droits fondamentaux.
Voilà ce qui me préoccupe dans vos exposés, et j'aimerais savoir ce que vous en pensez.
º (1625)
Le président: M. Mahoney a soulevé de nombreuses questions et vous a laissé très peu de temps pour y répondre.
Pourquoi ne demandons-nous pas aux témoins, avec votre consentement, monsieur Mahoney, de répondre à la première de vos préoccupations, à savoir la question des droits individuels par rapport aux droits collectifs? Je suis sûr que, pendant le deuxième tour, vous aurez l'occasion de revenir aux autres points que vous avez soulevés.
Oui, monsieur Lunn.
M. Gary Lunn: Monsieur le président, je ne vois pas d'inconvénient à ce que vous lui accordiez plus de temps.
Le président: C'est très aimable à vous, monsieur Lunn, mais vous voudrez bien me laisser le soin de décider de cela.
[Français]
Monsieur Roy.
M. Jean-Louis Roy: Monsieur le député, je vais vous répondre d'une façon un peu simpliste parce que la question exigerait beaucoup de développement.
Je crois que les drames qui sont nés d'un déséquilibre entre les droits collectifs et les droits individuels ont toujours été attribuables au fait qu'on avait privilégié les droits collectifs. Il n'y a pas de drames dans l'histoire qui naissent d'un surplus de droits individuels; il y a des drames dans l'histoire qui sont nés d'une importance excessive accordée aux droits collectifs.
Cela étant dit, il y a des passerelles entre les deux, et la sécurité en est une: la sécurité d'une communauté humaine, la sécurité d'un pays, la sécurité des personnes. Il y a des éléments qui se rejoignent.
Je voudrais vous dire que depuis le début de notre conversation, il me semble qu'on a oublié--c'est sans doute notre faute, car on aurait dû le mentionner--qu'il y a dans la société des dispositions de toutes natures déjà prévues pour l'action des forces policières, pour la sécurité. Vous avez évoqué le cas de quelqu'un qui entrerait au Parlement. On n'a pas besoin de faire une loi. Il y a déjà plein de dispositions dans nos lois qui permettent la surveillance. Le Code criminel est là. Il y a déjà tout un dispositif qui existe. Je ne parle pas de cette loi dans le vide, mais de cette loi en surplus des mesures qui existent déjà.
Votre question portait sur la sécurité collective. C'est un vrai problème. C'est une responsabilité du Parlement où vous siégez. Cependant, les droits sont des droits des individus. Il ne faut jamais perdre de vue, du moins dans ma perspective à moi, qu'on ne peut pas s'éloigner de cette notion en voulant construire les droits collectifs. Il peut arriver, et on est peut-être dans une telle circonstance, que les questions de sécurité exigent un renforcement momentané de certaines protections collectives, pour des raisons de menaces spécifiques, mais les droits sont toujours ceux des individus.
Le président: Monsieur Barr.
[Traduction]
M. Gerry Barr: Je voudrais revenir à la question que vous avez soulevée au sujet des propos de M. Radwanski concernant le contrôle des allées et venues des Canadiens, et je vous invite à penser à des circonstances particulières. Il s'agit ici d'obliger les Canadiens à s'auto-identifier et d'utiliser leurs renseignements personnels sans leur permission. Comment les Canadiens se sentiraient-ils et quelle serait leur réaction si, sur les routes publiques, qui soient en autobus ou en voiture, ils se retrouvaient constamment devant des barrages routiers où ils seraient tenus de s'identifier et de dire où ils s'en vont?
Une voix: Tous?
º (1630)
M. Gerry Barr: Tous, et constamment.
C'est là ce que vivent les habitants de bien des pays du monde que nous décrivons comme des États policiers, et la charte interdit cela. Pourtant, cette loi permettrait de faire exactement la même chose sur le plan virtuel. Si les Canadiens n'en font pas directement l'expérience—et c'est là où ça devient délicat, parce qu'ils n'en font pas directement l'expérience—, il n'en résulte pas moins une érosion tout aussi importante de leurs droits en vertu de la charte. Il s'agit vraiment de l'État qui contrôlerait exactement de la même façon les mouvements des citoyens canadiens et qui aurait le pouvoir de les arrêter et de les obliger à s'identifier, et il y aurait là une érosion tout aussi importante de leurs droits que si on les arrêtait sur l'autoroute entre Kingston et Montréal pour exiger qu'ils s'identifient.
Le président: Monsieur Barnes.
M. Rex Barnes (Gander—Grand Falls, PC): Merci beaucoup.
J'ai une question à poser sur l'équilibre entre la vie privée et le renseignement de sécurité. C'est une question qui a été soulevée par un collègue de l'Alliance. Je ne pense pas que, en notre qualité de représentants politiques, nous devrions être les seuls au bout du compte à décider de ce que devrait être l'équilibre entre la vie privée des citoyens et la collecte de renseignements de sécurité par nos forces policières ou nos agents d'infiltration.
Vous devez avoir une idée de ce que devrait être l'équilibre. Vous représentez des groupes qui sont là pour protéger les droits de la personne et pour s'assurer que nous sommes tous traités équitablement, que nous soyons des représentants politiques, des membres du gouvernement ou de simples citoyens, que nous avons le droit à notre vie privée et qu'il y a un équilibre. Vous devez avoir une idée de ce que devrait prévoir la mesure dont nous sommes saisis aujourd'hui.
M. Gerry Barr: Sur la question de principe, le problème tient à mon avis à cette portée excessive. C'est de cela qu'il s'agit, c'est d'équilibre qu'il s'agit. Il me semble, quand nous avons à proposer des lois dont nous savons et dont nous reconnaissons qu'elles se traduiront par une certaine érosion des droits des citoyens, du fait de la responsabilité que nous avons de préserver les droits et de les renforcer—comme mon collègue l'a dit avec tellement d'éloquence—, nous devons circonscrire dans leur portée et dans le temps les exceptions que nous autorisons. Le législateur doit faire preuve de réticence quand il s'agit de réglementer d'une façon qui pourrait compromettre les droits des Canadiens. Conscients de cela, nous devrions incorporer dans la loi des mécanismes d'examen et de surveillance, des délais et des limites à l'exercice des pouvoirs qui compromettent ces droits. Je crois que c'est là ce que je vous répondrais sur cette question de l'équilibre qu'il faut rechercher.
Le président: Monsieur Barnes, vous voulez continuer encore?
M. Rex Barnes: Nous comprenons tous que la protection de la vie privée suscite beaucoup d'inquiétudes, parce qu'on a beaucoup parlé des renseignements qui seront recueillis ainsi que de la question de savoir où, comment et pourquoi ils seront utilisés. On s'inquiète beaucoup, bien entendu, qu'ils soient mal utilisés, qu'ils soient utilisés, non pas seulement dans le cas de ceux qui voudraient compromettre la sécurité de notre pays, mais contre d'autres personnes aussi. Que pensez-vous de cette inquiétude par rapport aux droits de la personne et à la vie privée?
[Français]
M. Jean-Louis Roy: Je reprends ce que Gerry Barr a dit plus tôt. Si cette menace nous était connue comme le développement d'une politique dans un autre pays,
[Traduction]
nous la dénoncerions en disant que c'est une initiative totalitariste. Si la menace entraîne la nécessité de recueillir, pour des raisons valables et précises, dans un délai très court, et le plus court possible, des informations privées sur les citoyens canadiens, elle ne doit pas servir à mettre en place un gigantesque mécanisme de contrôle des citoyens. Nous ne saurons plus où cela s'arrêtera.
Sur le plan des droits de la personne, je suis prêt à admettre que si la menace est vraiment très grave, il est peut-être indispensable de recueillir pendant une période limitée et sous le contrôle de quelqu'un des informations—je le dis avec réticence—sur la vie privée des Canadiens, mais il ne faudrait certainement pas qu'on érige cela en un système permanent. Si nous laissons ce système se développer sur deux, cinq, six, huit ou dix ans, nous aurons beaucoup de mal à le contrôler. Nous vivrons alors dans un État que je me refuse à qualifier, car je n'aimerais certainement pas qu'on puisse utiliser ce genre de qualificatif pour notre pays.
º (1635)
Le président: Madame Desjarlais.
Mme Bev Desjarlais (Churchill, NPD): Soyons clairs: vous ne dites pas qu'il n'est pas question d'avoir des contrôles à des fins de sécurité. Vous reconnaissez qu'il peut être nécessaire de faire des contrôles à des fins de sécurité, mais que si l'on effectue immédiatement ces contrôles, et s'il n'y a pas d'infraction, si l'on sait que la personne contrôlée n'est pas un criminel, en quelque sorte, les informations recueillies doivent être supprimées, et ne doivent pas être conservées—je simplifie un peu.
Prenons l'élection au NPD. Quand les votes sont arrivés, ils ont été lus optiquement. Il y avait un numéro d'identification. Ma crainte, c'était qu'on puisse dire qui votait et pour qui. Mais on m'a répondu que dès que le vote arrivait, il était lu optiquement et que l'information concernant votre identité était effacée, de sorte qu'il était impossible de savoir qui votait pour qui.
Donc on peut faire ce genre de choses avec un dispositif qui permet de conserver les informations sur les individus qui ont un dossier criminel par exemple, mais pas sur les autres. Donc je vous comprends bien quand vous dites qu'il n'est pas question de contrôler tout le monde.
Vous avez dit que les utilisations qui seront faites de ces informations échapperont à notre contrôle. Je crois moi aussi que ces renseignements seront transmis à d'autres gouvernements. Le gouvernement du Canada n'aura plus aucun contrôle sur ce que feront ces autres gouvernements de ces informations. Si des Américains décident de faire un dossier sur Bev Desjarlais parce qu'ils estiment que je suis quelqu'un d'épouvantable, ils vont pouvoir conserver ce dossier indéfiniment. S'il se trouve qu'il y a une autre Bev Desjarlais ailleurs et qu'il y a une confusion entre les dossiers, quand je vais voyager, quelqu'un va peut-être me prendre pour l'autre Bev Desjarlais, et je vais perdre le droit à la confidentialité des informations personnelles dont je jouis en tant que Canadienne. Les informations me concernant vont circuler dans le monde entier.
Le plus préoccupant actuellement, ce sont les personnes des pays du Proche-Orient qui sont ouvertement ciblées aux États-Unis, mais aussi au Canada à mon avis. On risque de s'en prendre injustement à des personnes qui sont parfaitement innocentes, mais comme c'est au nom de la sécurité nationale, personne n'aura à leur dire que c'était injuste. Nous risquons alors de nous trouver dans le contexte d'un État policier semblable à ceux où d'innombrables personnes ont disparu au fil des ans.
M. Roch Tassé (coordonnateur, Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles): C'est exact. En outre, une fois que des informations vous concernant seront transmises à un autre gouvernement, des services de sécurité canadiens pourront y avoir accès par le biais des ententes conclues avec ces gouvernements étrangers et ils n'auront plus à respecter les contraintes de cette loi. C'est un moyen de la contourner.
[Français]
M. Jean-Louis Roy: J'aimerais faire un très bref commentaire. Vous nous avez demandé si nous étions d'accord sur le fait que, dans des circonstances exceptionnelles, on rassemble des informations sur la vie privée des citoyens. Oui, nous sommes d'accord si toutes les ressources existantes des forces policières, du Code criminel et ainsi de suite ne permettent pas de rassembler ce qu'on doit rassembler parce que les circonstances sont exceptionnelles. Ce contre quoi on se bat, et jamais on ne l'acceptera, c'est le fait que dans leurs activités régulières, l'ensemble des citoyens du Canada puissent se retrouver, au titre d'une criminalité éventuelle, sur des listes qui seront communiquées à des administrations ou à des gouvernements étrangers.
En ce qui a trait au fait qu'on communique des informations à des gouvernements étrangers, tous les jours, les forces policières canadiennes le font. Il existe une lutte internationale contre la criminalité. Peut-être faut-il élargir certains des éléments de ce qui est déjà échangé, mais de là à dire qu'on va suivre les Canadiens dans leurs activités régulières, qu'on va suivre tous ceux qui prennent l'avion ou le train, ou tous ceux qui viennent visiter le Parlement... Cela n'a pas de sens qu'on suive les activités régulières des citoyens canadiens et qu'on crée ainsi des listes qui seront envoyées à des gouvernements étrangers.
º (1640)
[Traduction]
Mme Bev Desjarlais: Pour avoir une idée de ce que subiraient les Canadiens, nous devrions peut-être mener un projet pilote, par exemple, entre Ottawa et Montréal. On arrêterait tout le monde et on conserverait les informations recueillies. Voyons comment cela fonctionne et ce qu'en pensent les gens, voyons s'ils sont d'accord avec cela.
Si nous estimons qu'il est normal que la police ou les Américains aient ces informations, pourquoi ne pas dire que l'Ontario ou le Québec ont le droit de déchiffrer ces informations et de les conserver dans leurs dossiers aussi, si ces provinces le souhaitent? Nous pourrions peut-être suggérer cela. Vous pensez que cela pourrait nous donner une idée de la réaction?
Une voix: Les Canadiens seraient scandalisés.
M. Gerry Barr: Toute une question! Les Canadiens seraient scandalisés, c'est sûr. Et pourtant, ce qui est étonnant, c'est qu'on va mettre en place tout le système sans même ce projet pilote.
Les Canadiens ne vont peut-être pas se scandaliser d'emblée parce qu'ils ne vont pas voir le policier en face d'eux leur poser directement ces questions. Cette corrosion ne sera pas visible, mais elle se produira exactement comme si l'on arrêtait toutes les voitures entre Kingston et Montréal, c'est certain.
Le président: Monsieur O'Reilly.
M. John O'Reilly: Merci beaucoup, monsieur le président.
Je pense que le terrorisme est quelque chose d'inusité pour nous, et que nous ne savons pas bien comment y faire face. Nous examinons ce projet de loi sur le fond d'un détournement d'avion par des terroristes qui l'ont fait s'écraser sur un immeuble. Cet attentat a déclenché une augmentation des dépenses militaires, une augmentation massive des dépenses militaires aux États-Unis, alors qu'il n'avait strictement rien à voir avec l'armée. On n'a pris aucune mesure militaire susceptible d'empêcher quelqu'un de voler un avion et de le faire s'écraser sur un édifice. Nous sommes donc confrontés à la loi des conséquences non intentionnelles. Quelles conséquences non intentionnelles le projet de loi C-17 risque-t-il d'entraîner à votre avis?
M. Gerry Barr: Vous venez de mentionner des aspects très importants de cette question. Nous savons instinctivement que c'est par une action policière, entre autres, qu'il faut réagir au terrorisme, et que les interventions policières sont essentielles et infiniment plus efficaces que les réactions militaires. Vous dites, et vous avez tout à fait raison, qu'on a beau multiplier les dépenses militaires, cela ne sert strictement à rien dans la lutte contre le terrorisme.
Pour ce qui est de déterminer les mesures policières à prendre, les législateurs ont à se demander jusqu'où ils peuvent aller. Il y a ici un problème critique d'équilibre, et je crois qu'il est amplement prouvé qu'on a massivement tendance à aller trop loin.
Il est évident que les informations mentionnées dans le projet de loi C-17 et la base de données envisagée constituent des outils d'enquête qui attirent énormément les services de police. Pour leur travail d'enquête, c'est une véritable aubaine. Le problème, c'est que cela se fait sur le dos des Canadiens et de la protection de leurs droits, et qu'il faut donc absolument éviter cela.
Autrement dit, le danger, c'est que comme nous sommes conscients de cette menace et que nous avons intuitivement la certitude qu'une réaction policière s'impose, nous risquons de mettre en oeuvre tous les moyens policiers possibles en massacrant les droits de nos concitoyens.
º (1645)
M. John O'Reilly: À ce propos, il y a la difficulté que comporte la multiplication des services de maintien de l'ordre. J'ai posé la question au ministre des Pêches et au ministre des Transports: pourquoi exige-t-on que deux ministres émettent une ordonnance pour fouiller et arraisonner un bâtiment en particulier. On m'a répondu que les bâtiments jaugeant moins de cinq tonnes relevaient du ministère des Pêches et des Océans et les autres, de plus de cinq tonnes, du ministère des Transports. Prenons le cas des environs de la centrale nucléaire de Pickering. Cinq forces de l'ordre seraient susceptibles d'intervenir: la Police provinciale de l'Ontario, la GRC, la Garde côtière canadienne, l'Administration du canal de Trent, la police locale, les patrouilles frontalières et tous les autres services de vigile. Je me suis demandé qui en fait donnerait l'ordre mais personne ne m'a fourni de réponse satisfaisante.
Ma principale inquiétude est que nous aboutissions à un éventuel cauchemar administratif. Je ne vois pas comment toutes les dispositions législatives que contient le projet de loi C-17 pourraient même être appliquées. Vous avez raison, il s'agit du maintien de l'ordre, mais on peut se demander à quel point la situation pourrait devenir incontrôlable, n'est-ce pas?
M. Gerry Barr: Assurément, le SCRS, la GRC et Transports Canada ont accès aux renseignements contenus dans la base de données. Revenu Canada détient l'information et a toute latitude de s'en servir et de la transmettre à d'autres agents de la paix. En outre, il y a les agences étrangères. On sait qu'il existe des agences fédérales aux États-Unis comme du reste dans les autres pays. Ce sont les mêmes renseignements qui sont disponibles dans tous les cas. La difficulté surgit une fois que les renseignements sont divulgués. Il n'y a à peu près pas de responsabilisation en ce qui concerne l'usage qu'on en fait.
Comme l'a fait remarquer Bev Desjarlais, il est vrai qu'une fois les renseignements divulgués à l'étranger, les lois canadiennes nationales ne s'appliquent plus et ils peuvent servir à toutes sortes de fins.
M. John O'Reilly: Je pense que les renseignements électroniques auxquels Mme Desjarlais songe sont déjà disponibles. Si, en quittant l'aéroport de Toronto, vous empruntez la route à péage 407, on enregistre automatiquement votre plaque d'immatriculation et l'on vous envoie une facture à la fin du mois. Ainsi, en cas de contravention au code de la route, on peut déterminer qui vous êtes, votre numéro d'assurance sociale, tout ce qui vous concerne. Tous ces renseignements sont actuellement disponibles, car ils sont recueillis par une société privée qui gère l'autoroute à péage. À mon avis, vous demandez des éléments qui existent déjà.
L'essentiel de ces renseignements peut déjà être obtenu. En fait, j'ai un ami qui a reçu deux rappels pour le règlement d'une facture, une fois que sa voiture avait été volée. En d'autres termes, on connaissait les allées et venues du malfaiteur. C'est la situation actuelle, et je pense que tout cela est déjà possible.
M. Gerry Barr: Je suppose qu'on pourrait arguer du fait que si l'on décide de se servir de l'autoroute sachant pertinemment bien qu'elle est surveillée, qu'il y a un système de facturation, toute chose bien connue, on a à toutes fins pratiques signé un contrat avec les propriétaires et les exploitants de l'autoroute. Je ne sais pas si l'argument est convaincant mais je suppose qu'il pourrait être invoqué. À mon avis, cette situation est un peu différente de l'utilisation de renseignements sans consentement.
Dans le cas qui nous occupe, il s'agit de renseignements recueillis par les compagnies aériennes, des sociétés privées, et c'est l'analogie avec votre exemple. Sauf que l'on suppose que ces renseignements seront utilisés par la compagnie aérienne pour des raisons de transport et de sécurité. On ne demande pas aux Canadiens s'ils souhaitent que ces renseignements soient donnés à d'autres agences, notamment Revenu Canada. À mon avis, il y a là des différences.
[Français]
Le président: Monsieur Bachand.
M. Claude Bachand: Merci, monsieur le président.
Mon collègue O'Reilly a soulevé la question de l'importance de la coordination entre les différents corps. Le projet de loi qui est devant nous donne beaucoup d'importance à la GRC, entre autres, et aussi au SCRS.
Je vous demande votre avis. J'ai aussi soulevé cette question au Comité de la défense nationale. Les Américains ont créé ce qu'ils appellent le Department of Homeland Security, et c'est M. Tom Ridge qui en est responsable.
Je me demande si on pourrait laisser tomber le projet de loi qui est devant nous s'il y avait une meilleure coordination de l'ensemble des corps policiers et des autres corps qui s'occupent de la sécurité, que ce soit dans les ports, les aéroports, sur les autoroutes ou dans le transport en commun.
Que pensez-vous de la création d'un ministère de la Sécurité intérieure dont serait responsable un ministre et qui coordonnerait l'ensemble du plan de lutte contre le terrorisme? Pensez-vous qu'à ce moment-là, un projet de loi comme celui-ci pourrait être mis de côté? Je trouve que la création d'instruments donnant plus de pouvoirs au SCRS ou à la GRC est un peu dangereuse. S'il y avait une meilleure coordination et une meilleure application du Code criminel et du Code civil, on pourrait peut-être réussir aussi bien que si on adoptait un projet de loi comme celui-ci, dont on ne connaît pas entièrement la portée.
Donc, que pensez-vous de l'idée d'un ministre de la Sécurité intérieure?
º (1650)
Le président: Monsieur Roy.
M. Jean-Louis Roy: Monsieur Bachand, je ne suis pas un spécialiste de ces questions, mais j'ai vécu dans des pays où il y a un ministère de l'Intérieur, et j'ai souvent eu l'impression que ça devenait vite un ministère qui servait d'outil au parti politique qui gouvernait ce pays, qui avait accès, de cette façon, à l'ensemble des informations disponibles de toute nature sur les groupes, sur les personnes, etc.
Mon premier réflexe serait donc de vous dire que je serais extraordinairement prudent. Je préfère une surveillance multipartite de ces questions à l'espèce de condensé de pouvoirs énormes qu'on donne à un ministre qui contrôle d'un coup l'ensemble de toutes les ressources policières d'information sur les groupes qui existent dans une société donnée.
Je crois que le système que vous évoquez pose beaucoup de problèmes. En tout cas, c'est l'impression que j'en ai eue très fortement. Je crois que notre système a le défaut contraire, en quelque sorte, peut-être celui de l'éparpillement. Le juste milieu serait entre les deux. En tout cas, s'il y a un ministère de l'Intérieur, il faut s'assurer qu'il y a un véritable contrôle d'une commission du Parlement où tous les partis sont représentés, pour que ça ne devienne pas la chose d'un seul parti politique.
M. Claude Bachand: Monsieur Roy, vous proposez dans votre mémoire que la loi soit précédée d'un préambule, ce qui n'est pas le cas actuellement. Au Québec, nous avons eu beaucoup de discussions sur les lois qui ont des préambules. Ne croyez-vous pas que même s'il y a un préambule qui réaffirme l'importance des traités internationaux sur le respect des droits humains et le respect de la Charte canadienne des droits et libertés, la portée juridique de ce préambule est moins grande? Beaucoup de gens disent que ce qui compte, c'est ce qu'il y a dans la loi, et que le préambule est seulement complémentaire dans la réflexion des juges. Je ne sais pas si un tel préambule aurait une portée juridique aussi forte qu'une proposition semblable qui serait mise directement dans la loi.
M. Jean-Louis Roy: Monsieur Bachand, beaucoup de déclarations sont devenues des conventions. Donc, l'affirmation de principe peut finir, à un moment donné, par avoir un impact. Mais au-delà de ça, on faisait cette proposition pour marquer le caractère absolument exceptionnel du choix du Parlement du Canada de limiter la liberté des citoyens. Il y a des circonstances exceptionnelles qui peuvent vous amener à faire cela. C'est une question de jugement. Mais si vous le faites, nous disons qu'il faut vous rappeler et nous rappeler que ce sont des circonstances exceptionnelles et qu'il ne s'agit pas d'une loi régulière, mais d'une intervention à caractère exceptionnel, d'où la nécessité de réaffirmer--affirmation qui est plus qu'une affirmation de principes et de valeurs communes--, que nous sommes dans une société démocratique, que nous respectons les droits et libertés et que compte tenu de cette menace particulière, nous suspendons ou réduisons les libertés, mais que notre objectif est toujours ce qui est dans le préambule, c'est-à-dire de revenir le plus rapidement possible au régime de droit.
Le régime de droit, ce n'est pas rien. Dans ce pays, on a fait trois choses remarquables depuis 100 ans. Que veulent les gens dans le monde? Ils veulent manger et avoir un niveau de vie convenable. On a à peu près réussi ça au Canada. Ils veulent des péréquations sociales. Si on a des problèmes dans la vie, qu'on est vieux, qu'on est jeune, qu'on est seul, qu'on est orphelin, on veut que des gens se rendent compte qu'on est là, que la société nous soutienne. Les gens veulent d'abord et avant tout un régime de droit et un régime de libertés. Quand un Parlement touche à ça, c'est extraordinairement grave.
º (1655)
[Traduction]
Le président: Monsieur Mahoney.
M. Steve Mahoney: Monsieur le président, je comprends qu'il y en a qui soulèvent des préoccupations liées à la vie privée, et je ne voudrais, en aucune façon, diminuer l'importance que revêtent ces questions, surtout dans notre démocratie.
Je veux partager avec vous l'une des plus grandes frustrations que j'ai éprouvée après le 11 septembre. Après avoir été membre de longue date du Comité de l'immigration, après avoir visité nos postes frontaliers, etc., au fil des années, et après avoir beaucoup travaillé dans ce domaine, j'ai trouvé cela contrariant d'entendre les Américains rejeter le blâme sur les services canadiens d'immigration et de sécurité et affirmer que notre frontière est une passoire. Sauf tout le respect que je dois à certaines personnes, et je déteste dire du mal des gens en leur absence, mais certaines personnes et certains partis de la Chambre se sont levés pour porter ces mêmes accusations, qui n'étaient absolument pas fondées. Les 19 terroristes séjournaient aux États-Unis munis de visas en règle, ils y faisaient des études, du tourisme, peu importe, et ils apprenaient notamment à piloter des avions mais, fait intéressant, ils ne se sont pas entraînés à faire décoller ou à poser l'appareil, ce qui est bizarre en soi.
Les services de sécurité ont échoué, mais ce n'était pas les services de sécurité du Canada. Les services du renseignement ont échoué, mais ce n'était pas les services canadiens du renseignement. Les services d'immigration ont échoué, mais ce n'était pas un manquement des services d'immigration canadiens.
Après ce diatribe, je peux dire que les Américains effectuent des changements. Ils envoient des signaux clairs. Il nous faut reconnaître l'incidence de ces changements sur notre économie, sur nos collectivités et sur nos relations interpersonnelles. Les Américains et les Canadiens se marient entre eux. Nous avons des liens très serrés mais aucun d'entre nous, je présume, ne souhaite que ces liens ne viennent empiéter sur notre souveraineté nationale, et pourtant, il nous faut fonctionner avec les mêmes règles du jeu que ces gens-là.
Comment pouvons-nous nous permettre de ne pas apporter des changements à notre système de sécurité et à nos méthodes de cueillette de renseignements, ou comment pouvons-nous nous permettre de ne pas modifier la façon dont nous partageons ces renseignements avec les services policiers américains? Je pense à cet homme qui a traversé la frontière—j'ai oublié son nom, mais il a défrayé la manchette partout—avec un coffre plein d'explosifs, et qui avait l'intention de perpétrer un attentat la veille du Jour de l'an. Ce sont les services policiers canadiens qui ont averti les Américains que cet homme se dirigeait vers leur frontière, et c'est ce type de collaboration entre les autorités canadiennes et américaines qui leur a permis de lui mettre le grappin dessus et de prévenir un attentat terroriste grave.
Il faut pouvoir travailler de la sorte. Or, comment le faire sans enfreindre les droits de la personne et sans—pour employer une description exagérée de vos inquiétudes—arrêter tout le monde dans la rue pour contrôler les papiers, comme une scène sortie tout droit d'un film de la Seconde Guerre mondiale? Ce n'est pas notre intention. Nous voulons protéger nos familles et nos enfants, nos électeurs et concitoyens. Nous devons apporter des changements pour nous adapter aux mesures prises par les Américains et reconnaître le fait que nous ne sommes pas isolés et à l'abri du terrorisme, même si, jusqu'ici, Dieu nous garde, il semble que nous ayons évité le pire. Cependant, cela peut se produire à tout moment, c'est pourquoi nous devons agir.
Que pouvons-nous faire pour apaiser les inquiétudes d'organismes extrêmement importants comme le vôtre, de George Radwanski et d'autres personnes encore? Que pouvons-nous faire pour vous convaincre et pour les convaincre que nous ne sommes pas en train de créer un État policier totalitaire?
M. Gerry Barr: Ce serait excellent si le gouvernement envisageait de modifier le projet de loi dans le but de régler le problème de sa portée excessive, et s'il pouvait y inclure des mesures prévoyant que les outils d'enquête nécessaires pour s'attaquer aux activités terroristes—l'exemple que vous utilisez, comme tout le monde, bien sûr—soient utilisés de façon restreinte, que ces mesures soient adaptées à un besoin précis et limité dans le temps, d'une façon qui traduirait une réticence à enfreindre les droits des Canadiens et d'une façon qui traduirait un réel désir de réconcilier la protection des droits des Canadiens et la protection de leur personne physique. Si le gouvernement pouvait réussir cela, ce serait excellent, et je me permets d'ajouter que la voie pour y parvenir passe par la question de la portée excessive.
» (1700)
[Français]
M. Jean-Louis Roy: Je vais utiliser vos propres mots, monsieur le député.
[Traduction]
Les gens comme nous ne sont pas complètement coupés de la réalité. S'il y a une nouvelle menace—et il y a des menaces—, il faut préparer des répliques à ces menaces en évolution... Vous avez raison à cet égard. Mais je crois qu'il est complètement déraisonnable de décider que nous vivons dans un monde où il y a une menace généralisée et où tous les citoyens pourraient être des terroristes. Mais vous avez raison. Il faut reconnaître que le monde est en pleine évolution.
[Français]
On ne peut pas simplement faire, les unes après les autres, des affirmations de principe. S'il y a des besoins nouveaux en matière de sécurité, des ajustements doivent être faits.
La grande difficulté, c'est de déterminer comment faire ces ajustements et de limiter ces derniers à la nature de la menace plutôt que--ici, on se répète un peu--de créer de très grands systèmes .
Je voudrais simplement répondre en une phrase à la question que vous avez posée sur la Commission des droits de l'homme des Nations Unies et l'élection de la Libye à la présidence.
Selon moi, ça fait partie du travail qu'on a tous à faire pour réformer les institutions internationales. Cette personne a été élue selon les règles actuelles qui, de l'avis d'un grand nombre, doivent être refaites complètement. Il est insensé qu'un pays qui ne respecte aucune des règles fondamentales du système des Nations Unies en matière des droits de l'homme préside au système des Nations Unies en matière des droits de l'homme.
La présidente suppléante (Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.)): Merci beaucoup, monsieur Roy. Vous voyez ici un changement de la présidence: changement de sexe, de race, d'âge, et ainsi de suite. C'est temporaire. Heureusement, tous ces changements seront éventuellement remplacés par d'autres changements.
[Traduction]
M. Steve Mahoney: Peut-être jouirons-nous de plus de droits que jamais.
La présidente suppléante (Mme Marlene Jennings): N'en soyez pas si sûr.
Madame Desjarlais, vous disposez de cinq minutes pour les questions et les réponses.
Mme Bev Desjarlais: Je veux être certaine de bien comprendre comment fonctionnerait le régime de protection de la vie privée dans le contexte de la voiture sur l'autoroute que citait M. O'Reilly un peu plus tôt. On relève le numéro de plaque et si vous êtes coupable d'excès de vitesse, on vous envoie une contravention. Si je comprends bien...
Avez-vous dit que le conducteur recevait une facture d'ailleurs?
Une voix: Non, c'est le péage.
» (1705)
M. John O'Reilly: C'est une route à péage.
Mme Bev Desjarlais: D'accord, mais vous recevez une facture parce que vous avez emprunté cette route et vous savez à l'avance que vous serez facturé.
Si l'on prend le système de cette route à péage comme exemple, vous pourriez vous en servir pour envoyer à la GRC des renseignements sur cette personne. Si jamais cette personne se dirigeait vers la frontière américaine, les autorités ouvriraient tout un dossier sur cette personne, ou alors ils pourraient tout simplement transmettre l'information et contrôler la personne. Ce que je veux dire, c'est que vous ne pourriez pas utiliser cette information à d'autres fins. Voilà ce que j'essaie d'exprimer. Ces renseignements seront utilisés strictement pour des fins de facturation pour l'utilisation d'une route à péage, un point c'est tout.
Je ne sais même pas s'il serait permis d'envoyer cette information à une tierce partie pour contrôler si cette personne a des contraventions impayées, ou peu importe. J'ai l'impression que cette loi ne l'autorise pas. C'est la même chose pour les déclarations de revenus. Il faut cocher une boîte pour donner son consentement à ce que votre adresse puisse être envoyée à Élections Canada. Il faut donner expressément son consentement pour faire suivre ces renseignements. C'est une mesure de protection, et vous avez l'assurance que cette information est réservée à ces fins.
Mon interprétation est-elle juste? Est-ce que le régime fonctionne bien ainsi?
M. Gerry Barr: Oui.
Mme Bev Desjarlais: En vertu du présent projet de loi sur la sécurité publique, nous nous trouvons à renoncer à ces droits en ce qui concerne le transport.
M. Gerry Barr: Dans ce cas-ci, vous n'avez pas le choix.
Mme Bev Desjarlais: J'aborde le sujet parce que vous avez dit qu'on disposerait de votre numéro d'assurance sociale. J'étais perplexe, monsieur O'Reilly, alors je vous demande pourquoi aurait-on accès au numéro d'assurance sociale pour de telles fins. Que je sache, notre numéro d'assurance sociale est réservé à certains usages précis, à savoir, l'emploi et le suivi du revenu par l'Agence canadienne des douanes et du revenu. Du moins, c'est comme cela que je comprends le numéro d'assurance sociale, à tel point que je ne l'utilise dans aucun autre contexte. Je refuse de divulguer ce numéro pour fins d'identification de ma carte de crédit. J'insiste pour faire savoir à mes électeurs qu'ils ne devraient pas l'utiliser à mauvais escient afin d'éviter de telles dérives. Toutefois, en vertu du projet de loi, cette information serait désormais à la disposition de toutes ces agences—votre numéro d'assurance sociale et tout autre renseignement vous concernant.
M. Gerry Barr: Dans le cadre du projet Total Information Awareness, c'est bien le cas. Les renseignements disponibles dans le commerce sont regroupés avec les renseignements que détient le gouvernement. C'est un système américain.
Mme Bev Desjarlais: C'est américain?
M. Gerry Barr: C'est exact.
L'analogie...
Mme Bev Desjarlais: Mais il faut transmettre cette information aux États-Unis lorsqu'on s'y rend, n'est-ce pas? Ils peuvent avoir accès...
M. Gerry Barr: Dans le cas des dispositions qu'envisage le projet de loi C-17, il y aurait partage d'information en ce qui concerne les avions qui arrivent au pays. Ces renseignements seraient partagés avec les services du renseignement et les services policiers fédéraux d'autres pays, en vertu d'un accord pris entre les pays et qui n'est pas assujetti à l'approbation du Cabinet. Un tel accord pourrait renfermer des dispositions qui n'auraient pas été envisagées par votre comité, par exemple.
Je reviens à l'analogie que vous avez faite entre la route à péage et les dispositions prévues par ce projet de loi. C'est comme si le Canada allait voir le propriétaire de cette route à péage et lui disait: «Nous savons que vous avez conclu un contrat implicite avec vos clients pour la fourniture de renseignements personnels comme le numéro de plaque et ainsi de suite, en vertu du fait qu'ils utilisent votre route et qu'ils sont conscients du fait que vous allez leur envoyer une facture de façon automatique. Désormais, nous voulons avoir ces renseignements sur une base régulière. Nous transmettrons ces renseignements à d'autres autorités, et nous pourrons les contrôler pour fins d'enquête criminelle, de sécurité nationale et ainsi de suite». Voilà comment fonctionnerait l'analogie.
Mme Bev Desjarlais: C'est plutôt une remarque qu'une question. Je m'inquiétais déjà des conséquences de ce projet de loi sur la vie privée, mais pendant l'intersession, j'ai rencontré une femme à Thompson. Je la connais depuis 25 ou 26 ans. Elle vit au Canada depuis plus de 30 ans, elle travaille, et c'est une arrière-grand-mère. Tous ses enfants ont été élevés à Thompson, et ses petits-enfants et arrière-petits-enfants y vivent. En raison de son statut de résidente permanente, elle doit obtenir la carte.
L'une des exigences pour obtenir cette carte, ce qui l'a passablement décontenancée, c'est qu'elle doit divulguer tous ses voyages au cours des cinq dernières années. Elle en a été stupéfaite. Moi aussi j'en ai été stupéfaite parce que je me dis: «Pourquoi diable ont-ils besoin d'informations sur quelqu'un qui vit à Thompson, au Manitoba, depuis quelque 30 ans, qui a élevé ses enfants et ses petits-enfants et ses arrière-petits-enfants ici»? Ils veulent savoir ce qu'elle a fait au cours des cinq dernières années? Pourquoi aurait-on besoin de tels renseignements? Cela n'a fait que renforcer mes convictions sur le droit à la vie privée, et cela a eu le même effet sur elle.
Mme Marlene Jennings: C'est probablement pour s'assurer qu'elle a encore droit à son statut. Il faut...
» (1710)
Le président: Silence. Si nous voulons maintenir un certain décorum, il faut... [Note de la rédaction: inaudible]
Mme Bev Desjarlais: D'accord.
Le fait est qu'elle a travaillé et qu'elle a payé des impôts. Elle ne s'est pas contentée de travailler, elle a payé des impôts chaque année au gouvernement du Canada. J'étais encore plus indignée par cette situation et beaucoup plus préoccupée par les aspects relatifs à la vie privée.
S'il me reste un tout petit peu de temps, dans le cadre de toute cette question de la sécurité publique, on nous rappelle souvent qu'il y avait des terroristes à bord de ces avions et qu'ils ont fait sauter ces tours. J'aimerais dire quelque chose à propos du 11 septembre. Après l'écrasement du quatrième avion, quelque chose a changé. Ce genre de situation ne se produira jamais plus parce qu'on ne laissera plus jamais personne détourner un avion sans que le reste des passagers ne réagissent. Nous l'avons constaté le 11 septembre. Les trois premiers avions se sont écrasés parce qu'il existait une directive selon laquelle s'il y a un pirate de l'air à bord d'un avion, on fait ce qu'il veut, parce que ce genre de situation ne s'était jamais produit auparavant. Il n'arrivera plus jamais que des gens ne réagissent pas à un pirate de l'air à bord d'un avion. Il pourrait arriver que des explosifs soient dissimulés dans les marchandises chargées à bord d'avions—car même jusqu'à présent on ne vérifie pas les marchandises chargées à bord des avions; elles ne sont pas passées au scanner—mais cette situation ne se reproduira plus jamais. C'est inimaginable, et nous l'avons constaté dans le cas du quatrième avion.
J'espère que nous ne perdrons pas de vue le caractère unique de la situation qui s'est produite le 11 septembre. Nous ne devrions pas laisser la peur qu'inspire cette situation priver les Canadiens de leurs libertés civiles.
Le président: Monsieur Barr, vous avez un commentaire à faire?
M. Gerry Barr: Comme vous le dites à la Chambre, «Bravo, bravo!» Absolument. Il est très important de faire preuve de discernement lorsque l'on détermine quelle est la réaction appropriée. En fait, je suis sûr qu'un grand nombre de témoins qui comparaîtront devant le comité indiqueront qu'il faut essayer de trouver une réaction modérée et judicieuse à des circonstances effectivement très difficiles. Mais en ce qui concerne le point que vous avez soulevé, je considère que vous avez bien entendu raison.
[Français]
Le président: Monsieur Roy, avez-vous quelque chose à ajouter?
M. Jean-Louis Roy: Je veux simplement dire que Mme la députée a raison.
[Traduction]
Ceux d'entre nous qui sont ici—peut-être chacun d'entre nous—qui voyagent beaucoup par avion sont étonnés chaque jour de constater la facilité avec laquelle les paquets sont chargés à bord des avions. Cela relève aussi de la sécurité, donc nous devrions peut-être être aussi prudents à propos de la sécurité des choses que nous voulons l'être à propos de la sécurité des personnes.
Le président: Monsieur O'Reilly.
M. John O'Reilly: Monsieur le président, j'aimerais prendre un instant pour éclaircir une petite chose dont Mme Desjarlais et moi-même avons parlé.
Sur l'autoroute à péage 407, vous pouvez acheter un transpondeur à meilleur prix qui peut lire le répondeur. Si vous n'avez pas de transpondeur et que vous allez sur l'autoroute à péage, on prend une photo de votre plaque d'immatriculation. Cette information est ensuite transmise à une entreprise privée et cette entreprise privée de toute évidence a votre nom, votre adresse et toute autre information dont on a besoin en vertu du code de la route. Pour qu'elle puisse obtenir ce numéro de plaque d'immatriculation, il faut qu'elle sache où vous l'avez obtenue et qui en est le titulaire. Donc lorsque j'ai dit qu'il est probablement possible d'obtenir tous les renseignements que vous voulez à propos d'une personne simplement en empruntant la route à péage...
Vous parliez d'arrêter entre Kingston et Montréal et ainsi de suite. Je peux vous éviter cette difficulté. Empruntez simplement l'autoroute 407. Que vous ayez un transpondeur ou non, vous serez facturé. Il s'agit d'une entreprise privée, et si cette entreprise privée décide de vendre sa liste d'adresses... Quelles sont les conditions de son contrat?
Une voix: [Note de la rédaction: inaudible]
M. John O'Reilly: Vous dites qu'ils ne le peuvent pas, mais je n'en suis pas sûr. Le témoin aurait peut-être une réponse à cette question.
Quoi qu'il en soit, je tenais simplement à préciser qu'il est...
M. Steve Mahoney: En fait, c'est encore pire si vous obtenez un transpondeur. Je le sais, parce que j'en ai un. Pour obtenir un transpondeur, il faut fournir son numéro d'assurance sociale, il faut fournir deux ou trois pièces d'identité différentes, et il faut le faire en personne. On ne peut même pas envoyer quelqu'un à sa place. C'est incroyable.
Le président: [Note de la rédaction: Inaudible]... cet échange entre...
M. Steve Mahoney: Voyager entre Mississauga et Oakville ne pose généralement pas de problème. La transition se fait assez bien.
Le président: Est-ce que les témoins voudraient faire un commentaire sur la discussion? Non?
Y a-t-il d'autres questions maintenant?
Monsieur Barnes.
M. Rex Barnes: J'ai juste une question que je voulais soulever à nouveau.
À l'heure actuelle au Canada, certains groupes ethniques font face à la discrimination depuis le 11 septembre, malheureusement. C'est injuste, mais malheureusement c'est une réalité, tout comme la situation ici, et c'est probablement uniquement en raison de leur pays d'origine.
Je l'ai déjà dit à ces audiences, mais j'espère que le SCRS et la GRC connaissent l'élément criminel de notre société et savent qui, selon eux, pourrait représenter une menace. Mais en raison de cela, il y a des Canadiens qui sont innocents, qui viennent d'autres pays et qui, parce qu'ils appartiennent à un groupe ethnique et en raison de leur origine, sont ciblés à cause de leurs origines, ce qui est injuste.
Et c'est là le problème avec ce projet de loi. Chacun est ciblé comme un criminel parce qu'il vient d'un certain pays ou parce qu'on semble croire que ce que l'on appelle «l'élément criminel» pour le Canada pourrait venir de certains pays. C'est là où on est. C'est injuste, ce n'est pas correct, et ces gens sont ciblés injustement. Comment peut-on composer avec cette réalité dans ce projet de loi?
» (1715)
[Français]
M. Jean-Louis Roy: Monsieur le député, vous posez là une question extrêmement importante. Il se trouve que j'ai vécu en Europe au moment où les grands mouvements terroristes de 1984 et 1985 en France, en Allemagne, en Belgique et un peu partout se sont développés; or, le profiling a été l'une des causes de la réaction de ces jeunes, arabes dans ce cas-là, maghrébins, et turcs dans le cas de l'Allemagne. On a créé le «terrorisme» en ayant une politique en vertu de laquelle on ciblait des segments de la population selon l'ethnicité, l'origine ethnique, ou encore selon l'origine géographique.
Je ne sais pas comment on peut régler la question ici, dans ce pays, mais je suis convaincu qu'on doit y travailler, parce qu'il s'agit d'un enjeu très important.
Si, dans ce pays, on cible les communautés selon la couleur, la race et ainsi de suite, on va créer les conditions propices à une réaction extraordinaire de la part des plus jeunes éléments. II y a, au Canada, beaucoup de gens qui viennent d'ailleurs dans le monde et qui sont venus ici parce qu'ils croyaient ne jamais voir le pays endosser ce genre de logique.
Je voudrais pouvoir vous donner une réponse. On parle ici d'attitudes et de comportements; il ne s'agit pas simplement de textes de loi. On en est à essayer de comprendre ce qu'est la citoyenneté commune et, à cet égard, il y a un immense travail à faire.
Si on ne veut pas que nos villes explosent, il faut éviter par tous les moyens--quitte à ce que les forces policières soient éduquées ou rééduquées en conséquence ou qu'on organise des campagnes d'information--que certains groupes finissent par apparaître aux yeux du public comme des criminels réels ou virtuels.
Si on veut susciter la violence dans ce pays, on n'a qu'à laisser aller les choses. Il faut vraiment travailler à régler cette question. Je voudrais pouvoir vous donner une réponse, mais je n'en ai pas; il reste que je partage votre interrogation.
[Traduction]
Le président: Monsieur Barnes.
[Français]
M. Jean-Louis Roy: L'école a aussi un rôle à jouer.
[Traduction]
Les écoles doivent assumer leurs responsabilités. Cela fait partie du processus d'éducation.
M. Rex Barnes: Je soulève le problème car je crois qu'il est important. Ce ne sont pas tous les citoyens d'un pays donné qui sont nos ennemis. Il existe des éléments extrémistes dans toutes les couches de la société et dans toutes les régions. Mais tous les citoyens ne sont pas des extrémistes. Les gens ici sont tous de bons citoyens, et les citoyens d'autres pays sont bons aussi. Ils viennent au Canada pour avoir leur liberté, mais ils se trouvent maintenant privés de cette liberté au Canada en raison des gestes posés par quelques déments. Ces gestes leur ont fait perdre la liberté qu'ils connaissaient depuis des années et nous devons le leur rendre, puisque le Canada est un pays libre.
Nous sommes maintenant assiégés à cause de cet élément criminel et de la menace qu'il pose pour notre pays et pour notre souveraineté. Nous devons donc prendre l'approche indiquée par M. Mahoney. Il faut trouver le bon équilibre et des façons de protéger notre pays et nos citoyens, sans pour autant se livrer à de la discrimination contre certains citoyens. C'est l'équilibre qu'il faut établir, un équilibre très difficile à atteindre. À l'heure actuelle, j'ai l'impression que les gouvernements ont peut-être trop de pouvoirs, ce qui leur permet de faire ce qu'ils veulent et de ne pas rendre des comptes.
C'est mon dernier commentaire.
Le président: Avez-vous des commentaires à faire, monsieur Barr ou monsieur Roy? Non?
Y a-t-il d'autres questions? Non?
Comme il n'y a pas d'autres questions, je vais demander aux témoins s'ils aimeraient prendre une minute ou deux pour conclure.
[Français]
Monsieur Roy.
M. Jean-Louis Roy: Je voudrais tout simplement souhaiter bonne chance au comité. On va suivre vos travaux avec un immense intérêt et une grande sympathie.
[Traduction]
Le président: Monsieur Barr.
M. Gerry Barr: J'aimerais appuyer ce que M. Roy vient de dire, et je vous exhorterais encore une fois à examiner très systématiquement—c'est quand même le rôle du comité—les dispositions du projet de loi qui sont de toute évidence et très clairement incompatibles avec les articles 7 et 8 de la Charte et qui mettent en péril les droits des Canadiens de plusieurs façons importantes. Malgré le fait que le gouvernement a le droit fondamental de veiller à la sécurité des Canadiens, cette question de portée excessive pose un défi crucial.
Je vous inciterais et encouragerais à écouter attentivement les opinions exprimées de façon très efficace et pertinente depuis longtemps par le commissaire à la vie privée. Nous avons beaucoup d'admiration pour le travail qu'il accomplit.
Comme mon collègue, bien sûr, j'aimerais vous souhaiter bonne chance dans vos efforts pour trouver des solutions satisfaisantes.
» (1720)
[Français]
Le président: Monsieur Tassé.
M. Roch Tassé: Je voudrais simplement rappeler que le projet de loi C-17 est seulement un projet de loi dans un ensemble de projets de loi. Il y a eu d'autres projets de loi qui l'ont précédé et il y en a d'autres à venir. Il faut donc regarder l'impact de ce projet de loi à la lumière de l'ensemble de la législation déjà adoptée ou à venir, comme le prochain projet de loi que le ministère de la Justice est en train de préparer sur le lawful access, sur les communications électroniques. Ça va s'ajouter à la problématique posée par le projet de loi C-17. On ne peut donc pas examiner le projet de loi C-17 isolément, sans tenir compte de tous les autres projets de loi. Voilà la remarque que je voulais faire en terminant.
Le président: Au nom de tous les membres du comité, je vous remercie tous les trois de votre présence, de vos témoignages d'aujourd'hui et de votre coopération.
[Traduction]
Chers collègues, je vous rappelle que notre prochaine séance se tiendra jeudi matin, à 9 heures, à la salle 253-D. Les membres du comité de direction recevront demain un avis de convocation pour une réunion du comité de direction qui aura lieu juste avant la réunion du comité permanent. Cette réunion du comité de direction est prévue de 8 h 30 à 9 heures, aussi à la salle 253-D.
La séance est levée.