C-17 Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité législatif chargé du projet de loi C-17
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 30 janvier 2003
¿ | 0905 |
Le président suppléant (M. John O'Reilly (Haliburton—Victoria—Brock, Lib.)) |
M. Steve Mahoney (Mississauga-Ouest, Lib.) |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
M. Steve Mahoney |
M. John O'Reilly |
M. Vincent Gogolek (directeur des politiques, British Columbia Civil Liberties Association) |
¿ | 0910 |
¿ | 0915 |
¿ | 0920 |
M. John O'Reilly |
M. Warren Allmand ( témoigne à titre personnel) |
¿ | 0925 |
¿ | 0930 |
M. John O'Reilly |
M. Clayton Ruby (À titre individuel) |
¿ | 0935 |
¿ | 0940 |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
M. Gary Lunn (Saanich—Gulf Islands, Alliance canadienne) |
¿ | 0945 |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
M. Clayton Ruby |
M. Warren Allmand |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
M. Vincent Gogolek |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
M. Steve Mahoney |
¿ | 0950 |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
M. Steve Mahoney |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
M. Clayton Ruby |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
M. Warren Allmand |
¿ | 0955 |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
M. Mario Laframboise (Argenteuil—Papineau—Mirabel, BQ) |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
M. Vincent Gogolek |
À | 1000 |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
M. Clayton Ruby |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
M. Warren Allmand |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
M. Sarkis Assadourian (Brampton-Centre, Lib.) |
À | 1005 |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
M. Warren Allmand |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
M. Clayton Ruby |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
M. Vincent Gogolek |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
Mme Bev Desjarlais (Churchill, NPD) |
À | 1010 |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
M. Warren Allmand |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
M. Clayton Ruby |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
M. Vincent Gogolek |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
Mme Bev Desjarlais |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
M. Vincent Gogolek |
À | 1015 |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.) |
M. Clayton Ruby |
Mme Beth Phinney |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
Mme Beth Phinney |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
Mme Beth Phinney |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
M. Steve Mahoney |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
Mme Beth Phinney |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
M. Clayton Ruby |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
M. Clayton Ruby |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
M. Warren Allmand |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
M. Vincent Gogolek |
Mme Beth Phinney |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
Mme Beth Phinney |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
Mme Beth Phinney |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
Mme Beth Phinney |
M. David Goetz (attaché de recherche auprès du comité) |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
M. Rex Barnes (Gander—Grand Falls, PC) |
À | 1020 |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
M. Warren Allmand |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
M. Clayton Ruby |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
M. Vincent Gogolek |
À | 1025 |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
Mme Marlene Jennings |
À | 1030 |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
M. Clayton Ruby |
Mme Marlene Jennings |
M. Clayton Ruby |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
M. Warren Allmand |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
M. Vincent Gogolek |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
Mme Marlene Jennings |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
M. Steve Mahoney |
À | 1035 |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
M. Clayton Ruby |
M. Steve Mahoney |
M. Clayton Ruby |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
M. Vincent Gogolek |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
M. Steve Mahoney |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
M. Clayton Ruby |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
M. Vincent Gogolek |
À | 1040 |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
M. Warren Allmand |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
M. Clayton Ruby |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
M. Mario Laframboise |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
M. Warren Allmand |
À | 1045 |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
M. Clayton Ruby |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
M. Vincent Gogolek |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
Mme Bev Desjarlais |
M. Steve Mahoney |
Mme Bev Desjarlais |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
Mme Bev Desjarlais |
M. Steve Mahoney |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
M. Gary Lunn |
À | 1050 |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
M. Clayton Ruby |
M. Vincent Gogolek |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
M. Warren Allmand |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
M. Warren Allmand |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
CANADA
Comité législatif chargé du projet de loi C-17 |
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 30 janvier 2003
[Enregistrement électronique]
¿ (0905)
[Traduction]
Le président suppléant (M. John O'Reilly (Haliburton—Victoria—Brock, Lib.)): Je saisis cette occasion de déclarer la séance ouverte. Ceci est un comité législatif chargé étude du projet de loi C-17, un comité législatif étant un peu différent d'un comité de la Chambre des communes en ce sens qu'il n'est formé que pour traiter du projet de loi C-17, et ensuite il n'est plus un comité.
Je suis John O'Reilly. Je remplace Bob Kilger, le président. Le Président de la Chambre étant malade, M. Kilger doit assumer ses fonctions parlementaires. Je pense qu'il accueille un groupe d'élèves en ce moment, et il s'amuse certainement plus qu'il ne le ferait ici.
Ceci étant dit, je tiens tout d'abord à souhaiter la bienvenue aux témoins et les remercier d'être ici en cette belle journée de vague de chaleur à Ottawa. Je crois qu'il ne fait que moins 27 degrés, alors je suis sûr que tout le monde s'amuse.
M. Steve Mahoney (Mississauga-Ouest, Lib.): Et c'est ici.
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Je précise que la séance se déroule dans les deux langues officielles, grâce au service d'interprétation. C'est ce à quoi servent ces écouteurs. Si vous voulez comprendre tout ce qui se dit, la seule façon d'y parvenir est au moyen de ces écouteurs, alors n'hésitez pas à les utiliser. Des questions vous seront posées dans les deux langues.
Les micros sont contrôlés par ce beau jeune homme, derrière moi, alors vous n'avez pas à vous occuper de les allumer ou de les éteindre. En passant, la séance est télévisée, alors resserrez vos noeuds de cravate et assurez-vous d'être bien coiffés.
M. Steve Mahoney: Est-ce que vous vous adressez à eux, ou à nous?
M. John O'Reilly: À eux—non, à vous, Steve.
Je ne peux pas poser de questions, ce qui me gêne, mais ne vous en faites pas, Gary, je me consolerai.
Nous allons commencer, ce matin, avec nos trois témoins. Vincent Gogolek est le directeur des politiques de la British Columbia Civil Liberties Association. Warren Allmand, comme nous le savons tous, est un ancien parlementaire, un homme de grande distinction. Clayton Ruby, qui se trouve à passer ses étés dans ma circonscription et avec qui je partage un intérêt pour les anciennes voitures...les siennes valent beaucoup plus que les miennes, mais nous avons ce point commun.
J'inviterai Vincent Gogolek à faire son exposé. Nous accordons normalement 10 minutes à chaque témoin, puis nous passons aux questions, en commençant par le représentant de l'opposition officielle. Chaque membre, ici, a cinq minutes au premier tour. Ces cinq minutes comprennent les questions et les réponses, alors si quelqu'un a trop d'éloquence et ne vous laisse pas répondre, vous ne pouvez vous en prendre qu'à lui.
Donc, monsieur Gogolek, je vous laisse la parole.
M. Vincent Gogolek (directeur des politiques, British Columbia Civil Liberties Association): Merci, monsieur le président. C'est un plaisir d'être ici en cette belle journée ensoleillée, même si c'est un peu plus froid ici qu'en Colombie-Britannique.
La British Colombia Civil Liberties Association est le groupe de défense des droits civils le plus ancien et le plus actif au Canada. Ceci est notre 40eannée d'efforts pour protéger les droits civils des Canadiens.
Ce texte législatif est une troisième version de la Loi sur la sécurité publique. Elle est la fille du projet de loi C-55 et la petite-fille du projet de loi C-42. Le gouvernement a arrondi les coins chaque fois, en réaction aux critiques selon lesquelles la Loi est draconienne, qu'elle empiète sur le droits à la vie privée et les libertés civiles et, très franchement, qu'elle ratisse tout simplement trop large à plusieurs égards.
L'un des grands problèmes que nous voyons, avec ce projet de loi, est quelque chose qui devrait vous toucher, les membres du comité, parce qu'une bonne part des dispositions qui se trouvent ici excluent les parlementaires du processus. Il s'y trouve beaucoup de pouvoirs de délégation au ministre et par le ministre, qui qu'il soit, à des fonctionnaires. Ces pouvoirs, la capacité de rendre des ordonnances, sont très, très vastes, Certains sont limités dans le temps, d'autres sont sous réserve de confirmation par le gouverneur en conseil. Il y en a toute une gamme.
Ce qui arrive, c'est que ces pouvoirs ne sont pas attribués sous réserve de votre aval. Ils ne sont pas soumis à un examen judiciaire. Personne, vraiment, n'a la possibilité d'intervenir. Ce que nous voyons ici, c'est un retour des années 70—et je ne parle pas de la mode. Nous assistons, en fait, à un retour de la Loi sur les mesures de guerre. C'est un retour des ordres de perquisition générale. C'est comme si la Charte des droits et libertés n'avait jamais existé. C'est la tendance que nous commençons à constater. Ce n'est pas seulement avec ce texte de loi; d'autres, aussi, ont le même effet.
Le problème, avec tout cela, c'est que nous avons encore une Charte des droits. La population s'attend désormais à ce que ses libertés civiles et ses droits à la vie privée soient respectés. Ce projet de loi ne va pas en ce sens. Nous avons une base de données qui exigera des déclarations volontaires de la part des Canadiens. Mais fort heureusement, une tierce partie, les lignes aériennes, sont interposées dans l'équation. Ce n'est pas que la police vous arrêtera dans la rue pour vous demander une pièce d'identité. Elle n'aura pas à faire cela, parce que les lignes aériennes se font déjà enrôler à cette fin.
L'un des grands problèmes que pose ce projet de loi n'est pas le projet de loi lui-même. Le problème vient de la base de données IPV/DP, qui est tenue par l'Agence des douanes et du revenu du Canada. L'Agence peut, en fait, conserver ces données pendant six ans. On prévoit une limitation très pratique de la capacité du SCRS et de la GRC de consulter cette information sur les passagers, y compris les repas commandés, le mode de paiement, le nom du voyageur, les noms de ses compagnons de voyage et la nature de ses bagages. Ils ne peuvent conserver ces renseignements que pendant sept jours, puisque les données sont sensées être effacées après cette période.
Si on prend le gouvernement au mot, quand il dit qu'il n'adoptera pas de définition inutilement trop vaste de la sécurité des transports, l'effet net de cette restriction est vraiment très limitée. Un agent de la GRC ou du SCRS pourrait appeler un fonctionnaire de l'Agence des douanes et du revenu et, en vertu de l'article 107 de la Loi sur les douanes, obtenir, en gros, les mêmes renseignements de la base de données.
C'est donc que cette limite de sept jours—une réduction en comparaison de 45 jours, qui était déjà une réduction comparativement à 90 jours—pendant lesquels ces renseignements seront conservés n'est qu'une illusion. Je sais que vous n'avez pas devant vous la Loi sur les douanes aujourd'hui, mais il est impossible d'examiner ce projet de loi sans le mettre dans le contexte des pouvoirs qui sont déjà attribués par l'article 107 de la Loi sur les douanes. Ce n'est pas possible.
¿ (0910)
Il y a autre chose qui me préoccupe, et c'est au sujet des zones d'accès contrôlé. Nous n'en parlons pas dans notre mémoire, alors pardonnez-moi si je m'attarde un moment sur le sujet. Je viens seulement d'apprendre ceci, dans l'avion qui m'amenait ici.
Le ministre de la Défense nationale a témoigné devant vous le 10 décembre l'année dernière. C'est donc qu'il y a un peu plus d'un mois, le ministre de la Défense nationale était assis ici, dans ce siège, ou peut-être un des autres sièges qu'il y a là, pour parler des zones d'accès contrôlé.
[Français]
Or, lorsque M. Bachand lui a posé une question concernant ces zones de contrôle, le ministre a donné une réponse intéressante. Il a indiqué que c'est beaucoup plus limité qu'auparavant sous plusieurs aspects, qu'il n'y aura que trois zones en particulier: Halifax, Nanoose Bay, en Colombie-Britannique, et Victoria, et je vais le citer en anglais:
¿ (0915)
[Traduction]
Je n'ai pas tous les détails concernant les dimensions, le timing, la durée de ces zones. Il n'est pas surprenant que je ne connaisse pas tous les détails, parce que tous les détails n'ont pas encore été établis, mais le décret en conseil sera publié dans La Gazette du Canada. On travaille là-dessus maintenant; ce n'est pas encore terminé. Tous les détails concernant le projet sur une base locale seront publiés localement quand nous serons prêts. Nous sommes en train de faire tous ces plans et nous ne connaissons pas encore tous les détails. |
Je n'ai pas eu l'occasion d'aller au Bureau du conseil privé vérifier les décrets en conseil, et pourquoi le ferais-je? Je supposerais que le ministre, étant donné que ce comité est ici à examiner ce projet de loi, étant donné que les doutes ont été exprimés sur la capacité du gouvernement de rendre ces décrets en conseil sans loi, sans disposition législative spécifique prévue au projet de loi C-45, remettrait ceci à plus tard. On le penserait. Mais non, deux jours plus tard, apparemment—et je le répète, il faudrait que je le vérifie, je n'en ai pas eu le temps—des décrets en conseil étaient adoptés. Nous sommes encore ici à parler de zones d'accès contrôlé alors que les décrets en conseil ont été adoptés.
Je ne connais pas les détails de ces décrets en conseil. Je ne sais pas ce que le ministre compte faire. Je n'en connais pas l'envergure. Je me demande si quelqu'un, ici, le sait. Je trouve tout cela troublant. C'est, encore, un outrage du gouvernement à l'égard du rôle des parlementaires, de votre rôle de gardiens, de personnes chargées de protéger nos libertés civiles et notre droit à la vie privée.
Les gouvernements ont supprimé les dispositions législatives, ce qui est une bonne chose, parce qu'elles étaient assez draconiennes, mais maintenant il a décidé d'agir par le truchement de cette prérogative royale, selon le ministre. Je ne suis pas sûr que la prérogative royale lui donne le pouvoir d'agir ainsi. Je suppose que je le saurai lorsque quelqu'un, peut-être quelqu'un qui exercera son droit démocratique de protester, sera arrêté et le contestera devant le tribunal. Je trouve très malheureux que les parlementaires n'aient pas eu la possibilité de faire des recommandations à la Chambre et de dire au gouvernement ce qu'ils pensent de cette important aspect du projet de loi.
Il y a plusieurs dispositions détaillées, et j'en parle dans le mémoire. J'y parle de nos principales préoccupations: que votre rôle est circonscrit; et que le gouvernement affirme de plus en plus agir en vertu de mystérieux pouvoirs comme la prérogative royale, qui a été réduite depuis 1688 avec la Déclaration des droits qu'a promulgué William d'Orange—non pas la Déclaration des droits de Diefenbaker, mais celle de 1688. C'est là que la prérogative a commencé à être limitée. Je pense qu'on doit vraiment s'interroger sur la capacité du gouvernement d'agir ainsi.
La base de données IPV/DP: la ministre du Revenu était ici et, dans son témoignage, elle a dit, à propos du projet de loi S-23, qui a été promulgué, que ce n'est en réalité qu'une codification des pouvoirs qu'elle a de toute façon, en tant que ministre. Mais à bien des égards, ce projet de loi apporte de nouvelles provisions qui donneront encore plus de pouvoir à la ministre, qui sera alors habilitée à les déléguer à d'autres fonctionnaires.
Un dernier mot: au début de mes observations, j'ai parlé d'un retour aux années 70. C'est parce qu'au cours des années 80, le Parlement a adopté la Loi sur les mesures d'urgence. M. Allmand, je crois, était là quand le débat a eu lieu, et pourrait probablement vous donner un compte rendu beaucoup plus détaillé des arguments présentés. Mais ce projet de loi, et aussi la Loi sur les mesures d'urgence qui est encore en vigueur maintenant, reconnaissent explicitement le rôle de la Charte, et la juste mesure entre la nécessité pour le gouvernement d'agir rapidement pour protéger la société canadienne lors de situations d'urgence, toutes sortes de situations d'urgence: les urgences internationales, les urgences de guerre, les urgences concernant la sécurité publique. Le Parlement en a débattu longuement. Le Parlement a reconnu que nous avons une Charte des droits et libertésmaintenant et que le gouvernement doit pouvoir agir, mais sous réserve des dispositions de la Charte des droits et libertés. Il y a aussi une disposition spécifique pour les députés, pour qu'ils examinent les règlements et les décrets que promulgue le gouvernement pour composer avec ce genre de situation.
¿ (0920)
Nous reconnaissons, et je crois que tout le monde le reconnaît, qu'il arrive que le gouvernement doive agir rapidement, qu'il doive prendre de sérieuses mesures, des mesures extraordinaires, pour composer avec ces situations extraordinaires. Cependant, le problème que nous avons, c'est qu'aucun examen n'est fait. Il n'y a aucun examen par nos parlementaires, nos représentants élus. Il n'y a aucun examen par des juges. Alors aucun examen n'est fait, à un moment ou à un autre. C'est très troublant. Nous ne savons pas où cela va mener. Je vous demande de garder cela à l'esprit lorsque vous étudierez les dispositions de ce projet de loi et, aussi, d'examiner ce projet de loi dans le contexte des autres textes législatifs et lois qui ont été promulgués ou qui sont sur le point de l'être, comme les propositions du gouvernement relativement à l'accès légal, au sujet de l'écoute électronique.
Je crois que mon temps est écoulé, et c'est avec plaisir que je laisse la parole à M. Allmand ou que je répondrai à vos questions.
M. John O'Reilly: Merci beaucoup, monsieur Gogolek.
Nous accordons à chaque témoin 10 minutes avant de passer aux questions. Maintenant, cette période de 10 minutes peut être un peu flexible. Vous en avez pris environ 12, mais ça va, parce que je crois que la règle de 10 minutes a surtout été adoptée pour que les ministres ne puissent pas s'éterniser et prendre tout le temps que nous devrions avoir pour leur poser des questions.
Alors peut-être allons-nous maintenant laisser la parole à l'honorable Warren Allmand, qui est prêt. Monsieur, nous nous réjouissons de vous entendre.
M. Warren Allmand ( témoigne à titre personnel): Je vous remercie, monsieur le président et membres du comité.
Je suis heureux d'être ici, aujourd'hui, parce que j'ai l'espoir que mon témoignage et celui d'autres personnes vous encourageront à faire des changements, à apporter des améliorations à ce projet de loi C-17. Je l'espère parce que des améliorations ont été apportées aux projets de loi C-42 et C-55, qui ont précédé, ou qui ont été des versions antérieures du projet de loi C-17, en conséquence de arguments et de présentations qu'ont donné des témoins au sujet de ces projets de loi. Alors il arrive que le système fonctionne, et j'espère qu'il fonctionnera encore cette fois et que des améliorations seront faites.
L'exposé que je compte faire est le fruit de mon expérience de président de Droits et Démocratie depuis cinq ans, d'ancien ministre, solliciteur général et président du comité de la justice, et aussi du travail que je continue de faire dans le domaine des droits de la personne.
Je tiens à dire d'entrée de jeu que le gouvernement et le Parlement ont raison de prendre des mesures contre le terrorisme. Les attaques terroristes contre des innocents sont une grave violation des droits de la personne. L'article 3 de la Déclaration universelle des droits de la personne dit bien que «tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne». L'article 28 de la Déclaration stipule que «toute personne a droit à ce que règne, sur le plan social et sur le plan international, un ordre tel que les droits et libertés énoncés dans la présente Déclaration puisse y trouver plein effet». Donc non seulement vous avez un droit, mais les États ont l'obligation de protéger ce droit.
L'article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques stipule que «le droit à la vie est inhérent à la personne humaine. Ce droit doit être protégé par la loi. Nul ne peut être arbitrairement privé de la vie».
D'un autre côté, la Déclaration universelle dit aussi, à l'article 30, que «Aucune disposition de la présente Déclaration ne peut être interprétée comme impliquant, pour un État, un groupement ou un individu, un droit quelconque de se livrer à une activité ou d'accomplir un acte visant à la destruction des droits et libertés qui y sont énoncés».
L'article 5 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques dit plus ou moins la même chose.
Par conséquent, pour protéger ou appliquer un droit—c'est-à-dire le droit à la vie—vous ne pouvez détruire, réduire, supprimer ou limiter aucun autre droit de la Déclaration universelle. Ceci a été confirmé lors de la Conférence mondiale sur les droits de l'homme, tenue à Vienne en 1993, par le biais de la Déclaration de Vienne, laquelle a reçu l'aval de 170 États, dont le Canada, et qui affirme que tous les droits de la personne sont indivisibles, interdépendants et égaux. Autrement dit, on ne peut faire un choix entre ces droits qu'affirme la Déclaration universelle. La Déclaration affirme aussi que la protection des droits de l'homme est l'obligation prioritaire des États.
Par conséquent, à l'examen du projet de loi C-17, je vois plusieurs dispositions qui me préoccupent, des dispositions qui sont contraires à notre Charte, contraires à la Déclaration universelle et contraires au Pacte international relativement aux droits civils et politiques, lequel le Canada a ratifié, des dispositions qui enfreignent inutilement et dangereusement nos libertés démocratiques, et des dispositions qui accordent des pouvoirs d'enquête et fournissent des outils d'application qui vont plus loin que la Loi des mesures d'urgence de 1988.
Il est dit explicitement dans la Loi sur les mesures d'urgence que toutes ses dispositions sont assujetties à la Charte des droits et libertés. Par exemple, le projet de loi C-17—et c'est au nombre de mes préoccupations—accorde aux ministres et aux bureaucrates un large éventail de pouvoirs pour rendre des ordonnances provisoires, édicter des mesures de sécurité, des directives d'urgence et des autorisations, pour déléguer des pouvoirs à des subalternes et pour recueillir et utiliser des renseignements personnels, tout cela sans l'approbation, l'examen ou la surveillance parlementaires et sans les mécanismes régulateurs habituels.
Le plus souvent, tout au long du projet de loi, des articles affirment que ces dispositions ne sont pas des textes réglementaires et, par conséquent, ne peuvent être examinés par le comité parlementaire mixte qui, en vertu de la loi, examine tous les autres textes réglementaires. Le paragraphe 9, à la page 63 stipule qu'aucune action ne peut être intentée sous le régime de la Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif à l'égard de l'utilisation de communications interceptées en vertu de cette partie.
¿ (0925)
Le droit des ministres et des fonctionnaires délégués de rendre des ordonnances provisoires est établi dans les parties 3, 6, 9, 10, 15, 18, 20, 21 et 22; celui d'édicter des mesures de sécurité et des directives d'urgence dans la partie 1; celui d'émettre des autorisations dans la partie 13; celui de recueillir de nouveaux renseignements personnels aux parties 1, 5, 11, 16, 17 et 19; et en particulier, celui de recueillir de l'information personnelle, à l'annexe de l'article 23. Il y est déjà fait référence à la base d'information préalable sur les voyageurs qui, en fait, constitue une base de données intellectuelles sur tous les Canadiens respectueux de la loi.
À mon avis, ces dispositions dont j'ai parlé enfreignent des articles de la Charte: l'article 8, le droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives; l'article 7, le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne, ce qui englobe le droit à la vie privée; etc. Elles enfreignent aussi l'article 12 de la Déclaration universelle, relatif au droit à la vie privée.
En passant, l'article 12 stipule:
Nul ne sera l'objet d'immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes à son honneur et à sa réputation. Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes. |
De plus, l'article 4 du Pacte international sur les droits civils et politiques, au sujet de la dérogation... C'est un article important que j'aimerais porter à votre attention. Je l'ai déjà fait dans mon témoignage sur le projet de loi C-36. C'est l'article du Pacte international sur la dérogation. Il stipule:
Dans le cas où un danger public exceptionnel menace l'existence de la nation et est proclamé par un acte officiel, |
—autrement dit, l'état d'urgence est officiellement déclaré—
...les États parties au présent Pacte peuvent rendre, dans la stricte mesure où la situation l'exige, des mesures dérogeant aux obligations prévues dans le présent Pacte, sous réserve que ces mesures ne soient pas incompatibles avec les autres obligations que leur impose le droit international et qu'elles n'entraînent pas une discrimination fondée uniquement sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion ou l'origine sociale. |
Plus loin:
Les États parties au présent Pacte qui usent du droit de dérogation doivent, par l'entremise du Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies, signaler aussitôt aux autres États parties les dispositions auxquelles ils ont dérogé ainsi que les motifs qui ont provoqué cette dérogation. Une nouvelle communication sera faite par la même entremise, à la date à laquelle ils ont mis fin à ces dérogations. |
Autrement dit, si vous dérogez à un pacte, comme le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, que nous avons ratifié et que nous affirmons appuyer sans réserve, et nous dérogeons à l'une ou l'autre de ses dispositions—j'ai parlé de certaines d'entre elles—nous devons suivre les procédures prévues à l'article 4.
Je demande au comité si le gouvernement du Canada a fait cela, et s'il a demandé au gouvernement du Canada de le faire.
Le paragraphe 3, comme je l'ai signalé, constitue une disposition de temporisation. Autrement dit, vous êtes censés avertir lorsque vous comptez déroger à ces mesures particulières.
Il est aussi douteux, à mon avis, que ces dérogations seraient acceptables en vertu de l'article 1 de notre Charte des droits et libertés. Le non-respect de ces dispositions de la Charte et du Pacte international comporte de graves conséquences.
Tout d'abord, ces dispositions sapent le rôle et les pouvoirs du Parlement. Deuxièmement, elles minent le respect de la règle de droit, tant à l'échelle nationale qu'internationale. Troisièmement, elles nous amènent sur la pente dangereuse de l'état policier. Quatrièmement, elles mettent en péril les démarches des organismes publics internationaux de développement, de protection des droits de la personne et de l'environnement. Cinquièmement, elles exposent le projet de loi à des contestations judiciaires fondées sur la Charte. Sixièmement, elles exposent tous les citoyens aux soupçons et aux enquêtes, sans les mesures de protection traditionnelles. Septièmement, bon nombre des dispositions ont été administrées par des fonctionnaires délégués et, par conséquent, sont exposées, selon moi, à l'abus, à l'excès, aux erreurs, etc.
Il y a deux ans et demi, le 18 août 2000, une liste a été établie à la lumière des lois sur l'accès à l'information du pays. Le SCRS et la GRC ont dressé ensemble une liste d'évaluation des menaces. Sur cette liste, ils ont inscrit Amnistie internationale, Greenpeace, Le Conseil des Canadiens, plusieurs syndicats professionnels, Droits et Démocratie, mon ancienne organisation, et plusieurs églises.
¿ (0930)
Le projet de loi va plus loin que ce qui est nécessaire. Une grande partie de ce que vous devez faire aurait pu être fait avec la Loi sur les mesures d'urgence, à mon avis. Il n'est jamais question, monsieur le président, de faire un le choix entre la sécurité et les droits de la personne. La protection de la sécurité entend le respect des droits des personnes, et la protection des droits de la personnes ne va pas sans l'assurance de la sécurité.
Je dois aussi vous demander, quel message transmettons-nous aux nouvelles démocraties en voie de développement, les États qui sont en transition entre le communisme ou la dictature et la démocratie? Le message que nous diffusons, c'est que certaines menaces justifient la suspension des droits de la personne. Bien entendu, nous l'avons constaté, cela a donné à un bon nombre de ces États une justification pour revenir à leurs anciennes méthodes. Voyez ce que fait la Chine au groupe Falun Gong, et certaines des mesures adoptées en Union soviétique, au Myanmar, en Ukraine, au Pakistan et en Inde, où ils prennent prétexte de la lutte contre le terrorisme et de la Loi anti-terroriste, en citant en exemple les États-Unis, le Canada, le Royaume-Uni et d'autres, pour justifier leurs actes.
Pour terminer, monsieur le président, en tant que députés, je crois que vous avez une obligation, d'abord, d'assurer une plus grande surveillance et un plus grand contrôle par le Parlement, relativement à ce projet de loi; de limiter les pouvoirs des ministres et des hauts fonctionnaires de légiférer par le biais d'ordonnances provisoires, de directives d'urgence et de mesures de sécurité; de limiter les pouvoirs de recueillir, de communiquer et d'utiliser des renseignements personnels d'innocents civils; de veiller à ce que ces mesures n'enfreignent pas la Charte et les conventions internationales qu'a ratifiées le Canada; de veiller à ce que le Canada s'acquitte de ses obligations prévues à l'article 4 du Pacte international relativement aux droits civils et politiques en ce qui concerne la dérogation; et d'exiger que tous les ministres remettent des rapports annuels aux comités parlementaires pertinents pour rendre compte de l'administration et de la mise en oeuvre de cette loi, afin que vous puissiez interroger ces ministres et hauts fonctionnaires au sujet de leur mode d'administration.
Monsieur le président, on pourrait encore en dire beaucoup plus sur ce projet de loi, mais mon temps est limité. Je vous remercie.
M. John O'Reilly: Merci beaucoup, monsieur Allmand. C'est un plaisir de vous revoir.
Nous allons maintenant laisser la parole à notre témoin suivant, Clayton Ruby, un éminent avocat et un vieil ami de Fenelon Falls.
Vous avez la parole, monsieur.
M. Clayton Ruby (À titre individuel):
Merci, monsieur le président. Je tiens à vous remercier pour cette occasion qui m'est donnée d'être en compagnie si distinguée.
J'aimerais tout de suite dire quelques mots sur le contexte juridique dans lequel, normalement, se font la collecte et la communication des renseignements. C'est la même chose qui s'applique à l'écoute électronique, aux perquisitions, c'est une structure en deux volets que notre Constitution a approuvée.
Tout d'abord, il faut obtenir un mandat, pour que quelqu'un d'impartial puisse décider s'il convient réellement de faire ceci et si c'est justifié. C'est le premier volet.
Le deuxième volet, un élément essentiel, c'est qu'en cas de situation urgente où ne peut prendre le temps d'obtenir un mandat, on peut agir en vertu d'un simple pouvoir législatif, sans l'intervention de l'élément judiciaire. Cette structure s'est avérée très efficace. Cependant, elle a presque entièrement été abandonnée avec ce projet de loi.
L'ampleur des renseignements qui seront recueillis pose problème, et c'est le thème sur lequel j'aimerais m'attarder pendant ces 10 minutes qui me sont accordées, non seulement parce qu'ils sont recueillis et saisis par un gouvernement, mais parce qu'il n'y a aucune mesure efficace de contrôle sur ce qui est fait de ces renseignements par l'organisme public qui les recueille. Autrement dit, ils sont disséminés sur une voie assez vaste.
L'information est vaste. Le mode de paiement du billet d'un passager : et bien moi, je donne mon numéro de carte de crédit, et celui-ci est versé sur une base de données du gouvernement. Qui a payé pour le billet: il ne s'est pas payé tout seul, penseriez-vous, un concept très utile. Lorsque ma fille voyage, malheureusement, elle voyage avec ma carte de crédit. Vous ne pouvez pas apprendre grand-chose sur le terrorisme en faisant cela.
Le problème que pose la communication de tels renseignements, c'est qu'ils sont peu susceptibles d'être efficaces. Gérard La Forest, que les avocats qui sont ici connaissent, un distingué ancien juge de la Cour suprême du Canada, a écrit, dans un avis, que vous avez probablement vu, et que M. Radwanski a obtenu:
Il n'a pas été établi que l'analyse des habitudes de voyage est un indicateur très exact des inclinations criminelles ou terroristes. À tout le moins, il apparaît que la possibilité de «fautes positives» (à savoir d'occurrences où des personnes innocentes sont ciblées à des fins de vérification) est immense... Jusqu'à présent, les sociétés libres et démocratiques ne tolèrent pas généralement la création de bases de données renfermant des renseignements personnels sur un grand nombre de citoyens innocents à des fins générales d'application de la loi. |
Nous parlons ici de voyage en avion en général, vers l'étranger ou arrivant au Canada. Ce sont des millions et des millions de personnes par année. C'est l'envergure de ces chiffres qui pose problème.
C'est le problème constitutionnel aussi, ici, parce qu'on peut tolérer une incursion limitée, dans des situations d'urgence, des circonstances pressantes, lorsque la sécurité des passagers est mise en péril par le terrorisme. Mais les tribunaux, à mon humble avis, ne toléreront jamais le recours à ce genre de base de données pour des fin générales d'application de la loi. Et pourtant, c'est ce qui se passe ici. Regardons cela de plus près.
Il y a manifestement des attentes raisonnables de respect de la vie privée lorsqu'on achète un billet d'avion. On ne pense pas que le gouvernement et l'agent de police local du quartier vont accéder aux renseignements, du moins, pas sans un mandat quelconque, sans qu'un juge y ait donné son aval.
Et nous avons des valeurs qui sont protégées. Comme l'a affirmé la Cour suprême du Canada, dans l'affaire Plant, «Étant donné les valeurs sous-jacentes de dignité, d'intégrité et d'autonomie qu'il consacre, il est normal que...la Charte protège un ensemble de renseignements biographiques d'ordre personnel... tendant à révéler des détails intimes sur le mode de vie et les choix personnels de l'individu».
Donc, dans ce cas, même si la cueillette de renseignements est justifiée pour prévenir des situations graves comme l'activité terroriste, il s'agit aussi, ici, de transmettre des renseignements à des fins générales d'exécution, par exemple, de mandats non exécutés pour des délits, des infractions criminelles, des infractions aux lois sur l'immigration. Et la liste et la définition des infractions sont très vastes. Elles englobent, par exemple, les délits comme les voies de fait simples, ce qui signifie qu'ils peuvent décider de communiquer ces renseignements à votre poste de police locale pour arrêter quelqu'un qui est visé par un mandat non exécuté pour voies de fait simples.
¿ (0935)
En donnant ces renseignements qui sont saisis sur la base de données de la ligne aérienne, pas plus qu'à des millions d'autres voyageurs, il ne me viendrait à l'esprit que cela puisse arriver. Ce n'a d'autre but que des fins générales d'application de la loi. Ces mesures ne sont pas étroitement axées sur les activités terroristes ou la protection aérienne. Par conséquent, à mon avis, elles ne seront pas jugées acceptables.
Il y a, de fait, une limite de sept jours sur les renseignements qui sont recueillis lorsqu'ils sont aux mains de la GRC ou du SCRS, mais cette limite de sept jours ne compte plus si les renseignements ont déjà franchi leur seuil. Alors, la cueillette de renseignements, par qui que ce soit, pas seulement le SCRS et la GRC, mais aussi quiconque à qui ils les ont transmis, devient la cueillette et la conservation indéfinie des renseignements. Rien, absolument, dans ce projet de loi, n'empêche les personnes à qui ils sont transmis de les communiquer à d'autres ou de les utiliser à des fins générales d'application de la loi.
Vous avez pris un petit noyau de constitutionnalité...et ce pourrait être ou ne pas être sage; je pense que ces renseignements ne sont pas très utiles pour repérer les terroristes et les empêcher d'agir. Je ne me préoccupe pas de sagesse ici, mais de constitutionnalité. L'idée que vous puissiez prendre ces renseignements et les transmettre, sans limite de temps, sans contraintes, à des fins générales d'application de la loi, est tout simplement quelque chose de jamais vu dans notre pays. Nous n'avons jamais agi ainsi. Peut-être, fait plus important encore, les pays libres n'agissent tout simplement pas ainsi, de façon générale. Les démocraties ne font pas de genre de choses en général.
J'ai demandé que ce document vous soit distribué, et je remercie M. Roy, qui l'a reçu hier à 15 heures environ et qui a réussi à le faire traduire en si peu de temps. Alors vous devriez avoir la traduction avec le document. J'y expose plusieurs éléments que j'aimerais résumer. Il s'intitule «Recommandations au comité législatif chargé de l'étude du projet de loi C-17...par Clayton Ruby». C'est un document de trois pages.
Le premier article, l'article 4.81, est limité à l'assurance de la sécurité des transports, et il est probablement valide au plan constitutionnel parce que, comme je l'ai dit, les renseignements sont recueillis à des fins limitées et pour une période limitée. L'incursion dans la vie privée des voyageurs, de millions de Canadiens chaque année, est minimale et rationnellement liée à l'objet de la loi. C'est conforme à la Constitution. Mais le reste, par exemple, le paragraphe 4.82(11), qui permet la communication à un agent de la paix des renseignements pour l'exécution d'un mandat, relativement à toute infraction punissable d'une peine d'emprisonnement maximale de cinq ans—c'est presque toutes les infractions, à part les infractions punissables sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire en vertu du Code criminel—laisse au gouvernement la discrétion de décider quels renseignements, est, à mon avis, inconstitutionnel. Il devrait falloir l'approbation d'une autorité judiciaire ou des circonstances exceptionnelles, l'un ou l'autre.
Vous pourriez améliorer la situation en limitant cela aux délits qui sont réellement liés à la sécurité aérienne, comme la prise d'otages, le détournement d'avion ou les infractions liées au terrorisme. Cela, aussi, pourrait être jugé valable, mais pas la disposition en général, d'après moi.
La conservation de ces renseignements me préoccupe. Vous verrez, au milieu de la page 2 du document que je vous ai remis, que le SCRS et la GRC doivent les détruire dans un délai de sept jours, «sauf s'ils sont raisonnablement nécessaires pour les besoins de la sûreté des transports ou d'une enquête à l'égard d'une menace envers la sécurité du Canada». Mais rien ne dit que tout autre organisme à qui les renseignements auront été communiqués doit les détruire, non plus qu'ils ne doivent être transmis et utilisés qu'à des de sécurité des transports, plutôt qu'à des fins de surveillance générale par les autorités policières dans tout le pays. N'importe quel policier de petite ville sera libre de conserver ces renseignements et de les utiliser une fois qu'il les aura.
Alors j'ai suggéré, au bas de la page 2, deux restrictions qui devraient être ajoutées à la loi: un, que lorsqu'un agent de la paix obtient des renseignements au titre du paragraphe 11), il ne doit les utiliser que pour l'exécution d'un mandat—et je recommanderais que ce soit limité à des actes de terrorisme, comme je l'ai dit; et deux, si les renseignements reçus par un agent de la paix ne sont pas utilisés pour l'exécution d'un mandat, ils sont détruits dans les sept jours suivant leur communication ou leur obtention.
Monsieur le président, je vous remercie de votre patience avec moi. J'aurai d'autres observations à faire si les membres du comité ont des questions à me poser.
¿ (0940)
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Merci beaucoup, monsieur Ruby, monsieur Allmand et monsieur Gogolek. C'était très intéressant.
Nous allons maintenant passer à la ronde des questions. Les interventions sont de cinq minutes, pour les questions et les réponses. Les membres qui souhaitent poser des questions sont priés de me le signaler.
Nous commencerons avec M. Lunn, qui a cinq minutes.
M. Gary Lunn (Saanich—Gulf Islands, Alliance canadienne): Merci beaucoup, monsieur le président.
Je pense que la plupart des témoins ont abordé la plus grande préoccupation de l'Alliance canadienne. Il y a un grand problème à nos yeux, et c'est la conservation de l'information préalable sur les voyageurs à des fins générales d'application de la loi. Cette information peut être communiquée à d'autres organismes, et ceux-ci peuvent en faire de qu'ils veulent, comme vous l'avez signalé. Cette disposition, à elle seule, a engendré l'opposition en bloc de notre caucus à ce texte de loi, parce qu'elle enfreint les droits et libertés de la personne, bien que nous reconnaissions l'importance de ces renseignements pour la protection du public et la lutte contre le terrorisme.
Mais j'aimerais aller un peu plus loin. Je suis ici, à vous écouter, et je trouve peu d'intérêt pratique à ce que nous soyons ici, à discuter de ce sujet, alors que l'Agence des douanes recueille déjà ces données et les communique déjà au gouvernement des États-Unis, et que l'Agence des douanes conserve déjà ces données. Elle le fait. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
Aussi, comment pouvez-vous assurer la protection de ces données pour que nous puissions les utiliser strictement à des fins de lutte contre le terrorisme? Que recommanderiez-vous pour faire en sorte que ces données ne soient disponibles qu'à des fins de lutte contre le terrorisme et pour assurer la sûreté du transport pour le public et non pas à des fins générales d'application de la loi?
J'aimerais d'abord entendre les observations de M. Ruby, puis de M. Allmand.
¿ (0945)
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Le président décrète que vous pouvez commencer par M. Ruby.
M. Gary Lunn:Merci beaucoup, monsieur le président.
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Monsieur Ruby, vous avez la parole.
M. Clayton Ruby: Merci, monsieur le président.
Vous avez tout à fait raison, il est déplorable que ces autres textes de loi soient passés sans subir l'examen auquel nous procédons actuellement. Mais il est important que ce comité—même s'il reconnaît qu'alors qu'il entre dans l'étable, celle-ci est vide et qu'il est trop tard pour fermer la porte—établisse une norme dès maintenant. Le Parlement peut toujours revenir sur ses pas et dire—et je laisserai M. Allmand commenter cela, puisqu'il comprend les mécanismes de ces lieux—c'est une bonne norme, intégrons-la de façon plus généralisée.
Comment feriez-vous? Il suffit de dire que, conformément à cette loi, ou vous pourriez ajouter «ou à toute autre loi», un agent de la loi, le SCRS, ou quiconque reçoit les renseignements—et il faut établir la liste des autres qui nous préoccupent— ne peut utiliser ces renseignements qu'en rapport à certains délits bien définis, et vous indiquez les délits liés au terrorisme. C'est assez vaste pour leur permettre de faire tout ce qu'ils veulent et tout ce qu'ils doivent faire, mais cela empêche toute autre utilisation de l'information.
M. Warren Allmand: Je pense que M. Ruby a donné une réponse pertinente à cette question.
Tout ce que je peux dire, monsieur Ruby, c'est que d'après mon expérience au Parlement, nous avons plusieurs textes de loi qui se contredisent les uns les autres et qui ont des normes différentes, et la seule façon de régler cela, c'est devant les tribunaux. S'il y avait moyen de faire que tout soit exhaustif et harmonieux, ce serait fantastique. Mais j'ai appris au fil de nos démarches qu'il arrive qu'une loi dise quelque chose tandis qu'une autre loi dit autre chose, et il n'y a pas toujours d'uniformité entre les lois. Le problème, c'est qu'on a, par exemple, ce comité législatif qui traite de ce projet de loi, alors que le comité de la justice, composé d'un groupe différent de députés, examine le projet de loi C-36 et les députés ont tellement de choses à voir qu'il leur est difficile d'être experts sur tous les textes de loi qu'examine la Chambre et de savoir où il y a discordance.
Mais cette discordance existe, et elle a été signalée. Maintenant, une fois qu'elle est signalée, peut-être les parlementaires devraient-ils faire quelque chose pour harmoniser la Loi sur les douanes avec ce projet de loi, et dans le bon sens, j'espère.
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Monsieur Gogolek, avez-vous un commentaire à faire?
M. Vincent Gogolek: Oui, j'en ai un. Dans notre mémoire, nous suggérons effectivement des amendements à l'article 107 de la Loi sur les douanes de manière à l'harmoniser au moins avec les dispositions de conservation pendant sept jours qui visent cette même base de données dans ce projet de loi. Il est absurde de conserver les mêmes renseignements pendant six ans à des fins douanières, mais pendant sept jours à des fins de sécurité des transports. Il me semble que vous avez le pouvoir de proposer cet amendement.
J'aimerais aussi, rapidement, signaler qu'en vertu du projet de loi S-23, le projet de loi modifiant la Loi sur les douanes, à l'origine, le ministre envisageait cela comme un mécanisme de dépistage. Les renseignements devaient être conservés pendant 24 heures. Ainsi, pourrait-on repérer quelqu'un qui susceptible de poser une menace grave. Maintenant, on envisage sept jours, avec ce projet de loi, et six ans avec la Loi sur les douanes. Je ne vois pas où est la logique.
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Votre temps est écoulé, monsieur Lunn.
Monsieur Mahoney.
M. Steve Mahoney: Monsieur le président, M. Allmand le sait bien, nous disons tous à nos électeurs, régulièrement, que nous sommes tous experts dans tous ces domaines et ensuite, nous essayons de le faire croire à des gens comme vous.
Si vous permettez, cependant, j'aimerais traiter de deux ou trois questions, parce que notre temps est aussi limité que le vôtre.
Monsieur Gogolek, lorsque vous avez dit que le Parlement ne fait pas d'examen des ordonnances provisoires, je suis sûr que vous savez qu'elles doivent être présentées à la Chambre dans un délai de 15 jours. Je crois que l'Association du Barreau suggère que ce devrait être cinq jours de séance. C'est intéressant, parce que cela pourrait, en fait, être beaucoup plus que 15 jours, puisque le Parlement ne siège en fait que trois semaines sur quatre, ou huit mois par an. Alors, nous pourrions nous retrouver en plein hiatus lorsque le problème survient.
Mais les ordonnances doivent être présentées au Parlement; elles doivent être publiées dans la Gazette dans les 23 jours; elles doivent être soumises à l'approbation du Cabinet aussi. Il y a donc un effort de surveillance, à ce sujet, en ce qui concerne la responsabilité du Parlement. Ce que nous faisons ici, c'est largement de la surveillance, en ce qui concerne le projet de loi. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
Comme je veux être sûr de pouvoir dire tout ce que j'ai à dire, permettez-moi de poser la question suivante à M. Ruby. En passant, je trouve vos suggestions excellentes. Je vais demander que nous les examinions en ce qui concerne l'exécution d'un mandat, les renseignements, et tout cela. Si vous regardez tous les alinéas proposés avec l'article 11, nous allons avoir un important programme de formation pour tous les agents de police du Canada rien que sur la manière dont ils doivent traiter ces renseignements, quand ils doivent les détruire, comment les communiquer et comment les mettre en commun, et ce que signifie le terme «raisonnable». Autrement, je soupçonne que tout cela finira devant la Cour suprême, ce qui ne serait probablement bon pour aucun de nous.
Alors je pense que ce sont de bonnes idées.
¿ (0950)
Le président suppléant (M. John O'Reilly): C'est bon pour les avocats. Par le biais du président, bien sûr.
M. Steve Mahoney: Oui, bon pour les avocats. Eh bien, nous sommes ici pour les aider.
Des voix: Oh, oh!
M. Steve Mahoney: Mais, ce qui me préoccupe, dans votre analyse, c'est ce qui me semble vous avoir entendu dire, qu'il devrait y avoir approbation judiciaire préalable lorsqu'il faut exécuter un mandat. Mais le mandat a déjà été émis. Nous parlons de quelqu'un qui fait l'objet d'un mandat d'arrestation non exécuté pour un crime qui est assez grave pour justifier cinq ans d'emprisonnement, donc, vous le savez, ce doit être un délit assez grave. Ce délit, non seulement doit être assez grave, mais il doit aussi être décrit spécifiquement dans le règlement, parce que je pense que vous pouvez être condamné à cinq ans de prison pour avoir ramassé du bois de grève, ce qui nous importe assez peu. Alors ce doit être spécifié. J'aimerais entendre vos observations là-dessus.
Peut-être, s'il reste du temps, M. Allmand pourrait-il aussi commenter la question de l'ordonnance provisoire, et où change la responsabilité du gouvernement quand il s'agit du droit collectif et de la sécurité de la nation comparativement aux droits de la personne. Comme vous l'avez si bien fait remarquer, c'est un cercle dans lequel les droits de la personne et la sécurité sont très liés.
Je pense que je vais en rester là.
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Monsieur Mahoney, vous avez pris trois minutes pour poser la question.
Je laisserai la parole à M. Ruby pour commencer, puis à M. Allmand et ensuite à M. Gogolek.
M. Clayton Ruby: Je ne parlerai que d'un petit aspect.
Lorsque vous dites dans la loi que vous autorisez le gouvernement à faire n'importe quoi relativement à un délit passible d'une peine de cinq ans—c'est-à-dire la plupart des infractions prévues au Code criminel, mais seulement lorsqu'elles sont spécifiées par règlement ou par d'autres méthodes—il me vient à l'esprit deux choses. Tout d'abord, c'est toujours à des fins générales d'application de la loi, parce que c'est plus que les deux ou trois délits auxquels on peut penser qu'on pourrait désigner et lier au terrorisme ou à la sécurité aérienne. Et deuxièmement, on dit «faites confiance au gouvernement».
Ce n'est vraiment pas un domaine où on devrait faire cela. Je vous regarde, et je sais qu'au fin fond de vous, ce n'est pas ce que vous voulez faire.
Des voix:Oh, oh!
M. Clayton Ruby: J'en ai dit plus qu'assez.
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Monsieur Allmand, je vous invite à prendre la relève.
M. Warren Allmand: Il est vrai que les ordonnances provisoires doivent être présentées dans les sept jours et publiées dans la Gazette, etc., mais c'est après le fait.
Comme j'ai été député pendant 31 ans, j'ai appris que pour être au courant de ce qui est publié dans la Gazette, et qui est présenté au Parlement chaque jour...vous savez, d'un jour à l'autre, on ne sait même pas ce qu'il y a. On assiste à une période des questions, on entend quelques secrétaires parlementaires présenter ceci et cela, et on n'a même pas le temps, à moins qu'il y ait un attaché du service de recherche de la Bibliothèque parlementaire ou de nos bureaux, ou encore à moins d'être président du comité de la justice, ou d'un autre comité, pour lequel quelqu'un est chargé d'examiner à fond ces questions et de les porter à votre attention. Il y a tellement de choses. Comme vous dites, nous sommes censés être experts en tout. Comment pourrait-on être au fait de tout ce qu'il y a dans la Gazette du Canada, et de toutes ces questions?
C'est un peu comme la disposition du Règlement de la Chambre des communes voulant que toute personne nommée par décret en conseil puisse être interrogée après le fait par le comité parlementaire pertinent. Alors, s'il y a un nouveau président de la Commission nationale des libérations conditionnelles ou qui que ce soit d'autre, vous pouvez l'interroger. Mais il a déjà été désigné. Vous pouvez protester après, mais parfois, le mal est fait. Je ne sais pas s'il est arrivé que quelqu'un qui a ainsi été nommé par décret, en vertu de cette disposition, ait été renvoyé après qu'un comité parlementaire ait dit qu'il ne pensait pas que ce soit le bon choix.
Vous pouvez avoir affaire au même genre de situation ici. C'est mieux que rien qu'on puisse voir cela sept jours plus tard—si on a le temps et si on est au courant de la question. Mais ce n'est pas ainsi que le Parlement devrait procéder. La loi doit être édictée par le Parlement, et non pas par des fonctionnaires et des bureaucrates.
¿ (0955)
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Merci beaucoup, monsieur Mahoney. Vous avez pris pas mal de temps, alors il ne vous en reste plus.
Monsieur Laframboise, vous avez cinq minutes.
[Français]
M. Mario Laframboise (Argenteuil—Papineau—Mirabel, BQ): Merci, monsieur le président.
Dès le départ, je vais vous poser la question que nous, du Bloc québécois, posions au premier ministre et au ministre des Transports dès que le projet de loi C-42 est arrivé à la Chambre des communes: qu'est-ce que le gouvernement du Canada ne pouvait pas faire le 11 septembre qu'il pourra faire maintenant avec ce nouveau projet de loi?
Je vais vous donner mon argumentaire et vous répondrez ensuite. Évidemment, le projet de loi C-42, qui est devenu le projet de loi C-57 et ensuite le projet de loi C-17, n'a pas été déposé dans la foulée du 11 septembre. On s'est aperçu assez rapidement que c'était finalement un projet de loi de fonctionnaires. Il est vite apparu que chacun des ministères voulait voir ses rêves se réaliser. La zone d'accès militaire controlé en est un bel exemple, monsieur Gogolek.
Évidemment, pour nous du Québec, c'est une victoire: plus rien au Québec n'est touché dans ce projet de loi. Mais il y a encore une volonté, et vous l'avez très bien résumée. Maintenant, avec ce projet de loi, on pourra adopter des décrets qui seront complètement soustraits à un vote à la Chambre des communes ou à des discussions sur le parquet de la Chambre des communes. Cette volonté-là, on la sent. On la sent dans les fameux arrêtés d'urgence prévus à la partie 6 qui porte sur la Loi sur le ministère de la Santé. Ensuite, on veut modifier la Loi sur les aliments et drogues à la partie 9, puis la Loi sur les produits dangereux à la partie 10. Les arrêtés d'urgence sont tout simplement la démonstration d'une volonté de ne plus respecter ce qui était traditionnellement reconnu à travers le Canada, soit l'application des article 3, 5 et 11 de la Loi sur les textes réglementaires. Or, la Loi sur les textes réglementaires, c'est le filtre de la Charte canadienne des droits et libertés.
Donc, ce qu'on vient dire, c'est que pendant 30 jours, on n'aura plus besoin, en vertu des arrêtés d'urgence, de respecter le filtre de la Charte canadienne des droits et libertés. Cela voudrait dire, pour le ministre de la Santé, qu'on pourrait vacciner une population complète sans devoir respecter la Charte des droits et libertés. Et quand on nous dit qu'il y aura un délai, sachez bien que le jour où on décrète une vaccination, c'est fini: sept jours après, tout le monde est vacciné, et on n'en parle plus. Cela veut dire qu'on a adopté une mesure d'urgence qui, avant qu'elle n'arrive à la Chambre des communes, aura déjà affecté la population sans qu'on ait respecté la Charte canadienne des droits et libertés. C'est cette volonté que l'on ressent dans ce projet de loi.
Évidemment, en ce qui concerne les renseignements personnels, ce dont on s'aperçoit, tout simplement, c'est qu'on veut cibler les voyageurs d'habitude. C'est ce qu'on veut. On veut avoir une banque de données sur les voyageurs d'habitude puisqu'on a adopté un projet de loi indépendant--vous avez tout à fait raison--sur les renseignements à fournir aux Américains et sur les renseignements qu'on voulait conserver. Mais encore une fois, ce que veut la machine gouvernementale, c'est que la GRC et le SCRS puissent se faire une banque de données sur les voyageurs d'habitude. Ainsi, au nom du terrorisme et du transport, des Canadiens et des Canadiennes, des Québécoises et des Québécois seront suivis par le gouvernement fédéral alors que, évidemment, ce n'est pas la volonté de la société. Cela voudra dire qu'on aura donné raison aux terroristes et qu'on leur aura permis, encore une fois, de contrôler nos libertés.
Donc, je voudrais que vous répondiez à ma première question: qu'est-ce que le gouvernement du Canada pourrait faire maintenant qu'il ne pouvait pas faire le 11 septembre? Il a quand même été capable de réaliser de belles choses le 11 septembre.
[Traduction]
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Peut-être puis-je commencer avec vous, monsieur Gogolek.
[Français]
M. Vincent Gogolek: D'abord, je veux indiquer, en ce qui concerne les zones de d'accès contrôlé, que le ministre de la Défense nationale a indiqué que même si les décrets ne toucheront que trois lieux essentiels, soit un à Halifax et deux en Colombie-Britannique, à Nanoose Bay et à Esquimalt, il a indiqué aussi qu'il peut, s'il en a la volonté, en décréter d'autres, même au Québec. C'est à sa discrétion. Vous avez entièrement raison. Je suis entièrement d'accord que ce projet est essentiellement un rêve des fonctionnaires. C'est pour leur donner un pouvoir d'agir, d'accumuler des banques de données, des listes de renseignements personnels pour des fins qui ne sont pas liées à la lutte contre le terrorisme, mais plutôt à des fins gouvernementales ordinaires.
Plusieurs des pouvoirs ou des besoins identifiés par le gouvernement dans ce projet de loi ne sont pas nécessaires. Le droit criminel lui donne et donne aux autorités la capacité d'agir, de prévenir des attaques, d'identifier les malfaiteurs, de les arrêter, toujours sous la protection de la Charte canadienne des droits et libertés. Malheureusement, ce projet de loi, essentiellement, permet une intrusion dans plusieurs autres champs de compétence fédérale et donne beaucoup de pouvoirs qui échappent à l'examen de qui que ce soit, tant des parlementaires que des juges ou d'autres personnes.
À (1000)
[Traduction]
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Monsieur Ruby, avez-vous un commentaire à faire?
M. Clayton Ruby: Merci, monsieur le président.
Tout d'abord, vous avez tout à fait raison. Ce projet de loi accorde très peu de plus qu'ils pourraient vraiment utiliser, à part l'obtention de plus de renseignements. Ils sont informés sur tous les voyageurs des lignes aériennes canadiennes, qu'ils viennent ou non au pays. C'est maintenant plus vaste. La cueillette de renseignements et leur communication sont un fait réel.
Le problème que cela cause a été signalé avec beaucoup de justesse par le juge La Forest. Permettez-moi de vous lire un passage de cette même opinion juridique. Il dit que si on dresse ces profils, «Certains de ces profils pourraient, par leur conception ou leur effet, repérer de façon disproportionnée des personnes dont les traits raciaux, ethniques, religieux, nationaux ou politiques risqueraient de les défavoriser. Ces personnes pourraient subséquemment être ciblées à des fins de vérification douanière accrue ou d’autres formes de surveillance»
Comme le fait remarquer la Cour suprême du Canada dans certains dossiers, ce genre de profil est traditionnellement utilisé, ou plus susceptible d'être utilisé, contre des groupes désavantagés que contre les groupes économiquement privilégiés et plus puissants. Il est possible d'en faire une très mauvaise utilisation et qu'ils soient de très peu d'utilité.
Le concept du gouvernement par décrets en conseil est vraiment troublant. Même si c'était pendant de très courtes périodes, ce n'est pas dans nos façons de faire. Il y a des pays où les gouvernements émettent des décrets tous les jours et toutes les semaines pour régir le quotidien d'un citoyen. Nous ne fonctionnons pas ainsi. La démocratie ne fonctionnent généralement pas ainsi. C'est troublant.
Enfin, vous demandez pourquoi ils font cela. Je suis frappée par votre concept d'une liste de voeux. Dans chaque ministère, c'est comme ci on demandait aux plus paranoïaques des employés de dresser la liste de tout ce à quoi ils pourraient penser pour faire que nous soyons plus en sécurité. On regarde cela, et on se demande pourquoi quelqu'un de sain d'esprit voudrait ceci.
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Monsieur Allmand.
Je vais donner le temps aux témoins de répondre aux questions. Si je demandais l'heure à M. Laframboise, je suis sûr qu'il me construirait une horloge grand-père. Il a pris un peu trop de temps. Je demanderai aux autres membres du comité, ici, de ne pas oublier cela.
Monsieur Allmand, vous avez la parole.
M. Warren Allmand: Monsieur le président, il ne fait aucun doute que le projet de loi attribue au gouvernement des pouvoirs supplémentaires pour lutter contre le terrorisme. Est-ce qu'elles seront vraiment efficaces pour lutter réellement contre le terrorisme? Je pense que le Code criminel et la Loi sur les mesures d'urgence actuels sont tout aussi efficaces, tout en empiétant moins sur nos libertés civiles et nos droits.
J'aimerais faire remarquer que si on veut vraiment la liberté, ce n'est pas que les lois, que ce soit le projet de loi C-17, la Loi sur les mesures d'urgence ou le Code criminel, qui nous l'apporteront. C'est plutôt si nous composons, par nos politiques étrangères et de développement, avec les circonstances et les causes qui créent le terrorisme dans le monde entier, particulièrement le terrorisme de masse.
Le premier ministre, lui-même, a dit cela à un moment donné. Il a fini par dire oui, nous allons faire face au terrorisme. Nous devons traiter les causes du malaise, de la pauvreté, de l'instabilité et de l'injustice dans le monde. D'après moi, si nous faisions cela, non seulement au Canada mais partout dans le monde, il y aurait moins de terrorisme.
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Monsieur Assadourian, c'est votre tour. Vous avez cinq minutes.
M. Sarkis Assadourian (Brampton-Centre, Lib.): Merci beaucoup.
J'ai une question d'ordre général à poser à tous les témoins. Vous avez tous parlé du fait que le projet de loi C-17 ne respecte pas la Charte des droits. Si c'est vrai, pourquoi le gouvernement et ses avocats rédigeraient-ils un projet de loi en sachant pertinemment qu'il enfreint la Charte des droits? Cherchons-nous à créer des emplois pour les avocats ou à protéger la société contre le terrorisme?
J'ai demandé au commissaire de la GRC, il y a quelques semaines, lorsqu'il était ici avec le directeur du SCRS, ce qu'il pensait de l'«effacement» des données après sept jours. Le commissaire m'a répondu, à ce moment-là, que si l'information recueillie sur les voyageurs n'est pas utilisée dans les sept jours, elle est détruite. Dans cette période de sept jours, s'il y a quelqu'un qui est recherché par les services de sécurité, la police municipale ou la GRC, alors, le dossier est conservé à des fins de référence future, ou communiqué.
Si le personnel d'Air Canada sait où je suis assis et ce que je mange, d'après mes aliments, il sait si je suis Chrétien, Musulman, Juif ou quoi que ce soit d'autre. C'est ainsi depuis 50 ans, depuis que nous voyageons en avion. Pourquoi la police ne pourrait-elle pas utiliser les mêmes renseignements pour cibler ceux qui se soustraient à la loi et évitent l'arrestation pour des infractions qu'ils ont commis deux ans, trois ans, cinq ou dix ans plus tôt, ou quelle que soit leur situation?
À (1005)
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Merci.
Monsieur Allmand, nous commencerons avec vous, cette fois.
M. Warren Allmand:
Au sujet du premier élément de votre intervention, je n'étais pas ici et je n'ai pas lu ce témoignage. Le gouvernement soutiendrait certainement qu'à son avis, le projet de loi C-17 respecte la disposition de dérogation de l'article 1. Il stipule:
La Charte canadienne des droits et libertés garantit les droits et libertés qui y sont énoncés. Ils ne peuvent être restreints que par une règle de droits, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse démontrée dans le cadre d'une société libre et démocratique. |
Peut-être qu'ils en sont convaincus, mais la plupart des avocats qui ont examiné le projet de loi ne pensent pas que le projet de loi passera ce test. La Cour suprême du Canada a dit en détail ce qu'il faut prouver pour passer le test des «limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique».
Je sais qu'il y a beaucoup de procès où les lois du Canada ont été contestées devant les tribunaux. Ils ont soutenu que, même si c'est contraire à certaines dispositions de la Charte, le projet de loi passe le test de l'article 1. Il est pourtant souvent arrivé que les tribunaux décrètent que non, ils ne le passent pas.
Je ne sais pas. Peut-être que c'est ce qu'ils ont dit au comité. C'est probablement ce qu'ils ont dit. Lorsque j'étais ici, c'est ce qu'ils disaient au sujet de certains projets de loi qui, par la suite, ont été invalidés, ou dont des dispositions ont été invalidées par la suite.
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Monsieur Ruby.
M. Clayton Ruby: Qu'y a-t-il de mal à arrêter quelqu'un sur présentation d'un mandat? Rien. Mais on pourrait aussi arrêter des gens au hasard dans la rue, sur présentation d'un mandat. Dans certaines parties du centre-ville de Toronto, on réussirait un beau coup, mais on arrêterait 99 innocents pour chaque personne attrapée. Je lance des chiffres en l'air. Certains pays le font vraiment. Les gens doivent porter des cartes d'identité, parce que s'ils n'en ont pas... On les vérifie constamment. Le Canada n'est pas un pays de ce genre, et vous savez que nous avons ces libertés à coeur.
Si on commence à sabrer dedans comme cela...c'est une grave violation. C'est une violation des libertés de millions de personnes chaque année, de citoyens ordinaires respectueux des lois. Voilà ce qu'il y a de mal à cela. Ce n'est pas le résultat en soi qui est mal, ce n'est pas l'arrestation sur présentation d'un mandat, c'est le prix à payer, qui est complètement disproportionné.
Certains de ces renseignements sont tout simplement stupides. Un terroriste ne va pas demander un mets halal dans l'avion. C'est vrai. Si je m'en vais participer à une formation secrète au Liban, je ne vais pas inscrire Beyrouth comme destination.
Ces gens sont bêtes. Toute personne rationnelle voyant cela vous demanderait pourquoi vous le faites, à moins d'être fou de l'idée de créer des bases de données. C'est la perspective de certaines personnes au gouvernement, mais ce n'est pas la nôtre.
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Monsieur Gogolek.
M. Vincent Gogolek: Pour revenir à la première partie de votre question sur la Charte et les raisons qui poussent les avocats à remettre tout en question, eh bien les avocats remettent toujours tout en question. Une partie du problème, c'est que bien souvent, les projets de loi sont adoptés, et comme nous avons une Charte et des tribunaux, beaucoup de gens haussent les épaules. Ils se disent que ce n'est pas la peine de s'inquiéter; si la loi est inconstitutionnelle, les tribunaux le leur diront, puis elle leur reviendra.
En fait, ce qui se passe, c'est que les tribunaux se trouvent à faire le travail que vous devriez faire ici, soit réfléchir et vous demander si vous croyez vraiment que le projet de loi est acceptable en vertu de la Charte ou s'il est seulement possible de soutenir qu'il est acceptable en vertu de la Charte.
Je pense que M. Ruby s'y connaît beaucoup plus que moi en la matière. On peut soutenir beaucoup de choses, mais je pense qu'il revient vraiment à ce comité et à la Chambre de faire preuve de jugement pour examiner la Charte et les dispositions du projet de loi, puis décider si vraiment celui-ci va rebondir devant les tribunaux.
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Merci.
Madame Desjarlais.
Mme Bev Desjarlais (Churchill, NPD): Merci, monsieur le président, et merci aussi à tous nos témoins.
Si nous avions des doutes quant à ce projet de loi auparavant, ils sont certainement encore plus forts maintenant, pour toutes les raisons que vous avez indiquées.
Vous pouvez tous choisir de répondre à cette question. Je serais curieuse de savoir ce que vous pensez des raisons qui pousseraient un ministre à vouloir refiler ce genre de pouvoirs aux bureaucrates. À mon avis, lorsqu'une telle urgence survient dans un pays, les ministres et chacun de nous devraient être là plus que jamais pour faire notre travail. C'est probablement la période la plus difficile qu'un pays peut traverser. Pourquoi, donc, un ministre voudrait-il déléguer cette responsabilité?
À (1010)
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Peut-être pourrions-nous commencer par l'ancien ministre, M. Allmand.
M. Warren Allmand: Je pense que c'est parce qu'ils savent qu'ils n'ont pas assez de temps pour s'occuper de tout. Ils sont surchargés de tellement de choses—politiques, législatives et Dieu sait quoi—qu'ils se disent qu'ils ont un ministère, qu'il s'agisse de celui du solliciteur général ou de celui de la Défense, un ministère où travaillent de nombreux experts à leur avis—et certains d'entre eux le sont vraiment—qui sont en mesure de s'acquitter facilement et adéquatement de ces tâches. Ils savent qu'en aucun cas, en situation d'urgence, ils ne peuvent faire tout ce qui doit être fait et que certaines choses doivent être faites par des fonctionnaires compétents et fiables.
J'estime toutefois que ce projet de loi va trop loin. Comme M. Ruby l'a souligné, on peut transmettre de l'information, mais ceux qui la reçoivent n'ont aucune obligation.
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Monsieur Ruby.
M. Clayton Ruby: Je crains de ne pas comprendre les ministres aussi bien que vous. Je ne suis qu'un observateur, mais il me semble que la série de projets de loi dont votre collègue a parlé est née dans la peur. Comme nous tous, lorsque j'ai peur, je demande au gouvernement de faire quelque chose pour assurer ma sécurité. Je ne suis pas trop critique à ce moment-là quant à ce qu'il propose de faire ou au bien-fondé des propositions.
Celle-ci est arrivé tard. J'ai l'impression qu'elle sert surtout à nous sauver la face et à ne pas reculer. Si on l'avait adoptée juste après le 11 septembre, je ne crois pas que nous nous serions posé ces questions. Nous étions terrifiés, mais nous ne le sommes plus. Nous pensons de façon plus rationnelle et il est légitime qu'on l'examine comme on le fait maintenant.
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Monsieur Gogolek.
M. Vincent Gogolek: En deux mots, la réponse est «commodité administrative». C'est facile pour le ministre de déléguer des pouvoirs.
Encore une fois, comme M. Ruby l'a mentionné, ce projet de loi est une version édulcorée des propositions scandaleuses contenues originalement dans le projet de loi C-42, qui a été déposé en décembre 2001, soit trois mois après l'attaque du World Trade Center. Les gens étaient très inquiets, et les bureaucrates qui ont préparé ce projet de loi ont cru qu'ils pouvaient obtenir des pouvoirs illimités pendant trois mois ou un mois et demi.
Pour répondre partiellement à la question de M. Mahoney, nous voyons maintenant l'urgence diminuer et la rigueur revenir, mais la bureaucratie a tenté de s'arroger beaucoup de pouvoirs.
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Vous avez deux minutes.
Mme Bev Desjarlais: Un problème a été soulevé dans d'autres réunions du comité—et j'en ai discuté avec le commissaire à la protection de la vie privée. Il s'agit de la façon dont nous répondons aux demandes d'informations des États-Unis. Certaines réflexions ont été exprimées par le passé, et j'aimerais avoir votre opinion là-dessus.
Peut-être d'autres députés en ont-ils entendu parler par courriel également, mais il y a un certain phénomène aux États-Unis, selon lequel on cible les bibliothèques publiques pour vérifier qui emprunte certains livres et on établit des liens avec d'autres sociétés pour voir qui se procure certains livres. D'une certaine façon, je ne cesse de me demander si ma carte de Chapters me lie à une liste de membres qui va aboutir aux États-Unis. Ce n'est pas que je crains d'être une terroriste, mais cela me dérange vraiment que quelqu'un puisse faire cela.
Bref, comment réagissons-nous aux exigences des États-Unis en matière d'information?
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Nous allons commencer par M. Gogolek.
M. Vincent Gogolek: Pour ce qui est des bibliothèques publiques, encore une fois, nous voyons le cloisonnement de ce geste comme une prise de pouvoir administratif. À la fin de l'année dernière, le ministère de la Justice a rendu public un document de consultation sur ce qu'il nommait l'«accès légal». Ce document traite de beaucoup de questions qui se posent également à l'égard des bibliothèques, de l'interception de données, de la conservation des données, de la saisie de courriels et du suivi de la navigation sur Internet.
Nous allons en entendre parler un peu plus tard, lorsque le ministère de la Justice et son ministre auront examiné la question. Elle ne sera pas soumise à ce comité, mais à un autre comité, qui étudiera le projet de loi de façon isolée. J'inciterais tous les membres du comité à prendre connaissance des propositions sur l'accès légal et de relire le projet de loi en les gardant en tête.
À (1015)
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Merci.
Je vais maintenant céder la parole à Mme Phinney, parce que nous avons déjà consacré trop de temps à cette question.
Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.): Merci, monsieur le président.
Monsieur Ruby, je pense vous avoir entendu dire quelque chose dont je n'étais pas au courant et j'aimerais simplement vérifier que j'ai bien entendu.
Avez-vous dit qu'on recueillait tous les renseignements de toutes les lignes aériennes canadiennes, peu importe que les passagers atterrissent ou non au Canada?
M. Clayton Ruby: Non, je pense qu'il ne s'agit que des renseignements sur les gens qui arrivent au pays, qui en sortent ou qui voyagent à l'intérieur du Canada.
Mme Beth Phinney: D'accord. Je pensais que vous aviez dit—et je l'ai écrit lorsque vous l'avez dit—qu'il n'importait pas qu'ils viennent ou non au pays.
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Passez par le président, s'il vous plaît. Merci.
Mme Beth Phinney: Merci.
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Je sais que je suis pointilleux, mais j'ai quelque chose à faire ici.
Mme Beth Phinney: Excusez-moi.
Deuxièmement, mon collègue a mentionné que tout le monde devrait...
Est-ce que je peux le regarder? Cela va?
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Ce n'est pas ce que je voulais dire...
M. Steve Mahoney: Je pense qu'il est préférable de les regarder plutôt que de le regarder, lui, de toute façon.
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Voilà, bon choix.
Allez-y.
Mme Beth Phinney: Mon collègue a dit qu'il faudrait donner énormément de formation, même aux policiers des petites villes, parce que nous ne sommes pas autorisés à conserver ces renseignements ou nous devons les détruire après sept jours. Avez-vous une idée de la façon dont cela pourra se concrétiser et des sanctions qui devraient s'appliquer si les policiers conservent des renseignements pendant neuf jours?
Je n'ai vu aucune mention de sanctions. Nous contenterons-nous d'imposer des sanctions arbitraires après coup ou allons-nous faire un suivi du traitement de l'information? À combien de personnes au total faudra-t-il dire qu'on doit détruire ces renseignements après sept jours?
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Monsieur Ruby, allez-y.
M. Clayton Ruby: Merci, monsieur le président.
Elle me regardait, voyez-vous.
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Puis-je vous interrompre une minute...
C'est que nous sommes télévisés. Il nous faut du temps pour régler les systèmes sonores et tout le reste. Les conversations privées, c'est très bien, mais nous n'avons aucun pouvoir sur ce qui est enregistré.
Bref, monsieur Ruby, allez-y s'il vous plaît.
M. Clayton Ruby: On n'a pas prévu de le dire à qui que ce soit, et compte tenu de la nature des bases de données et du transfert de l'information, personne ne le saura jamais. Peut-être les tenants de ce projet de loi se disent-ils que si le gouvernement recueille ces données et qu'elles ne s'avèrent pas terriblement utiles, nous ne faisons que les recueillir; qui s'en plaindra? La personne visée ne le saura jamais et ne se doutera jamais que nous avons ce dossier.
D'une certaine façon, votre question ouvre sur quelque chose de plus large, soit les utilisations de la technologie. Si le gouvernement avait proposé cette même mesure il y a 25 ans, les lignes aériennes lui auraient dit: «Vous êtes malade? Les coûts nécessaires pour recueillir et diffuser ces renseignements sont ridicules et nous ne le ferons pas.» Par contre, aujourd'hui, il suffit d'appuyer sur un petit bouton, cela ne coûte rien et tout fonctionne comme sur des roulettes. Nous n'avons donc pas bien réfléchi aux protections nécessaires dans le contexte de ces changements technologiques. Nous ne sommes pas à jour.
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Monsieur Allmand.
M. Warren Allmand: Je n'ai rien à dire à ce sujet.
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Monsieur Gogolek. Quelqu'un d'autre?
M. Vincent Gogolek: En gros, il n'y a aucune sanction. Voilà tout. Comme M. Ruby l'a dit, il n'y a que très peu de surveillance, très peu de supervision. C'est le problème de presque toutes les dispositions de ce projet de loi.
Pour répondre à la question que M. Mahoney a posée plus tôt, la Loi sur les mesures d'urgence dicte que certains décrets et règlements doivent être renvoyés au comité parlementaire, qui les mettra aux voix. Ils ne sont pas renvoyés...bien honnêtement, le dépôt d'un décret en conseil quelques semaines plus tard n'a vraiment pas le même effet. Ce n'est pas rien, mais ce n'est pas pareil.
Mme Beth Phinney: Monsieur le président, ai-je encore du temps?
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Vous avez une minute, oui.
Mme Beth Phinney: J'aimerais demander aux attachés de recherche s'ils savent dans quels cas les sanctions s'appliqueraient et qui va informer les personnes visées. Si quelqu'un se fait prendre pour avoir conservé des renseignements neuf jours, 53 jours...
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Nous pourrons nous occuper de cela quand les témoins seront partis.
Mme Beth Phinney: D'accord, merci. Je peux donc pas demander aux attachés de recherche...
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Vous pouvez leur demander.
Mme Beth Phinney: ...s'ils savent quoi que ce soit dès maintenant ou si nous devrions l'ajouter au projet de loi?
M. David Goetz (attaché de recherche auprès du comité): Je n'en sais rien pour l'instant.
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Merci.
Monsieur Barnes, vous avez cinq minutes.
M. Rex Barnes (Gander—Grand Falls, PC): Merci, monsieur le président.
Je suis très content que vous soyez ici aujourd'hui. Il est évident que vous avez ouvert les yeux de beaucoup de gens autour de cette table avec vos observations. Nous avons entendu plusieurs groupes jusqu'à maintenant, mais je ne crois vraiment pas que quiconque nous ait ouvert les yeux autant que vous aujourd'hui.
Dans l'une de vos réponses, vous nous avez demandé, en gros, pourquoi on voudrait tout savoir. Je crois fermement que c'est une question de pouvoir.
Pour une raison ou une autre, les membres du gouvernement et certains bureaucrates, se couchent le soir pour se réveiller le lendemain matin avec l'idée que nous pouvons faire quelque chose qui ne nous coûtera rien qui vaille qu'on en parle. Ils disent ensuite avoir une entente avec les États-Unis en matière de défense en ce qui concerne le personnel. Ils ne donnent aucun nouvel outil et probablement aucun sou aux forces policières pour faire le travail voulu. On propose maintenant d'établir une base de données pour suivre les gens d'un bout à l'autre du pays partout dans le monde, et cela devrait nous coûter moins cher que d'affecter des gens à cette tâche.
Bien sûr, tout repose sur la confiance. Faisons-nous confiance au gouvernement? Faisons-nous confiance à n'importe quel gouvernement, qu'il soit libéral, conservateur ou néo-démocrate? Faisons-nous confiance aux divers gouvernements? La réponse est non, nous ne faisons pas confiance aux gouvernements, parce qu'ils ne se sont pas préoccupés de la volonté des gens dans le passé et ne le ferons probablement pas non plus dans l'avenir.
Bien sûr, les événements du 11 septembre changent la donne. Si les prix des billets d'avion grimpent, c'est à cause du 11 septembre. Soudainement, s'il y a de longues files d'attente dans les aéroports, c'est à cause du 11 septembre. Tout est à cause du 11 septembre. Nous perdons nos droits, c'est à cause du 11 septembre.
Que fait ce projet de loi? Il enlève des droits aux voyageurs; il enlève des droits aux citoyens de ce pays. Nous devons trouver un équilibre pour nous assurer, en tant que politiciens, la sécurité de notre pays. Comment faire pour atteindre cet équilibre afin que les droits des gens soient protégés, de même que ceux de notre pays?
À (1020)
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Monsieur Ruby, pouvons-nous commencer par vous? Ou monsieur Allmand, peu importe.
M. Warren Allmand: Comme je l'ai indiqué dans mon exposé, que j'ai lu rapidement, certains agents du SCRS et de la GRC avaient tendance à faire ce genre de choses dans le passé. J'ai dit que les 18 et 20 août 2000, un journaliste a découvert, après avoir présenté une demande d'accès à l'information, que la GRC avait établi, de concert le SCRS, une «liste d'évaluation des menaces». Aucune loi ne justifiait l'existence d'une telle liste. Or, sur cette liste figuraient des organismes comme Greenpeace, Oxfam, Droits et Démocratie, des églises, des syndicats,... Comment explique-t-on cela? Ce projet de loi-ci ne fera qu'encourager ce genre d'activités.
Comme le nom de mon organisme figurait sur la liste, j'ai écrit à M. MacAulay, le solliciteur général de l'époque, pour lui demander des explications. Il ne m'a jamais répondu. J'ai ensuite eu l'occasion de comparaître devant un comité parlementaire. Je l'ai mis au courant de la situation, et voilà que quelques semaines plus tard, je recevais une lettre dans laquelle Lawrence, qui est un bon ami, me donnait une explication qui n'en était pas vraiment une. L'existence de cette liste n'était aucunement justifiée en droit.
M. Gogolek, M. Ruby et les nombreux autres témoins que vous allez entendre pourront sans doute vous donner d'autres exemples de... Il y en a qui tiennent à établir des listes de personnes qui constitueraient une menace.
Permettez-moi de vous donner un autre exemple. J'ai entendu parler, récemment, du cas d'une femme qui a postulé un emploi au sein du gouvernement fédéral. Lors du contrôle sécuritaire, on lui a dit: «Nous constatons que votre frère s'est rendu à Cuba trois fois au cours des dernières années.» Et puis après?
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Monsieur Ruby.
M. Clayton Ruby: Votre question est la suivante: comment pouvons-nous, d'une part, protéger le pays, et, d'autre part, protéger les droits démocratiques et autres des Canadiens?
Je suis fier de vous annoncer qu'il y a une réponse à votre question. Elle se trouve dans la Constitution canadienne et dans les jugements de la Cour suprême du Canada. Ces derniers affirment que, oui, vous pouvez empiéter sur les droits individuels si vous avez des raisons valables de le faire, et dans ce cas-ci, vous en avez une, soit la sécurité du transport aérien et la lutte au terrorisme. Les mesures prises ne doivent l'être que dans ce seul but. Si vous faites tout cela et que vous respectez ces critères, vous aurez atteint l'équilibre que vous recherchez.
La Constitution canadienne n'est pas un simple instrument juridique. C'est un instrument politique merveilleux, parce que, à mon avis, elle apporte la réponse à une question avant tout politique.
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Monsieur Gogolek.
M. Vincent Gogolek: M. Allmand a parlé de l'évaluation des menaces, et c'est pour cette raison, entre autres, que les fonctionnaires recueillent des informations.
Plusieurs d'entre vous se souviennent peut-être—cela a suscité beaucoup de controverse—des dossiers longitudinaux que DRHC a établis sur des Canadiens. Cette histoire a fait beaucoup couler beaucoup d'encre. Bien entendu, c'était avant le 11 septembre.
Ce projet de loi constitue uniquement un moyen pratique de recueillir beaucoup d'informations à d'autres fins.
La ministre du Revenu national a fait état, devant le comité et ailleurs, de toutes les choses merveilleuses que sa base de données lui a permis d'apprendre. Elle n'a jamais prononcé le mot terrorisme. Elle a parlé plutôt d'armes à feu, de pornographie, des enfants qui sont emmenés à l'extérieur du pays, de personnes qui sont atteintes du virus d'Ebola. On pourrait vous retracer à Flin Flon, quatre semaines plus tard, et vous dire si oui ou non vous êtes atteint du virus.
Voilà à quoi vont servir les données recueillies. Cela a commencé avec l'affaire de DRHC, et voilà qu'on fait la même chose ici, sauf qu'on invoque comme motif la lutte antiterroriste, qui est une lutte légitime, sauf qu'on doit s'assurer que les mesures proposées visent effectivement à lutter contre le terrorisme.
À (1025)
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Merci beaucoup.
Monsieur Barnes, votre temps est écoulé.
Nous allons maintenant entendre Mme Jennings. Cinq minutes, merci.
Mme Marlene Jennings: Je vais me limiter à trois sujets.
D'abord, le projet de loi modifie la Loi sur l'aéronautique. Comme vous l'avez indiqué, monsieur Ruby, il est question ici de transport aérien à destination et en provenance du Canada, et de transport aérien intérieur. Si nous voulons promouvoir la sécurité des transports, il y a lieu de se demander pourquoi les autres modes de transport intérieur ne sont pas visés.
Prenons, par exemple, les chemins de fer. Je crois comprendre que les Canadiens utilisent l'avion plus souvent, mais comme le prix des billets est très élevé, nous assistons à un renversement de tendance alors que plus en plus de personnes utilisent le train. Les compagnies de chemin de fer envisagent, en fait, d'améliorer leurs installations sur courte distance en vue de les rendre plus concurrentielles. Mentionnons, à titre d'exemple, le corridor Ottawa-Toronto-Windsor-Montréal.
Il s'agit là d'une question pertinente qui pourrait faire l'objet d'une contestation judiciaire. Si tel est l'objectif du projet de loi, pourquoi ne vise-t-il que le transport aérien?
Ensuite, concernant la surveillance, ma collègue, Mme Phinney, a soulevé la question des critères que prévoit le projet de loi pour assurer le respect de la règle des sept jours. Avez-vous des commentaires à formuler à ce sujet, étant donné qu'il ne semble pas y avoir—et la question s'adresse à tous les trois—de critères qui permettent d'assurer le respect de cette règle?
On pourrait procéder à une vérification externe périodique tous les six mois, par exemple. Cette vérification consisterait à examiner un certain nombre de cas pour voir si la règle des sept jours a été respectée.
Mon dernier point porte sur la communication, à un agent de la paix, de renseignements utiles pour l'exécution d'un mandat.
Monsieur Ruby, vous dites que la communication de renseignements ne devrait être permise que dans le cas d'infractions portant expressément sur la sécurité du transport aérien et sur les actes terroristes.
Examinons la chose sous un autre angle. Je pense que la plupart des Canadiens s'entendent pour dire que, lorsqu'une personne se trouve sous le coup d'un mandat, ses attentes en matière de vie privée sont réduites dans une certaine mesure. Elles ne le sont pas lorsque la personne ne fait l'objet d'aucun mandat. Si, en vertu du projet du loi, l'agent de la paix obtenait d'abord une autorisation judiciaire préalable—parce qu'il a des motifs raisonnables de croire que la personne sous le coup d'un mandat va monter à bord d'un avion—et qu'il communiquait ensuite le nom de la personne au ministère des Transports, le nom resterait sur la liste tant que le mandat n'aurait pas été exécuté. Ensuite, le système TI, le système informatique, enverrait un avertissement si cette personne... Est-ce que cette mesure résisterait à une contestation judiciaire?
À (1030)
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Monsieur Ruby.
M. Clayton Ruby: Je vais commencer par la fin.
Oui, je pense qu'elle résisterait à un examen. Le fait est que nous ne voulons pas que les mandats dont font l'objet les personnes jugées dangereuses, qui violent la loi et refusent de se rendre, demeurent en suspens. Peu importe l'infraction, cette mesure résisterait à un examen, si l'obtention d'un mandat était requise. Il faudrait avoir des motifs raisonnables de croire que ces personnes vont prendre l'avion, par exemple. Cet amendement au Code criminel serait tout à fait légitime.
Dans le cas qui nous intéresse, on peut très bien limiter la communication de renseignements aux infractions portant sur les actes terroristes. Le gouvernement pourrait, dans une large mesure, atteindre l'objectif visé, sans problème aucun.
Par ailleurs, je ne sais pas si l'on peut dire que les attentes en matière de vie privée d'une personne qui est sous le coup d'un mandat sont réduites. Je ne pense pas qu'on pourrait justifier une telle atteinte à la vie privée en droit pénal. Je ne parle pas ici de l'obtention d'un passeport ou d'un permis de conduire, des questions qui relèvent du droit civil. Toutefois, sur le plan pénal, je ne sais pas si on peut dire que les attentes en matière de vie privée sont réduites. D'après la jurisprudence de droit pénal, vos attentes ne sont pas réduites quand vous êtes l'objet d'une arrestation, ou quand on cherche à vous arrêter. C'est ce qui distingue sans doute le droit pénal du droit civil. C'est ce qui l'a toujours distingué.
Or, le problème, et j'en ai déjà parlé, ne tient pas au fait qu'on arrête une personne qui est sous le coup d'un mandat. Le problème tient plutôt au fait que, lorsqu'on pose un tel geste, on se trouve à violer la vie privée de milliers d'innocents, chose qui ne se produirait pas si l'obtention d'un mandat était requise.
Mme Marlene Jennings: Si vous aviez un mandat...
M. Clayton Ruby: Tous ces intérêts seraient protégés.
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Votre temps est écoulé, mais je vais permettre aux témoins de répondre.
Monsieur Allmand.
M. Warren Allmand: Pour revenir à la question de Beth Phinney et de Mme Marlene Jennings concernant les sanctions, presque toutes les dispositions du projet de loi modifient d'autres lois. Or, très souvent, ces autres lois précisent que toute personne qui ne respecte pas les obligations prévues par la loi est coupable d'une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire. Donc, il se peut que l'on retrouve, dans la Loi sur l'aéronautique, la Loi sur la santé, ainsi de suite—toutes les lois qui sont mentionnées—, des dispositions qui prévoient l'imposition de sanctions. Toutefois, ce n'est pas là que se trouve la réponse.
La réponse se trouve, en partie, dans les mesures qu'ont proposées les autres témoins dans les cas où les renseignements sont communiqués à un grand nombre de personnes. Ils ont proposé des modifications au projet de loi qui permettraient d'éviter les abus. On pourrait peut-être également consulter au préalable les parlementaires. Il y a bien des choses qu'on peut faire pour éviter les abus.
M. Ruby en sait plus que moi sur le sujet, mais je pense qu'il y a une disposition générale dans le Code criminel qui précise que si vous allez à l'encontre des dispositions de la loi, vous êtes coupable d'une infraction, ce qui englobe... Si la loi ne prévoit aucune sanction, c'est là qu'intervient le Code criminel, puisqu'il précise que si vous ne respectez pas les dispositions d'une autre loi, vous serez coupable d'une infraction.
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Monsieur Gogolek.
M. Vincent Gogolek: Pour ce qui est de votre première question concernant la Loi sur l'aéronautique, l'article 107.1 de la Loi sur les douanes, auquel je reviens sans cesse, précise que le ministre peut exiger de toute personne ou catégorie de personnes visée par règlement qu'elle fournisse des renseignements réglementaires sur toute personne à bord d'un moyen de transport ou y donne accès, avant l'arrivée au Canada du moyen de transport ou dans un délai raisonnable après son arrivée. Je crois comprendre que l'ADRC va s'attaquer aux traversiers, aux trains et autres modes de transport—internationaux.
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Madame Jennings, votre temps de parole est écoulé.
Mme Marlene Jennings: Je parlais des moyens de transport intérieurs.
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Vous avez parlé pendant plus de sept minutes.
Monsieur Mahoney.
M. Steve Mahoney: Monsieur le président, je voudrais revenir à la question que j'ai posée à M. Ruby, qui a proposé que le mandat fasse l'objet d'une autorisation judiciaire et qu'il ne s'applique qu'aux actes terroristes.
On pourrait se retrouver dans une situation où le mandat n'a pas été exécuté, bien qu'il ait déjà fait l'objet d'une autorisation judiciaire, le mandat qui a été émis à l'égard d'une personne étant toujours en suspens. Ce qui m'inquiète, c'est que la plupart des Canadiens accepteraient qu'on empiète sur leurs droits à la vie privée dans le but déterminer si une personne se trouvant à bord du même avion a commis un meurtre, a kidnappé ou violé quelqu'un ou fait l'objet d'un mandat non exécuté. Ils seraient prêts à accepter une telle chose pour sauvegarder leur liberté, notamment dans la foulée des événements du 11 septembre.
J'aimerais avoir votre avis sur la question de l'autorisation judiciaire et aussi sur le fait que le mandat ne devrait s'appliquer qu'aux actes terroristes.
À (1035)
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Monsieur Ruby.
M. Clayton Ruby: Pour ce qui est du mandat d'arrestation, je tiens à ce que les choses soient très claires. Il est vrai que le juge autorise qu'on prenne des mesures à l'égard de cette personne. Ce qu'il autorise, en fait, c'est l'arrestation, de force, de celle-ci—point à la ligne. Il n'autorise pas l'installation de dispositifs d'écoute électronique dans la maison, la surveillance, l'entrée de force dans la maison pour procéder à l'arrestation de cette personne. Il faut un mandat pour cela ou l'existence d'autres circonstances. Cette autorisation a une portée limitée. Le mandat n'a rien à voir avec ces questions. L'autorisation a une portée très limitée en droit.
Pour ce qui est de la deuxième partie de la question, j'y ai déjà répondu quand j'ai donné l'exemple du meurtrier qui se trouve à bord de l'avion. Vous avez raison, je veux qu'on l'arrête. Je ne veux pas que cette personne s'installe à côté de moi, sauf votre respect, monsieur Allmand, si elle a commis un meurtre.
M. Steve Mahoney: Ou un ex-parlementaire.
M. Clayton Ruby: Ce n'est pas vraiment la même chose.
Le prix à payer m'intéresse beaucoup. Je ne veux pas que cette personne circule librement. Je ne veux pas que ce meurtrier se retrouve dans un restaurant, à cinq pâtés de chez moi. La question qu'on doit se poser est la suivante: quel prix sommes-nous prêts à payer?
Je suis certain que, s'ils prenaient conscience du fait que plus de 19 millions de passagers aériens par année allaient faire l'objet de vérifications, que leur vie privée—leurs cartes de crédit, les renseignements personnels les concernant—allait être scrutée à la loupe, les Canadiens diraient: «Attrapez le meurtrier d'une autre façon. Nous ne sommes pas prêts à payer ce prix».
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Merci beaucoup.
Monsieur Gogolek, avez-vous des commentaires à faire?
M. Vincent Gogolek: J'aimerais faire un bref commentaire au sujet de ce qu'on appelle la déviation de finalité. Ce qui risque de se produire ici, c'est que, mis à part les actes terroristes, les renseignements pourraient être recueillis pour toutes sortes de bonnes raisons, sauf qu'elles n'ont rien à voir avec le terrorisme. Voilà le problème. Nous avons eu l'occasion de le constater quand la ministre a justifié le recours à cette pratique, puisqu'elle permettait de recueillir des données sur les drogues, les armes à feu, la pornographie enfantine, ainsi de suite. Ce facteur doit être pris en compte.
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Il vous reste deux minutes, monsieur Mahoney.
M. Steve Mahoney: M. Gogolek a qualifié cette façon de faire de coup de force bureaucratique. C'est une expression qu'on utilise plutôt dans le domaine politique. Je ne vois pas pourquoi ils voudraient s'approprier un tel pouvoir, dans ce cas-ci.
À mon avis—et j'aimerais avoir votre opinion là-dessus—si les fonctionnaires, pour bon nombre des raisons invoquées par M. Allmand, comme le facteur temps, ainsi de suite...il faut que quelqu'un veille au grain quand le patron n'est pas là.
Par exemple, quand les événements du 11 septembre se sont produits, le ministre Collenette, qui revenait de Montréal, a communiqué avec son personnel au moyen de son cellulaire, a interdit tout vol aérien au-dessus du Canada, a fait tous ces arrangements sans savoir s'il en avait le pouvoir. Il a pris des décisions que je qualifie de courageuses. Il a donné à son personnel l'autorisation de fournir les renseignements, ainsi de suite, qui étaient requis. Nous connaissons la suite. Le Canada a très bien réagi dans les circonstances. Nous avons là un bel exemple des rapports qui peuvent exister entre le politicien et les fonctionnaires.
Pourquoi qualifier cela de coup de force? Nous devons avoir la possibilité de procéder à un certain transfert de pouvoirs et de responsabilités. Pour répondre à la question de Mme Phinney, s'ils dépassent les bornes, que ce soit au niveau ministériel ou bureaucratique, ils pourraient, et c'est là une conséquence grave, être congédiés.
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Avant de nous faire entendre votre réponse, je voudrais savoir si les témoins tiennent à dire quelques mots à la fin de la réunion. Souhaitez-vous qu'on vous accorde cinq minutes à la fin de la réunion? Nous pouvons continuer de poser des questions ou clore la discussion, après que vous aurez répondu, bien entendu. Nous devons quitter la salle à 11 heures, puisqu'un autre comité doit s'y réunir.
M. Clayton Ruby: Après que nous aurons répondu aux questions.
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Pour être juste envers les témoins, je voulais leur permettre de dire quelques mots à la fin. Merci.
Monsieur Gogolek.
M. Vincent Gogolek: Brièvement, je pense que M. Mahoney a répondu à sa propre question.
On a communiqué avec le ministre Collenette, et celui-ci a indiqué aux fonctionnaires quelles mesures prendre. Il n'a pas dit: «J'ai quitté pour la journée et, comme Elvis, ne me cherchez pas, sauf dans les pages du Weekly World News». Il a des téléphones cellulaires, qui sont une véritable merveille. On peut communiquer avec les ministres par courriel, par téléphone cellulaire. C'est ce qu'on a fait dans le cas de M. Collenette, et il a pris les mesures qui s'imposaient. C'est ce qu'il doit faire. Le ministre doit prendre des décisions, et non pas arriver à Ottawa et constater qu'on a pris des mesures qu'il n'aurait pas approuvées.
À (1040)
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Monsieur Allmand.
M. Warren Allmand: Il faut que d'autres personnes prennent les choses en main quand le ministre est occupé. Toutefois, les pouvoirs dont elles disposent sont limités. Par exemple, la Loi sur la protection des renseignements personnels impose des restrictions pour ce qui est de l'utilisation qui peut être faite des renseignements concernant les particuliers. Le projet de loi—et M. Radwanski en a parlé—remet en question des dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels, dispositions qu'on croyait justifiées à l'époque.
Quand vous êtes ministre, vous avez accès à toutes sortes d'informations. Toutefois, la communication de ces informations est assujettie à certaines limites. Donc, vous pouvez confier la responsabilité à d'autres, mais seul un nombre limité de personnes peut avoir accès aux renseignements délicats, prendre certaines décisions. La police peut avoir recours à la force, à des armes à feu, ainsi de suite, mais ce recours est limité. Il est important d'imposer des limites quand le ministre est occupé. Ces limites ont toujours existé.
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Monsieur Ruby.
M. Clayton Ruby: Je suis, moi aussi, très fier de ce que M. Collenette a fait ce jour-là. La loi l'autorisait à prendre des mesures dans une situation d'urgence. Or, il n'est pas question ici de situation d'urgence. Nous parlons de créer des bases de données permanentes qui contiennent des renseignements sur des personnes innocentes, des bases de données qui seront examinées quotidiennement et ce, pendant des années. Ce n'est pas du tout la même chose.
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Monsieur Laframboise.
[Français]
M. Mario Laframboise: Merci, monsieur le président. Ma question portera sur la Charte canadienne des droits et libertés.
Quand on a interrogé le premier ministre, représentant du gouvernement et du Parti libéral, il nous a dit tout simplement, au sujet des droits que les citoyens pouvaient perdre, que si on croit que les droits et libertés ont été mis en danger, on n'aura qu'à contester devant les tribunaux. Mais il y a quand même une réalité dans ce projet de loi. Tous les arrêtés d'urgence, qui constituent à peu près les deux tiers de ce projet de loi, sont soustraits à l'application des articles 3, 5 et 11 de la Loi sur les textes réglementaires. Or, l'article 3 dit que c'est le Conseil privé qui doit s'assurer que le décret ou le projet de loi ou le règlement doit être conforme à la Charte canadienne des droits et libertés.
C'est clair, en ce qui a trait à tous les arrêtés d'urgence, que même si on allait devant les tribunaux, on perdrait, parce que le texte de loi dit qu'ils n'ont pas à être conformes à la Charte canadienne des droits et libertés. Donc, il y a déjà une bonne partie qui ne peut pas être défendue ou pour laquelle on n'a pas de recours devant les tribunaux.
Pour l'autre partie, celle concernant les renseignements personnels, les renseignements sont conservés pendant sept jours ou plus--et on parle toujours des voyageurs d'habitude, on l'a bien compris--, et à tous les ans, c'est la GRC et le SCRS qui vont décider de faire une épuration. Mais tant et aussi longtemps qu'on ne saura pas que nos renseignements sont dans une banque de données, on ne pourra pas poursuivre, on ne pourra pas avoir de recours devant les tribunaux. Il va falloir attendre, pour savoir qu'on fait partie d'une banque de données, d'être pris et de faire partie d'un système où des autorités viendront nous arrêter ou nous questionner. On risque donc d'attendre assez longtemps avant de savoir si on a des recours devant les tribunaux pour ce qui est de la Charte canadienne des droits et libertés.
C'est là-dessus que j'aimerais vous entendre.
[Traduction]
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Monsieur Allmand, voulez-vous répondre?
M. Warren Allmand: D'abord, on ne peut pas préciser, dans une loi, que la loi n'est pas visée par la Charte des droits et libertés, sauf si l'on invoque la disposition d'exemption. Cette disposition ne s'applique qu'à certains articles. Vous ne pouvez pas vous soustraire à l'application de la Charte. Comme vous l'avez indiqué, vous devez attendre que l'affaire soit contestée devant les tribunaux.
Le ministère de la Justice est censé vérifier toutes les lois, afin de déterminer si elles sont conformes ou non à la Charte. Le ministère a toujours tendance à se ranger du côté du gouvernement. C'est comme le ministère du Revenu national, quand il est question de savoir si vous devez ou non verser de l'impôt. Le ministère dit toujours, oui, vous devez verser l'impôt qui est dû. Vous le versez, vous contestez la décision, vous obtenez gain de cause, mais cela finit toujours par vous coûter très cher. C'est dommage.
Voilà pourquoi j'espère que le comité—vu que vous avez apporté des améliorations aux deux derniers projets de loi, soit le C-42 et le C-55—fera davantage dans ce cas-ci, compte tenu de ce que vous avez entendu aujourd'hui et de ce que d'autres témoins vous ont dit au sujet des lacunes que contient le projet de loi.
Il est possible d'améliorer le projet de loi. Vous pouvez y apporter des améliorations au lieu d'attendre qu'il fasse l'objet d'une contestation devant les tribunaux. Vous pouvez ajouter une disposition qui dit que le projet de loi est assujetti, tout comme l'est la Loi sur les mesures d'urgence, à la Charte.
À (1045)
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Monsieur Ruby.
M. Clayton Ruby: Pour ce qui est de la conformité à la Charte, le gouvernement peut faire en sorte que les décrets ne soient pas assujettis aux garanties prévues par le processus législatif, mais il ne peut se soustraire à l'autorité des tribunaux. Vous avez tout à fait raison. Le gouvernement peut faire une telle chose dans le cas des mesures législatives, mais ses décisions sont toujours assujetties à un examen fondé sur la Charte.
Vous avez raison de dire que le fait de s'adresser aux tribunaux, avec tous les frais que cela entraîne, signifie que de nombreuses violations ne seront jamais dévoilées au grand jour, même si quelqu'un finit par en prendre connaissance en temps opportun.
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Monsieur Gogolek.
[Français]
M. Vincent Gogolek: Monsieur Laframboise, ça dépend aussi des moyens des personnes affectées, de leurs connaissances. Tel que vous l'avez indiqué, il y a toujours la possibilité, si vous êtes dans une banque de données, que vous ne le sachiez jamais. Et vous n'avez aucunement la possibilité de protéger vos droits.
En ce qui concerne les autres points soulevés, disons que quelqu'un est entré dans une zone de contrôle qui vient d'être créée par décret. Il faut que cette personne ait les moyens de se présenter devant les tribunaux, d'avoir recours aux services d'un avocat, de présenter des arguments constitutionnels. De plus, le fardeau de la preuve est essentiellement sur elle et non sur le gouvernement. Mais ici, à ce comité, le gouvernement a le fardeau de justifier les mesures qu'il propose, et je ne pense pas qu'il se soit libéré du fardeau de la preuve.
[Traduction]
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Madame Desjarlais.
Mme Bev Desjarlais: Merci.
D'abord, je voudrais encore une fois parler des mesures qu'a prises le ministre Collenette ce jour-là, parce que c'est un sujet qui a été abordé à maintes reprises. Les ministères—et je pense que les Canadiens sont d'accord—ont tous bien réagi, et nous ne voyons pas pourquoi nous avons besoin d'un tel projet de loi. Si des changements s'imposent, qu'on les apporte, mais sans compromettre les libertés civiles des Canadiens.
M. Mahoney, par l'entremise du président, a laissé entendre, de façon indirecte, que le ministre Collenette ne savait pas qu'il possédait de tels pouvoirs. Eh bien, si le ministre Collenette, qui compte de nombreuses années d'expérience au sein du Cabinet, ne sait pas qu'il possède de tels pouvoirs, nous avons lieu de nous inquiéter. Des changements s'imposent peut-être ailleurs. Voilà ce que je tenais à dire.
M. Steve Mahoney: Combien de fois a-t-il...
Le président: Silence, s'il vous plaît.
M. Steve Mahoney: C'est ridicule.
Mme Bev Desjarlais: On a parlé des frais que cela va occasionner aux transporteurs aériens. J'ai participé aux travaux d'autres comités, et c'est un point qui a été abordé. Cette mesure occasionnerait des frais aux transporteurs aériens. Certains craignent ne pas pouvoir être en mesure de fournir ces renseignements, ce qui risque d'entraîner des complications. Par ailleurs, il y a des gens qui vont refuser de prendre l'avion s'ils estiment qu'il y a atteinte à leur vie privée.
En ce qui me concerne, je n'ai rien à cacher, mais franchement, je n'aime pas du tout l'idée qu'on recueille des renseignements de ce genre à mon sujet. Je vous écoutais pendant que vous donniez la liste des noms, et je me disais que, si on fait partie d'un de ces groupes, et comme je suis membre d'un syndicat, j'ai sans doute donné de l'argent à Greenpeace, Amnistie International, le Conseil des Canadiens, pour ne mentionner que ceux-là, je suis peut-être déjà dans le collimateur. En plus, comme j'ai un permis de possession d'arme à feu, je suis probablement foutue. Il y a de nombreux Canadiens qui se trouvent dans la même situation.
Je ne vois pas pourquoi on devrait recueillir ce genre de renseignements. La collecte de tels renseignements, si elle occasionne des frais énormes, constitue une grave violation de nos droits.
Je tiens à vous remercier d'être venus nous rencontrer aujourd'hui. Nous allons voir ce que nous pouvons faire pour donner suite à vos recommandations.
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Je ne sais pas si vous avez posé une question, mais je pense que...
Mme Bev Desjarlais: J'ai posé des questions et fait des commentaires.
M. Steve Mahoney: C'est vrai, n'est-ce pas?
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Tout à fait.
Le dernier intervenant est M. Lunn. Vous pouvez poser une dernière question. Nous allons ensuite clore la réunion.
M. Gary Lunn: Merci beaucoup, monsieur le président.
On a peut-être déjà posé la question. Si oui, je m'en excuse, mais j'ai dû m'absenter pendant une demi-heure pour assister à une autre réunion.
Pour revenir à ma première question, nous avons parlé de l'importance d'utiliser l'information sur les voyageurs strictement à des fins de lutte contre le terrorisme. Nous avons également parlé de la nécessité d'indiquer, dans toutes les autres lois, que ces données ne pouvaient être utilisées qu'à des fins biens précises, et dans un délai bien précis, et je suis tout à fait d'accord avec cela. On réglerait ainsi la question des vols intérieurs au Canada.
Cela nous amène au deuxième point, soit le partage de ces renseignements avec les autorités américaines, pour les vols canada-américains. Pouvons-nous—et je ne crois pas que ce soit possible—limiter l'utilisation que les États-Unis peuvent faire de ces données? Nous n'exerçons aucun contrôle là-dessus. Ils peuvent conserver ces renseignements tant et aussi longtemps qu'ils le désirent. Nous n'exerçons aucun contrôle là-dessus. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
Autrement, je trouve ridicule qu'on transmette ces données au gouvernement américain pour qu'il les utilise à sa guise, mais pas à notre propre gouvernement. Encore une fois, je me fais l'avocat du diable, parce que je suis convaincu que ces données doivent être utilisées strictement à des fins de lutte contre le terrorisme, dans un délai bien précis. Comme l'a mentionné M. Ruby, cette précision devrait figurer dans toutes les autres lois.
J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus.
À (1050)
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Monsieur Ruby.
M. Clayton Ruby: Vous avez raison. Il est ridicule de transmettre ces renseignements aux Américains si nous n'exerçons aucun contrôle sur leur utilisation, ou si nous n'essayons même pas d'en limiter l'utilisation, quoique je me demande si de telles restrictions seraient utiles. Nous essayons de faire la même chose ici, alors que nous savons que les Américains peuvent retransmettre ces renseignements aux Canadiens, s'ils le veulent.
Le fait est que nous n'avons pas vraiment examiné le problème que pose le traitement des données. Est-ce que le traitement des données en question va se faire aux États-Unis ou ailleurs? Il n'est pas nécessaire que le traitement des données se fasse au Canada. Le cas échéant, quels sont les autres organismes qui y auraient accès? Nous ne nous sommes pas penchés là-dessus.
Je ne peux que répéter ce que j'ai déjà dit: vous êtes saisis du projet de loi, nous avons maintenant une meilleure idée du problème, alors prenons les mesures nécessaires pour l'améliorer.
M. Vincent Gogolek: Le seul parallèle que je puisse établir, et encore une fois, ce n'est pas un très bon exemple, c'est que nous imposons parfois des exigences, comme le fait de ne pas imposer la peine de mort, quand nous procédons à l'extradition de personnes aux États-Unis. Nous devrions à tout le moins exiger, si nous acceptons de partager ces renseignements avec les autorités américaines, que les États-Unis respectent nos lois. Nous ne pouvons pas transmettre aveuglément ces renseignements aux États-Unis, dans l'espoir qu'ils vont servir à quelque chose. Nous devons conclure une entente quelconque.
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Monsieur Allmand, avez-vous un dernier commentaire à faire?
M. Warren Allmand: Pas à ce sujet, mais j'aimerais bien dire un dernier mot.
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Allez-y.
M. Warren Allmand: Je voudrais revenir à ce que j'ai dit au début. Je vous demanderais de tenir compte du message que ce projet de loi envoie aux démocraties émergentes et nouvelles.
Nous essayons de promouvoir le respect des droits de la personne à l'échelle internationale, de favoriser l'instauration de démocraties, et c'est ce que dit aussi le président des États-Unis. Toutefois, il est arrivé très souvent, comme au Pakistan par exemple, que le gouvernement du Canada, le Commonwealth et d'autres pays déclarent, après le coup d'état de Musharaff, que le retour à la démocratie doit se faire à l'intérieur d'un certain délai. On a fait fi de tout cela après les événements du 11 septembre. En fait, ils ont versé des fonds au Pakistan, et le Pakistan est revenu à ses anciennes habitudes.
De nombreux pays se servent de ces exemples pour bafouer les droits de la personne et les libertés démocratiques. Si nous avons le droit de le faire, ils en ont le droit aussi, sauf que, bien sûr, la situation est beaucoup plus grave dans ces pays. Il doit absolument y avoir de la cohérence entre les objectifs que nous nous fixons en matière de politique étrangère, et les projets de loi que nous adoptons.
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Merci beaucoup.
Je tiens à remercier les membres du comité de leur patience, puisqu'ils ont eu à composer avec un nouveau président.
Je tiens aussi à dire à nos éminents témoins que ce fut un plaisir, un honneur et un privilège de les accueillir aujourd'hui. Merci beaucoup d'être venus nous rencontrer.
La séance est levée.