FAIT Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 6 novembre 2003
¿ | 0905 |
Le président (M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.)) |
M. William Sampson (À titre individuel) |
Le président |
M. Stockwell Day (Okanagan—Coquihalla, Alliance canadienne) |
¿ | 0910 |
M. William Sampson |
¿ | 0915 |
Le président |
M. Stéphane Bergeron (Verchères—Les-Patriotes, BQ) |
¿ | 0920 |
Le président |
M. William Sampson |
Le président |
M. William Sampson |
M. Art Eggleton (York-Centre, Lib.) |
¿ | 0925 |
M. William Sampson |
Le président |
Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD) |
M. Greg Thompson (Nouveau-Brunswick-Sud-Ouest) |
Le président |
Mme Alexa McDonough |
¿ | 0930 |
M. Greg Thompson |
M. William Sampson |
¿ | 0935 |
Le président |
Mme Aileen Carroll (Barrie—Simcoe—Bradford, Lib.) |
M. William Sampson |
¿ | 0940 |
M. William Sampson |
Mme Aileen Carroll |
M. William Sampson |
Le président |
Mme Alexa McDonough |
¿ | 0945 |
M. William Sampson |
Mme Alexa McDonough |
M. James Sampson (À titre individuel) |
Le président |
M. John Harvard (Charleswood—St. James—Assiniboia, Lib.) |
M. William Sampson |
¿ | 0950 |
M. John Harvard |
M. William Sampson |
M. John Harvard |
M. William Sampson |
M. John Harvard |
M. William Sampson |
M. John Harvard |
M. William Sampson |
M. John Harvard |
Le président |
M. William Sampson |
Le président |
M. Deepak Obhrai (Calgary-Est, Alliance canadienne) |
M. William Sampson |
¿ | 0955 |
Le président |
Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.) |
M. William Sampson |
Le président |
M. Dan McTeague (Pickering—Ajax—Uxbridge) |
M. William Sampson |
À | 1000 |
Le président |
Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ) |
Le président |
M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Alliance canadienne) |
Le président |
M. Irwin Cotler (Mont-Royal, Lib.) |
Le président |
M. William Sampson |
M. Irwin Cotler |
M. James Sampson |
M. William Sampson |
M. Irwin Cotler |
M. William Sampson |
Le président |
M. William Sampson |
À | 1005 |
M. Irwin Cotler |
Le président |
Le président |
M. Mark Eyking (Sydney—Victoria, Lib.) |
Le président |
À | 1020 |
M. Art Eggleton |
À | 1025 |
Le président |
M. Keith Martin |
Le président |
M. André Harvey (Chicoutimi—Le Fjord, Lib.) |
Le président |
Mme Francine Lalonde |
À | 1030 |
Mme Diane Marleau (Sudbury, Lib.) |
Mme Francine Lalonde |
Le président |
Mme Francine Lalonde |
Le président |
M. André Harvey |
Le président |
M. Art Eggleton |
Le président |
À | 1035 |
M. Art Eggleton |
Le président |
M. Irwin Cotler |
Le président |
M. Keith Martin |
Le président |
M. Irwin Cotler |
Le président |
Mme Francine Lalonde |
Le président |
Le président |
Mme Francine Lalonde |
Le président |
Le président |
M. Art Eggleton |
Le président |
Le greffier du comité |
Le président |
M. Art Eggleton |
Le président |
M. Art Eggleton |
Le président |
M. Irwin Cotler |
À | 1040 |
Le président |
Mme Aileen Carroll |
M. Art Eggleton |
Mme Aileen Carroll |
M. Irwin Cotler |
Mme Francine Lalonde |
Le président |
Mme Francine Lalonde |
Le président |
Mme Aileen Carroll |
Le président |
Mme Francine Lalonde |
M. Irwin Cotler |
Mme Aileen Carroll |
Mme Francine Lalonde |
Mme Aileen Carroll |
Le président |
Mme Francine Lalonde |
M. Keith Martin |
Le président |
Mme Aileen Carroll |
À | 1045 |
Le président |
M. Murray Calder (Dufferin—Peel—Wellington—Grey, Lib.) |
Le président |
M. Irwin Cotler |
Le président |
Mme Francine Lalonde |
Le président |
Le président |
M. Irwin Cotler |
Le président |
M. Irwin Cotler |
Le président |
Le président |
Mme Francine Lalonde |
Le président |
Mme Aileen Carroll |
À | 1050 |
Mme Aileen Carroll |
Le président |
Mme Aileen Carroll |
Le président |
Mme Francine Lalonde |
Mme Aileen Carroll |
Le président |
Mme Francine Lalonde |
Le président |
Le président |
M. Keith Martin |
À | 1055 |
Le président |
Mme Aileen Carroll |
Á | 1100 |
Le président |
M. Keith Martin |
Le président |
M. Art Eggleton |
Le président |
M. Keith Martin |
Le président |
M. Keith Martin |
Le président |
CANADA
Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international |
|
l |
|
l |
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 6 novembre 2003
[Enregistrement électronique]
¿ (0905)
[Traduction]
Le président (M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.)): La séance est ouverte.
Conformément au paragraphe 2 de l'article 108 du Règlement, nous étudions des cas de détention de citoyens canadiens dans certains pays étrangers.
Comparaît ce matin à titre personnel, M. William Sampson. Il est accompagné de M. James Sampson.
Monsieur Sampson, soyez le bienvenu au Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international. je sais que vous avez une déclaration à faire. Vous avez donc la parole.
M. William Sampson (À titre individuel): Bonjour, mesdames et messieurs.
Comme le président vient de le dire, je m'appelle William Sampson.
Je viens de passer deux ans et sept mois environ dans une prison d'Arabie saoudite. J'ai été arrêté le 17 décembre 2000, torturé, forcé d'avouer des crimes que je n'ai pas commis et j'ai été condamné à mort. Pendant ces deux longues années, j'ai fait certains actes dont on a fait état de diverses façons et qu'on a diversement mal décrits, actes qui étaient en fait une protestation contre les conditions de ma détention.
Pendant mon emprisonnement, mon dossier était aux mains du ministère des Affaires étrangères ici au Canada et de hauts fonctionnaires de l'ambassade qui sont membres du ministère des Affaires étrangères à Riyad. J'estime que pendant toute mon incarcération les représentants de l'ambassade à Riyad n'ont pas pris la moindre mesure de soutien à mon endroit. Leur comportement et la façon dont ils ont traité ma famille, et surtout mon père quand il s'est rendu en Arabie saoudite, ont été tout à fait inadéquats. Il est tout à fait certain que les représentants du ministère des Affaires étrangères ici au Canada n'ont pas su non plus se montrer à la hauteur dans la façon dont ils ont traité ma famille dans cette situation assez difficile pour nous.
Par exemple, il semblerait que le ministère des Affaires étrangères ait dès le départ agi comme si j'étais coupable, bien avant que je subisse un procès, un procès qui n'était rien d'autre qu'une parodie de justice, un procès où j'ai comparu devant trois juges sans bénéficier d'un avocat, en l'absence de tout témoin, mis à part ceux fournis par le gouvernement de l'Arabie saoudite. Même avant cela, j'avais reçu des indications des autorités de l'ambassade selon lesquelles elle me considérait coupable, et mon père en mars 2000 s'était fait dire par un représentant de l'ambassade à Riyad qu'on estimait que ma situation était très semblable à celle des Hell's Angels de Montréal qui s'étaient livrés à des guerres de territoire.
Que des membres de l'ambassade du Canada fassent des déclarations de la sorte dans ces circonstances ne servait certainement pas mes intérêts ni ceux de ma famille et, bien au contraire, leur nuisait. Après avoir entendu ces déclarations, mon père a demandé des explications à ce sujet, pour se faire répondre de la façon la plus superficielle et désinvolte qu'on puisse imaginer de la part de hauts fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères, comme Gar Pardy.
Je n'estime pas avoir reçu le moindre soutien du ministère des Affaires étrangères tout au long de mon incarcération. En décembre 2001, j'en étais venu à croire qu'il valait mieux pour moi ne plus faire appel du tout à la coopération du gouvernement du Canada ni de celui de l'Arabie saoudite, comme je l'avais fait jusque-là. À partir de là, j'ai refusé de me laver, j'ai refusé tout soin médical, refusé toute visite, toute rencontre ou toute aide de qui que ce soit, tant du gouvernement du Canada que du gouvernement de l'Arabie saoudite, et même les visites des avocats qui m'avaient été imposés par les représentants de l'ambassade. Je luttais seul, en isolement cellulaire, en raison du comportement de vos hauts fonctionnaires.
Pendant tout ce temps, cependant, la seule chose qui m'a toujours étonné et qui en même temps me faisait me sentir à la fois très humble et très reconnaissant, c'était de voir que la population canadienne en général m'appuyait, croyait en mon innocence et se comportait envers ma famille et face à ma situation d'une façon qui m'était d'un grand soutien et, comme je l'ai dit, était pour moi une leçon d'humilité.
Ce sont deux députés de l'arrière-ban, MM. McTeague et Bergeron, qui en fait ont sans relâche parlé de mon cas à la Chambre des communes et l'ont fait plus efficacement que tout haut fonctionnaire ou tout cadre supérieur du ministère des Affaires étrangères.
Là encore, c'est inexcusable et inexorable.
J'aimerais terminer en disant à nouveau que je suis reconnaissant aux Canadiens de leur appui. Je suis reconnaissant à de ceux qui se sont manifestés—parmi eux certains hauts fonctionnaires, parmi eux certains députés—qui m'ont soutenu pendant mon emprisonnement.
Mais je crois qu'une enquête publique sur le comportement des hauts fonctionnaires du gouvernement canadien, tant à Ottawa qu'à l'ambassade à Riyad, s'impose, étant donné leur comportement pendant mon incarcération.
Je suis disposé à répondre à toutes vos questions...
Le président: Merci beaucoup, monsieur Sampson.
Nous allons passer aux questions et réponses. Vous disposez chacun de cinq minutes, et nous allons commencer par l'opposition.
Monsieur Day.
M. Stockwell Day (Okanagan—Coquihalla, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.
Monsieur Sampson, vous et votre père, qui vous accompagne ici aujourd'hui, avez déjà parlé de l'appui de la population canadienne, et je peux vous dire que nous qui sommes ici et, je pense, les gens de l'ensemble du pays, n'avons pas la moindre idée—nous ne pouvons même pas imaginer—ce que vous avez vécu pendant ces deux ans et demi, comme vous l'avez dit.
Vous n'êtes bien sûr pas au bout de vos peines. Je sais que vous souffrez toujours physiquement. Nous pensons aussi à votre père aujourd'hui, qui vient tout juste de me parler des souffrances physiques qu'il éprouve aujourd'hui. Votre présence ici vous demande un grand effort.
J'aimerais vous dire que je me suis rendu en Arabie saoudite avec deux de mes collègues. Vous m'aviez dit avant notre départ que là-bas nous nous heurterions au mieux à un déni total. Je dois vous dire que c'est bien ce que nous avons rencontré.
Selon les hauts fonctionnaires ou les personnes auxquelles nous avons parlé, on disait ne pas être du tout au courant de cette affaire, certains hauts fonctionnaires nous affirmant qu'ils ne savaient pas du tout ce dont nous parlions et d'autres ont carrément dit : « S'il a un problème, il peut le soumettre à notre gouvernement ». Malheureusement, pour ce qui est de la réaction que nous avons obtenue, vos pires craintes étaient justifiées et vos prédictions justes.
Nous devons maintenant savoir ce que vous nous conseillez de faire. Que pouvons-nous faire pour alléger le poids qui vous accable, et que recommanderiez-vous au gouvernement dans des cas comme celui-là?
Je peux vous assurer, même si c'est une bien mince consolation pour vous, que votre épreuve a pont de mettre en accusation le régime de l'Arabie saoudite, mais aussi le nôtre, un peu comme cela a été le cas pour l'affaire Kazemi—que vous connaissez bien—qui a littéralement permis de débloquer la situation en Iran grâce aux pressions exercées.
Si cela peut le moindrement vous consoler de ce que vous avez traversé, vous ne l'avez pas vécu en vain. Votre souffrance et les tortures qu'on vous a infligées permettront en quelque sorte de protéger la vie d'autres Canadiens et auront peut-être encore plus d'effet sur ces régimes.
Pouvez-vous nous donner quelques conseils? Que pouvons-nous faire? Que pouvons-nous faire en tant que citoyens et que devrait faire le gouvernement désormais pour vous précisément et à l'avenir pour d'autres Canadiens et d'autres gens qui se retrouveraient dans ce genre de situation?
¿ (0910)
M. William Sampson: Eh bien, tout d'abord, ce que je peux vous dire à ce sujet, c'est que les divers partis politiques du pays devraient mieux discipliner leurs députés pour qu'ils paraissent fichument plus compatissants à l'égard des membres de leurs propres circonscriptions.
Il se trouve que votre propre parti, l'Alliance canadienne, est le parti du député de la circonscription de mon père. Ce député n'a pas fait preuve du moindre soutien à l'endroit de mon père ni de ma famille pendant toute cette période.
La première chose que je recommanderais aux partis politiques du Canada serait de mettre de l'ordre dans leurs affaires au sujet de ces questions et de sensibiliser leurs propres députés aux questions des droits de l'homme avant de commencer à dire au gouvernement ce qu'il devrait faire.
Ensuite, j'ai entendu tout ce qu'on a dit dans les médias au sujet de la puissance discrète. Comme l'a un jour dit Theodore Roosevelt : « Parlez doucement, et tenez un gros bâton. » Comme je l'ai déjà dit, soit on doit se munir d'un gros bâton, soit on doit être disposé à s'en servir à partir du moment où on en a eu. Je ne suis pas convaincu que l'argument de la puissance discrète en douceur ait donné des résultats dans mon cas ni dans d'autres, d'ailleurs.
En réalité, les événements ont éclipsé mon cas. Il y a eu d'importante attentats à la bombe en Arabie saoudite, ce qui a mis le pays dans l'embarras et l'a forcé à reconnaître l'existence d'un problème terroriste dans ce pays, ce qui a finalement permis notre libération. Si ces événements ne s'étaient pas produits, je doute que je serais libre aujourd'hui. Je dois en fait ma liberté au fait que l'Arabie saoudite avait décidé, pendant deux ans et demi, de faire l'impasse sur ses problèmes politiques internes, lesquels ont entraîné la mort d'un certain nombre d'autres personnes.
Si le gouvernement canadien avait voulu me faire libérer plus tôt, moi, ou quelqu'un d'autre dans une situation de ce genre, il aurait dû être davantage disposé à dénoncer publiquement les gouvernements en cause. Je suis assez certain que le gouvernement du Canada l'aurait fait si j'avais été incarcéré au Burundi, par exemple, ou dans un pays qui revêt une importance politique moindre que l'Arabie saoudite. Mais en raison de la puissance politique l'Arabie saoudite est censée avoir, on s'est en fait retranché derrière l'argument de la puissance discrète pour ne rien faire.
Pour que le gouvernement se montre efficace dans ces cas, il doit, à divers moments, envisager de tenter d'empêcher l'adhésion à des organisations internationales; remettre en question la participation de certains pays à des organisations internationales comme l'Organisation mondiale du commerce, comme l'accession par exemple à la Banque mondiale; remettre en question le droit de pays comme l'Arabie saoudite de signer la charte des Nations Unies sur les droits de l'homme; envisager d'exercer d'énormes pressions sur des organisations pour qu'elles posent des conditions à l'adhésion des membres, tant qu'ils n'auront pas fait la preuve de la transparence de leur système judiciaire. Je n'ai constaté rien de tout cela, mais ce sont pourtant là des choses essentielles.
Je ne suis pas le seul à avoir été emprisonné en Arabie saoudite. Nous sommes dix à avoir été arrêtés et faussement accusés de ces attentats à la bombe: Ron Jones, de Grande-Bretagne, a été arrêté à l'été 2001 avec un autre Canadien—tous les deux ont été libérés au bout de 67 jours; James Lee; James Cottle, Peter Brandon, Glen Ballard, qui est marié à une citoyenne canadienne; moi-même; Sandy Mitchell et Raf Schyvens.
Huit d'entre nous avons été torturés. Huit d'entre nous avons été détenus pour des crimes que nous n'avions pas commis. Chacun d'entre nous a besoin d'obtenir quelque réparation. Chacun d'entre nous a besoin de savoir qu'à l'avenir les gouvernements se montreront beaucoup plus fermes en cas d'incarcération illégale, ce recours illégal à la force par des États nations à l'encontre de citoyens d'un autre État-nation ou de leurs propres citoyens.
Quand j'ai quitté l'Arabie saoudite, je peux vous dire qu'il s'y trouvait des centaines de prisonniers politiques, qui seront soumis exactement au même traitement que j'ai subi. Il y aura des centaines de ressortissants étrangers arrêtés en Arabie saoudite, dont les gouvernements ne sont pas aussi puissants que ceux de l'Occident, dont les gouvernements n'ont pas l'influence dont jouissent des pays comme la Grande-Bretagne, les États-Unis, le Canada, la France et l'Allemagne. Ils sont sans voix. Ils sont portés disparus. Ils sont soumis aux mêmes choses que j'ai subies.
¿ (0915)
Le seul moyen pour eux d'obtenir justice, c'est que des pays comme le Canada changent leur position face à la puissance discrète et d'exercer effectivement des pressions qui améliorera la transparence du système juridique saoudien, pas simplement pour protéger des citoyens comme moi, mais pour d'autres aussi dans cette société et dans ce pays qui sont faussement accusés et injustement reconnus coupables.
Le président: Merci, monsieur Sampson.
Nous allons donner la parole à M. Bergeron, s'il vous plaît.
[Français]
M. Stéphane Bergeron (Verchères—Les-Patriotes, BQ): Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Si vous le permettez, je vais poser ma question en français.
[Français]
L'un des premiers problèmes et l'un des plus importants problèmes auxquels j'ai dû faire face lorsque j'ai commencé à m'intéresser à ce dossier--et j'en ai fait part au ministre, mardi matin, lorsqu'il a comparu devant ce comité à propos des cas de Canadiens incarcérés à l'étranger--, c'est le fait que nous devions nous conformer aux règles juridiques en vigueur dans les pays où sont incarcérés ces Canadiens. Je pense d'ailleurs qu'en termes de droit international, il est légitime qu'il en soit ainsi.
Cependant, lorsqu'il y a manifestement déni de justice, lorsque nos concitoyens sont soumis à la torture, lorsqu'on obtient de leur part des aveux sous la torture, lorsqu'on leur fait subir un procès tout à fait farfelu et monté de toutes pièces, lorsqu'on les soumet à des sentences au terme de tels procès, comment pouvons-nous véritablement dire à nos concitoyens incarcérés que nous devons nous inscrire dans le cadre légal existant? Comment pouvons-nous nous-mêmes nous y inscrire? Comment pouvons-nous demander à nos agents consulaires de s'inscrire dans le cadre légal existant?
J'ai posé la question au ministre. Évidemment, parce qu'on manquait de temps et parce qu'il s'agissait d'une question éminemment complexe, sa réponse fut on ne peut plus insatisfaisante. J'espère que le ministre me répondra par écrit, comme il s'est engagé à le faire, afin que nous ayons une réponse plus satisfaisante que celle que nous avons eue mardi matin.
Maintenant, peut-être avez-vous quelque chose à nous dire ou des éclairages à nous donner quant à la situation de gens qui, comme vous, ont été confrontés à un déni de justice dans un système dans lequel on disait qu'il fallait qu'on s'inscrive.
J'aimerais maintenant poser deux questions. M. Day a évoqué, il y a quelques instants, les problèmes physiques qui sont les vôtres après ces mois, pour ne pas dire ces années de mauvais traitements physiques. Qu'en est-il de votre état physique? Devez-vous, encore aujourd'hui, subir des interventions chirurgicales? De quelle nature sont-elles? Qui paie pour ces interventions chirurgicales? Quel soutien obtenez-vous de la part du gouvernement canadien à ce niveau?
Voici ma dernière question. Mardi matin, un membre du cabinet du ministre me disait que votre voyage au Canada, aujourd'hui, était défrayé par le gouvernement canadien. Est-ce le cas?
¿ (0920)
Le président: Merci, monsieur Bergeron. Monsieur Sampson.
[Traduction]
M. William Sampson: Je répondrai d'abord à la deuxième question, au sujet de mon billet d'avion : non. C'est mon père qui a payé mon vol, le gouvernement du Canada n'a pas payé. C'est ce monsieur ici qui a payé par chèque. Si vous voulez lui demander comment il a payé, vous pouvez le faire.
Le président: C'est bien.
M. William Sampson: Pour ce qui est de l'autre question, j'ai récemment subi une chirurgie cardiaque qui a réussi. C'est la quatrième intervention que j'ai subie pour mon système cardiovasculaire depuis que je me suis effondré sous la torture.
Je reçois des soins dentaires et on m'a posé des chapes et des couronnes dentaires du côté des dents qu'on m'a cassées au cours d'un interrogatoire. J'ai aussi perdu une dent de ce côté, qui avait été trop abîmée. On me l'a simplement extraite en Arabie saoudite. Je dois malheureusement encore me soumettre à de la reconstruction dentaire d'un côté de la bouche, et ce n'est pas encore terminé.
On m'a jusqu'à maintenant soumis à des examens pour les oreilles, le nez, la gorge, des examens de dermatologie, d'ophtalmologie, de proctologie et de rhumatologie. Tous ont révélé des problèmes mineurs qui sont maintenant réglés—pour ce qui est de la dermatologie, grâce à un antibiotique et à des crèmes pour la peau. Deux ans sans me laver en signe de protestation n'ont pas été du meilleur effet pour ma peau.
J'ai toujours des problèmes d'orthopédie, et on doit encore procéder à des examens de ma cheville droite, à un examen par imagerie à résonance magnétique puis à une arthroscopie.
Suite à ces traumatismes, je consulte un psychologue à Londres, qui conseille que je lui rende encore trois ou quatre visites, pour lui permettre notamment de me surveiller pour que je ne développe pas le syndrome de stress post-traumatique.
Ce traitement a commencé à la suite d'une offre faite par le gouvernement canadien par l'intermédiaire du haut-commissariat à Londres. On s'était engagé à couvrir tous mes frais médicaux et dentaires. Cependant, en octobre de cette année, au moment où j'allais entreprendre mon traitement, on a supposé que cet engagement complet ne concernait que le traitement à court terme de problèmes résultant de mon incarcération, pour lesquels mon médecin, le Dr Peter Mills, qui est mon cardiologue, avait entrepris de me faire voir tous les spécialistes nécessaires.
Deux jours avant qu'on m'opère au coeur pour débloquer une endoprothèse obstruée qui me faisait souffrir d'angine, j'ai reçu une lettre du haut-commissariat canadien m'annonçant le retrait du soutien financier pour mon traitement médical. Après quoi mon médecin s'est informé auprès du haut-commissariat canadien, postérieurement à mon opération cardiovasculaire, et on m'a à nouveau livré une lettre le 27 octobre de cette année où l'on disait catégoriquement que tout soutien financier pour les frais dentaires et médicaux m'étaient retirés à compter du 28 courant.
Après avoir offert sans réserve de défrayer mes coûts médicaux et permis que divers professionnels de la santé évaluent mes besoins médicaux à court terme—non pas à long terme, mais à court terme—, le ministère des Affaires étrangères a à un moment donné décidé qu'il pouvait arbitrairement faire fi de l'avis des professionnels de la santé à qui il avait permis de prendre des engagements à mon endroit. J'aimerais tout d'abord savoir pourquoi le ministère des Affaires étrangères a pris cet engagement et pourquoi il l'a arbitrairement retiré sans avoir convenablement consulté les professionnels de la santé qui m'apportent une aide réelle.
M. Art Eggleton (York-Centre, Lib.): Monsieur le président, je compte bien que nous transmettrons cette question au ministère et que nous présenterons des instances pour que les frais qu'il a pu subir à court ou à long terme à cause des traitements qu'il a reçus en Arabie saoudite lui soient remboursés.
Monsieur Sampson, le ministre et ses adjoints nous ont dit qu'ils faisaient des démarches en votre faveur et qu'ils s'intéressaient à votre cas. Un fonctionnaire a dit en réponse, je pense, à vos premières observations, que le gouvernement n'en avait pas fait assez, que s'il avait trop insisté, cela aurait pu avoir le résultat contraire à ce que nous espérions et que cela aurait pu causer votre perte et qu'il est difficile de déterminer quand on doit insister et quand il vaut mieux ne pas le faire quand on traite avec un régime comme celui de l'Arabie saoudite.
Vous avez été très clair à propos de la façon dont vous et votre père avez été traités par les fonctionnaires au début. Je me demande si, plus tard, quand les fonctionnaires se sont intéressés davantage à votre cas et ont présenté des instances aux autorités, comme l'a dit le ministre, si le problème n'était pas que les fonctionnaires ne faisaient pas de leur mieux pour vous aider, mais plutôt qu'il y avait une divergence de vues quant à la meilleure stratégie à utiliser.
Il est bien évident que, de votre point de vue, comme vous étiez emprisonné et torturé et menacé de la peine de mort, personne n'aurait pu faire quoi que ce soit assez vite pour vous aider. C'est facile à comprendre. Mais je me demande si, surtout à la fin, quand le ministre a commencé à s'occuper activement de la situation, si vous jugez encore que le gouvernement canadien n'en faisait pas assez pour vous aider ou si vous étiez en désaccord avec la stratégie à utiliser.
¿ (0925)
M. William Sampson: Vous devez vous rappeler qu'à la fin, j'avais été mis au secret, sans accès aux médias ou sans même être autorisé à discuter de ce qu'on faisait de moi, même si on m'avait permis de parler à l'ambassade.
Au début, les fonctionnaires de l'ambassade m'ont dit à plus d'une reprise que j'étais coupable. Si vous considérez que cela correspondait à des initiatives pour m'aider sur lesquelles nous ne sommes pas d'accord, je trouve cela constitue des démarches en ma faveur, sur lesquelles nous sommes en désaccord, je trouve cela un peu curieux. Le fait est que, au début, quand ils auraient dû m'aider le plus, ils ne l'ont pas fait. Ils ne m'ont pas aidé et n'ont pas aidé ma famille. C'est à ce moment-là, au tout début, que le gouvernement canadien aurait dû commencer à exercer des pressions, et il ne l'a pas fait.
L'a-t-il fait à la fin? Le régime saoudien pensait déjà s'en être tiré. À la fin, il est trop tard pour exercer des pressions. Le gouvernement canadien aurait dû examiner toutes les possibilités au tout début, mais il ne l'a pas fait. Cela est devenu très évident à cause de la façon dont j'ai été traité pendant mes entrevues avec des membres de l'ambassade du Canada.
À partir de décembre 2001, j'ai cessé de collaborer avec l'ambassade. Je ne voulais plus rien avoir affaire avec ces fonctionnaires, peu importe les circonstances. Dans une situation comme celle-ci, le ressortissant étranger risque-t-il d'être tué si vous forcez trop? Cela pourrait certainement se produire dans le cas de certains régimes qui sont tout à fait disposés à agir de façon illégitime. C'est toujours un risque. Cependant, si vous n'agissez pas de façon suffisamment énergique, vous garantissez que ce régime va penser pouvoir en faire à sa guise de toute façon.
J'étais condamné à mort, messieurs. J'étais convaincu que j'allais être exécuté. Je me suis battu seul parce que je ne pensais pas m'en sortir et on m'a dit à plus d'une reprise que je ne m'en sortirais pas vivant. Si le gouvernement canadien avait exercé plus de pression, cela n'aurait pas rendu ma situation plus risquée qu'elle ne l'était déjà.
Le président: Merci, monsieur Sampson.
Nous allons maintenant passer à Mme McDonough.
Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD): Merci beaucoup.
M. Greg Thompson (Nouveau-Brunswick-Sud-Ouest): Excusez-moi, monsieur le président. J'invoque le règlement. Si je ne m'abuse, le représentant du Parti progressiste-conservateur devrait être le suivant à intervenir vu notre rang à la Chambre des communes.
Le président: Non, au comité, l'ordre des intervenants dépend de la façon dont vous êtes assis et, qui plus est, monsieur Thompson, vous n'aviez pas donné votre nom au greffier. J'allais donc donner la parole à Mme McDonough. Le greffier a maintenant votre nom, mais vous aurez votre tour après Mme McDonough. C'est ainsi que nous procédons ici. Vous aurez votre chance. Il n'y a pas de problème; vous aurez la parole tout à l'heure. Si Mme McDonough veut que vous interveniez avant elle, cela n'est égal.
Mme Alexa McDonough: Monsieur le président, il me semble que vu la gravité de la question dont nous discutons maintenant, c'est vraiment pitoyable que nous nous disputions pour savoir qui va parler en premier.
En réalité, il arrive très souvent qu'il n'y ait pas de représentant du Parti conservateur au moment des questions, mais allez-y, je vous en prie. Je vous cède volontiers mon tour.
¿ (0930)
M. Greg Thompson: Merci, monsieur le président.
Normalement, c'est M. Casey qui serait ici, monsieur Sampson, mais c'est moi qui le remplace.
Je trouve intrigante cette idée de puissance ou de diplomatie exercée par le gouvernement du Canada pour obtenir votre libération. Cela donne l'impression que le gouvernement n'a jamais vraiment cru que vous étiez innocent. Autrement dit, il hésitait à prendre des mesures énergiques pour vous défendre parce qu'il avait l'impression au fond que vous étiez coupable et qu'il ne croyait pas vraiment en votre innocence.
Je voudrais aussi que vous commentiez le rapport évident qu'il y a entre votre cas, monsieur Sampson, et celui de Maher Arar, dans lequel il est bien évident que le gouvernement du Canada a organisé un échange de renseignements avec les autorités syriennes et d'autres pour qu'on interroge Maher Arar afin d'obtenir des renseignements sur votre compte. Avez-vous eu vent d'une telle chose?
Je voudrais que vous nous parliez de ce manque d'engagement de la part du gouvernement du Canada à vous défendre et à affirmer votre innocence.
M. William Sampson: Tout d'abord, je trouve qu'il ne serait vraiment pas approprié que je commente l'affaire Arar. Cela ne fait que trois mois que je suis sorti de prison. Ma propre situation me suffit. Même si, juste avant que l'affaire Arar ne soit réglée, on m'avait demandé si je pouvais aider à régler son cas, ce que j'aurais fait, je ne suis pas personnellement assez au courant de son cas pour pouvoir répondre à des questions ou faire des commentaires sur cette affaire à l'heure actuelle.
Relativement à mon propre cas, que j'ai été coupable ou innocent, j'ai été détenu sans avocat, sans être représenté par qui que ce soit, pendant six semaines avant de pouvoir voir un représentant du Canada. Pendant ces six semaines, j'ai été torturé pour que je fasse des aveux factices. Après avoir vu des fonctionnaires canadiens, sous menace de la torture, j'ai fait des vidéos de mes aveux. Par la suite, on a exigé que j'apporte des changements à mes aveux et j'ai été de nouveau torturé pendant une autre période, ce qui m'a donné un infarctus. Pendant cette période, je n'ai pas pu communiquer avec l'ambassade du Canada, non pas que j'ai été autorisé à parler de ce qui m'arrivait ou que l'ambassade du Canada ait été autorisé à parler de tout cela.
Pendant toute cette période, on aurait dû exercer beaucoup plus de pression auprès du gouvernement pour que j'aie un avocat et pour que les représentants du gouvernement du Canada soient autorisés, comme ils le sont selon divers traités dont l'Arabie saoudite est signataire, je pense, à avoir des entretiens privés avec moi, ce qu'ils n'ont jamais fait. Ils n'ont jamais réclamé de me parler en privé et sans enregistrement. D'après certains des autres détenus, quand ceux-ci ont réussi à obtenir les services d'un avocat, leurs conversations supposément confidentielles avec leurs avocats étaient surveillées par le ministère de l'Intérieur et, tout de suite après ces entretiens avec leurs avocats, leurs interrogateurs, ceux qui étaient aussi chargé des poursuites, ont essayé de les obliger à rétracter les déclarations qu'ils avaient faites à leurs avocats en privé.
Pendant toute cette étape, ou bien on a imposé des restrictions à ce dont les représentants du gouvernement du Canada pouvaient discuter avec moi et ceux-ci n'ont pas protesté, du moins certainement pas en ma présence, comme ils auraient dû le faire, ne serait-ce que pour me donner un certain soutien moral, que j'aie été coupable ou innocent. Ils ont semblé au lieu tout à fait d'accord pour laisser faire le processus saoudien, qui violait divers traités signés par les Saoudiens eux-mêmes, ce qui les expose aux poursuites selon le droit international. Pourtant, les représentants du Canada n'ont jamais, du moins en ma présence, protesté ou protesté publiquement à ce sujet ni même dit à ma famille qu'ils protestaient contre un tel traitement.
À titre de détenu interrogé en rapport avec une série de crimes, on m'a nié le droit de l'homme le plus fondamental, le droit au service d'un avocat. On m'a nié aussi le droit fondamental de rencontrer des représentants de mon pays. Et ce déni de mes droits n'a jamais été mentionné publiquement comme il aurait dû l'être dès le départ. Le fait est que j'étais aussi innocent et qu'on m'a torturé pour que j'avoue des crimes que je n'avais pas commis.
Qui plus est, l'ambassade du Canada ou le gouvernement du Canada était certainement pleinement au courant de ce que j'avais avoué à l'origine parce que je n'ai jamais reconnu être un contrebandier mêlé à une guerre entre bandes criminelles. J'ai été torturé pour que j'avoue d'être un espion britannique, comme Alexander Mitchell et Raf Schyvens, pour que je dise que nous suivions les ordres du gouvernement de la Grande-Bretagne.
À cause de cela, pendant que nous étions en prison, il s'est produit un autre incident. Quand les gens de l'ambassade de la Grande-Bretagne ont été mis au courant des premiers aveux que les Saoudiens nous avaient extraits par la brutalité, deux diplomates britanniques ont été rappelés au Royaume-Uni pour enquête parce qu'une enquête doit être tenue lorsque de telles allégations sont faites. Ces diplomates ont certainement été exonérés de tout blâme et nous devrions l'être aussi.
C'est seulement quand les Saoudiens ont compris qu'ils ne pourraient pas utiliser ces aveux d'espionnage pour le gouvernement britannique comme moyens de pression à l'endroit du gouvernement de la Grande-Bretagne ou d'un autre gouvernement occidental qu'ils ont mijoté la théorie d'une chicane entre contrebandiers, ce qu'un certain nombre de fonctionnaires canadiens semblent avoir acceptée volontiers.
¿ (0935)
Il suffit de jeter un coup d'oeil aux aveux télévisés au réseau saoudien, que j'ai maintenant regardés à maintes reprises. On peut voir à la fin de ces aveux la déclaration du prince Naif dans laquelle il dit que nous étions sous les ordres et avions reçu notre matériel du même pays que le pays d'origine des détenus, pour essayer de dire qu'un gouvernement étranger s'efforçait de déstabiliser son pays, ce qui est ridicule, surtout dans le cas d'un gouvernement occidental.
Le président: Merci, monsieur Sampson.
Nous allons maintenant passer à Mme Carroll.
Mme Aileen Carroll (Barrie—Simcoe—Bradford, Lib.): Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur Sampson.
Comme les autres députés, je ne peux même pas imaginer les horreurs que vous avez subies. Tout ce que nous pouvons faire, c'est vous écouter attentivement et essayer de comprendre non pas seulement d'après votre témoignage d'aujourd'hui, mais aussi d'après les entrevues que vous avez déjà accordées.
Il y a cependant certaines choses que je voudrais préciser. Tout d'abord, monsieur Sampson, le gouvernement du Canada et le ministre des Affaires étrangères n'utilisent pas l'expression « puissance discrète ». Ce sont les partis de l'opposition qui ont utilisé cette expression à la Chambre pendant la période de questions. De notre côté, nous utilisons le mot « diplomatie ». Nous n'avons pas recours à la diplomatie discrète ou publique mais à tous les aspects possibles de la diplomatie.
Pour ma part, et je suis en mesure d'avoir un certain accès aux renseignements là-dessus, j'ai l'impression qu'on a faut tous les efforts possibles et utilisé toutes les voies diplomatiques voulues pour essayer d'obtenir votre libération. Nous l'avons fait de concert avec le gouvernement du Royaume-Uni et nous avons fait tout ce que nous avons pu en ayant recours à diverses voies bilatérales.
Je suis vraiment consternée d'entendre votre réaction tout à fait négative. J'ai au contraire l'impression que nous avons pris soin de votre père de façon très ouverte, pour lui manifester notre appui. Il me semble que M. Gar Pardy et ses adjoints n'ont pas fait comme s'ils jugeaient que vous étiez coupable, monsieur Sampson, et je peux vous garantir que le ministère des Affaires étrangères suppose toujours au départ que les ressortissants canadiens sont innocents, comme le fait le gouvernement du Canada.
J'ajoute que, pendant que j'étais en Arabie saoudite récemment, j'ai vu l'endroit réservé aux exécutions à Riyad. À ce moment-là, j'ai tout de suite pensé à ce qui vous attendait et je dois dire, monsieur Sampson, que le gouvernement et le Ministère ont toujours considéré cette possibilité comme réelle et qu'ils ont tout fait pour empêcher que cela n'arrive. Par ailleurs, nous avons du mal à concevoir les horreurs que vous nous avez décrites, mais vous êtes ici avec nous aujourd'hui et l'impensable ne s'est pas produit.
Vous dites aussi que vous n'étiez pas au courant de ce que faisait le Ministère et le gouvernement pour vous aider parce que vous étiez tenu au secret. Pourtant, vous tirez une conclusion tout à fait négative sur ce qui a été fait et ce qui n'a pas été fait.
Je voudrais savoir si vous jugez aussi sévèrement le gouvernement du Royaume-Uni, qui a collaboré avec le gouvernement du Canada dans nos efforts pour obtenir votre libération et celle de vos collègues britanniques?
M. William Sampson: Personnellement, je sais beaucoup de choses sur ce que le ministère des Affaires étrangères d'ici a fait en ma faveur.
Je n'aime pas vous contredire, mais je vais le faire.
En premier lieu, quand j'étais en Arabie saoudite, les représentants de votre ambassade ont affirmé à bien des reprises que j'étais coupable. Or, si vous agissiez en vous fondant sur la présomption de mon innocence, pourquoi est-ce que les fonctionnaires de l'ambassade à Riyad disaient le contraire? Ils ont affirmé ma culpabilité à mon père lorsqu'il était là, et compte tenu de ce qu'ils m'ont dit à moi, c'est-à-dire « puisque vous êtes coupable », ils tenaient à ce que je sache que telle était bien leur conviction. C'est tout au moins ainsi que m'a parlé l'un de vos fonctionnaires. Un autre a dit : « Vu de ce que vous avez fait, vous devez collaborer pleinement avec les autorités ».
Depuis que je suis sorti de prison, on m'a appris ce que vos fonctionnaires ont dit à ma famille, ce qui contredit tout à fait vos affirmations, d'après lesquelles vous l'avez tous appuyée pendant mon incarcération. En fait, l'un des employés de l'ambassade a déclaré à mon père que j'étais coupable. De plus, lorsque mon père a demandé au ministère, plus précisément à M. Gar Pardy, de s'expliquer, on ne lui a répondu que du baratin.
Une voix : Des quoi?
¿ (0940)
M. William Sampson: Du baratin—des balivernes.
Par conséquent, affirmer que votre ministère m'a soutenu sans réserves pendant toute cette histoire est franchement absurde. Peut-être l'avez-vous fait une fois que vous êtes rendu compte de l'extrême gravité de la situation, mais alors, cela faisait un an que j'étais en prison et j'étais déjà condamné à mort.
Mme Aileen Carroll: Monsieur Sampson...
M. William Sampson: Pendant cette même période, les accusés qui faisaient affaire avec l'ambassade de Grande-Bretagne recevaient toutes les marques possibles d'appui de leur gouvernement et l'assurance qu'à ses yeux, ils étaient innocents. En revanche, mon représentant à l'ambassade me disait que j'étais coupable.
Le président: Mme Carroll, votre temps de parole est écoulé.
Nous allons maintenant passer à Mme McDonough.
Mme Alexa McDonough: Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur Sampson, personne d'entre nous ne peut vraiment comprendre combien éprouvants pour vous ont dû être ces 31 mois d'incarcération dans les conditions que vous avez décrites. Nous pouvons seulement nous efforcer d'imaginer la gravité du choc que vous avez subi et tout le temps qu'il vous faudra pour vous en remettre...
¿ (0945)
M. William Sampson: Oui, ce n'était pas la colonie de vacances.
Mme Alexa McDonough: ... sur les plans physique, psychologique et émotif.
J'aimerais maintenant aborder encore la question de la puissance discrète. Sans vouloir répéter ce que plusieurs ont déjà dit, tous les parlementaires doivent faire face à cette difficulté, surtout ceux de l'opposition, mais aussi ceux du parti gouvernemental. Il s'agit de trouver la stratégie la plus avantageuse à mettre en oeuvre face à des conditions aussi terribles.
Personne ici ne vous cherche querelle. Il serait déplacé de vous recevoir ainsi au lieu de vous écouter, pour tirer des enseignements. Cela dit, sans vouloir abuser de l'amabilité de votre père, j'aimerais lui poser une question. Dans ce genre de situation, lorsque les députés de l'opposition tentent d'exercer des pressions sur le gouvernement, dans l'espoir qu'il s'agisse au mieux, il y a souvent des menaces de faites, et parfois de façon assez directe. On nous dira que notre recherche de couverture médiatique et que nos pressions risquent de causer la mort de la personne en cause, d'entraîner des tortures encore plus graves ou de nuire à d'autres prisonniers et le reste.
Pour ma part, si le gouvernement a véritablement conçu une stratégie quelconque de diplomatie discrète, j'ai toujours été assez perplexe et mécontente du fait qu'il ne tient pas les autres parlementaires au courant, même pas sur une base confidentielle. Et qui plus est, et c'est ici que je m'adresse à M. Sampson père, pourquoi est-ce que le gouvernement ne renseigne pas mieux la famille au sujet de cette stratégie, afin qu'elle et les autres membres de la famille, les amis, les membres de la société civile et les parlementaires puissent travailler de concert efficacement et obtiennent ainsi des résultats favorables?
Monsieur Sampson, vu ce qui vous est arrivé, j'aimerais que vous nous fassiez quelques remarques là-dessus ou que vous nous donniez quelques conseils.
M. James Sampson (À titre individuel): Eh bien, si le gouvernement tenait à faire bonne impression sur quelqu'un dans ma situation, il l'aurait traité avec un peu plus de courtoisie qu'il l'a fait.
Je suis venu de Vancouver, je suis resté deux nuits à l'hôtel à Ottawa et me suis rendu au ministère des Affaires étrangères, où j'ai rencontré M. Gar Pardy. Il tenait surtout à me parler des efforts héroïques qu'il avait faits pour retrouver un avion français abattu pendant la guerre du Vietnam. Il a ensuite fait venir deux jeunes hommes pour me voir. Ils étaient très jeunes et avaient de la difficulté à contenir leurs petits rires lorsqu'on m'ont été présentés comme des personnages très importants, les adjoints de John Manley ou je ne sais qui d'autre. Ensuite, il m'a amené déjeuner et a tenté de m'amadouer en me faisant boire. Il n'a pas essayé de me rassurer. Il a dit : « Oh, nous sommes très actifs », mais il n'a pas dit en quoi consistaient les efforts mentionnés.
Lorsque j'ai posé une question importante à Gar Pardy, à savoir pourquoi Jean Gobeil m'avait dit que c'était comme les Hell's Angels à Montréal, que chacun luttait pour protéger son territoire, il ne m'a pas répondu. Et quand je lui ai envoyé un courriel, il m'a simplement répondu ainsi : «James : certaines questions exigent une réponse; d'autres, qui sont fondées sur des malentendus ou des assertions inexactes, non». Eh bien, il n'y avait eu ni malentendu ni assertion inexacte de ma part. C'est ainsi que j'ai été traité.
Mme Carroll a affirmé que le gouvernement m'a aidé. J'aimerais bien savoir quand et en quoi. Je me suis rendu en Arabie saoudite. Le gouvernement avait réservé une chambre d'hôtel à mon intention, que j'ai payée moi-même, comme j'ai assumé tous les autres frais. J'ai subvenu à mes besoins pendant toute la durée de mon séjour là-bas. À la fin de la détention de Bill, j'y suis retourné. J'avais entendu dire que l'ambassade de Grande-Bretagne était venue en aide aux familles qui s'étaient rendues là, je l'ai donc jointe par téléphone afin de demander si on pouvait m'héberger. On m'a répondu oui, bien sûr. L'ambassade du Canada ne pouvait pas. L'un de ses employés bien offert de me trouver un endroit à l'ambassade même lors de mon premier voyage, mais juste avant mon départ, on m'a dit qu'il n'était plus disponible.
Le gouvernement canadien n'a rien fait pour moi.
Le président: Désolé, madame McDonough, mais votre temps de parole est écoulé.
Nous allons maintenant passer à M. Harvard.
M. John Harvard (Charleswood—St. James—Assiniboia, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.
Monsieur Sampson, je vous remercie d'être venu nous dire ce que vous avez vécu. Rien de ce que nous pourrions vous dire aujourd'hui ne saurait diminuer le moindrement toutes les souffrances que vous avez dû endurer pendant votre épreuve. J'aimerais cependant pouvoir tirer quelques leçons de votre présence ici, et c'est dans cet esprit que je poserai mes questions.
Ce que j'aimerais apprendre de vous, monsieur Sampson, c'est comment on peut atteindre certains objectifs. Comment le gouvernement peut-il s'y prendre pour obtenir votre libération, pour vous aider d'une manière quelconque, pour vous fournir les services d'un avocat... Comment faire lorsque vous êtes emprisonné en isolement?
Vous affirmez que le gouvernement aurait dû essayer d'en faire plus, qu'il aurait dû vous appuyer davantage. Je crois que vous nous avez comparés aux Britanniques en affirmant que ces derniers étaient plus enclins à utiliser le bâton.
J'aimerais donc que vous m'aidiez, que vous me fassiez comprendre la situation. Vous savez par quoi vous êtes passé. Mettez-vous maintenant à la place de Bill Graham ou du chef de mission à Riyadh. Qu'auraient-ils pu faire qu'ils n'ont pas fait d'après vous? Montrez-le moi. Ainsi, par exemple, qu'auraient-ils pu faire pour vous obtenir les services d'un avocat beaucoup plus tôt?
M. William Sampson: Ils auraient dû protester énergiquement et publiquement contre le fait qu'on bafouait mes droits en tant qu'être humain. Ils auraient dû faire ressortir l'hypocrisie et la duplicité du gouvernement d'Arabie saoudite, qui est signataire de traités internationaux, en vertu desquels un gouvernement étranger a le droit de rencontrer ses citoyens incarcérés. Ils ne l'ont pas fait publiquement et ils auraient dû le faire.
¿ (0950)
M. John Harvard: Autrement dit, d'après vous, dans ce genre de situations, notre gouvernement devrait alerter l'opinion publique.
M. William Sampson: Il devrait faire connaître ce genre de situations à des instances qui réussiront à exercer des pressions sur le gouvernement en question, que ce soit aux Nations Unies, à l'OMC ou ailleurs.
M. John Harvard: Est-ce qu'il s'agit de la manière forte, ou bien...
M. William Sampson: En partie. Des pays comme l'Arabie saoudite n'aiment pas que les projecteurs de l'actualité soient braqués sur eux de cette façon.
Et même si cela risque de les irriter, avant même que vous ayez réussi à les irriter, j'étais condamné à mort, Madame, j'attendais ma mort, et je l'attendais depuis plus de deux ans. Donc, si vous aviez dénoncé publiquement cette situation, cela n'aurait en rien aggravé ma situation.
M. John Harvard: Qu'ont fait les Britanniques que nous n'avons pas fait? Qu'est-ce qu'ils on fait de mieux que nous?
M. William Sampson: Ils ont réussi à nous faire sortir.
M. John Harvard: Comment? Comment s'y sont-ils pris?
M. William Sampson: Entre autres, ils ont utilisé des pressions économiques.
M. John Harvard: Pouvez-vous m'en donner un exemple? Qu'entendez-vous par des pressions économiques? Ont-ils annulé un contrat? J'aimerais simplement le savoir.
Des voix : Oh, oh!
Le président: Monsieur Harvard, laissez répondre le témoin.
M. William Sampson: Ils ont utilisé leur influence politique, qui est beaucoup plus forte auprès des Saoudiens que celle du Canada; ils ont utilisé de façon plus efficace leur position économique en Arabie saoudite et enfin, on sait très bien que lors de certains incidents, le gouvernement britannique a traité de façon beaucoup plus ferme avec les Saoudiens dans les coulisses.
Il ne fait aucun doute que les fonctionnaires de l'ambassade de Grande-Bretagne se sont beaucoup mieux comportés envers leurs ressortissants emprisonnés que tous ceux de l'ambassade du Canada à qui j'ai eu affaire pendant ma détention en Arabie saoudite. C'est entre autres pour cela que j'ai mis fin à toute forme de collaboration avec le gouvernement canadien, que j'ai fait la grève et que je me suis battu seul.
Je l'ai fait à cause du comportement des représentants de l'ambassade du Canada. Je l'ai fait aussi parce que le personnel canadien répétait constamment qu'il me croyait coupable et parce que mes rapports avec le gouvernement canadien étaient plus difficiles qu'avec le gouvernement de l'Arabie saoudite. Avec les Saoudiens, mon sort était clair : ils m'avaient condamné à mort et allaient me donner en spectacle. Ils allaient transformer ma situation en un spectacle de grand guignol pour servir leurs fins politiques, et ils m'auraient fort probablement exécuté.
Au lieu de me sentir épaulé, j'ai vu des fonctionnaires d'ambassade tout à fait disposés à collaborer à cette mise en scène. C'était tout à fait le contraire du comportement des gens de l'ambassade de Grande-Bretagne envers les prisonniers britanniques, ce qui était nettement meilleur pour leur moral. Les Britanniques n'avaient pas à se battre seuls.
Le président: Nous allons maintenant passer à M. Obhrai, à qui je demanderais de bien vouloir poser ses questions sans préambule.
M. Deepak Obhrai (Calgary-Est, Alliance canadienne): Je vous remercie d'être parmi nous aujourd'hui.
Monsieur le président, membres du comité et mesdames et messieurs, nous avons été saisis de quatre cas graves : le cas Kazemi, hier, le cas de M. Arar, le cas de M.Balfour et enfin celui de M. William Sampson, et tous mettent en lumière de sérieuses lacunes dans la façon dont le Canada s'acquitte de ses responsabilités envers ses citoyens emprisonnés à l'étranger, ce qui est le sujet de notre étude.
Ce que M. Sampson nous a dit a de quoi nous préoccuper sérieusement, et j'espère que le comité ne ménagera aucun effort pour obliger le gouvernement à rendre des comptes lorsque les droits de nos citoyens sont en jeu.
J'aimerais poser la question suivante à M. Sampson. Il y a neuf milles Canadiens qui vivent en Arabie saoudite et il y a des gens qui s'y rendent souvent. Vous avez expliqué assez clairement l'absence de transparence du système judiciaire de ce pays. Compte tenu de votre expérience, et du grand nombre de Canadiens en Arabie saoudite, que diriez-vous à notre ministère, à notre gouvernement ou à nous en tant que membres de ce comité afin qu'aucun autre Canadien ne soit obligé de subir ce qui vous est arrivé?
M. William Sampson: Il est impossible de garantir que d'autres citoyens canadiens dans quelque pays que ce soit, qu'il s'agisse de l'Arabie saoudite ou d'un autre. Les régimes despotiques, dépourvus de mécanismes adéquats pour assurer la transparence judiciaire, et qui ne respectent pas les droits de la personne vont constamment bafouer les droits de leurs propres citoyens et des étrangers qui vivent dans leur pays.
Le seul conseil que je peux donner au gouvernement du Canada est de recommander aux Canadiens qui travaillent et vivent en Arabie saoudite de limiter leur séjour dans ce pays et de limiter au minimum le nombre de membres de leurs familles qui vivent en Arabie saoudite en ce moment.
Ces dernières semaines, la situation politique est devenue beaucoup plus instable en Arabie saoudite. Il y a constamment des avertissements d'actions terroristes, certainement depuis les attentats suicides du 12 mai dernier. Dans ce genre de situations, où les Occidentaux sont des cibles directes, les Canadiens le sont donc eux aussi, et le gouvernement du Canada devrait mettre en garde ses citoyens, leur recommander d'écourter le plus possible leur séjour dans ce royaume ou pour les besoins de leur travail et de ne pas y amener leurs familles. Voilà ce que je dirais en premier.
En second lieu, il faudrait que le gouvernement du Canada dise publiquement qu'il dénoncera dans toutes les tribunes publiques à sa disposition vigoureusement, toute violation future des droits humains et juridiques de ses citoyens de la part d'un régime comme celui de l'Arabie saoudite.
¿ (0955)
Le président: Je vous remercie.
Je laisserai madame Redman poser une question.
Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Je vous remercie, monsieur Sampson. L'ensemble des Canadiens et ceux qui entendront votre histoire ne pourront qu'être répugnés par ce que vous avez dû subir.
Vous avez dit que la présomption de culpabilité ou d'innocence avait eu énormément d'effets sur vous psychologiquement, et que d'après vous, elle a même contribué à la façon dont on vous a traité. Je dirais que votre culpabilité ou votre innocence ne devrait aucunement influer sur la façon dont le gouvernement vous appuie. Je peux comprendre que sur le plan personnel, cette présomption de culpabilité a dû être lourde et humiliante à porter, mais cela n'a absolument rien à voir avec la façon dont nous vous appuyons.
Vous considérez qu'il y a lieu de tenir une enquête, et vous avez aussi parlé de mesures de redressement. Pouvez-vous nous indiquer les conditions auxquelles il faudrait satisfaire pour qu'une enquête soit acceptable à vos yeux et le genre de redressement que vous cherchez à obtenir.
M. William Sampson: Une enquête rigoureuse... Pour ma part, je n'ai jamais participé à une enquête gouvernementale, mais elle devrait entre autres, comporter l'étude de chacun des dossiers portant sur mon cas, et sur les autres cas de cette nature où le ministère des Affaires étrangères ne s'est pas montré à la hauteur et ce, quelle que soit la cote de sécurité de ces dossiers. Il y a certainement eu d'autres cas à part le mien récemment.
Comme je l'ai déjà dit, je ne peux pas me prononcer sur le fond de ces autres affaires, mais il me semble qu'en raison des agissements répétés du ministère des Affaires étrangères est connu pour avoir fauter plus d'une fois et cela exige une enquête immédiate s'impose, de même que l'interrogation immédiate de tous les agents du service étranger concernés, de tous les fonctionnaires et de tout le personnel des communications. Il faudrait aussi qu'on étudie toutes les mesures prises afin de voir où on a commis des erreurs, pourquoi elles on été commises et ce que l'on peut faire pour les corriger.
Dans bien des cas, il s'agit peut-être d'un simple manque de communication entre ministères. Dans d'autre, les manquements sont peut-être beaucoup plus graves que cela et exigent des correctifs.
Le président: Je vous remercie.
Nous allons donner la parole à M. McTeague. C'est lui qui posera la dernière question.
M. Dan McTeague (Pickering—Ajax—Uxbridge): Merci, monsieur le président.
Je vous remercie de votre indulgence et je remercie tous les membres du comité de me permettre d'intervenir. On sait sans doute que je ne suis pas membre de ce comité.
Monsieur Sampson, c'est un véritable privilège et un honneur de vous accueillir ici aujourd'hui. Nous espérons que vous et à votre famille obtiendrez satisfaction, et nous tenons aussi à féliciter M. James Sampson de sa ténacité dans des circonstances très éprouvants.
Vous vous souviendrez sans doute que nous avons tenté d'envoyer une lettre, dont le contenu garantissait que vous ne seriez pas exécuté. M. Justin Rodway, le fils de l'homme qu'on vous a accusé d'avoir assassiné avait aimablement remis une lettre qui permettait non seulement qu'on vous relâche, mais qui garantissait aussi qu'on vous laisserait la vie sauve.
Je dois préciser aussi que pendant cette période, qui s'étend sur quelques mois, nous nous sommes efforcés d'aller en Arabie saoudite pour remettre la lettre en mains propres aux autorités saoudiennes. Les fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères à Ottawa nous ont dit que le moyen le plus efficace de faire parvenir la missive était de passer par des avocats, c'est-à-dire les deux avocats qui vous représentaient et à ceux qui se tiraient fort bien de ce genre d'échanges.
Monsieur Sampson, avez-vous rencontré M. Rodway depuis ce temps là? Pouvez-vous aussi nous dire quel genre de services les avocats d'Arabie saoudite vous ont offerts?
M. William Sampson: Premièrement, je n'ai pas rencontré Justin Rodway, mais je lui ai parlé et je l'ai remercié. Nous avons eu une longue conversation sur la question; il en a profité pour répéter qu'il était persuadé de mon innocence et de l'innocence de tous les autres accusés, non seulement par rapport à l'attentat à la bombe qui avait tué son père, mais par rapport à tous les autres attentats.
Pour ce qui est des avocats qui m'ont représenté en Arabie saoudite, il m'est difficile de me prononcer sur la qualité de leur travail, étant donné que dans leur pays le système judiciaire n'est absolument pas transparent. On ignore donc si les avocats qui s'occupent de nous sont efficaces, parce qu'on ne fait pas confiance au système juridique dans un tel pays. Par conséquent, on pourra toujours disposer des services de gens très compétents, mais qui ne sont peut-être pas en mesure de faire grand-chose pour vous en raison de la corruption de l'état de droit dans un système de pouvoir absolu.
À (1000)
Le président: Merci, Monsieur McTeague.
Il y a d'autres personnes qui désirent poser des questions. Si vous le permettez, nous allons prendre cinq minutes de plus.
Je demanderais à Mme Lalonde, à M. Martin, et à M. Cotler de poser une brève question de trente secondes, sans préambule. M. Sampson, vous pourrez répondre en bloc une fois que toutes les questions auront été posées.
Allez-y, madame Lalonde.
[Français]
Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur Sampson, pensez-vous que le Canada devrait demander compensation à l'Arabie saoudite pour ce à travers quoi vous êtes passé?
[Traduction]
Le président: Monsieur Martin.
M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Alliance canadienne): Monsieur Sampson, pourriez-vous nous donner le nom des personnes qui sont actuellement incarcérées en Arabie saoudite et leur nationalité, ainsi que ceux des employés du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international et de l'ambassade canadienne en Arabie saoudite qui ne vous sont pas venus en aide, selon vous et votre père? Si vous pouviez donner ces noms au comité, nous vous en serions reconnaissants.
Merci.
Le président: Merci, Monsieur Martin.
Monsieur Cotler.
M. Irwin Cotler (Mont-Royal, Lib.): Monsieur Sampson, vous avez indiqué que pendant les six premières semaines de votre incarcération, vous n'avez pu consulter un avocat—cette démarche aurait-elle porté fruit?—et que vous avez été torturé. De votre côté, avez-vous essayé d'entrer en contact avec des représentants de l'ambassade canadienne, et ont-ils, de leur côté, tenté de communiquer avec vous?
Le président: Monsieur Sampson.
M. William Sampson: Je répondrai à votre question par une question. Pensez-vous qu'il soit possible d'entrer en contact avec qui que ce soit quand on croupit au fond d'un donjon?
M. Irwin Cotler: Savez-vous si les autorités étaient au courant de votre situation à cette époque?
M. James Sampson: Oui,
J'essayais de contacter Bill. J'ai tenté de l'appeler chez lui et, au bout d'un moment, je l'ai appelé au bureau. J'ai appelé deux fois, en vain. Finalement, la troisième fois, après que mon appel ait été transféré plusieurs fois, quelqu'un —j'ai oublié son nom—m'a dit que Bill avait été arrêté. Quelques jours après l'arrestation de Bill, il avait informé l'ambassade canadienne de la situation. Je dirais donc que l'ambassade a été mise au courant cinq ou six jours après l'arrestation. Le personnel de l'ambassade était au courant.
Quand j'ai moi-même appeler l'ambassade pour savoir pourquoi on avait pas annoncé la nouvelle à son père, la personne à l'autre bout du fil a marmonné quelque chose au sujet de la Loi sur la protection des renseignements personnels.
M. William Sampson: Puis-je enchaîner là-dessus?
Le jour de mon arrestation, à savoir le 17 décembre, M. Alexander Mitchell a également été arrêté et l'ambassade britannique en a été alertée quelques heures plus tard.
Je sais maintenant que j'avais des amis en Arabie saoudite qui étaient au courant de mon arrestation. Malheureusement, mon père ne savait pas à l'époque qu'il aurait pu les contacter, mais je sais qu'ils étaient au courant de mon arrestation et qu'ils ont commencé à se mobiliser 24 heures après l'événement.
Je suis convaincu qu'il y avait au moins une personne à l'ambassade qui a eu vent de mon arrestation trois ou quatre jours après mon interpellation dans les rues de Riyad.
M. Irwin Cotler: Vous n'avez eu aucun contact avec les représentants de l'ambassade pendant ces six premières semaines?
M. William Sampson: Je n'ai vu aucun représentant de l'ambassade pendant ces six semaines.
Le président: Passons aux autres réponses s'il vous plaît.
M. William Sampson: Pour ce qui est des noms des personnes qui sont emprisonnées en Arabie saoudite, j'ai, ou j'avais plutôt,une liste d'un certain nombre de personnes. Je ne sais pas si elle est encore à jour... cela remonte à trois ans déjà. D'après ce qu'on a pu constater par le passé, je suis convaincu qu'il y a un grand nombre de personnes qui sont emprisonnées là-bas. Amnistie internationale en sait sans doute plus que moi à ce sujet.
J'ai entendu les cris des autres prisonniers qui étaient torturés, pas seulement ceux de mes co-accusés, mais aussi des autres étrangers qui étaient emprisonnés et torturés. Leurs cris se faisaient entendre toute la nuit. Les séances de torture au centre d'interrogation où j'étais détenu étaient interminables et se déroulaient 24 heures sur 24. Entre les séances de torture, on nous mettait debout, sans qu'on ait pu dormir, et on nous enchaînait à une porte, et on entendait les cris des autres.
Pour ce qui est des noms des représentants de l'ambassade, ils vous seront donnés en temps voulu. Quant à l'indemnisation, je pense effectivement que le gouvernement saoudien devrait indemniser tous ceux qui ont été faussement emprisonnés, condamnés à tort et torturés. J'ignore si nous serons indemnisés un jour. C'est mon avocat, M. Geoffrey Bindman qui s'occupe actuellement de cette question.
Quelle aide le gouvernement canadien peut-il fournir? Pour l'instant, je l'ignore.
À (1005)
M. Irwin Cotler: Merci, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup, messieurs, d'avoir témoigné aujourd'hui.
Nous avons pris acte de vos recommandations spécifiques, comme l'a mentionné M. Harvard, au niveau le plus haut. L'Enseignement que nous avons tiré de cette expérience nous permettra de faire face à des situations comme la vôtre plus efficacement à l'avenir.
Bon courage pour vos traitement médicaux, M. Sampson, et merci encore d'avoir accepté de nous rencontrer ce matin.
Nous allons lever la séance pendant quelques minutes.
À (1006)
À (1019)
Le président: À l'ordre, je vous prie.
Vous avez entre les mains le rapport du Comité permanent des Affaires étrangères et du commerce international. Ce rapport traite des relations économiques entre les pays de l'Asie-Pacifique et le Canada.
Monsieur Eyking, s'il vous plaît.
M. Mark Eyking (Sydney—Victoria, Lib.): Merci, monsieur le président.
C'est le premier rapport que je dépose. Tout d'abord, je tiens à féliciter les membres du comité de leur travail et de leur dévouement. Cela fait quelques semaines que nous travaillons à ce rapport et nous l'avons peaufiné jusqu'à hier soir. Je voudrais donc déposer ce rapport pour qu'il soit adopté par le comité. Il porte sur les relations économiques entre notre pays et les pays d'Asie-Pacifique.
Le président: Merci.
J'ai une motion proposant que le rapport soit adopté en tant que rapport à la Chambre et que le président ou une personne qu'il désignera présente ce rapport à la Chambre.
Que, conformément à l'article 109 du Règlement, le comité prie le gouvernement de déposer une réponse globale à ce rapport. |
Que le président soit autorisé à apporter à la forme du rapport les changements rédactionnels jugés nécessaires, sans en altérer le fond. |
Que, conformément à l'alinéa 108(1)a) du Règlement, le comité autorise l'impression des opinions dissidentes ou complémentaires en annexe à ce rapport, immédiatement après la signature du président et que lesdites opinions soient envoyées au greffier du comité, par courrier électronique, dans les deux langues officielles au plus tard à 20 heures le jeudi 6 novembre 2003. |
Que, conformément à l'article 109 du Règlement, le comité prie le gouvernement de déposer une réponse globale à ce rapport. |
Que le président soit autorisé à apporter à la forme du rapport les changements rédactionnels jugés nécessaires, sans en altérer le fond. |
Une voix : Je le propose.
(La motion est adoptée)
À (1020)
M. Art Eggleton: Monsieur le président, collègues, quand j'étais ministre de la Défense, je m'étais occupé de la mission des Nations Unies en Éthiopie et en Érythrée (la MINUÉE). J'avais visité les deux pays et recommandé au gouvernement que le Canada envoie des forces de maintien de la paix dans ces pays, ce que nous avons fait, je pense plus de 450 militaires, dans le cadre de l'opération initiale de maintien de la paix. Nous avions participé à cette opération avec la Hollande pour aider à établir la base d'un règlement entre les parties en conflit.
Ces parties, c'est-à-dire les deux pays déjà mentionnés, avaient conclu un accord de paix global le 12 décembre 2000 à Alger. Cet accord global comprenait un article qui créait la Commission du tracé de la frontière Érythrée-Éthiopie vu que l'emplacement exact de la frontière était la question en litige. L'article 4.2 de l'accord stipulait que cette commission démarquerait la partie litigieuse de cette frontière.
Dans l'accord d'Alger, les deux pays avaient accepté d'être liés par la décision de la commission et d'accepter ses recommandations, mais quand cette commission a enfin formulé ses recommandations, l'une des parties les a acceptées, en l'occurrence l'Érythrée, mais l'autre pays ne les a pas acceptées, en grande mesure, apparemment, parce que la commission avait recommandé qu'une ville disputée, Badme, fasse partie de l'Érythrée.
Depuis, plusieurs incidents ont eu lieu parce que l'Éthiopie n'a pas accepté les recommandations de la commission, malgré les encouragements en ce sens du Secrétaire général des Nations Unies. Un certain nombre d'incidents ont eu lieu et des membres de la milice éthiopienne ont même pointé leurs armes sur les patrouilleurs des Nations Unies. Ces tensions augurent mal pour le maintien de la paix, monsieur le président et membres du comité.
Après avoir envoyé des militaires dans cette région et après la conclusion d'un accord de paix, il serait vraiment malheureux que la situation dégénère à nouveau en conflit ouvert.
Si vous jetez un coup d'oeil aux quatre derniers paragraphes, vous verrez que je demande au gouvernement du Canada d'intensifier ses pressions auprès du gouvernement de l'Éthiopie pour qu'il accepte l'intégralité des recommandations de la commission sur le tracé de la frontière, y compris sa décision à l'égard de la ville de Badme.
Je propose aussi que le gouvernement du Canada adopte la méthode du bâton et de la carotte, ou du pouvoir dur et du pouvoir doux. Même si je ne trouve pas ces expressions vraiment appropriées, il s'agit peut-être dans une certaine mesure de la méthode du bâton et de la carotte. Ce que je propose, c'est que le gouvernement du Canada signifie on ne peut plus clairement au gouvernement de l'Éthiopie que la coopération future du Canada, y compris son aide au développement, dépendra largement de la mesure dans laquelle l'Éthiopie obtempérera aux recommandations de la commission sur le tracé de la frontière.
Le Congrès des États-Unis a pris des mesures semblables. Si je ne m'abuse, le sénateur Hillary Clinton a été l'un des auteurs de cette proposition. Nous ne fournissons certes pas la même aide au développement à l'Éthiopie que les États-Unis, mais je pense qu'en optant pour la méthode du bâton nous montrerons que nous sommes sérieux.
Le suivant traite de la méthode de la carotte. Il s'agit pour le gouvernement du Canada d'offrir des incitatifs, sous forme d'aide au développement ou d'aide sous d'autres formes, aux gouvernements de l'Éthiopie et de l'Érythrée pour qu'ils respectent leurs obligations aux termes de l'accord de paix global signé à Alger, surtout en ce qui concerne les recommandations de la commission sur le tracé de la frontière.
L'Union européenne a déjà proposé de fournir une certaine aide au développement. L'Union européenne considère que la ville de Badme n'est pas en très bon état et que nous pourrions contribuer à l'améliorer. Il pourrait y avoir une ville de Badme du côté de l'Éthiopie et une autre du côté de l'Érythrée pour permettre à ceux qui le veulent habiter dans cette région et nous pourrions aussi construire une bien meilleure ville de Badme, une nouvelle ville du côté de l'Éthiopie et améliorer celle qui se trouve du côté de l'Érythrée étant donné que la commission considère à juste titre que Badme appartient à ce pays.
Je pense que nous devrions participer à cet effort. C'est pourquoi je propose cette motion pour faire progresser la situation et éviter la reprise des hostilités. Comme nos militaires sont déjà allés dans cette région, ce serait vraiment malheureux que cela se produise et c'est pour quoi je propose cette motion.
À (1025)
Le président: Très bien.
M. Martin aimerait prendre la parole. Il sera suivi de M. Harvey et de Mme Lalonde.
Monsieur Martin.
M. Keith Martin: Nous savons tous que les tensions entre l'Érythrée et l'Éthiopie ont dans le passé provoqué la mort de centaines de milliers de personnes. Je félicite M. Eggleton d'avoir présenté cette motion.
Je suis en contact avec des représentants des Éthiopiens et des Érythréens. Comme l'a signalé M. Eggleton, la situation est déjà dangereuse et ne fait que s'aggraver. Je crois pouvoir dire que nous craignons que les hostilités ne reprennent. Nous ignorons quelle sera l'issue, mais il ne fait aucun doute qu'il en résultera encore une fois de trop nombreux décès, et ce, pour un bout de territoire et non pas, soyons honnêtes, pour des ressources.
Comme l'a dit M. Eggleton, le conflit porte sur la frontière. Il n'y a pas de pétrole, il n'y a pas d'or, il n'y a pas de bois de sciage, pour autant que je sache. Il serait tragique que les hostilités reprennent.
Toutes les pressions que nous pourrons exercer et tous les efforts que nous pourrons déployer pour prévenir la reprise des hostilités seraient bienvenus.
J'appuie sans réserve la motion de M. Eggleton.
Le président: Merci, monsieur Martin.
Monsieur Harvey, vous avez la parole.
[Français]
M. André Harvey (Chicoutimi—Le Fjord, Lib.): Monsieur le président, je remercie mon collègue de sa proposition.
Il s'agit en effet d'un problème qui est très, très grave. À mon avis, il ne faudrait pas qu'à cause de cette résolution, les plus pauvres souffrent encore plus. La pauvreté dans ces pays est déjà assez grave à l'heure actuelle. Il me semble qu'il y aurait lieu de faire des pressions pour trouver une solution politique à ce conflit, sans nécessairement remettre en cause l'aide au développement qu'ils reçoivent et qui se fait en collaboration avec plusieurs pays. L'Éthiopie fait évidemment partie du groupe de pays qui sont les plus susceptibles de bénéficier de notre aide.
Je suis d'accord avec une grande partie de la résolution. Par contre, dans la proposition, il est écrit ceci:
Propose que le gouvernement du Canada signifie on ne peut plus clairement au gouvernement de l'Éthiopie que la coopération future du Canada, y compris son aide au développement... |
Je trouve cela difficilement acceptable parce qu'on ne peut pas délibérément menacer de suspendre notre aide aux plus démunis pour exercer des pressions sur le gouvernement. Cet aspect me déplaît, y compris ce qui se rapporte à notre aide au développement.
Je pense qu'on fait partie des organismes internationaux qui apportent de l'aide sur place. On les menace de couper totalement l'aide aux enfants et aux mères de famille, aux gens qui ont le plus de difficulté sur la planète. J'ai de la difficulté à accepter cet aspect, monsieur le président.
Il faut faire des pressions politiques, en collaboration avec les autres pays, s'il y a lieu. Je trouve toutefois un peu difficile d'aller jusqu'à suspendre notre aide humanitaire. C'est le commentaire que je voulais faire.
Le président: Merci, monsieur Harvey.
Madame Lalonde, vous avez la parole.
Mme Francine Lalonde: Monsieur le président, je suis contente que M. Eggleton ait fait cette proposition, parce que je voulais revenir sur ça. On n'a pas d'autre choix que celui d'utiliser la menace. Pourquoi la menace? Pour leur demander de se conformer à une décision des Nations Unies qu'ils s'étaient engagés à accepter une fois qu'elle serait prise. C'est sur cela qu'ils s'étaient entendus. Il y a un traité, un accord qui a été signé sur l'établissement des frontières.
Il ne faut pas oublier que, si l'Éthiopie est dans l'état de pauvreté dans lequel elle est, c'est largement dû à la guerre et à cette guerre de frontières. L'Éthiopie a déjà été un pays prospère. Il me semble que, dans ce cas-là, on ne peut qu'être d'accord sur la proposition. Ce n'est pas un cas où il y a encore un conflit en cours qu'il faut régler. Le conflit est réglé suivant le mode qui avait été décidé et que l'Éthiopie avait accepté.
Je ne comprendrais pas qu'on ne fasse pas ce que dit M. Eggleton. Je sais que la Suède l'a déjà fait. Si tous les pays qui aident font la même chose, il me semble que cela exerce une pression. Il y a 100 000 personnes qui sont mortes dans ces pays extrêmement pauvres. Il me semble qu'il faut exercer sur le gouvernement la seule pression qu'on puisse exercer. On vient de se faire expliquer la difficulté qu'il y a à utiliser la pression, mais il me semble que, dans ce cas-là, il le faut.
D'abord, j'ai de petites questions sur la traduction. Je vois des mots qui n'existent pas en français. Par exemple, dans le cinquième attendu, on parle du « caractère controversable ». « Conscient du caractère controversé » serait correct. Je demande donc une révision du français.
Mais ma vraie question porte sur le paragraphe qui suit votre proposition, monsieur Eggleton: « Suggère que le gouvernement du Canada offre des incitatifs, sous forme d'aide au développement... ». Est-ce que ce sont des incitatifs pour qu'ils se conforment à la décision ou des incitatifs qu'on appliquera une fois qu'ils s'y seront conformés?
Il me semble aussi que le paragraphe en dessous de la proposition contredit...
À (1030)
Mme Diane Marleau (Sudbury, Lib.): On a écrit en anglais: « if they live up to their obligations ». C'est la traduction.
Mme Francine Lalonde: Maudite traduction! Excusez-moi, monsieur le président. Je ne sais pas comment ils traduisent cela.
Finalement, j'aurais une dernière question. Je lis: « Il est ordonné - Que le président du Comité soumette le texte de la présente motion au ministre des Affaires étrangères pour qu'il y donne suite. » Pourquoi ne la soumet-il pas au Parlement? De toute façon, la ministre Whelan est concernée tout autant que le ministre des Affaires étrangères.
Le président: Sur votre dernier commentaire, madame Lalonde, je vous dirai que, si la motion est adoptée, je demanderai probablement à M. Eggleton que le président du comité puisse en faire rapport au Parlement.
[Traduction]
C'est ce que nous faisons habituellement. Ça va. D'accord?
[Français]
Mme Francine Lalonde: Oui, merci.
J'ai une question sur le texte. Ah non, c'est « if », et vous m'avez répondu. Donc, on va changer le texte en français.
Le président: Madame Lalonde, la traduction a été faite par M. Eggleton. Si la motion est adoptée, M. le greffier va s'assurer que la traduction soit faite de façon officielle.
Allez-y, monsieur Harvey.
M. André Harvey: Je voulais simplement dire qu'en effet, les menaces peuvent parfois avoir des conséquences heureuses, mais qu'il faut toujours les évaluer sur le plan des conséquences. Qu'est-ce qui arrivera si ces gens-là ne réagissent pas à nos menaces? Qui va en subir les conséquences? Ce sont encore les plus démunis de la terre qui vont en subir les conséquences.
C'est la remarque que je voulais faire. Cela me fait un peu de peine de voir qu'on inclut l'aide directe au développement en collaboration avec les organismes internationaux et le Programme alimentaire mondial. Mais je respecte le point de vue de mes collègues.
[Traduction]
Le président: J'ai une question pour vous, monsieur Harvey. Si nous supprimons
[Français]
« que la coopération future du Canada, y compris son aide au développement, »
[Traduction]
parce que cela signifie « toute forme de coopération future de la part du Canada », y compris, d'une certaine façon, l'aide au développement, seriez-vous prêt à adopter cette motion?
M. Art Eggleton: Vous voulez supprimer les mots « y compris son aide au développement »?
Le président: Oui, si M. Harvey est d'accord. Sinon, nous mettrons aux voix le libellé actuel.
Vous ne voulez pas? D'accord.
Monsieur Eggleton, je crois que vous voulez faire une dernière observation.
À (1035)
M. Art Eggleton: Pour répondre à la préoccupation qu'a soulevée M. Harvey, cela n'inclut pas l'aide humanitaire de base. Quand nous envisageons de retirer notre aide au développement, cela ne comprend jamais l'aide humanitaire de base. Nous continuerons de répondre aux besoins essentiels—nourriture, médicaments, ce genre de choses—qui seront pressants en cas de crise. Cela ne sera pas touché. Nous n'avons jamais retiré notre aide humanitaire de base. Il s'agit plutôt de l'aide au développement qui s'ajoute à cela.
J'espère que nous n'aurons pas à prendre cette mesure, mais nous devons parfois être sévères. Jusqu'à présent, nous n'avons pu les amener à respecter l'accord qu'ils ont signé. Voilà pourquoi je crois que nous devons être un peu plus durs.
Pour ce qui est de la deuxième partie de la demande de Mme Lalonde, si les parties sont prêtes à s'acquitter de leurs obligations, nous pourrions prévoir des incitatifs et les encourager à cet égard. Nous pourrions regarder ce que fait l'Union européenne et peut-être joindre nos efforts aux siens.
Pour ce qui est de s'adresser au Parlement, je n'y vois pas d'objection à condition que nous agissions. J'aurais cru qu'il serait préférable de s'adresser au ministre, mais je m'en remets à vous.
Le président: À moins que vous ayez des éléments nouveaux à apporter, monsieur Cotler et monsieur Martin, je mettrai fin à la discussion pour passer au vote.
M. Irwin Cotler: Je suggère au motionnaire qu'il supprime les mots « y compris son aide au développement », car cela s'applique de façon trop générale à tout effort futur de coopération. Ces efforts n'ont pas à être énumérés de façon précise, ils y sont inclus de façon générale. On pourrait interpréter ces mots de façon à y inclure l'aide humanitaire. Par conséquent, pour éviter toute interprétation qui aurait des conséquences négatives et pour maintenir l'intégrité de la motion, je suggère de supprimer ces termes.
Le président: D'accord.
Monsieur Martin, êtes-vous d'accord?
M. Keith Martin: La proposition de M. Cotler me paraît acceptable.
Le président: Voulez-vous présenter un amendement, monsieur Cotler?
M. Irwin Cotler: Oui.
Le président: Nous acceptons tous cet amendement qui supprime seulement les mots dont nous avons parlé?
[Français]
Oui, vous pouvez faire un dernier commentaire.
Mme Francine Lalonde: Pour être clairs, disons que les Nations Unies fournissent de l'aide multilatérale pour les besoins de base. C'est fourni par les Nations Unies. Qu'on soit d'accord ou non, elles vont là où il y a des conflits. Il est clair que cela se fait. Il y a le Programme alimentaire mondial, etc. Cela, c'est une chose.
Toutefois, le Canada ajoute à cela d'autres programmes de développement. À ce moment-là, il me semble que l'aide au développement devient quelque chose de très précis, qui est donné à des pays choisis. On n'en donne pas à tous. Si on laisse cette aide à l'Éthiopie, qui ne respecte pas une entente proposée par les Nations Unies qu'elle avait signée, il me semble que nous ne nous rendons pas service. Nous ne donnons pas un signal clair.
[Traduction]
Le président: Que ceux qui sont pour l'amendement proposé par M. Cotler l'indiquent?
(L'amendement est adopté)
Le président: Mme Lalonde n'est pas d'accord. Ça va, c'est bien.
[Français]
Mme Francine Lalonde: Monsieur le président, je trouve que nous devons être clairs après ce que nous venons d'entendre.
[Traduction]
Le président: Maintenant, je mets aux voix la motion.
(La motion modifiée est adoptée) [Voir les Procès-verbaux]
Le président: Maintenant, monsieur Eggleton, voulez-vous que nous adoptions une autre motion? Vous avez proposé que la motion constitue un rapport du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international et que ce rapport soit présenté à la Chambre des communes.
M. Art Eggleton: Cela s'ajoute à ma demande selon laquelle ce rapport devrait être présenté au ministre des Affaires étrangères?
Le président: Oui, c'est une autre motion.
Le greffier du comité: Monsieur le président, je crois que si vous présentez ce rapport à la Chambre, il ne vous sera pas nécessaire de l'envoyer au ministre aussi.
Le président: Si on présente ce rapport à la Chambre, il est certain que le ministre en sera saisi, mais il me semble préférable de le déposer à la Chambre.
M. Art Eggleton: Mais si le rapport est présenté à la Chambre ou s'il est tout simplement reçu, qu'est-ce que cela signifie?
Le président: C'est le ministre qui en sera saisi.
M. Art Eggleton: Très bien. Je m'en remets à vous.
Le président: Nous avons maintenant une deuxième motion présentée par M. Cotler.
À vous la parole, monsieur Cotler.
M. Irwin Cotler: Merci, monsieur le président.
Ma motion porte sur le sort d'un des plus éminents dissidents chinois, le Dr Wang Bingzhang, qui, après avoir été enlevé et emmené en Chine, a été traduit devant les tribunaux et reconnu coupable, sur la base de faux chefs d'accusation, de terrorisme et d'enlèvement, alors que c'est lui qui avait été victime d'enlèvement et de violence criminelle. La peine d'emprisonnement à vie qui lui a été infligée est la plus lourde qui ait jamais été imposée à un dissident.
Ce qu'il faut savoir, c'est que le Groupe de travail sur la détention arbitraire des Nations Unies, dans un geste tout à fait inhabituel, a étudié son cas et a déterminé non seulement que les accusations étaient sans fondement mais qu'il y avait aussi eu violation du droit international parce que l'accusé n'avait pas eu droit à un procès juste. Il réclame de la Chine qu'elle rectifie la situation.
Le paragraphe suivant note les liens étroits qu'entretient le Dr Wang Bingzhang avec le Canada et demande au gouvernement chinois de le libérer.
Je suis prêt à supprimer les deux derniers mots, « au Canada », parce qu'il semble que le MAECI craint qu'il ne puisse entrer du Canada même s'il est remis en liberté et préférerait que cette résolution ne fasse pas de présupposition en ce sens. Je ne crois pas que ce soit le cas, mais compte tenu de cette préoccupation, je suis prêt à supprimer ces deux mots et à dire simplement « lui permettre de retrouver sa famille et ses collègues ».
À (1040)
Le président: Merci.
Madame Carroll, vous avez la parole.
Mme Aileen Carroll: Je suis très impressionnée par la générosité de mon collègue et je lui sais gré d'avoir bien voulu présenter cette motion, par suite des discussions qu'a tenues notre comité sur le sort du Dr Wang. Vous dites que la motion ne présume pas qu'il pourra revenir au Canada. Or, le Dr Wang n'est pas immigrant reçu, il n'a fait aucune demande en ce sens et n'a pas non plus, pour autant que je sache, revendiqué le statut de réfugié. Nous ne pouvons donc préjuger de son statut. Plutôt, il est évident qu'il n'est pas canadien.
Je demande donc à mon collègue... En toute honnêteté, je dois reconnaître que je ne comptais pas appuyer cette motion pour les raisons que je viens d'énoncer et parce qu'elle inclut les mots « au Canada ». M. Cotler a supprimé ces termes et ne demande plus qu'il lui soit permis de retrouver sa famille et ses collègues. Mais si sa famille vit au Canada, comment retrouvera-t-il sa famille?
M. Art Eggleton: Je n'y vois rien de mal.
Mme Aileen Carroll: Non, Art, mais certaines règles s'appliquent, règles que vous connaissiez très bien autrefois.
M. Irwin Cotler: J'indique à la députée que les principes de la réunification des familles sont énoncés par les Nations Unies et les cadres juridiques internationaux. Nous ne réclamons pas du Canada qu'il l'accueille, nous demandons simplement à la Chine de le libérer. S'il décide de venir au Canada, il pourra présenter la demande idoine. Je ne comprends pas votre objection.
[Français]
Mme Francine Lalonde: [Note de la rédaction: inaudible]
Le président: Madame Lalonde, voulez-vous faire un commentaire?
Mme Francine Lalonde: Oui.
[Traduction]
Le président: Mme Carroll veut prendre la parole; elle sera suivie de Mme Lalonde.
Avez-vous terminé, madame Carroll?
Mme Aileen Carroll: Je demanderais à Irwin de retirer sa motion pour l'instant. J'en parlerai au ministre et au ministère et je pourrai alors vous dire si je peux l'appuyer.
Le président: Vous avez fait vos remarques. Je cède maintenant la parole à Mme Lalonde, puis à M. Martin.
[Français]
Mme Francine Lalonde: J'avais cru comprendre, hier, que le ministre Graham avait reçu ce texte hier matin puisque vous me l'aviez remis. J'étais prête à...
M. Irwin Cotler: Oui, il l'a vu.
Mme Aileen Carroll: Avec les mots que j'ai utilisés.
Mme Francine Lalonde: Il me semble que nous, de tous les partis, nous étions entendus sur le sens de cette proposition et...
[Traduction]
Mme Aileen Carroll: Non, il y avait simplement entente de principe. Tentons de rester dans cet esprit...
Le président: Appuyez-vous la motion de M. Cotler?
[Français]
Mme Francine Lalonde: Oui. Non seulement je suis d'accord, mais j'espère que nous allons l'adopter rapidement et passer à autre chose.
[Traduction]
M. Keith Martin: Il y a à peine 35 minutes, nous avons entendu William Sampson décrire son incarcération et la torture qu'il a subies en Arabie saoudite. Le Dr Wang Bingzhang est détenu dans un pays où la torture et les exécutions sommaires ont cours et où il y a probablement des chambres d'exécution portatives qu'on peut déplacer facilement un peu partout au pays pour des exécutions plus « efficientes ».
Le professeur Cotler l'a clairement indiqué, il s'agit d'une violation sans équivoque des droits fondamentaux de cette personne et j'appuie sans réserve la motion du professeur Cotler et ses efforts en vue de faire libérer le Dr Wang Bingzhang. Compte tenu du témoignage que nous avons entendu ce matin, j'espère que les autres membres du comité en feront autant.
Le président: Merci.
Y a-t-il d'autres intervenants, à part Mme Carroll? Allez-y.
Mme Aileen Carroll: J'aimerais aussi appuyer la motion. Je demande simplement à M. Cotler de mettre sa motion en veilleuse pour aujourd'hui et de me permettre ainsi d'obtenir plus de détails. Par ailleurs, cela peut vous sembler brutal, mais malgré tous les témoignages comme celui d'aujourd'hui que nous pourrions entendre, qui a décrit une situation absolument horrible, comme le témoignage de M. Arar, il faut comprendre que nous ne pouvons aider tous ceux qui, quelque part au monde, se trouvent dans une situation semblable. Ce que nous ferons et ce que nous avons fait...
Laissez-moi finir, Keith. Je vous ai laissé parler.
Je suis tout aussi horrifiée que vous par ce que j'ai entendu aujourd'hui. Mais nous savons que nous ne sommes pas une superpuissance, que notre pays n'est pas de ceux qui peut, d'un simple coup de baguette magique, régler le sort de tous ceux qui sont emprisonnés quelque part dans le monde. Nous devons le reconnaître et être conscients de ce que nous sommes en mesure de faire et nous engager à le faire.
Je vous demande donc de retirer votre motion pour l'instant. Je verrai de mon côté si je peux vous trouver des appuis.
À (1045)
Le président: Madame Carroll, je tiens à vous souligner que la motion ne peut être retirée sans le consentement unanime du comité une fois qu'elle a été déposée. Nous pouvons toutefois décider de poursuivre le débat plus tard. Ça, c'est possible, mais la motion ne peut être retirée.
Je cède maintenant la parole à M. Calder.
M. Murray Calder (Dufferin—Peel—Wellington—Grey, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.
Je me demande si on ne pourrait pas trouver un compromis, Irwin. Ce qui importe, c'est de faire libérer cet homme. C'est ce que nous voulons tous.
Il semble que ce soit la dernière phrase qui pose un problème. Peut-être devrions-nous dire tout simplement « exhorte le gouvernement chinois à libérer le Dr Wang Bingzhang et laisser tomber « et à lui permettre de retrouver sa famille et ses collègues au Canada »?
Le président: Les mots « au Canada » ont déjà été supprimés.
À vous la parole, monsieur Cotler.
M. Irwin Cotler: Permettez-moi de dire tout d'abord que les fonctionnaires du Ministère sont au courant de cette motion. J'ajouterai que j'ai déjà fait un compromis et offert, ce matin, de supprimer les mots «au Canada». En effet, j'ai cru comprendre qu'ils voyaient un inconvénient à l'inclusion de ces mots et je les ai retirés.
J'aurais souhaité conserver ces mots car il pourrait être relâché, gardé en Chine, et incarcéré dans une autre prison.
Le libellé de la motion précise exactement nos souhaits et ce que les Nations Unies souhaitent pour remédier aux violations. En effet, pour remédier aux violations, il faut qu'il soit libéré de prison et qu'on lui permette de quitter la Chine pour rejoindre sa famille et ses collègues, où qu'ils soient. Je ne précise pas que c'est au Canada.
Le président: D'accord. Je vais mettre la motion aux voix. S'il n'y a rien de nouveau, je vais mettre la motion aux voix.
Madame Lalonde, qu'est-ce que vous avez?
[Français]
Mme Francine Lalonde: J'aimerais souligner un élément nouveau. J'ai participé à toute la discussion, et nous espérons que cette proposition sera adoptée par beaucoup de parlementaires dans le monde. Il s'agit d'une motion de parlementaires et non pas d'une motion du gouvernement. Il est important que les parlementaires puissent adopter des propositions comme celle-ci.
[Traduction]
Le président: D'accord. Je mets la motion aux voix. Les deux derniers mots « au Canada » ont été supprimés. Quels sont ceux qui sont en faveur de la motion?
(La motion est adoptée) [Voir les Procès-verbaux]
Le président: Monsieur Cotler, souhaitez-vous que cette motion soit présentée, comme l'autre, au Parlement?
Votre motion serait présentée au Parlement sous forme de rapport, n'est-ce pas?
M. Irwin Cotler: Oui.
Le président: D'accord. En faites-vous la proposition?
M. Irwin Cotler: Oui, j'en fais la proposition.
Le président: Quels sont ceux qui sont en faveur de la présentation de cette motion au Parlement, à la Chambre des communes?
(La motion est adoptée)
Le président: Nous passons maintenant à la motion de Mme Lalonde, qui porte que le comité recommande au gouvernement le plan d'action soumis par Stephan Hachemi et une coalition de 19 organisations de défense des droits de la personne, plan qui vise à ce que justice soit rendue dans l'affaire de l'assassinat de Mme Zahra Kazemi, photojournaliste montréalaise et citoyenne canadienne.
Madame Lalonde.
[Français]
Mme Francine Lalonde: Merci.
Cette proposition est devant nous depuis déjà un moment. En fait, elle a déjà été étudiée par le gouvernement, parce que la coalition a rencontré le ministre Bill Graham, qui s'est dit intéressé par plusieurs de ses éléments. Il me semble important que le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international s'inscrive aussi dans le dossier de la terrible mort de Mme Zahra Kazemi. Il est nécessaire de faire toute la lumière et de trouver des solutions dans des situations semblables, quand quelqu'un possède une double nationalité. C'était vrai aussi dans le cas de M. Arar. Il me semble que cette résolution laisse au ministère toute la liberté d'agir au plan du Canada et au plan international. J'espère que mes collègues, qui ont l'air d'être tout à fait attentifs et sérieux à propos de cette question, vont appuyer la motion.
[Traduction]
Le président: Merci, madame Lalonde.
Madame Carroll.
Mme Aileen Carroll: On dirait un manuel pour quitter son amant.
Des voix : Oh, oh!
À (1050)
Mme Aileen Carroll: J'espère que nous sommes à huis clos et que cela n'est pas retransmis par Radio-Canada.
Ai-je la parole, monsieur le président? Pouvez-vous laisser votre BlackBerry un instant et me dire si j'ai la parole?
Le président: Oui, vous avez la parole. Faites-en bon usage.
Mme Aileen Carroll: Voici ce que je réponds à cela : grâce à bien des efforts, nous avons pu constater des progrès dans l'affaire Kazemi et Mme Lalonde le sait bien—elle et moi sommes allées ensemble en Iran. La garantie de trois positions lors des instances judiciaires, quand plus tard ce mois-ci les choses vont redémarrer, a été une victoire car elles vont permettre d'assurer que la transparence exigée par le gouvernement canadien fasse existe bel et bien partie du processus.
Nous aussi nous continuons de demander le rapatriement de la dépouille. Là encore, Mme Lalonde connaît très bien la teneur des discussions qui se tiennent là-bas et ici à cet égard.
Avant que le comité des affaires étrangères ne recommande au gouvernement canadien d'adopter ce plan d'action, je voudrais que les gens qui ont élaboré ce plan viennent témoigner devant le comité. Je sais bien que Mme Lalonde nous a fourni des documents sur ce plan mais je pense qu'il nous faudrait parler aux intéressés pour obtenir des précisions sur leur plan. Pour ma part, je serais tout à fait prête à présenter ce plan au ministère des Affaires étrangères mais je ne pense pas que nous puissions adopter à brûle-pourpoint un plan pour ensuite le recommander au gouvernement alors qu'aucun d'entre nous ne l'a encore analysé—surtout quand on sait que d'après les discussions d'aujourd'hui, que certains gestes peuvent, d'une façon perverse, compromettre ce que nous voulons obtenir.
Assurément, nous avons travaillé en étroite collaboration pour obtenir la réaction fructueuse que nous obtenons de Téhéran. Mais si nous décidons de procéder sous un angle tout à fait différent, il faudrait que les auteurs de ce plan viennent témoigner devant le comité et le comité doit être mis au courant de la teneur de leurs recommandations avant de le recommander lui-même.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci.
Y a-t-il d'autres remarques?
Madame Lalonde, voulez-vous faire une dernière remarque?
[Français]
Mme Francine Lalonde: Je ne voudrais pas que cette motion soit défaite.
[Traduction]
Mme Aileen Carroll: Que reprochez-vous à ce que je demande?
Le président: Non non, Madame Carroll.
Madame Lalonde.
[Français]
Mme Francine Lalonde: J'accepterais qu'on en reporte l'étude après les résultats du procès en Iran. Cependant, je soutiens que les recommandations qui sont faites sur le plan international peuvent, elles, avoir cours pendant le procès.
Il y a longtemps que nous l'avons devant nous, mais je ne veux surtout pas qu'elle soit défaites.
[Traduction]
Le président: Cela signifie que la motion ne peut pas être retirée. Vous voulez que la motion soit reportée à plus tard, n'est-ce pas?
Des voix : D'accord.
Le président: La dernière motion que nous allons étudier ce matin est celle de M. Martin. Allez-y, monsieur Martin.
M. Keith Martin: À propos de la motion sur le Zimbabwe, je vous rappelle que dans les cas de l'Arménie, de l'Holocauste, du Cambodge, de la Bosnie ou du Rwanda, malgré le fait que nous savions parfaitement que des meurtres de masse étaient sur le point d'être commis, nous, membres de la communauté internationale, et en fait la communauté internationale en général, n'avons pas agi même si nous savions qu'un grand nombre de civils étaient sur le point d'être massacrés. Nous disons « plus jamais » mais on ne cesse de constater qu'à répétition, un grand nombre de gens sont abattus sous notre nez.
Voici la situation : d'une part, la nourriture est utilisée par M. Mugabe comme une arme pour exterminer délibérément jusqu'à cinq millions—je répète, cinq millions—de gens; deuxièmement, on a installé des centres de torture à Harare où les civils, les gens qui selon Mugabe s'opposent à lui, sont détenus et torturés et parfois assassinés; troisièmement, jusqu'à l'an 2000 le viol n'était pas utilisé comme une arme mais depuis l'an 2000, le viol a été systématisé, des femmes sont violées en présence de leurs familles, dans les villages, pour déstabiliser et intimider la population civile—et je le répète, tout cela touche la population civile; et quatrièmement, en dernier lieu, un document accablant préparé par le Solidarity Peace Trust d'Afrique septentrionale, groupe appuyé par les églises d'Afrique septentrionale, notamment l'Afrique du Sud, le Zimbabwe et le Botswana, montre clairement que M. Mugabe a forcé des enfants, certains n'ayant que 11 ans, à participer à la torture et au meurtre, alors que des enfants plus vieux sont forcés de violer d'autres enfants, voire des adultes. Tous ces renseignements sont authentifiés par Amnistie internationale, Human Rights Watch, Solidarité internationale, et comme je le disais, les églises d'Afrique septentrionale.
Cela, permettez-moi de le répéter, chers collègues, n'a rien à voir avec la réforme agraire mais tout avoir avec les efforts de M. Mugabe de contrôler le pouvoir, de maintenir son parti au pouvoir et de se venger de ceux qui selon lui ne lui donnent pas leur soutien politique.
La réaction de notre gouvernement a été faible. Je négocie depuis plusieurs années. Nos fonctionnaires ont reconnu que cette approche n'allait pas arrêter M. Mugabe. Deuxièmement, il y a 48 heures encore, quand j'ai rencontré des représentants du gouvernement d'Afrique du Sud, ils ont également reconnu que cette approche de négociations en douceur n'allait pas arrêter l'assassinat de civils par M. Mugabe.
Ainsi, cette motion demande que le Canada s'élève contre la situation, conformément à nos lois, conformément à notre loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre et elle proclame que nous allons nous ranger du côté du peuple du Zimbabwe. Nous n'allons pas tolérer à nouveau le meurtre de masse de civils. Nous allons faire tout en notre pouvoir pour empêcher la mort de ces innocents. En outre, cette motion permettra d'étayer l'accusation que l'on a déjà présentée à Martin Cauchon et au ministre Graham, une accusation que je voudrais les voir appuyer, car cette accusation va affirmer au monde entier que le Canada est prêt à dire non au génocide. La motion vise également à coincer M. Mugabe, et j'espère que d'autres pays adopteront des textes semblables.
Chers collègues, nous avons le choix. Si nous ne nous élevons pas contre ce mégalomane, si nous ne le dénonçons pas publiquement, nous allons découvrir plus tard qu'encore une fois des centaines de milliers de civils innocents auront été victimes de meurtres, de viols ou de tortures et nous devrons nous demander ce que nous aurions dû faire quand nous pouvions encore le faire.
Merci.
À (1055)
Le président: Merci.
Madame Carroll.
Mme Aileen Carroll: Eh bien, monsieur Martin, je suis d'accord avec vous. Qui ne le serait pas? Les horreurs qui se passent là-bas dépassent notre entendement. On a peine à les imaginer.
Je partage votre frustration quant à la lenteur apparente des choses, même si je ne suis pas d'accord avec vous là-dessus. En même temps, mes responsabilités m'obligent à examiner les faits.
Tout d'abord, je signale que, même si la situation semble frustrante, la communauté internationale se préoccupe de la question. Bien que vos entretiens avec les représentants de l'Afrique du Sud qui ont visité le Canada aient peut-être laissé croire que rien n'est fait, je crois savoir d'après ce qu'a dit le ministre des Affaires étrangères, M. Zuma, que les pourparlers se poursuivent, même si l'on ne fait pas beaucoup de bruit à ce sujet.
Je dois dire encore une fois que j'accepte mal cette utilisation constante de l'expression « pouvoir doux ». Je ne sais pas ce que cela signifie pour qui que ce soit ici, mais je peux faire la distinction entre « public » et « privé ». Je crois comprendre que des discussions privées sont en cours sur la possibilité d'établir un gouvernement de transition et de travailler avec l'opposition et le gouvernement actuel du Zimbabwe. J'espère comme vous que ces discussions porteront fruit.
Quant aux instruments juridiques à notre disposition, je ne suis pas optimiste à ce sujet. Pour commencer, la Cour pénale internationale n'a pas compétence en la matière parce que le Zimbabwe n'a pas signé la Convention.
Au Canada, comme vous le savez, le gouvernement et le premier ministre ont déclaré expressément que Mugabe n'est pas autorisé à venir au Canada. Plus poliment, on dirait qu'il n'est pas le bienvenu au Canada, mais de toute façon il ne sera autorisé pas à venir ici. Il serait donc illogique d'adopter une motion proposant que nous portions une accusation contre lui s'il vient au Canada. Il ne viendra pas. Il ne sera pas autorisé à le faire.
Je sais, monsieur Martin, que vous et bien des députés ici veulent faire passer certains messages. Je peux sembler pragmatique, mais si ces messages ne donnent pas de résultats tangibles, ils ne seront pas efficaces, mais deviendront à mon avis, de plus en plus inefficaces. Si le comité se contente de dire des choses, de faire passer des messages et d'adopter des motions que nous savons dès le départ être inopérantes, notre travail devient en grande partie inefficace. C'est mon opinion et non celle de la secrétaire parlementaire.
Pour ce qui est de la possibilité de créer un tribunal spécial, vous savez certainement que ce serait difficile, car il est peu probable que l'on obtienne un consensus sur la création d'un tel tribunal, justement pour les raisons que vous avez mentionnées plus tôt. Bon nombre de chefs d'États d'Afrique du Sud et d'ailleurs, qui semblent à première vue agir publiquement, ne participeront pas à la création d'un tribunal. Vous savez que certains pays comme celui-là agissent souvent d'une manière en public et autrement dans les coulisses.
Je ne vois pas comment nous pourrions accomplir ce que vous proposez dans cette motion.
Á (1100)
Le président: Très bien. Merci.
Comme il est onze heures, nous allons devoir lever la séance. Cette salle est réservée pour le ministre de la Défense et nous allons devoir nous rendre dans l'autre pièce.
Notre témoin, M. Feldman, est ici.
Je vais demander à monsieur Martin s'il veut ajourner le débat. Voulez-vous l'ajourner?
M. Keith Martin: Nous reprendrons tantôt.
Le président: Non, nous n'allons pas reprendre le débat dans l'autre salle à moins d'en avoir le temps à la fin de la séance.
M. Art Eggleton: Ne pouvons-nous pas rester ici?
Le président: Non, nous ne le pouvons pas. Nous devons nous rendre dans l'autre pièce.
Si la séance est levée, elle le sera de la même façon qu'elle l'a été pour Mme Lalonde.
M. Keith Martin: Je réclame un vote.
Le président: Si vous voulez un vote...
M. Keith Martin: Le vote. Quand nous aurons voté, ce sera...
Le président: Ce sera terminé. Si vous votez, ce sera terminé. Si vous voulez courir ce risque, je demanderai à tout le monde de lever la main pour un vote.
Vous levez la séance.
La séance est levée et nous allons nous rendre à la pièce 253-D.
Merci.