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HAFF Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mercredi 27 novembre 2002




¼ 1840
V         Le président (M. Peter Adams (Peterborough, Lib.))
V         Le greffier du comité
V         M. Ken Epp (Elk Island, Alliance canadienne)
V         M. Rick Borotsik (Brandon—Souris, PC)

¼ 1845
V         M. Ken Epp
V         M. Rick Borotsik
V         Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD)
V         Le président
V         Le président
V         Le président
V         M. Jacques Saada (Brossard—La Prairie, Lib.)
V         Le président
V         M. Geoff Regan (Halifax-Ouest, Lib.)
V         Le président
V         Le président
V         M. Jacques Saada
V         Le président

¼ 1850
V         Mme Marlene Jennings

¼ 1855
V         Le président
V         M. Ken Epp

½ 1900

½ 1905
V         Le président
V         M. Jacques Saada
V         Mme Marlene Jennings
V         M. Jacques Saada
V         Mme Marlene Jennings
V         M. Jacques Saada
V         Mme Marlene Jennings
V         M. Jacques Saada
V         Le président
V         M. Rick Borotsik

½ 1910
V         M. Rick Borotsik

½ 1915
V         Le président
V         M. Rick Borotsik
V         Le président
V         Le président
V         Mme Libby Davies

½ 1920
V         Mme Libby Davies
V         Mme Libby Davies
V         Mme Libby Davies
V         Mme Libby Davies

½ 1925
V         Mme Libby Davies
V         Mme Marlene Jennings
V         Mme Libby Davies
V         Le président
V         M. Ken Epp
V         M. Ken Epp

½ 1930
V         M. Ken Epp

½ 1935
V         Le président
V         Le président

½ 1940
V         M. Ken Epp
V         Le président

½ 1945
V         Le président
V         Le président
V         Le président
V         M. Jacques Saada
V         Le président
V         M. Geoff Regan

½ 1950
V         M. Geoff Regan
V         M. Geoff Regan

½ 1955
V         Le président
V         Le président
V         M. Jacques Saada
V         Mme Marlene Jennings
V         M. Jacques Saada
V         Mme Marlene Jennings

¾ 2000
V         M. Jacques Saada
V         Mme Marlene Jennings
V         M. Jacques Saada
V         Mme Marlene Jennings
V         Le président
V         Mme Libby Davies
V         Le président
V         Mme Libby Davies
V         Le président

¾ 2005
V         Le président
V         Le président










CANADA

Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre


NUMÉRO 009 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 27 novembre 2002

[Enregistrement électronique]

¼  +(1840)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Peter Adams (Peterborough, Lib.)): Collègues, la séance est ouverte.

    Le comité se réunit conformément au mandat que lui confère le sous-alinéa 108(3)a)(iii) du Règlement, examen des questions relatives à l'incorporation d'un code de déontologie dans le Règlement de la Chambre. Pour la gouverne des téléspectateurs, lorsqu'on parle de «l'examen des questions relatives à l'incorporation d'un code de déontologie dans le Règlement de la Chambre», il s'agit d'étudier la proposition en ce sens qui a été soumise à notre comité. Nous avons déjà eu une séance publique télévisée, avec l'honorable John Manley, le ministre responsable de cette mesure législative. Nous avons aussi eu une séance d'information détaillée au cours de laquelle notre personnel nous a fourni de la documentation sur la législation en matière d'éthique dans les autres provinces et dans d'autres pays. Quant à notre dernière séance, elle a été des plus intéressante, puisque nous avons entendu comme témoins les commissaires responsables de l'éthique de la Saskatchewan, de l'Alberta et des Territoires du Nord-Ouest. Le commissaire des Territoires du Nord-Ouest, M. Ted Hughes, avait déjà occupé le même poste en Colombie-Britannique. Vous conviendrez, collègues, que ce fut une réunion très stimulante.

    Je vais maintenant faire un tour de table et demander aux gens de s'identifier, y compris les membres du personnel qui sont présents.

+-

    Le greffier du comité: Thomas Hall, greffier du comité.

+-

    M. Ken Epp (Elk Island, Alliance canadienne): Je suis Ken Epp et j'ai l'honneur douteux d'avoir fait partie du comité, par intervalles, depuis que je siège au Parlement. Nous nous sommes attachés à la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, en 1995, et au rapport Milliken-Oliver. À ce moment-là, le comité était saisi précisément du même mandat qu'à l'heure actuelle, c'est-à-dire produire un code de déontologie à l'intention des parlementaires, députés et sénateurs. Après 18 mois de travail, si je ne m'abuse, nous avons rédigé un très bon rapport qui, évidemment, a été relégué sur les tablettes lorsque la Chambre a été prorogée, et c'est maintenant qu'on le ressuscite. Je m'intéresse vivement à ce sujet et je suis heureux de pouvoir participer.

+-

    M. Rick Borotsik (Brandon—Souris, PC): Je m'appelle Rick Borotsik et je suis le whip du Parti progressiste-conservateur et membre du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre. Je suis assurément l'un de ceux qui s'intéressent le plus au code d'éthique ou au code de déontologie, quelle que soit l'appellation que vous préférez.

    Je tiens à signaler, monsieur le président, que le nombre de participants à cette table ronde n'est pas nécessairement un baromètre de l'intérêt pour ce sujet. Je peux vous assurer que la majorité des membres de mon caucus s'intéressent beaucoup aux questions d'éthique. Ils souhaitent vivement être entendus et, sans vouloir manquer de respect à la présidence, je ferais remarquer que cette réunion a été convoquée avec un bref préavis. C'est pour cette raison que bien des personnes n'ont pas pu se libérer de leurs engagements de ce soir et, comme vous le savez, le calendrier de la Chambre est très chargé. Il y a un grand nombre de comités, ainsi que d'autres fonctions. Par conséquent, monsieur le président, j'estime que notre comité devrait essayer de prévoir à l'avance ces tables rondes pour que les personnes intéressées puissent organiser leur horaire en conséquence.

    Je suis d'accord avec vous. L'une des réunions les plus intéressantes que nous ayons eues a été celle où nous avons accueilli les trois commissaires, tout récemment. Bien des questions sont sur le tapis, et je suis impatient d'entendre l'exposé de Marlene, mais d'après moi, la déclaration des conjoints sera un enjeu qui façonnera sans doute l'orientation du code d'éthique. L'autre aspect est la nomination du commissaire et la durée de son mandat. Voilà, à mon avis, les questions sur lesquelles il faudra se pencher.

    Je suis heureux d'être ici pour le début des travaux. Et, monsieur Epp, je ne doute pas que nous pourrons finaliser ce dossier. Une fois que le comité aura terminé ses délibérations, nous aurons en main un code de déontologie.

¼  +-(1845)  

+-

    M. Ken Epp: Je pense que cette fois-ci sera la bonne.

+-

    M. Rick Borotsik: Ce sera la bonne, je peux vous le garantir.

+-

    Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD): Je m'appelle Libby Davies et je suis la représentante du Parti néo-démocrate au comité ce soir. Je viens de Vancouver-Est, et j'ai hâte de participer à la discussion.

+-

    Le président: Il y a aussi des observateurs.

+-

    M. Gregory Tardi (conseiller juridique principal, Services juridiques, Bureau du légiste et conseiller parlementaire, Chambre des communes): Merci, monsieur le président. Je m'appelle Greg Tardi. Je suis conseiller juridique principal au Bureau du légiste et conseiller parlementaire, Services juridiques. Je suis ici en tant qu'observateur.

+-

    Le président: Greg, nous vous remercions d'être venu.

    Martin.

+-

    M. Martin Champoux (adjoint législatif, Bureau du vice-premier ministre): Merci, monsieur le président. Je m'appelle Martin Champoux et je travaille au bureau de John Manley. Je suis ici en tant qu'observateur.

+-

    Le président: Merci.

[Français]

+-

    M. Jacques Saada (Brossard—La Prairie, Lib.): Bonjour. Je m'appelle Jacques Saada et je suis député de Brossard--La Prairie. Si cela ne vous dérange pas, je ferai un peu la navette entre la réunion du Bureau de régie interne et ici.

[Traduction]

+-

    Le président: D'accord.

+-

    M. Geoff Regan (Halifax-Ouest, Lib.): Je m'appelle Geoff Regan. Je représente la circonscription de Halifax-Ouest et je suis secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre et membre du comité. Comme Rick l'a dit, le comité a déjà tenu quelques séances et au caucus, nous avons eu des discussions à ce sujet qui ont suscité énormément de participation et d'intérêt. J'ai entendu dire aujourd'hui que la séance de ce soir était remise à plus tard mais j'ai appris par la suite qu'elle avait lieu.

+-

    Le président: Lorsque j'aurai de nouveau la parole, je vous expliquerai ce qui s'est passé.

+-

    Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce-Lachine, Lib.): Je m'appelle Marlene Jennings. Je suis la députée de Notre-Dame-de-Grâce-Lachine, une circonscription située sur l'île de Montréal. Je suis aussi secrétaire parlementaire du ministre de la Coopération internationale. J'arrive du Comité des affaires étrangères, qui termine une étude sur l'intégration en Amérique du Nord. Je remercie le comité d'avoir organisé cette table ronde.

+-

    Mme Margaret Young (attachée de recherche du comité): Je suis Margaret Young, de la Direction de la recherche parlementaire.

+-

    M. James Robertson (attaché de recherche du comité): Je suis James Robertson, de la Direction de la recherche parlementaire.

+-

    Le président: Merci à tous.

    Voici quelques explications. Le comité directeur de notre comité m'a demandé d'organiser, dans des délais assez courts, diverses activités liées à notre étude du code de déontologie, l'une d'elles étant une table ronde à l'intention des députés du Parlement. Comme les membres réguliers du comité qui sont ici le savent, à l'origine, nous avions pensé à ce soir, mais il y avait des conflits avec d'autres activités. Nous avons alors essayé de changer cela pour mardi prochain, et ensuite pour mercredi prochain. Nous avons ensuite envisagé de reporter cela au mardi et mercredi suivants, mais cela s'est avéré impossible. Il a donc fallu revenir à la date prévue au départ. Voilà pourquoi le préavis a été si court, mais comme on l'a précisé dans notre annonce, le comité organisera volontiers une autre table ronde.

    Je propose que nous procédions de la façon suivante. Marlene Jennings veut faire un exposé, dont j'ai pris connaissance. Marlene, nous vous saurions reconnaissants de bien vouloir nous expliquer votre suggestion. Ensuite, nous pourrions vous interroger et vous dire où en est la réflexion du comité sur les questions que vous aurez mentionnées dans votre exposé. Cela vous convient-il?

+-

    Mme Marlene Jennings: Tout à fait.

[Français]

+-

    M. Jacques Saada: Je fais appel au Règlement, monsieur le président. Je vais prendre juste un instant, Marlene; je m'excuse.

    Je voudrais comprendre quelque chose. Si nous n'avons pas été en mesure d'organiser pour mardi ou mercredi prochain ce qu'on organise pour ce soir, qu'on arrive donc déjà à la deuxième semaine de décembre et qu'on tient à organiser une autre rencontre, ce que je trouve légitime, est-ce que ça veut dire qu'on part du principe, d'entrée de jeu, que cela va aller au mois de février?

[Traduction]

+-

    Le président: C'est bien possible. Je m'en remets au comité. Il est impossible de trouver d'ici Noël un mardi ou un mercredi soir, qui sont les soirs privilégiés par le comité directeur. Le comité permanent met la dernière main à ses travaux. Chaque parti organise une fête de Noël à un moment différent et nous avons convenu, d'un commun accord, d'éviter d'entrer en conflit avec ces soirées. L'autre solution, Jacques, consiste à organiser une réunion pendant que la Chambre siège et à inviter les députés à y venir. Si le comité souhaite que je fasse cela, je le ferai. D'accord?

    Marlene Jennings.

¼  +-(1850)  

+-

    Mme Marlene Jennings: Merci, monsieur le président. Je remercie aussi tous les membres du comité permanent de me donner l'occasion de communiquer certaines de mes idées sur le code de déontologie. Avant de commencer, j'aimerais vous dire brièvement qui je suis car cela expliquera mon intérêt pour le domaine.

    Je suis avocate de formation, et en 1988, le gouvernement du Québec m'a nommée à la Commission de police du Québec, qui avait été créée en 1968. J'étais la première femme commissaire, et la première noire. En 1990, dans le cadre d'un vaste remaniement des systèmes réglementaires, administratifs et quasi judiciaires régissant les services de police relevant de la compétence de la province, le gouvernement du Québec a abrogé la Commission de police du Québec et instauré un cadre de déontologie policière en trois parties assorti d'un code d'éthique. Le Québec a été la première province au Canada qui a élaboré un code de déontologie officiel pour les agents de police. D'autres provinces lui ont ensuite emboîté le pas.

    Son modèle était extrêmement novateur. C'était un mécanisme civil de surveillance de la police. Le premier palier était celui du commissaire à la déontologie policière et trois sous-commissaires. J'ai été nommée sous-commissaire et je suis restée dans ces fonctions de 1990 à 1997, année où je me suis lancée en politique fédérale. Comme je l'ai dit, c'était un système novateur, et de nombreux pays envoyaient des représentants pour examiner le modèle québécois.

    Le commissaire à la déontologie policière et ses sous-commissaires avaient le pouvoir exclusif de recevoir les plaintes émanant de citoyens alléguant qu'un policier avait violé le code d'éthique. Après enquête—simplement pour expliquer le système—, le commissaire et ses collègues agissaient pratiquement comme des officiers de police et des procureurs. Nous faisions enquête sur la plainte et comme c'est le cas pour les enquêtes policières, celle-ci n'était pas publique. Une fois terminée, nous décidions s'il y avait lieu de porter des accusations ou non. On appelait cela des renvois. Ces renvois étaient soumis à un tribunal quasi judiciaire appelé le comité de déontologie policière. Il était composé de civils, d'avocats et d'officiers de police. Ce comité avait la stricte responsabilité de tenir une audience publique analogue à une audience au criminel ou à n'importe quelle audience quasi judiciaire. Tout comme en matière criminelle, l'affaire met en cause la Couronne contre l'inculpé, en l'occurrence, c'était le commissaire à la déontologie policière contre le policier inculpé. C'est à nous qu'incombait le fardeau de la preuve devant le comité et si, après l'audience, ce dernier jugeait que le policier avait effectivement contrevenu au code, il avait le pouvoir d'imposer des sanctions pouvant aller jusqu'au renvoi des forces policières. Les chefs de police et le gouvernement n'avaient aucun pouvoir discrétionnaire en la matière. Si le comité ordonnait le renvoi ou la suspension ou la rétrogradation d'un policier, le chef du corps de police concerné était tenu d'imposer cette sanction.

    En raison de mon expérience dans ce domaine, j'ai contribué à fonder l'Association canadienne de surveillance civile du maintien de l'ordre. Le solliciteur général a d'ailleurs consulté cette organisation lorsqu'il a voulu moderniser le système de traitement des plaintes du public à la GRC. J'ai aussi été consultée par des experts-conseils embauchés par la Défense nationale en vue d'instaurer un système de déontologie policière pour la police militaire dans la foulée de l'enquête sur la Somalie. On a instauré tout un système analogue à celui qui existe au Québec à l'heure actuelle.

¼  +-(1855)  

    J'ai aussi été membre de l'International Association for Civilian Oversight of Law Enforcement de 1988 jusqu'à mon entrée en politique fédérale, et au cours des trois années qui ont précédé ma démission en tant que membre actif, j'en étais la vice-présidente; en vertu du règlement de l'association, aux prochaines élections, je serais automatiquement devenue présidente. À ce titre, j'ai été consultée par les autorités de la France, de la Belgique, du Royaume-Uni, d'Israël, de la Hongrie et de l'Afrique du Sud au sujet d'un code de déontologie pouvant s'appliquer aux forces policières ou à d'autres domaines. Le Royaume-Uni a adopté un modèle analogue au nôtre, tout comme l'Afrique du Sud et la Belgique. J'ai donc passablement d'expérience et quelques idées sur la question. Voilà qui je suis.

    Deuxièmement, je tiens à dire que j'appuie sans réserve l'idée d'un code de déontologie pour les parlementaires. Je n'ai pas beaucoup réfléchi à son contenu, mais je souscris à ce principe. Dans mes observations, je n'évoquerai donc pas ce qui devrait figurer dans le code. Ma proposition porte sur le mécanisme qui, à mon avis, est nécessaire pour mettre en oeuvre n'importe quel code de déontologie à l'intention des parlementaires que la Chambre jugera bon d'adopter.

    J'ai apporté des copies de ma proposition. Malheureusement, bien que je sois parfaitement bilingue, je n'ai pas eu suffisamment de temps pour la traduire--habituellement, je fais moi-même la traduction. Cela dit, j'en ai des exemplaires en anglais et j'aimerais en faire la distribution. Cependant, si vos règles sont les mêmes que celles des autres comités permanents, c'est-à-dire qu'aucun document ne peut être distribué aux membres à moins d'être disponible dans les deux langues officielles, cela ne me pose pas de problème. J'en déposerai une copie auprès du greffier.

+-

    Le président: Nous verrons à ce qu'elle soit traduite et distribuée. Si vous voulez rendre disponible votre proposition de façon informelle, vous le pouvez, mais en tant que comité, nous ne pouvons la distribuer tant qu'elle n'est pas traduite. Je vais en prendre une copie et nous verrons à ce qu'elle soit traduite et distribuée à tous les membres du comité.

+-

    Mme Marlene Jennings: Merci.

+-

    M. Ken Epp: Laissez-la sur la table et nous pourrons nous servir.

+-

    Mme Marlene Jennings: Bien sûr, si vous voulez une copie tout de suite.

    Le poste de conseiller en éthique a été créé lorsque les Libéraux ont pris le pouvoir en 1993. Le problème, évidemment, c'est que cette fonction n'était pas indépendante. Le conseiller était nommé par le premier ministre et devait lui faire rapport, mais au-delà de cela, le titulaire assumait une double fonction. En effet, le conseiller recevait le sommaire des actifs, les déclarations des députés occupant des fonctions de membres de l'exécutif ou de secrétaires parlementaires, c'est-à-dire les titulaires de charges publiques, tout en étant chargé en même temps de faire enquête sur ces mêmes individus. À mon avis, le jumelage de ces fonctions avait pour effet d'affaiblir la crédibilité du poste lui-même. Par conséquent, j'estime fondamental que dans le cadre d'un mécanisme de mise en oeuvre d'un code de déontologie, que ce soit à l'intention des parlementaires, des policiers, des médecins ou des avocats, ces fonctions soient séparées. Chaque titulaire doit être indépendant de l'autre et nanti d'un champ d'intervention exclusif. Cela crée une tension que je qualifierais de saine.

    Je vais vous donner un exemple. Ma proposition consiste à créer un conseiller en éthique indépendant. Ce conseiller aurait le mandat exclusif de recevoir les déclarations obligatoires de tous les parlementaires, y compris les députés qui ont été nommés par le premier ministre à une charge publique, c'est-à-dire, ministres, secrétaires d'État ou secrétaires parlementaires. Ce conseiller en éthique indépendant donnerait des conseils à tout parlementaire qui lui en ferait la demande. Toute communication entre le conseiller et les parlementaires serait confidentielle, sauf si le parlementaire lève volontairement et officiellement le sceau de cette confidentialité, en conformité d'une procédure que la Chambre prescrirait. Et le conseiller ferait rapport annuellement à la Chambre des communes.

    Si l'on procède par une modification de la loi sur le Parlement, le Sénat pourrait adopter le même système, mais je m'attarde spécifiquement à la Chambre des communes. Je pense que le mandat d'un tel conseiller devrait être d'au moins cinq ans et d'au plus dix ans.

    Le deuxième palier consisterait en un commissaire parlementaire à l'éthique indépendant. Ce commissaire à l'éthique aurait le mandat exclusif de recevoir et d'examiner toute plainte de la part d'un parlementaire qui prétend que la conduite d'un autre parlementaire viole le code d'éthique applicable aux parlementaires, et de faire enquête à ce sujet. Le commissaire à l'éthique indépendant, après avoir examiné la plainte, pourrait juger que celle-ci justifie une enquête, dont l'objet serait de déterminer s'il est vrai que la conduite du parlementaire qui fait l'objet de la plainte constitue une violation du code d'éthique des parlementaires. Le commissaire à l'éthique indépendant aurait le pouvoir de convoquer des témoins et de recevoir les éléments de preuve pertinents, de manière à jeter les bases d'une telle détermination. Je propose que les audiences soient publiques, sauf si le commissaire à l'éthique juge qu'il faut tenir une audience à huis clos, soit pour garantir l'intégrité de la preuve, soit pour protéger la sécurité des témoins, entre autres raisons.

    Le commissaire à l'éthique fera rapport de ses constatations et conclusions à la Chambre des communes, et si le commissaire détermine que la preuve montre--et je pense qu'il faudrait que le fardeau de la preuve soit très élevé--que la conduite du parlementaire était effectivement en violation du code, il peut alors faire des recommandations relativement à des sanctions, mesures correctives, etc., et il peut aussi proposer d'apporter des améliorations aux règles et procédures parlementaires régissant les affaires parlementaires.

½  +-(1900)  

    J'ai déjà siégé à la Commission de police et occupé le poste de commissaire adjoint, et j'ai constaté notamment qu'il arrive parfois que la conduite incriminée était tout à fait conforme aux règles et procédures établies, mais que ces règles et procédures ne correspondaient plus à la réalité et avaient besoin d'être modernisées et mises à jour. En pareil cas, on conclut que la personne n'a pas violé le code d'éthique, mais qu'il faut moderniser le code ou une règle ou procédure quelconque.

    Il incomberait au Parlement, en l'occurrence la Chambre des communes, sur réception du rapport, de déterminer s'il y a lieu de donner suite aux recommandations.

    Le dernier point concerne les titulaires de charges publiques. Dans notre régime constitutionnel, le premier ministre possède le pouvoir exécutif. Nous avons un exécutif, nous avons une assemblée législative et nous avons un système judiciaire. Dans l'exercice du pouvoir exécutif, le premier ministre a le droit exclusif de nommer les ministres et les détenteurs de charges publiques. Cela étant le cas, je crois que si le comportement d'un parlementaire fait l'objet d'une enquête, le rapport devrait être remis à la fois à la Chambre et au premier ministre, mais c'est à ce dernier qu'il incomberait en définitive de décider s'il y a lieu de donner suite aux recommandations, de les mettre en oeuvre ou non, lorsqu'il s'agit d'infliger des sanctions aux parlementaires. Le premier ministre aurait le devoir et la responsabilité de se justifier. S'il s'agit d'un parlementaire ordinaire, alors la Chambre prendrait cette décision; je pense que constitutionnellement, nous n'avons pas le choix, parce que le pouvoir exécutif de nommer les titulaires de charges publiques et d'imposer des sanctions est l'apanage du premier ministre. Je pense donc que son intervention est nécessaire, mais pour garantir la reddition de comptes et la transparence, le rapport est public et la Chambre peut décider d'en débattre, elle peut décider de formuler des recommandations au premier ministre, ou quoi que ce soit. Mais en définitive, si le parlementaire est un détenteur de charges publiques, un membre du Cabinet, un secrétaire d'État, un secrétaire parlementaire, ce serait au premier ministre de prendre la décision.

½  +-(1905)  

+-

    Le président: Marlene, je vous remercie beaucoup. Vous avez manifestement beaucoup d'expérience. Ce n'est pas à moi de commenter, mais c'est intéressant de voir que cela recoupe les discussions que nous avons déjà eues.

    Jacques Saada, et ensuite Rick Borotsik.

[Français]

+-

    M. Jacques Saada: Monsieur le président, d'abord, je dois remercier Marlene d'avoir pris le temps de préparer tout cela et de venir nous le présenter ce soir. Je dois dire que je ressens beaucoup d'attrait pour la division des rôles entre le conseiller et le commissaire, peu importe le terme qu'il y aura, mais j'ai quand même une question à cet égard.

    Si les deux sont tellement indépendants l'un de l'autre--et je comprends qu'ils ont une charge rigoureusement établie, qu'il y a un champ de compétence différent pour l'un et pour l'autre--, n'y a-t-il pas des moments où il serait important que le conseiller en éthique puisse divulguer des renseignements qu'il a en sa possession afin de protéger le député auprès du commissaire à l'éthique qui fait enquête?

+-

    Mme Marlene Jennings: Je crois que cela devrait être la décision du député. Je pense que pour s'assurer que les parlementaires aient une pleine confiance lorsqu'ils demanderont des conseils au conseiller en éthique, il faudra que ce soit la décision du parlementaire de lever le sceau de la confidentialité.

+-

    M. Jacques Saada: C'est dans ce sens-là que je le comprenais aussi.

    J'ai une deuxième chose à soulever. Tu fais allusion dans tout cela, Marlene, aux députés ou aux sénateurs. Une question qui revient assez fréquemment est la question des conjoints.

    Est-ce que tu peux me dire ce que tu en penses?

+-

    Mme Marlene Jennings: Comme j'ai commencé en disant que je parlais simplement des outils qu'on devrait, selon moi, utiliser pour l'application du code d'éthique, ma proposition ne touche pas la question du contenu du code d'éthique. Je suis secrétaire parlementaire, et en vertu du code qui existe déjà pour nous, j'ai dû faire une déclaration, une divulgation, et mon conjoint, mon mari, a également dû faire...

+-

    M. Jacques Saada: Je comprends cela.

+-

    Mme Marlene Jennings: Donc, moi, je n'ai pas d'objection fondamentale à ce que les conjoints soient tenus de faire une divulgation.

[Traduction]

Je serais disposé à accepter la décision, quelle qu'elle soit, que prendrait la Chambre à la majorité. Si la majorité des députés jugent que seuls les parlementaires doivent être tenus de faire une déclaration, alors soit. S'ils jugent que les conjoints doivent également faire une déclaration, je l'accepterai. Je ne favorise ni l'un ni l'autre.

[Français]

+-

    M. Jacques Saada: Je soulève un petit détail. Je suis sûr que c'est juste une faute de frappe, mais je veux m'assurer que j'ai bien compris. Dans la partie qui concerne la correction, à la page 3, en bas de la page, il y a un tableau. On peut lire:

[Traduction]

    «Par la Chambre des communes seulement». «Par le Sénat seulement». Si l'on descend la colonne «Par le Sénat seulement», on aurait une motion au Sénat, et non pas à la Chambre des communes, n'est-ce pas? D'accord.

+-

    Le président: Rick Borotsik, et ensuite Libby Davies, qui sera suivie de Ken Epp.

+-

    M. Rick Borotsik: Merci, monsieur le président, et merci à vous, Marlene. Votre intervention était bien préparée et fondée sur une riche expérience.

    Il y a des différences entre un organisme chargé des enquêtes sur l'application de la loi, si l'on veut, et ce code d'éthique particulier. Vous aviez évidemment d'autres questions qui pouvaient entrer en ligne de compte, notamment l'abus de pouvoir, l'emploi d'une force excessive. Il y a beaucoup de questions auxquelles vous étiez confrontés et dont nous n'aurions pas à nous occuper dans ce cas particulier. Mais votre proposition m'intéresse. Durant notre réunion d'aujourd'hui, l'un des éléments qui est ressorti du témoignage des trois commissaires, c'est qu'ils conçoivent leur travail davantage comme vous l'avez présenté ici, c'est-à-dire comme un conseiller, une personne qu'un parlementaire peut consulter en lui disant: voici le scénario, voici la situation, je voudrais vos conseils pour savoir s'il s'agit bien d'un conflit et, dans l'affirmative, ce que je devrais faire pour ne pas me retrouver pris dans ce conflit. Et je perçois cela comme un poste. Y a-t-il possibilité, dans votre modèle, que le conseiller et le commissaire à l'éthique soient la même personne? Parce que c'est le cas dans les autres pays. La même personne est à la fois le conseiller et le commissaire qui a en définitive le pouvoir d'aller plus loin, d'agir comme juge et juré, si l'on peut dire, et d'appliquer toute la procédure. Pourriez-vous envisager qu'il s'agisse d'une seule et même personne, au lieu de deux?

½  +-(1910)  

+-

    Mme Marlene Jennings: J'ai une objection fondamentale à ce que la même personne soit à la fois le conseiller et l'enquêteur et le jury. La plupart des commissions de police et des commissions chargées d'autres secteurs d'activité ont été créées dans les années 60 et 70, et elles avaient habituellement un triple mandat. Elles avaient le pouvoir de réglementer l'activité dont elles avaient la responsabilité, qu'il s'agisse de la police ou d'un autre domaine. Elles avaient aussi un pouvoir administratif semblable à celui du vérificateur général, permettant d'intervenir et de faire des vérifications et d'élaborer des règles et procédures quant à la façon dont on est censé présenter les rapports, le format de ceux-ci, etc. Et elles avaient aussi des pouvoirs quasi judiciaires. Elles avaient le pouvoir de faire enquête, de tenir des enquêtes publiques, de faire des recommandations et de formuler un blâme relativement à la conduite d'un agent ou même de blâmer tout un service de police et de recommander des sanctions. L'un des problèmes était qu'avec le temps, le public a perdu confiance, à cause du jumelage, du chevauchement de ces fonctions. Et les gens qui étaient assujettis aux règlements ou aux codes ou quoi que ce soit ont également perdu confiance.

+-

    M. Rick Borotsik: L'un des éléments qui a été exprimé avec force durant notre réunion concernait le mode de nomination de la personne en question, qu'il s'agisse d'un conseiller ou d'un commissaire. Dans presque tous les pays, cette personne est nommée par les gens qu'elle représente, c'est-à-dire les parlementaires. Dans un cas, la nomination doit être approuvée à la majorité des deux tiers, tandis que dans l'autre cas, il suffit d'une majorité simple. Les gens qu'elle représente doivent éprouver du respect pour cette personne et ils ont donc le droit de la nommer. Or ce n'est pas ce que vous proposez ici. Comment entrevoyez-vous cela? Croyez-vous que la nomination devrait être faite par les parlementaires eux-mêmes? Nous devons en effet avoir suffisamment de respect pour cette personne pour pouvoir aller la voir et lui exposer notre problème. Qu'en pensez-vous?

+-

    Mme Marlene Jennings: Quand j'ai mis mes réflexions par écrit, à l'origine, le premier point portait sur le mode de nomination. Je disais qu'il devait être nommé par décret du conseil après consultation obligatoire de tous les partis. Depuis lors, j'en ai discuté avec des membres de mon propre caucus, qui ont soulevé un point très important. Si nous adoptons cette façon de procéder, cela pourrait donner lieu à des contestations judiciaires, et l'on pourrait même envisager des poursuites judiciaires intentées par des tierces parties. J'ai donc reconsidéré cet aspect, et je crois vraiment que nous devrions envisager de créer un poste ou deux postes semblables à celui du président de la Chambre. Peut-être par l'entremise de notre Règlement, nous devrions envisager de créer un régime de mise en oeuvre qui ne ferait pas appel à des instruments législatifs, afin de nous protéger contre la possibilité de poursuites. Je pense que les parlementaires devraient être les seules personnes autorisées à porter plainte. Si une tierce partie quelconque croit avoir des motifs valables de croire ou des preuves qu'un parlementaire a violé le code de déontologie, je pense que la personne en question doit alors en saisir un parlementaire et le convaincre de donner suite à l'affaire. Je pense que cela nous forcera d'utiliser le système avec honnêteté et après mûre réflexion, plutôt qu'un scénario du genre, j'ai une dent contre Rick Borotsik parce qu'il n'a pas appuyé ma motion, et peut-être que je suis encline à me venger, alors dans deux semaines ou deux mois, je vais porter plainte contre lui.

    Peu importe en quoi consistera le code de déontologie, il faudrait qu'il comporte un mécanisme permettant au commissaire à l'éthique qui reçoit la plainte de juger, le cas échéant, que la plainte est frivole et vexatoire. C'est pourquoi je dis que le fardeau de la preuve doit être assez élevé, car nous avons affaire à des parlementaires. Nous sommes l'autorité ultime. On peut dire que la Cour suprême du Canada, depuis l'adoption de la Charte des droits et libertés, s'est taillée une place énorme dans nos lois, mais quoi que décide la cour, nous pouvons toujours revenir à la charge et légiférer de nouveau.

½  +-(1915)  

+-

    Le président: Pourrais-je faire une observation à ce sujet? L'un des commissaires, en réponse à une question--je pense que c'est Rick qui demandait qui peut porter plainte, pourquoi les membres du grand public ne devraient pas pouvoir porter plainte, a dit que, d'après son expérience, il n'y a jamais eu le moindre problème à trouver un député qui déposerait la plainte.

+-

    M. Rick Borotsik: Il a dit un député d'opposition.

+-

    Le président: Autrement dit, le grand public peut toujours trouver un député au Parlement qui se charge de donner suite à une plainte.

+-

    Mme Marlene Jennings: J'ai appris durant mon expérience comme membre de la Commission de police et comme commissaire adjointe chargée de l'éthique policière que l'une des faiblesses de notre système était que lorsque nous jugions que la plainte était clairement frivole ou clairement vexatoire, personne n'avait le pouvoir de recommander même que des sanctions soient prises contre la personne qui avait déposé cette plainte vexatoire. Ainsi, la personne qui était en fin de compte la victime de cette plainte avait vu sa réputation souillée et il lui était impossible même de s'adresser à un tribunal civil pour réclamer des dommages-intérêts. S'il existait un tel mécanisme, ce serait un frein, et les gens y penseraient à deux fois. C'est pourquoi j'ai dit que je pourrais me quereller avec l'un de mes propres collègues ou un collègue de l'opposition, et je pourrais décider de porter plainte contre lui et d'inventer une allégation quelconque. C'est pourquoi je pense que le comité doit également se pencher sur cet aspect.

+-

    Le président: Libby Davies, suivie par Ken Epp.

+-

    Mme Libby Davies: Merci beaucoup.

    Marlene, je vous remercie d'être venue et de nous avoir présenté un modèle aussi mûrement réfléchi qui peut vraiment être envisagé d'une manière très pragmatique.

    Je voudrais revenir au modèle du Québec dont vous avez parlé. Je suis entièrement d'accord pour dire qu'il faut séparer les rôles de conseiller et d'enquêteur, ou de commissaire qui reçoit la plainte. Autrement, il peut y avoir conflit d'intérêts. Non seulement la personne en question est-elle placée dans une situation difficile, mais je pense que cela pourrait aussi dissuader les députés de lui demander même conseil, et il me semble que c'est un élément important, d'obtenir de sages conseils sur des problèmes potentiels.

    Vous avez fait grand cas de la surveillance civile. Je vais me faire l'avocat du diable et vous demander pourquoi nous devrions être exemptés de toute surveillance civile? J'ai compris ce que vous avez dit au sujet de l'acheminement des plaintes, que ce serait l'un de nos pairs qui s'en chargerait, mais essentiellement, vous dites que le commissaire ferait enquête et qu'ensuite, ses recommandations seraient soumises à un comité de la Chambre. Par conséquent, dans les faits, c'est un comité de nos pairs qui prendrait une décision. Dans votre esprit, pourquoi devrions-nous être traités différemment en n'étant pas assujettis à ce qui semble avoir été un modèle fort valable pour de nombreuses autres instances?

    Deuxièmement, dans le système à trois paliers expliqué à la dernière page, c'est le commissaire qui décide s'il y a lieu ou non de mener enquête. Après avoir étudié le dossier, il décide s'il y a des motifs d'aller plus loin ou non. Dans l'affirmative, il y aurait une enquête. Si le commissaire décide de ne pas aller de l'avant, que va-t-il se passer par la suite? Si, pour une raison quelconque, le commissaire estime qu'il n'y a pas matière à faire enquête? La personne qui porte plainte a-t-elle un autre recours? Peut-elle exprimer son désaccord? Étant donné que cela n'a pas été précisé, vous pourriez peut-être répondre aussi à cette question.

½  +-(1920)  

+-

    Mme Marlene Jennings: C'est un très bon point, Libby.

    Dans le contexte de la surveillance civile, le conseiller en éthique et le commissaire ne seraient pas des parlementaires. On parle de surveillance civile en ce sens que ces personnes ne sont pas des parlementaires et qu'elles sont indépendantes. Elles tirent leur habilitation d'une mesure législative ou du règlement. Le pouvoir qui leur est conféré est le même que celui dont jouit le président de la Chambre en vertu de notre Règlement ainsi que des règles et usages parlementaires. C'est lui qui a le pouvoir suprême à moins que la Chambre ne modifie le règlement. À l'heure actuelle, lorsque le président juge qu'une motion déposée à la Chambre ou un rappel au Règlement n'est pas recevable, on ne va pas plus loin. Cette instance est donc civile du fait qu'il n'y a pas de parlementaires qui en font partie. On la qualifie de civile parce qu'essentiellement, elle regroupe des personnes étrangères à la profession visée par le code. Dans notre groupe, il n'y avait pas de policiers. Lorsqu'il s'agit de juges, il n'y aura pas de juges parmi les commissaires.

+-

    Mme Libby Davies: Lorsqu'une enquête a lieu, vous avez dit que ses conclusions étaient soumises à un comité, n'est-ce pas?

+-

    Mme Marlene Jennings: Un comité composé d'un civil, d'un avocat et d'un policier.

+-

    Mme Libby Davies: Ce n'était donc pas des pairs du service de police ou quoi que ce soit. Même ce volet du processus constituait une surveillance civile.

+-

    Mme Marlene Jennings: Nous sommes des législateurs. Nous sommes élus pour légiférer et pour adopter ou rejeter les politiques dont nous sommes saisis par le parti au pouvoir. Nous avons un rôle constitutionnel à jouer. Voilà pourquoi, à mon avis, nous devons assumer le fardeau de la décision de mettre en oeuvre ou non ces recommandations, après qu'une enquête a donné lieu à des conclusions, si ces conclusions sont négatives à l'égard du parlementaire dont la conduite faisait l'objet de la plainte et de l'enquête. Et ensuite, nous sommes comptables, individuellement et collectivement, à notre électorat.

+-

    Mme Libby Davies: Autrement dit, notre imputabilité tient au fait que nous sommes élus.

+-

    Mme Marlene Jennings: Je pense qu'il faut qu'il y ait une différence, oui.

+-

    Mme Libby Davies: Pourriez-vous répondre à la seconde question? Si le commissaire décide de ne pas aller plus loin, de ne pas faire enquête, le plaignant a-t-il un recours quelconque à ce moment-là?

+-

    Mme Marlene Jennings: Le comité devrait envisager d'établir un mécanisme quelconque qui permettrait au plaignant de présenter une motion devant un comité ou devant la Chambre. Si le commissaire estime que la plainte ne mérite pas de faire l'objet d'une enquête, il va de soi qu'il devra faire rapport. Cette décision sera rendue publique et déposée à la Chambre, accompagnée des motifs sous-jacents. Mais je pense que vous avez raison. Le plaignant devrait pouvoir recourir à un mécanisme d'examen de cette décision. Notre comité devrait se pencher là-dessus. Devrait-on envisager de procéder par le biais d'une motion que la Chambre serait tenue d'examiner, de discuter et de mettre aux voix? Ou encore un renvoi à un comité qui prendrait la décision ultime? Je pense que c'est un bon point. Il devrait y avoir un mécanisme quelconque car une erreur est toujours possible, de nouvelles preuves peuvent faire surface.

½  +-(1925)  

+-

    Mme Libby Davies: Parfois, on est en présence de zones très grises, n'est-ce pas?

+-

    Mme Marlene Jennings: Car tout n'est pas blanc ou noir.

+-

    Mme Libby Davies: Il peut y avoir des cas limites.

+-

    Mme Marlene Jennings: De tels cas devraient normalement faire l'objet d'une enquête.

+-

    Le président: Ken.

+-

    M. Ken Epp: Merci beaucoup. Je vous remercie également, madame Jennings, d'avoir comparu devant nous. Il est bon de vous voir d'un peu plus près. Habituellement, plus de deux longueurs d'épée nous séparent.

    J'ai trouvé intéressant que vous évoquiez dans votre préambule votre expérience à la Commission de police. Ce qui est différent, en l'occurrence, c'est que le Parlement se trouve être le plus haut tribunal du pays. En tant qu'avocate, pensez-vous que c'est une bonne idée que nous, parlementaires, introduisions un élément civil, des citoyens choisis par un mécanisme quelconque, pour participer à l'application du code de déontologie. N'est-ce pas là un revirement curieux? Pourriez-vous répondre à cette question?

+-

    Mme Marlene Jennings: À mon avis, il est impératif que le conseiller en éthique et que le commissaire soient indépendants. Il faut aussi que les personnes qui assumeront ces fonctions ne soient pas des parlementaires. Si c'était des parlementaires notre système serait discrédité encore plus rapidement qu'il n'a fallu aux systèmes d'enquête interne de traitement des plaintes qui existaient pour la magistrature et pour les services de police chargés de l'application de la loi de l'être. Ce système a perdu toute crédibilité aux yeux des policiers eux-mêmes si on veut utiliser l'exemple des services de police, et du public, précisément parce que le mécanisme était interne et que, par conséquent, on pouvait toujours soupçonner que le titulaire du poste n'était pas impartial ou objectif. D'entrée de jeu, cela mine la crédibilité de la fonction. Et c'est la protection de cette crédibilité de la fonction qui me préoccupe au plus haut point. J'ai été élue le 2 juin 1997. Je vois que M. Wilson, le conseiller en éthique, est présent. Depuis six ans maintenant, je suis de près les problèmes auxquels il s'est heurté, non parce que ce n'est pas un honnête homme ou qu'il manque d'objectivité, à mon avis, mais simplement en raison de la structure de son mandat. Inévitablement, cela a jeté le discrédit sur la fonction elle-même. C'est vraiment malheureux. Depuis que je suis devenue secrétaire parlementaire, j'ai eu l'occasion de le consulter et j'ai constaté que sa réflexion est empreinte d'objectivité, mais compte tenu des problèmes créés par le fait qu'il a été nommé par le premier ministre et que c'est au premier ministre seul qu'il fait rapport, et qu'il cumule la réception des déclarations et les enquêtes, la crédibilité de ses fonctions en a souffert. Voilà pourquoi je pense que les titulaires de ce poste, qu'il y en ait un ou deux, doivent être des non-parlementaires.

+-

    M. Ken Epp: Je trouve curieux que vous souhaitiez qu'il y ait deux personnes en place. Cela suscite un dilemme au plan pratique. En tant que parlementaire, si vous vous demandez si l'activité dans laquelle vous êtes sur le point de vous lancer est conforme aux règles ou non, vous n'allez pas normalement consulter le conseiller en éthique ou le commissaire. De deux choses l'une: soit ce que vous faites est manifestement au-dessus de tout reproche et qu'il n'y a pas de problème, soit il est clair que vous devriez vous abstenir, et vous vous en abstenez. Mais de temps à autre, c'est une décision délicate et c'est à ce moment-là que l'on a besoin d'un avis. Que se passerait-il si vous alliez voir le conseiller en éthique indépendant et qu'il vous dise: je pense que ça va, mais que par la suite, quelqu'un loge une plainte au sujet de vos activités et que l'autre personne que vous consultiez vous dise: comment avez-vous pu déroger autant à l'éthique? En l'occurrence, le premier avis qu'on vous a donné n'est pas valable puisqu'il provenait d'une personne différente. C'est là un argument qui milite en faveur d'un seul titulaire car si cette personne vous donne le feu vert et que vous allez de l'avant, à ce moment-là vous avez à tout le moins un moyen de défense. Vous pouvez faire valoir que vous l'avez consulté, parce que vous le jugez nécessaire, et que vous avez suivi ses conseils. Vous pouvez vous défendre. Autrement, vous êtes cuit.

½  +-(1930)  

+-

    Mme Marlene Jennings: Vous venez de poser une excellente question. Et c'est précisément pourquoi il devrait y avoir deux personnes. Supposons que j'ai présenté ma déclaration obligatoire au conseiller en éthique indépendant. Six mois plus tard, on m'a demandé de faire quelque chose ou j'ai pensé faire quelque chose, mais je ne suis pas certaine que cela soit conforme au code de déontologie. Le conseiller en éthique examine tous les faits, il effectue les vérifications nécessaires et me communique ensuite sa décision éclairée, me disent que l'activité en question est parfaitement acceptable et conforme au code de déontologie. Elle ne contrevient pas au code d'éthique. Soit dit en passant, il est probable que tout cela serait documenté. Un an plus tard, vous apprenez ce que j'ai fait, peu importe ce que c'était, et vous logez une plainte officielle auprès du commissaire indépendant. À ce moment-là, je peux, si je le veux, relever le conseiller en éthique de son devoir de confidentialité. Ce dernier présenterait alors le document montrant que je l'ai consulté et qu'il m'a clairement dit que le geste que j'allais poser ne constituait pas, à son avis, une violation du code de déontologie. C'est donc une défense.

    Supposons que le commissaire décide de fouiller plus avant car il n'est pas certain que ce soit le cas. Il fait enquête et advenant qu'il juge que cette activité constituait une violation du code d'éthique, à ce moment-là, vous pouvez plaider les circonstances atténuantes. C'est une légitime défense. D'ailleurs, il y a à cet égard toute une jurisprudence applicable pratiquement à toutes les professions, médecins, avocats, etc. Le commissaire pourrait alors juger que la conduite en question constituait une violation du code d'éthique, mais compte tenu du fait que le conseiller en éthique l'avait avalisée, aucune sanction ne devrait être imposée. Un cas comme celui-là sert à constituer ce que l'on appellerait une banque de jurisprudence pour le conseiller en éthique. D'ailleurs, ce dernier pourrait comparaître devant le commissaire, s'il n'est plus assujetti à l'obligation de confidentialité, et expliquer les raisons pour lesquelles il a jugé que ce n'était pas une violation. À mesure que ces décisions finales sont rendues, cela crée une banque de jurisprudence. Autrement dit, le code de déontologie n'est pas statique. Il continue d'évoluer et il suscite ce que j'appelle une tension saine entre le conseiller et le commissaire.

+-

    M. Ken Epp: C'est un très bon argument. Vous gagnez votre point, et moi le mien.

    Je pense qu'à cet égard, il y aurait lieu de sonder les 301 parlementaires, et non seulement ceux qui sont ici aujourd'hui. Dans quelle mesure sommes-nous favorables à l'idée d'élaborer un code de déontologie, assorti d'un mécanisme de plaintes débouchant sur une décision et des recommandations pouvant aller jusqu'à la perte de son siège, alors qu'en fait--et nos attachés de recherche pourraient certainement nous aider--si ma mémoire est bonne, il n'y a pas eu un seul cas où un député d'arrière-ban ait eu une conduite tellement contraire à l'éthique que cela aurait justifié la tenue d'une audience? C'est toujours aux échelons supérieurs, au niveau de l'exécutif, que sont survenus des problèmes. Par conséquent, pourquoi voudrions-nous opter pour cette voie?

½  +-(1935)  

+-

    Mme Marlene Jennings: Je crois me rappeler que deux députés du Parlement ont dû démissionner. C'était de simples députés qui s'étaient rendu coupables de trafic d'influence. Les accusations en question avaient été portées alors qu'ils étaient députés au Parlement. Je vous donne simplement un exemple pour bien montrer que le fait que l'on soit simple député n'empêche pas que l'on commette des erreurs en matière d'éthique.

+-

    Le président: Ken, avez votre permission, Marlene est secrétaire parlementaire, et je l'ai été moi-même. Lorsque je le suis devenu, j'ai trouvé extrêmement utile le volet conseil de façon générale. Ces conseils nous ont été prodigués, à ma femme Jill et moi-même, dans le cadre d'un processus sérieux et ils ont suscité notre réflexion. Non pas que notre situation était particulièrement compliquée, mais cela nous a amenés à régler certaines choses que nous n'avions pas réglées auparavant. Par conséquent, j 'estime que ce volet conseil est très important.

+-

    Mme Marlene Jennings: Si vous me permettez d'ajouter quelque chose au sujet du volet conseil, je vais vous révéler en partie ma situation personnelle. J'ai un frère et une soeur qui ne sont ni biologiquement ni légalement mon frère et ma soeur, mais qui le sont quand même. Ils sont frères et soeurs biologiquement et ont été placés chez nous en famille d'accueil quand j'étais un très jeune enfant. Ils ont été élevés comme mes frères et soeurs et ils sont mon frère et ma soeur. En fait, je suis plus proche de mon jeune frère que je ne le suis de mon frère aîné, qui est mon frère biologique. Quand j'ai été nommé secrétaire parlementaire, comme mon frère n'est pas vraiment mon frère aux termes du code de déontologie, je n'étais pas tenue de faire la moindre déclaration à son sujet. Mais parce qu'il est mon frère, même s'il ne serait pas considéré comme mon frère aux termes d'une loi quelconque, j'en ai parlé au conseiller en éthique et nous avons eu une longue discussion. Je lui ai dit qu'à mon avis, je devais le divulguer, parce que mon frère est un homme d'affaires, qu'il a déjà traité avec le gouvernement dans le passé et qu'il pourrait le faire de nouveau à l'avenir. Nous avons eu, comme Peter l'a dit, une discussion utile et, en fin de compte, il a été décidé que je devais divulguer cette relation.

+-

    Le président: Très bien.

    Margy.

+-

    Mme Margaret Young: Bien que vous n'ayez pas lu les propositions, vous avez présenté de votre propre chef bon nombre des mêmes éléments qui se trouvent ici. Je vous en félicite donc.

    Je voulais poursuivre dans la ligne des questions de M. Epp—Je ne veux pas l'accuser de m'avoir ôté les mots de la bouche. On a laissé entendre que si c'est la même personne qui est à la fois le conseiller et le commissaire à l'éthique, cette personne pourrait être en difficulté en faisant enquête. Moi, c'est le contraire qui m'inquiète. Je crains que le conseiller soit dans une position précaire s'il sait qu'il y a au-dessus de lui une autre instance qui peut rendre une décision contraire. Peut-être trouverez-vous intéressant de savoir que le processus est un peu plus simple aux termes de la proposition. L'opinion écrite du commissaire à l'éthique, pourvu que tous les faits lui aient été fournis, constituerait la décision ultime. On aurait donc le commissaire à l'éthique qui ferait enquête et qui dirait, oui, les faits sont clairs et rien ne cloche, et la plainte est donc rejetée. Ce serait donc un peu plus simple.

    Dans l'exemple de M. Epp, la personne était de bonne foi. Supposons qu'un député au Parlement est préoccupé et qu'il consulte le conseiller, et que ce dernier lui dise: je crois que vous avez un problème potentiel--disons que c'est une question d'influence ou quoi que ce soit--je crois que, compte tenu de votre portefeuille et de ce que vous faites ou proposez de faire, vous n'êtes pas en conformité, et je recommande donc de prendre les mesures A, B et C. Disons que le député ne veut pas faire cela et qu'il en fait à sa tête. Essentiellement, il se dirait: je prends le risque que la commission indépendante chargée de l'éthique me donne raison si jamais je fais l'objet d'une plainte, ce qui n'arrivera peut-être jamais. Est-ce que cela n'ébranle pas d'une certaine manière la position du conseiller à l'éthique?

½  +-(1940)  

+-

    Mme Marlene Jennings: Franchement, je ne le pense pas. Cela pourrait arriver peu importe que nous ayons deux bureaux ou un seul. Si nous avions un seul bureau, la personne pourrait tout simplement ne pas divulguer toutes ses affaires, et il est possible que la vérité ne sorte jamais. Je pense donc que cette situation hypothétique pourrait exister dans un cas comme dans l'autre. J'en reviens toujours à ce qui m'apparaît fondamental, qui m'est presque chevillé au corps après avoir passé tant d'années à travailler dans des instances de gouvernance. Il faut que la fonction du conseiller soit séparée de la fonction de l'enquêteur. Je pense qu'il y a effectivement le danger, comme vous l'avez dit, que le conseiller en éthique donne continuellement des conseils qui sont ensuite réfutés par le commissaire à l'éthique, en cas de plainte. Dans ce cas, peut-être le poste est-il occupé par la mauvaise personne et nous pourrions alors envisager d'en changer le titulaire. Mais je pense que ce n'est nullement différent de l'appareil judiciaire, où il y a la Cour supérieure, la Cour d'appel, la Cour suprême. Quand la Cour d'appel ou la Cour suprême du Canada casse une décision rendue par un tribunal de première instance, cela donne matière à réflexion à ce tribunal de première instance et peut le guider à l'avenir. C'est comme cela que je vois les choses et c'est pourquoi je pense qu'il est sain d'avoir deux bureaux séparés.

+-

    Mme Margaret Young: Le président m'a accordé une question supplémentaire.

+-

    Mme Marlene Jennings: Allez-y, je m'amuse beaucoup. C'est la première fois que je comparais comme témoin depuis que j'ai porté plainte devant la Commission du salaire minimum du Québec quand j'étais adolescente; j'avais gagné ma cause.

+-

    M. Ken Epp: Je veux seulement vous poser une très brève question. Vous avez dit que l'audience serait publique. Pourtant, dans votre proposition, on dit que l'audience serait privée, parce que si une personne n'est pas coupable, on ne traîne pas son nom dans la boue, car on sait qu'en politique, une personne est coupable dès qu'elle est accusée.

+-

    Mme Marlene Jennings: Le comité peut décider, si vous adoptez le système à paliers, que l'audience ne sera pas publique. Mais je vous fais une mise en garde: quel que soit le système que l'on mettra en place, les décisions devront être publiques. Or si la décision est publique, mais pas le processus qui a abouti à cette décision, il y aura partout, y compris à la Chambre, des Saint-Thomas qui mettront en doute la légitimité et la crédibilité de ce rapport. Je pense donc que nous devons envisager sérieusement d'avoir une audience ouverte, tout comme le sont les audiences des comités, mais en même temps, selon la nature de la plainte ou de la preuve à entendre ou des témoins à convoquer, je pense que le commissaire à l'éthique doit avoir le pouvoir de décider que l'enquête sera tenue en privé. Nous avons constaté que les commissions ou offices de ce genre ont souvent ce pouvoir.

+-

    Le président: Nous devrions redonner la parole à Margy, parce que c'était son tour.

½  +-(1945)  

+-

    Mme Margaret Young: Vous avez évoqué la tension créatrice entre le conseiller à l'éthique et le commissaire à l'éthique indépendant, mais dans le modèle que vous nous avez présenté, il y a aussi possibilité de tension entre ces deux personnages et le comité. La proposition dont nous sommes saisis est un peu plus simple, en ce sens que c'est le conseiller à l'éthique qui fait enquête. Il peut donc y avoir tension, si l'on veut. Ce pourrait être une tension créatrice, ce pourrait être bon, ce pourrait être mauvais, mais il y a, en un sens, un appel ou un contrepoids au conseiller. Je veux simplement signaler qu'il n'y a pas de système de comité dans les provinces, quoique cela semble quand même fonctionner, tandis qu'au niveau fédéral, il y a au moins un système de comité. Ne serait-ce pas là, à votre avis, un bon équilibre de tension, de sorte que, par exemple, si le comité estime que le conseiller a commis une erreur, il pourrait non seulement le dire, mais aussi faire des recommandations à la Chambre en vue de changer le règlement et le code?

+-

    Mme Marlene Jennings: Cela pourrait fonctionner comme un mécanisme d'appel ou de révision, si c'est le comité lui-même qui reçoit le rapport et qui décide que le conseiller en éthique s'est peut-être trompé. C'est là qu'entre en jeu le troisième niveau, l'autorité suprême du Parlement et de la Chambre. Je le répète, pour moi, c'est fondamental. La fonction de conseiller doit être séparée de la fonction d'enquêteur. MM. Borotsik et Epp ont tous les deux soulevé une interrogation: qu'arrive-t-il si le député qui a porté plainte, ou ce pourrait être le comité, estime que le rapport qui est déposé en fin de compte n'est pas exact ou satisfaisant? Je pense que c'est là qu'intervient le troisième niveau, l'autorité ultime, c'est-à-dire le comité ou la Chambre ou l'instance que nous choisirons pour rendre la décision ultime.

+-

    Le président: Collègues, j'ai l'intention de terminer vers 20 heures, si cela vous convient. J'ai une brève question, après quoi j'ai sur ma liste Jacques Saada, Geoff Regan et Libby Davis.

    Marlene, vous avez dit tout à l'heure qu'une nomination par décret peut être contestée devant les tribunaux, du moins le mécanisme de nomination de ces gens-là. Que vouliez-vous dire par là?

+-

    Mme Marlene Jennings: Certains membres de mon caucus ont soulevé cette question, à savoir que si nous procédons par voie de législation, la loi en question peut être contestée. On pourrait contester le mandat du conseiller en éthique en disant qu'il refuse, aux termes d'un mandamus, d'exercer son pouvoir, ou encore le commissaire à l'éthique. En théorie, on pourrait s'adresser aux tribunaux pour contester...

+-

    Le président: Simplement parce que c'est inscrit dans la loi.

+-

    Mme Marlene Jennings: Je n'ai pas fait de recherche là-dessus. Ce point a été soulevé par certains de mes collègues qui sont avocats. Je transmets simplement cette question au comité, parce qu'elle m'a été signalée, et il y aurait peut-être lieu de demander à vos juristes experts de se pencher là-dessus pour voir s'il y a lieu de s'en inquiéter.

+-

    Le président: Je vous en remercie beaucoup.

    Jacques Saada.

[Français]

+-

    M. Jacques Saada: Monsieur le président, ce n'est pas mon troisième tour, c'est seulement le deuxième, mais je me ferai un plaisir de céder la parole à mon collègue Geoff.

[Traduction]

+-

    Le président: Très bien. Geoff.

+-

    M. Geoff Regan: Merci, Jacques.

    Je pense que bon nombre d'entre nous essayons probablement de démêler tout cela, les nouvelles dispositions et les options qui nous sont présentées, ainsi que les différents points de vue que j'ai entendus de la part de mes collègues. Je pense donc qu'il pourrait être utile de mettre à l'épreuve certaines des idées qui ont été avancées. Sur la question de la surveillance civile, par exemple, ce qui me frappe, c'est la question suivante. Existe-t-il au Canada, à votre avis, une institution qui a une surveillance civile plus poussée que celle-ci, étant scrutée par le grand public et par les médias? Chaque député a des amis--je ne dirai pas des adversaires--qui le surveillent depuis leur siège d'en face. Je pense que la réponse est non. Nous devrions y réfléchir quelques instants.

    De plus, dès qu'un député devient ministre ou secrétaire parlementaire, il doit créer une fiducie sans droit de regard. Il ne peut plus s'occuper de ses investissements et savoir ce qui se passe dans ses propres affaires. Mais dans le cas d'un député qui n'est pas au Cabinet, qui est un simple député d'arrière-ban ou de l'opposition, nous ne proposons pas de l'empêcher d'investir dans diverses compagnies ou entreprises, pourvu qu'il n'y ait pas de conflit entre ses affaires et ses activités au Parlement. Mais dès lors qu'il investit, il doit s'adresser au conseiller en éthique ou au commissaire à l'éthique et lui dire: voici ce que j'ai l'intention de faire, qu'en pensez-vous? Celui-ci répond: je crois que ça va. À mon avis, le député doit être pas mal confiant au départ. Il veut une garantie, essentiellement, il veut pouvoir dire: j'ai une garantie, je peux faire cet investissement sans problème. Et si l'on ne peut obtenir cette garantie, alors à quoi sert le conseiller en éthique?

½  +-(1950)  

+-

    Mme Marlene Jennings: Cela revient à dire: à quoi sert d'avoir un code civil au Québec? Si je veux faire une transaction commerciale, acheter un terrain ou construire ou acheter des actions d'une compagnie, je m'adresse à un cabinet d'avocats et demande un avis juridique pour savoir si je suis autorisée à le faire par la loi, aux termes du code civil ou de la loi sur les sociétés, quelle que soit la loi qui s'applique, et l'on me répond que oui, d'après les experts, je peux faire cela. Alors je le fais et puis quelqu'un me poursuit devant les tribunaux—c'est la même situation.

+-

    M. Geoff Regan: Mais en l'occurrence, nous n'avons pas affaire à six ou sept millions de personnes, seulement à 301, même si ce chiffre sera bientôt porté à 306 ou à peu près. Je m'interroge simplement: je me demande si nous ne pourrions pas nous contenter d'un système plus simple, étant donné la nature de l'organisation, les activités qui sont les nôtres, etc.

    De plus, il me semble qu'une manière de régler ce problème, dans le cas où quelqu'un reçoit des conseils et ne les suit pas, c'est de comparer avec le cas de la commission, c'est-à-dire que le commissaire pourrait exiger que l'intéressé se conforme aux conseils qui lui sont donnés. Peut-être aurions-nous besoin d'une disposition qui permettrait au conseiller en éthique de dire, voici ce que je veux que vous fassiez, et ensuite d'exiger que cela se fasse effectivement et de faire un suivi ensuite pour vérifier. Peut-être que ce serait une manière de régler le problème.

    Enfin, je ne pense pas que le coût devrait être le facteur déterminant dans la décision que nous prendrons dans cette affaire, mais je ne crois pas non plus que nous puissions ne tenir aucun compte de la question du coût, car nous avons la responsabilité envers les contribuables d'essayer d'établir un bon système au plus bas coût possible pour les contribuables.

+-

    Mme Marlene Jennings: Avant d'aborder cette question, je veux revenir à la question que vous avez posée, à savoir quel autre groupe ou institution a plus de surveillance civile que nous. Il n'y en a pas, sauf que notre surveillance s'exerce tous les quatre ou cinq ans, concrètement, et c'est notre réélection qui est en jeu. Cela arrive tous les quatre ou cinq ans, quand des élections générales sont déclenchées. Je parle du cas des simples députés.

+-

    M. Geoff Regan: Nous avons vu des ministres démissionner même s'il n'y a pas eu d'élection. Je pense que cela pourrait facilement s'appliquer aussi aux simples députés. Une personne peut être tellement mise dans l'embarras et ses agissements dénoncés publiquement, elle peut être forcée de démissionner. L'humiliation publique et le tollé qui s'ensuit peuvent forcer quelqu'un à démissionner. Je me débats avec tout cela.

+-

    Mme Marlene Jennings: Vous vous débattez, je le comprends.

½  +-(1955)  

+-

    Le président: On me dit que si le fisc vous donne un conseil, il ne peut pas s'en prendre à vous par la suite s'il vous a mal conseillé. Est-ce différent en l'occurrence?

+-

    Mme Marlene Jennings: Si nous créons des bureaux séparés, le conseiller en éthique a donné un conseil et le parlementaire a suivi ce conseil, c'est là qu'entre en jeu la possibilité de lever le sceau de confidentialité. Mais je pense qu'il faut quand même prévoir un contrepoids quelconque, au cas où ce conseil serait mauvais.

+-

    Le président: D'accord.

    Jacques Saada.

[Français]

+-

    M. Jacques Saada: Monsieur le président, c'est une question qu'on a déjà soulevée auprès des conseillers en éthique qui sont venus de différentes provinces pour nous rencontrer. On y a touché un peu tout à l'heure, et je suis vraiment très préoccupé par la réponse que tu nous as faite, Marlene, à propos du caractère public de l'enquête qui pourrait être faite.

    Contrairement à un policier, par exemple, ou à quelqu'un de n'importe quel autre corps de métier ou de n'importe quelle profession, nous sommes des personnalités publiques. On est à la vue du public; on n'est pas toujours des personnalités, mais on a un caractère public. Il est évident que la moindre allégation rendue publique--et je crois que Ken avait raison à ce sujet-là--fait en sorte que pour certaines personnes, nous sommes déjà coupables avant même que quoi que ce soit d'autre arrive. Il me semble absolument aberrant qu'on permette la publication des allégations tant qu'il n'a pas été démontré, à la satisfaction des gens concernés, par exemple les commissaires, qu'il y a effectivement matière à sanction, matière à reproche.

    Ma question va plus loin que cela. Non seulement le commissaire à l'éthique devrait tenir le dossier confidentiel, mais en plus, il est prévu dans le projet, si je me souviens bien, que le nom de l'auteur de la plainte ne sera pas divulgué à celui qui fait l'objet de la plainte. Alors, on se retrouve dans une situation...

+-

    Mme Marlene Jennings: Moi, je n'ai pas vu cette proposition.

+-

    M. Jacques Saada: Non, non, je comprends, mais je présente toutes ces données pour expliquer un peu le problème tel que je le vois. On a quelqu'un qui, sans avoir besoin d'être identifié auprès du collègue, peut déposer une plainte. Le processus se passe devant le grand public. Qui perd tout le long de la ligne? C'est celui qui est accusé, alors qu'il n'y a encore aucune preuve qui ait été fournie et qu'au fond, il n'y a encore aucune culpabilité qui ait été établie. Je pense que la seule façon d'éviter cela, c'est d'obliger le plaignant, tous les gens concernés par le processus et celui contre qui la plainte est faite à conserver le secret absolu, et d'établir des sanctions pour les cas où le secret ne serait pas gardé, le temps qu'on statue sur la culpabilité de la personne.

    Je ne veux pas m'étendre trop longtemps là-dessus, monsieur le président. Je veux juste donner un petit exemple très simple. Imaginons que 25 jours avant une élection--sans tenir compte des problèmes techniques, à savoir si je suis député ou non, et ainsi de suite--, comme par hasard, une lettre atterrit sur le bureau du commissaire à l'éthique. On allègue telle ou telle chose. Si on suit un processus ouvert et public, je suis mort, moi. En 25 jours, je n'ai aucune possibilité de me retourner. Ça n'a pas de sens. Ça devient un instrument entre les mains de gens qui pourraient avoir des visées politiques plutôt que le désir de faire appliquer le code d'éthique et une moralité qui doivent présider à tout ce qu'on fait en tant que députés.

    Je ne suis pas d'accord que le processus soit public. Si un policier se trouve impliqué dans un processus public, il peut très bien, pendant ce temps, continuer de travailler avec solde, ou bien être mis en congé sans solde, mais qui connaîtra l'identité du policier quand il se promènera dans la rue? Personne. Quant au député, croyez-moi, tout le monde va le connaître. Cela me pose un problème sérieux.

+-

    Mme Marlene Jennings: J'aimerais aborder deux points. Je n'ai pas encore eu l'occasion de lire la proposition, mais si vous dites que l'identité de la personne qui porte plainte sera gardée secrète, même pour la personne dont la conduite fait l'objet de la plainte,...

¾  +-(2000)  

+-

    M. Jacques Saada: Exactement. C'est bien ce qui est indiqué dans le projet de loi.

+-

    Mme Marlene Jennings: ...cela pose un problème sérieux. Ensuite, les arguments que vous avez présentés sur la question de l'enquête publique sont de bons arguments. C'est un sujet que le comité pourrait examiner de près, et il pourrait décider que les enquêtes ne seront pas publiques. C'est quelque chose que vous pourriez facilement décider. Mais justement, parce que vous avez présenté de bons arguments, la seule chose que je veux vous dire, c'est qu'il faut vous rendre compte que ce processus sera jugé négativement par le public.

+-

    M. Jacques Saada: Le processus, peut-être, mais si on ne le met pas en place, c'est sur l'individu dont on se plaint que ça va retomber.

+-

    Mme Marlene Jennings: Oui. Si nous sommes majoritairement prêts à assumer la responsabilité de notre décision, si nous croyons qu'il y a de bonnes raisons de justifier que l'enquête et les auditions sur la plainte ne soient pas publiques, moi, je suis prête à l'accepter.

[Traduction]

+-

    Le président: Notre but ce soir n'est pas de prendre une décision sur tout cela, mais plutôt de lancer publiquement des questions et des idées, et c'est exactement ce que nous faisons.

    Libby Davis.

+-

    Mme Libby Davies: Je veux revenir également sur ce point, pour faire suite à M. Epp, parce qu'il me semble qu'il y a une nette différence avec le commissaire qui reçoit la plainte, qui mène l'enquête et qui, ayant décidé que la plainte est fondée, décide de convoquer une audience. Jusqu'à ce moment-là, rien ne serait public. C'est très important. Je soutiens que nous sommes dans la vie publique et que nous sommes peut-être scrutés à la loupe plus que d'autres. Voyez ce qui se passe actuellement. C'est public de toute manière et il n'y a aucun processus. Ce ne sont qu'insinuations et allégations, c'est contrôlé par les médias, et il me semble que nous avons actuellement le pire scénario possible. C'est tout à fait public et la personne qui fait l'objet de la plainte a très peu de recours pour se défendre dans le cadre d'une procédure établie. Par conséquent, je ne m'inquiéterais pas trop que ce soit public, pourvu qu'il y ait une procédure établie.

    Je veux maintenant soulever une autre question. Marlene, vous ne pourrez peut-être pas y répondre, mais peut-être que les recherchistes le pourront. Savons-nous si, dans d'autres pays, la plupart des plaintes ont à voir avec des activités commerciales? Est-ce dans ce domaine que surgissent la plupart des problèmes d'éthique? Sinon, quoi d'autre? Je suis simplement curieuse de le savoir. Est-ce que quelqu'un a fait cette recherche, au Canada ou dans d'autres régimes parlementaires?

+-

    Le président: D'après les commissaires que nous avons entendus l'autre jour, il me semble bien que cela a beaucoup à voir avec le monde des affaires et les professions et tout cela. Au niveau provincial, mais non pas au niveau fédéral--nous entendrons au moins un témoin plus tard qui nous parlera du niveau fédéral--un pourcentage très élevé de leur travail se situait au premier palier évoqué par Marlene, c'est du moins mon impression. Il s'agit de donner des conseils, de faire de la prévention, de résoudre de manière appropriée divers dossiers. En fait, je pense que l'un d'entre eux a même évoqué le cas d'un député qui a décidé de démissionner, non pas parce qu'il avait fait quelque chose de mal, mais parce qu'il ou elle voulait prendre certaines décisions d'affaires.

    Libby, allez-y.

+-

    Mme Libby Davies: Je n'ai pas d'autres questions.

+-

    Le président: Je vais mettre fin à la séance dans un instant, collègues, mais pour revenir à ce qu'on disait au sujet des freins et contrepoids, on me dit qu'il existe au Québec un poste dont le titulaire s'appelle jurisconsulte. Nous avons appris que le Québec n'a pas de commissaire de ce type, mais je crois comprendre que les députés à l'assemblée nationale peuvent s'adresser à une compagnie privée pour obtenir des conseils. Le jurisconsulte au Québec établit que si un membre de l'assemblée nationale a demandé conseil et que les faits qu'on lui a présentés sont corrects, le député est protégé contre toute poursuite judiciaire s'il a suivi le conseil en question. Je trouvais qu'il fallait donner cette précision publiquement.

¾  -(2005)  

+-

    Mme Marlene Jennings: Je vous en remercie. Je pense que le comité devrait se pencher sur cette question. Dans l'exemple donné par M. Epp, si le député a suivi le conseil qu'on lui a donné, devrait-il être protégé contre toute poursuite?

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Collègues, observateurs, je tiens à vous remercier d'avoir été présents ce soir. Ce débat a contribué utilement à notre démarche. Comme je l'ai dit au début, c'était notre quatrième réunion. Nous en avons prévu d'autres, nous entendrons d'autres témoins. Nous espérons sincèrement avoir quelque chose d'utile à proposer à la Chambre des communes, puisque le Sénat se penche lui-même sur cette question de son côté.

    Marlene veut ajouter un dernier mot, je crois.

+-

    Mme Marlene Jennings: Je veux seulement remercier les membres du comité de m'avoir écoutée et je remercie tous ceux qui ont posé des questions réfléchies, y compris les membres du personnel. Vous m'avez forcée à réfléchir à certains points auxquels je ne m'étais pas attardé, touchant particulièrement les parlementaires, par opposition à d'autres domaines d'activité, et je me sens d'autant plus en confiance, en tant que parlementaire, parce que je sais que c'est vous, spécifiquement, qui étudiez le dossier. Le fait que vous ayez posé beaucoup de bonnes questions et que vous réfléchissiez au problème m'inspire grandement confiance. Je tiens à vous en remercier.

-

    Le président: Merci beaucoup, Marlene.

    Collègues, à notre réunion de demain, qui aura lieu à 11 heures dans notre salle habituelle, le 112 Nord, la première heure sera consacrée à cette question, après quoi nous passerons à l'étude de la réforme des affaires émanant des députés dont nous discutons.

    La séance est levée.